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Les psychothérapies comme expériences conscientes

(III) : Hypnose et phénoménologie : l’ouverture des


possibilités du Dasein.
Jean Vion-Dury, Gaëlle Mougin

To cite this version:


Jean Vion-Dury, Gaëlle Mougin. Les psychothérapies comme expériences conscientes (III) : Hypnose
et phénoménologie : l’ouverture des possibilités du Dasein.. PSN - psychiatrie, sciences humaines,
neurosciences, Springer Verlag - Editions matériologiques 2020, 18 (1), pp.27-55. �hal-02099444v2�

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Les psychothérapies comme expériences conscientes (III) :
Hypnose et phénoménologie : l’ouverture des possibilités du Dasein.




Jean Vion-Dury ($)
Gaëlle Mougin

Aix Marseille Univ, CNRS, PRISM, Marseille, France . (UMR 7061 : Perception, Représentations, Image,
Son, Musique ).

($) : auteur correspondant


1
RESUME.


Dans ce second article sur l’hypnose, nous laissons de côté les théories explicatives pour nous consacrer à
la compréhension en profondeur du processus hypnotique, et plus précisément à la phénoménologie de
cette pratique, c’est-à-dire à l’expérience de ce qu’est l’hypnose. La voie a été tracée par trois grandes
figures : Jung, Erickson et Roustang. Le premier par sa conception de la pensée humaine et l’utilisation de
l’auto-hypnose, le second par son approche athéorique et pragmatique, le dernier par son sens de
l’incarnation et de la synthèse et par sa proposition de faire de l’hypnose un mode de vie. Chez François
Routang, quand il décrit la perceptude et la veille généralisée, l’hypnose apparait étroitement reliée à la fois
à la vie du nourrisson et à la pensée phénoménologique de l’épochè (Husserl). Mais plus encore Roustang
est influencé par la pensée heideggérienne et les pensées orientales ce qui donne à l’hypnose le sens d’une
philosophie. Enfin nous proposerons que l’explicitation phénoménologique de l’expérience consciente
requiert un mode de pensée de type hypnotique et qu’il est également possible de mettre au point une
hypnose phénoménologique.

Mots clés :

Hypnose, phénoménologie, psychanalyse, philosophie, Jung, Roustang, Erickson.




SUMMARY

In this second article on hypnosis we leave aside the explanatory theories to devote ourselves to the in-
depth understanding of the hypnotic process, and more precisely to the phenomenology of this practice, i.e.
hypnosis as experience ? The way has been traced by three great figures: Jung, Erickson and Roustang. The
first by his conception of human thought and the use of self-hypnosis, the second by his atheoric and
pragmatic approach, the last by his sense of incarnation and synthesis and by his proposal to make hypnosis
a way of life. In François Routang, when he describes perceptude and generalized sleep, hypnosis appears
to be closely related to both the life of the infant and the phenomenological thought of the epoche (Husserl).
But even more, Rustang is influenced by Heideggerian philosophy and oriental thought, which gives
hypnosis the meaning of a philosophy. Finally, we propose that the phenomenological explicitation of
conscious experience requires a hypnotic mode of consciousness and that it is also possible to develop a
phenomenological hypnosis.

Keywords :

Hypnosis, Phenomenology, Psychoanalysis, Philosophy, Jung, Roustang, Erickson.


2
1) Introduction : un tournant mélancolique dans la psychologie ?

Dans un premier article consacré à l’épistémologie du phénomène hypnotique [57] et dans lequel nous
continuions notre exploration des psychothérapies comme expériences conscientes, nous avons souligné la
multiplicité des théories sur l’hypnose et le fait qu’aucune ne se dégage comme absolument pertinente,
chacune apportant un regard particulier mais en aucun cas décisif quant à l’explication du phénomène
hypnotique. Nous en avions conclu que ces différentes théories finalement ne mettent en évidence que des
propriétés ou des aspects particuliers de l’hypnose, tous partiellement justes, mais s’avèrent étonnamment
impuissantes à en fournir une explication globale.

Incidemment, une impression inattendue a surgi en nous, lors de la relecture de ce premier texte. À partir
du paragraphe sur les théories contemporaines de l’hypnose et sans que nous ayons changé volontairement
de style ou de rédacteur, l’ambiance du texte nous semble avoir subtilement changé : celui-ci nous est
apparu moins vivant, plus terne, plus creux, comme si l’énoncé des différentes théories les montraient dans
leur sécheresse scientifique, par comparaison aux théories psychanalytiques ou même aux théories plus
anciennes. En d’autres termes, on pourrait avancer que la description des théories de psychologie cognitive
et expérimentale performe une qualité qui en définitive leur est propre : elles sont désincarnées, elles ne
parlent pas de ce qui est vécu dans le moment d’hypnose mais, comme c’était d’ailleurs le cas avec les
théories cognitivistes du neurofeedback [55], elles sont intrinsèquement mécanistes, traitant l’humain
comme un animal muni de processus cybernétiques, de circuiteries neuronales, d’algorithmes de pensée
finalement dénués de vie censés expliquer le fonctionnement mental [11, 53].
Il nous faut nous interroger sur la signification de cette constatation. Soit que, inconsciemment, nos efforts
d’objectivité scientifique et de présentation équitable des diverses théories aient été recouverts par un parti
pris envers des théories moins scientifiques - ou moins dogmatiques -, soit que, finalement, la psychologie
cognitive qui s’est développée dans les années cinquante avec la cybernétique est profondément et
intrinsèquement mélancolique, nie la vie et chemine de concert avec la numérisation progressive de
l’humain et du monde, finalement sa zombification [7]. Cette critique est largement partagée, non seulement
par les épistémologues mais plus largement par certains psychanalystes, ou sociologues. Ainsi, « la
deshumanisation est en marche : les « psychistes », tous ceux qui veillent au développement, à
l’accompagnement ou à la restauration du psychisme humain, ne peuvent accepter passivement ce
processus politique mondial d’anonymisation, de désubjectivisation, de dépersonnalisation » [50, p.15].
Cette modernité qui est celle de notre société du XXIème siècle est celle d’une « catastrophe de la
résonance », ce mode de relation au monde qui unit affection et émotion et ne s’arrête pas à la rationalité et
à la computation [43, p. 200]. D’autres penseurs comme Henry [18] ou Rey [41] ont analysé ce phénomène.
Il y a donc toute une frange de chercheurs qui réfutent cette évolution que sous-tendent à la fois les sciences
cognitives et la pensée de l’informatique. N’oublions pas que le mot informatique vient de la contraction
d’« information » et « automatique » et que cela en dit long sur le programme des sciences cognitives,
computationnelles et connexionnistes et dont le modèle est celui de l’ordinateur [53].
Il nous semble devoir rechercher l’origine de ce tournant mélancolique de la psychologie dans le second
conflit mondial qui a fait perdre à l’humanité, notamment européenne, une texture anthropologique pour
la remplacer par une autre caractérisée par une volonté de comprendre et de contrôler des affects dont le
débordement a eu, dans les années 30-45, les conséquences que l’on sait.

C’est pourquoi ce troisième article sur les psychothérapies comme expériences conscientes voudrait laisser
de côté les théories explicatives sur l’hypnose pour se consacrer à sa compréhension en profondeur, et plus
précisément à la phénoménologie de cette pratique, c’est-à-dire à l’expérience de ce qu’est l’hypnose, dans
une perspective anthropologique. À vrai dire, la voie a été tracée par trois grandes figures : Jung, Erickson
et Roustang. Le premier par sa conception de la pensée humaine et l’utilisation de l’auto-hypnose, le second
par son approche a-théorique et pragmatique, le dernier par son sens de l’incarnation et de la synthèse et
par sa proposition de faire de l’hypnose un mode de vie. Mais il convient tout d’abord de préciser quelques
points fondamentaux d’ordre épistémologique et philosophique.


2) État de conscience et hypnose : peut-être un faux problème.

Dans le débat qui traverse les théories de l’hypnose, nous avons vu [57] que l’un des deux pôles consistait à
postuler que l’hypnose est un état de conscience modifié. Notons d’abord qu’envisager une approche
phénoménologique de l’hypnose (en tout cas si l’on aborde la phénoménologie à la manière de Husserl),
c’est prendre parti d’emblée et d’une certaine manière dans le débat, puisque il n’y a de phénoménologie

3
qu’en lien avec la description des processus conscients (par définition du phénomène comme étant qui
apparait à la conscience [32, p. 765].

Cela soulève deux problèmes : qu’est-ce qu’un état, qu’est-ce qu’une conscience ? Car ce qui apparaît est
que, dans leurs débats, les tenants des diverses théories avalisent le fait qu’on puisse parler ou non d’état
de conscience modifié sans en questionner les concepts ni se demander si les termes du débat sont bien
posés. La problématique des états modifiés de conscience peut ainsi recevoir deux critiques majeures.

A) Le problème lié au mot « état ».

Tout d’abord, penser la conscience dans un état donné relève d’une pensée dérivée de la thermodynamique
suggérant une stabilité (macroscopique) du système étudié [2, p. 304] 1 . Mais cela soulève plusieurs
difficultés : a) la nature du système dont on voudrait étudier l’état n’est pas clarifiée ; b) au mieux que cette
stabilité est comportementale, c’est-à-dire qu’elle relève de la description clinique de réponses conçues
comme des indices de conscience ; c) cette stabilité ne peut être une stabilité cérébrale puisque le cerveau
n’est stable (et encore) que macroscopiquement ; d)enfin, cette stabilité est incompatible avec la variabilité
fluente de l’expérience consciente que l’on ressent quand on y prête attention et que Bergson [2, p. 76 ],
Husserl [21, p. 277] et tant d’autres ont décrite. Le terme d’état de conscience est un terme plus adapté à la
neurologie des comas, c’est-à-dire à une clinique plus pragmatique que soucieuse de la finesse des
processus physiologiques sous-tendant l’évolution du patient. D’ailleurs, il est maintenant acquis que lors
des états végétatifs persistants, on observe des îlots corticaux fonctionnels [59], ce qui limite la notion d’état
au simple aspect de réponse comportementale, étant entendu, en plus, que les variations rapides possibles
de ces réponses comportementales ne sont pas prises en compte. C’est pour cette raison que nous avons
préféré la notion de modalisation de conscience [54], terme utilisé par Husserl [24], car dans modalisation
on perçoit la racine « mode », c’est-à-dire une guise, une manière de se présenter, et le suffixe « -alisation »
indiquant un processus dynamique. L’hypnose apparaît alors comme une des guises possibles
(modalisations) de la conscience

B) Le problème lié au mot « conscience ».

Parmi les difficultés actuelles des neurosciences, la conscience est l’une des plus ardues, pour deux raisons
principalement. La première est que les neurosciences cognitives contemporaines ont les pires difficultés à
définir la notion de conscience : selon le point de vue, elle est pensée soit comme un phénomène physique
(éventuellement quantique), soit comme une fonction cérébrale soit comme un épiphénomène (voir pour
une synthèse philosophique [6]. La seconde est que les neurosciences (physicalistes par essence) sont
incapables de fournir une quelconque explication à propos de comment un processus physico-chimique (le
fonctionnement cérébral) peut engendrer quelque chose qui ne relève pas de la physico-chimie (la pensée,
la conscience) et qui est d’une tout autre nature ontologique. C’est ce qu’on appelle le fossé explicatif des
neurosciences ou « hard problem » [13, p. 243 et suivantes].

Mais il faut aller plus loin et apporter ici une nuance essentielle entre « conscience » et « expérience
consciente ». Quand on parle de conscience on l’envisage comme un objet d’étude, comme quelque chose
qui serait posé là devant nous et que l’on pourrait observer de plus ou moins loin. Or, qui objectiverait la
conscience sinon un sujet doté de conscience disposant du concept pour nommer précisément ce qu’il
étudie, dans une expérience qui serait somme toute consciente ? On voit bien que le mot expérience
consciente renvoie radicalement à celui qui la fait et que, là, le mot « consciente » qualifie l’expérience. Et
comme le mentionne Bitbol, « l’expérience consciente n’est pas quelque chose d’isolable par une
dénomination ou une prédication. Elle n’est ni un objet, ni une propriété, ni un phénomène, et pourtant, elle
n’est pas rien !... Elle n’est pas un apparaissant mais le fait intégral de l’apparaître…C’est le prérequis, cet
amont effectif de chaque investigation et de chaque attribution de sens à l’action » [6, p. 10 et 11]. Et donc
parler de conscience renvoie, pour le phénoménologue, non pas à l’étude de l’ob-jet « conscience » mais à la
minutieuse description de l’expérience conscience d’un sujet humain, dans un temps et un contexte donnés.

Et de ce fait la phénoménologie de l’hypnose ne peut que considérer le phénomène hypnotique dès le départ

1 Une transformation est le passage d’un système d’un état, dit initial à un autre état dit final. Elle n’est
définie que si ces deux états sont eux-mêmes définis et si l’on dispose à leur sujet des informations
nécessaires pour pouvoir les reproduire identiquement. Pratiquement un état est défini par l’ensemble des
valeurs d’un certain nombre de variables macroscopiques appelées, pour cette raison, variables d’état.

4
et jusqu’au bout comme une expérience consciente impliquant toutes les dimensions de celle-ci, y compris
la part inconsciente qui peut s’y révéler.

C) L’hypnose : un problème philosophique.

Ainsi, comme le souligne Bitbol, si l’expérience consciente est à la racine même de toute investigation, il ne
s’agit plus d’un problème scientifique mais fondamentalement d’un problème philosophique [6, p. 11]
reléguant au second plan les explications à prétention scientifique, dont on a vu, concernant l’hypnose,
l’intrinsèque faiblesse et la déplorable incohérence.

On pourrait alors proposer que, loin d’être un mécanisme de type cybernétique ou une série d’activations
dans des circuits cérébraux (qui ne sont que des indices plus ou moins modélisés d’une expérience
consciente), la transe relève du monde de la vie, en émerge et le restitue autrement. « Le monde de la vie
est caractérisé de part en part précisément par ceci qu’il peut être effectivement éprouvé » [26, p. 144-145]
[59] 2. Et selon lui, le monde de la vie se donne dans l’intuition ; il est un domaine d’évidences originaires,
alors que le monde objectif (des sciences) est une substruction théorético-logique. Dès lors que l’on est dans
le monde de la vie, dans ces évidences originaires données dans l’intuition et donc en ce sens et pour cela
infiniment subjectives, la recherche des preuves est vaine et bien souvent absurde. Car concernant
l’éprouvé originaire dans la conscience impressionnelle [23, p. 44 ; 19, p. 70], il ne peut y avoir de discussion,
de débat sur ce qui a été vécu : c’est l’expérience même qui a traversé celui qui la vit. Et donc le seul moyen
d’en parler dans le monde commun relève du témoignage et non de la preuve, de la monstration et non de
la démonstration. Et c’est à ce point-là qu’une explication théorique du phénomène hypnotique est difficile
car, alors, la notion de science se dilue dans la variété des expériences individuelles et il ne ressort dans la
science que des structures générales de l’expérience, de vagues squelettes communs déshabités par la chair
vivante.

Si l’on donne droit à la phénoménologie3 d’être cette partie de la philosophie qui, depuis Kant et Hegel, mais
surtout et principalement Husserl, décrit l’expérience consciente, l’immanence pure, comme amont
irréductible de toute possibilité de connaissance scientifique [22], alors une meilleure connaissance du
phénomène hypnotique peut (et doit) passer par la phénoménologie. D’ailleurs, dans ce contexte, plus une
compréhension (comme saisie globale des caractères qui appartiennent à un concept [32, p. 157]) qu’une
explication (comme recherche de causes subsumées sous des lois [38, p. 67]) est alors recherchée. C’est en
ce sens que la pensée psychanalytique est initialement proche de la phénoménologie car les descriptions
cliniques de Freud sont profondément incarnées, comme des histoires de vie et non des grands principes
fonctionnels. Sans doute peut-on critiquer ou récuser les constructions théoriques secondaires que Freud a
construites à partir des cas singuliers lesquelles créent un paradigme contraignant les observations, mais
si l’on s’intéresse au point de départ, ces théories sont basées sur des fragments de vie et non sur des
expérimentations élaborées à partir de modèles hypothétiques préalables. Ce n’est évidemment pas le cas
de la psychologie expérimentale et des neurosciences cognitives, toutes entières tournées vers la recherche
des causes et des corrélats et dont l’activité est conditionnée par un modèle théorique préalable dans un
paradigme scientifique donné.

Ce que nous permet de faire la phénoménologie est une démarche en deux temps. Par Husserl elle nous fait
passer de la conscience comme objet d’étude psychologique à la conscience au sens large du cogito cartésien
(c’est-à-dire de la pensée): « je perçois, je me souviens, j’imagine, je juge, je sens , désire veux , et de même
tous les vécus subjectifs, semblables, avec leurs ramifications innombrables et fluantes » [21, p. 110]. C’est
ainsi l’expérience consciente et non l’objet « conscience » qui constitue la condition de possibilité de toute
connaissance qu’il convient de décrire. Dès lors les débats sur ce qu’est l’hypnose (état de conscience ou
processus psycho-social) qui ont lieu en psychologie cognitive ou en neurosciences sont rendus caducs,
puisque désormais la question se pose dans les termes seuls : « Qu’est-ce que cela me fait d’être en
hypnose ? » en adoptant la position transcendantale. Puis, par Heidegger, la phénoménologie dans sa
seconde version nous sort définitivement de la problématique de la conscience pour nous placer sur celle
de l’être de l’homme, l’Etre-là ou Dasein, repensant ainsi la métaphysique occidentale à nouveaux frais et
nous faisant rentrer dans la problématique de l’entre (l’Aida de Kimura), fondement du processus
psychothérapeutique.


2 Voir aussi l’introduction et la première méditation des méditations cartésiennes [25].
3 Au sens de philosophie phénoménologique.

5

3) Jung et la double dimension de la pensée humaine.

Carl Gustav Jung est incontestablement un des grands thérapeutes du XXème siècle. Ce médecin, élève de
Bleuler puis de Freud, avec lequel il a rompu au bout de 7 années de coopération, a ouvert des voies de
pensée et de recherche extraordinairement originales. Jung, fils de pasteur a toujours éclairé sa conception
de la psychologie par la philosophie et la religion, y compris dans ses recherches notamment sur
l’inconscient collectif ou les synchronies. Il y a tout au long de sa pensée, la reconnaissance dans l'homme
d'une dimension qui « passe infiniment l'homme » limité à l'ego. C’est ce qui caractérise la psychologie
analytique, encore dite « complexe » ou « des profondeurs », par opposition à la psychanalyse freudienne
[40]. Jung d’ailleurs affirme : « la dominante suprême de la psyché est toujours de nature philosophico-
religieuse » [27, p. 306]. Comment ne pas voir dans cette approche une indication pour notre réflexion sur
l’hypnose et plus généralement la transe ?
À vrai dire, dans cette réflexion sur la phénoménologie de l’hypnose, ce ne sont pas les concepts clés de la
pensée jungienne qui nous intéressent mais plutôt, d’une part le fait qu’il se tient sur un plan
phénoménologique en s’interdisant une problématisation métaphysique, d’autre part que sa pensée de la
psyché est essentiellement dynamique (il emploie les termes de devenir (Werden) et de transformation
(Wandlung) [40], et enfin et surtout sa conception de la pensée humaine.

Jung décrit deux types de pensées. Le premier type est la pensée dirigée ou logique qui nous permet de nous
adapter au réel et dans laquelle nous « imitons la succession de la réalité objective, de sorte que dans notre
tête, les images obéissent à la rigoureuse série causale qui commande les évènements en dehors d’elle » [29,
p .58]. Cette pensée dirigée génère le langage qui la porte sous la forme d’une langue idéelle. Cette pensée
en mots est selon Jung l’instrument de la culture. C’est aussi celle de la science. L’éducation, pendant des
siècles a transformé la pensée dirigée pour la dégager de la subjectivité individuelle et la conduire à
l’objectivité sociale [idem, p. 64]. L’autre pensée est la pensée non dirigée, sans contrôle, qui unit des
données concrètes et non des abstractions. À la place des mots se succédant aux mots, apparaissent des
images qui succèdent aux images, des sentiments qui succèdent aux sentiments. C’est ce qu’on appelle rêver
dans le langage courant. Cette pensée non dirigée, c’est-à-dire le rêve et le fantasme, libère les tendances
subjectives et ne produit rien qui serve à l’adaptation [idem, p, 67]. C’est la pensée de la mythologie, c’est
également la pensée infantile.
« La pensée dirigée est un phénomène absolument conscient. On ne peut dire la même chose de la pensée
imaginative [non dirigée]. Une grande partie de ses contenus appartient au domaine de la conscience ; mais
une quantité aussi importante se déroule dans la pénombre et même absolument dans l’inconscient et, par
la suite, on ne peut les découvrir qu’au moyen d’intermédiaires. C’est à travers la pensée imaginative que
s’établit la liaison entre la pensée dirigée et les « couches » les plus lointaines de l’esprit humain, depuis
longtemps enfouies en dessous du seuil de la conscience. Les produits imaginatifs qui préoccupent
directement la conscience sont les rêves de la veille ou les fantaisies diurnes que Freud, Flournoy, Pick et
autres ont étudiés avec une attention particulière ; puis viennent les rêves qui n’offrent d’abord à la
conscience qu’une façade énigmatique et ne prennent de signification qu’à partir du moment où des
intermédiaires permettent d’en inférer les contenus inconscients. Enfin il y a des systèmes imaginatifs pour
ainsi dire totalement inconscients dans un complexe devenu autonome qui présentent une tendance à
constituer une personnalité à part » [29 ,p. 82-83].
Dans cette longue citation, qui décrit phénoménologiquement comment se déploie notre pensée, nous avons
le substratum des processus hypnotiques : cette oscillation dynamique entre la pensée dirigée et la pensée
imaginative de la transe dans laquelle les produits imaginatifs génèrent un monde recomposé, qui de ce fait
est thérapeutique. Ainsi les consciences réflexive et non réflexive husserlienne [21,p. 147] trouvent-elles
un parallèle psychologique pertinent dans lequel le phénomène hypnotique trouve sa place, sous la forme
d’une modalisation particulière de la conscience [24]. Plus encore, la pensée se trouve libérée quand
l’épochè des contenus de la pensée dirigée survient.
Enfin, cette pensée non dirigée, si puissante dans le phénomène de guérison par l’hypnose, est une pensée
analogique [10]. (Descola, 2015), un type de pensée qui a généré des cosmologies et en particulier la
conception du monde du Moyen Âge occidental ainsi que celle de la Chine ancienne. Or la pensée
chamanique se meut dans l’analogie animale ou terrestre [52] et crée des mondes dans lesquels des
phénomènes qu’interdit la pensée dirigée peuvent survenir, des phénomènes à proprement parler
renversants.


4) L’approche a-théorique d‘Erickson

6

Milton Erickson (1901-1980) psychiatre américain est considéré comme un génie de la psychothérapie et
un des refondateurs de l’hypnose. Frappé par la poliomyélite à l’âge de 17 ans puis à nouveau à l’âge de 51
ans, dyslexique, partiellement sourd pour certains sons, daltonien, sujet à des vertiges et à des troubles de
l’orientation, ses maladies (et en particulier la poliomyélite) lui ont permis d’expérimenter l’autohypnose
et de pallier, grâce à celle-ci, ses déficits neurologiques. Nous nous inspirerons dans ce paragraphe de textes
[12] et de la thèse de Virot [58].

A) L’inconscient comme remède.

Erickson fait partie de ceux qui pensent que l’hypnose est un état de conscience modifié. Plus encore, le fait
qu’il insiste sur le fait que le thérapeute lui-même se met en état de transe (plus légère que celle du patient)
afin d’être plus proche et plus sensible aux processus non verbaux en train de se produire dans le moment
thérapeutique donne une nouvelle dimension à l’hypnose comme état de conscience modifié et partagé dans
la thérapie.
Pour Erickson, l’hypnose peut être considérée comme un état de concentration intérieure dans lequel le
processus conscient est focalisé sur une seule idée ou un seul train de pensée et devient indifférent à toute
autre considération. Pendant qu’une partie est activée, le reste est « dépotentialisé », entraînant une
dissociation entre différents états de conscience. Les facultés conscientes étant dépotentialisées, elles
libèrent d’autres possibilités de fonctionnement psychique qui sont habituellement considérées comme
inconscientes. Se produit ainsi une dissociation entre conscient et inconscient, dissociation qu’il a
expérimentée et théorisée en particulier dans le double lien thérapeutique [12,p. 120]. En ce sens Erickson
s’inscrit dans la lignée de Janet [57]. L’hypnose définie ainsi comme dissociation des différentes réalités
d’un individu peut être fugace, instantanée, se cacher au détour d’une brève confusion, d’un paradoxe si
anodin qu’involontaire, d’un déplacement de la résistance, d’une prescription. Ainsi une surprenante fixité
du regard, l’absence de clignement, l’hyperconcentration focalisée signent une dissociation hypnotique qui
peut ne durer que quelques secondes [29 ,p. 37].

L’inconscient d’Erickson n’a pas la structure ou le fonctionnement de l’inconscient freudien. Chez Erickson
ce terme doit être pris dans le sens de non-conscient, le conscient étant défini comme ce qui est directement
accessible à notre système de pensée rationnelle et discursive parfois appelé « la raison ». L’inconscient est
ce que nous ne savons pas que nous savons4. Cet inconscient, nullement pensé comme celui de Freud et de
l’école psychanalytique, est positif, actif, fiable interactif avec le conscient et il contient les solutions dont le
patient a besoin. C’est l’inconscient qui résout les problèmes du patient, un inconscient qui possède
d’importantes capacités que l’hypnose permet de dévoiler ou d’utiliser dans le contexte clinique. On voit
que l’inconscient selon Erickson n’est pas si éloigné de la pensée libre de Jung.

Un aspect du génie d’Erickson est le fait qu’il comprit puis utilisa le langage spécifique de l’inconscient. En
effet, si la transe hypnotique est considérée depuis longtemps comme une ouverture sur l’inconscient, c’est
le langage rationnel qui était le plus souvent utilisé dans les psychothérapies comme si conscient et
inconscient utilisaient un seul et même langage, en particulier dans les suggestions autoritaires [58 ,p. 70-
72]. Or le langage de l’inconscient n’est pas le langage logique de la pensée rationnelle. Ce sont les rêves, les
images, le langage analogique dont font partie les métaphores et autres figures rhétoriques [31] ainsi que
le langage non verbal (la mimo-gestualité : cf. [9]). Pour Erickson, toucher l’inconscient dans le moment de
la transe, c’est dialoguer avec lui dans son langage.
C’est ainsi que la thérapie, pour Erickson, vise avant tout à l’émergence de réponses inconscientes et
l’hypnose permet à l’inconscient de s’exprimer après avoir réduit le filtrage des réponses par les processus
conscients. Et c’est à partir de ce niveau inconscient qu’il faut essayer d’initier le changement, la
conceptualisation pouvant se faire secondairement par le patient à partir de ses critères personnels.

4 « Ce sont les règles sociales et culturelles que nous utilisons, spontanément, dans toutes nos relations et
que nous serions bien en peine d’énoncer ; ce sont les expériences passées que nous pensons avoir oubliées,
les sentiments et émotions qui les accompagnaient dont une empreinte fidèle est conservée, comme les
expérimentations en état d’hypnose l’ont prouvé ; ce sont nos gestes, actes, comportements soit
automatiques s’ils ont d’abord été volontairement appris puis engrammés pour qu’ils puissent être
effectués sans occuper la conscience, soit involontaires s’il n’y a jamais eu passage par la conscience ; c’est
encore l’essentiel du langage non-verbal qui est un appareil de communication complet pouvant se suffire
à lui-même ou accompagner le langage verbal et qui est au cœur de toutes nos relations » [58 ,p. 70].

7
En d’autres termes, c’est à une réorganisation des processus inconscients que l’hypnose ericksonnienne
conduit et l’on voit à quel point ceci diffère de la psychanalyse, méthode d’investigation psychique qui n’est
thérapeutique que de surcroît [5]. Ainsi, « Erickson concevait son rôle de thérapeute comme celui d’un
créateur, créateur de contexte, contexte qui peut permettre à une personne, avec son histoire, ses
demandes, d’utiliser les ressources dont elle a jusque-là appris à ne pas se servir » (Godin et Malarevicz,
cités par Virot [58 ,p. 77].
Comme pour Jung (cf supra), on notera chez Erickson la relative proximité de la notion d’inconscient chez
Erickson avec celle de conscience non réflexive chez Husserl, bien que ce dernier ne pense en aucune
manière l’investigation de cette conscience non réflexive comme base d’un processus thérapeutique.

B) L’hypnose éricksonnienne.

Erickson révolutionna l’hypnose sur différents plans en s’écartant dès le début des conceptions classiques.
Pour lui, la transe et la suggestion hypnotique sont deux phénomènes séparés qui peuvent ou non être
associés dans un moment donné chez un individu donné [12 ,p. 52]. Dès ses premières recherches, il
transforme la vieille conception autoritaire de l’hypnose en une approche permissive et utilisationnelle et
considère l’état de transe hypnotique comme un état de complexité dynamique et d’individualité où les
propres capacités de la personne peuvent être utilisées pour faciliter le processus de guérison.
Du fait de ses postulats fondamentaux (adaptation au patient, attention au contexte et non seulement au
symptôme, statut et rôle de l’inconscient), l’hypnose Ericksonnienne est souple et, contrairement à nombre
de pratiques classiques, elle est non directive, permissive, utilisant le saupoudrage de formulations banales,
les métaphores, la surprise, les dilemmes, le double lien 5 (c’est-à-dire le choix illusoire) entre deux
possibilités dont), des paradoxes ou des formulations relevant de niveaux logiques différents ainsi, comme
nous l’avons dit, la communication non verbale. Alors que les suggestions classiques s’adressent aux
processus conscients, les suggestions ericksonniennes s’adressent aux processus inconscients par les
moyens que nous venons d’évoquer [58 ,p. 46].

Alors que la problématique de l’hypnose classique était de s’attaquer au symptôme dans le cadre du
triptyque hypnose/suggestion/traitement symptomatique (et on rappelle que l’évolution de Freud vers la
fondation de la psychanalyse semble être en lien avec le rejet de ce triptyque [5], l’hypnose ericksonnienne
se déploie au contraire dans une stratégie adaptant le choix des actions aux besoins du patient, à sa
problématique spécifique et à son contexte.

C) Une épistémologie de la complexité.

Une caractéristique importante de la pensée éricksonnienne est sa proximité avec l’école de Palo Alto qui
conçoit la communication comme un élément majeur du comportement humain en particulier la
communication non verbale entre le patient et son thérapeute. La proximité d’Erickson et de l’école de Palo
Alto, notamment avec Bateson, l’a amené à penser l’hypnose dans le paradigme constructiviste développé
dans cette école notamment avec les travaux de Von Foerster [33].

Ainsi, pour Erickson, l’hypnose ne traite pas un symptôme mais un système relationnel complexe au centre
duquel est situé le patient. Dès lors la technique de l’hypnose se comprend dans une stratégie globale
construite pour qu’un changement puisse survenir chez le patient dans son contexte, contexte dans lequel
est inclus le thérapeute. Ce que nous pensons être la réalité du patient n’est, en fait, qu’une partie de la
réalité totale du patient, une image que nous avons construite à partir de notre observation et dans laquelle
nous sommes inclus, comme c’est le cas dans l’épistémologie de la complexité (ou épistémologie quantique).
Dès lors que l’on conçoit un système associant le patient (dans ses contextes professionnel, familial ou
autre), son symptôme et le thérapeute (lui aussi avec ses contextes), l’hypnose est pensée dans une
dynamique interactionniste qui superpose ces contextes. « La démarche éricksonnienne ne repose pas sur
la recherche de l’origine des troubles mais sur la création d’un contexte dans lequel un changement peut
prendre place. Ceci va bien au-delà d’une pratique différente, il s’agit d’un saut épistémologique d’une

5 Un lien simple donne le choix entre deux alternatives comparables : quel que soit le choix que le patient

fera, il conduira le comportement dans la direction désirée : « voulez vous entrer en transe maintenant ou
dans quelques minutes ». Le double lien au contraire donne au patient la possibilité d’opter pour un
comportement qui est au delà de la portée habituelle de ses choix et de son contrôle conscient. Par
exemple : »si votre inconscient veut entrer en transe, votre main droite va s’élever, sinon c’est votre main
gauche qui s’élèvera » [12 ,p. 105-115].

8
conception intrapsychique, descriptive et explicative à une conception contextuelle, communicationnelle et
dynamique du trouble psychique et de l’intervention thérapeutique » [58 ,p. 95].
Le symptôme apparaît ainsi comme le « porte-parole » du patient et cette conception s’oppose au
réductionnisme de la nosographie et du diagnostic qui ne parlent pas d’un individu vivant dans un contexte.
Dans le réductionnisme, le tout (l’individu) et la partie (les symptômes) sont confondus et la clinique se
trouve alors démunie lorsqu’un symptôme ne « rentre » pas dans le tableau théorique qui veut que chaque
structure s’exprime par tel symptôme et non par tel autre.

L’aspect a-théorique d’Erickson concernant l’hypnose est un des aspects qui le rapproche de la position
phénoménologique. Être a-théorique c’est d’une certaine manière adopter la méthode de l’épochè (la
suspension de l’attitude naturelle, habituelle) pour laisser venir le phénomène tel qu’en lui-même, c’est-à-
dire en fait le patient dans sa globalité tel qu’il se présente ici et maintenant. Pour autant nous n’avons pas
retrouvé de textes indiquant qu’Erickson ait pu s’intéresser à la phénoménologie philosophique. Mais cette
position a-théorique l’amène à considérer qu’il est essentiel pour le thérapeute de s’adapter à chaque
patient et de pratiquer une hypnose non contrainte dont le déroulement sera déterminé par ce qu’apporte
le patient et non par une approche théorique spécifique préalable. Ce n’est pas par sa capacité à manipuler
un modèle théorique élaboré quelconque qu’Erickson donne confiance au patient mais en l’abordant dans
sa réalité humaine immédiate, attitude qui donne au patient le sentiment d’être compris dans sa souffrance
actuelle [58 ,p. 29].

On saisit ici le fossé qui sépare la position d’Erickson des différentes positions et théories de psychologie
cognitive présentées dans le premier article sur l’hypnose. Deux mondes se font face : celui de
l’expérimentation scientifique visant l’universel et celui de la pratique clinique qui vise à l’individuel et à la
relation intersubjective, par définition insaisissable et mystérieuse, qui est à la base de toute thérapeutique
psychologique.


5) Roustang et l’hypnose comme philosophie

Il est des livres dont la lecture ouvre un espace nouveau dans lequel la pensée s’engouffre comme Alice dans
le souterrain, pour y découvrir en quelques pages un monde inconnu mais qui contient tant de choses
familières qu’on s’étonne de ne les y avoir pas alors remarquées. Des choses si simples que le maître vous
les montre sans en avoir l’air. C’est le cas de « Qu’est-ce que l‘hypnose » de François Roustang [46]. Ce
penseur de la psychothérapie, hypnothérapeute de renom récemment décédé, de formation philosophique,
théologique et psychanalytique, touche, en ses livres, le mystère même de la psychothérapie. Leurs titres :
« La fin de la plainte » [44], « Il suffit d’un geste » [47]. « Savoir attendre » [48] évoquent une pensée fondée
sur une expérience à la fois incarnée, souriante et bienveillante. Il donne à la pratique de l’hypnose et de la
psychothérapie une dimension philosophique que nous n’avions pas encore rencontrée dans les approches
théoriques sur l’hypnose. C’est pourquoi nous le citerons abondamment, car, à notre sens il ouvre des
perspectives majeures à l’hypnose et s’élève au-dessus des débats contemporains qui de l’hypnose ont une
conception à notre sens trop restreinte.

A) La veille paradoxale ou généralisée :

Pour Roustang, l’hypnose « n’est donc pas plus subjective qu’objective, pas plus individuelle que
collective…Tous les moyens qu’elle utilise tendent à faire surgir dans le présent des potentialités jusqu’alors
insoupçonnées. Sa pratique est donc une intervention, une opération, une action. C’est pourquoi enfin elle
ne se préoccupe nullement d’interpréter, c’est-à-dire de donner ou d’ajouter un sens à des phénomènes qui
paraîtraient aberrants. Sa question n’est pas « pourquoi en est-il ainsi » mais « comment épouser et
modifier les mouvements et les orientations », bref, le sens qui est inclus dans les choses mêmes. Il faut donc
conclure que « l’hypnose est une phénoménologie révolutionnaire qui contredit tous nos savoirs
théoriques » [46, p. 10].

Pour Roustang, l’hypnose est le quatrième état de l’organisme, non objectivable par les moyens
neuroscientifiques, mais potentialité naturelle prenant racine chez l’animal et le tout petit enfant. Cet état
est nommé « veille généralisée », les trois autres états étant la veille restreinte (ou focale), le sommeil (lent)
et le sommeil paradoxal. Puisqu’elle prend sa source dans un univers de possibilités, l’hypnose ne répond
pas au déterminisme de l’action réflexe (neurophysiologie), pas plus qu’à la théorisation freudienne, elle-
même déterministe par essence. Pour Roustang, « l’hypnose permet l’accès au pouvoir organisateur de

9
l’être humain » [46, p. 13]. Le pouvoir de rêver ouvre les potentialités du rêveur, mais cela se fait en
ramenant toujours à la spécificité propre de chacun, en deçà de l’histoire de chaque personne, à la genèse
qui la singularise. C’est pourquoi « la force constituante de la personne, à l’image du génétique, par la vertu
du rêve [dans le sommeil paradoxal ou la veille paradoxale] serait toujours là pour nous libérer des
déformations et des traumas subis dans notre parcours historique » [46, p. 26]. Comme le dit Stengers,
« pour François Roustang, l’hypnose n’est pas un état modifié de conscience. Le rapport hypnotique indique
le chemin d’une « remontée en amont » de la constitution psychologique du sujet » [49, p. 38]. Car le rêve
est le réservoir des possibles, la matrice de la pensée et de l’action. Mais alors « qu’en sommeil paradoxal
on subit ses rêves, en veille paradoxale (dans le moment d’hypnose) on s’introduit en eux et on attend qu’ils
se transforment ou se prolongent » [46, p. 30].

Dans la veille généralisée (dans l’hypnose donc) se produit une modification des perceptions. Alors que
dans l’état de veille restreinte la perception se caractérise par la discontinuité et la partialité, dans la veille
généralisée la perception est marquée par la continuité et la prise en compte de tous les liens du monde. Ce
type de perception a été dénommé par Roustang « perceptude . « Ce que nous saisissons de manière
incertaine comme atmosphère, ambiance, climat, milieu est un écho lointain, un reste, un dépôt de ce qui
fait la perceptude… Ce qui vient d’abord pour lui [le sujet dans la perceptude] c’est la constatation que tout
est fluide par rapport à tout. » [47, p. 133-134].
Roustang insiste sur le fait que la distinction conscient-inconscient n’est pas pertinente pour rendre compte
du rapport au monde. La veille généralisée ouvre le champ des possibilités, plaçant le perçu dans un
contexte plus large (du rêve ou de l’absence) et disposant des apprentissages [46, p. 73]. De plus la
problématique de l’hypnotisabilité apparaît alors caduque à Roustang, puisque tout un chacun dispose de
la veille paradoxale : cette problématique devient celle de la résistance à l’effectuation formelle de la veille
paradoxale. Quant à la suggestibilité, elle ne « serait qu’une attente accentuée par le fait que le thérapeute
s’attend à ce que le patient entre dans l’attente [concernant le possible réel], c’est-à-dire revienne au
pouvoir de toute anticipation » [46, p. 79]. Ainsi se dissolvent les débats infinis et stériles de la psychologie
scientifique concernant l’hypnotisabilité et la suggestibilité dont nous nous faisions l’écho dans la première
partie de ce travail sur l’hypnose [57].

B) Le pouvoir de rêver et d’imaginer.

L’hypnose ressemble à l’état dans lequel se trouve le nourrisson : c’est l’inactivité vigile dans laquelle le
nourrisson a des perceptions qui peuvent se traduire d’un mode à un autre et est capable à la fois
d’unification des perceptions par les cinq sens tout autant que de leur différenciation. Dans l’expérience du
monde des nourrissons, les correspondances viendraient prendre le pas sur les séparations, la
compréhension de l’environnement ne se fait pas de manière intellectuelle et réfléchie mais par une
coordination interpersonnelle immédiate, par une perception et une connaissance de lui-même qui ne se
fait que par l’action. Or ce mode de présence au monde est progressivement recouvert par le langage et la
culture qui modifient le rapport au monde et à l’objet. « Comme le rêveur, le nourrisson se construit un
monde, évanescent pour le premier, durable pour le second, où il est possible de faire se correspondre
n’importe quels éléments » [46, p. 43]. C’est dans cette veille généralisée (ou paradoxale) que s’organisent
les liaisons entre nos représentations obscures, nos souvenirs et nos pensées ainsi que nos intuitions et
imaginations. Cette complexité de l’inconscient, les processus conscients ne peuvent la saisir dans leur
entier. C’est alors que ce pouvoir de rêver, ou d’imaginer, configure ou reconfigure le monde.

Comme Erickson, Roustang insiste sur l’incroyable puissance de l’imagination, qui est à la fois détournée du
réel et tournée vers lui et s’avère capable de changer tout le système de référence du sujet. « Seule
l’imagination peut ignorer la séparation et l’isolement des choses ainsi que leur rejet mutuel pour les saisir
dans leurs échanges et leurs correspondances, c’est-à-dire comme totalité… Elle est ce qui résiste à la
totalité pré-formée et c’est pour cela qu’elle est capable de la transformer » » [46, p. 129-130]. Ailleurs :
« Images infiniment plus riches que toute interprétation généralisante ou même spécifique, parce que c’est
tout le tissu personnel individuel et différentiel qu’elles emportent avec elles. Pouvoir de l’imagination,
d’une seule image, lorsqu’elle résume la complexité infinie d’un rapport au monde, lorsqu’elle en manifeste
et en préserve le secret. L’imagination est ce qui nous reste de la participation à l’harmonie possible, celle
du rêve et celle du premier jour. Faculté de la beauté. Tout patient qui invente l’image efficace est un artiste
ou un sage. L’artiste qui se glisse tous les jours entre le rêveur et le petit enfant. Imagination encore entre
le rêve et la réflexion. Le rêve parce qu’il nous donne à la naissance notre héritage, la réflexion parce qu’elle
est indispensable à la mise en forme de la création » [46, p. 52]. Le fondement de l’hypnose est donc dans le
pouvoir d’imaginer, le pouvoir de la pensée libre de Jung.

10

Pour Roustang, la veille généralisée reste à l’œuvre en permanence, même quand elle est recouverte par
une veille focale nécessaire à l’adaptation quotidienne. D’une manière générale le processus hypnotique est
pensé comme un focus attentionnel en particulier sur le corps, du moins dans la phase d’induction. Cette
focalisation de l’attention sur un seul stimulus (ou deux ou trois) est ce qui différencie l’hypnose dans sa
phase d’induction, du sommeil. Cette focalisation attentionnelle interrompt nos agissements dans le monde
et s’accompagne d’une intensification de la vie personnelle. C’est par cette attention focale envahissante que
le sujet peut passer de la veille focale à la veille généralisée. Cette fixation sur un seul stimulus, ou sur
plusieurs en même temps, abolit la différence entre le moi et le monde. La confusion est générée par cette
indifférenciation. Ainsi se produit un double mouvement d’accentuation de l’attente et de la mise en échec
de cette attente disloquant ainsi le système perceptif et engendrant la confusion [46, p. 69]. Cette
indétermination généralisée, cette confusion qui abolit le contact avec la réalité extérieure, laisse libre cours
à l’imaginaire et aux projections vers l’avenir. Dans cette distraction généralisée, engendrée par la confusion
la veille restreinte est mise entre parenthèses 6 , la concentration poussée à la limite flotte dans
l’indétermination peut inventer des mondes imaginaires le temps et l’espace mondains sont modifiés. En
termes classiques ces processus sont ceux de la dissociation et de l’hallucination ; c’est là que l’analgésie et
l’anesthésie se produisent.

Dans la thérapie, ce passage se fait par l’accordage entre le thérapeute et le patient et c‘est pourquoi le
thérapeute est lui aussi en état d’hypnose, l’induction ayant eu lieu chez lui avant même celle du patient. Le
pouvoir thérapeutique de reconfigurer passe par l’anticipation qui suit les étapes de l’induction hypnotique.
L’hypnose sera « d’abord un arrêt (l’hypnose comme fascination), elle sera ensuite une attente (hypnose
comme confusion), puis un projet (l’hypnose comme hallucination), enfin une redistribution des
paramètres de l’existence (l’hypnose comme énergie) » [46, p. 55]. On trouve là l’essentiel des phases de la
séance d’hypnose.

C) Le déploiement des possibles : proximité avec Heidegger.

La lecture de « Qu’est-ce que l’hypnose » laisse perplexe le lecteur assidu d’Heidegger. On y retrouve les
thèmes centraux de celui-ci, ainsi que le souligne [39] et même si Roustang critique la pensée du philosophe
notamment sur le fait que pour lui il n’y a pas d’être mais uniquement de l’étant [45].

La combinaison d’une attente d’un futur indéterminé mais ouverte dans le processus de l’hypnose est en
réalité l’anticipation de tous les possibles d’un sujet. Ce déploiement des possibilités indéterminées et
infinies dans un mode particulier de la vie de la pensée rappelle très clairement la problématique du Dasein
Heideggérien comme ouverture de tous les possibles de l’être : « Le Dasein est être possible livré à lui-même,
il est de fond en comble possibilité sur sa lancée » [16, p. 189]. Également, « Les possibilités du Dasein ne
sont pas des tendances ou des capacités inhérentes au sujet. Elles sont pour ainsi dire toujours du « dehors »
de la situation à chaque fois historique de pouvoir-se-comporter et choisir, du comportement à l’égard de
ce qui vient à l’encontre » [17, p. 226] et : « Le pouvoir être est précisément l’essence du Dasein… Le pouvoir-
être ekstatique du Dasein s’accroit en tant que pouvoir-être qui s’accomplit, il devient plus léger et plus
riche si je l’exerce et le répète souvent. Le pouvoir-être est le phénomène véritable en tant que mon Dasein
s’y montre » [17, p. 233]7.

Dans l’hypnose c’est le rapport de l’homme au monde (l’être-au-monde heideggérien, comme faisant partie
du Dasein) qui est repensé, reconfiguré. Pour Roustang la phase de la transe, après induction, est le
déploiement de la puissance, de la potentialité non encore acte, libération d’une énergie sous l’apparence
de calme. Cette puissance non encore en acte prend la forme de l’anticipation où résident la force et le projet.
Là, à nouveau nous retrouvons Heidegger. C’est en tant qu’il est toujours déjà en train de se projeter, que le
Dasein, jeté, se dépasse et peut devenir ce qu’il est. Il s’élance loin en avant, prend de l’avance, projeté au
cœur de ses possibilités [35 ,p. 69] : « Ce qu’en son pouvoir-être il n’est pas encore [factivement], il l’est
existentialement. Et c’est seulement parce que l’être du là doit à l’entendre et au caractère projectif inhérent

6 Cette mise entre parenthèse a le sens d’un épochè
7 Voir aussi : 1) « Le Dasein et l’être humain entretiennent en leur aître un rapport essentiel dans la mesure

où le Dasein désigne le fondement de la possibilité de l’être humain à venir et où l’être humain est à venir… »
[1 ,p. 305] ; 2) « [L’être vers la mort de Heidegger] c’est l’assomption de la dernière possibilité de l’existence
par le Dasein, qui rend précisément possibles toutes les autres possibilités, qui rend par conséquent possible
le fait même de saisir une possibilité, c'est-à-dire l’activité et la liberté. » [34 ,p. 57].

11
à celui-ci sa constitution, parce qu’il est ce qu’il sera aussi bien que ce qu’il ne sera pas, qu’il peut du fond de
son entendre se dire à lui-même : « deviens ce que tu es ! » [16, p. 190-191]. C’est ce que Binswanger
appellera le « projet-du-monde » [4].

Roustang insiste également sur la disposition, manière d’être dispos, disposé , « site où la personne , n’étant
qu’un tissu de relations se définirait tout aussi bien par le centre où tout se dispose que par la périphérie ,
qui lui en donne consistance et épaisseur » [46 ,p. 91]. Et cet état d’humeur colore notre journée, détermine
notre capacité d’entreprendre ou de laisser-aller, de réagir, de prendre position. Cette disposition est la
stimmung allemande, unité des sentiments expérimentée par l‘homme en tête à tête avec la nature.
Heidegger parle, lui, de disposibilité comme d’un état d’humeur, une disposition dont il dira : « dans l’être
d’humeur le Dasein est toujours déjà découvert selon une disposition donnée comme cet étant auquel le
Dasein a été livré en son être comme l’être qui a, en existant, à être » [16, p. 178]. Roustang évoquera
également une humeur neutre, ne désirant rien de particulier, se vidant de tout projet, de toute émotion et
de tout sentiment, générant une extrême ouverture, accueillant toutes les déterminations possibles et
médiatrice entre veille restreinte et veille généralisée [46, p. 105-106]. C’est ce qu’est l’attitude
phénoménologique, dans la suspension du jugement, la réduction, le lâcher-prise, pouvant osciller entre
attention focale et flottement dans l’immanence pure.

Nous trouvons également d’autres indices de l’influence sur la pensée de Roustang de celle d’Heidegger.
Roustang parle du fait d’entendre (dans son sens ancien de comprendre) dans le sens de laisser résonner :
« Laisser résonner signifie que tous les constituants de la personne, toutes les nuances manifestées, tous les
signes infimes vont se répondre…Celui qui entend ne sera plus un observateur à distance, il sera englobé
dans ces mouvements, il prendra part, il partagera, il participera. » [46, p. 95]. Nous sommes bien là dans ce
qui relève de la perceptude et l’entente en ce sens est caractéristique de la veille paradoxale. Ceci fait écho
à l’entente de l’être de Heidegger : « Entendre est inséparable de vibrer » [16, p. 187] qui s’oppose à la
compréhension au sens d’un mode possible de connaissance parmi d’autres. Et « Entendre est l’être
existential du pouvoir-être appartenant en propre au Dasein même, et de telle sorte que cet être découvre
par lui-même le point où il en est avec lui-même » [16, p. 189].
La mésentente, c’est ce qui ne va pas, c’est ce désaccord d’avec les choses et les êtres et c’est ce que peut
soigner l’hypnose. Et cette « autre manière d’être-au-monde est celle qui se laisse aller à l’interaction et à
l’influence, donc à la réciprocité de l’action et de l’influence, qui tient compte de tous les paramètres
existants, qui restitue tout élément et tout évènement dans la totalité des paramètres et qui enfin
présuppose, même si ce n’est pas vrai, même si ce ne sera jamais vrai, que tout tient ensemble et que tout
peut tenir ensemble » [46, p. 99].

Enfin, pour en terminer avec cette comparaison, la veille généralisée fait disparaitre la séparation sujet –
objet et même les sujets (patient, thérapeute) puisque l’on est dans la pure situation de l’existence. De même
chez Heidegger la problématique de la conscience est remplacée par celle du Dasein (le Là-être) ni sujet, ni
objet. Car la relation sujet – objet bloque l’accès à l’Être : « Commencer par la relation sujet-objet (res
cogitans, res extensa), c’est se condamner à manquer la constitution existentiale de l’être auprès de l’étant
et la compréhension de l’être qui lui appartient » [16, p. 191].

D) L’hypnose comme philosophie.

La compréhension par Roustang de l’hypnose place celle-ci comme un fait anthropologique majeur,
puisqu’on retrouve les manifestations de la veille généralisée dans les divers processus chamaniques et
progressivement dans son évolution, il l’a pensée comme une manière de vivre [45].

La conception par Roustang du thérapeute s’éloigne ainsi des conceptions classiques des hypnothérapeutes,
car « dans la veille généralisée, nous ne sommes pas en relation avec une personne, représentant
éventuellement d’autres personnes, mais dans un état premier de l’existence dont le statut personnel est
mis entre parenthèses » [46, p. 149]. Pour Roustang, l’hypnose ne relève pas de la psychologie mais de la
physique (au sens étymologique de phusos) car elle n’a pas vocation à interpréter et à donner sens par
l’explicitation de quelconques mécanismes. « Elle se contente, et c’est tout autre chose, de faire entrer dans
le sens qui existe déjà, de faire éprouver ce sens et cette orientation dans la mesure où on s’y trouve plongé.
Le sens est l’expérience même. Il n’y a rien à ajouter. » [46, p. 149].

Dans une approche qui ne cherche pas à s’inspirer de tel ou tel dogme ou approche philosophique, Roustang
retrouve nombre d’éléments de la pensée orientale sans pour autant rejeter sa propre culture occidentale.

12
Il propose même que la veille généralisée devienne une manière de vivre et d’agir en associant de manière
harmonieuse, dans le quotidien, veille restreinte et veille généralisée. Ceci peut être obtenu grâce aux traits
élémentaires de la veille généralisée : exister, prendre corps (au sens propre), laisser exister [46, p. 152].
« L’existence est du côté de la veille restreinte en tant qu’elle inclut toutes les déterminations de l’existence
et du côté de la veille généralisée en tant qu’elle les contient toutes potentiellement » [46, p. 157].
C’est ainsi que progressivement Roustang dévoile à quel point la pratique de l’hypnose va conduire à une
conception du monde qui nous rapproche de la philosophie chinoise du vide, du non agir comme réceptivité
multidirectionnelle laissant entendre les voix de ce qui nous entoure. Cette autre manière de vivre fait place
au corps engagé dans le monde et non plus au seul psychisme indépendant. C’est ainsi qu’il lui apparaît que
le moi « dévore un espace inutile … ne permettant ni de revenir véritablement à la source de notre pouvoir
ni de consacrer toutes nos forces à l’action » [46, p. 167] et qu’il convient qu’il se fonde dans le « mouvement
des flots ». C’est un retour immédiat de l’homme à lui-même et au monde que permet la pratique de
l’hypnose, comme mode d’être et comme thérapeutique (et thérapeutique car mode d’être). La veille
paradoxale permet d’entrer dans le sens des personnes des choses et du monde. Pour Roustang, la veille
généralisée ne se limite pas à la dissociation (qui sépare nos sentiments et nos impressions de ce qui les
provoque) mais elle permet en même temps association de tous les éléments constitutifs de la personne en
les laissant exister. C’est ainsi que l’hypnose, méthode permettant d’atteindre la veille généralisée, modifie
le rapport au monde du patient et du thérapeute.

Notons également que Roustang utilise très peu la problématique de l’état de conscience que pourrait être
l’hypnose. Pour lui « conscient et inconscient ce sont des adjectifs, ce sont, comme disent les philosophes,
des modalités, des qualifications » [45]. Il place le problème au niveau du rapport au monde et aux autres,
dans la relation, en d’autres termes, au niveau de l’être-au-monde. Autrement dit, il délaisse la
phénoménologie de Husserl pour faire presque exclusivement appel à la phénoménologie d’Heidegger dont
on a vu qu’elle excluait la problématique du sujet doté d’une conscience et de l’objet intentionnel de cette
conscience, pour traiter du Dasein, de l’être-là dans ses multiples possibles et son projet du monde. La
proximité de Heidegger avec la pensée notamment chinoise ou japonaise, se retrouve chez Kimura, toute
dans la relation, dans ce qui est l’« Entre » (l’Aïda) [30]. Nul doute que le chemin parcouru quant à la pensée
de l’hypnose de depuis Braid, Pavlov et Freud est considérable. Mais étonnamment, ce chemin ne va pas
dans une logique linéaire. Parce qu’Erickson a introduit une pratique rénovée et athéorique de l’hypnose,
Roustang revient, non par une démarche philosophique qui était absente de celle d’Erickson, mais par une
démarche expérientielle et au fond profondément phénoménologique (« c’est l’expérience [qui importe].
Rendre compte de l’expérience ») [45] retrouvant tout autant la pensée de la mystique chrétienne (en
particulier sur l’humilité, l’intime et le détachement8) que celle du Tao.


6) Hypnose et explicitation de l’expérience consciente : un lien éminemment complexe.

Si la pensée heideggérienne influence Roustang et si les thérapeutes sont souvent dans une suspension du
jugement dans l’attitude habituelle, avant tout l’hypnose reste une expérience. Une expérience vivante,
consciente, incarnée, subjective et intersubjective, vécue en propre et en première personne, intégralement.
Cette expérience, pour ainsi dire, à la frontière du réel, semble se constituer comme un flux incessant de
métamorphoses intimement liées les unes aux autres [36] imbriquées les unes dans les autres.

Cette expérience peut être décrite et explicitée par des méthodes, introspectives, qui en quelque sorte
déplient les vécus conscients (c’est-à-dire l’expérience consciente elle-même). L’expression « vécus
conscients » est empruntée à phénoménologie husserlienne, et désigne à la fois les vécus réflexifs et les
vécus dits non réflexifs : « Quand on dit « tous les vécus sont de la conscience » on veut dire spécialement,
si l’on considère les vécus intentionnels, que non seulement ils sont conscience de quelque chose…, mais
qu’ils sont déjà là, à l’état non réfléchi, sous forme « d’arrière-plan » et prêt aussi à être perçus, en un sens,
d’abord analogues aux choses que nous ne remarquons pas » [21, p. 146-147]. Et le moyen d’obtenir cette
description est, parmi d’autres méthodes [14], l’entretien phénoménologique expérientiel (EPE) [56]. Cet
entretien, qui retient quelques éléments de l’entretien d’explicitation de Vermersch [51], s’en distingue
radicalement, à la fois dans ses buts et ses applications (philosophiques et thérapeutiques) et dans la
souplesse de ses méthodologies. Il déplisse l’expérience consciente dans la complexe intrication des vécus
réflexifs et les vécus non réflexifs, en assumant la métamorphose constante du flux conscient [36] au

8 On retrouve des termes qui semblent provenir directement de Maître Eckart, un mystique du XIIIème siècle
très admiré par Heidegger.

13
moment même de l’explicitation, ainsi que la métamorphose hautement probable, dans la mémoire du sujet,
de l’expérience évoquée lors de l’entretien. Il est souvent pratiqué en groupe, à propos d’une expérience
commune (écoute musicale, lecture poétique etc…) et s’attache particulièrement à la matrice relationnelle
créée par ce dispositif groupal. Il donne ainsi accès au paysage mental du (des) sujet(s) interrogé(s). Par
ailleurs l’EPE peut utiliser, dans le cadre de la description des expériences conscientes des moyens simples
comme le portrait chinois, répété ou pas 9 , ou bien les « mots magiques »10 qui décrivent également, de
manière plus rapide la structure et le contenu de ces expériences vécues, au prix sans doute de moindres
nuances11. Enfin il donne libre cours dans sa version habituelle, à la richesse du langage poétique. L’EPE, en
tant que méthode phénoménologique, s’intéresse principalement aux cas singuliers et non aux universaux
des processus mentaux conscients. Par ailleurs, ne cherchant en rien à se rapprocher du paradigme cognitif,
il laisse se dévoiler les archétypes jungiens.
Ce sont d’ailleurs ces vécus conscients non réflexifs, ces vécus souvent nommés inconscients 12 , non
habituellement perçus réflexivement mais toujours sous-jacent à toute expérience consciente réflexive, cet
arrière-plan, ces vécus qui possèdent la dimension historiale de l’individu sous une forme repliée,
symbolique avec des saillances et des résonances, que l’expérience hypnotique, comme l’EPE, cherche à
contacter dans l’imaginaire et à reconfigurer au cours du processus thérapeutique.
Ce sont également ces vécus non réflexifs, qui forment la plus grande partie de nos vécus conscients que
l’on peut expliciter.
C’est ainsi qu’il est possible d’utiliser l’EPE (dans une version d’auto-explicitation) pour décrire les
mouvements de la conscience lors de l’expérience hypnotique. Nous renvoyons le lecteur à notre article sur
ce sujet [37]. Tout se passe comme si un double mouvement dans le flux conscient se produisait. Le premier
mouvement est celui de la transe hypnotique qui s’enracine dans le corps et flotte dans l’imaginaire, et le
second est celui de l’explicitation (EPE) de l’hypnose qui vient de se produire. Cette explicitation amène à
décrire les gestes intérieurs qui ont permis l’efflorescence de la transe hypnotique. On a ainsi l’impression
que deux régions différentes de l’expérience consciente fluente sont concernées : l’une par la transe
hypnotique elle-même et l’autre par l’explicitation.
Mais l’intrication de ces deux mouvements des flux de l’expérience se fait aussi d’une autre manière. Si on
analyse ce qui se passe dans le moment de l’explicitation des vécus conscients, on observe que ce qu’on
appelle l’évocation (ce qui est rappelé à la conscience et revécu) ne peut se produire sans une sorte de
flottement dont la texture rappelle celle d’une hypnose légère. Et d’ailleurs, au fur et à mesure que l’EPE
s’approfondit, cette transe hypnotique légère devient elle aussi plus profonde si bien qu’à l’issue de
l’entretien, les mots que dit celui qui le mène à celui qui revit son expérience cible sont ceux que dit le
thérapeute au patient quand il sort de l’hypnose : « je vous propose de revenir ici et maintenant ».
On peut aller plus loin encore. Il nous semble que l’épochè phénoménologique elle-même [21, p. 101]
procède d’une sorte de mise en transe, d’une légère auto-hypnose, dans la mesure où le regard habituel se
brouille et que ce que l’on prenait pour le réel essentiellement décrit par des saillances perceptives pensées
comme naturelles, est relativisé dans une attitude qui ressemble ainsi beaucoup à la perceptude. La mise
hors circuit de l’attitude habituelle amène à prendre en compte des perceptions nouvelles, non filtrées par
les apprentissages sociaux. En d’autres termes, la dissolution des évidences saisies dans la veille focale

9 Le portrait chinois, utilisé comme un jeu, propose de répondre aux questions du type : si tu étais un arbre

une fleur, un animal, que serais-tu ? On peut à partir d’une même expérience (écoute musicale) faire
plusieurs portraits chinois successifs, sans délai, et observer « in vivo » les métamorphoses de l’expérience
consciente.
10 On demande à un sujet de décrire rapidement (le premier mot qui vient) en 16 mots soit une expérience,

soit un état mental, soit une humeur. Puis on associe les mots deux à deux, jusqu’à ne plus avoir qu’un seul
mot. Les trois dernières associations sont très informatives du paysage mental profond du sujet (A. Latour,
communication personnelle). Ce type d’entretien se rapproche des associations libres de la psychanalyse,
et se donne dans une hypnose légère.
11 On pourrait alors envisager que cette approche par les « mots magiques » ou le « portrait chinois » se

rapproche des travaux de Hermans sur la notion de « dialogical self » (Hermans, 1993). Ce type de
perspective annonce une investigation de la narration descriptive (de l’être) qui raconte la conscience, à
travers les énoncés métaphoriques et poétiques. Ainsi la conscience peut être saisie à travers la parole du
langage figuré et poétique.
12 Et on voit là à quel point il est difficile de définir ce qui est inconscient, et dès lors la structure et les

contenus de cet inconscient, selon que l’on adopte des positions paradigmatiques freudiennes, cognitivistes,
jungiennes, ericksoniennes. Peut-être peut-on en envisager trois aspects co-présents : un inconscient
personnel fait de l’histoire de la famille et du sujet, un inconscient collectif, social et civilisationnel contenant
les archétypes jungiens, et un inconscient archaïque partie de l’inconscient collectif qui ne peut être connue.

14
requiert, lors de l’épochè, de se mettre en veille généralisée et de sentir le monde tel un nourrisson qui y
serait parachuté et, comme nous l’avons vu plus haut, de sentir à nouveaux frais que les correspondances
viennent prendre le pas sur les séparations (cf. § 5B).

Ainsi les liens entre hypnose et explicitation de l’expérience consciente ou épochè phénoménologique sont
complexes. Il y a emmêlement et dans les deux cas mise hors circuit de l’attitude réflexive au profit de la
dimension imaginaire ou perceptuelle (hypnose), ou de la possibilité de revivre le souvenir secondaire
(explicitation) [23, p. 61 et suivantes]. C’est pourquoi, dans les psychothérapies nous utilisons avec
beaucoup de souplesse l’intrication de l’hypnose et de l’explicitation sous une forme très libre ainsi que
nous l’avons précédemment décrit [56], jusqu’à pratiquer ce que l’on pourrait nommer une « hypnose
phénoménologique ».


7) Conclusion

Dans les deux articles que nous avons proposés sur l’hypnose et dont le présent article constitue le second
volet, on voit, dans une perspective épistémologique, que l’on est passé progressivement par les paradigmes
de la physique (magnétisme), de la physiologie (sommeil conscience) et de la psychologie (psychanalyse,
phénomènes psycho-sociaux) pour arriver, avec Erickson et Roustang, à donner à l’hypnose un sens
nouveau, d’ordre philosophique, compatible et inspiré par le fond commun des pensées occidentale et
orientale.
Cela signifie que l’hypnose n’est en aucune manière un problème marginal, un état psychologique ou un
comportement psycho-social sympathique ou inquiétant, éventuellement thérapeutique. Dès lors que l’on
décide d’aborder l’hypnose comme potentiellement une caractéristique intrinsèque de l’être humain,
comme une modalisation de son expérience consciente toujours présente et plus ou moins recouverte par
les processus réflexifs et attentionnels, dès lors qu’on accepte de poser la question en termes
philosophiques et non plus en termes psychologiques ou physiologiques, alors c’est un fait anthropologique
majeur qui se dévoile, qui partiellement nous rapproche de la vie animale, la perceptude s’avérant
possiblement, chez les mammifères (et peut-être les espèces plus primitives) le mode d’être principal
d’être.
Ainsi, Chertolk et Stengers ont à notre sens raison d’écrire : « L’hypnose est donc une blessure narcissique,
tant pour les expérimentateurs que pour les thérapeutes… Elle pose, de manière brutale la question : avons-
nous bien pris la mesure de ce que signifie l’idée de connaissance lorsqu’elle a pour objet des êtres avec qui
nous sommes en relation affective ? » [8, p. 47 et 48]. Et il nous faut, sur des bases nouvelles penser les
techniques psychothérapeutiques, en refusant avec obstination de les réduire à des artéfacts d’une science
expérimentale qui est en fait incapable de les définir et a fortiori de les expliquer [49] Malheureusement
Stengers, à notre sens ne va pas assez loin, et ne disposant pas d’une expérience clinique que n’a aucune
raison de lui donner sa formation épistémologique, elle manque, dans les pages finales de son livre, une
question essentielle posée par l’hypnose, en la maintenant dans une technique psychothérapeutique.
Stengers écrit, à propos de la différence entre ce qu’anticipent le magnétiseur et l’hypnotiste : « Le premier
s’adresse à son voyant ou à sa voyante comme à ce qui est susceptible de devenir véhicule, médium, pour
des forces qui excèdent ce que nous nommons nature, alors que le second s’adresse à la personne
hypnotisée en tant que son comportement artificiellement induit constituera une éventuelle mise en
variation du fonctionnement psychique commun à tous les humains » [49, p. 123]. Pour notre part nous ne
voyons pas de différence, car phénoménologiquement des choses surviennent (entités, arrière-fond
mystérieux, processus improbables) qui donnent à penser qu’il y a, dans certaines hypnoses, un accès à ce
qui justement dépasse la nature. Et c’est là à nouveau que Jung peut nous aider en écrivant : « rien n’est plus
incommensurable que la réalité de l’âme et les réalités de notre conscience. Vouloir mesurer l’une par les
autres serait un grave malentendu » [28, p. 33]. La question est, en fait la suivante : « l’hypnose nous donne-
t-elle accès à l’âme ? ». Nous n’aurons garde d’y répondre ici.

Le problème alors n’est alors plus : « qu’est-ce que les sciences contemporaines ont pu découvrir sur
l’hypnose ? », mais « comment les sciences contemporaines ont-elles pu recouvrir l’hypnose de fatras
expérimentaux et théoriques et tenter de la désincarner ? ». L’intérêt pour les pensées orientales ou la
philosophie du « new age » est peut-être plus qu’une mode en Occident même si parfois cela frise le ridicule.
C’est peut-être le symptôme de la recherche pathétique de ce que les Lumières du XVIIIème siècle et leur
héritage scientiste ont perdu, recouvert, refusé, pour tout dire une part majeure de l’homme, celle de son
union avec son monde, dans toutes ses dimensions, notamment sacrées. C’est peut-être la réaction
immunologique primitive contre « la sottise éclairée » [29, p. 155]. Et cela nous enjoint de penser de

15
nouveaux programmes de recherche basés sur d’autres paradigmes que le paradigme des neurosciences et
de la psychologie cognitives, programmes qui tiendraient compte du fait que l’expérience consciente est à
l’origine, et que toute science ne lui est que secondaire, un programme qui tienne compte de la différence
ontico-ontologique [15] et puisse revenir enfin à la pensée cartésienne de la seconde méditation [20]
laquelle est systématiquement recouverte par la facilité de la ratiocination théorique, parce qu’elle se tient
tout simplement, sur une fine pointe, au bord du mystère et de la nescience [42, p. 101].

16
Références :


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17
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