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Publication : 29/03/2023 - 24809 caractères

Le contrat d’affrètement au regard du droit maritime guinéen. Par


Albert Dione, Docteur en Droit.
La Guinée Conakry est l’un des premiers pays producteurs de bauxite au monde. De ce point de vue,
l’exportation de cette matière se fait à travers le transport maritime. L’affrètement maritime est très pratiqué
pour le transport des matières premières comme la bauxite et les céréales.

Au sommaire de cet article...


(I) La notion de contrat d’affrètement et la loi applicable à défaut de choix de loi.

(II) La Gestion du navire affrété au point de vue de la loi guinéenne.

(III) L’interprétation de l’article 665 au regard du contentieux du contrat d’affrètement.

Toutefois, le droit maritime guinéen et plus précisément le droit du transport international de marchandise par
mer, souffre d’un manque d’information sur la gestion des problématiques liés aux transports de marchandises
et à l’exécution des différents contrats à la base de ces opérations, notamment le contrat d’affrètement.

Si le Code Maritime se limite à donner des définitions et de délimiter le champ d’application, du contrat
d’affrètement, ni la doctrine guinéenne, encore moins sa jurisprudence ne traite le contentieux de
l’affrètement. La raison est toute simple : le contentieux est souvent soumis à l’arbitrage [1].

L’affrètement maritime est aussi envisagé, pour le transport de marchandises vers et en provenance des ports
africains peu desservis par les compagnies maritime.

La Guinée étant un grand pays de ressources minières, différents navires embarquent des marchandises au
départ du port de Conakry et d’autres y débarquent des produits importés [2]. Des navires sont affrétés à
destination du port de Conakry. Ce fut le cas du navire Kota Loceng affrété par le groupe Maersk le 21 mars
2021. Pour la première fois de son histoire, le port de Conakry a accueilli un navire de plus de 265 mètres, le
long du terminal à conteneurs. Une première pour le port, mais aussi pour l’opérateur du terminal, Bolloré
Ports [3].

L’objectif de cet article est de fournir aux acteurs qui évoluent dans la pratique de l’affrètement en Guinée, une
analyse des différentes situations ou du moins un exposé de quelques problématiques qui peuvent se présenter
à eux.
L’affrètement est traité dans le Code Maritime dans le Livre XI intitulé l’exploitation commerciale du navire. Il
faut noter que les situations non prévues dans le contrat d’affrètement qui viendraient à se produire en Guinée,
sont réputées, sauf exception, être régies par les dispositions du Code Maritime.

Nous analyserons d’abord, la notion de contrat d’affrètement et la loi applicable à défaut de choix de loi (I),
avant d’analyser le rapport contractuel entre fréteur et affréteur dans la gestion du navire affrété (II) pour
terminer par l’interprétation de l’article 665 du Code Maritime (II).

(I) La notion de contrat d’affrètement et la loi applicable à défaut de choix de loi.

Les activités commerciales liées au transport maritime de marchandises font essentiellement l’objet de trois
groupes de contrats : les contrats d’affrètement d’un navire (au voyage, à temps et coque nue), les contrats de
transport maritime, dits de ligne ou « sous connaissement », et les contrats d’assurance maritime (sur corps,
sur facultés et de responsabilité) [4].

Dans le transport international de marchandise par voie maritime, il existe une relation contractuelle pour
mettre à disposition d’un transporteur un navire à travers un contrat qui s’apparente au contrat classique de
location de moyen de transport.

Toutefois, dans cette relation contractuelle, le droit maritime a ses propres termes et on utilise le terme de
contrat d’affrètement, matérialisé par un écrit, communément appelé charte-partie. Il existe principalement
trois variétés de contrat d’affrètement : au voyage (trip charter), à temps (time charter) et coque-nue
(bareboat).

Dans l’affrètement à temps, le navire est mis à disposition du fréteur pour une période déterminée,
généralement exprimée en années [5].

L’affrètement coque nue se caractérise par la mise à disposition, pour un temps précis, d’un navire sans
armement, c’est-à-dire sans équipage, ni équipement, ou avec un armement ou un équipement incomplet [6].

Parmi ces trois contrats, le contrat d’affrètement au voyage mérite une attention particulière. L’article 668 du
Code Maritime Guinéen définit le contrat d’affrètement au voyage comme étant le contrat par lequel le fréteur,
moyennant le paiement du fret, s’engage à mettre en tout ou en partie un navire armé et équipé à la disposition
de l’affréteur en vue d’un ou plusieurs voyages.

La conclusion de ce contrat suppose que le fréteur conserve toujours la gestion nautique et commerciale du
navire au long de l’exécution des différentes opérations de l’affrètement. Ainsi, l’affrètement au voyage a pour
finalité économique le déplacement du navire chargé, et non son exploitation. Une autre caractéristique
intéressante est qu’en matière d’affrètement au voyage, la liberté contractuelle n’est limitée que par le droit
commun des contrats, la réglementation propre à l’affrètement ayant un caractère supplétif [7].

Ces trois formes contractuelles suscitent une analyse approfondie pour comprendre les tenants et les
aboutissants de la relation contractuelle entre l’affréteur et le fréteur, mais aussi la relation avec les autorités
administratives et portuaires guinéennes.

Le droit maritime guinéen considère qu’indépendamment des dispositions légales ou réglementaires en


vigueur, les conditions et les effets de l’affrètement sont définis par les parties au contrat [8] et, sauf
convention contraire, le contrat est régi par la loi du pavillon du navire affrété [9]. Cette disposition traite le
problème de la loi applicable. La relation contractuelle en matière de transport maritime est souvent complexe
dans la mesure où plusieurs contrats peuvent régir une même opération. Ces différents contrats sont parfois
interdépendants. Mais, ils peuvent aussi être séparables, ce qui pose le problème de la loi applicable et à la
compétence juridique.

Le Code Maritime pose deux conditions en ce qui concerne la loi applicable : celle choisie par les parties au
contrat et à défaut celle du pavillon du navire affrété. Le Code rejoint, en ce sens, à des exceptions près, la
convention de Rome du 19 juin 1980 à son article 4, qui dispose que le contrat est régi par la loi du pays avec
lequel il présente les liens les plus étroits, en l’occurrence la loi du Pavillon qui est souvent la loi du pays
d’immatriculation du navire [10].
Il faut noter que même si la Guinée n’est pas partie à cette convention, le caractère universel du Règlement
permet d’appliquer une loi nationale de n’importe quel pays, même hors Union Européenne.

Dès lors, en indiquant la loi du Pavillon comme étant la loi applicable à défaut de choix de loi, le Code Maritime
Guinéen a adopté le principe fondamental de la liberté contractuelle, consacrant la liberté des parties quant au
choix de la loi applicable [11].

Le Pavillon détermine la nationalité du navire. Or, la nationalité du navire est la relation juridique permanente
entre le navire et l’État dont il bat pavillon, ce qui suppose que le navire est immatriculé dans ce pays,
l’immatriculation donne droit au navire de battre Pavillon de ce pays.

En d’autres termes, la loi du Pavillon signifie que le navire est soumis à l’ordre juridique de l’État dont il bat
pavillon. Alors que la loi du contrat d’affrètement est la loi du pays que les parties ont choisi d’appliquer à leur
contrat. On rappellera que la loi applicable est avant tout celle choisie par les parties [12].

Dans les relations internationales, à défaut de choix, le contrat d’affrètement est régi par la loi du pays avec
lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat
et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette
partie du contrat, la loi de cet autre pays [13].

Mais quels sont les éléments qui permettent de constater que le contrat présente des liens étroits avec un pays
? En effet, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit
fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle. S’il
s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est
conclu dans l’exercice de l’activité professionnelle, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou,
si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l’établissement principal,
celui où est situé cet autre établissement [14].

Le principe qui retient, à défaut de choix, la loi du pays avec lequel le contrat présente des liens les plus étroits,
ne concerne pas le contrat d’affrètement pour un seul voyage parce que, ce dernier s’apparente au contrat de
transport de marchandise. Pour ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal
au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de
déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus
étroits avec ce pays, la loi de ce pays pourrait être appliquée. Par conséquent, ça ne sera plus la loi du Pavillon
qui sera appliquée.

Sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage.
En cas d’affrètement au voyage, on peut admettre que les règles de conflit sont les mêmes qu’en cas de
transport. En cas d’affrètement à temps ou coque nue, à défaut de choix, exprimé par les parties, c’est la loi du
pays dans lequel le débiteur de la prestation caractéristique, c’est-à-dire le fréteur, a sa résidence [15].

Problème ! Le Code Maritime guinéen a retenu qu’à défaut de choix de loi, la loi applicable au contrat
d’affrètement est la loi du Pavillon. Or, l’État du Pavillon n’est pas souvent l’État de résidence du débiteur de la
prestation caractéristique, à savoir le fréteur.

On retiendra dès lors qu’en cas de litige, le juge guinéen saisi appliquera soit la loi choisie par les parties, soit
la loi du Pavillon. Cette dernière possibilité mérite d’être analysée.

Prenons l’exemple d’un navire qui appartient à un armateur belge qui bat Pavillon Panaméen qui mouille au
port d’Amsterdam, qui est affrété par un transporteur français pour un affrètement au voyage en direction du
port de Conakry. En cas de litige survenu pendant l’exécution du contrat d’affrètement lors du chargement en
Guinée, quel serait l’office du juge guinéen ?

Le juge guinéen saisi, statuant sur sa compétence, est tenu d’appliquer le Code Maritime.

Et comme l’indique le Code, à défaut de choix de loi, c’est la loi du Pavillon qui s’applique dans le cas d’espèce,
la loi panaméenne. Or, cette loi n’est pas applicable à la situation décrite, dans la mesure où le débiteur de la
prestation caractéristique n’a pas sa résidence habituelle au Panama.
Le problème de la loi applicable au contrat d’affrètement sera davantage développé au point III de cet article
quand nous évoquerons le contentieux de l’affrètement. Il nous faut maintenant régler le problème sous l’angle
de la pratique de l’affrètement à destination de la Guinée. A qui revient la demande des autorisations du navire
cité dans l’exemple ci-dessus ? Pour le savoir, il nous faut analyser la gestion du navire dans le cadre d’un
affrètement.

(II) La Gestion du navire affrété au point de vue de la loi guinéenne.

L’analyse de la gestion du navire nous permettra de répondre à la question soulevée au début de cet article, à
savoir qui du fréteur ou de l’affréteur doit fournir les autorisations nécessaires pour les opérations en Guinée ?
Ce qui nécessite de parler de la gestion nautique et commerciale du navire.

L’application de la loi s’apprécie au regard de la gestion du navire. On distingue la gestion nautique, qui
concerne l’entretien du navire, le paiement de l’équipage, l’armement du bâtiment et en fin l’assurance du
navire. La gestion commerciale, qui concerne les conditions d’utilisation du navire, le choix du parcours, voire
du port, l’approvisionnement de la machine, les dépenses d’escales et de ports.

Ces gestions sont généralement dissociées dans le cadre des différents affrètements entre le fréteur et
l’affréteur.

Les contraintes des conventions internationales, comme la convention de Bruxelles de 1924 ou celle de
Hambourg 1978 qui encadrent la responsabilité du transporteur, laissent ici la place à l’autonomie des volontés
où le fréteur et l’affréteur négocient les clauses du contrat librement. Les opérations de chargement et de
déchargement du navire incombent toujours à l’affréteur, alors que dans le contrat de transport, ces opérations
sont sous la responsabilité du transporteur.

L’affrètement au voyage va être le siège des intérêts divergents de l’affréteur et du fréteur.

Le but principal de l’armateur-fréteur est d’accomplir le voyage et les opérations de manutention le plus
rapidement possible afin que le navire puisse repartir dans le cadre d’un autre affrètement. De son côté,
l’affréteur est beaucoup moins concerné par un éventuel retard du navire, notamment pendant les opérations
de manutention.

Voire en ce sens la sentence 1252 : Selon une charte-partie au voyage, un navire est affrété pour un transport
de blé de Russie en Guinée. En Russie, une fois le chargement terminé, le navire doit attendre 6 jours avant
que les certificats phytosanitaires relatifs à la marchandise soient délivrés. La responsabilité de
l’immobilisation consécutive du navire est imputée à l’affréteur, en charge de tous les documents relatifs à la
marchandise et l’immobilisation est indemnisée sur la base d’un montant équivalent aux surestaries. À son
arrivée en Guinée, une société tierce se prétendant créancière de l’affréteur demande au tribunal local la saisie
du navire.

Contre toute attente, la saisie est autorisée et le navire immobilisé pendant près de 16 jours.

Le tribunal arbitral décide que si la saisie irrégulière n’est pas en elle-même une source de responsabilité pour
l’une ou l’autre des parties, la gestion de la crise consécutive pouvait l’être, et ce, sur un fondement extra
contractuel, le litige entre les parties sortant du cadre contractuel. Les arbitres ont alors considéré que la
situation très particulière et inédite, à leur connaissance, imposait une nécessaire collaboration entre les
parties qui, par leur qualité de professionnels des opérations maritimes, connaissaient le coût d’immobilisation
d’un navire et se devaient de contribuer à les réduire. D’un côté, l’armateur ne pouvait renvoyer la
responsabilité de la saisie à l’affréteur ni attendre, comme il l’a fait pour demander la mainlevée de la saisie.
Quant à l’affréteur, en refusant d’accorder une contre-garantie, il ne facilitait pas la résolution du conflit. D’où
une responsabilité partagée des parties [16].

D’une manière générale, les opérations de chargement et de déchargement au port de départ et d’arrivée sont
sous la responsabilité de l’affréteur. Ces opérations peuvent durer plus longtemps que prévu et perturber ainsi
la gestion du navire.

Pour information, un navire affrété pour des opérations de manutention en Guinée doit fournir des
autorisations nécessaires pour effectuer ces opérations. Les opérations suivantes doivent faire l’objet d’une
autorisation préalable de l’Autorité investie du pouvoir de police portuaire : l’embarquement, le débarquement
la manutention à bord et à terre, ainsi que le transbordement, l’admission des navires, pour réparation ou
maintenance dans un port guinéen, la demande d’attribution d’un poste à quai, le débarquement ou
l’embarquement des marchandises dangereuses.

Il faut noter que ces autorisations sont inhérentes à la gestion nautique et commerciale du navire, mais aussi
au type d’affrètement.

L’affrètement au voyage laisse toute la gestion nautique et commerciale du navire au fréteur. Alors que
l’affrètement à temps ne lui laisse que la gestion nautique. La gestion commerciale revient à l’affréteur dans
l’affrètement coque nue. Dans l’affrètement à temps, le fréteur conserve la gestion du navire et à ce titre le
capitaine du navire et les autres membres de l’équipage demeurent les préposés du fréteur et sont tenus de se
conformer à ses instructions [17].

- Le débiteur des autorisations dans le cadre de l’affrètement au voyage.

Le fréteur s’occupe de la gestion nautique et commerciale dans le cadre de l’affrètement au voyage. Dans ce
cas, il s’oblige à présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir pendant le voyage le navire désigné en
bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues dans la charte-
partie. Il s’oblige en outre à faire toutes diligences qui dépendent de lui pour exécuter le ou les voyages prévus
à la charte-partie. Par conséquent, il sera tenu en Guinée de fournir toutes les autorisations nécessaires pour
accomplir les opérations liées au contrat.

- Le débiteur des autorisations dans le cadre de l’affrètement à temps.

Quand le navire est fourni avec tout son équipage, le capitaine y compris, on parle d’affrètement à temps. Le
fréteur conserve la gestion nautique du navire. La gestion commerciale du navire appartient à l’affréteur. Tous
les frais inhérents à cette exploitation commerciale du navire sont à sa charge. En conclusion, la demande
d’autorisation est partagée entre l’affréteur et le fréteur. La gestion nautique doit s’entendre de l’ensemble des
charges liées au fonctionnement du navire et la gestion commerciale, de l’ensemble des charges liées à son
exploitation.

- Le débiteur des autorisations dans le cadre de l’affrètement coque nue.

Dans l’affrètement coque nue, l’affréteur possède la gestion nautique et commerciale du navire. L’affréteur
loue le navire à l’armateur pour une durée déterminée et amène son propre équipage. La gestion nautique et
commerciale du navire est à la charge du fréteur.

L’affréteur peut, dans la limite des droits qui lui sont reconnus dans la charte-partie, sous-fréter le navire, pour
la totalité ou pour partie. Donc la demande des autorisations lui revient.

(III) L’interprétation de l’article 665 au regard du contentieux du contrat


d’affrètement.

Le droit maritime connaît diverses sortes de contrats d’affrètement correspondant à des préoccupations
économiques différentes, qu’elles soient financières, commerçantes ou autres. Ces différents types de contrats
sont souvent sources de contentieux.

Les parties choisissent librement la loi qui va régir leur contrat. Ce choix doit expressément figurer sur la
charte-partie. Une clause du contrat peut indiquer que la loi désignée est applicable à la totalité ou à une partie
seulement du contrat. Toutefois, les parties peuvent rester muettes sur le choix de loi applicable, c’est cette
situation qui nécessite une analyse sous l’office du juge guinéen.

Le problème ne se pose pas si une loi étrangère est choisie et cette dernière peut être assortie ou non du choix
d’un tribunal étranger. Toutefois, lorsque tous les autres éléments de la situation contractuelle sont localisés au
moment du choix de la loi dans un seul pays, ce choix ne peut porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi
de ce pays ne permet pas de déroger par contrat. Le juge guinéen applique la loi choisie.

Cependant, une clause du contrat qui indique que la loi désignée est applicable à la totalité ou à une partie
seulement du contrat peut susciter des difficultés face à l’office du juge guinéen pour l’autre partie du contrat
pour laquelle une loi n’a pas été choisie. Quelle sera la position du juge guinéen dans ce cas ? devra-t-il
appliquer la loi du pavillon ? Même si l’autre partie du contrat a des liens beaucoup plus étroits avec un autre
pays que celui du pavillon.

Toutefois, le problème ne se pose pas dans le cadre du contrat d’affrètement au voyage.

En effet, ce contrat s’apparente à un contrat de transport de marchandises lorsqu’il concerne un seul voyage,
dans la mesure où l’objet principal du contrat est non pas la simple mise à disposition d’un moyen de transport,
mais le transport proprement dit des marchandises. Le problème se poserait plutôt dans les autres types
d’affrètements, coque nue, et à temps.

Afin de régler le problème de l’office du juge guinéen, il y a lieu de prendre en considération le but de la
relation contractuelle et, par conséquent, l’ensemble des obligations de la partie qui fournit la prestation
caractéristique. Si, en principe, dans un contrat d’affrètement, le fréteur s’oblige à mettre à la disposition de
l’affréteur un moyen de transport, il n’est cependant pas exclu que, dans certains cas, ses obligations portent
également sur le transport proprement dit des marchandises.

Pour plus de sécurité juridique dans les rapports contractuels, le système de détermination de la loi applicable
doit rester clair et prévisible avec un certain degré de certitude.

A cette fin, l’article 665 du Code Maritime guinéen, semble ignorer le fait qu’une partie du contrat peut être
régie par une loi différente de celle appliquée au reste du contrat uniquement lorsque, l’objet de ladite partie
se présente comme autonome. Il en résulte que l’article précité ne prend pas en considération le fait qu’une
partie du contrat peut être régie, en l’absence de choix de loi, par une autre loi qui n’est pas la loi du pavillon.

Par conséquent, le juge guinéen devra analyser les critères de rattachement des différents parties autonomes
du contrat d’affrètement et écarter l’application de l’article 665. Dès lors, que cette disposition ne peut être
appliqué à l’ensemble du contrat, ce qui exclut à fortiori la partie contractuelle relative au transport qui se
présente comme autonome du reste du contrat. Ce renvoi à la loi du pavillon n’oblige pas le juge guinéen à
trancher tout le litige sur la base de la loi du pavillon en faisant fi de l’application d’une autre loi.

Il faut retenir de ce qui précède, que le juge guinéen dans son office, à défaut de choix de loi applicable, devra
prendre en considération le caractère divisible du contrat et appliquer une autre loi qui n’est pas la loi du
pavillon.

Nous pensons que, l’article 665 du Code Maritime guinéen doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il ressort
clairement de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre
que celui qui est déterminé sur la base de la loi du pavillon, il appartient au juge d’écarter l’article 665 et
d’appliquer la loi du pays avec lequel ledit contrat est le plus étroitement lié. Ce pouvoir du juge devrait
subsister en dépit des dispositions dudit article. Cette suggestion répond à l’exigence générale de prévisibilité
de la loi et donc de sécurité juridique dans les relations contractuelles.

L’interprétation de l’article 665 du Code Maritime guinéen permet d’envisager la possibilité d’appliquer une loi
autre que celle du pavillon toutes les fois qu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente
des liens plus étroits avec un autre pays.

En outre, pour éviter le déni de justice, l’interprétation de l’article précité, laisse au juge une certaine marge
d’appréciation quant à la présence, dans chaque cas d’espèce, de l’ensemble des circonstances qui justifient la
non-application de la loi du pavillon et qu’une telle disposition constitue l’inévitable contrepartie d’une règle de
conflit à caractère général, destinée à s’appliquer à presque toutes les catégories de contrats d’affrètement
dans lequel un litige viendrait à naître en Guinée.

Auteur :
Albert Dione Docteur en droit Avocat au Barreau de Paris

Notes

[1] L’essentiel du contentieux concerne ainsi les relations entre fréteur et affréteur de navire. Mais les litiges
issus des contrats de transport sont aussi parfois traités par voie d’arbitrage, en particulier lorsque le titre de
transport maritime est un connaissement dit « de charte ».

[2] Sentence 1252, Chambre arbitrale maritime de Paris, 17 décembre 2020.

[3] Portsetcorridors.com/2021/Conakry-escale-

[4] Thèse de Jean-Louis Ducharme « la notion de navire arrivé » soutenu à l’université de Paris 1 le 9 février
2022, Résumé Gazette de la Chambre arbitrale Maritime de Paris n°59, Automne 2022.

[5] Article 669 du Code Maritime Guinéen.

[6] Article 670 du Code Maritime Guinéen.

[7] Thèse de Jean-Louis Ducharme, précité.

[8] Ce contrat est appelé charte-partie (ou contrat d’affrètement).

[9] Article 665 du Code Maritime guinéen.

[10] La Convention de Rome du 19 juin 1980 est remplacée par le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement
européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

[11] Article 4 et 5 de la convention de Rome I.

[12] F. Arrabon, « Loi française et contrat maritime » Gazette CAMP, n°10.

[13] Affaire C-133/08_Intercontainer Interfrigo SC (ICF) c/Balkenende Oosthuizen BV et MIC Operations BV.
[14] V. en ce sens, pour un contrat de transport maritime : Com. 16 nov. 2010, Rev. Crit. DIP 2011. 139, rapp.
Potocki ; pour CJUE (aff. C-88/17,11 juill. 2018, DMF 2018, 759, obs, Morin).

[15] Com. 16 nov. 2010, Rev. Crit. DIP 2011. 139, rapp. Potocki.

[16] Sentence 1252, Chambre arbitrale maritime de Paris, 17 décembre 2020.

[17] Précis de droit maritime, Philippe Delebecque ; 14ème ed, Dalloz.

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