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Chapitre 13 : Les contrats administratifs

I. Les caractéristiques et la formation des contrats administratifs


A. Les caractéristiques du contrat administratif
Dans le contrat civil, les cocontractants sont placés sur un pied d’égalité : chacun est libre, comme le prouve la
liberté de consentement. En revanche, dans le contrat administratif sont engagées une personne privée (ou
publique mais agissant sans référence à un intérêt général) et une personne publique (ou bien une personne
privée agissant pour le compte d’une personne publique). Le contrat public est donc conclu entre une personne
privée et une personne publique : l’État, un de ses services déconcentrés, ou bien une personne morale ou
physique représentant la puissance publique.
Ici, les cocontractants ne sont pas égaux : le premier recherche un intérêt propre, le second agit dans l’intérêt
général. Aussi le droit traite-t-il cette situation particulière de façon spécifique.
Une fois la qualité juridique spécifique de l’une des parties établie, une autre difficulté est apparue, concernant
le fond du contrat. Il s’agissait de distinguer ces contrats en posant qu’ils ont forcément des objets différents :
le contrat administratif a toujours pour objet l’exécution du service public.
Le troisième et plus ancien critère de distinction est celui des clauses exorbitantes du droit commun (clauses
révélatrices de la puissance publique, qui seraient réputées non écrites dans un contrat civil), mais la qualité
des parties constitue aussi un critère fondamental pour définir le contrat administratif.
Dans le contrat administratif, au moins une des clauses est exorbitante du droit commun. Ainsi, la
jurisprudence fournit de nombreux exemples : prévoir la résiliation unilatérale du contrat sans faute du
contractant, renvoyer à un cahier des charges dont les pouvoirs publics sont eux-mêmes les auteurs…
B. La formation du contrat administratif
Les marchés publics
Les marchés publics se définissent comme des contrats conclus à titre onéreux entre des pouvoirs
adjudicateurs et des opérateurs économiques (qui peuvent être des personnes publiques ou privées) pour
répondre aux besoins en matière de travaux (génie civil…), fournitures ou services.
Compte tenu de leur objet, ces marchés représentent donc des sommes et des enjeux importants : la commande
publique génère des marchés pour les entreprises productrices de biens et de services, et les emplois
nécessaires à leur exécution. Elle a souvent été (et reste encore) utilisée par les pouvoirs publics comme
instrument de relance de l’activité économique, ainsi que les États-Unis l’ont fait en 1933 avec le New Deal.
La commande publique française pesait, en 2007, au minimum 55 milliards d’euros, selon les chiffres de
l’Observatoire économique de l’achat public.

Tout contrat public doit obéir à trois principes de base :


– la liberté d’accès à la commande publique : chaque entreprise intéressée doit pouvoir candidater à un appel
d’offres public (les procédures dématérialisées simplifient la présentation des candidatures) ;
– l’égalité de traitement des candidats : tous les candidats doivent être traités de la même manière, la
cooptation et les relations privilégiées étant évidemment proscrites ;
– la bonne utilisation des deniers publics : la puissance publique doit faire le meilleur usage possible de
l’argent des contribuables. Cela implique des choix rationnels, avec une étude attentive du rapport qualité/prix
par les responsables de la gestion des marchés. Le pouvoir adjudicateur doit choisir l’offre la plus
avantageuse.
Les contractants : des pouvoirs inégaux
Le contrat de marché public met généralement en présence un contractant privé (mais qui peut être aussi de
droit public), le plus souvent un entrepreneur, et des pouvoirs adjudicateurs, définis par le Code des marchés
publics comme l’État et ses établissements publics (autres que ceux ayant un caractère industriel et
commercial), ainsi que les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.
La bonne gestion du contrat implique que les pouvoirs adjudicateurs disposent de toute l’autorité des pouvoirs
publics, que l’on retrouve dans le contrat sous forme de clauses exorbitantes du droit commun. Dans la
pratique, les pouvoirs inégaux des cocontractants se traduisent par la possibilité pour les pouvoirs
adjudicateurs de fixer les conditions du marché dans le cahier des charges.
Il faut remarquer cependant que la liberté de la puissance publique, bien que très grande, n’est pas illimitée.
Tout déséquilibre trop prononcé en faveur de la puissance publique pourrait se traduire par la possibilité
donnée au cocontractant d’engager une action en abus de pouvoir.
II. Les procédures de passation des contrats
A. Le droit des marchés publics : un droit très précis
L’article premier du Code des marchés publics donne la définition des marchés publics. Voici les points
importants à retenir.
1. Un contrat conclu à titre onéreux…
Il pèse toujours une obligation financière sur l’acheteur, c’est-à-dire la personne publique. Les travaux,
fournitures ou services sont naturellement achetés par la personne publique et donneront lieu à un paiement en
numéraire. Cependant, il peut y avoir des cas dans lesquels le paiement sera effectué d’une autre manière, en
particulier le transfert à la personne privée de recettes qui devraient normalement échoir à la personne
publique (ex. : construction d’autoroutes contre perception de péages).
Un marché public ne peut pas être passé à titre gratuit.
2. … entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques…
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent être :
– l’État et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ;
– les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

Concernant les candidats, une personne morale de droit public peut très bien demander l’attribution d’un
marché public. Il faut simplement dans ce cas que les concurrents privés qui s’étaient portés candidats aient la
certitude que l’égalité de traitement a bien été respectée entre tous, et en particulier que la personne publique
n’a pas bénéficié de conditions particulières qui lui auraient permis de proposer un prix attractif.

3. … pour des besoins du service public


Les besoins du service public peuvent être exprimés selon trois modalités :
– besoins en travaux (par exemple, construction à édifier) ;
– besoins en fournitures (le plus souvent, livraisons à effectuer) ;
– besoins en services (toutes les prestations du secteur tertiaire).
B. La procédure d’appel d’offres
Les marchés publics sont obligatoirement attribués sur procédure d’appel d’offres. La règlementation de cette
procédure est très précise. Les règles varient selon plusieurs critères, en particulier la nature des travaux ou des
prestations à réaliser, ainsi que la valeur du marché (on parle de « seuils »).
Une des particularités du droit des marchés publics est que la procédure utilisée pour un marché précis est
choisie par le pouvoir adjudicateur.
Un appel d’offres est toujours publié dans la presse professionnelle, et de plus en plus souvent sur les sites
publics (régionaux, départementaux ou municipaux), qui présentent un onglet « Marchés publics ». La
dématérialisation des marchés publics est ainsi une réalité.
1. La procédure adaptée
Les marchés passés selon la procédure adaptée sont des marchés dont la valeur est relativement limitée (ex. :
moins de 206 000 € pour des marchés de travaux). On parle d’adaptation parce que le pouvoir adjudicateur
fixe librement les caractères principaux du contrat, en prenant essentiellement en compte le besoin à couvrir et
les circonstances locales du contrat. La loi impose évidemment de respecter les grands principes de la
commande publique : transparence de la procédure et égalité des candidats tout au long du processus.
2. Les autres procédures
Selon les types de marchés considérés et selon un jeu de seuils complexe, l’appel d’offres peut être :
– ouvert (n’importe quel opérateur peut candidater) ou restreint (seuls les opérateurs issus d’une présélection
peuvent candidater) ;
– négocié : une négociation s’engage avec ceux des candidats qui sont capables de répondre aux conditions du
marché (notamment lorsque les conditions techniques du marché sont très spécifiques) ;
– sur dialogue compétitif : chaque candidat détaille très soigneusement son projet, en présentant un montage
technique complet ;
– sur concours : chaque candidat présente son projet de manière complète et attractive (c’est le cas pour les
architectes des bâtiments publics, par exemple).

Quelle que soit la procédure choisie par le pouvoir adjudicateur, il est de son devoir d’informer à la fois
l’entreprise choisie et les candidats qui n’ont pas été retenus ; pour ceux-ci, dans un premier temps, le pouvoir
adjudicateur leur indique simplement qu’ils ne sont pas retenus et les motifs pour lesquels leur candidature a
été rejetée. La réglementation des marchés publics impose d’indiquer aux candidats malheureux qui en font la
demande expresse les raisons détaillées qui ont amené la puissance publique à ne pas retenir leur offre.
III. L’exécution des contrats
A. Les obligations des parties
Les marchés publics sont des contrats synallagmatiques : les parties ont donc des obligations réciproques.
1. Les obligations de l’entreprise retenue
Le candidat dont l’offre a été retenue est tenu à plusieurs obligations particulières : il doit exécuter le travail
lui-même, sauf accord particulier avec le donneur d’ordre qui pourrait par exemple l’autoriser à sous-traiter. Il
doit surtout respecter très scrupuleusement les cahiers des charges administratives et techniques. Ces
obligations portent généralement sur :
– des délais précis d’exécution : s’ils sont dépassés, des pénalités de retard sont souvent prévues ;
– le strict respect des conditions prévues dans le marché : matériaux particuliers, techniques spécifiques à
utiliser…, tous éléments précisés lorsque l’appel d’offres a été lancé.
2. Les obligations du pouvoir adjudicateur
Les obligations de la puissance publique sont celles de tout cocontractant : régler le prix convenu lorsque le
travail livré est jugé satisfaisant.
Cependant, la puissance publique bénéficie de prérogatives particulières qui font que le contrat de marché
public ne ressemble que de très loin à un contrat de droit privé.
B. Les prérogatives de la puissance publique
Contracter avec la puissance publique signifie, pour l’entreprise candidate, accepter des conditions très
particulières, surtout en ce qui concerne les causes de résiliation du contrat. Ces règles très contraignantes pour
le partenaire privé sont souvent prévues dans les conditions générales du contrat.
1. En cas de faute du cocontractant
Lorsque l’entreprise commet une faute dans l’exécution du contrat, c’est-à-dire qu’elle ne respecte pas l’une
des conditions prévues par les cahiers des charges, la puissance publique peut obtenir la résiliation du marché
aux frais du cocontractant et peut faire exécuter les prestations restantes aux frais du cocontractant défaillant.
2. En l’absence de faute du cocontractant
C’est ici que se révèle toute la particularité du contrat avec la puissance publique : celle-ci peut imposer la
résiliation du contrat sans aucune faute du contractant, simplement en arguant de l’intérêt général (situation
financière de la collectivité ou décision politique).
Cette hypothèse est toujours prévue dans le contrat, et le cocontractant qui perd le marché – le plus souvent
après avoir avancé des fonds, par exemple pour l’achat de matériaux – sera indemnisé (le Conseil d’État
interdit toutefois que l’indemnisation soit supérieure aux pertes précises enregistrées par le cocontractant).

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