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Le droit est un concept plutôt qu’une notion1. N’étant pas une connaissance intuitive, primaire
ou ontologique, il est une représentation mentale et abstraite d’un objet (la norme). La justice,
la liberté, la dignité sont des notions. La loi, le règlement, la jurisprudence sont des concepts.
Ceci dit, le concept de droit n’est pas matière à être rapidement comprise au premier abord. Ses
règles ne sont pas n’importe quelles règles. Sa compréhension nécessite donc d’abord de le
définir afin de saisir les sens qu’il peut renfermer et les fonctions qu’il s’attribue (Section 1).
Ensuite, elle demande de clarifier en quoi ses règles se distinguent des autres règles qui ont
également pour fonction de régir la conduite des hommes en société (Section 2).
1
Hart H. L. A., Le concept de droit, Traduction française, Publication de l’Université Saint-Louis, 1976 ;
également Cubertafond B., La création du Droit, Paris, éd. Ellipses, 1999.
1
Farid OUABRI Étude du droit objectif et des droits subjectifs à la lumière de la législation algérienne
Prérequis
Buts de ce thème
À l'issue de ce thème, l'étudiant devra :
I. P RELIMINAIRE
Avant de définir la notion de "Droit", il convient au préalable de fixer d'une part l’origine de ce
mot, d'autre part, expliquer comment il s'appréhende en tant que phénomène.
L’étymologie est la science qui a pour objet la recherche de l’origine des mots d’une langue
donnée et la construction de leur ascendance. À ne pas confondre avec la « sémantique » qui
est l’étude du sens des unités linguistiques et de leurs combinaisons.
Le droit est littéralement la traduction du latin « rectum » et du sens du mot grec « orthon » qui
signifie « ce qui est en ligne droite », qui « doit servir de règle » ou de « mesure2».
L’adjectif « droit » vient du mot latin « directus », qui signifie ce qui est « direct », « sans
détour », en « ligne droite », « juste3». Le mot « directus » vient du mot latin « dirigere » qui
signifie « redresser, régler, tracer en ligne droite, aligner » qui est lui-même dérivé du verbe
latin « regere », c’est-à-dire, « régir, guider, conduire ».
2
Franck A., (ss. dir.), Dictionnaire des sciences philosophiques, Tome II, Paris, Librairie Hachette, 1845.
3
Cornu G. (ss. dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2007.
2
Farid OUABRI Étude du droit objectif et des droits subjectifs à la lumière de la législation algérienne
1. Le droit est avant tout un phénomène social ou de société et en tant que tel, il est aussi vieux
que le Monde4. C’est-à-dire que le jour où un groupe humain apparaît, le droit lui aussi fait son
apparition. La vie en solitaire n’exige pas de droit par opposition à la vie en société. Il n’y a pas
de Droit sans société, comme il n’y a pas de société sans Droit.
2. Le droit, est aussi un phénomène observable. C’est-à-dire que l’on peut aisément observer.
Vous achetez un journal, une baguette de pain, vous concluez un contrat de vente, vous faites
du Droit.
3. Enfin, le droit est un phénomène vivant. Autrement dit, les règles qu’il contient ont une
existence non pas simplement théorique mais surtout concrète et pratique. Ces règles,
n'émergent pas du hasard. Elles trouvent naissance en forme de coutumes par exemple qui
régulent la vie en société. Elles émanent surtout d’une autorité ou plus précisément d’un pouvoir
ou des pouvoirs (législatif, exécutif, parlement, gouvernement). Donc, ces règles, naissent,
existent, vivent pendant un certain temps, puis, disparaissent ou sont plus ou moins
régulièrement modifiées, ou même abrogées en cas de nécessité.
Qu’est-ce qu'en définitive le "Droit" ? Quels sont ses divers sens ? Le mot "droit" a
généralement deux sens qui au fond ne sont pas contradictoires ou antagonistes, mais
complémentaires :
A. Dans un premier sens, et selon une approche objective, c’est-à-dire, en fonction de l’objet,
le Droit (avec un "D" majuscule), est un ensemble de règles de conduite sociale qui dans une
société donnée régissent, déterminent, commandent et gouvernent les rapports des hommes et
dont le respect est assuré par l’autorité publique. D’une autre manière, le Droit, (toujours avec
un "D" majuscule), est l’ensemble des règles qui s’appliquent dans un État donné à un moment
donné. C’est ce que l’on appelle aussi par le « droit positif5». Dans cette définition, et dans ce
sens précis, ce qui est pris en considération, c’est l’objet du Droit qui est d’organiser la vie des
hommes dans la société. C'est dans ce sens également que l'on parle de droit public, droit privé,
droit constitutionnel, droit administratif, droit civil, droit commercial, droit pénal, etc.
B. Dans un second sens, et selon une approche subjective, c’est-à-dire en fonction du sujet ou
de la personne, le droit (avec un "d" minuscule), se définit comme une prérogative juridique
attribuée à un sujet de droit6. Autrement dit, le ou les droits subjectifs, sont « les prérogatives
que le Droit objectif reconnait à un individu ou à un groupe d’individus, et dont ceux-ci peuvent
se prévaloir dans leurs relations avec les autres, en invoquant s’il y a lieu, la protection et
l’aide des pouvoirs publics7». Sous cet aspect, on n’évoque plus le Droit en général, mais plutôt
un droit ou des droits reconnus à un individu, donc à un sujet de droit. Le sens est ici plus
restreint, plus étroit, il vise le titulaire de la prérogative juridique, c’est pourquoi on se sert dans
4
Sacco R., Anthropologie juridique. Apport à une macro-histoire du droit, Dalloz, 2008.
5
Voir aussi Guinchard S., Montagnier G., (ss. dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 22ème éd., 2014.
6
Pour une étude plus approfondie de cette notion, voir par exemple, Kaczmarek L., La responsabilité pour fait
normal. Étude critique sur son originalité en matière civile extracontractuelle, Éditions Publibook, 2012, p. 256
et s.
7
Terré F., Introduction générale au droit, Dalloz, 9ème éd., 2012, p. 3.
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ce sens de l’expression « droit subjectif », comme le droit de vote, droit de propriété, droit au
dédommagement lorsque l’on subit un préjudice, etc8.
Comme on l'a déjà souligné, le droit objectif et les droits subjectifs entretiennent des relations
très étroites9. On peut illustrer ces relations en disant que les deux constituent les deux faces
d’une même pièce de monnaie. Autrement dit, les droits subjectifs n’ont de signification ni
d’existence que par rapport à un Droit objectif. Une prérogative juridique, donc un droit
subjectif, ne peut jamais être reconnue à une personne que par application d’une règle générale
qui lui préexiste, c'est-à-dire de Droit objectif. Exemple : vous êtes propriétaire d’une maison,
d’un immeuble ; la loi vous donne le droit d’en jouir et d’en disposer. Mais, ces deux
prérogatives juridiques (la jouissance et la disposition de la chose) ne peuvent vous être
reconnues et vous ne pouvez les exercer que parce que le Droit objectif (la Constitution et le
droit civil en l’occurrence), reconnaissent et consacrent le droit de propriété. Un autre exemple :
un automobiliste qui en roulant sur la route percute une personne et lui cause des blessures. À
partir du moment où cet automobiliste cause des blessures, un dommage par sa faute, il a
l’obligation de réparer ce dommage, et cette personne blessée a le droit d’être indemnisée. Mais,
ce droit à l'indemnisation, n’a d’existence et ne peut être reconnu que parce qu’il existe en droit
civil (art. 124 du Code civil), donc Droit objectif, un principe général qui prévoit que celui qui
cause par sa faute à autrui un dommage, est tenu de le réparer. En somme, c’est le Droit objectif
qui détermine, fixe, et prévoit l’ensemble des droits subjectifs.
Pour comprendre les fonctions du Droit, j'aimerais citer l'exemple du Professeur François
Terré10. En effet, qui ne connait pas l’histoire de Robinson Crusoé ?! Cet homme qui a vécu 28
ans « seul » sur une île déserte sur une côte de l’Amérique à la suite d’un naufrage. Si vous
remarquez bien, Robinson Crusoé pendant toute cette longue durée vivait en solitaire et n’avait
que faire du droit, et en cela du droit dans ses deux sens objectif et subjectif. C’est-à-dire en
tant que règles régissant sa conduite, et en tant que titulaire de prérogatives ou de privilèges.
Cependant, le jour où il a rencontré Vendredi, sa situation changea. C'est cette rencontre qui a
en effet nécessité l'organisation de leurs relations mutuelles, donc l'établissement de certaines
règles pour vivre en harmonie.
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Maintenant, pourquoi le Droit ? Quelles sont ses fonctions ? Quel est son intérêt ? Finalement,
à quoi sert-il ? En effet, les fonctions du Droit sont multiples. Le Droit sert à instaurer un lien
social entre les individus dans la société. Le Droit sert à régir et organiser les relations entre les
États. Le Droit sert à octroyer un privilège ou une prérogative à un individu. Le Droit sert à
organiser la circulation automobile, etc. Surtout, le Droit sert à éviter les conflits d’intérêts entre
individus ou entre individus et collectivités. En somme, on peut résumer les fonctions du droit
dans les points suivants11 :
11
Pour une analyse plus approfondie sur ce point, voir par exemple Supiot A., Homo juridicus : Essai sur la
fonction anthropologique du Droit, Points, Coll. Points Essai, 2009 ; Sur la fonction des droits subjectifs, voir
l’excellente analyse de Luhmann N., « De la fonction des droits subjectifs », Trivium, 2009, en ligne :
http://trivium.revues.org/3265 Consulté le 13 août 2016.
12
Formule du juriste romain Celse, in Digeste, I, 1 de justicia et jure I. Cité in Terré F., Introduction générale au
droit, op. cit., p. 13.
13
Voir aussi sur ce point, Hartani A.-Kh., Terminologie juridique, op. cit., pp. 16-17 ; Parain-Vial J., « Les
fonctions du droit, pouvoir et justice », Annuaire de philosophie et de droit, n° 17, 1973-1974, pp. 107-112.
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Finalement, on voit bien que les fonctions du droit sont multiples et variées. Et quelle que soit
sa forme, écrite ou orale, le droit est l'outil par excellence de régulation de la vie humaine.
D’abord, parce que le "vivre ensemble" répugne à toute idée de violence. Comment peut-on
vivre pacifiquement dans une société violente ? Ensuite, parce que le progrès de l'esprit humain
et le sens de notre civilisation moderne refusent à ce que les rapports des hommes soient guidés
par l’arbitraire et l'injustice. Le Droit est précisément là pour les vaincre, les dompter, les
contenir, et même les combattre. En effet, parce que les intérêts des individus sont multiples et
variés, qu'ils sont nécessairement contradictoires et conflictuels. Le Droit est là pour les
concilier, les apaiser, il est là pour rappeler à chacun ses droits et ses devoirs. Enfin, le Droit est
là pour fixer des règles de conduite aux individus et les contraindre à les respecter par la force
publique s'il le faut.
Droit subjectif 8A ذاDE : Prérogative juridique reconnue à un sujet de droit et dont celui-ci peut
se prévaloir dans ses rapports avec les autres.
Droit positif 8F;ن و:>?@ : Ensemble de règles juridiques en vigueur à un moment donné dans
un État donné.
Prérogative juridique 8>:>?@ ?زJK< إ: Avantage ou privilège accordé à un sujet de droit ou attaché
à une fonction, à un état.
Sujet de droit DMN اOE?P : Personne physique ou morale régie par le droit, titulaire de droits et
d’obligations.
Dommage رR; : Préjudice subi par une personne dans son intégrité physique (dommage
corporel), morale (perte d'un être cher, atteinte à l'honneur), ou dans son patrimoine (dommage
matériel ou économique) donnant lieu à un droit à réparation.
Indemnité ST:FA : En droit civil, synonyme de dommages-intérêts, c'est une somme d'argent
destinée à réparer un préjudice.
Parlement ?نUNRV : Assemblée délibérante ayant pour fonction d'élaborer et de voter les lois et
de contrôler l'action du Gouvernement. En Algérie, le Parlement se compose de deux chambres :
l'Assemblée Populaire Nationale, chambre basse, et le Conseil de la Nation, chambre haute.
Droit de propriété WJXYUN اDE : Droit réel comprenant toutes les prérogatives que l'on peut avoir
sur un bien, à savoir l'usage, la jouissance des produits et la libre disposition de la chose.
Faute Z[\ : Acte ou omission d'une personne qui par imprudence ou malveillance a failli à ses
engagements contractuels ou à son devoir de ne causer aucun dommage à autrui.
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Farid OUABRI Étude du droit objectif et des droits subjectifs à la lumière de la législation algérienne
Bennadji Ch., Vocabulaire juridique, Offices des publications universitaires, Alger, 2006.
Cornu G. (ss. dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2007.
Cubertafond B., La création du Droit, Paris, éd. Ellipses, 1999.
De Béchillon D., Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, éd. Odile Jacob, 1997.
Franck A., (ss. dir.), Dictionnaire des sciences philosophiques, Tome II, Paris, Librairie
Hachette, 1845.
François L., Le problème de la définition du droit, Liège, 1978.
Garram I., Terminologie juridique dans la législation algérienne, Palais des livres, Blida, 1998.
Guinchard S., Montagnier G., (ss. dir.), Lexique des termes juridiques, éd. Dalloz, 22ème éd.,
2014.
Hart H. L. A., Le concept de droit, Traduction française, Publication de l’Université Saint-
Louis, 1976.
Hartani A.-Kh., Terminologie juridique, Performance Éditions, 2010.
Kaczmarek L., La responsabilité pour fait normal. Étude critique sur son originalité en matière
civile extracontractuelle, Éditions Publibook, 2012.
Libchaber R., L’ordre juridique et le discours du droit : essai sur les limites de la connaissance
du droit, éd. LGDJ, Coll. Hors LGDJ, 2013.
Luhmann N., « De la fonction des droits subjectifs », Trivium, 2009, en ligne :
http://trivium.revues.org/3265 Consulté le 13 août 2016.
Parain-Vial J., « Les fonctions du droit, pouvoir et justice », Annuaire de philosophie et de
droit, n° 17, 1973-1974, pp. 107-112.
Sacco R., Anthropologie juridique. Apport à une macro-histoire du droit, Dalloz, 2008.
Supiot A., Homo juridicus : Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Points, Coll. Points
Essai, 2009.
Terré F., Introduction générale au droit, Dalloz, 9ème éd., 2012.