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Le Mariage pende
Paul Jorion, Gisèle De Meur, Trudeke Vuyk
Jorion Paul, De Meur Gisèle, Vuyk Trudeke. Le Mariage pende. In: L'Homme, 1982, tome 22 n°1. pp. 53-73;
doi : https://doi.org/10.3406/hom.1982.368256
https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1982_num_22_1_368256
par
«... des systèmes qui ne font qu' édict er des empêchements au mariage,
mais qui les étendent si loin par l'effet des contraintes inhérentes à leur
nomenclature de parenté, qu'en raison du chiffre relativement faible de
la population, n'excédant pas quelques milliers d'individus, on peut espérer
obtenir leur converse : système de prescriptions inconscientes qui
reproduirait exactement, mais en plein, les contours du moule creux formé par le
système des prohibitions conscientes » (p. xxiv).
cousines au premier degré, les cousines croisées, fille du frère de la mère (mbd) et
fille de la sœur du père (fzd) ; celles-ci resteront toutefois distinctes et ne
convergeront pas en une cousine bilatérale.
En 1955 paraissait un petit livre de L. de Sousberghe intitulé Structures de
parenté et d'alliance d'après les formules pende (ba-Pende, Congo belge). Son objectif
était de mettre en rapport la pratique du mariage pende avec un certain nombre
de « formules de motivation » (normes ou règles de comportement idéal) énoncées
par les Pende à propos de leur système d'alliance. L'ouvrage est constitué d'une
part d'un ensemble de telles formules, accompagnées d'explications quant à leur
sens, d'autre part, de commentaires interprétatifs dont le but avoué est de
reconsidérer la distinction analytique entre cousine croisée matrilatérale (mbd) et
cousine croisée patrilatérale (fzd), en raison du fait que les Pende eux-mêmes la
jugent inessentielle, et semble-t-il à juste titre.
La société pende que L. de Sousberghe décrivait en 1955 était une société à
chefferies et à clans matrilinéaires partagée entre les provinces de Léopoldville
(aujourd'hui Kinshasa) et du Kasai. Bien que cette société constituât alors une
unité culturelle, une « tribu », L. de Sousberghe constatait une différence majeure
dans la pratique matrimoniale des chefferies « kasai » et des chefferies « léo ». Dans
les premières, il était recommandé à un homme d'épouser sa cousine croisée
patrilatérale (fzd) et il lui était interdit d'épouser sa cousine croisée matrilatérale
(mbd). La différence se marquait dans les termes d'adresse : un homme appelait sa
fzd « mon épouse », alors qu'il appelait sa mbd « mon enfant » (p. 37). Dans les
secondes, un homme devait se marier de préférence avec sa fzd, mais la mbd était
considérée comme une épouse légitime de second choix. Un jeune homme qui
n'avait pu obtenir de son père une fzd (appartenant au clan de son père, selon la
logique matrilinéaire) devait s'adresser au frère de sa mère (mb) afin d'obtenir de
lui pour épouse une de ses filles (mbd). La terminologie pende-léo n'établissait
d'ailleurs aucune différence entre les deux types de cousines croisées.
La difficulté pour l'anthropologue réside non dans la divergence des principes,
mais dans un commentaire que font les Pende des différentes chefferies sur la
pratique de leurs compatriotes de l'autre province : « Finalement », disent-ils,
« cela revient au même » (p. 65). Là où l'anthropologue aperçoit une différence
essentielle, les acteurs eux-mêmes la considèrent comme négligeable.
En l'absence de données statistiques, l'anthropologue doit prendre une
décision : ou bien il infère de la différence des principes que la pratique doit être
nécessairement différente et il conclut que les Pende refusent de se rendre à
l'évidence ; ou bien il admet que la pratique peut être effectivement semblable, mais
au prix d'une transgression des principes (c'est cette branche de l'alternative que
L. de Heusch envisage dans ses approches successives). Les deux solutions
supposent toutefois une certaine rouerie de la part des Pende : soit un aveuglement
quant à leur pratique, soit un laxisme dans l'application des principes. Aucun des
56 PAUL JORION, GISÈLE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
« Chez les Pende du Kasai, quand le père ne peut trouver dans son clan
une épouse pour son fils, celui-ci ira demander l'aide de son grand-père
maternel (le grand-père qui a engendré sa mère). Partout ailleurs, chez les
Pende de la province de Léopoldville, on nous a répété la formule du chef
Kangu : ' Si moi, son père, je ne puis trouver une épouse pour mon fils,
il ira demander l'aide de son lemba (son oncle maternel) ' » (pp. 50-51).
« Les Pende du Kasai nous dirent que si le père ne peut trouver une épouse
pour son fils, celui-ci ira demander aide à son grand-père maternel [...] lui
demandant de lui trouver une épouse dans son clan. Or, nous informant
plus amplement par la suite dans les chefferies de la province de
Léopoldville, on nous dit que le jeune homme qui n'aura pas reçu une femme des
mains de son père, avant d'aller demander à son lemba de lui en procurer,
ira d'abord demander l'aide de son grand-père maternel » (pp. 65-66).
On aurait alors :
constitue jamais qu'un second choix. Dès lors, même si localement certaines
généalogies pouvaient être décrites comme traduisant un mariage prescriptif avec
la mbd, il est clair que le modèle ne pourrait être généralisé. De plus, il serait alors
exclu que les mariages pende-kasai et pende-léo débouchent sur des pratiques
similaires. Le mariage avec la mbd implique une circulation des femmes dans une seule
direction, tandis que le mariage avec la fzd implique un renversement du sens de
la circulation des femmes à chaque génération (Fortune 1933 ; Van Wouden 1935 ;
Lévi-Strauss 1967). Dans le cas présent, ce point est très bien développé par
L. de Heusch (1971 : 74-81).
3) Le système de mariage pende-léo est un mariage prescriptif avec la cousine
croisée bilatérale. Puisqu'il existe des mariages avec les deux types de cousines
croisées, il doit certainement y avoir des cas où ces deux cousines « convergent »
dans la même personne. Cependant, comme dans le cas précédent, on ne trouvera
que localement des généalogies montrant des ensembles de mariages avec la
cousine croisée bilatérale. Ici également la description sera insuffisante. De plus,
une pratique systématique de mariage avec la cousine croisée bilatérale ne peut
déboucher sur une pratique similaire au mariage préférentiel avec la fzd, avec un
second choix sur la mfzdd.
Sans être inexactes, ces trois hypothèses sont donc insuffisantes. De plus, elles
sont contradictoires3 et ne peuvent être envisagées simultanément.
La solution du problème se découvrira progressivement à partir de cette
incohérence que constitue dans le texte de L. de Sousberghe l'existence, chez les
Pende-Léo, de deux versions quant à la procédure. Je rappelle ces deux versions :
A) 1. père 2. oncle maternel
B) 1. père 2. grand-père maternel 3. oncle maternel.
La formulation de l'auteur : « Or, nous informant plus amplement... » {cf. supra,
p. 56) suggère fortement que la deuxième version serait la plus complète.
Reproduisons le commentaire en entier :
« Or, nous informant plus amplement par la suite dans les chefferies de la
province de Léopoldville, on nous dit que le jeune homme qui n'aura pas
reçu une femme des mains de son père, avant d'aller demander à son lemba
de lui en procurer, ira d'abord demander l'aide de son grand-père maternel.
Puis on nous laisse comprendre que ces deux hypothèses ne sont pas
considérées par les Pende comme distinctes, mais comme devant normalement
se confondre, le clan du père de la mère étant celui où le lemba aurait pris
femme selon les directives d'union préférentielle » (pp. 65-66).
Suit un schéma qui fait ressortir la chose {cf. aussi de Heusch, ibid. : 77-78) :
B Yongo
L =
6 = I A
3 1
Ngombe Sona Shandua
_ \Ngombe
En fait, la réponse à la question que L. de Sousberghe ne pose pas, elle est là, dans
les choix qui s'offrent au fils de Ndua.
En bon fils, le fils de Ndua s'adresse à son père et lui demande une fille de sa
sœur, une de ses cousines patrilatérales. Son père lui en trouve une. Mais le fils
de Ndua trouve sa cousine très laide et fait celui qui n'a pas entendu. Il se dit :
« Je vais aller trouver mon grand-père maternel et lui dire que mon père n'a pu me
trouver d'épouse. » Aussitôt dit, aussitôt fait, et le grand-père maternel promet à
son petit-fils une des jeunes filles de son clan, plus précisément une mfzdd de son
petit-fils. Vient le jour du mariage, et notre héros n'a-t-il pas la surprise désagréable
de voir arriver la très laide cousine croisée patrilatérale que son père lui avait
alors proposée. Que s'est-il passé ? Dans son étourderie, le fils de Ndua ne s'est pas
rendu compte que son père s' étant marié avec une mbd et non avec une fzd, la
mfzdd proposée par son grand-père maternel ne pouvait en aucun cas être une
de ses mbd, mais qu'elle devait au contraire converger en une de ses fzd. Il y a là
en effet une contrainte structurale, et c'est elle qui permet de répondre avec
certitude à la question que L. de Sousberghe ne s'est pas posée : la semence de Yongo
peut-elle revenir une troisième fois dans son clan ? Non ; à la troisième génération
le sens de circulation se renverse, et cette fois-ci encore pour deux générations
{cf. fig. 2).
Examinons en détail la syntaxe que nous venons de découvrir : si le père et
l'oncle maternel ont chacun épousé une fzd, alors, à la génération suivante, les
LE MARIAGE PENDE 6l
mfzdd pourront converger avec les mbd, mais non avec les fzd. Si, au contraire,
le père et l'oncle maternel ont chacun épousé une mbd, alors, à la génération
suivante, les mfzdd pourront converger avec les fzd, mais non avec les mbd. (Nous
avons précisé père et oncle maternel, car s'ils faisaient des mariages différents
— l'un avec une mbd, l'autre avec une fzd — , le système s'effondrerait
partiellement en se simplifiant à la génération suivante, mbd, fzd et mfzdd pouvant
être une seule et même personne. On aurait alors affaire au mariage avec la cousine
croisée bilatérale, éventualité que nous avons envisagée plus haut comme un
des cas triviaux conduisant à une description insuffisante du système.)
2 = à =
I Mulangi Shandua
L
6 ■= À 6 =
Ndua I
= O
Figure 2
Ce que nous voyons se dessiner ici, c'est un modèle global (idéal bien sûr»
comme tout modèle) capable de rendre compte de l'ensemble des mariages attestés
dans les deux types de sociétés pende : mariage avec la cousine croisée patrila-
térale, mariage avec la cousine croisée matrilatérale, mariage avec la fille de la fille
de la sœur du père de la mère, confondue ou non avec une des cousines croisées.
Je dis « confondue ou non » afin de rendre compte à la fois du mariage pende-léo
— la mfzdd pourra être confondue avec la mbd — et du mariage pende-kasai : la
mfzdd devra rester distincte de la mbd prohibée.
Construisons ce modèle dans le cas le plus simple, le cas pende-léo, l'autre
cas, pende-kasai, pouvant alors être considéré comme une variante facile à définir.
La seule simplification majeure que nous avons introduite d'emblée — nous nous
en sommes déjà expliqué — est que nous prenons comme prototype de la parente
qu'un grand-père maternel peut procurer à son petit-fils la mfzdd, tout en sachant
qu'il se trouvera peut-être des parentes plus éloignées faisant aussi bien l'affaire :
mfmzddd, etc. Le modèle est alors le suivant : un Pende épouse une mfzdd qui
sera, selon les générations, soit une mbd, soit une fzd {cf. fig. 3) .
Il apparaît clairement sur le modèle que la mfzdd est aussi un autre type de
cousine au deuxième degré, la ffzsd. L'intérêt de cette constatation ressort
62 PAUL JORION, GISÈLE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
= è 1 = 6 1 = 6
MFZ MF
MFZD = MB
A iM = L 6 = L i =
A
MBD
MFZDD Ego
= 6 I = 6 1 = 6 1
MFZ MF
= <T~1 =-<5 1 =
MFZD M
{ MFZDD Ego
IFZD
Fig. 3. Pende-Léo.
LE MARIAGE PENDE 63
dans la Note 2 (infra, p. 65), où nous envisageons le même système appliqué cette
fois à une société africaine patrilinéaire, les Ewé Abutia du Ghana. Une des
caractéristiques du modèle est d'être intermédiaire (cette notion est précisée dans
l'Appendice mathématique, infra, p. 67), entre l'échange restreint et l'échange
généralisé, la circulation des femmes s'inversant non à chaque génération, mais
toutes les deux générations.
L'indifférence professée par les Pende quant au fait de savoir si on épouse une
cousine croisée patri- ou matrilatérale s'explique aisément : ils entendent épouser
non pas une cousine croisée d'un certain type mais une mfzdd, ce qui est toujours
le cas. Disons plutôt, afin d'éviter une conceptualisation qui est celle de
l'anthropologue et non celle du Pende : un homme épouse une femme du clan du père de
sa mère. Ajoutons même, pour être plus près encore de la conceptualisation pende :
un homme se marie ainsi pour que, ayant vu revenir sa semence dans son clan à la
génération suivante/il n'en soit pas moins heureux de lui assurer un second retour
à la seconde génération (de Sousberghe, p. 66).
Le fait que les Pende-Kasai prohibent formellement la cousine croisée
matrilatérale introduit une contrainte supplémentaire. (Nous n'envisageons pas
l'hypothèse — peut-être justifiée — que la simple possibilité qu'une cousine soit
définissable comme mfzdd rende indifférent le fait qu'elle soit aussi une mbd.) Chaque
fois que la mfzdd pourra converger avec la fzd (une génération sur deux dans
chaque lignée), un tel mariage sera non seulement autorisé, mais bienvenu. En
revanche, chaque fois que la mfzdd pourra converger avec la mbd, les cousines
pour lesquelles cette convergence sera effectivement réalisée seront prohibées, et
un homme devra se tourner vers une de ses mfzdd qui aura uniquement statut de
cousine au deuxième degré (cf. fig. 4).
Figure 4
64 PAUL J ORION, GISÈLE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
N O TE I
Bien que dans de nombreux cas de mariages dits gérontocratiques en Afrique,
on ait affaire en réalité à un simple chantage familialo-politique — le grand-père
se contentant de brandir la menace d'épouser la jeune femme qui pourrait revenir
à son petit-fils — , nous envisageons ici brièvement la possibilité qu'un tel mariage
existe chez les Pende et qu'il soit général.
Deux possibilités de mariage gérontocratique existent : ou bien un homme
épouse la fille du fils de sa sœur (zsd), cas évoqué par L. de Sousberghe (pp. 74-
76) ; ou bien un homme épouse la fille de sa fille (de Heusch 1971 et trad. angl.
1981).
Dans le premier cas, on a g = fgf .
Ego \
D \ i DD
zs /
LE MARIAGE PENDE
N OTE 2
Nous laissons aux africanistes le soin de déterminer les sociétés auxquelles notre
modèle s'applique. Il est toutefois instructif de mettre en évidence que le même
système peut fonctionner selon une logique patrilinéaire, celle par exemple qui
joue chez les Ewé Abutia4. Le principe est qu'une fille appartient à sa mère qui la
renvoie dans son lignage, et il s'applique de deux façons, mutuellement exclusives :
une femme fait revenir ou bien sa propre fille, ou bien, si elle ne le peut pas, une
fille de son fils.
• Premier cas : sa fille épouse donc un cousin croisé matrilatéral, pour qui elle
est une cousine croisée patrilatérale.
6 l
\ FZD
Ô MBS
A
Figure 5
6 A
\ FFZSD
ô FMBSS
A
Figure 6
Imaginons maintenant que les deux règles ne soient pas exclusives, c'est-à-dire
qu'une femme puisse dans un premier temps renvoyer à son lignage sa fille et
dans un deuxième temps, à la génération suivante, une fille de son fils. Alors, à la
première génération, les hommes épouseront leurs fzd, et à la génération suivante
4. Nous remercions Michel Verdon de nous avoir communiqué les principes du mariage
ewé abutia. Toutefois nous ne préjugeons nullement de l'analyse qu'il fera de ses données.
66 PAUL JORION, GISÈLE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
= 6 1 = 6 I = 6 I = 6 I
FFZ FF
FFZS M
- I 1 _ Ego
FFZSD
MBD = À i » A i =
= 6 _ FFZ
<5 I
FF = 6
= <b 1 = 6 I = 6 1 =
FFZS FZ
I
= I 1 = A
( FFZSD
iFZD E
leurs ffzsd qui pourront converger en une mbd. On se trouverait ainsi (fig. 7)
exactement dans la même situation que pour les Pende-Léo. Vérification
complémentaire : la ffzsd (identification dans un système patrilinéaire) est toujours aussi
la mfzdd (identification dans un système matrilinéaire). En interdisant qu'une
femme renvoie chez elle la fille de son fils si elle a déjà renvoyé une de ses propres
filles, les Ewé Abutia interdisent en fait le mariage avec la cousine croisée matri-
latérale, confondue par convergence avec la ffzsd. Et l'on se trouve exactement
dans la situation déjà décrite pour les Pende-Kasai. Le système ewé est dès lors
identique au système pende-kasai, si ce n'est que le système de mariage est énoncé
dans la logique d'un système patrilinéaire, alors que chez les Pende-Kasai il est
énoncé dans la logique d'un système matrilinéaire.
APPENDICE MATHÉMATIQUE
Comme nous l'avions fait dans un précédent article, (« La Question murngin, un artefact
de la littérature anthropologique » (Jorion & De Meur 1980), nous suivons la suggestion de
A. Weil (in Lévi-Strauss 1967) de considérer certains systèmes de mariage et de filiation
comme des groupes de permutation à deux générateurs et nous faisons appel à la
représentation graphique due à T. Guilbaud.
Dans les schémas du type :
père / mère les arcs représentent aussi bien les individus
(hommes en trait plein, femmes en pointillé) que
des permutations opérées sur des types de mariage
(les traits pleins x — ► — gx indiquent la
permutation opérée en assignant à un homme son type
de mariage à partir du type de mariage de ses
parents ; de même les traits en pointillé x ►- - f x
assignent à une fille un type de mariage à partir
fils fille du type de mariage de ses parents).
Soit x un type de mariage, tel qu'un homme A
épouse une femme b, les enfants étant D et d, gx sera par exemple D épousant e, et
fx sera d épousant F.
On peut considérer que la population pende P se partage en deux groupes les Px font
un mariage MBD/FZS (fg = gf), les P2 un mariage FZD/MBS (f2 = g2).
xl • X2 •
68 PAUL J ORION, GISELE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
Ce qu'il convient de montrer, c'est que les types de mariage alternent à chaque génération
pour les hommes comme pour les femmes,
Vxj sPi i) f(x1)eP2 (e signifie « appartient à »)
Vx2 eP2 ii) fixjsPx
iii) gCx^eP,
iv) g(x2)eP1
pl P P2
— W ^
^ ^*«
xl s» gxx
l-^--'"
fX2 X2
Proposition 1
Si les règles de mariage sont f 3 = gfg (un homme épouse sa MFZDD) et g3 = fgf (un homme
épouse sa FFZSD), alors des mariages de type i : f g = gf (MBD) et de type 2 : f 2 = g2 (FZD)
alterneront de génération en génération.
Démonstration
i)
f»(Xl) = gfg(Xl)
g.gf(Xl) puisque pour E^ fg = gf.
f*.f(Xl) = g2.f(Xl)
puisque f2 = g2 s'applique à f(Xi), f(xx) appartient à E2 ; notons f(xx) = s2
fgf(x. g3(x2)
= g.f2(x2)
gg() puisque pour E2, f2 = g2
puisque fg = gf s'applique à f (x2), f(xa) appartient à Ex ; notons f(x2) =
Proposition 2
Si f 3 = gfg (un homme épouse sa MFZDD) et si tout mariage est soit de type 1 : fg = gf
(MBD), soit de type 2 : f2 = g2 (FZD), alors g3 = fgf (un homme épouse sa FFZSD).
LE MARIAGE PENDE 69
Démonstration
a.i. f» (Xl) = gfg(Xl) = g2f(xx)
f f(Xl) = g2.f(xx)
donc f (xx) = s2 (cf. i ci-dessus pour la notation)
2. gfg(x2) - f(X.) = f.f2(x2) = f.g«(Xl)
gf.g(x2) = fg.g(x2)
donc g(x2) = vx (cf. iv ci-dessus)
3- fg(xi) = gf(xO = g(s.)
comme s2eP2) g(s2)ePi (en vertu de a. 2.) ; notons g(s2)
donc g(x1)eP2 ; notons g(xx) = u2
et f(u2)sPi. ; notons f(u2) == tt
b.i. gs(Xl) = g2.g(Xl) = f«.g(Xl) = f.fg(Xl) = f.gf(Xl)
2. g»(x2) = g.g2(xx) = g.f(Xl) = gf.f(x2) = fg.f(x2)
donc pour tout x, g3 = fgf .
Représentation graphique
II est possible de donner une interprétation géométrique des propositions 1 et 2.
Pour une société où les permutations f et g sont toujours distinctes (frères et sœurs ne
s'épousent pas) et où chaque individu a l'une des possibilités de mariage
1) fg = gf (MBD/FZS)
2) f2 = g2 (FZD/MBS),
le système de mariage et de filiation peut être représenté par un quadrillage (nonobstant
d'éventuelles identifications). Pour assurer l'adéquation de celui-ci au système, chaque
carreau doit avoir deux de ses arêtes figurant des femmes et deux figurant des hommes selon
l'une des deux configurations I et II.
V,'
(a) (b)
2) Seules des configurations de type (b) sont compatibles avec la relation f3 = gfg.
Toutefois cette donnée supplémentaire oblige à étendre le quadrillage, cette fois verticalement,
à l'ensemble du plan :
(On introduit une nouvelle convention graphique : aux mariages fg = gf (1) correspon
dront des sommets blancs, aux mariages f2 = g2 (2), des sommets noirs.)
On remarque que l'adjonction des contraintes supplémentaires f 3 = gfg et g3 = fgf
implique f4 = g4 = (fg)2 = (gf)2, c'est-à-dire une translation verticale de quatre
générations sur le réseau. On pourrait montrer au contraire qu'on ne peut exprimer une
translation horizontale (plus généralement, non verticale) au moyen des générateurs f et g.
/
x' '
' X 'X X 'X ' X
LE MARIAGE PENDE 71
1) Si l'on respecte ces conditions, A doit rester distinct de B, sans quoi f = g, c'est-à-dire
que le mariage d'un frère et d'une sœur devient possible. A doit aussi rester distinct de C
sans quoi la règle f2 = g2 devient applicable à tous. A confondu avec D introduirait des
types de mariage supplémentaires : gf 2 = fg2 (un homme avec sa FMBDD) pour certains,
g2f = f2g (un homme avec sa MMBSD) pour les autres.
Par contre, les identifications A = A' et a = a' n'introduisent que des mariages plus
lointains : g2f 2 = f 2g2 pour certains et fg2f = gf 2g pour d'autres, une distorsion que nous
avons dit pouvoir admettre. Cette réduction conserve une bande infinie verticale de
largeur quatre.
2) On peut vérifier que l'identification du mariage d'un homme avec celui de son petit-fils
ou d'un homme quelconque de la génération de celui-ci (A ^ E, F, G, H) introduirait des
défauts d'homogénéité au sein des deux catégories de mariage.
L'identification verticale la plus proche serait celle d'Ego avec le petit-fils de son petit-
fils (A = A"). On aurait alors 1 = g* = f* =. (fg)2 = (gf)2.
On obtient ainsi un modèle à 16 types de mariage, répartis en deux catégories de huit.
Une représentation possible est la suivante :
Le groupe associé à ce diagramme est engendré par les quatre générateurs non indépendants
de poids 2 : f 2, g2, fg et gf ; il est muni des relations suivantes :
(f2) (fg) = (gf) (g2), (f2) (gf) = (fg) (g2)
(fg) (f2) = (g2) (gf), (gf) (f2) = (g2) (fg)
qui valent sur le réseau entier et
(f2)2 = (g2)2 = (fg)2 = (gf)2 = 1
(f *) (gi) = (g2) (f •) et (fg) (gf) == (gf) (fg) résultant des identifications.
Ce groupe, isomorphe au groupe diédrique D4 (2), partage les 16 sommets, en deux classes
de transitivité de huit points chacune, sur lesquelles il opère régulièrement.
72 PAUL J ORION, GISÈLE DE MEUR, TRUDEKE VUYK
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Sousberghe, L. de
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belge). Bruxelles, Académie royale des Sciences coloniales.
Van Wouden, F. A. E.
I935 Sociale Structuurtypen in de Groote Oost. Leiden, Ginsberg.
Résumé
mère, qui, aux générations alternées, convergerait alors avec l'un des deux
types de cousines croisées. La même structure de mariage préférentiel peut se
retrouver dans une perspective patrilinéaire : il s'agit alors du mariage avec
la fille du fils de la sœur du père du père.
Dans un appendice mathématique, il est montré que de telles structures
élémentaires « lourdes » obligent le mathématicien à dépasser son approche
traditionnelle des mariages préférentiels ou prescriptifs en termes de groupes
de permutations et à faire appel à des objets mathématiques plus complexes,
susceptibles de rendre compte de structures non homogènes.
Abstract
Paul Jorion, Gisèle De Meur and Trudeke Vuyk, The Pende Marriage. —
The Pende marriage system has been so far regarded as problematic in
the anthropological literature. Although some men marry their FZD and
others their MBD, the two types of cross-cousins do not seem to converge
into a bilateral cross-cousin. Furthermore, by regarding the choice between
the two types of cross-cousins as indifferent, the Pende question an essential
tenet of the anthropologist's analytical premises. The authors suggest that the
problem gets solved when it appears that the Pende actually marry
preferentially a MFZDD who can converge with MBD and FZD at alternate
generations. Also it is demonstrated that the same structure which can be
interpreted as preferential marriage with MFZDD in a matrilineal
perspective, is liable to be interpreted as FFZSD marriage in a patrilineal
perspective.
In a mathematical appendix, the authors show that such "heavy"
elementary structures require that the mathematician transcends its
traditional approach of preferential marriage in terms of permutation
groups and turns to more complex mathematical objects which account
for non-homogeneous structures.