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« Qu’eſt-ce que le Tiers-État ? TOUT. Qu’a-t-il été juſqu’à préſent dans l’ordre politique ? RIEN.
Que demande-t-il ? À devenir QUELQUE CHOSE. » Cette phrase d’Emmanuel-Joseph Sieyès issue de
la première page de son pamphlet Qu’est-ce que le Tiers-État ? de 1789 est un exemple fort de
l'affirmation du Tiers-État dans la France du XVIIIe siècle à l’aune de la Révolution, une affirmation
que le troisième ordre revendique, pour avoir un réel poids dans l’échiquier politique et décisionnel
du royaume, et qui aboutira.
Les « États généraux » de l’Ancien Régime laissent place à « l’Assemblée nationale » en 1789,
ce changement d’appellation dénote un changement de conception de l’exercice du pouvoir : le
pluriel « États généraux » met l’accent sur la pluralité des groupes de représentants du peuple ; au
contraire, le singulier « Assemblée nationale » montre une volonté d’unité politique dans l’exercice
du pouvoir, avec les trois ordres réunis sous le prisme de la Nation, concept qui s’affirme à la fin du
siècle face à la volonté du peuple d’être pris en compte. L’Assemblée nationale se déclare «
constituante », ainsi elle met en relief le motif de sa création, celui de rédiger puis de promulguer
une Constitution pour le royaume, charte fondamentale qui détermine la forme du gouvernement,
règle les droits politiques des citoyens et dicte la politique de l’État. Se déclarer comme étant
constituante fait que l’Assemblée nationale se donne pour objectif de satisfaire la cause nationale, et
de garantir la Nation et sa pérennité en fixant ses grandes règles. En 1791, après la promulgation de
la Constitution (qui entend être un texte fondamental de la Nation, un tournant dans la politique de
l’État, en maintenant la monarchie quoiqu’elle la restreigne à une monarchie constitutionnelle), la
Constituante, puisqu’elle a rempli son rôle, est dissoute, et laisse place à l’Assemblée nationale dite «
législative », de 1791 à 1792. La Constituante tient donc ses séances entre 1789 et 1791, pendant
environ 3 ans. 1789 est une année signe de protestations à l’ampleur grandissante dans le royaume,
avec la volonté populaire de fixer ses règles et de faire que la Nation se construise avec les Français
en plus du Roy, protestations menant à des changements politiques (création de l’Assemblée
nationale, qui se déclare constituante, troubles dans plusieurs villes du royaume dont la prise de la
Bastille). 1791 connaît un profond bouleversement des principes même de l’État, avec la suppression
de la monarchie absolue de droit divin et son remplacement par une monarchie constitutionnelle
avec la promulgation de la Constitution.
La Constituante introduit en France un nouveau type de pouvoir : un pouvoir décisionnel
populaire, par le biais d’une assemblée représentant la nation et dont l'objectif est de renforcer la
Nation. Son objectif premier est bien celui de doter l’État français d’une Constitution, mais cela n’est
pas l’unique travail de l’Assemblée, qui, pendant les trois années de son existence, comme
l’institution n’est point encore solidement établie, entreprend, de façon absolument spontanée et
régulière, des mesures bouleversant l’ordre de l’Ancien Régime afin de créer une organisation
territoriale, économique, sociale du pays plus égalitaire entre les anciens ordres, une organisation qui
est enfin en phase avec les idéaux prônés par les futures Déclaration des Droits de l’Homme et
Constitution qu’elle élabore par le biais de sa commission.
En quoi peut-on dire qu’avec l’action spontanée de la Constituante le royaume de France a
changé de Régime avant même de changer de régime, au nom de la création d’une organisation du
pays et d’une conception de la Nation plus égalitaires vis-à-vis de tous les Français ?
Tout d’abord, la Constituante amène la souveraineté nationale au pouvoir, on passe en effet
des États généraux à cette assemblée qui aura un impact important. Puis, cette Assemblée va
concevoir un « Nouveau Régime », qui met en avant une unification des administrations et des
droits. Pour finir, l’objectif de cette assemblée, à savoir la Constitution, est effectué en 1791.
Ainsi, suite à une entreprise des plus spontanées du Tiers-État, les trois ordres se sont réunis
pour décider ensemble des mesures concernant l’État ; la Constituante formée a pu se mettre au
travail pour réformer le pays, aidée par un contexte plus favorable et par la politisation de ses
membres à toutes les échelles via les sociétés politiques. Opérationnelle, avec des députés
désormais formés pour mener à bien leur dessein, la Constituante va élaborer progressivement sa
Constitution mais également, quelques fois et spontanément, des mesures changeant les
dispositions de l’Ancien Régime.
Ainsi, cette Constitution va marquer la fin de la monarchie absolue de droit divin pour la
monarchie constitutionnelle, c’est-à-dire moins de pouvoirs pour le roi et plus pour l’Assemblée, qui
va pouvoir voter des lois qui profitent à la Nation et à tous les Français. Toutefois, il reste des zones
d’ombres au tableau, avec des restrictions qui font face à ces nouveaux principes adoptés.
SOBOUL Albert (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution Française, Paris, P.U.F., 1989
Ouvrages généraux :
GENET, Lucien, Révolution, Empire. 1789-1815, 3e édition, coll. « Histoire Contemporaine Générale »,
Paris/Milan/Barcelone, Masson, 1994.
PÉRONNET, Michel, Le XVIIIe siècle. Des Lumières à la Sainte-Alliance, 4e édition, Paris, Hachette
Supérieur, 1998. [sur Cairn]
Ouvrages spécialisés :
BODINEAU, Pierre, VERPEAUX, Michel, Histoire constitutionnelle de la France, 6e édition mise à jour,
Paris, PUF, 2020, pp. 9-33. [sur Cairn]
DE PLANHOL, Xavier, Géographie historique de la France, 2e édition revue, Paris, Fayard, 1994.
LEPOINTE, Gabriel, Histoire des institutions et des faits sociaux (987-1875), Paris, Montchrestien,
1956.
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Revues :
HÉBRARD, Jean, « Les deux vies de Michel Vincent, colon à Saint-Domingue (c. 1730-1804) », dans
Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 57, nº 2, Paris, Belin, 2010, pp. 50-78. [sur Cairn]
Décret du 6 octobre 1789 sur la contribution patriotique, dans Archives Parlementaires de 1787 à
1860 - Première série (1787-1799), Tome IX - Du 16 septembre au 11 novembre 1789, Paris, Librairie
administrative P. Dupont, 1877, pp.350-352. [sur Persée]
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SITOGRAPHIE :
Article « Sieyès, Mirabeau et Bergasse (15-17 juin 1789) », site Internet de l’Assemblée nationale