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Le juge administratif contribue-t-il à la protection des droits et libertés ?

Mélodie Roure

Jean-Marc Sauvé énonce que « le cœur de l’office du juge, de tout juge, est d’assurer l’application de la loi
et, d’abord, de protéger les libertés ». Cela rejoint le sens de l’article 61-1 de la Constitution, introduit par la
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui énonce que chaque juridiction suprême doit assurer la
coopération avec le Conseil Constitutionnel pour la protection des droits et libertés garanties par la
Constitution.
Avant toute chose, il faut commencer par définir les droits et libertés, or ce n’est point chose aisée car il existe
une multitude de définitions. Les droits et libertés désignent l’ensemble des droits subjectifs acquis depuis la
révolution. Nous ne ferons pas de différence ici entre ceux-ci et les droits et libertés fondamentaux. La
révolution a généralisé le terme de droits de l’homme pour désigner les libertés et droits des individus,
aujourd’hui nous parlons de droits fondamentaux, qui sont de nature civile, politique, sociale,
environnementale, économique. Ces droits fondamentaux, qui étaient à la base un pouvoir de faire, se sont
ancrés dans le patrimoine de chacun pour devenir un droit d’exiger leur effectivité. Cette exigence est
initialement garantie par l’autorité judiciaire, or il semblerait que ce monopole soit aujourd’hui dépassé. En
effet, historiquement, les lois des 16 et 24 août 1790 ainsi que le décret du 16 fructidor an III ont créé la
juridiction administrative, distincte de la fonction judiciaire, et par conséquent instauré le dualisme
juridictionnel. Initialement, chaque juge exerce une mission distincte, celle du juge administratif peut être
résumée par ce qu’il ressort de la décision du Conseil de la concurrence rendue par le Conseil Constitutionnel
en 1987 qui consacre son rôle de juge de l’annulation ou de la réformation des décisions prises par
l’administration et les organismes publics sous son contrôle. Mais il est précisé que cette mission se soustrait
« des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire ». Le juge judiciaire, de par l’article 66 de la
Constitution qui le consacre comme le gardien de la liberté individuelle, possède une mission davantage
centrée sur la préservation des droits et libertés de chacun des individus de la société. Ce monopole semble
être dépassé par la compétence concurrente du juge administratif. En effet, dès la fin du XXe siècle, la
protection et la garantie des droits est une mission partagée entre plusieurs juges, dont le juge administratif.
De nouveaux enjeux viennent modifier la perméabilité de leurs missions. De par l’évolution conséquente que
connait le juge administratif au cours du XXe siècle, son office a été renouvelée, et il est devenu contribuable
de la protection des droits et libertés de chacun. Contribution signifie expressément qu’il partage ce rôle. Peut-
on dire qu’il possède la même vision des droits et liberté que celle proposée par les autres juges ? Fermement
garantis par la Constitution et désormais les instances européennes, les juges européens et constitutionnels
veillent à consacrer et préserver ces droits et libertés, pour pouvoir nourrir le contrôle et l’application qui est
réalisé efficacement par chaque juridiction.
La vision parfois plus libérale et autonome du juge administratif souligne l’un des enjeux de son évolution. Il
est amené s’autonomiser et consacrer des libertés et droits qui ne sont pas toujours reconnus par les juges
constitutionnels et européens. Il ressortira de cette étude transversale la confrontation de la vision du juge
administratif avec celle des autres juges. Or son évolution vers la protection des libertés reflète d’autres enjeux.
En effet, si ce juge s’érige en gardien des libertés de chacun des justiciables, il dérive de sa fonction première,
celle de contrôleur des actions de l’administration. Puisqu’il faut toujours concevoir un équilibre entre les
libertés de chacun ne sont possibles et la protection des prérogatives de l’administration, il est porté à exercer
un double rôle de gardien des droits et libertés. Ceci à la fois à l’égard de l’administration, et à l’égard des
administrés. Mais aussi on peut penser que cette évolution est aussi une fonction de légitimité de ce juge, qui
lui permet de s’émanciper du pouvoir exécutif. On en vient à se demander comment le juge administratif
contribue-t-il à la défense des droits et libertés en assurant cette double mission, alors que ce rôle subjectif de
gardien des libertés n’est pas sa fonction originelle ?

Il s’agit dans un premier temps d’analyser les moyens que possède le juge administratif pour rendre effective
sa mission de garantie des droits et libertés de chacun des individus (I), puis de rendre compte de la conception
des droits et libertés qu’il consacre au fil de ses jugements, afin de comprendre comment elles sont définies et
quelles sont leurs limites (II).

I. Les moyens matériels et formels de protection des droits et libertés du juge administratif

L’abandon de la conception objective de l’office du juge administratif (A) se caractérise avant tout par
l’évolution de ses moyens matériels et formels, qui révèlent la subjectivisation de sa mission (B).

A. La consécration du rôle subjectif du juge administratif dans la protection des libertés

Initialement, le juge administratif avait une mission d’intérêt général de contrôle des actes de
l’administration, rien ne le vouait à un rôle plus libéral de protecteur des droits et des libertés. De manière
éponyme, le droit administratif est celui qui se tourne vers l’action de l’administration. Cependant le Conseil
d’Etat, avec l’introduction et la généralisation du recours pour excès de pouvoir, a compris la nécessité de
concilier la protection des droits et libertés avec le contrôle de l’administration, et ce dans un but d’intérêt
général. C’est en contrôlant l’action de l’administration que conséquemment il a commencé à protéger les
libertés. Puisque la protection de la liberté n’était pas son objectif premier, ses armes n’étaient ni suffisantes
ni efficaces. Il s’agit là du rôle du juge judicaire, qui de par l’article 66 de la Constitution, dès 1958 est devenu
le garant des libertés individuelles, en coopération avec les missions du juge constitutionnel. De par une
évolution constante, le juge de l’excès de pouvoir a su s’adapter et étendre ses pouvoirs pour toujours garantir
l’exercice de sa mission. La fonction du recours pour excès de pouvoir initialement tenait au contrôle de la
légalité d’un acte. Il a permis de combler ce manque initial, car les justiciables lésés dans leurs droits et libertés
pouvaient directement contester les mesures disproportionnées prises à leur encontre. La forte saisine de ce
moyen de contrôle lui a permis de rendre son appréciation des actes administratifs plus libérale et plus souple,
puisque le requérant n’a qu’à se prévaloir d’un intérêt lésé et non d’un droit violé. Gaston Jèze dit de ce recours
qu’il s’agit de « l’arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour
défendre les libertés individuelles ». C’est seulement plus tard qu’on en a fait un outil libéral et utile à la
préservation des libertés, lequel permet d’annuler les décisions administratives attentatoires aux libertés.
Seulement ce recours n’est pas toujours efficace l’annulation de la décision peut être sans effets : si l’atteinte
irréversible a déjà été causée, ou si elle intervient longtemps après la date de la prise de la décision, à l’image
de l’arrêt Benjamin où le juge de l’excès de pouvoir a annulé la mesure attentatoire trois ans après son édiction.
Plus tard, il a été vivement critiqué pour sa lenteur et son inefficacité à sanctionner l’administration fautive,
ce moyen apparaissait comme trop limité, également dans ses conséquences, qui visent soit le rejet soit
l’annulation de l’acte. Aucune injonction ni astreinte ne pouvait garantir au-delà de ces moyens les droits des
justiciables. Ce contrôle s’est étendu, comme le montre l’arrêt Dame Lamotte de 1950, à tous les actes de
l’administration, ce qui permet au juge d’adopter le monopole du contrôle de la légalité, indirectement des
droits et libertés contestés devant lui. C’est désormais le cas des circulaires, et de certains actes de droit souple.
On constate que le juge a soumis l’administration au droit pour pouvoir consacrer les droits subjectifs.

L’insuffisance des moyens offerts au juge administratif pousse le juge administratif à renforcer son office et
accroitre ses pouvoirs, pour se revêtir d’une nouvelle conception.

B. La panoplie matérielle et formelle des prérogatives effectives du juge administratif

Puis vint la consécration de la conception subjective de l’office du juge administratif, qui selon de Jean-
Marc Sauvé, l’a transformé en une « véritable juridiction des droits de l’homme. » Il s’agit de s’intéresser aux
moyens dont le juge administratif peut être saisi pour assurer sa mission, mais aussi des recours dont il dispose
pour la mener à bien. Selon Jacques Petit, si le juge administratif a, ces dernières années, vu son office et ses
prérogatives s’étendre très largement, c’est pour également pallier au retard initial qu’il avait pris par rapport
au juge judiciaire. On peut parler de contribution du juge administratif en ce qu’il assure le respect de ces
libertés et droits en coopération avec le juge judiciaire et le juge constitutionnel, ce dernier s’étant déjà érigé
en gardien des droits fondamentaux par une décision du 16 juillet 1971, mais aussi de par la volonté du Conseil
d’Etat de ne pas reléguer le contentieux administratif à l’ordre judiciaire. Sa légitimité est renouvelée de par
cette extension de son office, qui marque une nouvelle conception du juge administratif, auparavant garant de
la justice objective, il devient le défenseur d’une justice subjective. On le conçoit désormais comme le juge
garant de la protection des droits et libertés, qui est désormais assurée par sa spécialisation. En matière de
moyens matériels, les modalités de son contrôle ainsi que ses pouvoirs ont évolué. Depuis la loi du 8 février
1995 sur les pouvoirs d’injonction et d’astreinte, il attache ses décisions l’autorité et l’exécution de la chose
jugée. Depuis l’arrêt Benjamin de 1933 qui consacre le contrôle de proportionnalité des mesures de police
avec les libertés individuelles, ces dernières sont mieux protégées car toujours mises en balance avec la
nécessité de la mesure. De nouveau avec l’avis Napol de 2016, le juge administratif doit exercer un « entier
contrôle » sur la balance ordre public et libertés à l’égard des mesures de police prises pendant l’état
d’urgence, et laisse tomber le contrôle restreint. Il doit vérifier si la privation des libertés est justifiée, ce
contrôle garantit que le juge fera tout pour restaurer une liberté injustement amoindrie. C’est ce que montre
l’arrêt relatif à l’affaire du burkini, dans lequel une autorité de police avait interdit ce vêtement sur les plages,
ce qui nuisait de manière injustifiée à la liberté de conscience et à la liberté d’aller et venir. L’arrêt Commune
de Calais de 2017 porte la même atteinte injustifiée au principe de dignité humaine et aux droits à l’hygiène
et à un environnement viable. Enfin, on peut citer l’avènement du contrôle in concreto lors du contrôle de
conventionalité, depuis l’arrêt Gonzalès-Gomez de 2016, assure une garantie des droits fondamentaux plus
efficace encore. Concernant l’aspect formel de cette évolution, depuis la loi du 30 juin 2000, l’office du juge
administratif est l’aboutissement de la protection des libertés. Avec l’installation des référés-libertés et des
référés-suspensions au sein des articles L.521-1 et L.521-2 du Code de la justice administrative, la préservation
de la liberté est une urgence primordiale. Surtout le référé-liberté, de par le délai de 48 heures dans lequel le
juge doit se prononcer. Cela confère au juge de larges pouvoirs : il peut rendre toutes les mesures nécessaires
à la sauvegarde d’une liberté menacée, en procédant à une annulation, une suspension, une injonction par
exemple. Puisqu’il doit prononcer toute mesure nécessaire pour sauvegarder les libertés, il peut contourner les
limites légales pour superviser sa mission. Par exemple, il peut choisir de ne pas prononcer une mesure
provisoire mais définitive, si c’est le seul moyen de garantir l’effectivité d’une mesure fondamentale. Jacques
Petit énonce que les référés institués par la loi du 30 juin 2000, référés-suspensions et référés-mesures utiles
peuvent également servir à un tel objectif. Jean-Marc Sauvé énonce alors que cette nouvelle conception de
l’office du juge est complémentaire avec son rôle initial, il a su combler ses insuffisances.

L’évolution du rôle du juge administratif est conjointe à l’évolution de la notion de droits et libertés, dont sa
participation à cette définition permet de renforcer la protection de chacun des individus.

II. La conception large de la définition des droits et libertés pour une protection renforcée

Il n’existe pas une seule définition des droits et libertés proposée par le Conseil d’Etat (A), elles sont
consacrées selon les besoins des espèces, mais doivent toujours respecter l’intérêt général (B).

A. Une définition indépendante et casuistique de la liberté protectrice des intérêts de tous

Ce qu’il faut premièrement noter, c’est que le seul article qui mentionne la notion de liberté fondamentale
est l’article L.521-2 du Code de la justice administrative, dont le Conseil d’Etat n’a jamais précisé le sens de
cette notion. En ce sens, le juge administratif n’est donc pas l’unique garant de l’interprétation des notions de
droits et libertés fondamentaux, puisqu’ils sont aussi définis par la Convention Européenne des droits de
l’homme et la constitution. En effet, les droits fondamentaux sont maintenant la mission de tous les juges :
nationaux et européens. On constate un processus de fondamentalisation des droits dont les juges sont à la fois
acteurs et spectateurs. A ce niveau on perçoit le lien qui unit le juge constitutionnel au juge administratif : le
premier consacre des libertés inhérentes à la constitution que le second cherche à protéger effectivement
lorsqu’il est saisi. Mais on constate que le juge administratif possède une énorme marge d’appréciation quant
aux libertés fondamentales déjà consacrées par le juge européen et constitutionnel. Il peut trouver une liberté
où il souhaite la voir, il l’isole et la consacre, ce qui lui permet de garantir le mieux possible les libertés de
chacun, en ce sens il est très indépendant, et cette caractéristique lui permet d’assurer de manière efficace sa
nouvelle mission de garant des droits et libertés. Etienne Picard énonce que les droits fondamentaux forment
une « catégorie hors normes », car elle est susceptible d’être étendue à toutes sortes de droits. Ces droits
fondamentaux ne se réduisent pas à des normes formelles ou substantielles, cette notion se consacre au travers
de toute la hiérarchie des normes. Quid des libertés fondamentales par rapport aux libertés publiques et
individuelles ? Chaque juge utilise cette notion d’une manière différente, et chacun en fait une norme de
référence, en lui faisant dire ce qu’il souhaite. Ainsi, la notion de liberté fondamentale est définie de manière
casuistique par le juge administratif du Conseil d’Etat, seul juge à même en droit de faire émerger de nouvelles
libertés fondamentales. Seul le juge des référés en appel statuant au Conseil d’Etat peut faire de même. Le
Conseil d’Etat ne s’appuie pas sur une doctrine prédéfinie, en ce qu’il aurait pu reprendre la conception des
droits et libertés retenue par la doctrine classique. Au contraire, sa démarche est casuistique, il les constate au
fur et à mesure des jugements, et les consacre de la même façon, toujours en les piochant des un texte à valeur
supra réglementaire. On peut citer le droit de mener une vie familiale normale, consacré par l’arrêt Tliba de
2001, ou encore le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains, avec l’arrêt Commune de Calais
de 2017. Il ne faut pas oublier les principes généraux du droits imposés à l’administration et consacrés par le
Conseil d’Etat qui ont permis le développement des droits subjectifs. Le Conseil d’Etat consacre par ce moyen
des droits et libertés que chacun peut faire valoir devant toute administration, à l’image de l’arrêt Madame
Peynet de 1973, qui consacre l’interdiction de licencier une femme au motif de sa grossesse. Enfin, dans ses
conclusions sur l’arrêt Casanovas de 2001, la commissaire Pascale Fombeur a proposé deux critères pour
caractériser une liberté fondamentale. Elle doit se déterminer par « référence à son objet et à son rang dans
la hiérarchie des normes », car ces libertés se trouvent dans les règles à valeur constitutionnelle. Ensuite il
faut repérer un « noyau dur » au sein de ces des normes, qui serait la base des libertés invocables devant les
juridictions. Cette conception matérielle de la notion de liberté fondamentale est reprise par la commissaire
De Silva dans ses conclusions sur l’arrêt Tliba, qui énonce qu’il ne faut pas seulement viser la constitution, il
faut étendre les libertés fondamentales au cercle des conventions internationales, des lois, des principes
généraux du droit. Il s’agit de la conception actuellement retenue, puisque le juge administratif coopère avec
ses compères nationaux et européens. Finalement, on peut nous-même proposer une définition de liberté
fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de la justice administrative : il s’agit d’une liberté prévue
par une règle à valeur supra réglementaire, qui est invocable, et dont l’objet revêt une importance particulière
justifiant l’application de l’article susvisé.

Seulement cette conception large connaît des limites : elle ne peut faire primer l’individu sur la totalité.

B. L’intérêt général comme limite de la protection extensive des droits et libertés

Toutefois il faut se remettre dans la perspective selon laquelle le juge administratif contrôle les atteintes
des libertés individuelles et fondamentales par une mise en balance avec l’ordre public, dans une optique
visant l’intérêt général. Car en faisant primer les libertés individuelles sur l’intérêt général, le juge
administratif contribue-t-il réellement à la défense des libertés ? De la même manière, en faisant primer
l’intérêt général sur les droits individuels, participe-t-il réellement à la défense des libertés ? Dans un article
« Pour l’unité de juridiction », Bertrand Louvel, président de la Cour de Cassation, nous éclaire sur les limites
de cette protection des droits et libertés posées par l’intérêt général. Le nouveau statut du juge administratif,
en tant que protecteur des droits et des libertés des personnes, et ce partagé avec le juge judiciaire, montre que
la proéminence de l’intérêt général sur les droits individuels recule. On a abandonné la voie de fait, alors les
droits de chacun peuvent désormais primer. En effet, c’est parce qu’on étudie proportionnellement la nécessité
de la mesure restrictive par rapport aux droits et libertés qu’on arrive la plupart du temps à les préserver. Mais
quand on prive une personne de ses droits et libertés, c’est parce qu’elle est potentiellement ou effectivement
dangereuse pour les autres personnes, elle est sujette à agir contre l’ordre public. Alors la restriction des droits
et libertés d’une personne assure la protection de celle de toutes les autres, elle est d’intérêt général. Cette
défense des libertés est en somme paradoxale. Enfin la plasticité de ses pouvoirs lors des périodes d’urgence,
comme on l’a vu avec l’arrêt Domenjoud et la présomption d’urgence instaurée à cette occasion, pour
sauvegarder davantage les libertés de toutes les personnes menacées par les actes de cette personne
potentiellement néfastes. Concernant l’état d’urgence et l’intérêt général qu’il cherche à protéger en évitant
les troubles à l’ordre public, on remarque que le juge judiciaire est écarté au profit du juge administratif dans
ce contexte. Même si l’autorité judiciaire est, comme indiqué dans l’article 66 de la constitution, la gardienne
de la liberté individuelle, l’état d’urgence montre bien la proéminence du juge administratif dans les situations
d’urgence. Par exemple, les perquisitions et assignations à résidence sont soumis au juge administratif. Jean-
Marc Sauvé voit cela comme une bonne chose puisque cela garantie plus encore les droits et libertés de chacun,
et énonce que cette double protection ne peut qu’être bénéfique aux citoyens. C’est que Rémi Keller affirme
aussi « la défense des libertés, c’est le patrimoine commun des juges aussi bien judiciaires qu’administratifs ».
Finalement, même si l’article 66 constitution semble donner à l’autorité judiciaire une compétence exclusive,
on constate que ce monopole se restreint depuis les années 2000, depuis que le Conseil Constitutionnel a
reconnu le juge administratif comme garant des libertés. Selon Paul Cassia malgré la qualification de
gardienne de la liberté individuelle décernée à la juridiction judicaire, les juges constitutionnels et
administratifs peuvent également pourvoir à cette mission. Elle est seulement gardienne de l’interdiction des
détentions arbitraires. Désormais cet article s’entend comme la seule privation complète des libertés, pour
laisser place à la mission actuelle du juge administratif en matière de droits et libertés. Récemment, le garde
des sceaux a déclaré que la restriction de l’article 66 est révélatrice d’un mouvement libéral positif : « on ne
peut pas se plaindre de disposer de deux juges plutôt que d’un seul pour défendre les libertés. »

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