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Ainsi, au cours de la période 2018-2021, les ministères sociaux ont


multiplié par vingt le montant de leurs dépenses de conseil en stratégie et
organisation, dans le contexte de la crise sanitaire.

Évolution des dépenses de conseil en stratégie et organisation


par ministère
(en millions d’euros)

Source : commission d’enquête d’après les données fournies par la direction du budget

3. Aux dépenses de conseil des ministères doivent s’ajouter celles


des opérateurs, qui sont également importantes et croissantes

Les dépenses de conseil des ministères ne représentent pas


l’ensemble de celles engagées par l’État : les dépenses des opérateurs
n’y sont pas retracées 1.
Dans ce contexte, la mesure, le suivi et l’analyse des dépenses de
conseil des opérateurs constituent une opération extrêmement complexe et
que l’État ne met d’ailleurs pas en œuvre.

1Comme cela a pu être évoqué supra, les opérateurs de l’État ne sont pas pleinement intégrés au
processus de suivi budgétaire mis en œuvre par le logiciel Chorus.
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Or, les informations transmises par la quarantaine d’opérateurs


interrogés montrent que cette dépense serait loin d’être négligeable et
qu’elle progresserait rapidement.
En effet, et sous toutes réserves, en incluant des dépenses
informatiques, le coût annuel lissé 1 du recours à des cabinets de conseil par
ces 44 opérateurs pourrait s’être élevé, au minimum, à 171,9 millions
d’euros en 2021, en hausse de 100 millions d’euros par rapport à
l’année 2018.

Évaluation des dépenses minimales de conseil


des opérateurs de l’État
(en millions d’euros - en moyenne lissée
sur la période d’exécution des contrats)

Source : calculs de la commission d’enquête d’après les réponses fournies


par les opérateurs

Les dépenses de conseil des opérateurs sont en réalité plus


élevées : si la commission d’enquête a retenu ceux dont le budget était le
plus important, l’échantillon ne représente qu’environ 10 % du nombre
d’opérateurs.

1Dans la mesure où un certain nombre de prestations sont servies sur plusieurs années, notamment
dans le secteur informatique, le coût annuel retenu par la commission d’enquête correspond au coût
renseigné par les opérateurs divisé par le nombre d’années. En pratique, le véritable profil de
décaissement des prestations peut laisser apparaître une plus forte concentration des paiements à
certains moments de l’exécution du contrat.
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4. Des dépenses de conseil également significatives dans le


secteur parapublic

En parallèle, la rapporteure a interrogé quatre grandes entreprises


publiques afin d’évaluer l’intensité de leur recours à des prestations de
conseil.
Les montants en jeu sont ici aussi très importants puisqu’en 2020,
la SCNF, La Poste, EDF et la RATP auraient dépensé en moyenne lissée
environ 324,2 millions d’euros en services de conseil, y compris
informatiques 1. Il s’agit, là encore, d’un échantillon du secteur parapublic,
qui n’est pas exhaustif.
La tendance apparaît également haussière même si l’année 2020
marque un léger reflux des dépenses dans le contexte de la crise sanitaire et
des confinements.

Évaluation des dépenses de conseil


de quatre grandes entreprises publiques
(en millions d’euros – en moyenne lissée
sur la période d’exécution des contrats)

Source : calculs de la commission d’enquête d’après les réponses fournies


par les entreprises citées

1 La méthode de calcul est la même que pour les opérateurs (coût annuel lissé, voir supra).
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C. UN MARCHÉ CONCENTRÉ AUTOUR DE QUELQUES GRANDS


CABINETS

1. Une vingtaine de cabinets concentrent plus de la moitié des


prestations de conseil aux ministères

D’après les informations transmises par l’organisation


professionnelle Syntec Conseil, le marché du conseil pourrait compter
environ 15 000 entreprises en France, au nombre desquelles son président,
M. Matthieu Courtecuisse, estime qu’environ « 200 […] jouissent aujourd’hui
d’une certaine importance et sont établies dans la durée ». Au total, cette
activité pourvoit entre 30 000 et 40 000 emplois directs 1.
En pratique, le marché du conseil aux administrations centrales
pourrait compter un nombre d’acteurs plus faible encore.
Dans le cas des prestations des ministères, hors informatique et hors
accords-cadres de l’UGAP, ce sont un peu plus de 2 000 entreprises uniques
(2 070) qui ont été recensées à partir des listes des contrats passés entre 2018
et 2020.
Toutefois, un nombre très limité d’acteurs semblent se partager
l’essentiel du marché puisque sur les 2 070 prestataires recensés, 20 cabinets
représentaient, à eux seuls, 55 % du conseil aux ministères.

1 Audition de M. Matthieu Courtecuisse, président de l’organisation professionnelle Syntec Conseil


et fondateur du cabinet de conseil Sia Partners, du 5 janvier 2022, et contribution écrite.
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Répartition du marché du conseil aux ministères


entre 2018 et 2020 (estimations)
(en pourcentage des dépenses de conseil des ministères sur la période,
hors informatique et hors accords-cadres de l’UGAP)

Source : commission d’enquête, d’après les documents transmis par les secrétariats
généraux des ministères

Le nombre total de cabinets est d’environ 2 070, dont 20 qui représentent


55 % du marché.
Par définition, la part des cabinets spécialisés dans le conseil en
informatique, comme Accenture ou Capgemini, est minorée dans ce
graphique.
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2. Le recours à la sous-traitance : les cabinets de conseil comme


« hubs de compétences »

Cette forte concentration s’accompagne d’un recours accru, et qui


peut poser question, à la sous-traitance ainsi qu’à la constitution de
partenariats entre cabinets de conseil.
Comme l’a confirmé la DITP en ce qui concerne son accord-cadre,
« les cabinets de conseil généralistes se sont dotés de profils formés à l’innovation
mais ont toujours recours à des entreprises spécialisées en cotraitance ou
sous-traitance pour répondre à des besoins nécessitant une expertise plus
pointue » 1. C’est par exemple le cas des consultations en ligne organisées par
les cabinets de conseil, qui relèvent en réalité d’acteurs spécialisés comme
Bluenove, Make.org ou Cap collectif 2.
Faute de données qualitatives suffisantes, ce phénomène est
difficile à quantifier. Ainsi, au regard des informations transmises par les
ministères, il apparaît qu’entre 2016 et 2020, seuls 3,8 % des prestations –
comparativement à leur montant – auraient été réalisées par plusieurs
cabinets, travaillant en collaboration ou en sous-traitance.
Or, une telle évaluation ne paraît pas refléter la réalité du
phénomène : dans le seul cas des marchés de l’UGAP, « entre 15 % et 30 % »
des missions seraient sous-traitées par les prestataires 3.
Le président du cabinet Wavestone, M. Pascal Imbert, impute cet
état de fait à ce qu’il qualifie de « lourdeurs du code des marchés publics », qui
inciteraient les cabinets de conseil à « constituer des groupements
qui entraînent des cascades de sous-traitance […] sans grande valeur » 4.
En pratique, le recours à la sous-traitance semble varier d’un
cabinet à l’autre et en fonction de la technicité de la prestation. À noter
également le cas particulier d’INOP’S, qui est à la tête d’un réseau de
800 PME spécialisées dans le numérique, couvrant 160 domaines de
compétence, et 35 000 travailleurs indépendants 5.

1 Source : contribution écrite de la DITP.


2 Voir le II. A de la présente partie pour plus de précisions sur l’organisation de consultations en
ligne par les cabinets de conseil.
3 Réponses de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) au questionnaire adressé par la

rapporteure de la commission d’enquête.


4 Table ronde des cabinets de conseil du 22 février 2022.
5 Source : chiffres transmis par l’UGAP, dont INOP’S est l’un des prestataires.
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Recours à la sous-traitance par les cabinets de conseil :


quelques exemples concrets
Eurogroup
La part de la sous-traitance de l’accord-cadre de la DITP est comprise entre 19 % (lot n° 2,
« conception et mise en œuvre des transformations ») et 11 % (lot n° 3, « performance et
réingénierie des processus ») du volume des prestations.
Le cabinet précise que « le recours à la sous-traitance est utilisé pour compléter notre expertise, en
particulier sur deux sujets : le numérique et la concertation citoyenne ». Conformément au
code de la commande publique, « aucune mission n’est sous-traitée à 100 % » 1.
McKinsey
Selon M. Karim Tadjeddine, directeur associé, « lorsque nous répondons aux appels d’offres,
nous mettons en place des groupements pour proposer, au-delà de nos compétences internes, un
réseau de sous-traitants, notamment locaux, capable d’apporter des prestations
spécifiques ».
« Le montant des prestations de sous-traitance s’élève entre 5 et 10 % », selon les appels
d’offres 2.
À titre d’exemple, McKinsey a intégralement sous-traité la rédaction du guide du
télétravail dans la fonction publique (221 820 euros en 2020, avec le pilotage de la DITP)
au cabinet Alixio, spécialisé dans les ressources humaines 3.
Sopra Steria
D’après son directeur général, M. Vincent Paris, Sopra Steria fait appel à des sous-traitants
« dans des proportions de 4 % » 4.

Sur le fond, les cabinets de conseil généralistes se positionnent en


« hub de compétences » pour reprendre l’expression utilisée par
Roland Berger et Wavestone dans leur réponse à l’accord-cadre de la DITP
en 2017 : ils mobilisent tout un écosystème varié de partenaires, « dans une
logique de fertilisation » et en garantissant un « fonctionnement sans couture à
l’administration » 5.
Les offres présentées pour cet accord-cadre de la DITP illustrent bien
ce double phénomène de recours massif à la sous-traitance et de
multiplication des partenariats.
En effet, l’ensemble des attributaires, à l’exception d’un seul, se sont
constitués en groupement incluant de deux à trois cabinets et ont prévu
l’intervention de sous-traitants. Ils y étaient d’ailleurs invités par l’appel
d’offres, qui demandait aux candidats de mobiliser « un large écosystème

1 Source : contribution écrite d’Eurogroup transmise à l’issue de l’audition du 19 janvier 2022.


2 Audition des représentants du cabinet McKinsey le 18 janvier 2022.
3 Source : contribution écrite transmise par McKinsey à l’issue de l’audition.
4 Table ronde des cabinets de conseil du 16 février 2022.
5 Réponse de Roland Berger à l’appel d’offres de la DITP (à l’époque SGMAP), novembre 2017.
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d’acteurs, y compris des PME, des laboratoires d’innovation et des start-ups, et des
centres de recherche, notamment en sciences sociales et économiques » 1.
En l’espèce, sur les trois lots de l’accord-cadre de la DITP, plus de
86 sous-traitants sont référencés dont 65 sociétés uniques, certaines étant
présentes sur plusieurs lots, comme Sciences Po Paris ou encore
Polytechnique.
Aux sous-traitants s’ajoute une galaxie de partenaires : si leur
intervention était envisagée au moment de la signature du contrat, elle n’a
finalement pas donné lieu à l’élaboration d’un dossier de sous-traitance.
À titre d’exemple, le tableau suivant dresse la liste des partenaires et
des sous-traitants du lot n° 1 de l’accord-cadre de la DITP, « stratégie et
politique publiques ».

Attributaires, sous-traitants et partenaires du lot n° 1


de l’accord-cadre de la DITP

Attributaires Sous-traitants et partenaires

BeMyApp Neeria

Sciences Po (centre de sociologie des


Tts
organisations)

Hello Tomorrow ICHOM

Public Digital TED

Stratumn Cnam

AdminXt Stormz

Boston Consulting Cap Collectif On Map


Group (BCG) et EY
DataStorm Vooter

Turningpoint Scan research

Julhiet sterwen 50 partners

Easy vista Lineberty

Seren Jade-i

Apptio Klaxoon

Codesign-it Linkfluence

1 Cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de l’accord-cadre de la DITP.


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Attributaires Sous-traitants et partenaires

Efficient team Blockchain Partner

Opta Glowbl

CogniStreamer
Beedez
Inside Board

Algoé Consultants Orphoz

Fjord Science Po Paris

HEVA SparkBeyond

McKinsey et Make.org Theodo


Accenture
Octo Technology Toulouse School of Economics

Open Citiz
Vraiment Vraiment
Alixio

Chaire innovation publique de


BVA
l’ENSCI

École polytechnique Balthazar


Roland Berger
et Wavestone Planète publique OpenDataSoft

Missions Publiques
Bluenove
Agorize

Source : commission d’enquête à partir des documents transmis par la DITP

Cette liste résulte des offres initiales des attributaires. Dans les faits, certains partenaires ne
sont pas intervenus dans les prestations exécutées depuis 2018, faute de commandes portant
sur leur domaine de compétence.
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McKinsey et son cycle de conférences avec ses partenaires


Dans son offre rédigée à la fin de l’année 2017, McKinsey propose à la DITP (alors SGMAP)
des « échanges réguliers ([par exemple] tous les deux mois) avec nos membres pour cadrer les
réflexions futures et maintenir une vue d’ensemble sur les enjeux à venir ».
Le cabinet projette d’organiser cinq conférences entre février et novembre 2018 sur des
thèmes comme « les grands défis RH à anticiper dans la transformation de l’action publique »,
« les dispositifs de consultation large des parties prenantes » ou encore « les meilleures pratiques
internationales de cadrage budgétaire et d’incitation financière à la transformation ».
La conférence de février porterait sur « les grands enjeux économiques de la
transformation de l’action publique », pour laquelle McKinsey propose les intervenants
suivants :
– M. Jean Tirole, « prix Nobel d’économie » ;
– M. Éric Labaye, « ancien président de McKinsey Global Institute » ;
– M. Yann Algan, « doyen de l’école d’affaires publiques de Sciences Po ».
Interrogé par la commission d’enquête, M. Yann Algan n’avait toutefois pas été informé
que son nom ait pu être associé à un tel événement, dont rien n’indique qu’il ait
finalement eu lieu.
Il a confirmé que l’école d’affaires publiques de Sciences Po Paris a « répondu à cet
accord-cadre pour apporter une expertise de chercheurs dans la réflexion sur la transformation
publique. En tant que doyen de cette école, j’ai donné mon nom comme chercheur mobilisable. »
En revanche, M. Yann Algan n’a « pas été sollicité pour participer à cette conférence ou à
d’autres événements comparables » et n’a « jamais été rémunéré » par McKinsey. De même,
il n’a « jamais été sollicité, ni à titre personnel ni en tant que doyen de l’école d’affaires publiques,
pour intervenir dans une quelconque activité liée à cet accord-cadre ».

3. Le secteur public, un marché qui reste minoritaire dans


l’activité des cabinets de conseil

Le conseil au secteur public ne représente généralement qu’une part


relativement faible de l’activité des principaux cabinets de conseil.
Ainsi, les données transmises par les trente principaux cabinets en
France montrent que, pour la majorité d’entre eux, les clients du secteur
public et parapublic représenteraient entre 2018 et 2020 moins du tiers de
leur chiffre d’affaires.
Comme l’a confirmé M. Matthieu Courtecuisse, « le marché du secteur
public est de l’ordre de 10 % en moyenne » dans l’activité des cabinets de
conseil 1.

1 Audition de M. Matthieu Courtecuisse, président de l’organisation professionnelle Syntec Conseil


et fondateur du cabinet de conseil Sia Partners, du 5 janvier 2022.
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Plus encore, le poids du secteur public tend à se réduire


rapidement à mesure que le chiffre d’affaires des cabinets de conseil
augmente.
Ainsi, parmi les cinq principaux cabinets – dont le chiffre d’affaires
moyen sur la période 2018-2020 a dépassé 800 millions d’euros –, aucun ne
générait plus de 10 % de ses revenus en travaillant pour le secteur public.
À l’inverse, on peut relever que, parmi l’échantillon retenu,
les cabinets de conseil dont l’activité est la plus orientée vers le secteur
public sont ceux dont le chiffre d’affaires est également le moins important.
Une exception notable peut être mentionnée s’agissant de
l’entreprise Sopra Steria qui a généré plus de 200 millions de chiffres
d’affaires en moyenne sur la période, tout en réalisant près de 55 % de
celui-ci en lien avec le secteur public et parapublic.
De même, un cabinet comme Wavestone a souhaité depuis 2016
accroître sa présence dans le secteur public, qui représente aujourd’hui
14 % de son chiffre d’affaires.

Relation entre le chiffre d’affaires et le poids du secteur public


dans le revenu des principaux cabinets de conseil en France
(en millions d’euros – en pourcentage)

Source : commission d’enquête d’après les documents transmis par les cabinets de conseil
interrogés
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D. DES FACILITÉS CONTRACTUELLES POUR FAIRE APPEL AUX


CONSULTANTS : L’EFFET « PRESSE-BOUTON »

1. Une multiplication des accords-cadres, facilitant les commandes

Au cours de ses travaux, la commission d’enquête a recensé au


moins 15 accords-cadres conclus par l’État pour des prestations de conseil.
Ces contrats permettent de constituer un vivier de cabinets de
conseil dans lequel les administrations peuvent aisément « piocher ».
Chaque accord-cadre dispose de ses propres règles pour la
répartition des prestations entre les cabinets. Les lots peuvent compter un
seul ou plusieurs prestataires. Dans ce dernier cas, les commandes peuvent
faire l’objet d’une remise en concurrence entre les attributaires (marchés
subséquents) ou d’une rotation entre eux (« tourniquet »).
Les accords-cadres clefs sont celui de la DITP sur la transformation
de l’action publique (juin 2018), ceux de l’UGAP (mars 2019 et janvier 2020)
et ceux de la direction des achats de l’État (DAE) pour la maîtrise d’œuvre et
la maîtrise d’ouvrage informatique.

Cartographie des accords-cadres de prestations de conseil


(liste non exhaustive)

Administration
Date de Nombre Mode d’attribution
Intitulé « cheffe
passation de lots des prestations
de file »

Assistance à la conception et à la mise


en œuvre opérationnelle de projets de DITP Juin 2018 3 « Tourniquet »
transformation de l’action publique

Innovation publique : démarches de


co-conception, de design de services,
de sciences comportementales, DITP Mars 2019 5 NC
d’expérimentation et de formation à
ces méthodes

Conception et animation de
dispositifs de formation et
DITP Mars 2020 2 NC
d’accompagnement des acteurs de la
transformation publique

Prestations intellectuelles
Mars 2019 4
(hors informatique) Attribution au
UGAP titulaire de
Prestations intellectuelles dans le premier rang
Janvier 2020 6
secteur informatique
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Administration
Date de Nombre Mode d’attribution
Intitulé « cheffe
passation de lots des prestations
de file »

Prestations de conseil au profit des Décembre


organismes et services du ministère Ministère des 2017
11 Marchés subséquents
des Armées et de ses établissements Armées (en cours de
publics renouvellement)

Appui à l’administration dans le cas Ministère de


de restructurations et/ou de l’économie et Janvier 2021 6 « Tourniquet »
transformations d’entreprises des finances

Décembre « Tourniquet » et
Conseil en ressources humaines DAE 0
2018 marchés subséquents

Direction de
Un seul titulaire par
Conseil en immobilier l’immobilier de Juin 2019 9
lot (sauf pour un lot)
l’État

Prestations de services juridiques, de Ministère de


représentation en justice et de conseil l’économie et 2021 10 Diffère selon les lots
juridique des finances

Conseil et expertise numérique et


DINUM Avril 2018 6 NC
système d’information

Assistance à maîtrise d’œuvre en


DAE Août 2021 9 Diffère selon les lots
informatique

Assistance à maîtrise d’ouvrage en


DAE Juin 2019 6 Diffère selon les lots
informatique

Valorisation de la donnée Ministère de


Mai 2020 3 Diffère selon les lots
(« data science ») l’Intérieur

Ministère de
Attribution au
Expertise et audit en sécurité des l’agriculture et
Mars 2020 2 titulaire de
systèmes d’information de
premier rang
l’alimentation

Source : commission d’enquête

Les accords-cadres concentrent aujourd’hui la plupart des


prestations de conseil de l’État. En 2020, les contrats de la DAE, de l’UGAP
et de la DITP ont ainsi porté près de 85 % des dépenses de conseil à forte
dimension stratégique.
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Ventilation par véhicule juridique des dépenses de conseil


à forte dimension stratégique en 2020 1
(estimations, en %)

Source : calculs de la commission d’enquête d’après les données fournies par la DITP, la DAE, l’UGAP et
la direction du budget

Les accords-cadres présentent l’avantage de garantir un cadre


juridique sécurisé pour l’ensemble des ministères, y compris pour ceux qui
ne recourent que ponctuellement aux consultants.
Sur le plan financier, les « solutions mutualisées sont toujours plus
intéressantes au niveau des prix », comme l’a souligné M. Edward Jossa,
président-directeur général de l’UGAP 2. Les accords-cadres définissent ainsi
ab initio les montants de chaque catégorie de prestations, fixés avec les
cabinets avant l’attribution du contrat.
Pour M. Hervé de la Chapelle, associé en charge des activités pour le
secteur public de EY, « le recours au conseil s’est professionnalisé, à travers
l’utilisation de centrales d’achat, qui sont des professionnels de l’achat du conseil, et
des grands accords-cadres interministériels comme celui de la DITP » 3.
Chaque ministère reste néanmoins responsable de ses propres
commandes. Il dispose d’un droit de tirage sur les accords-cadres, sans
réelle coordination au niveau interministériel.

1 Voir le I.B de la présente partie pour plus de précisions sur le périmètre des dépenses de conseil les
plus stratégiques.
2 Audition de M. Edward Jossa du 8 décembre 2021.
3 Intervention de M. Hervé de la Chapelle lors de la table ronde des cabinets de conseil du

16 février 2022.
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Interrogé sur ce point, M. Michel Grévoul, directeur des achats de


l’État, a ainsi déclaré : « évidemment, vous nous dites : “vous faites un
accord-cadre et puis les administrations se débrouillent ensuite”. Mais les ministères
sont heureux que nous disposions d’un accord-cadre et que nous ayons sélectionné
des prestataires. La définition précise de leurs besoins et le suivi de la prestation
relèvent de leur responsabilité » 1.
Surtout, les accords-cadres peuvent créer un effet levier, ou effet
« presse bouton », facilitant la multiplication des prestations de conseil.
Sur le plan juridique, il n’a jamais été aussi facile pour un
ministère de s’attacher les services d’un cabinet de conseil, en particulier
lorsqu’il passe par l’UGAP (voir infra). Il lui suffit alors de puiser dans le
vivier de consultants à disposition, sans avoir à rédiger de nouveaux
marchés publics.
Enfin, les accords-cadres participent à l’opacité des prestations de
conseil.
L’État communique, certes, une estimation de leur montant au
moment de l’attribution des contrats, conformément aux règles de la
commande publique. Mais, une fois les accords-cadres conclus, les bons de
commande successifs ne font l’objet d’aucune publicité, alors qu’il s’agit
pourtant de l’information la plus importante.

2. Le marché de la DITP et son « tourniquet » parfois grippé

Attribué en juin 2018, l’accord-cadre de la DITP constitue le


véhicule privilégié pour le conseil en stratégie et en organisation.
Il bénéficie même d’un monopole (ou principe d’exclusivité) :
lorsqu’il couvre les besoins des ministères, ces derniers doivent passer par
cet accord-cadre, à l’exception du ministère des Armées qui dispose de son
propre dispositif.
L’accord-cadre est constitué de trois lots, pour lesquels plusieurs
entreprises ont été retenues.

1 Audition de M. Michel Grévoul du 8 décembre 2021.


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Liste des attributaires de l’accord-cadre de la DITP

N° du lot Prestation Attributaires

BCG et EY

1 Stratégie et politiques publiques McKinsey et Accenture

Roland Berger et Wavestone

Capgemini et Mazars

BCG et EY
2 Conception et mise en œuvre des transformations
Eurogroup, CMI et Sémaphores

INOP’S

Capgemini, Mazars et Sia Partners

3 Performance et réingénierie des processus Eurogroup, CMI et Sémaphores

Roland Berger et Wavestone

Source : commission d’enquête

Dans l’accord-cadre de la DITP, les prestations sont attribuées selon


la règle du « tourniquet » : en théorie, les prestataires de chaque lot se voient
attribuer un volume de prestations comparables.
Cette règle doit permettre une répartition équilibrée des bons de
commande entre les différents cabinets de conseil.

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