Vous êtes sur la page 1sur 65

La très petite entreprise au Maroc :

Contraintes et perspectives de développement à travers


le levier de la Mésofinance

Pr. MALAININE EL FAIJAH HIND

PARTIE I
LES SPECIFICITES DE LA TPE
SECTION II : SPECIFICITES DE LA TPE AU REGARD DE LA
THEORIE DE LA FIRME

Introduction

La plupart des tentatives menées pour caractériser la spécificité des


unités de production relevant du secteur dît informel se sont
confrontées à la problématique de leur définition.

L’approche qualitative qui s’est imposée, car plus révélatrice de la


nature de ces microentreprises, ne fut pas à même de tracer une
frontière pertinente par rapport aux unités de plus grande dimension.
Aussi la segmentation par la taille fut le critère le plus indiqué d’autant
plus que ces études identifièrent de nombreuses corrélations entre les
effectifs de ces unités et leur mode de fonctionnement ainsi que leur
dynamique.

Aussi, pour mieux caractériser la dynamique des entreprises à


travers le prisme de leur taille, nous estimons important de revisiter
la théorie des firmes notamment sur la problématique de la taille
dans un premier point.

Sur cette base, nous verrons, dans un second point, comment la


petite taille de la TPE induit des stratégies bien spécifiques. Nous
pourrons avoir, ainsi, une meilleure compréhension du mode de
fonctionnement de la TPE.

2
§ 1. Les approches théoriques de la croissance des TPE

Nous commencerons par faire une synthèse des principales théories


de la croissance des firmes, puis nous tenterons de la transposer au
cas particulier des microentreprises, notamment dans le contexte
des pays en développement. Nous nous inspirerons des travaux
menés sur cette question par Marniesse1 et Savoye

A cet effet, nous interpellerons la conception néoclassique et néo-


institutionnelle, l’approche de l’économie industrielle ainsi que divers
théories assez récentes de la firme.

1. La question de la taille de la firme à travers la vision de


l’économie néoclassique et néo-institutionnelle

La conception néoclassique de la firme repose sur ses hypothèses


fondamentales prônant l’homogénéité de l’offre et la fluidité de la
demande. Dans cette approche la firme, évoluant dans un contexte
de concurrence pure et parfaite est "atomisée" et aucune firme n’est
à même d’influencer le marché et donc les prix. L'homogénéité des
firmes, en termes de comportement et de taille, a en effet une
des conséquences majeures dans ce cadre théorique. Il en résulte
que toutes les entreprises produisent selon les mêmes techniques de
production et affichent la même courbe de coût.

Dans le calcul de maximisation, la production est développée


jusqu’à ce que la recette marginale (ou prix de vente) égalise le
coût marginal. Dans la mesure où ces firmes ont le même coût
marginal et la même recette marginale (prix du marché), les
entrepreneurs, faisant des calculs de maximisation identique, font
que la quantité produite est la même pour toutes les firmes et ont
par conséquent la même taille.

Les critiques de la conception néoclassique de la firme ont ciblé


principalement les hypothèses du modèle. Elles mettent en avant

1
Approches théoriques de la dynamique des microentreprises
dans les pays en développement. Document de travail. DT/2000/06

3
« la notion de trajectoires différenciées » et apportent de nouveaux
éclairages à la question de la répartition par taille des firmes.

De nombreux économistes ont proposé, au début du 19éme siècle de


nouvelles pistes de réflexion. P. Sraffa, avec sa remise en cause du
réalisme du modèle de "concurrence pure et parfaite ». J. Robinson
et la théorie de la « concurrence imparfaite » et surtout E.H.
Chamberlin, avec la théorie de la « concurrence
monopolistique », vont enrichir fondamentalement les analyses de la
firme et des marchés, dans le sens d'une meilleure prise en compte
des conditions environnementales et comportementales. C’est
principalement avec H. Simon (1959) et des théoriciens
«behaviouristes» que l’hypothèse de rationalité parfaite est
abandonnée et que la notion d’hétérogénéité des firmes est mise en
avant.

Les principales évolutions de la théorie de la croissance se sont


articulées autour de la mise en avant de concepts clés à savoir les
économies d’échelle, la taille optimale et le cout de transaction.

• Les économies d'échelle2, concept clé de la théorie marshallienne,


expliquent une large partie de la croissance et de la taille des
firmes. Selon cette conception, les firmes qui ne se développent
pas dans le but d’atteindre la taille optimale produiront à un coût
plus élevé que les autres. La taille des firmes sur un marché est
ici une conséquence du mode de fonctionnement du marché, et
non une cause. Elle varie au gré de l’introduction du progrès
technique et des évolutions du marché.

• le concept de taille optimale de la firme a été


développé au vingtième siècle par L'Ecole de Cambridge
qui a reconsidéré l’approche néoclassique en plaçant la taille
des firmes au centre de ses préoccupations. Elle a étudié la
taille de l'entreprise sous l'angle de l'analyse des avantages et
des désavantages qu'elle procure dans un environnement

2
Les économies d'échelle apparaissent lorsque le coût unitaire de production diminue
à mesure que la taille de l'appareil productif augmente ou que la production s'élève.

4
défini. Selon cette approche, ce sont les changements de
technologie, à l’origine de l’augmentation de la taille optimale
des firmes, qui expliquent l’expansion de la firme.

• L'économie des coûts de transaction constitue une réponse


majeure à la question de l'émergence et de la taille des firmes.
Pour la théorie institutionnelle, cette croissance est imputable à
un phénomène d'intégration des transactions dont le niveau
optimum est déterminé par une confrontation des avantages
respectifs de la production interne et de l'acquisition externe.
Selon cette théorie, la taille des firmes est limitée par le coût
marginal d'internalisation d'une transaction supplémentaire
(c'est-à-dire le coût administratif de la gestion centralisée de
cette transaction) : elle croît jusqu'à ce que le coût égalise le
coût de fonctionnement du marché (coût qui résulterait de la
prise en charge de la transaction par le mécanisme des prix).

2. La question de la croissance de la firme à travers


l’économie industrielle et l’analyse sectorielle

Avec l’avancement de la réflexion sur la théorie de la firme, la


question de la taille laisse progressivement la place à une analyse
plus dynamique des comportements représentée par l’économie
industrielle.

L’économie industrielle initie une nouvelle approche d’analyse de la


croissance de la firme en considérant cette croissance comme
conséquence de ses performances sur un marché donné. Avec cette
approche, la préoccupation des économistes passe de la question de
la taille à celle de l’analyse de la dynamique des comportements.

Les conditions environnementales sont ainsi introduites dans


l’analyse des performances des firmes. Selon cette analyse, les
entrepreneurs prennent leurs décisions dans un milieu donné qui
dépend des structures de marché (notamment des technologies et
des systèmes de préférences)

5
L’économie industrielle présente ainsi une entreprise dont les décisions
et les performances dépendent de l’environnement dans lequel elle
évolue ; une entreprise qui, à travers la mise en œuvre de
stratégies, transforme à son tour l’environnement

3. Le question de la taille des firmes à travers les théories


récentes

Des théories plus récentes présentent l’entreprise, comme une unité


dynamique, « une structure complexe dans un environnement
complexe ». La firme est ainsi à la recherche d’un équilibre interne
et d’un positionnement efficace sur les différents marchés. Ses
caractéristiques, au premier rang desquelles sa taille, résultent d’un
processus dynamique plus ou moins maîtrisé » (Marniesse, 2000)3.
Selon cette approche et son enrichissement se sont articulés autour
de deux visions de la firme : la vision dynamique et la vision
évolutionniste

3.1. La vision dynamique de la firme


Les théories biologistes sont à la base du développement de la vision
dynamique de la firme. S’inspirant des sciences de la nature pour
décrire des phénomènes en apparence analogues dans le champ
économique, elles ont établi des lois dites « biologiques » qui sont
supposées régir les trajectoires de firmes.

Ces théories sont basées sur le modèle de cycle de vie ainsi que sur le
modèle de sélection naturelle.
• La théorie du cycle de vie est la liaison entre croissance et âge des
firmes : Selon cette notion de « cycle de vie » des lois
gouverneraient le développement des firmes sur le modèle des lois
qui régissent la naissance et le développement des organismes
vivants. Ainsi, les différents stades de développement des firmes
seraient directement reliés à leur âge. L’apport de la théorie du
cycle de vie est l'hypothèse de l’existence d’une liaison entre

3
Sarah MARNIESSE. Approches théoriques de la dynamique des microentreprises
dans les pays en développement. Document de travail DT/2000/06

6
croissance et âge des firmes. Selon Marshall « les firmes naissent,
se développent, atteignent leur apogée et amorcent un déclin ».
Bien que sa scientificité et sa portée aient été critiquées, ce modèle
revêt de l’importance dans le cas de l'étude des trajectoires de
microentreprises, puisque selon cette théorie, il est vraisemblable
que celles-ci soient plus reliées au cycle de vie de l’entrepreneur
que dans le cas d’entreprises plus grandes4.

• La sélection naturelle a été au centre d’une réflexion développée


par les néoclassiques. L’application de l’idée de sélection naturelle
à l’économie est assez ancienne. Selon Marniesse, il revient à
Alchian (1950) et à Friedman (1953) de l’avoir clairement
développée dans le but de « sauver les principes de l’analyse
néoclassique ». Selon Friedman, le marché agit comme un
mécanisme de sélection naturelle, en éliminant
progressivement les firmes non maximisatrices.

3.2. La vision évolutionniste de la firme


En s’inscrivant dans la lignée des théories biologiques, la vision
évolutionniste de la firme est centrée sur le comportement
adaptatif des firmes. Les défenseurs de cette théorie5 s'opposent à
l'idée que les marchés soient dotés d'une capacité à éliminer
efficacement et sans appel toute firme qui ne ferait pas preuve d'un
comportement optimisateur. Selon eux, les firmes se caractérisaient
par une capacité d’adaptation, un principe de variation ou de
mutation qui va à l’encontre d’une sélection déterministe6.

Ainsi, la nature de l’environnement de sélection (structure de


marché, degrés d’ouverture des marchés aux nouveaux entrants

4
La croissance de l'entreprise serait ainsi d'abord assez lente, pour laisser le temps
à l'entrepreneur de se faire connaître sur les marchés, auprès des institutions
financières, d'acquérir des compétences en tous domaines. Puis, une croissance
pourrait s'amorcer, jusqu'au point où l'entrepreneur envisage de ralentir ses
activités, parce que sa retraite est proche et qu’il entend se retirer. On s'éloigne
toutefois des analyses originelles qui n'avaient nullement besoin de "relier" les cycles
de vie de l'entreprise et de l'entrepreneur pour conclure à un cycle de vie de
l'entreprise
5
Nelson et Winter (1982),
6
Idée empruntée à Schumpeter, et qui se trouve dans le principe de recherche,
d’innovation

7
selon les barrières à l’entrée, nature des réglementations,
potentiel de croissance du produit, accès aux ressources
financières ...) va peser sur les trajectoires, au même titre que les
compétences de la firme, et surtout celles de l’entrepreneur. Le
développement de la firme est stoppé à partir du moment où,
face à la complexité de l’organisation, le système d’information du
chef d’entreprise ne lui permet plus de « piloter » son entreprise.
Selon cette théorie, l’environnement influence fortement les
trajectoires des firmes, comme les caractéristiques de
l’entrepreneur qui pilote l’entreprise dans cet environnement.

§ 2 : LA STRATEGIE SPECIFIQUE DES TPE

Cette revue de littérature sur la problématique de la dimension et


de la dynamique des firmes a mis en relief les déterminants de la
trajectoire d’une entreprise dans son environnement. A la lumière de
cette analyse générale, le cas spécifique de la trajectoire d’une
microentreprise peut être appréhendée. Nous mettrons, ainsi, en
évidence les contraintes et menaces spécifiques (1) ainsi que les atouts
et opportunités des petites entreprises (2).

1. Les contraintes et menaces spécifiques

Dans le contexte socio-économique des pays en développement, un


certain nombre de spécificités à l’origine de comportements adaptifs
des microentrepreneurs peuvent être mises en évidence. Ces
spécificités concernent des aspects macroéconomiques, sectoriels et
microéconomiques.

1.1. Les difficultés d’accès aux marchés


Dans le cadre des hypothèses de la théorie néoclassiques, la
conjoncture « n’existe pas». La demande n’est jamais insuffisante
et dépend des préférences des consommateurs et des prix des biens
sur le marché, eux-mêmes résultats de la confrontation de l’offre et de
la demande.
Si dans le contexte de pays développés, la conjoncture connaît,
une variabilité limitée, et généralement assez prévisible, ce n’est

8
pas le cas des économies en développement. Plus particulièrement,
si l’on prend le cas du Maroc, celui-ci se caractérise par une grande
variabilité conjoncturelle, en raison, notamment, des aléas
climatiques (et de leurs conséquences sur le pouvoir d’achat et
l’économie dans son ensemble), de l’évolution des cours des
produits importés (pétrole). Ces incertitudes induisent souvent une
forte instabilité des débouchés des microentreprises. Par ailleurs,
compte tenu du fait que, dans la plupart des activités des
microentreprises les barrières à l’entrée sont négligeables, cela impact
sérieusement leur marché potentiel, d’autant plus que ces
microentreprises ont souvent pour seule clientèle des particuliers.

Devant l’instabilité des débouchés, les microentreprises se doivent de


fonctionner de manière flexible, notamment en adaptant leur offre au
marché par la variation de leur effectif en fonction de la conjoncture.
« La flexibilisation les charges par la réduction au minimum des
coûts constitue une des réponses des microentreprises à l’instabilité
qu’elles connaissent ».

Par ailleurs, dans le cadre d’hypothèses néoclassiques, la firme a


intérêt à grandir dès lors que les rendements d’échelle des
technologies employées sont croissants, et ce tant que les coûts
engendrés par la croissance n’excèdent pas les recettes marginales.
La taille du marché n’est pas prise en compte car la demande ne
constitue jamais une contrainte.

Mais, en réalité, la taille des marchés est relativement restreinte,


d’autant plus que les microentreprises exportent difficilement leur
production, ce qui limite la taille maximale de la firme. Aussi, la taille
d’une entreprise, si elle dépend en partie des exigences
technologiques de la branche, des possibilités d’économies d’échelle,
reste contrainte par la taille du marché, qui constitue, surtout dans
les contextes des économies en émergence, une sérieuse limite7.

7
Certains biens d’équipement sont par nature indivisibles, leur rentabilité dépend
donc de la taille des marchés desservis. Il est ainsi probable qu’il existe des « sauts
technologiques » que les entreprises franchissent selon la taille potentielle des
marchés desservis et selon leur accès aux diverses sources de financement.

9
Il va de soi que certaines activités ont beaucoup plus de difficultés
à se développer que d'autres, tout simplement parce que
l'investissement que ce développement requiert est beaucoup plus
élevé que dans d'autres activités, dans un contexte de dualisme
financier où il est quasiment impossible d’obtenir un crédit
bancaire.

Ajoutons que le type de technologie utilisée peut constituer des


barrières à l’entrée qui protègent le cas échéant de la concurrence.
Toutefois, dans la plupart des secteurs traditionnels, la
technologie utilisée par les microentrepreneurs est peu
capitalistique.

1.2. Des difficultés de financement:


Au sein de la théorie néoclassique, les marchés fonctionnent
parfaitement, le recours aux approvisionnements est égal pour tous
et les coûts de transaction sont inexistants. Selon Marniesse « dans
les économies développées, les coûts de transaction ne sont
généralement pas nuls, mais faibles et l’accès aux intrants est
souvent aisé, même si les grandes entreprises sont avantagées
(commande en gros..). Mais dans les pays en développement, les
micro entreprises, compte tenu du fait qu’elle disposent de peu de
moyens financiers, d’un faible pouvoir de négociation, voire parfois
une connaissance imparfaite des réseaux de distribution, il leur est
souvent difficile d’accéder aux intrants, aux outils de
production et au crédit, d’ailleurs réservé aux grandes
entreprises modernes ». Cette faible intégration des petites
unités constitue un handicap majeur à la modernisation des
microentreprises.

Par ailleurs, l’économie nationale, connaît un dualisme financier qui


empêche les microentreprises à accéder au crédit bancaire et les
améne surtout à s’autofinancer..

10
1.3. Un cadre institutionnel inadapté
L’économie informelle est généralement réfractaire au cadre
réglementaire afin d’échapper à l’augmentation des charges.
Marniesse distingue, globalement, trois types de microentreprises:
- les entreprises non déclarées qui fonctionnent en marge du cadre
légal;
- les entreprises déclarées qui fonctionnent plus ou moins en marge
;
- les entreprises déclarées qui respectent tous les règlements.

La répartition des microentreprises entre ces trois groupes dépend,


selon elle, « du cadre institutionnel (administration plus ou moins
laxiste et secteur d’activité plus ou moins contrôlé) et de la capacité
financière des microentreprises à supporter des charges fixes ».

1.4. Des équipements en infrastructures déficientes


Les infrastructures concernent l’accès à l’électricité, la qualité des
routes, la possibilité d’avoir le téléphone, l’aménagement des zones
inondables, l’existence de moyens de transport. En général, les
microentreprises pâtissent d’infrastructures déficientes.

2. les atouts et opportunités des microentreprises

La firme évolue dans un contexte général qui offre un ensemble de


contraintes ou d’opportunités de croissance. Dans ce contexte
spécifique, le micro entrepreneur peut instituer un mode de
fonctionnement viable, essentiellement fondé sur l’exploitation de
niches ou la minimisation des charges fixes. Ces opportunités des TPE
sont inhérentes au comportement du micro entrepreneur et
d’atouts à même d’assurer leur survie

2.1. Un comportement déterminant du micro entrepreneur


Le rôle du micro entrepreneur est majeur. Il dispose de marges de
manœuvre pour mettre en œuvre des stratégies de afin de faire face
aux contraintes ou à exploiter les opportunités.

11
Dans le modèle néoclassique, l’objectif de maximisation du profit est
partagé par tous les entrepreneurs. En réalité, dans les économies
en développement, de nombreux entrepreneurs créent leur
entreprise uniquement pour obtenir un revenu minimum.

De même, la notion de compétence d’un micro entrepreneur


recouvre des domaines multiples. Il peut s’agir de connaissances
techniques, de coordination des transactions, de prise de risque,
d’innovation etc. En général, les caractéristiques requises doivent
permettre au micro entrepreneur de réaliser un chiffre d’affaires
suffisant pour couvrir les charges.

Mais le niveau de compétence ne favorise pas nécessairement le


développement ou la survie de l’entreprise. D’autres considérations
rentrent en ligne de compte comme la possibilité d’obtenir un
crédit bancaire par exemple. Par ailleurs, la microentreprise
dispose de caractéristiques intrinsèques (localisation
géographique, ressources propres ...) qui sont autant de nouvelles
contraintes ou opportunités et qui peuvent expliquer au sein des
secteurs que certaines firmes se développent et d’autres pas.

Les microentreprises sont souvent en concurrence directe avec des


PME ou des grandes entreprises du secteur moderne.

2.2. Des atouts pour la survie de la micro entreprise


La micro entreprise dispose de conditions favorables sur le cout du
travail, les relations avec la clientèle, le faible cout des charges
fiscales, les prêts, le capital productif et la clientèle.

Un faible cout de la main d’oeuvre


Les grandes entreprises sont contraintes, pour motiver leurs
ressources humaines, de la rémunérer à un taux de salaire élevé.
En revanche, dans les microentreprises, la main-d’œuvre est
souvent composée de membres de la famille, dont la supervision est
plus flexible. Le secteur informel des pays en développement, dominé
par les microentreprises, est caractérisée « par des solidarités et des

12
hiérarchies transversales (familiales, ethniques, religieuses) et la
relation d'emploi est rarement une relation marchande : les contrats
ne sont pas salariaux, mais plutôt de dépendance, et les relations
sont très personnalisées. Ainsi, un effectif réduit et peu rémunéré,
des relations directes et fréquentes entre la main-d’œuvre et
l’entrepreneur, des coûts d’organisation et de contrôle du travail
limités assurent souvent une bonne rentabilité de la main-d’œuvre ».

U n e r e l a t i o n d e p r o x i m i t é a v e c l a clientèle
Les microentreprises, en ayant des relations plus proche avec leur
clientèle, présentent un avantage indéniable, celui de pouvoir
« faire confiance », et ainsi de faire crédit quand cela s’avère
nécessaire. Elles arrivent, ainsi, à fidéliser une clientèle qui a besoin
de bénéficier de délais de paiement.

Une utilisation duale des biens d’équipement


Souvent, l’atelier est confondu avec le lieu d’habitation. Il en est de
même des équipements et du matériel utilisé à des fins professionnelles
mais aussi personnelles ou familiales. Le coût d’opportunité de ces
biens d’équipement est donc inférieur à celui des grandes entreprises.

De faibles charges fiscales et sociales


La petite taille permet souvent de contourner un certain nombre de
réglementations et d’obligations fiscales : taxes professionnelles,
impôts sur les bénéfices, cotisations sociales, salaire minimum,
horaires, etc. Par conséquent, les charges des microentreprises
sont plus faibles.

Une adaptation aux fluctuations de la demande


La structure flexible des microentreprises, Dans un univers
instable, leur permet de mieux faire face aux fluctuations
économiques. Généralement, quand la demande chute, les grandes
entreprises sont en mesure de payer leur main-d’œuvre et risque de
faire faillite si l’insuffisance de la demande perdure. En revanche, dans
les microentreprises, les employés voient leurs salaires diminués et

13
ou cessent d’être payés, et le patron survit avec peu, mais l’entreprise
ne disparaît pas8.
Les microentreprises peuvent donc exister durablement, soit parce
qu’elles n’ont pas besoin d’être rentables (microentreprises de
survie), soit parce qu’elles sont rentables en profitant d’avantages
spécifiques.

En conclusion, si ces avantages comparatifs que leur confère leur


petite taille sont autant d’atouts pour la survie des microentreprises,
dans une optique de croissance et de développement, ces avantages
peuvent constituer de véritables handicaps, de sérieux risques de
grandir. Car, quand une microentreprise connaît une phase de
croissance, « elle connaît de multiples changements au niveau de
fonctionnement. Au niveau de ses ressources, son capital productif
et ses effectifs et salaires augmentent. L’entreprise devient plus
visible, accède au financement bancaire et respecte en
conséquence de plus en plus de réglementations ». Au cours de
cette dynamique de changement, elle renonce à des avantages
qui lui permettaient d’être compétitive dans son environnement9.

La croissance d’une microentreprise est un processus assez risqué,


au cours duquel elle est susceptible de perdre les avantages qui
l’assuraient de survivre dans un environnement instable. Son mode

8
Toutefois, il convient de contrebalancer cet argument par l’idée que les grandes
entreprises sont moins dépendantes de la conjoncture intérieure quand elles peuvent
exporter.
9
Selon SOVOYE trois variables sont susceptibles d’être affectées :
- Le coût unitaire de production est difficilement prévisible. Il est susceptible de
diminuer du fait des rendements d’échelle croissants et d’un accroissement de la
qualité de la main d’œuvre, donc de sa productivité. A l’opposé, ce cout peut
augmenter en raison de la hausse du niveau des salaires et du coût du capital
productif augmentent ainsi que du respect croissant des réglementations (qui
engendrent des coûts supplémentaires).
- La qualité de la production : Elle augmente généralement en conséquence de
l’accroissement de la qualité de la main-d’œuvre et du capital productif, ce qui
devrait permettre à l’entreprise de fidéliser un nouveau type de clientèle.
- La flexibilité de la structure : l’augmentation des coûts fixes se traduit de
manière forte par une diminution de la flexibilité de la structure de production.
Cette réduction de la flexibilité peut se traduire par un accroissement du risque
de faillite en raison de la volatilité de la demande. Pour une entreprise en cours
de formalisation, ce risque de faillite ne pourrait être limité que par deux types
d’évolution parallèles : une stabilisation de la demande ou un accès non contraint
aux prêts bancaires.

14
de fonctionnement devient de plus en plus rigide. En
conséquence, seules les microentreprises capables de stabiliser
durablement le niveau de leur demande parviennent à consolider leur
croissance.

15
Conclusion

Dans les précédents développements, nous avons rappelé que


durant les années 60 et 70, la plupart des pays en développement,
dont le Maroc, se referaient au modèle Lewis pour fonder leur
stratégie de développement. Ce modèle théorique de référence,
privilégiant une vision dualiste du développement, retenait comme
variable déterminante l’importance du taux d’accumulation du capital.
Celui-ci, en favorisant l’expansion rapide du secteur moderne, crée
des emplois et absorbe progressivement le surplus de main-d’œuvre
provenant du secteur traditionnel (agriculture de subsistance). Dans
ce contexte, la persistance des petites activités artisanales était perçue
comme un phénomène transitoire, temporaire dû aux délais
d’absorption de la main d’œuvre du secteur traditionnel par le secteur
moderne.

Mais depuis le début des années 80, avec la crise économique connue
par la plupart des pays en développement, et ses répercussions
négatives sur le marché du travail et les revenus, de nouvelles
analyses se penchèrent sur les avantages «compétitifs» du secteur
informel, expliquant ainsi ses atouts et la pérennité des
microentreprises dans le tissu industriel.

Nous avons ainsi mise en évidence le cheminement de la réflexion, à


la base de la genèse du concept de micro entreprise pour mieux
appréhender ces multiples activités hétérogène et marginales qui
caractérisent le secteur informel.

Une fois le phénomène de ces petites activités mieux ciblé, nous


avons, grâce à une introspection de la théorie de la firme, tenté de
mieux comprendre les dynamiques et stratégies distinctives de ces
petites unités ou microentreprises. Nous avons relevé comment la
micro entreprise est porteuse d’atouts et d’opportunités mais aussi
de faiblesses et de menaces, qui en fait un objet d’étude très
particulier et nécessitant une meilleure identification par l’attribution
d’une définition appropriée. C’est l’objet de notre second chapitre.

16
CHAPITRE II.
TENTATIVES DE DEFINITION DE LA
TPE

Nous avons vu, dans le précédent chapitre que la plupart des


tentatives de caractérisation des unités de production relevant du
secteur dit informel se sont confrontées à la problématique de leur
définition, car il n’existe pas de définition unique de la TPE, ni
d’unanimité sur les critères retenus. Ceux-ci diffèrent selon leur
origine, qu’ils soient d’origine européenne, nord- américaine, africaine
ou de leur nature de textes législatifs ou réglementaires, d’études
statistiques, etc.

Pour nous permettre d’élaborer une segmentation de ces unités de


production à même d’appréhender la problématique de leur
financement, il s’avère opportun d’effectuer une étude quasi-
exhaustive des différentes tentatives de définition de la TPE.

Après une analyse de l’apport de la théorie des organisations (section


1), nous ferons le point sur les délimitations envisagées tant au niveau
international (section II) que national (section III).

17
SECTION I : LES DEFINITIONS DE LA TPE A TRAVERS LA
THEORIE DES ORGANISATIONS

Avec Foliard10 nous estimons que le travail de conceptualisation de la


TPE ne doit pas se contenter de recenser toutes les caractéristiques de
ce type d’unité population ou d’en dresser une configuration
consensuelle.

Cette investigation devrait permettre de réaliser une typologie des


organisations, c'est-à-dire la définition d’un certain nombre de types
d’entreprises (TPE, PE, PME, GE), sur la base d’une étude scientifique
permettant d’en comprendre la réalité complexe. Dans cette typologie
des organisations, il y a lieu de mettre en évidence l’existence d’un
type TPE et ses particularités.

A cet effet, partant du constat que les TPE ont pour première
caractéristique leur petite taille, nous commencerons par étudier
l’approche quantitative de ce type d’unité, avant de présenter, dans
un second point, l’approche qualitative basée sur ce qui fait la TPE.

Nous essaierons de mieux cerner les éléments du concept TPE afin que
le monde de la TPE ne soit plus un mystère, pour reprendre les propos
de Julien et Marchesnay.

§ 1. L’approche quantitative

Parler de taille de la TPE nécessite de clarifier le critère de mesure de


cette notion de taille ainsi que les éléments susceptibles d’être
mesurés. Mais avant cela, il y a lieu, d’interroger la théorie de la
croissance économique sur la problématique de la taille qui a porté
principalement sur la Grande Entreprise et plus tard sur la PME.

10
Stéphane FOLIARD Le financement bancaire des créateurs de très petites
entreprises ; Thèse pour l’obtention du doctorat en sciences de gestion ; 2008

18
1.1. L’approche quantitative

Afin de considérer les PME comme des organisations particulières,


les premiers travaux ont tenté de montrer que la taille n’est pas un
facteur neutre sur le plan organisationnel.

Deux courants se dont démarqués sur cette question. Un premier


groupe de travaux mettra en évidence, durant les années 1960,
l’importance déterminante de la taille des organisations. Puis, un
second, développera de manière plus dynamique, sa relation à la
croissance, c’est-à-dire aux effets induits par l’augmentation de la
taille.

L’école d’Aston est pionnière dans a théorie de l’influence de la taille


sur l’organisation. Elle s’est attachée à mettre en évidence les
problèmes communs et spécifiques d’organisations de tous types. Ses
principaux résultats confortent l’idée selon laquelle « la taille de
l’organisation constitue un facteur majeur de la structuration de
l’entreprise ». Autrement dit, cette thèse a démontré, sur la base
d’études comparatives, que les caractéristiques organisationnelles des
entreprises sont significativement différentes selon la taille.

Mais cette approche repose sur l’hypothèse qu’il existe une frontière
entre la catégorie des PME et celle des grandes entreprises. Ce qui a
posé la question de savoir « où se situe cette frontière», et notamment
de définir le seuil au-delà ou en deçà duquel les configurations
organisationnelles peuvent être considérées comme spécifiques? La
difficulté demeurait dans la délimitation de cette «frontière critique »
afin d’opérer le découpage.

Aussi, le dépassement de ces limites consiste à considérer la taille non


plus comme un facteur figé mais comme une variable appréhendée à
partir de modèles dynamiques. Plusieurs recherches vont alors se
consacrer à l’étude de la croissance de l’entreprise et proposer des
modélisations. C’est ce à quoi s’est attaché, Durant le début des
années 1970, un autre courant de recherche autour d’un objet de
recherche : la croissance de l’entreprise.

19
Cette approche se base sur la thèse centrale selon laquelle il existe
des phénomènes de rupture, des changements profonds, de
l’organisation au fur et à mesure de son développement.

Selon Mintzberg (1982), cité par TORRES11 « de nombreux éléments


nous indiquent qu’à mesure que les organisations grandissent elles
passent par des périodes de transition structurelle, qui sont des
changements de nature plutôt que des changements de degré ». Selon
cette approche, la croissance de l’entreprise n’est pas un phénomène
continu, mais « discontinu et ponctué par des crises qui obligent
l’entreprise à se transformer ». Les changements quantitatifs de la
taille occasionnent un changement de la nature de l’organisation. Aussi
ce courant s’est attaché à mettre en évidence les seuils critiques que
traversent les petites et moyennes entreprises au cours de leur
croissance et d’en rechercher les causes.

Aussi, durant les années 1980, plusieurs auteurs ont validé la thèse
selon laquelle la taille exerce des changements et que ces
changements sont des différences de nature. Ces travaux ont conduit
à faire de la taille un critère pertinent de découpage.

En définitive, les travaux sur la taille et la croissance ont constitué les


fondements de la recherche en PME puisque celle-ci repose sur un
découpage fondé sur le critère de taille.

Sur cette base, à partir de la fin des années 1970, deux courants
distincts se développent conjointement.
- D’une part, le courant de la spécificité a pour projet de mettre en
évidence les traits caractéristiques des entreprises de petite taille
et de proposer une théorie spécifique de la PME.
- D’autre part, le courant de la diversité cherche à établir des
typologies dans le but d’ordonner et de classer l’hétérogénéité du
monde des PME.

Ce n’est qu’à la fin des années 1970, que se développa un courant de


pensée qui attribua à la PME son statut spécifique ne la considérant

11
Olivier Torrès - La recherche académique française en PME – 2007 -

20
plus comme un modèle réduit de la grande entreprise mais comme
une entreprise à laquelle on peut associer des particularités.
L’entreprise de petite taille devient la « petite entreprise ».

Ce courant de recherche s’est employé à mettre en évidence les


uniformités, les caractéristiques communes qui constituent la base de
la spécificité des PME.

Torres12 rappelle l’affirmation de Julien et Marchesnay selon laquelle «


le monde de la PME se révèle d’une extrême complexité; mais pris en
tant que tel, des constantes, des permanences, des tendances en
surgissent à l’examen ».

De même, Torrès, précise que selon Pierre-André Julien, le concept


de PME se décline en cinq critères:
- une centralisation de la gestion,
- des systèmes d’information internes et externes simples et informels,
- une faible décomposition des tâches,
- une stratégie implicite et souvent à court terme,
- un contact direct avec la clientèle.

Toutefois, la thèse de la spécificité s’avère assez réductrice de la


variété des PME. De nombreux chercheurs défendent l’idée selon
laquelle la PME n’est pas une catégorie homogène, mais une
appellation qui désigne une réalité assez complexe

12
Torres. Op. Citée

21
1.2. Les travaux sur la TPE
Dans les recherches portant sur la TPE, les principaux travaux se sont
attachés à définir la taille d’une entreprise vue comme un indicateur
de la capacité de production de l’organisation, une échelle de
production. Cette capacité peut s’exprimer en heures de main-
d’œuvre, en heures machine ou, plus simplement en termes
d’effectifs.

Pour mesurer la taille de l’entreprise, le critère de l’effectif est le plus


retenu, bien qu’il n’existe cependant pas d’unanimité sur le nombre de
salariés dans les différentes démarches.

La Commission Européenne définit la TPE comme une entreprise de


zéro à neuf salariés. Il faut moins de huit salariés pour la TPE chinoise
(Morris, 1998), moins de six pour Roberts et Wood (2002), moins de
cinq pour Julien et Marchesnay (1992). La Small Business
Administration contourne le problème avec un certain pragmatisme :
il n’y a pas de cadre imposé ni de règle rigide, mais une adaptation
particulièrement souple aux diverses activités.

En France, la définition de l’artisanat retient un effectif salarié maximal


de dix salariés. L’INSEE propose plusieurs seuils pour les TPE de zéro
à neuf salariés et pour les TPI de zéro à dix-neuf salariés.

Ce critère de l’effectif très répandu et très opérationnel, doit tout de


même être pondéré et teinté d’un certain pragmatisme.
Il recouvre, en effet, des réalités très différentes : une entreprise de
moins de 10 salariés peut réaliser un volume d’affaires
particulièrement conséquent si elle se concentre sur un cœur de métier
à forte valeur ajoutée et met en place une organisation basée sur la
sous-traitance ou l’outsourcing. À l’inverse, une entreprise de vingt ou
trente salariés travaillant dans un secteur fortement consommateur de
main- d’œuvre peut être considérée comme une TPE au regard
d’autres critères.

22
D’autres critères recensés concernent la taille relative de l’entreprise
sur son marché pour la Small Business Administration américaine, le
chiffre d’affaires et le total bilan pour la Commission Européenne.

Chacun des critères énoncés a son importance dans les diverses


études menées au niveau macroéconomique pour mieux percevoir et
quantifier l’ampleur du marché TPE. Ils sont notamment utiles pour
étayer les recommandations allant dans le sens des efforts entrepris à
l’échelle nationale en vue d’une formalisation du secteur informel.

La plupart des pays développés considèrent maintenant la TPE (moins


de 20 salariés) comme un sous-ensemble de la PME (moins de 250
salariés), mais ce sous-ensemble reste bien prépondérant puisqu’il
produit 63% de la valeur ajoutée et emploie les 2/3 des effectifs.

Si, dans la pratique, la mesure de la taille de l’entreprise ne pose pas


de souci majeur, il n’en va pas de même dans les approches théoriques
où la taille peut être vue comme l’élément le plus important d’une
organisation ou simplement comme le résultat d’une adaptation de
l’entreprise à son environnement.

En définitive, la démarche la plus simple et la plus couramment utilisée


pour définir une TPE relève, comme nous l’avons vu, de critères
quantitatifs. Ces critères tels que le chiffre d’affaires, les effectifs, le
total du bilan, les parts de marché, offrent l’avantage d’être facilement
identifiables. La recommandation de la commission de l’Union
Européenne du 6 avril 1996 relative aux micros, petites et moyennes
entreprises définit les PME comme des entités indépendantes exerçant
une activité économique, quelle que soit la forme juridique. Le terme
PME est à prendre comme la somme des entreprises moyennes, des
petites entreprises et des microentreprises.

Face à la diversité des réalités couvertes par les entreprises de moins


de 10 salariés, les critères purement quantitatifs présentent
rapidement leurs limites. Il est, en effet, difficile de comparer un
marchand ambulant commerçant installé, un artisan, un coiffeur,
même si ces unités présentent des similitudes quant aux nombres de
salariés. Ces critères offrent tout de même l’avantage d’être très

23
simples d’accès. Même s’ils ne nous disent pas ce qu’est une TPE, ils
en précisent les contours. La principale critique que l’on peut apporter
concerne l’arbitraire de ces seuils.

Cette approche quantitative amène à considérer la TPE comme une


catégorie de PME laquelle regrouperait les définitions de la TPE, de la
PE, PME elle-même souvent perçue comme une grande entreprise en
devenir. Les TPE sont dés lors appréhendés comme structures
provisoires, en transition vers une taille plus importante ou vers la
disparition (Marchesnay, 1988)

On en conclu que l’approche de la TPE par des critères quantitatifs,


bien que son caractère opérationnel soit important, connaît de
sérieuses limites même si elle met en évidence l’existence de seuils
entre les différentes catégories d’entreprises et pose la question de la
différenciation des formes TPE, PME et GE. La question reste posée
de savoir si passage de ces seuils dimensionnels transforme-t-il
radicalement l’organisation?

§2. L’APPROCHE QUALITATIVE


Au lieu de délimiter la TPE, d’en tracer les contours, l’approche
qualitative ne cherche pas à mesurer les TPE mais plutôt de chercher
à comprendre ce qu’elles sont et ce qu’elles font, en isolant leurs
spécificités, ce qui les compose et ce qui les anime. Pour cela, nous
nous basons en particulier sur deux principales approches de
l’entreprise de petite taille. : Celle de Hirigoyen et celle de Julien.

2.1. La définition de Hirigoyen


Hirigoyen (1981) enrichit la définition de la moyenne entreprise par
sept critères qualitatifs dont la déclinaison au niveau TPE est
envisageable.

• La responsabilité qui tient au fait que la gestion de la TPE ne


repose que sur un seul homme. Cette responsabilité est à la fois
financière (gestion saine), sociale et morale (vis-à-vis de ses
salariés et partenaires d’affaires). L’absence de délégation dans
une TPE concentre cette responsabilité sur une seule personne,
c’est ce qui différencie l’approche TPE d’une approche PME où une

24
structure fonctionnelle même rudimentaire impulse cette
délégation et, donc, cette dilution de la responsabilité.
• La propriété de la TPE est concentrée entre les mains d’une seule
personne ou partagée avec quelques personnes souvent issues de
la famille.
• L’existence d’un objectif particulier de richesse différent de la
maximisation des fonds propres : l’entrepreneur ne cherche pas à
rentabiliser les fonds injectés dans l’entreprise sur le court terme.
Le caractère patrimonial et familial de la TPE impose la prise en
compte d’objectifs autres que la rentabilité à court terme des fonds
propres.
• La flexibilité est une caractéristique essentielle des petites
entreprises qui ont la faculté de s’adapter à leur environnement.
• Un système d’information insuffisant et l’absence de méthodes
de décision et de planification : ces insuffisances sont pertinentes
dans l’approche TPE, car ces entreprises ne disposent ni des outils
de gestion et de communication nécessaires (comptabilité
analytique par exemple) ni des compétences en interne pour les
mettre en place. La planification est donc inexistante.
• La taille humaine est une dimension importante de la définition
la petite entreprise, a fortiori pour la TPE. Elle suppose un mode de
communication directe entre tous les acteurs de l’entreprise.
• La faible autonomie, et la dépendance vis-à-vis fournisseurs et
des banques. Cette dépendance financière est cruciale devant la
faiblesse des fonds propres et les difficultés d’accès accès aux
sources de financement.

2.2. La définition de Julien


Julien (GREPME, 1997) considère qu’une une petite entreprise a six
caractéristiques adaptables, selon notre analyse, adaptables à la TPE.

• La petite taille délimitée à moins de cinq salariés.


• La centralisation de la gestion : Le propriétaire dirigeant de la
TPE est l’incarnation de cette centralisation, il assure la gestion
de l’entreprise, ainsi que toutes les autres tâches.
• Une faible spécialisation : les TPE réalisent l’essentiel de leur
activité autour d’un seul produit ou service. L’organisation de la
TPE impose la polyvalence des acteurs qui doivent réaliser

25
plusieurs tâches différentes. Le propriétaire dirigeant est plus
un homme-orchestre qu’un chef d’orchestre.
• Une stratégie intuitive et peu formalisée : la stratégie réactive
des TPE illustre l’absence de formalisation de la stratégie des
TPE.
• Un système d’information interne simple et peu organisé : la
circulation de l’information dans une TPE se fait essentiellement
par contact direct entre les personnes concernées. Un système
d’information externe simple et peu organisé : l’essentiel de
l’information est recueillie par contact direct entre
l’entrepreneur et ses clients, fournisseurs, concurrents. Il
n’existe pas d’autre système que le réseau relationnel tissé par
le propriétaire dirigeant 13

Nous devrions aussi retenir des éléments complémentaires de la


définition d’une TPE comme les caractéristiques identifiées par la
Small Business Administration: « Une petite entreprise est possédée
et dirigée de manière indépendante et n’est pas dominante sur son
secteur d’activité », et la définition assez proche de Julien et
Marchesnay (1989) : « Elle est avant tout une entreprise
juridiquement sinon financièrement indépendante, opérant dans les
secteurs primaires, manufacturiers ou des services, et dont les
fonctions de responsabilités incombent le plus souvent à une
personne, sinon deux ou trois, en général seules propriétaires du
capital ».

Si ces définitions de la moyenne entreprise déclinées pour


correspondre à la TPE donnent une base à notre recherche, elles ne
constituent pas en soi une définition de la TPE auquel cas la TPE ne
serait rien de plus qu’une PME avec un effectif restreint.

En définitive, la définition de la TPE ne doit pas dépendre uniquement


de son effectif. Il est nécessaire de prendre en considération plusieurs
critères de nature différente, en plus des effectif, à savoir le chiffre
d’affaires, le statut, le type de management ..., de croiser ces critères
et de les distinguer selon les secteurs d’activité. Dans une TPE,

13
(JULIEN et Ali, 2002 ; GRANOVETTER, 1973).

26
l’identification au propriétaire-dirigeant. L’entreprise est également
peu structurée, caractéristique qui s’accentue avec l’externalisation
des fonctions.

Nous pouvons, ainsi admettre, que les TPE sont des entreprises
d’activités productives de biens ou de services, de petite taille, de
statut indépendant et/ou à caractère patrimonial. Il s’agit de
structures fragiles et exposées, plus que d’autres, aux aléas
économiques d’ordre externe et interne.

Il faut savoir que la plupart des typologies, quelque soit leur limites,
ont le mérite de faire le point sur les principales caractéristiques des
TPE, et de mettre en évidence, plus ou moins formellement,
l’hétérogénéité des TPE.

27
SECTION II : LES DEFINITIONS INTERNATIONALES DE LA
TPE

Il n’existe pas actuellement un consensus entre les chercheurs sur ce


qui distingue une PME d'une Grande Entreprise et à fortiori d'une TPE.
S'agissant de la PME, une définition standard a fait l’objet de
nombreuses tentatives et recherches mais a été néanmoins rapidement
abandonnée au profit des définitions propres à chaque pays.

L’une des études de référence dans ce domaine a été réalisée dans le


rapport Bolton (1971) qui a porté sur les PME en Grande Bretagne. Ce
rapport a identifié trois critères qui pourraient être utilisés pour
déterminer une PME :

- Une Direction personnalisée par les propriétaires de


l’entreprise : absence de hiérarchie et délégation des pouvoirs avec
comme conséquence la prise de l’ensemble des décisions par
les propriétaires
- Une part de marché restreinte et insuffisante pour influencer les
prix. Ce qui implique que toute entreprise occupant une position
dominante sur une niche n’est pas considérée comme PME.
- L’indépendance de la PME : Pour avoir le statut de PME, l’entreprise
doit appartenir à aucun groupe plus important même si sa taille est
très réduite.

Cette analyse a été plus tard enrichie par plusieurs approches qui
essayaient de trouver les caractéristiques essentielles qui pourraient
différencier les PME : des critères quantitatifs et qualitatifs. Bien que
ces deux dimensions aient été développées précédemment compte
tenu de l’importance de ce rapport, nous en rappelons les éléments
clés.

Les critères quantitatifs font référence aux aspects représentatifs de la


taille de l’entreprise. Les indicateurs les plus couramment
utilisés concernent le Chiffre d’affaires, l’endettement, le total bilan, la
valeur ajoutée, le capital social et la part de marché occupée par
l’entreprise. Cependant, cette approche est incapable de proposer une
définition unifiée et homogène des PME principalement à cause de la

28
diversité économique et financière des entreprises entre les pays et
entre les différents secteurs d’activités, ce qui rend son utilisation,
d’une manière standard, par tous les pays, une tâche impossible et les
comparaisons internationales entre PME très difficiles.

Les critères qualitatifs, en se référant à la dimension humaine de


l’entreprise, mettent en avant certaines caractéristiques qui peuvent
différencier les PME et les identifier et notamment:
- Le rôle omniprésent du dirigeant dans la gestion quotidienne
- Le manque de spécialisation pour le personnel de direction
- Le manque de position de force pour négocier les achats et les
ventes, et
- L’autofinancement.

Il existe donc une multitude de critères q de définition de la TPE.


Toutefois, réside une difficulté dans la mesure notamment de certains
critères quantitatifs tels que le « total du bilan » où son évaluation
reste parfois délicate. C’est pourquoi le Bolton Committee a introduit
la notion de « part de marché » : Une TPE ne doit pas contrôler une
part importante du marché.

Les travaux réalisés par le CDVM, font une synthèse fort


intéressante sur la définition de la PME dont s’inspirent nos
développements ci-dessous14.

14
CDVM. Le financement des PME au Maroc . 2011

29
§1. Sur le plan européen

Rappelons, tout d’abord, que La Commission Européenne (CE) a tenté de


standardiser la définition de la PME. Dans ce but, elle a élaboré une définition non
seulement de la PME mais aussi de la Petite Entreprise et de la Micro entreprise.

Ainsi, selon la CE, est considérée comme PME toute entreprise ayant :
- Un effectif de moins de 250 personnes
- Un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 Millions d’euros ou un total bilan
n’excédant pas 43 millions d’euros
- l’indépendance : l’entreprise ne doit pas être contrôlée à plus de 25% par une
autre entreprise qui n’est pas elle-même PME.

La Petite Entreprise est celle qui emploie moins de 50 salariés et dont le chiffre
d'affaires annuel ou le total du bilan annuel ne dépassant pas 10 millions d'Euros.
La Micro entreprise, quant à elle, est définie par un seuil de moins de 10 salariés
et un chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel ne dépassent pas 2
millions d'Euros.

Le critère de l’effectif demeure l’un des plus significatifs et s’est imposé comme
critère principal selon la Commission européenne. Cependant, des critères
financiers ont été introduits dans le but d’appréhender la véritable importance d’une
entreprise, sa performance et sa situation par rapport à la concurrence.

Toutefois, la Commission européenne a combiné le critère de Chiffre d’affaire avec


celui du « total bilan » qui reflète l’ensemble de la richesse de l’entreprise. Car,
selon la CE, le chiffre d’affaire. ne peut pas être considéré comme seul critère
financier déterminant de la PME dans le mesure où il peut varier largement selon
la nature du secteur d’activité.

Le tableau N°1, ci-dessous, résume les seuils quantitatifs fixés par la Commission
européenne pour définir les différents types d’entreprise

30
Tableau N°1 : Différents types d’entreprise
CHIFFRES
TYPE D'ENTREPRISE EFFECTIF D'AFFAIRES ou TOTAL DU
BILAN

MOYENNE ENTREPRISE 250 50 millions € 43 millions €

PETITE ENTREPRISE 50 U 10 millions € 10 millions €

MICRO ENTREPRISE 10 U 2 millions € 2 millions €

En France, la très petite firme correspond aux entreprises comptant moins de 10


personnes, (ou 20 pour l’industrie). Mais étant donné les grandes disparités de
ces firmes, à la définition basée sur les effectifs se sont surajoutées les actifs (total
du bilan, capital total immobilisé, fonds propres), le chiffre d’affaires, la valeur
ajoutée ou les ventes. Mais, là encore, se pose le problème de leur pertinence en
raison de la volatilité de ces trois dernières mesures selon les secteurs d’activité.

Partant de la CE et des travaux statistiques de la Direction des Entreprises


Commerciales, Artisanales et des Services (DECAS), l’appellation «très petites

31
entreprises » est utilisée à la fois pour la catégorie « 0 à 19 » et pour la catégorie
« 10 à 19 » salariés, de même pour l’appellation « petites entreprises » qui est
employée à la fois pour les « 0 à 49 », les « 10 à 49 » et pour les « 20 à 49 »
salariés, d’où la nécessité de préciser les bornes de l’échantillon étudié.

Le tableau ci-dessous suivant résume les différents critères définissant la taille


d’une entreprise, en termes d’effectif salarié, de chiffre d’affaires et de total du
bilan.

Tableau N° 2 : Les différents critères de définition des entreprises en


France

32
§2. Aux Etats Unis

Contrairement à l’Union Européenne, la définition retenue aux Etats-Unis aux PME


diffère selon le secteur d’activité. En effet, la PME est définie selon deux critères
:
- L’indépendance tant pour la détention du capital que pour la gestion.
- L’absence de position dominante dans son marché.

Les autres critères purement qualitatifs varient selon les secteurs d’activité. Selon
le Small Business Act (SBA), le seuil de l’effectif global d’une PME est fixé à 500
salariés mais pourrait être étendu à 1500 dans l’industrie manufacturière. Le
chiffre d’affaires varie également selon les secteurs : il doit être inférieur à 5
millions de dollars dans les services, à 13,5 millions dans les activités
commerciales et ne doit pas excéder 17 millions de dollars dans le secteur de
construction.

§3. Au Canada

Les PME se répartissent comme suit :


- Les Petites entreprises ont un effectif de 5 à 50 salariés
- Les Moyennes entreprises se définissent de manière variable selon les
provinces et le secteur d’activité, avec un plafond fixé à 500 employés.

Pour toutes les entreprises considérées comme PME, le total des actifs ne doit pas
excéder 25 millions de dollars canadiens et, à l’instar de l’Union Européenne, elles
ne doivent pas être détenues de plus de 25% par une entreprise de taille
supérieure.

En conclusion, et de manière générale, à l’international, la tendance est de retenir


un nombre de salarié de 0 à 10 voir à 20 pour la TPE. Toutefois, la tendance est
de ne pas faire dépendre la définition de la TPE uniquement de son effectif.

Nous relevons la prise en considération de plusieurs critères de nature différente,


en plus des effectifs, à savoir le chiffre d’affaires, le statut, le type de management,
ainsi que le croisement de ces critères et la distinction selon les secteurs d’activité.
De même il y a identification de le TPE au propriétaire-dirigeant.

33
Nous pouvons, ainsi retenir, que les TPE sont des entreprises de petite taille, de
statut indépendant et/ou à caractère patrimonial. Il s’agit de structures fragiles et
exposées, plus que les grandes entreprises, aux incertitudes économiques

La plupart des typologies, quelles que soit leurs limites, ont le mérite de faire le
point sur les principales caractéristiques des TPE, et de mettre en évidence, plus
ou moins formellement, l’hétérogénéité des TPE.

34
SECTION III : LES DEFINITIONS NATIONALES DE LA TPE

Au Maroc, il n’existe pas de définition légale, ni de la microentreprise, ni de la


petite entreprise, mais une coexistence d’une multitude de définitions. Seule la
notion de PME a fait l’objet de plusieurs délimitations.

§ 1. Les définitions institutionnelles

La charte PME, élaborée en 2002, retient deux catégories de critères de la PME :


le nombre d’employés permanents (moins de 200) et le chiffre d’affaires ou total
bilan. Cependant, l’ANPME, la CGEM avec Bank Al-Maghreb ont élaboré une
nouvelle définition.

1. La Définition de la Charte de la PME

Trois critères sont pris en considération dans la définition officielle de la PME


définie dans la Charte PME15.

- Le premier est relatif à la gérance ou l’administration de l’entreprise qui doit


être assurée directement par des personnes physiques (propriétaires ou
actionnaires).

- Le second critère est relatif à la propriété du capital ou au droit de vote qui


ne peut être détenu à plus de 25% par une entreprise ou un ensemble
d’entreprises qui ne correspondent pas à la définition de PME.

- Le troisième critère est celui de la taille avec une distinction entre les
entreprises existantes (plus de deux années d’ancienneté) et celles qui sont
nouvellement créées.

15
Selon l'article premier de la loi 53-00 formant "Charte de la PME" du 23 juillet 2002, « la PME est
une entreprise gérée et/ou administrée directement par les personnes physiques qui en sont les
propriétaires, copropriétaires ou actionnaires et qui n'est pas détenue à plus de 25% du capital ou
des droits de vote par une entreprise, ou conjointement par plusieurs entreprises, ne correspondant
pas à la définition de la P.M.E ».
Par ailleurs, les PME doivent répondre aux deux conditions suivantes
- avoir un effectif permanent ne dépassant pas 200 personnes
- avoir réalisé, au cours des deux derniers exercices, soit un chiffre d’affaires hors taxes inférieur
à 75 millions de DH, soit un total de bilan inférieur à 50 millions de DH
Cette même charte propose également des critères spécifiques aux entreprises nouvellement créées
(c'est à dire celles qui ont moins de deux années d'existence) : sont considérées comme PME
- les entreprises ayant engagé un programme d’investissement initial inférieur à 25 millions de
DH, et
- respectant un ratio d’investissement par emploi inférieur à 250 000 DH.

35
Pour être qualifiées de PME, les sociétés existantes doivent obligatoirement
avoir un effectif inférieur à 200 employés permanents, avoir un chiffre d’affaires
annuel hors taxe qui ne dépasse pas 75 millions DH, et/ou un total bilan limité
à 50 millions 50.

2. La nouvelle définition de l’ANPME

La nouvelle définition de la PME élaborée par l’ANPME tient compte uniquement du


critère chiffre d’affaires et fait abstraction de l’effectif de l’entreprise. Selon cette
définition, trois types d’entreprises sont distingués :
- La très petite entreprise : moins de 3 millions de dhs.
- La petite entreprise : entre 3 et 10 millions de dhs.
- La moyenne entreprise : entre 10 et 175 millions de dhs

3. La définition de Bank Al-Maghreb

Dans le cadre de la mise en place des approches avancées « Bâle II», deux critères
déterminants sont retenus16 : le chiffre d’affaires annuel et le montant des crédits
bancaires dont bénéficie l’entreprise.

La circulaire de Bank Al-Maghreb relative aux exigences en fonds propres portant


sur les risques de crédit, marché et opérationnels conformément aux accords
internationaux des comités de Bâle ( ratio Mc Donough) définit la catégorie «
clientèle de détail » inclut, outre les particuliers:

- les toutes petites entreprises (TPE) dont le chiffre d’affaires hors taxes est
inférieur ou égal à 3 millions de dirhams, sous condition que le montant des
crédits dont il bénéficie ne dépasse pas 1 million de dirhams.

- La catégorie « PME » englobe les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes
est supérieur à 3 millions de dirhams sans dépasser, toutefois, 50 millions de
dirhams et le montant global des encours octroyés par l’établissement de crédit
est supérieur à 1 million de dirhams.

Cette segmentation va de pair avec la nouvelle définition de la PME utilisée par


l’ANPME pour ses programmes d’appui.

16
La circulaire n° 8/G/2010 relative aux exigences en fonds propres pour la couverture des risques
de crédit, de marché et opérationnels

36
Tableau N°3 Définition de la TPE selon le critère chiffre

Définition de la TPE selon le critère chiffre


d’affaire
Très Petite Moins de 3 millions de
Entreprise DH
TPE
Petite Entreprise Entre 3 et 10 millions de
PE DH

Moyenne Entre 10 et 175 millions


Entreprise de DH
ME

4. L’approche du haut-commissariat au plan (HCP)

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP), a mené plusieurs enquêtes sur la


microentreprise et le secteur informel et principalement :
- L’enquête nationale sur les entreprises non structurées localisées en milieu
urbain, Rabat, 1988;
- L’enquête sur le secteur informel localisé en milieu urbain. Direction de l’emploi,
Ministère du Développement Social, de la Solidarité, de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle, Rabat 1997
- le recensement économique sur la période 2001/2002,
- Enquête Nationale sur le Secteur Informel Non Agricole, 1999/2000;
- l’enquête nationale sur le secteur informel 2006/20007

La direction de la Statistique retient comme principal critère de définition de l’unité


de production informelle (UPI) celui de l’absence de tenue de comptabilité
complète. Ainsi, l’Enquête Nationale sur le Secteur Informel Non Agricole de
1999/2000 définit comme « unité de production informelle, toute organisation
destinée à la production et/ou à la vente de biens ou à la prestation de services et
ne disposant pas de comptabilité complète décrivant son activité et ce,
conformément à la loi comptable en vigueur depuis 1994 »17.

17
Cette définition couvre ainsi tout le champ des unités non agricoles marchandes (quelque soit leur

37
Le HCP a retenu une définition qui semble en effet combiner plusieurs dimensions
de l’identité des TPE. Il considère comme microentreprise : « Toute entreprise
employant moins de dix personnes, généralement peu qualifiées, partiellement ou
totalement hors des règles administratives ou légales, utilisant d’abord le travail
familial et ayant des horaires de travail flexibles, un mode de production à faible
technicité ».

Cette définition a le mérite de se référer à des critères multidimensionnels relatif


à la taille des TPE, à la propriété très familiale, à leur mode de gestion informel
ainsi qu’au caractère élémentaire de leurs productions.

§ 2. Les tentatives de définition académiques

Dans ce paragraphe, nous présentons dans un premier point les tentatives de


définitions de deux chercheurs, MOURJI et HAMDOUCH qui ont réalisé un
travail significatif dans la compréhension de la mesure et de la dynamique des
microentreprises, avant de nous pencher sur la proposition d’une définition qui
nous paraît plus opérationnelle de la TPE pour la suite de notre recherche.

1. L’approche de Mourji

Une définition récente de Mourji18, constitue une base de départ, notamment


pour les acteurs financiers, souhaitant approcher la TPE au Maroc. Dans
l’optique de développer une stratégie de développement adaptée à ces unités,
Mourji propose une définition qui repose sur des critères ayant trait au niveau
de formalisation et à la nature et la dimension de l’activité. Il en déduit une
segmentation qui distingue quatre catégories de micro entreprises (voir
tableau N°4):

taille) et exclut les activés non marchandes pour compte propre et les ménages employant du
personnel domestique contre rémunération
18
Fouzi Mourji . La TPE au Maroc : Modalités d’intégration dans le secteur formel » (2010)

38
Tableau N°4 : Les catégories de micro entreprises selon Mourji

- Des unités de production informelles qui


relèvent d’une logique d’auto-emploi.
Micro –
- Elles sont le fait d’une personne, parfois
entreprise (1)
accompagné d’un aide souvent membre de la
famille
Taille relativement élevé avec quelques salariés
(souvent moins de 10).
TPE - Œuvrant à partir d’un local fixe et n’ayant
complètement accompli aucune formalité pour avoir une
informelles (2) existence juridique et sociale.
- Connues et répertoriées par les autorités
locales.
Mêmes caractéristiques que les TPE (2) plus :
- l’existence d’une patente.
TPE avec - Paiement des taxes locales
patente (3) - Soumises au régime fiscal du forfait
- Pas de tenue de comptabilité ni de déclarations
de la TVA
Mêmes caractéristiques que les TPE (2) plus
TPE avec - l’existence d’une patente et d’un RC.
patente et RC - Tenue de comptabilité et déclaration TVA et IS
- Pas d’affiliation à la CNSS

39
2. l’approche de Hamdouch

Dans son travail de recherche, dynamisme de la micro et petite entreprise au


Maroc, Hamdouch19 distingue, comme Mourji, les petites entreprises des
microentreprises dans une optique de mise en place d’une stratégie de soutien
modulable.

Partant du constat que les microentreprises (1 à 9 personnes) sont elles-


mêmes hétérogènes, il en distingue les très petites entreprises (TPE) de 4 à 9
personnes des microentreprises stricto sensu.

Il les définit comme des unités composées de deux ou trois personnes (ME) :
travailleur indépendant avec ou sans un apprenti et éventuellement un associé
ou un autre salarié. Il s’agit le plus souvent de métiers de services (plombiers,
peintres) ou de l’artisanat. Elles peuvent avoir un local professionnel ou pas et
ont généralement un outillage rudimentaire. C’est de l’économie sociale, des
unités génératrices de revenu, de lutte contre la pauvreté et la précarité. Elles
représentent près des neuf-dixièmes des TPE.

Pour Hamdouch, toute stratégie de développement doit être déclinée selon les
besoins de chaque catégorie de ces entreprises.

En conclusion, on peut affirmer qu’il n’existe pas d’unanimité sur les critères
retenus. Ceux-ci diffèrent selon leur origine, (européenne, nord- américaine,
africaine etc.,) ou de leur nature (textes législatifs ou réglementaires, d’études
statistiques, etc..).
De manière générale, la tendance est de retenir un nombre de salarié de 0 à 9
pour la TPE.

19
Bachir Hamdouch : Dynamisme de la micro et petite entreprise au Maroc, ERF, Caire , 2006

40
CHAPITRE III :
POIDS ET SPECIFICITES DE LA TPE AU
MAROC

Il ressort de nos développements que le monde de la TPE est multiple et


foisonnant à un tel point qu’il n’existe pas de définition officielle qui fasse
l’unanimité et qu’il est difficile d’en fournir une seule.

Définir la TPE nécessite une bonne connaissance de celle-ci. Or, il est


unanimement reconnu, aujourd’hui, que l’extrême hétérogénéité des TPE
constitue une des plus grandes difficultés à leur étude.

Les définitions officielles qu’elles soient nationales ou internationales ont porté


principalement sur les entreprises immatriculées et œuvrant dans le secteur
formel de l’économie, où la TPE n’est appréhendée que par rapport au modèle
de la PME et/ou la GE.

Dans ce chapitre, nous nous proposons de procéder à une tentative de


construction d’une définition opérationnelle de la TPE incluant toute leur
diversité et hétérogénéité par référence au contexte national (section 1).

Nous pourrions ainsi mieux distinguer les différents segments du secteur de ta


TPE et appréhender la problématique de la mesure du poids de ces différents
segments de la TPE (section 2).

Une fois définie et son poids mesuré, nous procéderons à mettre en évidence
des caractéristiques spécifiques de la TPE au Maroc (section 3).

SECTION I. POUR UNE DEFINITION OPERATIONNELLE

Partant des principaux travaux en la matière, nous nous proposons de dresser


une catégorisation qui nous paraît à même de mieux cerner les contours d’une
TPE et de fonder une stratégie orientée vers cette entité, notamment dans le
domaine financier, objet de notre recherche.

41
Pour les besoins de notre analyse, nous tenterons de développer une approche
opérationnelle qui, tout en retenant le critère quantitatif relatif à l’effectif,
intègre des dimensions qualitatives qui nous paraissent significatifs.

Nous savons que le tissu économique national, à l’instar de celui de beaucoup de


pays émergents, est dominé par des entreprises de petites et moyennes
dimensions identifiées sous le vocable de PME/PMI. La prévalence de cette taille
d’entreprise dans le paysage économique national révèle l’importance de l’enjeu
que présente ces unités tant pour la création de richesses que pour l’élévation
du niveau de vie de la population.

Partant de cette nature assez complexe et hétérogène des TPE, et sur la base
des recherches de Marniesse20, nous retiendrons six variables pouvant être à
la base d’une catégorisation pertinente;
• Le profil et les motivations du promoteur : son attitude (entrepreneuriale
ou non), sa compétence (avérée ou non) et son mobile (auto-emploi ou
accumulation) :
• Le degré de formalité de l’activité: partielle ou totale, souvent corrélé à la
taille de l’entreprise comme à la composition de la main d’œuvre ou au
capital humain du micro entrepreneur.
• La nature des ressources : à savoir le niveau de la technologie utilisée qui
détermine les capacités de production de la microentreprise, sa
productivité, ainsi la structure de la main d’œuvre qui fonde la qualité des
produits
• Le type d’activité développée : temporaire ou principale, spécialisée et/ou
diversifiée
• Le Potentiel de développement : inexistant, faible ou important
• La nature des besoins financiers

En croisant ces variables, nous pouvons mettre en évidence trois catégories


d’unité de production qui se distinguent nettement les unes des autres sans
que les frontières ne soient étanches entre elles.

Il s’agit d’une catégorisation de la TPE comportant trois segments bien


distincts :
- La micro entreprise, généralement informelle, créée dans un but de survie ;
- La très petite entreprise involutive, inscrite dans une logique
reproduction ;

20
Sarah MARNIESSE. Approches théoriques de la dynamique des microentreprises dans les pays en
développement

42
- La très petite entreprise évolutive, inscrite dans un processus
d’accumulation.

Toutefois, dans le but de construire une définition à même de constituer une


base d’identification et de ciblage, nous intégrerons un critère d’ordre
quantitatif par référence à sa dimension en termes d’effectifs. Compte tenu
des différents travaux en catégorisation des entreprises en référence à la taille,
nous retiendrons, pour la TPE un effectif de moins de 10 travailleurs.

En nous inscrivant dans une perspective de développement de la TPE, nous


nous intéresserons aussi au segment supérieur de la TPE constitué par la
Moyenne entreprise.
Sur cette base, notre investigation a abouti à la distinction de trois segments
au sein du secteur de la TPE et que nous nous proposons de présenter par
références aux cinq critères retenus à savoir :
- Le profil et la motivation du promoteur ;
- La nature des ressources (Equipements et main d ‘œuvre);
- Le degré d’Intégration (niveau de formalité) ;
- Le potentiel de développement ;
- Particularités et/ou Besoins financiers.

§1.La Micro entreprise.

- Profil et motivation du Promoteur : la micro entreprise est créée en général


par une personne, sans compétences particulières (très peu qualifiée) qui
s’auto-emploi en vue d’un revenu de subsistance.
- Nature des ressources : Elle produit avec peu de capital productif, sans
main d’œuvre ni local spécifique (rue, domicile ou marché). Les barrières à
l’entrée sont, par conséquent, inexistantes.
- Degré d’Intégration: Généralement informelle, elle peut payer, parfois, des
taxes commerciales.
- Potentiel de développement : Elle assure des petits métiers « de survie », en
particulier dans le domaine du commerce de détail et des services et n’a pas
de potentiel de développement et
- Particularités et/ou Besoins financiers : Elle fonctionne par le recours à de
petits fonds de roulement de départ

§2. La très petite entreprise involutive :

43
- Profil et motivation du Promoteur : La très petite entreprise involutive répond
aussi à un souci d’auto emploi. Son promoteur dispose généralement de
compétences techniques simples lui permettant, grâce à une technologie
élémentaire, l’acquisition de revenus.
- Nature des ressources : Elle assure une activité peu diversifiée (activités
artisanales, petits métiers etc..), fonctionne sans local fixe, avec des moyens
de production rudimentaires (petit outillage) et quelques apprentis
- Degré d’Intégration: Elle évolue dans le l’informalité (bien que payant parfois
certaines taxes).
- Potentiel de développement : Fonctionnant dans une logique de reproduction
plutôt que de croissance avec une clientèle souvent régulière. Elles obéissent
à des logiques sociales et sécuritaires plus qu’à des logiques économiques
d’accumulation C’est le cas des entreprises familiales constituées de deux à
cinq personnes en général, dirigées par un chef d’entreprise très peu qualifié.
Elle sont souvent adverse au risque et routinier, qui minimise les charges fixes,
en employant essentiellement des aides familiaux et en respectant très peu le
cadre institutionnel
- Besoins financiers : Ses besoins en capitaux sont aussi faibles et portent sur
les besoins fonds de roulement : stocks, matières premières) et en
renouvellement de petit matériel

§3. La très petite entreprise évolutive :

- Profil et motivation du Promoteur : La TPE émergente a une vocation


entrepreneuriale dés sa constitution. Le promoteur dispose généralement de
certaines formes d’expertise et recourt à une technologie plus ou moins
sophistiquée. Elle est, en général, constituée de trois à dix actifs, dirigée par
un chef d’entreprise un peu plus qualifié que dans la catégorie précédente et
plus ambitieux. Il a souvent comme objectif de développer son entreprise,
cherche à accroître sa clientèle, à faire davantage de profits
- Nature des ressources : Elle dispose d’équipements légers et d’un local
permanent. Ses besoins en capital concernent les équipements, les matières
premières le loyer etc. Elle exerce une activité bien définie avec un personnel
pouvant comporter en plus du propriétaire, des apprentis et des salaries.
- Degré d’Intégration: Elle est enregistrée et n’est pas totalement réfractaire à
la fiscalité. Ce type d’entreprises sont souvent visibles et respectent en
conséquence davantage le cadre institutionnel
- Potentiel de développement : La TPE évolutive bien qu’elle connaît un début
d’accumulation de capital, s’inscrit plutôt dans une logique de reproduction
(transmission familiale, etc.) avec parfois avec un potentiel de croissance.
- Besoins financiers : Les charges fixes représentent une part parfois
importante de l’ensemble des charges. Mais la demande est souvent

44
insuffisante et irrégulière, et l’accès à des ressources financières souvent
problématique.

§4.La Moyenne Entreprise

- Profil et motivation du Promoteur : La Moyenne Entreprise est une unité de


production et ou de service enregistrée, exerçant une activité spécialisée plus
ou moins diversifiée. Le dirigeant dispose généralement d’une capacité
technique et/ou de gestion et d’une attitude entrepreneuriale avec une vision
à moyen et à long terme.
- Nature des ressources: Elle dispose de moyens de production relativement
adaptés d’une plus ou moins grande complexité technologique avec un
personnel salarié (effectif Supérieur à 10). Ces entreprises utilisent, souvent,
des technologies modernes, emploient de la main d’œuvre salariée, ont un
mode de fonctionnement formel, et sont bien insérées sur le marché des biens
de telle façon qu’elles ont en général des débouchés stables et importants.
- Degré d’Intégration: Elle fonctionne, généralement, dans le cadre de la
réglementation qu’elle respecte.
- Potentiel de développement : Inscrite dans un processus d‘accumulation, elle
dispose d’un important potentiel.
- Besoins financiers : Elle mobilise un capital relativement important (local,
équipement, formation) ainsi que des fonds de roulement parfois très élevé.
Elle se caractérise par une réelle intensité capitalistique et un potentiel
d’accumulation et de croissance.

De manière générale, les TPE dans leur frange supérieure, à savoir la TPE
évolutive, sont porteuses d’accumulation et sont potentiellement génératrices
d’emplois et de revenus, tandis que les microentreprises involutives sont inscrites
dans une simple optique de survie. Toutefois, La frontière entre ces types d’unités
demeure artificielle. Elle est effectuée à des fins de catégorisation et d’analyse.

Dans les faits on retrouve des typologies complexes, multiples et mixtes tant la
barrière entre l’informalité et la formalité est difficile à appréhender. C’est ainsi
que l’on peut retrouver souvent des TPE inscrites dans une véritable dynamique
d’accumulation mais tournant le dos à toute forme de légalisation et des TPE
formelles dans une logique de simple reproduction.

45
Tableau N°5 : Proposition de segmentation de la TPE au Maro

Conclusion

Bien
Micro TPE involutive TPE Moyenne
qu’il
Entreprise évolutive entreprise
nous
semble Promoteur: - Attitude liée à - Souci - Attitude -Capacité
justifié Compétences et l’acquisition de d’acquisition de entrepreneuri technique
de motivations revenus de revenu ale avec et/ou de
subsistance -Compétences recherche de gestion
scinder
- Pas de techniques profit -Attitude
les TPE compétences simples - Promoteur entrepreneuri
en particulières - d’auto emploi qualifié ale
- Auto-emploi

Degré Totalement Evolue dans Entreprise Entreprise


d’Intégration informelle l’informalité formelle Enregistrée
(niveau de
formalité
Nature des -Faible capital - Moyens de - Equipements -Technologie
ressources: productif, production légers et local plus ou moins
-Ni main rudimentaires permanent. moderne
Equipements et d’œuvre ni local Pas de local fixe -Main d’œuvre - Main
main d‘oeuvre spécifique -Personnel composée d’œuvre
composé d’aides d’apprentis et salarié (10 et
familiaux de salariés +)

Type d’activité Petits


Pas demétiers de
potentiel activités peu
Fonctionne dans Potentiel de activité
-Intensité
développée
Potentiel de survie:
de diversifiée
une logique: de croissance spécialisée
capitalistique
développement commerce de
développement (artisanat, petits
reproduction dans une plus ou moins
détail et des métiers) logique diversifiée
forte
services d’accumulatio -Potentiel
n d’accumulatio
n et de
croissance.

Besoins Besoins de Petit Besoins en Fonds Capital Capital


financiers fonds de de roulement (équipement (équipement
roulement de (stocks, matières (loyer, (loyer,
départ premières), matières matières
Absence de besoin de premières, premières,
besoin en capital renouvellement etc.) etc.)
de petit matériel
catégories relativement homogènes, celles-ci, loin de former deux groupes
distincts, d’un côté informel, de l’autre formel, évoluent au contraire entre

46
formalité et informalité, et leurs modes de fonctionnement résultent d’un
ensemble de facteurs que l’on ne peut pas réduire à un simple rapport au cadre
institutionnel.

Ainsi , par référence à la dernière enquêtes HCP, les activités dites « évolutives » qui
recèlent des potentiels d’emplois, de revenus et d’accumulation de capital et qui, par certaines
de leurs caractéristiques, sont proches des entreprises formelles, sont généralement celles qui
disposent de locaux professionnels (44,1%) 21 et sont enregistrées sur les fichiers des patentes
au Maroc 18,6%22.

Les activités dites « involutives » qui sont des activités de survie, en général, exercées par les
catégories vulnérables dans le cadre d’auto emploi et/ou par les femmes et les enfants sont
prédominantes représentant plus de 80% des UPI, (unités non inscrites à la patente).

Ainsi, la TPE peut couvrir une gamme importante d’activités, allant d’activités de
subsistance et génératrices de revenus, à des TPE performantes en passant par
des petits projets artisanaux. Elles sont principalement familiales et leurs
activités sont financées à partir de capitaux propres, ce financement est appuyé
aussi ces dernières années par l’apport déterminant des associations de
microcrédits. Le fonctionnement des TPE est souvent informel, la visibilité du
propriétaire dépasse rarement l’horizon d’une journée. Elles ne constituent que
très peu de stocks et pâtissent d’un manque structurel de trésorerie. Les revenus
générés par ces entités constituent des moyens de survie et visent principalement
à subvenir aux besoins de première nécessité.

SECTION II. CATEGORISATION ET CONTRIBUTION DE LA TPE

Pour effectuer ce travail de détermination du nombre de TPE au Maroc, nous


partirons des principales études et enquêtes menées récemment au Maroc23 sur
la base de deux critères retenus dans notre définition opérationnelle de la TPE de
la section précédente à savoir : le niveau de formalité (totale ou partielle) et
l’effectif (moins de 10 salariés)

21
Enquête HCP 2007
22
Enquête HCP 2007
23
Il s’agit principalement des enquêtes suivantes
- Enquête Nationale sur les entreprises non structurées localisées en milieu urbain, Rabat, 1988;
- Enquête sur le secteur informel localisé en milieu urbain. Direction de l’emploi, Ministère du Développement
Social, de la Solidarité, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Rabat 1997
- le recensement économique sur la période 2001/2002,
- Enquête Nationale sur le Secteur Informel Non Agricole, 1999/2000;
- l’Enquête Nationale sur le secteur informel 2006/20007
- Les fichiers de l’OMPIC relatifs aux entreprises immatriculées
- Les estimations contenues dans le document relatif à la stratégie nationale de promotion de le
TPE – Juin 2012

47
Pour donner une mesure chiffrée des différents segments de la TPE au Maroc, nous
disposons de sources fiables nous permettant de donner une mesure quantitative
à la fois de la micro entreprise que de la TPE formelle. Toutefois, il nous est
impossible d’appréhender les poids respectifs des TPE involutives et des TPE
évolutives.

Aussi, par hypothèse, qui nous paraît relativement vraisemblable et permettant


d’exploiter les études et enquêtes disponibles, nous considérerons que
- les TPE involutives sont les unités informelles comprenant au moins un
travailleur en plus du promoteur (par références aux travaux du HCP)
- les TPE évolutives sont les unités formelles (par références aux travaux de
l’OMPIC)

§ 1. Segmentation du secteur de la TPE au Maroc


Les études du Haut-Commissariat au Plan et de l’OMPIC apportent des données
pertinentes sur la mesure des différents segments de la TPE. Nous nous baserons
sur leurs données pour mettre en évidence les différents segments de la TPE au
Maroc

1. Les segments des microentreprises et des TPE involutives


De nombreuses enquêtes, menées depuis 1984, portant sur les microentreprises
du secteur informel ont tenté de mieux discerner leur contribution à la richesse
nationale et à la création d’emplois24.

Divers critères ont été discutés par les responsables des enquêtes sur
l’appréhension et la définition du secteur. Elles ont porté sur la taille des unités
de production de biens et de services du secteur (moins de dix personnes), sur
leur rattachement à la logique de survie ou de production de richesses, sur leur
rapport à la légitimité (utilité sociale) ou à la légalité (conformité ou non avec les
lois fiscales et sociales) et, finalement, sur leur capacité de formalisation et
d’accumulation et la tenue d’une comptabilité explicite.

L’enquête nationale sur le secteur informel non agricole réalisée en 2006/2007 par
le Haut-Commissariat au Plan le HCP est la dernière enquête qui a ciblé le secteur
informel non agricole au travers de l’analyse de l’activité d’UPI. La notion d’’UPI
désigne « toute organisation destinée à la production et/ou à la vente de biens
ou à la prestation de services et ne disposant pas de comptabilité complète
décrivant son activité et ce, conformément à la loi comptable en vigueur depuis
1994 ».

24
AFD Formation prof en secteur informel

48
Ainsi, le HCP a ciblé les Unités de Production Informelle (UPI) à savoir toutes les
unités de production qui ne disposent pas d’une comptabilité25.
Selon les résultats de l’enquête nationale sur le secteur informel en 2007, le
nombre d’unités de production informelles s’est élevé à 1.550.274 unités et
emploient des effectifs 2.216.116 personnes. Celles-ci se trouvent dans une
tranche de chiffre d’affaires annuel inférieur à 3 millions de dirhams26.

Tableau N°6 Le nombres des unités de production informelles

UPI MO

1 550 000 2 216 116

Selon l’étude du HCP, la segmentation par emploi montre que la très petite
entreprise (moins de 9 emplois) représente l’essentiel de la population globale
des entreprises et unités de production.

Tableau N°7 L’effectif de la TPE

Effectif Personnel % Cumul


1 75 75
2 18 93
3 4 97
4 et + 3 100

Partant de l’hypothèse que les TPE involutives sont des TPE informelles
comprenant au moins un travailleur, et donc ayant une chance de muter vers un
processus d’accumulation, on peut dresser la segmentation suivante du secteur
informel national :

Tableau N°8 Le secteur informel national

25
Par comptabilité, il est entendu la comptabilité tenue par les entreprises conformément à
l’organisation comptable en vigueur au Maroc. limité aux activités non agricoles, les activités
commerciales et artisanales exercées par les agriculteurs comme des activités secondaires n’on pas
été prises en considération.
26
Source « Stratégie Nationale de la TPE »

49
Segment Nombre %

Micro entreprise 1162500 75%

TPE Involutive 387500 25%

Total 1550000 100%

2. Le segment de la TPE évolutive

Partant de nos hypothèses de travail, la condition première qui confère le statut


de TPE évolutive à une petite unité de production est le fait qu’elle soit formelle.
L’immatriculation au Registre de commerce reflète une volonté du promoteur à
inscrire son entreprise dans un processus de «légalité » et pour la majorité d’entre
eux à s’inscrire dans un processus d’accumulation.

L’OMPIC estime la population des entreprises immatriculées à 952.260 dont 80 %


ont un chiffre d’affaires inférieurs à 3 millions de dirhams27.

Tableau N°9 Le Nombres des entreprises immatriculées

2006 - OMPIC 2010 Estimation


Personnes morales 197 000 219 020

Personnes physiques 655 262 733 240

Total 852 262 952 260


CA - 3 millions Dhs 684 210 762 000

Partant de la définition fiscale de la TPE par référence à la réalisation d’un chiffre


d’affaire de moins de 3 millions de DH, le nombre de TPE évolutives s’élèverait à
environ 762.000 Dhs.

27
Source « Stratégie Nationale de la TPE »

50
Au total, selon l’ensemble de ces études, il y aurait en 2007, sur les 855.262
entreprises immatriculées 684.210 ayant un CA inférieur à 3 Millions de dirhams,
auxquelles il faudrait ajouter 1.550.000 unités de production informelles

Tableau N°10 Segmentation du secteur de la TPE au Maroc

Segment Nombre %

Micro Entreprise 1 162 500 50%

TPE Involutive 387 500 17%

TPE Evolutive 762 000 33%

Total TPE 2 312 000 100%

Selon nos estimations, la TPE marocaine concernerait environ 2.400.000


« Entreprises » et environ 3.700.000 « personnes occupées ».

Devant l’absence d’études officielles récente sur le degré d’informalité des


entreprises nationales, on peut dire qu’au Maroc :
• deux entreprises sur trois sont informelles où domine la micro entreprise qui
est la principale unité de production (50% du total)
• TPE évolutive, formelle et disposant d’un potentiel de développement ne
concernerait qu’une TPE sur trois.

Micro Entreprise
TPE Involutive
TPE Evolutive

Toutefois, la notion de formalisation, qui est une hypothèse centrale de notre


travail à la base de notre catégorisation, ne rencontre pas aussi d’unanimité quant
à sa définition.

51
La définition en vigueur, privilégie un critère qui a été recommandé par les
analystes du BIT et retenu lors des recensements des UPI de l’HCP à savoir
qu’une unité doit tenir une comptabilité pour pouvoir être qualifiée de formelle.

De même, d’autres critères semblent pertinents car du point de vue fiscal, une
entité s’acquittant de la taxe professionnelle dispose d’un identifiant fiscal, doit
être considérée comme formelle.

Aussi, nous semble t il, à l’instar de la position des analystes de la stratégie


nationale de la TPE28, deux «niveaux » de formalisation devraient être retenus :
Une formalisation stricto sensu (ou « administrative »)
- Patente (paiement de la taxe professionnelle)
- Inscription au registre du commerce (pour les activités concernées)
- Inscription à la CNSS

Une Formalisation optimale


- Comptabilité normale
- Structuration / organisation

§ 2. La contribution de la TPE à l’économie nationale

Des travaux officiels de la direction des statistiques ont tenté d’effectuer un chiffrage
précis de la contribution de la micro entreprise. Bien qu’elles remontent à 2005, si
l’on considère les seules données statistiques disponibles du secteur informel non
agricole, on constate que celui-ci contribue pour 17 % à la production de la richesse
nationale. Si l’on prend en compte la production de l’agriculture et de l’abattage et
des activités domestiques non agricoles des ménages, en supposant
raisonnablement qu’une très grande part de ces productions relève de l’activité non
structurée, on obtient une production globale de richesse de l’ordre de 40,5 % (voir
tableau ci-dessous)

Tableau N°11 Nature des activités de production

28
Source « Stratégie Nationale de la TPE » Juin 2011

52
Nature des activités de production % PIB

Agriculture et abattage 15,90%

Secteur informel non agricole 17%

Activités domestiques non agricoles 7,60%

Ensemble 40,50%

Source: Direction de la statistique 2005.

L’importance de la TPE, peut aussi se mesurer par le nombre annuel de créations


d’entreprises et son impact sur l’emploi, la fiscalité et la production de richesses
que pourraient avoir des stratégies de soutien et de développement.

A cet effet, l’enquête nationale sur le secteur informel entre 2001 et 2006 estime
qu’il s’est créé une moyenne de 40.000 d’unités informelles soit environ 50.000
établissements par an si on y inclut la TPE formelle.

On peut dire qu’avec environ 2,3 millions d’’unités, les TPE emploient 64,7 % des
actifs c’est à dire potentiel que représente leur contribution au développement
économique et social29.

La TPE contribue d’une manière significative au PIB. Sa contribution est estimée à


35.5 % du PIB ; Ce taux varie d’un secteur à l’autre. Il est important au sein de
l’agriculture (80%), moyen au sein du commerce et des services (50%) et
relativement faible au sein de l’industrie.

La TPE constitue un important gisement d’emploi et un moyen de lutte


déterminant contre la pauvreté et la précarité. Car, la pauvreté au Maroc constitue
un risque majeur et la lutte contre celle-ci est un enjeu pour la stabilité économique
et politique du Royaume30.

• 29
Le chômage est plutôt concentré dans les zones urbaines et est relativement faible dans les
zones rurales du fait des emplois non formels qui n'entrent pas dans les champs des statistiques.
L’avenir va se jouer sur le fonctionnement du marché du travail et sa capacité à absorber une
offre de travail considérable”. 300.000 demandeurs d’emploi nouveaux se présentent chaque
année sur le marché du travail marocain, qui en offre en moyenne 210.000.
• 30
Il existe de fortes disparités régionales du taux de pauvreté avec une concentration élevée
allant parfois jusqu’à 37 % dans certaines régions alors que la moyenne nationale est de 18%

53
Elle demeure la principale unité économique (par rapport au Grandes Entreprises
et la PME), dans la mesure où le nombre micro et petites unités employant moins
de dix personnes, +98% du tissu économique marocain et assure un emploi à plus
de 65 % de la main d’œuvre.

Il ne nous semble pas que cette répartition ait beaucoup évolué si l’on se réfère
aux tableaux suivant dans les dernières années, la TPE restant la principale source
d’emploi31.

Tableau N°12 Nombre d’emploi assuré par les différents types


d’entreprises

Taille des MO nombre


établissements employée d'établissement

Etablissement de moins 65% 98%


de 10 personnes

Etablissement de 10 à 50 10% 1,5%


personnes

Etablissement de plus de 25% 0,5%


50 personnes

31
HCP (Répartition des entreprises marocaines selon les effectifs employés

54
SECTION III : CARACTERISTIQUES DE LA TPE AU MAROC, LE CAS
DE LA MICRO ENTREPRISE

Pour mettre en évidence les caractéristiques de la TPE au Maroc, nous sommes


intéressé aux segments informels de la TPE (micro entreprises et TPE involutives),
car c’est le seul segment qui a fait l’objet d’investigations, notamment de la part
l’HCP. Un important travail d’analyse et de caractérisation reste à faire pour la TPE
formelle.

Nous nous pencherons sur la contribution de la micro entreprise et sur ses


principales spécificités. Dimensions qui nous permettrons de contextualiser ses
contraintes et attentes notamment dans le domaine du financement.

§ 1. Contribution de la micro entreprise

Selon le Haut-commissariat au Plan, le secteur tertiaire constitue le premier pôle


de concentration des TPE avec 57,4 % pour le commerce et 20,1 % pour les
services, contre 17,2% seulement pour le secteur industriel. Ces microentreprises sont
prédominantes dans le commerce et la réparation (commerce de détail, réparation de véhicules
et d’articles personnels), suivi des services (confection, cordonnerie..), de l’industrie (textile,
cuir, bois, travail des métaux) et du bâtiment (constructions). etc.

L’analyse de l’emploi par secteur fait ressortir la même répartition sectorielle où


le commerce et la réparation concentre, à lui seul, plus de la moitié des actifs de
l’économie informelle (53,2 %), secteur informel qui cumule 40 % de l’emploi
global du pays (hors secteur agricole)

55
Tableau N°13 Répartition des UPI par secteur d’activité

Secteur UPI MO CA VA

Commerce et Réparation 57,40% 53,20% 77,30% 41,70%

Services 20,10% 19% 6,80% 17,40%

Industrie 17,20% 21,40% 11,50% 29,60%

Construction 5,30% 6,40% 4,40% 11,30%

100,00% 100,00% 100,00% 100,00%

Total Million d'Unités 1.550 2.216 279.900 107.900


Sources : Enquête HCP 2007

Il en est de même pour la répartition du chiffre d’affaire où la contribution du


commerce et réparation s’élève à 77,3%.

Localisées principalement en zone urbaine (72%32), ces microentreprises sont de


très petites taille : les ¾ d’entre elles emploient une seule personne (75%) soit
une moyenne 1,4 personne par unité.

Tableau N°14 Répartition des UPI par effectifs de travailleurs

Effectif % Cumul
1 75 75
2 18 93

3 4 97
4 et + 3 100

Sources : Enquête HCP 2007

La présence féminine demeure très faible avec seulement une UPI sur dix dirigée par une
femme,.

32
Enquête HCP 2007

56
§ 2. Caractéristiques des micros entreprises

La plupart des études reconnaissent à ces microentreprises informelles un certain


nombre d’atouts.
• C’est avant tout leur capacité d’adaptation aux mutations économiques:
flexibilités et ajustements des effectifs et des rémunérations de la main
d’œuvre, réductions des marges bénéficiaires,
• En second lieu, c’est aussi leur proximité et leur dimension sociale et de
proximité. C’est ainsi que leur mode de production, d’échange et de
financement sont étroitement liés aux relations sociales et familiales.

Toutefois, de nombreuses contraintes limitent les performances des micros


entreprises informelles tout en accentuant leur vulnérabilité.

Les difficultés les plus rencontrées sont celles relatives à leur cadre institutionnel,
aux débouchés et aux marchés, à la concurrence et au manque de moyens
financiers.

Les études menées par le HCP et les travaux de recherche confirment que les
principales difficultés que rencontrent les chefs d’unités sont avant des problèmes
commerciaux (de débouchés et de marchés, pour 79,8 % des micro-
entrepreneurs), la pression fiscale (75.7 %), économique et sociale (70,5 %) et le
manque de ressources financières (62,6 %). Plus des trois quart des unités font
état d’abord de ce type de difficultés33.

1. Hétérogénéité des activités du secteur des microentreprises

Le secteur informel, secteur de prédilection des microentreprises est un secteur


d’une grande hétérogénéité, tant par ses activités, que par les différences de
potentialités de celles-ci ou par les acteurs qui y interviennent. Il recouvre des
microentreprises évoluant dans des activités aussi diversifiées que l’artisanat
traditionnel, le commerce de rue, le travail à domicile, les prestations de services
(services personnels, d’entretien, de réparation...), les activités de transport etc..
Dans ce contexte le secteur financier informel joue un rôle majeur.

33
HCP. Recensement 1999

57
La Vulnérabilité commerciale:

La principale difficulté des microentreprises est la faiblesse des débouchés et la


concurrence qu’elles se livrent entre elles. Toutes les études confirment les
difficultés qu’elles rencontrent à écouler leur production devant des marchés de
plus en plus étroits.

Cette situation est imputable à leur méconnaissance des circuits de


commercialisation et à la faiblesse de la demande d’autant plus que sa clientèle,
pour la plupart d’entre elle, est composée de personnes à revenu faible et
irrégulier.

Les enquêtes démontrent que ce sont surtout les activités tertiaires (de service et
les commerce) qui ont été développées le plus par les microentreprises, activités
qui ciblent directement les consommateurs finals.
Ces unités entretiennent peu de liens avec les TPE du secteur formel en aval.
« Certaines activités sont les sous-produits de la grande industrie (réparation télé,
auto, machines à coudre...) alors que d’autres tirent parti uniquement des matières
premières locales notamment pour les produits alimentaires ».

Les relations de sous-traitantes avec les entreprises modernes sont limitées voire
inexistantes34. Ainsi plus des trois quart (76 %) des micro entreprises ne pratiquent
pas de sous-traitante et dans le cas où celle-ci existe, elle est le fait des
indépendants et se réalise avec des unités de même profil et non avec des unités
formelles.

De même la localisation de la micro entreprise informelle explique aussi la faiblesse


de la demande, car la près de la moitié de ces unités (49,2%)35 ne dispose pas de
local ou est localisé à domicile et donc invisible (6,7%)36. Par conséquent, la
demande demeure limitée à un segment particulier de la clientèle.

Selon Mejjati37, « La concurrence, problème très fréquemment cité, est


principalement interne aux activités et provient d’unités de même type (70,7 %
des micro entreprises) et non d’unités formelles. La concurrence de la grande
entreprise est insignifiante (0,3 %) de même que celle des petites et moyennes
entreprises. »

34
ESILMU, direction de l’emploi, 1999
35
Enquêtes HCP 2007
3636
Enquêtes HCP 2007
37
Mejjati, op. citée

58
3. Le faible accès aux équipements de base

Le recensement du HCP de 2007 révèle que près de la moitié des microentreprises


ne disposent pas de local et 6,7 % exercent leur activité à domicile. Il confirme
aussi que l’accès aux services publics, hormis celui de l’électricité (où 82% en
bénéficie) demeure limité dans les locaux notamment l’eau, le téléphone et le
raccordement au réseau d’assainissement. Ainsi, seulement 28,8% d’unités
informelles, ayant un local professionnel, disposent de l’eau potable, 26,0% sont
raccordés au réseau public des égouts et 20,2% ont le téléphone.

Ce sont principalement les activités ambulantes et les travailleurs de l’auto emploi


qui ressentent des difficultés à trouver un local ou un emplacement approprié à
l’exercice de leur activité.

Une des contraintes qui pèse sur les microentreprises du secteur informel concerne
le faible niveau de formation scolaire et professionnelle de ses chefs d’unité et de
la main d’œuvre, comparativement aux autres segments de la population active.

La plupart des études mettent en évidence le faible niveau de formation de la


population évoluant dans les microentreprises. Plus du tiers des actifs n’ont aucun
niveau scolaire (33%)38 près d’un quart ont fait des études secondaires (23%) et
seulement 3 % ont un niveau supérieur d’instruction.

Tableau 15 : Niveau d'instruction des actifs des UPI


Niveau Instruction %
Aucun niveau scolaire 33%
Niveau primaire 40,70%
Niveau Secondaire 23%
Niveau Supérieur 3%
Total 100%

Sources : Enquête HCP 2007

Ce faible niveau d’éducation a des conséquences négatives sur la gestion et sur le


développement des microentreprises. Leur faible niveau de formation est à la base
non seulement de leurs difficultés d’accéder au système officiel de crédit et aux
marchés, mais aussi de leur faible productivité, et de leurs capacités gestionnaires.

4. La faible productivité des microentreprises

38
HCP. 2007

59
Autres constats récurrents de la microentreprise sont la faible qualification de la
main d’œuvre, la faiblesse de la technologie, l’échelle réduite de la production, qui
sont, en fait des entraves majeures à la division technique du travail et des
économies d’échelle limitant sérieusement leur productivité. L’enquête HCP de
2007 confirme que seulement 23 % des unités sont équipés de machines modernes

5. L’inexistence de logiques entrepreneuriales

La plupart des microentreprises ne sont pas inscrites dans un logique


d’accumulation mais surtout de distribution. Cette attitude découle aussi des faibles
connaissances du micro entrepreneur. La confusion entre les fonctions de
gestionnaire et de propriétaire, entre la caisse de l’unité et le budget du ménage,
font que la constitution de liquidités n’est pas une idée dominante de même que
les logiques d’accumulation. Souvent la microentreprise est une unité de
production à des fins de redistribution et rarement a des fins d’accumulation et de
création de surplus à réinvestir.

6. Conditions précaires de la main d’œuvre

Le secteur informel se caractérise par la prédominance de l’auto emploi et par la


faiblesse du travail salarié. Il est principalement constitué d’unités de production
exploitées par des personnes travaillant seules pour leur propre compte, avec
l’aide de travailleurs familiaux et d’apprentis non rémunérés. Ces patrons
indépendants forment la principale composante du secteur informel, avec une
proportion de 89%.

Par contre, la part des unités exploitées par des employeurs informels, c’est-à-
dire celles faisant appel à la main d’œuvre salariée, est relativement modérée
(11%).

Tableau 16 : Répartition par chef de l'UPI

Travailleurs indépendants 89%


Employeurs (avec salariés) 11%

Enquête HCP 2007

La faiblesse des salariés est une des caractéristiques essentielles du secteur

60
informel; 15,8 % seulement de la main d’œuvre est occupée sous ce statut39.

La main d’œuvre des microentreprises travaille dans des conditions précaires et


dans des relations de travail, qui se caractérisent par des relations extra juridiques.
« Le contrat de travail, les rémunérations régulières et la protection sociale sont
quasi inexistants. De même, la durée de travail n’est guère mieux respectée. Les
unités informelles ne respectent nullement les normes élémentaires de la législation
du travail (congés pays, assurances, protection sociales etc.,) ».
Certes, il souvent avancé que les atouts du secteur informel sont les mécanismes
d’adaptation aux mutations économiques dont il dispose en période de crise :
flexibilités, ajustement des effectifs et des rémunérations de la main d’œuvre,
réductions des marges bénéficiaires, mobilisation de la main d’œuvre familiale et
des apprentis non ou peu rémunérés...Néanmoins, ce mouvement est à double
tranchant.

Si dans le cas de certaines entreprises, il permet de contrecarrer les effets de la


dégradation économique, dans le cas d’autres entreprises, il crée de nouvelles
formes d’exclusion et de pauvreté avec des poches plus informelles, où les actifs
sont plus faiblement rémunérés, comme ceci est le cas des enfants et des femmes
et de nombre de travailleurs de l’auto emploi, des apprentis, des aides familiales.

7. Vulnérabilité financière

L’autofinancement provenant d’une épargne personnelle constitue la source de


financement dominante lors de la création de la micro entreprise, 56,4% selon le
dernier recensement du HCP. La prépondérance du financement interne découle de
l’échelle assez restreinte des activités ides microentreprises qui, pour la plupart
d’entre elles, ne démarrent qu’avec un faible capital (ambulants, petites activités
sous-traitantes...). Elle est à la base de leur sous-capitalisation.

Mais à côté de l’autofinancement, les microentreprises, pour le financement de leur


exploitation, ont recourt à des crédits non institutionnels (19,9%) pour l’acquisition
de matières premières et la constitution de stocks.

Les difficultés que rencontrent les microentreprises à accéder au financement du


système bancaire classique constitue une sérieuse contrainte à son
développement. Selon le dernier recensement du HCP, seuls 1,1% des
microentreprises ont recouru au financement bancaire pour leur création.

39
HCP 2007

61
Aussi, le handicap majeur des microentreprises réside dans le financement du fonds
de roulement et du manque de crédits à court terme. L’indisponibilité d’actifs
circulants pouvant servir de garantie pour le prêt et ses difficultés de s’adapter
aux exigences des banques (garanties exigées, coût des procédures, les modalités
contraignantes au niveau des délais de remboursement...) sont à la base de son
exclusion du système financier formel,

Tableau 17 : les modes de financement de la création des TPE


Source : Enquête HCP 2007

Epargne personnelle 56,4%


Crédit autrui 19%
Héritage 4,7%
Transferts reçus 3,6%
Micro crédits 2,2%
Crédits bancaires 1,1%
Autre 13%
100%

62
CONCLUSION DE LA PARTIE I

Il ressort de nos investigations que ces petites unités de production qu’on appelle
généralement TPE ont été désignées par plusieurs appellations avec une
prépondérance du concept de « micro entreprise ». Celle-ci se veut comme une
petite activité autonome exercée par une ou plusieurs personnes entretenant le
plus souvent des liens familiaux, générant des revenus modestes subvenant à
peine aux besoins élémentaires de ses propriétaires.

Ce genre d’entreprise se caractérise par structure de propriété (elle appartient


généralement à une personne : commerçant ou artisan), par sa taille très petite
(elle emploie généralement 5 personnes au plus), par ses modes de gestion (une
gestion informelle), par le caractère élémentaire de ses produits (produits à faible
valeur technique) et par la modestie des revenus qu’elle génère (revenus
permettant à peine de couvrir les besoins de base des propriétaires).

Notre démarche a consisté tout d’abord a tenté de définir le concept de TPE.


L’exercice s’avéré d’autant plus primordial que la revue de littérature que nous
avons effectuée ne nous a pas permis de faire ressortir une définition unique à
l’échelle international. Les critères retenus varient d’un pays à l’autre. Toutefois,
les variables taille, conjuguée au CA, étaient privilégiées.

Aussi, avons-nous été amené à construire des critères pouvant fonder une
définition opérationnelle des différents segments du secteur de la TPE dans le
contexte national. Segments à même de fonder une stratégie de financement
adapté à chacun d’entre eux.

Cette démarche s’est traduite par la mise en évidence de trois types de PME :
- La Micro entreprise, unité ayant un caractère social dominant, informelle et
reposant l’auto emploi de l’entrepreneur.
- La TPE involutive : Unité aussi informelle, ayant un caractère économique avec
l’emploi d’une main d’œuvre mais inscrite dans un processus de reproduction
- La TPE évolutive, unité formelle, à dominante économique, à fort potentiel de
développement (avec un effectif de moins de 10 personnes et un CA inférieur
à 3 millions de dirhams)

L’analyse de l’enquête réalisée par la Direction de la Statistique sur les Unités de


Production Informelles (UPI) nous a confirmé que les importantes données
suivantes :
• 87% ne sont pas inscrites au registre de commerce
• 76,7% d’entre elles ne sont pas patentées,

63
• 53 % des UPI sont principalement orientées vers le commerce, 21% dans
l’artisanat, 20% dans les services et 6% dans la construction ;
• 48 % des UPI ne disposent pas de local;
• 12,4 % des UPI sont gérées par des femmes;
• 35,3 % des UPI sont gérées par des jeunes de moins de 35 ans contre seulement
11,5 % pour la tranche d’âge 60 ans et plus.

S’agissant de la problématique d’accès au financement, l’étude confirme que plus


de 90 % des UPI installées par des professionnels indépendants le sont soit par
autofinancement soit par crédit familial.

Il ressort aussi de cette étude que la taille peut constituer un indicateur de


performance. L’analyse a montré que le niveau de performance est en relation
avec la taille de l’entreprise40.

L’analyse des unités informelles selon leur taille en termes d’emploi montre que
plus la taille de l’unité augmente, plus elle a tendance à disposer d’un local. En
effet, 76% des unités employant plus de 3 personnes disposent d’un local alors que
seules 36% des unités constituées d’une seule personne possèdent un local.

L’aménagement du local semble lui aussi être influencé par la taille de l’unité, plus
l’unité est petite, moins elle dispose d’électricité, d’eau potable, de raccordement
aux réseaux d’assainissement et d’autres équipements.

La TPE présente un enjeu énorme pour le développement social, et généralement


pour le développement humain. Elle constitue un outil efficace pour la lutte contre
l’exclusion sociale et la pauvreté qui ont fait des ravages auprès de plusieurs
couches de la société marocaine.

Le développement du microcrédit et la multiplication des programmes sociaux ont


favorisé grandement la prolifération, et partiellement la structuration, des TPE
marocaines. Leur contribution à la richesse nationale et surtout à l’emploi est
devenue incontournable.

40
La taille de la TPE tend à augmenter avec le niveau d’éducation de l’entrepreneur qui crée ainsi
plus d’emplois, surtout ceux qui ont une formation supérieure : étant mieux organisés et mieux
équipés, ils ont un meilleur accès aux services de soutien et aux marchés

64
65

Vous aimerez peut-être aussi