A. DÉFINITION Dans le lexique des termes juridiques, le droit est défini comme « un ensemble de règles visant à organiser la conduite en l’Homme en société et dont le respect est assuré par la puissance publique ». Mais cette définition est inexacte. Pour comprendre ce qu’est le droit, il faut prendre un dictionnaire « normal ». On constate alors que le mot droit n’est pas un nom mais un adjectif qui désigne une qualité de quelque chose. Dans le dictionnaire, l’adjectif droit est défini comme ce qui est sans déviation d’un bout à l’autre. Ainsi quand les juristes parlent de droit, en qualité de chose, ils substantivent l’adjectif droit. B. MÉTAPHORE Pour mieux comprendre, il faut faire une métaphore en comparant le travail d’un architecte et d’un juge. L’architecte fait des plans. Or s’il veut faire un plan, il a besoin d’utiliser une règle afin de faire des traits qui aient une qualité particulière, qu’ils soient droits. Le juge, lui, départage les conflits, tranche les différends. Mais lorsqu’il va faire son ouvrage, c’est-à-dire dire qui a raison ou tort, il va faire en sorte que sa décision soit conforme à un idéal, soit droite. Si l’on fait un parallèle avec l’architecte, quand ce dernier trace un trait il veut qu’il soit conforme à un idéal, soit droit sans déviation d’un point à l’autre ; le juge quand il va trancher un litige va faire en sorte que la décision rendue soit conforme au droit. Le mot « droit » n’a plus la même signification, en effet une décision conforme au droit signifie qu’elle est conforme à l’idéal de justice et le juge doit toujours tenter d’atteindre cet idéal. Conclusion, le droit n’est pas une chose, mais la qualité de ce qui se conforme ou essaye de se conformer à l’idéal de justice. Pour continuer avec la métaphore, afin que son trait soit droit, l’architecte va se servir d’une règle. Le juge lorsqu’il rend une décision conforme à l’idéal de justice va aussi se servir d’une règle juridique ou de droit. La règle juridique est donc l’outils dont se sert le juge pour trancher un différend de la manière la plus juste C. RETOUR SUR LA DÉFINITION DU DROIT Pourquoi la définition du lexique des termes juridiques est-elle fausse ? Dire que le droit est « un ensemble de règles » revient à dire que le trait tracé par l’architecte, qui a la qualité d’être droit, est identique à l’outil qui a servi à le tracer. Dans cette définition l’outil qui permet d’atteindre un certain résultat est confondu avec le résultat. La règle de droit n’est pas le droit ce n’est que l’outil qui permet d’atteindre le droit. LE DROIT EST LA QUALITÉ DE CE QUI ESSAYE DE SE CONFORMER À L’IDÉAL DE JUSTICE D. QUELLES SONT LES CONDITIONS NÉCESSAIRES AU DROIT ? 1. Pluralité de personnes Prenons l’image de Robinson Crusoé : seul sur son île le droit est inutile pour Robinson, lorsque Vendredi arrive le droit ne peut toujours pas survenir car lors d’un conflit entre 2 personnes le conflit est réglé par la force or le droit est largement étranger au phénomène de force. Pour qu’il y ait du droit il faut au minimum 3 personnes : 2 en conflit et une étrangère au conflit capable de trancher le litige 2. Absence de force Lorsqu’un conflit est réglé par la force, il y a absence de droit. Ce n’est pas l’idéal de justice qui permet de départager qui a raison et qui a tort. C’est pour cela que l’expression « le droit du plus fort » est un non-sens. Cela ne veut pourtant pas dire que la force est absente du phénomène juridique, la force intervient que pour faire exécuter une décision de justice si elle n’est acceptée par la partie en tort la force publique peut intervenir. La force n’est que subséquent 3. Présence de règles de droit ? Non, le juge peut trancher en équité, c’est-à-dire trancher un différend sans utiliser une règle de droit. Elles ne sont là que pour faciliter le travail du juge mais leur utilisation n’est pas obligatoire.
II/ LE DROIT OU LES DROITS ?
L’usage veut que l’on parle du Droit objectif et des droits subjectifs A. LE DROIT OBJECTIF Le Droit objectif signifie que le droit est pris comme un objet de connaissance, on essaye de comprendre, de connaitre ce qu’est le droit en tant que phénomène B. LES DROITS SUBJECTIFS Les droits subjectifs, selon la terminologie, signifie que l’on se place du point de vue du sujet, c’est-à-dire de l’individu. On se demande quelles sont les droits, les prérogatives dont cette personne est titulaire (Ex : dans un contrat de location, le bailleur va pouvoir exiger que tous les mois le loyer soit payé. C’est une prérogative, un droit subjectif que détient le bailleur). Quand on s’intéresse à la notion de droits subjectifs, il y a quelques difficultés : - Tout d’abord, d’un point de vue pratique, il y a une infinité de droits subjectifs qui sont rangés par classification. On retrouve les droits dont nous sommes tous titulaires de la même manière, ce sont les droit extrapatrimoniaux (les droits de l’Homme, les droits de la personnalité). Puis, il y a aussi les droits dont nous sommes tous titulaires mais d’une façon différente, ce sont les droits qui constituent la richesse matérielle d’un individu. Il y a une répartition inégale des prérogatives qui portent sur les biens matériels. Ce sont les droits patrimoniaux (le droit de propriété, le droit de créance) - Deuxièmement, il est aujourd’hui impossible pour un juriste de penser le droit sans réfléchir de manière subjective, sans réfléchir en termes de prérogative qu’à un individu à l’égard d’une chose, d’une personne, de l’État… Or, le système juridique auquel on doit le plus est le droit romain qui n’utilisait pas les droits subjectifs. Le problème du droit subjectif est qu’il créé des conflits puisque chacun fait appel à ses droits pour se défendre. Personne ne se pose la question de l’intérêt général or le droit vise à faire évoluer la société ensemble de manière la plus fluide possible. Le droit se conforme à un équilibre. Le droit subjectif accroit donc la dérive individualiste de notre société. Or aujourd’hui on ne peut pas penser le droit sans utiliser les droits subjectifs. La création de cette société individualiste remonte à l’époque du Moyen-Âge avec le développement du mouvement nominaliste ajouter à cela l’individualisme de la Révolution. C. Difficultés de la notion Quels sont les rapports entre Droit objectif et les droits subjectifs ? En principe c’est parce qu’il y a du Droit objectif, autrement dit des règles de droit qui vont être appliquées que l’on va avoir naissance de droits subjectifs (Ex : dans le contrat de bail le bailleur a un droit subjectif sur le paiement du loyer par le locataire. S’il possède ce droit c’est parce que dans le code civil, dans l’article 1728, qui dit que « le bailleur peut exiger du locataire le paiement du loyer »). Quand une règle de droit dans le code civil qui a pour conséquence de créer un droit, la personne concernée par ce droit devient alors titulaire d’un droit subjectif. Cependant, selon certaines hypothèses, c’est parce qu’il y a des droits subjectifs, qui sont préexistants, que l’on en déduit la création d’une règle de Droit objectif. Ce renversement on le retrouve en présence des droits de l’Homme : ce sont des droits subjectifs, dont sont titulaires tous les Hommes et la loi devra respecter les prérogatives fondamentales que l’on possède tous.
III/ LA RÈGLE DE DROIT : UN OUTIL
A. QU’EST-CE QU’UNE RÈGLE DE DROIT ? 1. Définition La règle de droit est un outil qui va servir au juge pour rendre une décision la plus conforme à l’idéal de justice. Dans le lexique des termes juridiques, la règle de droit est définie comme « Règle de conduite dans les rapports sociaux générale, abstraite et obligatoire dont la sanction est assurée par la puissance publique ». 2. Critique Absence de définition de ce qu’est une règle : pour éviter cette critique beaucoup d’auteur définissent la règle de droit comme étant « une norme de conduite… ». Or, une norme, qui vient du latin « Norma », est une équerre dont se servait les architectes. Une règle sert donc à faire des traits droits et une norme des angles droits. L’étymologie est extrêmement révélatrice, elle montre que peu importe que ça soit une norme ou une règle, cela reste un outil qui sert à produire quelque chose conforme à un idéal. Cette définition manque complétement une dimension de la règle de droit ou de la norme qui est d’être un instrument, un outil. La règle de droit n’est pas toujours une règle de conduite pour le citoyen : Dans les rapports sociaux, la règle de conduite est une manière de se comporter. Or, la règle de droit n’est pas toujours une règle de conduite. En effet, il y a un grand nombre de règles juridiques qui sont des normes de conduite qui indiquent à chacun d’entre nous comment se comporter dans la société de manière directe « vous n’avez pas le droit de faire telle chose », ou alors de manière indirecte (Ex : article 221-1 du code pénal « le fait de donner volontairement la mort à autrui est appelé un meurtre et est puni de 30 ans de réclusion criminelle). Cependant les règles de droit peuvent ne pas être des règles de conduite (Ex : dans le code civil à l’article 515-8 aucune conduite n’est prescrite, il s’agit seulement des conditions nécessaires pour parler de concubinage), elles permettent d’aider le juge dans différentes situations. Les règles de droit s’adressent beaucoup plus au juge qu’elles ne s’adressent aux citoyens. L’essentiel de la conduite des Hommes est dicté par le milieu environnant, par l’éducation, par la condition sociale, par des mécanismes de régulation qui ne sont pas d’ordre juridique Absence de caractère obligatoire : En insistant sur la dimension obligatoire de la règle de droit, les juristes distinguent les règles de droit d’autres types de règles qui précisément n’ont pas de caractère obligatoire (Ex : les règles de politesse, morales…) qui elles ne sont pas sanctionnées à l’inverse des règles obligatoires. Or, il existe beaucoup de règles de droit qui ne sont pas obligatoires. C’est la distinction que l’ont fait entre les règles supplétives (= règles de droit à laquelle on peut déroger) et impératives (=règle d’ordre publique. Les parties ne peuvent pas écarter cette règle et le juge doit l’appliquer même si aucunes parties ne l’invoquent. C’est ce qu’on appelle l’application d’office). Lorsque les 2 parties sont d’accords, une règle supplétive de volonté peut être écartée d’où le caractère non obligatoire de cette règle. Bien sûr cela ne s’applique pas aux règles de droit pénal. De plus pour qu’un juge puisse statuer en équité (= en amiable compositeur), il faut que les 2 parties en litige le lui demandent et il ne peut le faire que si les règles de droit en cause sont des règles supplétives de volonté. B. AUTRE DÉFINITION LA RÈGLE DE DROIT EST OUTIL QUI EST DONNÉ AUX JUGES POUR LES GUIDER LORSQU’ILS TRANCHENT UN LITIGE
IV/ LA LOI : UN COMMANDEMENT
Fondamentalement, la loi est un commandement. Quand on parle de loi divine, on parle du commandement de Dieu. Une loi humaine est le commandement, la volonté du souverain. On rapporte que Louis XVI aurait dit « c’est la loi puisque je le veux ». Louis XV a affirmé en 1776 devant le Parlement de Paris « Toute la puissance de la loi réside en ma personne, de ma volonté découle seule la loi ». A. NOTION DE LOI. 1. Notion de souveraineté La souveraineté est une notion fondamentale de la théorie politique qui a donné lieu à des analyses très controversées, c’est quelque chose de difficile à définir. La souveraineté c’est la puissance d’un être qui n’est soumis à aucun autre. En revanche le souverain est au-dessus de tous les autres individus, il peut donc imposer sa volonté, commander et prendre des lois. En France, la souveraineté a pendant longtemps été attribuée à un seul homme, à l’heure actuelle le peuple est le souverain (= Démocratie) c’est ce que dit l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 « la souveraineté nationale appartient au peuple ». Le particularisme est que le peuple n’exerce pas cette souveraineté directement. Paradoxalement, même si le peuple n’est censé être soumis à aucun autre nous restons soumis au peuple puisque l’on se doit de respecter la loi française. Aujourd’hui le moyen par lequel on va exprimer des règles de droit est la loi. C’est le peuple français qui fournit les règles de droit à travers l’Assemblée nationale et le Sénat et en s’exprimant il édicte une loi puisque c’est lui le souverain. B. CARACTÈRE DE LA LOI. Le caractère indissociable de la notion de loi est le caractère obligatoire. La volonté du souverain mérite le nom de loi parce que tout le monde lui est soumis et si quelqu’un refuse de lui obéir, de respecter la loi, le souverain peut imposer sa volonté. Ce qui fait la souveraineté est le pouvoir de contrainte, il a le monopole de la contrainte légitime (une contrainte exercée par la force est dite illégitime). L’expression « la loi du plus fort » est par conséquent parfaitement légitime. C. RAPPORTS LOI / RÈGLE DE DROIT ? Le droit est la qualité qu’à quelque chose à se conformer à un l’idéal de justice. La loi est le commandement obligatoire du souverain qui a la possibilité d’imposer sa volonté. D’où vient la confusion entre le droit et la loi ? Très souvent ce sont 2 choses qui sont tenues pour équivalente même chez les juristes, mais cela reste 2 notions différentes 1. Quant à sa généralité : La règle de droit est générale, c’est un outil. Quand le juge va se servir d’une règle pour trancher un litige, il va s’en resservir lors d’une multitude d’affaires plus ou moins similaires (d’où le caractère abstrait). La loi n’est pas générale elle est concrète et peut s’appliquer à une personne unique (Ex : A Nancy sur la place Stanislas à l’hôtel de ville on retrouve des plaques en marbre sur lesquelles on retrouve une loi qui dit que le Maréchal Pétain était considéré comme un héros de la nation après la 1ère Guerre Mondiale) 2. Quant à sa droiture On ne peut pas considérer qu’une règle de droit est injuste puisqu’elle doit se conformer à un idéal de justice, respecter les valeurs de la société. Une loi étant un commandement du souverain elle ne peut pas être qualifiée de juste ou injuste (Ex : loi durant le régime de Vichy) 3. Quant à son caractère obligatoire Certaines règles de droit sont obligatoires (droit pénal) d’autres non. Cependant l’idée même de loi est directement reliée au caractère obligatoire.