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toujours été inséparable de l'essence de l'art, quelque tragique, quelque exempte de compromis que soit l'œuvre

d'art. La proposition d'Aristote sur l'effet purificateur de l'art résume la double fonction de l'art qui est à la fois
d'opposer et de réconcilier, de dénoncer et d'acquitter, de faire resurgir ce qui est refoulé et de le refouler à
nouveau, sous une forme « purifiée ». Les gens peuvent « s'élever » grâce aux classiques : ils lisent et ils
peuvent voir leurs propres archétypes se rebeller, triompher, capituler ou périr. Et puisque tout ceci affecte une
forme esthétique, ils peuvent en tirer du plaisir... et l'oublier."

Herbert MARCUSE, Eros et civilisation, trad. J.G. Nény et B. Fraenkel, Le Seuil, col.   «Points», p. 139.

Texte n° 11 :
 

"L'art pour l'art. - La lutte contre la fin en l'art est toujours une lutte contre les tendances moralisatrices dans l'art,
contre la subordination de l'art sous la morale. L'art pour l'art veut dire : « Que le dia ble emporte la morale ! ». -
Mais cette inimitié même dénonce encore la puissance prépondérante du préjugé. Lorsque l'on a exclu de l'art le
but de moraliser et d'améliorer les hommes, il ne s'ensuit pas encore que l'art doive être absolument sans fin,
sans but et dépourvu de sens, en un mot, l'art pour l'art - un serpent qui se mord la queue. « Etre plutôt sans but,
que d'avoir un but moral ! » ainsi parle la passion pure. Un psychologue demande au contraire : que fait toute
espèce d'art ? ne loue-t-elle point ? ne glorifie-t-elle point ? n'isole-t-elle point ? Avec tout cela l'art fortifie ou
affaiblit certaines évaluations... N'est-ce là qu'un accessoire, un hasard ? Quelque chose à quoi l'instinct de
l'artiste ne participerait pas du tout ? Ou bien la faculté de pouvoir de l'artiste n'est-elle pas la condition première
de l'art ? L'instinct le plus profond de l'artiste va-t-il à l'art, ou bien n'est-ce pas plutôt au sens de l'art, à la vie, à
un désir de vie ? - L'art est le grand stimulant à la vie : comment pourrait-on l'appeler sans fin, sans but, comment
pourrait-on l'appeler l'art pour l'art ?"

Friedrich NIETZSCHE,  Le Crépuscule des Idoles, § 24, trad. H. Albert, UGE, 10/18, pp. 94-95

Texte n° 12 :
 

"Il existe notamment un chemin de retour qui conduit de la fantaisie à la réalité : c'est l'art. L'artiste est en même
temps un introverti qui frise la névrose. Animé d'impulsions et de tendances extrêmement fortes, il voudrait
conquérir honneurs, puissance, richesses, gloire et amour des femmes. Mais les moyens lui manquent de se
procurer ces satisfactions. C'est pourquoi, comme tout homme insatisfait, il se détourne de la réalité et concentre
tout son intérêt, et aussi sa libido, sur les désirs créés par sa vie imaginative, ce qui peut le conduire facilement à
la névrose. Il faut beaucoup de circonstances favorables pour que son développement n'aboutisse pas à ce
résultat; et l'on sait combien sont nombreux les artistes qui souffrent d'un arrêt partiel de leur activité par suite de
névroses. Il est possible que leur constitution comporte une grande aptitude à la sublimation et une certaine
faiblesse à effectuer des refoulements susceptibles de décider du conflit. Et voici comment l'artiste retrouve le
chemin de la réalité. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'est pas le seul à vivre d'une vie imaginative. Le
domaine intermédiaire de la fantaisie jouit de la faveur générale de l'humanité, et tous ceux qui sont privés de
quelque chose y viennent chercher compensation et consolation. Mais les profanes ne retirent des sources de la
fantaisie qu'un plaisir limité. Le caractère implacable de leurs refoulements les oblige à se contenter des rares
rêves éveillés dont il faut encore qu'ils se rendent conscients. Mais le véritable artiste peut davantage. Il sait
d'abord donner à ses rêves éveillés une forme telle qu'ils perdent tout caractère personnel susceptible de rebuter
les étrangers et deviennent une source de jouissance pour les autres. Il sait également les embellir de façon à
dissimuler complètement leur origine suspecte. Il possède en outre le pouvoir mystérieux de modeler des
matériaux donnés jusqu'à en faire l'image fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie et de rattacher à
cette représentation de sa fantaisie inconsciente une somme de plaisir suffisante pour masquer ou supprimer,
provisoirement du moins, les refoulements."

FREUD, Introduction à la Psychanalyse, trad. S. Jankélévitch, Payot, 1965, p. 354.

Texte n° 13 :
 
"Qu'est-ce que la technique moderne? Elle aussi est un dévoilement. C'est seulement lorsque nous arrêtons
notre regard sur ce trait fondamental que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous.
( ...)

    La centrale électrique est mise en place dans le Rhin. Elle le somme de livrer sa pression hydraulique, qui
somme à son tour les turbines de tourner. Ce mouvement fait tourner la machine dont le mécanisme produit le
courant électrique, pour lequel la centrale régionale et son réseau sont commis aux fins de transmission. Dans le
domaine de ces conséquences s'enchaînant l'une l'autre à partir de la mise en place de l'énergie électrique, le
fleuve du Rhin apparaît, lui aussi, comme quelque chose de commis. La centrale n'est pas construite dans le
courant du Rhin comme le vieux pont de bois qui depuis des siècles unit une rive à l'autre. C'est bien plutôt le
fleuve qui est muré dans la centrale. Ce qu'il est aujourd'hui comme fleuve, à savoir fournisseur de pression
hydraulique, il l'est par l'essence de la centrale. Afin de voir et de mesurer, ne fût-ce que de loin, l'élément
monstrueux qui domine ici, arrêtons-nous un instant sur l'opposition qui apparaît entre les deux intitulés: «Le
Rhin», muré dans l'usine d'énergie, et «Le Rhin», titre de cette oeuvre d'art qu'est un hymne de Hôlderlin. Mais le
Rhin, répondra-t-on, demeure de toute façon le fleuve du paysage. Soit, mais comment le demeure-t-il? Pas
autrement que comme un objet pour lequel on passe une commande, l'objet d'une visite organisée par une
agence de voyages, laquelle a constitué là-bas une industrie des vacances(...). Avant tout [il faut apercevoir] ce
qui dans la technique est essentiel, au lieu de nous laisser fasciner par les choses techniques. Aussi longtemps
que nous nous représentons la technique comme un instrument, nous restons pris dans la volonté de la maîtriser.
Nous passons à côté de l'essence de la technique.( ...)

    L'être de la technique menace le dévoilement, il menace de la possibilité que tout dévoilement se limite au
commettre(...). Les réalisations humaines ne peuvent jamais, à elles seules, écarter le danger( ...)

    L'essence de la technique n'est rien de technique: c'est pourquoi la réflexion essentielle sur la technique et
l'explication décisive avec elle doivent avoir lieu dans un domaine qui, d'une part, soit apparenté à l'essence de la
technique et qui, d'autre part, n'en soit pas moins foncièrement différent d'elle.

    L'art est un tel domaine."

Martin HEIDEGGER, La question de la technique in Essais et Conférences, trad. A. Préau, pp. 20-22, 44-47 

Sujets de réflexions et de dissertations associés :

Voir

Cours et conférences en ligne

- Le sens de l'art, Daniel Buren U.T.L.S., 2000

- Illusions perceptives et perception de la forme, Monnoyer Jean Maurice U.T.L.S., 2001

- Interpréter l'art : entre voir et savoirs, Arasse Daniel U.T.L.S. , 2001

- Le cinéma comme art, Makowski Claude U.T.S.L., 2000


 
- Chimie et art, Mohen Jean-Pierre U.T.L.S., 2000

- L'histoire de l'art au tournant, Belting Hans U.T.L.S., 2000  

- Adieu à l'esthétique, Schaeffer Jean-Marie U.T.L.S., 2000

 
Ressources associées :
Bergson, philosophe du cinéma : un scénario deleuzien ?, Alain PANERO - tous niveaux 14/04

Le cinéma : de l'art à la vie, Michel HERREN - tous niveaux 24/02

tous les hommes sont des poètes et tous les poètes sont des femmes, Jean-Calude
21/05
PINSON - tous niveaux

La technique : Platon, Heidegger, Simondon - tous niveaux 15/07

Pascal, Pensées, « La justice et la raison des effets » 15/07

Etude de La critique de la faculté de juger (§ 43-45), Emmanuel Kant - Terminale 03/12

Etude du Contrat social (Livre I - IV) de Jean-Jacques Rousseau - Terminale 03/12

Qu'est-ce que bien vivre ? par Blaise Benoit - tous niveaux 03/12

Textes philosophiques : L'art - tous niveaux, Terminale 21/08

Sujets de réflexions philosophiques : L'art - tous niveaux, Terminale 20/08

Réel, réalité, virtuel, réalité virtuelle, réalité modifiée, réalité augmentée, hyper-réalité ... de
24/06
quoi parlons-nous ? - tous niveaux

Science et rêverie chez Bachelard, Michel Fabre - tous niveaux 28/03


 

information(s) pédagogique(s)
niveau : tous niveaux, Terminale
type pédagogique : sujet d'examen
public visé : non précisé, élève
contexte d'usage : non précisé
référence aux programmes : philosophie, culture, art, technique
ressource(s) principale(s)
Etude de La critique de la faculté de juger (§ 43-45), Emmanuel Kant 03/12
Ce document est le compte rendu de trois séances de formation continue consacrées en 2005-2006
lecture collégiale de la Critique de la Faculté de Juger de Kant.< ...
philosophie, art, esthétique, goût, finalité, imagination, beau, sublime, jeu, liberté,
connaissance, subjectivité, nature, science
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