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Dossier

Troubles de la conscience et coma


1. Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, département d’anesthésie réanimation –
Pierre-Antoine Pioche1, réanimation neurologique
Benjamin Rohaut2 2. Sorbonne Université, département de neurologie - MIR Neuro ; Institut du cerveau -
Paris Brain Institute - ICM, Inserm, CNRS ; AP-HP, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Introduction Définitions langage commun, évitant ainsi des


Les troubles de la conscience im- et symptomatologie termes de définitions parfois am-
pliquent nécessairement un dys- biguës tels que stupeur, léthargie,
fonctionnement cérébral à l’origine Coma obnubilation, etc. [2]. Son utilité
d’une altération de cette formi- Le coma (du grecque κwμα, pour l’a fait accepter par toutes les disci-
dable « capacité à se rapporter nos « sommeil profond ») est défini plines et il est de nos jours connu de
propres états mentaux » qui définit par un état de non réponse compor- tout médecin. La mesure du score de
généralement la conscience. Ces tementale chez un patient qui a les Glasgow est fondée sur l’observa-
troubles peuvent évoluer jusqu’au yeux fermés (donc en état de som- tion des réponses oculaire, verbale
coma, présentation la plus extrême, meil apparent), mais qui ne peut et motrice du patient, spontanées
associant alors une absence d’éveil pas être réveillé, y compris par des ou après stimulations verbales et
et de réponse comportementale stimulations intenses douloureuses si besoin douloureuses. Le score de
« adaptée » même en réponse à [1]. C’est la forme la plus sévère de Glasgow varie entre 3 (coma pro-
des stimulations douloureuses. La trouble de la conscience. fond) et 15, maximum correspon-
conscience implique de manière dant à un état de vigilance et de
schématique l’intégrité de deux sys- Confusion mentale conscience normale (Tab. 1).
tèmes neuroanatomiques distincts : À l’opposé, la confusion mentale
1) le système réticulé activateur as- représente une forme modérée >>Score FOUR
cendant (système de l’éveil), d’altération de la conscience mar- Le score FOUR (pour Full Outline of
2) 
le « 
réseau cérébral de la quée par une altération combinée UnResponsiveness), développé plus
conscience » (système permettant des grandes fonctions cognitives récemment, a l’avantage de rendre
la conscience d’accès). (langage, calcul, planification de plus facile l’évaluation des patients
Le diagnostic des troubles de la tâches…), une altération de la vigi- intubés et d’inclure certains ré-
conscience fait appel à l’examen lance et de l’attention le plus sou- flexes du tronc cérébral [3]. D’uti-
neurologique qui est généralement vent fluctuante avec le nycthémère. lisation plus spécialisée, ce score,
complété par des examens d’ima- variant entre 0 (coma profond, voire
gerie, de neurophysiologie ou de Scores cliniques état de mort encéphalique) à 16 (le
biologie. Le pronostic des troubles Pour décrire tous les états inter- meilleur), permet la mesure de la
de la conscience est variable et médiaires entre confusion et coma, réponse oculaire, de la réponse
dépend notamment de la cause, du nous utilisons des scores cliniques. motrice, des réflexes pupillaires,
terrain et de la sévérité de l’atteinte cornéens et de toux, ainsi que de la
de la conscience. La prise en charge >>Score de Glasgow respiration des patients (Fig. 1).
thérapeutique nécessite une ges- Le plus connu est bien sûr le célèbre Ce score facilite la détection des pa-
tion de la défaillance d’organe ini- score de Glasgow, développé dans tients conscients en locked-in syn-
tiale pouvant menacer le pronostic les années 1970. Il s’agit d’une mé- drome par la recherche d’une pour-
vital à la phase aiguë, une prise thode fondamentale d’évaluation suite oculaire. Il est plus pratique
en charge symptomatologique et de la profondeur d’un trouble de pour le suivi évolutif du niveau de
étiologique initiale, puis la ges- la conscience. Initialement validé conscience en pratique quotidienne
tion des complications, et enfin la dans le traumatisme crânien, sa en réanimation. Bien que plus
rééducation. simplicité a permis d’instaurer un complet que le score de Glasgow,

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Tableau 1 - Le score de Glasgow.


Ouverture des yeux
Critère Évaluation Score
Ouverture avant stimulation Spontanée (normale) 4
Après une demande en parlant ou en criant À l’appel 3
Après une pression de l’ongle À la pression 2
Aucune ouverture à aucun moment en l’absence de facteurs
Aucune 1
interférents
Yeux fermés à cause d’un problème local Non testable NT
Réponse verbale
Critère Évaluation Score
Donne correctement son nom, le lieu et la date Orienté 5
Pas orienté, mais communication cohérente Confus 4
Mots isolés et compréhensibles Mots 3
Seulement des gémissements ou des grognements Sons 2
Pas de réponse audible, en l’absence de facteurs interférents Aucune 1
Facteurs empêchant la communication Non testable NT
Réponse motrice
Critère Évaluation Score
Répond à deux ordres simples et opposés Obéit aux commandes 6
Amène la main au-dessus de la clavicule après stimulation du
Localise 5
trapèze ou de l’incisure supra-orbitale
Flexion rapide du bras sans caractéristiques anormales
Flexion normale 4
évidentes
Flexion du bras avec des caractéristiques anormales évidentes Flexion anormale 3
Extension du bras Extension 2
Pas de mouvement des bras ni des jambes
Non 1
En l’absence de facteurs interférents
Paralysie ou autre facteur limitant Non testable NT

l’examen clinique ne devra cepen- de l’encéphale avec perte de toute yeux) aréactif quelle que soit la sti-
dant pas s’y limiter pour différen- activité du cortex et du tronc céré- mulation. Il n’existe aucune activité
cier certains troubles de conscience bral consécutive à l’arrêt complet respiratoire spontanée en l’absence
plus subtiles. de la circulation cérébrale. Elle de toute sédation et curarisation, en
oblige des critères médico-légaux dehors d’un contexte d’intoxica-
Diagnostics différentiels stricts, car elle impose l’arrêt des tion ou d’hypothermie, en l’absence
supports vitaux alors qu’une acti- d’anomalie biologique confondante.
>>État de mort encéphalique vité cardiaque est persistante. Cli-
L’état de mort encéphalique est niquement, le patient présente Diagnostic
défini par la destruction irréversible un coma (absence d’ouverture des Le diagnostic de la mort encéphalique

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Troubles de la conscience et coma

Figure 1
Le score de FOUR.

doit comporter en France : Cadre législatif en angiotomodensitométrie ou en


- l’absence totale de conscience et Dans la perspective du don d’or- angiographie.
d’activité motrice volontaire, ganes, de tissus ou de cellules, un
- la disparition de tous les réflexes cadre législatif spécifique régit le >>Syndrome de
du tronc cérébral comprenant : diagnostic de mort cérébrale et dé-efférentation motrice
o le réflexe photomoteur, oblige le constat par deux médecins Le syndrome de dé-efférenta-
o le réflexe cornéen, de l’abolition de tous les réflexes du tion motrice (locked-in syndrome)
o le réflexe oculo-vestibulaire, tronc cérébral, l’absence de situa- est un syndrome rare, le plus sou-
o le réflexe fronto-orbiculaire, tion confondante, et l’attestation du vent lié à des lésions antérieures
o le réflexe oculo-céphalique, caractère irréversible de la destruc- du tronc cérébral interrompant
o le réflexe oculo-cardiaque, tion cérébrale par la constatation de les voies motrices en dessous du
o le réflexe de toux, deux EEG plats réalisés à 4 heures noyau du III sans atteinte du SRAA
o et l’absence totale de respira- d’intervalle ou d’un arrêt complet de localisation plus postérieure
tion spontanée vérifiée par un test de la circulation cérébrale dans les (Fig. 2). Il ne s’agit pas d’un trouble
d’hypercapnie. territoires antérieurs et postérieurs de conscience en soit, mais d’un

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diagnostic différentiel à connaître.


Le patient conscient est incapable
de communiquer autrement que par
des mouvements oculaires verti-
caux. La cause la plus fréquente de Projections corticales
ce syndrome est l’accident isché-
mique vertébrobasilaire, mais une
polyradiculonévrite aiguë sévère
Thalamus
ou un botulisme peuvent produire Noyau basal de Meynert
un tableau identique. Quelques cas
de locked-in syndromes complets
ont déjà été décrits et, bien que le Système réticulé activateur ascendant
diagnostic soit très difficile (il faut
s’aider de la neurophysiologie ou
de la neuroimagerie fonctionnelle),
il faut se souvenir que la classique
préservation d’un mouvement per-
mettant d’établir un code de com- Figure 2
Substance réticulée activatrice ascendante (éveil).
munication est en fait tautologique
puisque nécessaire pour démontrer
la préservation de la conscience… sous-tendu par la substance réticu- des événements ischémiques ou hé-
lée activatrice ascendante (SRAA), morragiques de la circulation posté-
>>Aréactivité psychogène constituée d’un réseau de noyaux rieure ou, enfin, à des compressions
L’aréactivité psychogène est un et de fibres se projetant sur l’en- locales (abcès, tumeur, etc.).
trouble psychiatrique conversif ou semble du cortex cérébral (Fig. 2).
psychotique qui survient dans un L’essentiel des noyaux de la SRAA « Réseau cérébral
contexte évocateur. La persistance se situe principalement dans la par- de la conscience »
d’un tonus passif, l’existence d’une tie postérieure de la protubérance et La conscience ou, plus précisément
résistance à l’ouverture passive des du mésencéphale. D’autres noyaux, la capacité à traiter des représenta-
paupières, la fixation oculaire lors de notamment ceux histaminergiques tions mentales de façon consciente,
la rotation de la tête ou l’évitement (expliquant l’action sédative des requiert plusieurs éléments en plus
du regard de l’examinateur peuvent antihistaminiques), se situent de la fonctionnalité de la SRAA. Ces
contraster avec une absence totale dans la partie inféro-antérieure du éléments sont encore l’objet d’in-
(finalement assez rare dans les co- diencéphale. Il existe par ailleurs tenses recherches, mais nous pou-
mas « organiques ») de réactivité une voie indirecte prenant relais vons déjà lister [5] :
aux stimuli douloureux. L’absence dans les noyaux intralaminaires - un réseau thalamocortical traitant
d’encombrement bronchique chez thalamiques [4]. Les caractéris- des informations sensorielles,
un patient Glasgow 3 est aussi évo- tiques neurochimiques de ses dif- - 
un réseau cérébral impliquant
cateur. Les mouvements d’évite- férents noyaux impliquent des voies notamment les cortex préfrontal
ment, notamment pour protéger le glutamatergique, sérotoninergique, et pariétal reliés entre eux par des
visage, sont très évocateurs (signe histaminergique, dopaminergique, connexions longues distances et en
du peigne). Le recours à l’EEG (sou- adrénergique ou cholinergique. La relation avec les cortex sensoriels,
vent proche de la normale) est alors SRAA est bien entendu aussi forte- - des capacités de modulation et
fondamental pour le diagnostic. ment impliquée dans la physiologie d’amplification attentionnelle
du sommeil [1]. Les dysfonction- jouant un rôle dans la mobilisation
nements de la SRAA sont le plus active de l’information et son accès
Anatomie souvent secondaires à des troubles à la conscience.
et physiopathologie toxico-métaboliques (hypoglycé-
de l’éveil et de la conscience mie, insuffisance hépatocellulaire, Troubles de la conscience
L’éveil (aussi appelé vigilance) est insuffisance rénale, iatrogénie), à Les troubles de la conscience sont

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Pression sur
Pression sur l’ongle Pincement du trapèze l’incisure supra-orbitale

Figure 3
Sites de stimulation physique pour le score de Glasgow.

généralement secondaires à un les circonstances de découverte cyanose) et de l’hémodynamique


dysfonctionnement cérébral dont du patient inconscient, l’expo- générale (fréquence cardiaque, ten-
le substrat physiopathologique sition éventuelle à des toxiques, sion artérielle).
peut impliquer de nombreux mé- l’existence de symptômes récents
canismes pouvant survenir seuls (confusion, mouvements anor- Existe-t-il une situation nécessitant
ou en association. Lorsqu’il s’agit maux...). Elle évalue la temporalité une prise en charge thérapeutique
d’un mécanisme lésionnel, les lé- de la symptomatologie, l’état co- en urgence ?
sions intéressent généralement les gnitif et mental préexistant, et les La recherche d’une hypoglycémie,
deux hémisphères et/ou touchent antécédents neuropsychiatriques. d’une raideur méningée (orientant
directement la SRAA au niveau Les voyages récents, les consomma- vers une méningite bactérienne
du tronc cérébral ou du diencé- tions toxiques habituelles et les ha- ou hémorragie méningée) associée
phale. Lorsqu’il s’agit de désordre bitudes de vie doivent être recueillis éventuellement à des manifesta-
métabolique ou toxique, le reten- pour optimiser la prise en charge tions cutanées (purpura fulminans
tissement est bien sûr diffus, et étiologique puis thérapeutique. de la méningite à méningocoque),
intéresse autant les boucles cortico- de signes d’un traumatisme crânien
thalamiques que leurs connexions >>Examen clinique initial ou de signes neurologiques focaux
avec les ganglions de la base. L’examen clinique initial doit être doit être systématique afin de pro-
ciblé et efficace, et vise à répondre à poser une thérapeutique adaptée
quelques questions principales. dans les meilleurs délais (resucrage,
Diagnostic des troubles antibiothérapie, osmothérapie et
de la conscience Existe-t-il une menace vitale immé- neurochirurgie ou prise en charge
diate ? neurovasculaire interventionnelle
Approche clinique La défaillance neurologique aiguë ou médicale).
L’approche diagnostique des est fréquemment le lit de menaces
troubles de la conscience reprend vitales immédiates. Les troubles Quelle est la profondeur du trouble
les schémas classiques de l’évalua- neurovégétatifs associés imposent de la conscience ?
tion diagnostique en médecine. de s’assurer dans un premier temps L’examen neurologique initial vise
de la liberté des voies aériennes su- à mesurer la profondeur du trouble
>>Anamnèse périeures, de la qualité de la ventila- de la conscience via le score de
L’anamnèse cherche à identifier tion (fréquence, rythme, amplitude, Glasgow ou le score FOUR. Comme

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Réponse à deux ordres simples et opposés (M6)

Stimulation au trapèze (M4-M5)


Afférence sensitive via un nerf crânien (XI)
dans le tronc jusqu’au thalamus puis au cortex sensitif
primaire avant la réponse motrice
Nerf crânien TC* Thalamus Cortex S Cortex M
Selon la richesse des aires associatives : M4 (flexion normale) ou M5 (localisation)

Stimulation à l’ongle (M2-M3)


Afférence sensitive via un nerf spinal puis moelle, +/- thalamus
et cortex : permet de différencier une atteinte corticale
(décortication) d’une atteinte du TC ou des NGC (décérébration)

Nerf spinal Moelle TC Thalamus Cortex

Réflexe médullaire Activation TC ou NGC


« décérébration » M2 « décortication » M3

Pas de réponse à la stimulation à l’ongle (M1)

TC : tronc cérébral ; NGC : noyaux gris centraux

Figure 4
Afférences et stimuli du score de Glasgow.

décrit précédemment, le score de sur l’incisure supra-orbitaire sont l’examen via la stimulation d’un
Glasgow est généralement l’outil les stimuli nociceptifs couramment nerf crânien et la pression supra-
de choix lors des premières heures acceptés (Fig. 3). orbitaire est utile au dépistage
de prise en charge du fait de sa gé- d’une lésion focale de type paralysie
néralisation. Il permet l’utilisation La difficulté liée à l’utilisation de ce faciale. Les postures de décortica-
d’un langage universel internatio- score réside principalement dans tion (M3) mettent en évidence des
nal et interdisciplinaire pour la prise l’évaluation du score moteur entre troubles structurels ou métabo-
en charge optimale des malades. le score M3 et M4, respectivement liques hémisphériques avec préser-
L’utilisation du score impose la marqués par une flexion anormale vation des centres moteurs du tronc
vérification des facteurs réduisant (M3), définie par une flexion lente cérébral. A contrario, les postures de
la communication et la capacité à et stéréotypée avec rotation de décérébration (M2) indiquent que
répondre, un temps d’observation l’avant-bras et pouce fermé et une seule la partie inférieure du tronc
des mouvements spontanés et des flexion normale (M4) définie par cérébral ou la moelle spinale réagit
contenus verbaux et un temps de une flexion rapide, non stéréotypée aux stimuli sensoriels par un méca-
stimulation verbale ou douloureuse. d’un bras en abduction. nisme d’extension. Notons ici que
Les sites de stimulation physique La stimulation à l’ongle permet si le manque de pratique conduit
doivent être connus pour ne pas l’examen d’un stimulus périphé- naturellement à un oubli des points
créer de lésions traumatiques irré- rique sur l’activation corticale via attribués à chaque item, la plupart
versibles : la pression sur l’ongle, le un réseau sensitif médullaire. La des médecins sont en fait parfai-
pincement du trapèze ou la pression stimulation au trapèze permet tement capables de renseigner un

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Troubles de la conscience et coma

confrère (du Samu au téléphone par


exemple). Ainsi, en se rappelant

A
juste comment stimuler un patient
(voix, puis si nécessaire douleur),
une description simple du type « le
patient grogne, mais ne prononce pas
de mots, ouvre les yeux temporaire-
ment et étend les deux bras à la dou-
leur » sera facilement traduite en
Glasgow = 6 E2V2M2 par le confrère
spécialiste (Fig. 4).
B
>>Examen clinique neurologique
L’examen clinique neurologique
incluant un examen du tronc céré-
bral permet d’élaborer des hypo-
thèses quant à la localisation poten-
tielle de la souffrance neurologique.
C1
L’examen des mouvements ocu-
laires et des réflexes neuro-
ophtalmiques apportent des élé-
ments précieux en ce qui concerne
la fonction du tronc cérébral.
Par définition, un patient dans le
coma a les yeux fermés. Il existe
C2
toutefois des comas avec occlusion
incomplète des yeux en lien avec
une diplégie faciale ou une hypo-
tonie orbiculaire.

Lésions hémisphériques D1
(télencéphaliques)
Une déviation conjuguée de la tête
et des yeux vers le côté lésionnel
indique une atteinte hémisphérique
ou pédonculaire cérébrale (le ma-
lade « regarde sa lésion ») (Fig. 5A).
Les mouvements d’errance ocu- D2
laires (Ping-pong gaze), corres-
pondant à des mouvements hori-
zontaux lents conjugués, orientent
vers certaines lésions télencé-
phaliques bilatérales ou vers une
pathologie métabolique ou toxique
(Fig. 5B).
Figure 5
Examen des mouvements oculaires et des réflexes neuro-ophtalmiques.
Lésions diencéphaliques
A : déviation conjuguée de la tête et des yeux vers le côté lésionnel ;
Une déviation conjuguée vers B : mouvements d’errance oculaires (Ping-pong gaze) ; C : déviation
le bas ou une ésotropie uni- ou conjuguée vers le bas/ésotropie uni- ou bilatérale ; D : regard en coucher
bilatérale évoquent une lésion de soleil/perte du parallélisme oculaire dans le sens vertical.

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diencéphalique (Fig. 5C).

Réaction oculomotrice
Lésions du tronc cérébral
ou du cervelet
Un regard en coucher de soleil,
la perte du parallélisme oculaire Nerf III
dans le sens vertical (skew devia- Nerf VI
tion) orientent vers une lésion du
tronc cérébral (Fig. 5D).
Le bobing oculaire, défini comme
des mouvements oculaires rapides Bandelette
longitudinale postérieure
vers le bas suivis d’une pause puis Nerf VIII
Stimulation
d’un mouvement lent vers le haut, vestibulaire
est observé dans certaines lésions
protubérantielles.
Une déviation conjuguée vers le
côté opposé à la lésion évoque une
lésion protubérantielle (le patient
« regarde son hémiplégie »).
Les opsoclonies, ou mouvements
oculaires conjugués rapides anar-
Figure 6
chiques, orientent vers des lésions
Étude de l’oculocéphalogyricité horizontale ou du réflexe oculovestibulaire
cérébelleuses ou du tronc cérébral. évaluent les connexions entre le système vestibulaire du VIII et les noyaux des
L’étude de l’oculocéphalogyricité nerfs oculomoteurs III et VI via la bandelette longitudinale postérieure.
horizontale (en réponse à une rota-
tion horizontale de la tête) ou du ré-
flexe oculovestibulaire (en réponse
à une injection de 50 à 200 ml d’eau
glacée dans le conduit auditif ex- Nerf II
Stimulation Contraction pupillaire
optique
terne) évalue les connexions entre
Nerf III
le système vestibulaire du VIII et les intrinsèque
noyaux des nerfs oculomoteurs III
et VI via la bandelette longitudinale
postérieure (Fig. 6).

Réactions pupillaires
L’évaluation du diamètre pupillaire
permet de rechercher une aniso-
corie. Les réflexes photomoteurs
directs et consensuels doivent être
systématiquement recherchés en
éclairant séparément chaque œil
(Fig. 7).

Une mydriase unilatérale (di-


latation unilatérale) associée à
Figure 7
une abolition du réflexe photo-
Évaluation du diamètre pupillaire.
moteur suggère une lésion de la troi-
sième paire crânienne et constitue
une urgence absolue (engagement

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Nerf II Nerf II
Stimulation Stimulation
optique optique

Nerf III Nerf III Absence de contraction pupillaire


Absence de contraction pupillaire
intrinsèque intrinsèque

Figure 8
Mydriase unilatérale (à gauche) et mydriase bilatérale (à droite).

temporal, rupture d’anévrisme de


la communicante antérieure…)
(Fig. 8A).
Une mydriase bilatérale associée DIENCÉPHALE

à une abolition bilatérale du réflexe


photomoteur traduit une souffrance MÉSENCÉPHALE
complète du mésencéphale et est
généralement associée à un pronos- NERF III
tic très sombre (Fig. 8B).
PROTUBÉRANCE
Un myosis bilatéral réactif peut
orienter vers une lésion diencé-
phalique et un myosis punctiforme
oriente vers une intoxication mor-
phinique, plus rarement une lésion
protubérantielle (Fig. 9).
Figure 9
Réflexe cornéen Anomalies pupillaires selon le niveau d’atteinte structurelle.
et fronto-orbiculaire
Le réflexe cornéen se recherche en
stimulant jonction sclère-cornée oculaires (Fig. 10). Le réflexe cornéen ou quand il s’accompagne d’un
avec une goutte de sérum physiolo- persiste habituellement jusqu’au mouvement de diduction de la
gique ou avec une compresse stérile. coma profond et son absence est mâchoire du côté opposé (réflexe
La réponse normale est une ferme- souvent indicatrice de mauvais pro- cornéoptérygoïdien).
ture bilatérale des paupières et une nostic. Il est localisateur lorsqu’il Le réflexe fronto-orbiculaire est
élévation syncinésique des globes est aboli de manière unilatérale également lié à une communication

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Troubles de la conscience et coma

Stimulus RELAIS DIENCÉPHALIQUE

lus
mu
Fermeture des paupières
Sti
Nerf V
Fermeture
des paupières
Nerf V

Nerf VII

Nerf VII

Figure 10 Figure 11
Réflexe cornéen. Réflexe fronto-orbiculaire.

V-VII qui a pour particularité d’im- Modes respiratoires et troubles de réflexe de déglutition (nerf IX et
pliquer un relais diencéphalique végétatifs relais bulbaire) (Fig. 13), l’absence de
(Fig. 11). C’est pour cette raison que L’examen de la fréquence respira- toux, des modifications thermiques,
ce réflexe est un des plus hauts de toire et de l’amplitude de la ven- des phénomènes vasomoteurs ou
la classification rostro-caudale des tilation spontané doit être réalisé d’horripilation ou des troubles de
réflexes du tronc cérébral. La dif- et a parfois une valeur localisatrice la sudation parfois localisés à un
férence de réactivité au réflexe cor- neurologique. Un cycle périodique hémicorps ou une hémiface.
néen et au réflexe fronto-orbiculaire de respiration, ou respiration de L’apparition de troubles cardio-
donne une idée de la communication Cheyne-Stokes, indique un dys- circulatoires avec variation de la
mésencéphalo-diencéphalique. fonctionnement bi-hémisphérique pression artérielle et du rythme
ou diencéphalique. Une hyperven- cardiaque fait évoquer une lésion
Réflexes de clignement à la menace tilation neurogène centrale (fré- bulbaire. En situation normale,
La persistance du réflexe de cligne- quence respiratoire supérieure à la réponse à une compression des
ment à la menace implique une inté- 25/min) peut orienter vers un dys- globes oculaires entraîne une bra-
grité des communications corticales fonctionnement mésencéphalique dycardie sinusale (réflexe oculo-
qui ne s’observe pas chez le patient ou de la partie supérieure du pont. cardiaque médié via le nerf vague).
comateux. Le réflexe de sursaut au Les pauses respiratoires après ins- Cet examen est réservé au diagnos-
bruit témoigne de l’intégrité des relais piration complète (respiration tic de mort encéphalique.
acoustico-faciaux. L’existence d’un apnéique) indiquent généralement
sursaut au bruit inépuisable (sorte de une lésion pontique ou bulbaire et Examen du tonus, réflexes
perte de l’inhibition corticale) est un sont souvent signe d’un arrêt respi- et signes méningés
signe clinique de mauvais pronostic à ratoire imminent (Fig. 12). L’examen des réflexes ostéo-
distance de l’événement aigu. Il peut être constaté une absence tendineux, cutanés plantaires et

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l’examen du tonus musculaire


donnent des indications localisa-
trices sur le niveau de l’atteinte en
cas de troubles de la conscience.
L’existence d’un syndrome ménin-
gé, difficile à apprécier en cas de
CYCLE PÉRIODIQUE DE RESPIRATION
coma, doit être systématiquement
recherché.

Approche paraclinique

>>Examens paracliniques initiaux


Les examens paracliniques ini- HYPERVENTILATION NEUROGÈNE CENTRALE
tiaux comprennent :
- la mesure de l’oxymétrie pulsée,
de la glycémie capillaire et le moni-
toring cardiaque qui doivent être
effectués d’emblée ;
- 
les examens sanguins doivent
comprendre une exploration méta- RESPIRATION APNÉIQUE
bolique (gaz du sang artériels, natré-
mie, calcémie, bilan hépatique, urée
et créatinine) et toxique (recherche Figure 12
de toxiques sanguins et urinaires) la Modes respiratoires et lésions neurologiques.
plus complète possible, ainsi qu’une
numération formule sanguine et un
bilan d’hémostase. Le taux d’étha-
nol sérique est systématiquement
mesuré ainsi que le dosage sérique
de tous les médicaments potentiel- Pression oculaire
lement responsables de l’état de
conscience altéré ;
- les gaz du sang permettent de
mettre en évidence une éventuelle
intoxication par le monoxyde de
Nerf IX Stimulation pharyngée
carbone, une hypercapnie ou des
signes d’agression cérébrale d’ori- Nerf X Nausée ou déglutition
gine secondaire. Bradycardie

>>Tomodensitométrie cérébrale
Une tomodensitométrie cérébrale
(TDM) sans puis avec injection de
produit de contraste doit être effec-
Figure 13
tuée dès que possible à la recherche
Réflexes bulbaires : oculo-cardiaque (à gauche), nauséeux ou de déglutition (à droite).
de masses, de signes d’ischémie,
d’hémorragies intracérébrales ou de
lésions en rapport avec un éventuel évident. Une imagerie par résonance encore de pathologie encéphalitique.
traumatisme crânien. L’exploration magnétique (IRM) peut être réali-
du système veineux ne doit pas être sée en cas de suspicion d’ischémie >>Ponction lombaire
oubliée en l’absence de diagnostic cérébrale, de thrombose veineuse, ou Une ponction lombaire peut être

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Troubles de la conscience et coma

Figure 14
A : EEG d’un état de mal épileptique non convulsif ; B : EEG dévoilant
réalisée après imagerie si le coma des complexes triphasiques d’encéphalopathie métabolique.
reste inexpliqué pour mesurer la
pression d’ouverture du liquide
cérébro-spinal (LCS) et éliminer
une infection, une inflammation
Potentiels évoqués
ou une hémorragie sous-arach- sensitifs
noïdienne. L’analyse du LCS com-
prend au minimum une explora-
tion cytologique, biochimique, une
mise en culture bactériologique et
la recherche de virus responsables
d’encéphalites (Herpes virus). En Stimulation électrique
cas de suspicion de méningite bac- des nerfs périphériques
térienne, une antibiothérapie pro-
babiliste doit être administrée avant
l’imagerie et la PL.

>>Fond d’œil
Le fond d’œil est utile à la recherche
d’un œdème papillaire qui peut être
le signe d’une hypertension intra-
crânienne, d’anomalies rétiniennes
en lien avec des pathologies inflam-
matoires ou infectieuses ou encore à
la recherche d’une hémorragie intra-
Figure 15
vitréenne faisant suspecter une rup-
Potentiels évoqués sensitifs.
ture d’anévrisme (syndrome de Ter-
son). L’échographie des globes ocu-
laires permet également de mettre en >>EEG si un état de mal épileptique non
évidence un élargissement de la gaine Un électro-encéphalogramme convulsif est évoqué (Fig. 14A). En cas
des nerfs optiques, voire une saillie (EEG) doit être réalisé si le diagnos- de coma, l’EEG montre un ralen-
papillaire. tic reste incertain, particulièrement tissement et une diminution de

Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240 249


Dossier

Comas post-traumatiques
• Hématomes
• Contusion cérébrale
• Embolie graisseuse

Comas non traumatiques


INFECTIEUX TOXIQUES MÉTABOLIQUES VASCULAIRES
• Méningite • Benzodiazépines • Anoxie cérébrale • Hémorragie sous
• Encéphalite • Alcool • Hypoglycémie arachnoïdienne
• Neuropaludisme • Morphiniques • Désordre osmolaire (dont hypo/hypernatrémie) • Hémorragie cérébrale
• Abcès • Antidépresseurs • Dyscalcémies • Infarctus cérébraux
• Encéphalopathie • Monoxyde • Hypophosphorémie • Thrombophlébite
associée au de carbone • Hypermagnésémie • PRE syndrome
sepsis • Neuroleptiques • Hypothermie (> 32° C) ou hyperthermie (> 42° C) • Vascularite
• Barbituriques • Encéphalopathie hépatique • Embolie gazeuse
ENDOCRINIENS
• Éthylène glycol • Encéphalopathie rénale
• Hypothyroïdie • Lithium • Encéphalopathie pancréatique TUMEURS
• Insuffisance • Encéphalopathie post-brûlures étendues
ÉPILEPSIE • Encéphalopathie respiratoire INFLAMMATOIRES
surrénalienne
• Hypopituitarisme • Bas débit cardiaque • Encéphalites
• Syndrome de Gayet-Wernicke dysimmunes
• ADEM

Tableau 2
Étiologies des comas et des troubles de la conscience.

l’amplitude des ondes. La recherche et aident à la pronostication du conscience sont diverses et souvent
d’éléments intercritiques (ondes, retour à l’état de conscience ou de intriquées (Tab. 2). Un contexte trau-
pointes, pointes-ondes) ou de com- l’éveil. matique, un syndrome méningé,
plexes triphasiques à prédominance des mouvements anormaux, une
antérieure (Fig. 14B) doit être systé- >>Autres paramètres fièvre ou des signes de localisation
matique pour orienter le diagnos- D’autres paramètres, tels que la sont des éléments importants de la
tic. L’étude de la réactivité de l’EEG réalisation de Dopplers trans- démarche étiologique. Une hypo-
constitue également un élément crâniens, la mesure de la pres- glycémie ou une intoxication alcoo-
important pour la surveillance et le sion intracrânienne, la mesure de lique doivent être systématique-
pronostic. la saturation en oxygène du sang ment recherchées.
veineux jugulaire et l’électro-
>>Potentiels évoqués sensitifs encéphalographie en continu per-
Les potentiels évoqués sensitifs mettent une approche multimodale Syndrome d’éveil non
et auditifs (Fig. 15) explorent le tronc des troubles de la conscience qu’il répondant et état
cérébral et les cortex primaires. convient d’évoquer au cas par cas. de conscience minimale
Les potentiels évoqués cognitifs La persistance d’un coma au-delà
explorent des niveaux d’intégration de quelques semaines (coma chro-
corticaux et sous-corticaux riches, Étiologies des troubles nique) est exceptionnelle. Lorsque
permettent d’explorer le niveau de la conscience les dégâts cérébraux, notamment
d’intégration des stimuli extérieurs Les causes de troubles de la au niveau du tronc cérébral (siège

250 Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240


Dossier

Zones fonctionnellement intègres Zones fonctionnellement intègres

Figure 16 Figure 17
Schématisation des zones fonctionnelles dans le Schématisation des zones fonctionnelles
syndrome d’éveil non répondant (ou état végétatif). dans l’état de conscience minimale.

des fonctions végétatives : hémo- (basés sur l’EEG ou l’IRM le plus de clignement à la menace visuelle.
dynamique, ventilation, etc.) sont souvent). La stimulation nociceptive est tout
trop importants, les patients dé- au plus génératrice de réponses
cèdent (voir partie mort encépha- Syndrome d’éveil motrices non localisatrices. Les
lique). Dans les cas où le patient non répondant réflexes du tronc cérébral sont sou-
survit, mais sans retour à un état de Le syndrome d’éveil non répon- vent présents et il peut exister des
conscience normale rapidement, la dant se caractérise par un certain cycles veille/sommeil spontanés.
réapparition de périodes d’ouver- nombre de signes associant l’exis- Cet état clinique est généralement
ture spontanée des yeux est l’évo- tence d’un état d’éveil avec des associé à un pronostic péjoratif s’il
lution la plus fréquente. Cet état périodes d’ouverture spontanée des est présent au-delà de 6 mois après
appelé “végétatif” depuis les an- yeux sans signe clinique suggérant un traumatisme crânien grave ou
nées 1970 et de nos jours de plus en une quelconque activité cérébrale au-delà de 3 mois après une anoxie
plus souvent dénommé “syndrome consciente. Il est le plus souvent cérébrale.
d’éveil non répondant” pour sou- lié à une activité préservée du tronc
ligner l’importance de la clinique cérébral sans activation diencépha- État de conscience minimale
dans sa définition. Comme nous le lique (corticale et sous-corticale) L’état de conscience minimale
verrons plus loin, nous estimons suffisamment organisée (Fig. 16). (ECM) se manifeste par des capa-
aujourd’hui à 15 % la proportion de Cliniquement, le patient a les yeux cités d’interactions adaptées avec
patients répondant à ces critères ouverts avec des clignements et une le monde extérieur (fixation, pour-
cliniques, mais ayant des signes ventilation spontanés. Il n’existe suite visuelle, réponse aux ordres
de cognition plus riches, parfois pas de fixation ou de poursuite vi- simples, manipulation d’objets,
même proches d’un état conscient suelle, même si des mouvements productions verbales, réactions
lorsqu’explorés par des techniques oculaires spontanés peuvent être motrices adaptées à la stimula-
d’imagerie cérébrale modernes observés. Il n’y a généralement pas tion). Il implique cependant une

252 Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240


Troubles de la conscience et coma

impossibilité d’établir un code de niveau de handicap et du retour à la nombreuses techniques fondées


communication fonctionnelle ou conscience est une préoccupation sur l’EEG (potentiels évoqués co-
la possibilité d’utiliser des objets majeure pour le réanimateur et pour gnitifs, analyse EEG multimodale,
de manière adaptée qui tous deux les proches des patients. TMS-EEG), l’IRM (quantitative ou
témoignent alors d’une conscience La plupart des études définissent fonctionnelle) ou le PET-scan ont
univoque. L’état de conscience un “bon pronostic”, synonyme de été développées pour affiner le dia-
minimale suggère que le compor- handicap modéré à léger, permet- gnostic et le pronostic des troubles
tement observé met en jeu des tant une autonomie dans les actes de la conscience [8].
réseaux corticaux. Cela augmente de la vie quotidienne du “mauvais Plus récemment, le concept de
très significativement la probabi- pronostic”, correspondant à un dissociation cognitivo-motrice
lité d’existence d’une “conscience handicap majeur avec dépendance, (DCM), définie par des activations
partielle” ou “minimale” comme le un état végétatif chronique ou au corticales en réponse à des com-
suggère le nom sans que cela puisse décès. L’un des biais principaux de mandes verbales et détectées par
être affirmé de manière certaine en ces études est lié aux procédures IRM fonctionnelle ou EEG chez
l’absence du rapport subjectif direct de limitation, voire d’arrêt des des patients en état d’éveil non
du patient (Fig. 17). Certains auteurs supports vitaux ayant pour consé- répondant, a fait son apparition
utilisent même une subdivision au quence d’entraîner fréquemment dans le panel des explorations à
sein de l’état de conscience mini- le décès du patient. C’est le phéno- proposer pour affiner le pronostic
male en fonction de la richesse des mène classique de prophétie auto- des troubles de la conscience [9]
comportements observés (fixa- réalisatrice où l’évolution du pa- (Fig. 18).
tion/poursuite visuelle pour ECM tient est liée au facteur pronostique
“moins” et réponse à des ordres lui-même évalué. Les données is-
simples pour ECM “plus”). sues d’une cohorte donnée doivent Prise en charge
donc être prises avec beaucoup de La prise en charge thérapeutique
Échelle de récupération recul devant l’immense difficulté à à la phase aiguë des troubles de la
des comas généraliser. conscience doit assurer le main-
L’échelle de récupération des co- Dans le coma post-arrêt cardio- tien de l’hématose et de l’hémo-
mas, Coma Recovery Scale revised respiratoire et en l’absence de fac- dynamique du patient. Les pa-
(CRSr) (Tab. 3) [6] permet la distinc- teurs confondants (hypothermie, tients doivent être admis dans une
tion clinique entre syndrome d’éveil sédations, curarisation, troubles structure de soins adaptés type
non répondant, état de conscience métaboliques et respiratoires), unité de soins intensifs (USI) ou
minimale et état conscient. Un peu l’examen clinique des réponses réanimation.
comme les scores de Glasgow ou le motrices à la douleur (Glasgow La gestion de la pression artérielle
score FOUR, elle évalue plusieurs moteur ≤ 3), l’abolition des réflexes est dépendante de l’étiologie à
(6) grandes fonctions 
: auditive, cornéens et pupillaires, l’aboli- l’origine de la dégradation neuro-
visuelle, motrice, fonction oro/ tion bilatérale des réponses corti- logique. Si la glycémie est basse, il
motrice et verbale, communication cales (N20), des potentiels évoqués est nécessaire de la corriger après
et éveil. Certains items définissent sensitifs, l’existence de signes de supplémentation en thiamine.
l’état de conscience minimale et haute malignité à l’EEG, des seuils La supplémentation en thiamine
l’émergence de l’état de conscience de biomarqueurs neuronaux éle- (> 100 mg/j IV) est systématique-
minimale vers l’état conscient. vés (NSE, Neuron Specific Enolase), ment proposée dans le but de pré-
un état de mal myoclonique, ou venir l’encéphalopathie de Gayet-
encore une imagerie retrouvant des Wernicke. L’immobilisation de
Pronostic des troubles lésions cérébrales diffuses sont des l’axe tête-tronc-cou est la règle,
de la conscience éléments pronostiques permettant tant que l’origine traumatique n’est
Il n’existe à ce jour aucun algo- de conclure de manière robuste à pas éliminée.
rithme permettant de pronostiquer l’absence de possibilité d’évolution En cas de suspicion d’intoxication
le retour à la conscience sans prise favorable, surtout avec la combinai- aux opiacés, une administration de
en compte de l’étiologie de l’agres- son de ces facteurs [7]. naloxone (2 mg IV directe) doit être
sion cérébrale. La prédiction du Ces dernières années, de proposée. L’utilisation de charbon

Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240 253


Dossier

Tableau 3 – Échelle de récupération du coma version revue française ©2008.


Formulaire de rapport
Patient : Date atteinte cérébrale :
Étiologie : Date admission :

Diagnostic initial :  Date :


 Examinateur :

FONCTION AUDITIVE
4 – Mouvement systématique sur demande*
3 – Mouvement reproductible sur demande*
2 – Localisation de sons
1 – Réflexe de sursaut au bruit
0 – Néant
FONCTION VISUELLE
5 – Reconnaissance des objets*
4 – Localisation des objets : atteinte*
3 – Poursuite visuelle*
2 – Fixation*
1 – Réflexe de clignement à la menace
0 – Néant
FONCTION MOTRICE
6 – Utilisation fonctionnelle des objets+
5 - Réaction motrice automatique*
4 – Manipulation d’objets*
3 – Localisation des stimulations nociceptives*
2 – Flexion en retrait
1 – Posture anormale stéréotypée
0 – Néant/flaccidité
FONCTION OROMOTRICE/VERBALE
3 – Production verbale intelligible*
2 – Production vocale/mouvements oraux
1 – Réflexes oraux
0 – Néant
COMMUNICATION
2 – Fonctionnelle : exacte+
1 – Non fonctionnelle : intentionnelle*
0 – Aucun réveil
SCORE TOTAL
+
Indique l’émergence de l’état de conscience minimale
*Indique un état de conscience minimale

254 Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240


Troubles de la conscience et coma

ACSOS

1 PAM (PAS > 110 mmHg pour TC grave)


Continuez d’ouvrir et fermer votre main

Arrêtez d’ouvrir et fermer votre main


2 pO2 (objectif sat > 92 %)

3 pCO2 (objectif 35-45 mmHg)

4 T° C (objectif 35-37° C)

Dissociation
cognitivo-motrice 5 Hb (objectif > 9 g/dl)

6 Na (objectif 135-145 mmol/l)

7 Glycémie (objectif 1,2-1,8 g/l)

Figure 18
Concept de dissociation cognitivo-motrice. 8 Position de tête

Figure 19
actif se limitera aux patients intu- l’inverse d’un patient traumatisé
Objectifs permettant de limiter les ACSOS
bés dont l’intoxication est récente crânien Glasgow 15 il y a 20 minutes
(agressions cérébrales secondaires d’origine
(environ 1 heure). Il est nécessaire qui évolue vers un score de Glasgow systémique) dans le traumatisme crânien grave.
de corriger les hyper- ou hypother- à 9 nécessitant une intubation pour
mies sévères. La prise en charge protection des voies aériennes su-
spécifique étiologique est bien évi- périeures. L’intubation en séquence
demment l’élément le plus impor- rapide (ISR) est la technique de ré- Monitorage de la pression
tant et sort du cadre de cette revue. férence d’intubation en urgence des intracrânienne
patients présentant un trouble de la Le monitorage de la pression
Intubation endotrachéale conscience. Cette technique paraît intracrânienne doit être pro-
Une intubation endotrachéale avoir le meilleur rapport bénéfices/ posé en cas de suspicion d’hyper-
doit être proposée chez les patients risques. tension intracrânienne ou d’éva-
présentant des troubles de la ciné- luation neurologique impossible
tique respiratoire ne permettant pas Prise en charge chez un patient présentant des
d’assurer l’hématose ou l’épuration médicamenteuse troubles de la conscience. L’objec-
correcte du dioxyde de carbone ou Les médicaments à utiliser doivent tif de pression intracrânienne doit
chez les patients dont les réflexes de avoir une cinétique d’action rapide rester < 20 mmHg en l’absence de
protection des voies aériennes sont et être rapidement réversible. Les monitorage multimodal et la pres-
abolis. Il est communément admis hypnotiques de première inten- sion de perfusion cérébrale cible
que les patients présentant des tion sont l’étomidate à la dose (définie comme la pression arté-
troubles sévères de la conscience de 0,3 mg/kg ou la kétamine à la rielle moyenne – la pression intra-
(score de Glasgow ≤ 8) sont candi- posologie de 2 mg/kg. Le propo- crânienne) doit être comprise entre
dats à une intubation endotrachéale fol apparaît de plus en plus comme 50 et 70 mmHg. La position de la
pour limiter les complications liées une alternative sûre en l’absence de tête en proclive 15° en évitant la
à l’absence de protection des voies défaillance hémodynamique. Le cu- compression jugulaire permet le
aériennes. La surveillance neuro- rare de référence reste la succinyl- meilleur rapport drainage veineux/
logique de qualité à l’aide d’un score choline à la posologie de 1 mg/kg. En perfusion cérébrale. L’optimisa-
prend ici toute son importance et un cas de contre-indication, le rocuro- tion de la ventilation, la majoration
patient Glasgow 7 qui était à 3 il y a nium (1,0-1,2 mg/kg) peut être uti- des sédations, l’utilisation d’un
20 minutes et ce, dans une hypo- lisé si l’on possède son antidote : le système de drainage ventriculaire
thèse post-critique, ne nécessitera sugammadex. Dans ce cadre, il doit externe, la chirurgie de craniec-
pas forcément une intubation, à être injecté à la dose de 16 mg/kg. tomie décompressive, l’osmo-

Neurologies • septembre 2021 • vol. 24 • numéro 240 255


Dossier

thérapie intraveineuse, l’hypo- - la température corporelle, de neuroréanimation sont néces-


capnie modérée, l’hypothermie, - l’hémoglobinémie, saires. Plus rarement, des explo-
la suppression métabolique sont - la natrémie, rations plus spécialisées à visées
des moyens de gestion de l’hyper- - la glycémie diagnostique ou neuropronostique
tension intracrânienne. - et la position de la tête. peuvent être nécessaires. n

Gestion des ACSOS Un traitement antiépileptique ✖✖Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
La gestion des agressions céré- doit être envisagé en cas de crises d’intérêt.

brales secondaires d’origine sys- cliniques ou d’éléments évocateurs


Correspondance :
témique (ACSOS) comprend habi- à l’EEG.
papioche@chu-clermontferrand.fr
tuellement huit points (Fig. 19) :
- 
la pression artérielle moyenne En conclusion, la prise en charge d’un
(PAM), patient présentant un trouble de la Mots-clés  :
- la pression partielle artérielle en conscience nécessite une approche Troubles de la consience,
oxygène (pO2), rigoureuse tant sur le plan diagnos- Coma, Confusion mentale,
- la pression partielle artérielle en tique que thérapeutique. Dans cer- Score de Glasgow, Score FOUR,
CO2, tains cas, des techniques spécifiques Mort encéphalique, Éveil

Bibliographie

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