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L’Union du Maghreb arabe Intégration régionale

et développement économique.
Djamel-Eddine Guechi (*)

-- Décembre 2002--

(*) : Professeur des Universités., Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d’Economie Appliquée
d’Alger.
DEDICACES.

À la mémoire de mon défunt père.

À ma mère.

À ma famille dont le soutien a permis l’aboutissement de ce travail,


j’exprime ma gratitude et mon affection.

À mon pays, puisse-t-il retrouver la paix et la voie du développe-


ment.

Aux peuples maghrébins, qu’ils puissent trouver dans ce travail une


modeste contribution à l’édification d’un Maghreb fort et uni.
REMERCIEMENTS.

J’adresse mes plus vifs remerciements à toutes les personnes qui ont
contribué de près ou de loin à l’aboutissement de cet écrit.
Introduction

Les conditions générales de l’économie mondiale ont été très instables au cours des deux de rnières décennies,
aussi bien pour les pays développés que pour les pays en voie de développement (PVD). Elles ont entraîné le
déclin de pôles puissants, l’émergence de pôles concurrentiels et la marginalisation de certains pays, mais elles
ont également engendré la création de réseaux d’interdépendances croissantes qui ont considérablement accru les
relations entre pays.

La mondialisation s’est donc bien affirmée et a largement entamé la transformation des économies nationales qui a
créé de nouveaux défis :
– les exportations mondiales sont passées de 12% à 21% du PIB mondial entre 1980 et 1996, avec une part
croissante des services (17% du commerce international en 1980 et 24% en 1996). La valeur des ventes mondiales
des filiales des sociétés multinationales a été, durant la même période, supérieure à la valeur totale des exportations
mondiales. Les investissements étrangers directs ont enregistré une forte croissance et dans l’ensemble du monde,
une opération boursière sur sept a été conclue avec un partenaire étranger ;
– les PVD ont également joué un rôle croissant dans les évolutions en cours et participent de plus en plus active-
ment au processus de globalisation. Le ratio de leurs échanges de biens et services (importations et exportations) est
passé de 33 à 46% en moyenne de leur PIB, entre 1984 et 1996 et reflète bien leur degré d’intégration dans l’économie
mondiale. Ce mouvement est appelé à se poursuivre et on considère que les deux tiers de la croissance mondiale au
cours des deux prochaines décennies seront du ressort de PVD.
Dans l’économie mondiale intégrée et concurrentielle qui prévaut, la pertinence des politiques économiques a eu
une importance croissante, et si l’intégration à l’économie mondiale a augmenté les gains issus d’une compétitivité
accrue, elle a aussi alourdi les pertes en cas d’inaction, créant ainsi de nouveaux défis en matière de gestion économi-
que et de positionnement stratégique.
Les pays qui ont su tirer profit de la mondialisation sont ceux qui ont réussi à se doter de politiques et de structures
économiques efficaces pouvant soutenir une croissance adaptée aux mutations économiques internationales, alors que
pour les autres, le repli sur soi a été fortement marginalisant.
La mondialisation a rendu obsolètes les démarches économiques conçues dans des cadres exclusivement nationaux et
relativisé la portée des stratégies de développement autocentrées qui ont montré leurs limites.
Le contexte économique mondial s’est donc transformé et la nouvelle donne des cartes économiques à l’échelle in-
ternationale s’est plus amplifiée et accélérée depuis le début de la décennie 1990, accompagnée de l’émergence de
nouveaux pôles économiques et de nouveaux pays industrialisés qui ont dû s’approprier des parts de marché pour con-
tinuer leur processus de croissance économique.
Ce mouvement s’est accompagné d’une accentuation de la compétitivité internationale, d’autant plus aiguë que la
croissance n’étant pas généralisée, les bénéfices à partager ne se sont accrus suffisamment que pour les pays les mieux
positionnés sur la scène économique internationale, les pays les plus industrialisés notamment (Etats-Unis, Japon,
France, Allemagne…) et ont donc impliqué, comme dans tout changement, des gagnants et des perdants.
Même si leur ampleur et leurs résultats peuvent faire l’objet de scénarios prospectifs contrastés, les bouleverse-
ments des hiérarchies ont mis en évidence l’insuffisance des cadres nationaux et ont imposé aux Etats d’en projeter les
implications sur leurs nations et de définir des stratégies d’adaptation et d’insertion visant à en tirer un meilleur profit
et ce afin de réduire le risque de leur marginalisation dans la nouvelle configuration économique mondiale.
Ainsi, la prise de conscience des mutations profondes affectant les structures de production et les échanges a développé
une nouvelle dynamique régionale, entraînant une appréhension plus réaliste des bases nouvelles d’équilibre géopolitique
et économique mondial, une meilleure intelligence du phénomène de coopération et d’intégration économique régionale et
une reconnaissance du fait de la portée de la région dans une perspective d’intégration à l’économie mondiale.

Les deux dernières décennies ont été de ce fait, caractérisées par des bouleversements géostratégiques et des muta-
tions touchant autant les domaines politiques que les domaines économiques et sociaux au niveau de la planète : « la
constitution d’ensembles régionaux, de marchés communs et de zones de libre échange », voulant constituer une voie,
voire une étape dans l’intégration à l’économie mondiale et donc un relais entre un monde vaste et complexe et des Etats-
nations trop petits.
Ces constructions illustrent un des faits majeurs de l’économie internationale, à savoir la prolifération des zones de
libre échange dites « blocs commerciaux », dont les plus puissants demeurent :
– le marché commun européen regroupant ******15 pays **********;
– le marché commun « Mercosur », regroupant l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil et le Paraguay ;
– la zone de libre échange « ALENA » regroupant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ;
– la zone de libre échange « AFTA » (Asean Free Trade) regroupant
les six pays de L’ASEAN (Brunei, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande) ;
– le marché commun regroupant le Venezuela, la Colombie, l’Equateur et le Pérou.

Ce phénomène qui a connu une amplification sensible depuis la fin des années 1980, a également imprégné le pay-
sage maghrébin d’éléments allant dans le sens de l’apaisement des conflits internes, de la modération face aux grands
problèmes politiques, de la décrispation en matière de coopération et du questionnement sur l’existence d’éventuelles
complémentarités entre pays par les cinq États.

Il explique surtout, la ré-émergence, avec une vigueur nouvelle, d’une dynamique régionale et la volonté de res-
tructuration de l’espace économique maghrébin de manière irréversible, pour la stratégie d’intégration entre les cinq
pays de la région et la constitution d’un vaste espace de production, d’échanges et de circulation des biens, des servi-
ces et des hommes.

Cette orientation a connu un début de concrétisation depuis l’adoption du traité de l’Union du Maghreb arabe
(UMA), le 17 février 1989 à Marrakech dont la stratégie reflète la volonté politique de tester la possibilité de création
d’un bloc économique réunissant les cinq pays de la région et ayant pour base une convergence d’intérêts. La mise en
œuvre de ce processus constitue depuis 1989, un terrain d’essai des mécanismes de la construction et de l’intégration
maghrébine.
L’existence de cette volonté politique d’intégration régionale, de complémentarités relatives des productions et la
mise en œuvre du processus d’intégration, parallèlement à la mise en œuvre collective de correctifs des déséquilibres
économiques avec l’application de réformes structurelles, pourraient-ils laisser envisager une sortie de crise à la région
maghrébine ?
PREMIÈRE PARTIE

L’intégration régionale dans la région maghrébine

Le principe de l’intégration par l’ouverture d’un marché unique avec la mise en place d’une zone de libre-échange dès
1995 dans la région, a été adopté en 1991, confirmé lors des sommets de l’UMA de 1992 et 1993 et ratifié lors de la quin-
zième session des ministres des Affaires étrangères de l’Union du Maghreb arabe (UMA) tenue à Alger en juin 1994.
L’objectif à long terme de ce processus est la constitution d’un marché commun grâce à l’établissement progressif de la
libre circulation des biens et services, des capitaux et des hommes. Pour ce, trois étapes ont été définies :
– la création d’une zone de libre-échange ;
– la mise en place d’une union douanière ;
– la création d’un marché commun.
Les économies maghrébines sont dissemblables sous beaucoup d’aspects. Différence de revenus par habitant tout
d’abord (écart de dix fois entre la Libye et la Mauritanie), différence de dimensions territoriales, différence de niveau
d’industrialisation et de développement, régimes économiques et politiques souvent opposés et polarisations individuel-
les sur les économies du Nord.
À ces différences accusées, on peut opposer des similitudes voire certaines complémentarités :
– similitudes de culture, de langue, de passé colonial (sauf pour la Libye), de croyance en un destin commun et
d’absence de contentieux historiques majeurs ;
– similitudes économiques : dépendance accrue vis-à-vis de l’extérieur en matière d’équipements et de facteurs de
production nécessaires au fonctionnement des potentiels productifs industriels existants (machines, outils, produits
semi-finis) et à l’intensification de la production agricole ;
– complémentarités réelles, par ailleurs entre les pays dans le domaine énergétique (gaz et pétrole) et industriel (mines, pé-
trochimie, métallurgie, sidérurgie, industrie mécanique et industries légères).
Dans la globalisation, comme dans le processus de régionalisation où se trouve impliquée la région maghrébine,
une double logique existe en fait. Celle des États et celle des acteurs économiques. Ces deux logiques se complètent et
s’appuient d’autant plus efficacement que les responsabilités et les tâches sont réparties entre la sphère économique et
la sphère politique.
C’est bien à ces deux niveaux : la sphère politique du ressort de l’État et la sphère économique du ressort des différents
agents économiques à l’intérieur des nations que doit s’opérer la construction régionale.
– L’État : il est l’acteur principal, aucune action ne pourra être faite par lui seul, mais peu de choses ne pourront être fai-
tes sans lui. La conception d’un cadre promotionnel pour le renforcement des échanges régionaux sont de sa responsabilité
au même titre que l’organisation de nouvelles divisions du travail dans l’espace régional. De même il se doit de tisser un
lien étroit avec tous les agents intervenants dans la sphère économique.

– La sphère économique : plus ses structures seront développées, diversifiées et interdépendantes, plus l’intensité
relative des échanges entre les pays qui constitue le moteur et le levain de la construction concrète et pérenne des
ensembles régionaux sera importante.
Malgré les atouts de son homogénéité géographique, économique, culturelle et linguistique, les défis de la mondia-
lisation ont imposé au Maghreb la recherche d’alliances et d’axes de coopération en dehors de la région, pour valoriser
ses atouts et faire valoir ses avantages concurrentiels. Or, l’intégration régionale a été admise, signée et paraphée et a
connu un modeste et timide début de concrétisation dans la région, mais elle reste toujours dans l’attente d’une contri-
bution plus effective des cinq économies de la région.
Le principe de l’intégration par le marché au Maghreb ayant été retenu, le questionnement principal réside dans la
recherche des capacités des économies maghrébines d’assumer le rôle de dynamiser les échanges à l’intérieur de la
région qui leur a été dévolu et donc de la détermination des conséquences qui découleront sur les cinq économies de la
région (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie).
Ce questionnement pose tout d’abord les problèmes de la justification de l’intégration économique maghrébine et
celui de l’existence de conditions favorisant le libre-échange intra-régional.
Ainsi, toutes les considérations de faisabilité d’ordres structurel, conjoncturel et organisationnel des économies de la
région, seront déterminantes quant à la réalisation de cet objectif.
Les problèmes posés relèvent donc, de la connaissance et de la maîtrise :
– des conditions macro-économiques nationales ;
– de la structure des éléments déterminant l’offre et la demande des cinq pays de la région dans un contexte de mu-
tation régionale et de pratiques commerciales nouvelles ;
– des différences existant entre les cinq pays ;
– de la possibilité d’instauration du libre-échange dans la région maghrébine ;
– et enfin, celui de la définition d’un cadre d’intégration régionale compatible aux cinq pays, où chaque producteur mag-
hrébin trouvera des opportunités maximisant son profit et chaque consommateur sa consommation.
Ces trois problèmes nécessitent, bien entendu, la prise en compte des éléments constitutifs du bien-être et des différents as-
pects des politiques économiques globales antérieures et celles mises en œuvre actuellement. En termes plus concrets, le débat
porte sur la rationalité économique du choix de l’intégration régionale par le marché et ses implications sur la dynamique éco-
nomique régionale et sur celle de chacun des pays de la région.
CONSIDERATIONS THEORIQUES DE L’INTEGRATION REGIONALE

Si l’intégration régionale représente soit un processus, soit un résultat, elle demeure le résultat engendré par le fonc-
tionnement de la mise en œuvre d’un certain nombre d’ensembles opératoires dont l’association des éléments rend
complexe la détermination de l’efficacité de chacun d’eux et le critère d’appréciation reste souvent celui de l’efficience
économique, selon que celle-ci fasse appel ou non (ou dans une certaine mesure) aux méthodes interventionnistes. On
peut ainsi distinguer deux principales voies de l’intégration, traduisant des formes variées : l’intégration par le marché
favorisant le libre jeu du marché et l’intégration par groupements planifiés où le développement est concerté.

L’intégration par le marché


Il faut remonter aux fondements des théories de l’école néoclassique pour saisir la portée de cette approche qui a été no-
tamment le cadre de l’union douanière. On ne reconnaît pas explicitement à la théorie néoclassique la prise en considération
de « la nation » ou de « l’État » en tant qu’agent économique ou « unité économique ». Ne sont considérés comme telles
que les entreprises et les individus si bien que l’on peut admettre dans une certaine mesure, comme François Perroux que
pour les néoclassiques, « l’indépendance de la nation n’est aucunement un objet de pensée économique », même si ses
agents économiques sont forcément situés sur les territoires nationaux souverains et y exercent leurs activités.
Les éléments de l’analyse portent de ce fait, sur la quantité produite de chaque bien ainsi que sur les prix correspondants et
s’étendent au niveau planétaire ou régional et dans un système de libre-échange, où la réalisation de l’équilibre général dé-
pend des lois du marché. On en vient alors aux corollaires immédiats qui découlent des principes de la répartition spontanée
des activités en fonction des dotations factorielles et de la recherche de la compétitivité, dans la situation ainsi instaurée.
Ces théories excluent logiquement de l’analyse économique l’idée de politique économique qui serait le fait d’éléments
étrangers au marché. Ainsi, appliquée à l’intégration économique régionale, l’optique libérale est privilégiée par les méca-
nismes du marché. Cette préoccupation est clairement exposée chez B. Balassa qui affirme que « l’intégration consiste à
abolir les discriminations entre unités économiques appartenant à des Etats différents » et lorsque ce principe devient la
base de l’intégration, il implique que seuls les agents économiques efficaces pourront contribuer aux objectifs de
l’intégration ou seront appelés à les poursuivre, les moins efficaces étant par la force des choses contraints à abandonner
leur activité. Mais comment parvenir spontanément à cette efficacité ?
Il faut répondre à la question du choix des moyens. Autrement dit, il s’agit de rechercher les conditions pouvant favori-
ser la réalisation de cet objectif d’efficacité. Dans les circonstances évoquées, la solution envisageable consiste à se
conformer à la répartition naturelle des activités en fonction de la dotation en facteurs de production et à revenir à
l’application de la théorie des avantages (coûts) comparatifs, la procédure étant de renforcer les spécialisations sans modi-
fications des structures présentes1.
Or, on associe souvent à l’idée de spécialisation la notion de « pôles » qui correspondent selon le cas, aux « diffuseurs » ou
aux « récepteurs » des relations affectées à chaque produit et qui ont lieu dans l’ensemble économique, la réalisation de
l’intégration ne résultant que de « l’effet d’entraînement » engendré au système soumis aux lois du marché, l’effet
d’entraînement étant apprécié d’après les deux composantes indissociables que lui attribue F. Perroux :
– l’effet de dimension : ou la possibilité permise par exemple par un Etat à un autre d’accroître son offre lors-
que ce dernier augmente sa demande auprès de lui. Pour répondre à la demande croissante du premier, le deuxième
doit accroître ses capacités de production par exemple (ou par intensification) ;

– l’effet d’innovation : il se mesure par des critères de productivité ou d’efficience. Il s’agit donc de la possibilité oc-
troyée par les partenaires ou bien générée par le système qui permettra par suite d’innovation, d’obtenir plus de produits à
partir d’une quantité de facteurs déterminée.

On voit donc le phénomène des économies d’échelle dont la conséquence est que les coûts et a fortiori, les prix
baissent, constituant un gain pour les agents économiques concernés par l’activité.
En réalité, on ne peut dire que l’optique libérale est neutre de la politique économique, si l’on se réfère à la classifi-
cation des étapes progressives de l’intégration suggérée par B. Balassa qui distingue1 :
– la « zone de libre-échange », correspondant à l’élimination des droits de douanes entre les Etats membres ;
– « l’union douanière » dans laquelle il y a instauration d’un tarif extérieur commun au niveau de l’ensemble ;
– « le marché commun » qui se différencie par rapport à l’étape précédente par la libre circulation des facteurs de
production ;
– « l’union économique » qui va plus loin en abordant la question de l’harmonisation des politiques économiques
nationales pour aboutir à terme à ce qui est perçu comme « intégration ».
Chacune de ces étapes nécessite forcément l’accord des différents Etats membres à la suite de négociations et fait in-
tervenir certaines politiques économiques (protectionnisme, mise en place des tarifs douaniers extérieurs communs, har-
monisation des politiques économiques…).
Ce que l’on reproche à l’optique libérale, c’est la non prise en compte de l’évolution structurelle des Etats membres. C’est à
ce titre qu’elle est qualifiée par ses adversaires de « statique » car elle ne donne pas de réponses aux questions relatives aux
inégalités de structures, comme c’est le cas dans les PVD, ou bien comme le dit G. Myrdal, « sa dynamique pourrait consister à
renforcer ces inégalités dans le principe de la causation circulaire et cumulative »1. Le fondement du système libéral semble
donc n’avoir qu’une portée limitée dans le fonctionnement d’une intégration régionale.

LE DEVELOPPEMENT CONCERTE OU L’APPROCHE PAR GROUPEMENTS PLANIFIE

Il est facile de remarquer que la théorie de l’intégration, exclusivement basée sur le libre-échange, ne rend
qu’imparfaitement compte de la relativité économique, précisément en matière de « coût » au sens que l’élément
d’analyse lui-même est incomplet. Elle ne prend en considération que les coûts privés dont les niveaux relatifs bas ou
élevés dans un système de « laisser faire » déterminent l’abandon ou la poursuite de l’activité. Or, ces coûts ne sont
pas les seuls que génère le système économique quelles qu’en soient les orientations.
C’est un point sur lequel l’approche dans le cadre de la planification se singularise de l’optique libérale en introduisant
dans l’analyse, les coûts sociaux qui représentent des divergences avec les coûts de production privés. On voit alors le rôle de
l’Etat s’accroître puisque c’est dans le cadre de son administration, de sa législation ou de la puissance publique, en général,
que ces mesures peuvent être appliquées. Ce point de vue est aussi partagé par M. Byé lorsqu’il dit : « Intégrer, n’est pas
additionner, mais plutôt accroître dans un espace donné la compatibilité des plans d’un ensemble de centres de décisions
appelés à former un seul système économique »2.
Pour R. Erbes, les diverses opérations de l’intégration, qui par ailleurs sont simultanées, liées et complémentaires,
consistent à :
– « établir et aménager au mieux toutes les relations économiques souhaitables pour les échanges de produits, de
facteurs et d’informations entre les parties dont on projette de faire un ensemble » ;
– « rendre progressivement plus compatibles les projets économiques des éléments de l’ensemble » ;
– « faire converger de plus en plus ces projets vers un optimum pour l’ensemble (groupes d’objectifs) sur lesquels
existe un consensus dans l’ensemble »1.
Les mécanismes de l’intégration, tels qu’ils sont énoncés ci-dessus, peuvent être interprétés comme une synthèse
des approches précédemment soulignées et revêtent un caractère général.
On a pu constater jusqu’ici que les différentes théories exposées sur l’intégration dont l’objectif est le développe-
ment « organisé » ou « harmonisé », n’excluent pas le « marché » puisque « planification » ne signifie pas disparition
du marché. D’autres expriment la différence qui parait exister entre les deux concepts de « statisme » et de « dyna-
misme » ou de « macro-économique » et de « micro-économique ».
La plupart des aspects théoriques abordés dans cette partie sont le reflet de situations observées ou envisagées dans des
espaces économiques dits développés avec une dominance essentiellement industrielle. Il demeure que l’idée de regroupe-
ment économique ou plus communément d’intégration économique régionale a fait son chemin dans de nombreux espaces
économiques des pays en voie de développement, avec le plus souvent une référence aux théories que nous avons citées.
Leur application peut être perçue comme une forme d’adaptabilité à un nouvel environnement.
Certaines interprétations s’appliquent à montrer que l’intégration régionale peut constituer une source de gains
d’efficience et d’économies d’échelle non discriminantes vis-à-vis du système multilatéral des échanges (Robson, 1987
et 1993). Cet énoncé tient compte, en particulier, des enseignements des nouvelles théories du commerce international
fondées sur l’abandon des hypothèses néoclassiques de rendements d’échelle constants et de concurrence parfaite
(Krugman, 1986 ; Helpman et Razin, 1991 ; Rossman, 1992 ; Yoffe, 1993), mais les trois conceptions les plus généra-
lement admises s’illustrent comme suit :

Les conceptions de l’intégration régionale :(définitions, objectifs, moyens et indicateurs).

Intégration par le mar- Intégration par l’État et Intégration par les ac-
ché le pouvoir teurs et les organisations

Conception

- vision individuelle - vision dirigiste d’un plan - vision d’acteurs pluriels ayant
d’ajustement par le marché ; régional de développement a des objectifs différents ;
- coordination ex post des priori et de programmation par - diversité des coordinations et des
activités par les prix sur un les États ; relations économiques ;
marché élargi. - distanciation vis-à-vis du - interdépendances asymétriques ;
marché mondial. - jeux coopératifs et conflic-
tuels.

Objectifs

- bien-être des consommateurs ; - création d’une entité supra- - régulation régionale ;


- création d’un trafic ; nationale ou coalition des - création d’espaces régionaux de
- économies d’échelle ; États ; concertation et de stabilisation ;
- libre circulation des produits - programmation de la pro- - diversification des relations
et des facteurs de production ; duction planifiée à long terme régionales ;
- favorisation du respect des au niveau des États ; - maîtrise des variables jouant à
avantages comparatifs. - objectifs redistributifs et l’échelle régionale.
spatiaux.

Moyens

- union douanière : politiques - institutions et administra- - politiques incitatives vis-à-vis


tarifaires ; tions régionales ; des acteurs à vocation régionale
- union monétaire : vérité du - protection de l’espace ;
change, marché libre des chan- régional ; - dynamisation des acteurs privés
ges, convertibilité des monnaies - investissements publics et et publics permettant les intercon-
et libre transfert des capitaux ; infrastructures ; nexions entre espaces ;
- cadre institutionnel pour - mécanismes compensa- - convention et règles régionales
faire respecter la concurrence teurs redistributifs ; limitant les incertitudes des
et le jeu du marché ; - politiques communes ; acteurs ;
- réduction des obstacles - planification sous- régio- - actions régionales « ad hoc » ;
administratifs. nale ; - mécanismes stabilisateurs.
- industries de substitution,
d’importations ou lourdes.

Indicateurs

- - -
avantages comparatifs révélés unification des politiques importance des relations économi-
; économiques ; ques marchandes et non marchan-
- - des trans- frontières ;
mobilité des facteurs ; projets conjoints ; -
- - intensité des infrastructures
réduction des coûts de produc- capacité de négociation inter- connectantes ;
tion par concurrence et éco- internationale des instances -
nomies d’échelle ; régionales ; horizon spatial des acteurs ;
- - -
degré de protection tarifaire degré de maîtrise de l’information
élargissement du marché par et non tarifaire de l’espace au niveau régional ;
hausse du revenu par tête ; régional ; -
- - coordination des actions au ni-
flux commerciaux. économie d’échelle pour les veau régional.
activités économiques
régionales.

Dans cette optique, une approche élargie et coordonnée des réformes structurelles dans les pays en voie de développe-
ment permettrait de refondre les politiques d’ajustement sur une assise régionale et de faire ainsi de l’intégration un ins-
trument d’apprentissage de nouvelles normes commerciales, financières et organisationnelle. Ces interprétations entendent
donc donner la priorité à la dimension régionale de l’ajustement et de l’aide au développement (Coussy et Hugon, 1991).

L’INTEGRATION MAGHREBINE : PASSE ET PRESENT


L’idée unitaire n’est pas nouvelle dans la région maghrébine et s’appuie sur des forces centripètes très solides : un
fond ethnique arabo-berbère commun, une religion dominante (l’islam) presque exclusivement sunnite de rite malékite,
l’usage de la langue arabe quasi généralisé, l’appartenance à une même civilisation et une expérience historique large-
ment partagée. L’intégration maghrébine s’inscrit tout d’abord dans une histoire culturelle berbère-arabo-islamique et
francophone commune, dont la somme constitue la base des valeurs et des croyances. D’où l’idée que le Maghreb des
peuples est une réalité sociologique liée à la mémoire collective, forgée dans une histoire commune.
Une page d’histoire est nécessaire pour traiter de l’union maghrébine et bien comprendre que cette idée trouve sa
genèse très loin dans le temps à travers différentes périodes déterminées par de grands événements politiques, économi-
ques et sociaux. L’histoire arabo-berbère est illustrée par le rêve unitaire réalisé par les Almoravides et les Almohades
(XIe-XIIIe siècles) qui ont donné au Maghreb sa physionomie culturelle et islamique. L’histoire plus récente des luttes
anti-coloniales a ravivé le mythe de l’unification maghrébine et trois décennies plus tard, la décision de la création de
l’Union du Maghreb arabe (UMA) est venue tenter la concrétisation de l’unité maghrébine, idéal des cinq peuples de la
région qui apparaît comme un fait saillant qui a émergé à travers toutes les grandes périodes de l’histoire dans la région.

Les antécédents de l’Union du Maghreb arabe

1. L’union maghrébine durant la période pré-coloniale

L’idée d’unification a été une tentation historique permanente pour cette zone septentrionale de l’Afrique que les géogra-
phes arabes ont dénommée Jaziret al Maghrib ou « île du couchant », pour la différencier du « Machrek levant »1. Cette idée
parcourt toute l’histoire depuis les origines, comme si cet idéal parfois réalisé, mais sans cesse remis en cause, a hanté depuis
toujours les populations. Mais, jamais dans la réalité ne furent réunies les conditions nécessaires à sa réalisation de manière
durable.
L’histoire du Maghreb a été, en effet, émaillée de plusieurs tentatives impériales. La première a été celle de
l’Aguellid Massinissa dont l’empire s’étendait de la Moulouya à Tabarka 2. Mais son œuvre s’est brisée contre la pré-
sence carthaginoise, puis contre l’impérialisme romain. Les ambitions de ses successeurs, Jugurtha notamment, ont
également échoué. Dix siècles plus tard, ce sont les Fatimides, puis les Almoravides qui récidivent et leur œuvre unio-
niste est parachevée au début du XIe siècle, par Ibn Toumert qui édifie l’empire hispano-maghrébin, centre de rayon-
nement d’une brillante civilisation qui a exercé une influence décisive sur la pensée médiévale et chrétienne 1, avant de
s’écrouler en 12692.
Cette continuelle tentative avortée du Maghreb, cette instabilité politique, économique et sociale permanente
s’explique par le fait que les empires ont toujours été fondés sur la conquête violente et la force tribale, mais jamais sur
l’allégeance à une idée de légitimité, capable de transcender le pouvoir et d’orienter les énergies vers un but commun3.

Malgré et peut-être à cause de cela, l’idée unitaire est demeurée vivace dans l’esprit des hommes et s’est intégrée à la
dynamique historique d’un nationalisme maghrébin et la libération du Maghreb sera alors conçue comme un préalable à
son unification et à sa renaissance. Dans cette perspective, « le panarabisme et le panislamisme vont être utilisés à la fois
comme des armes contre l’occupant et des adjuvants à l’idéal unitaire »4. Dès lors, inspirée par l’histoire et enracinée dans
les profondes similitudes sociales, culturelles et religieuses, l’idée d’unification va être nourrie, jusqu’aux indépendances,
au giron du nationalisme maghrébin.

2. L’union maghrébine pendant la période coloniale


Durant la période coloniale, les manifestations intermittentes de solidarité contre les excès du pouvoir colonial5 finis-
sent par aboutir à une prise de conscience de la nécessité de coordination entre les mouvements nationalistes maghrébins
qui vont multiplier leur intention d’une union maghrébine, conçue comme un instrument de renaissance. En fait, le déve-
loppement de ce courant pro-maghrébin n’a été qu’un relais des courants de libération et de rénovation islamiques venus
d’Egypte, de Syrie, de Turquie et du Pakistan, sous l’influence des propagandistes de la Nahda al arabiya comme Jamal
Eddine El Afghani, Mohamed Abdou et Rachid Rédha.

Ce courant de propagande va donner naissance à des mouvements réformistes et modernistes dans les pays
d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie), tantôt sur le plan religieux, tantôt sur le plan politique : l’Association
des oulémas d’Algérie, fondée en 1931, par le cheikh Ben Badis, le mouvement réformiste marocain créé à Fès autour
du fkih Bel Ghazi et animé par Allal El Fassi et le Néo-destour tunisien, fondé en 1934 par Habib Bourguiba1.

Cependant, l’influence qui va féconder de la façon la plus décisive l’idée unitaire dans l’esprit des nationalistes
maghrébins, sera celle de la doctrine panarabe de l’émir druze Chakib Arslan, installé à Genève, d’où il a multiplié les
contacts avec les nationalistes maghrébins. Il rencontre successivement, les Tunisiens cheikh Thaâlbi et Habib Bour-
guiba, l’Algérien Messali Hadj et les Marocains Mohamed Bel Hassan El Ouazzani et Ahmed Balafredj2.

Peu à peu, les idées-forces de ces courants réformistes et panarabes se propageront à travers tous les mouvements mag-
hrébins à caractère religieux, culturel et politique et contribuerons à la naissance de ce que l’on pourrait qualifier de doctrine
« pro-maghrébine » et la première tentative d’union organique naît à Paris, en 1926 avec l’Etoile nord-africaine, association
regroupant les travailleurs nord-africains, dirigée par Messali Hadj.

L’année suivante, ce sont les étudiants qui créent l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA )
et vont militer dans ce cadre pour une Union nord-africaine. Un plan de revendications pour l’Afrique du Nord est
alors adopté en juin 1936 et présenté au Front populaire, au nom de l’Etoile nord-africaine, au Comité de défense des
libertés en Tunisie et au Comité de défense des intérêts marocains3. Grâce aux actions communes entre les mouve-
ments nationalistes, une dynamique de l’unité maghrébine commence à prendre forme et au début de la guerre, on
évoque déjà l’idée d’une fédération d’États nord-africains ou Union nord-africaine.

A partir de 1945, cette dynamique va se développer au sein de la Ligue des États arabes qui attirera de nombreux natio-
nalistes maghrébins en quête de facilités et de moyens de propagande enfin offerte par cette nouvelle organisation panarabe.
Deux congrès du Maghreb arabe seront organisés successivement au Caire en juillet 1945 et en février 1947. Cette ren-
contre des représentants des mouvements nationalistes d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie) étudie alors, les
moyens de renforcer les luttes nationales et d’établir les meilleurs conditions de concertation, et tout en recommandant de
resserrer les relations entre les mouvements constitutifs, le congrès décide de créer un bureau du Maghreb arabe au Caire.
Plutôt que de faire valoir l’unification du Maghreb, le congrès se soucia essentiellement d’assurer plus d’efficacité
aux luttes de libération, prononçant le vœu que : « L’indépendance totale commune soit le seul garant des indépendances
isolées d’Alger, de Marrakech et de Tunis »1. A son arrivé au Caire à la fin du mois de mai 1947, l’émir Abdelkrim, hé-
ros de la guerre du Rif, fonde le 9 décembre, le Comité de libération du Maghreb arabe où participent le PPA algérien,
les quatre partis nationalistes marocains et les deux Destours tunisiens. En janvier 1948, le Comité lance un manifeste, où
tous les partis membres s’engagent à lutter pour l’indépendance du Maghreb, le défunt président tunisien Habib Bour-
guiba voulant aller plus loin et créer déjà une Union nord-africaine.

Tenant ses assises à Tanger, en avril 1958, au cours de la guerre de libération algérienne, le Congrès de l’unité mag-
hrébine réunit les représentants du FLN (Front de libération nationale) du Néo-Destour tunisien et de l’Istiqlal maro-
cain. Mobilisant ses efforts au service de l’indépendance algérienne, le congrès exprima « la volonté unanime des peu-
ples maghrébins d’unifier leur destin dans le cadre d’une étroite solidarité d’intérêt » et fit valoir « l’opportunité de
mettre sur pied des institutions communes qui permettraient aux peuples d’assurer leur mission au sein des nations »,
déclarant que : « La forme fédérale était la plus appropriée par rapport à l’état des peuples réunis »1 et recommandant «
d’instituer, au cours de cette phase transitoire, un conseil consultatif représentatif et un secrétariat général permanent »2.
Mais, le congrès de l’unité signifiait aussi que la réalisation du Maghreb était ajournée jusqu’à nouvel ordre, puisqu’on
admettait en fait, un délai d’attente et qu’on prenait des mesures provisoires dont la mise en application serait remise à
plus tard et en attendant l’indépendance de toutes ses composantes, le Maghreb était donc différé et en sursis.

Les contradictions ne s’arrêtèrent pas là, puisqu’en dépit de leurs déclarations de solidarité et de l’affirmation de la
communauté de leur destin, le Maroc et la Tunisie ne réussirent pas à coordonner leur politique extérieure. Ainsi, rom-
pant avec l’Egypte dès 1956, la Tunisie ne put compter sur l’appui marocain et assuma son isolement en se retirant des
instances arabes. La proclamation de l’indépendance mauritanienne le 28 novembre 1960, contestée par le Maroc, dans
le cadre de ses velléités sahariennes, déclencha quant à elle la première crise maghrébine, alors que la Tunisie appuyait
l’admission de la République islamique de Mauritanie à l’ONU en octobre 1961.

3. L’union maghrébine après les indépendances

Avec la proclamation de l’indépendance algérienne en 1962, les données changent. Le nouveau gouvernement dé-
finit ses options en faveur d’une édification révolutionnaire et socialiste et les constructions nationales deviennent
prioritaires à travers toute la région. Ainsi, pour répondre aux attentes de leur population, les gouvernements maghré-
bins ont du s’atteler à mettre sur pied des programmes de développement, à tracer les grandes lignes de leur projet de
société et à mettre en place des appareils de production concurrents.

Les logiques nationales et les velléités d’expansion qu’elles impliquaient expliquent les problèmes de frontières et les
visées sahariennes. Un conflit latent ( l’affaire de la borne 233) opposa la Tunisie et l’Algérie de 1959 à 1970, alors que le
conflit algéro-marocain déclencha « la guerre des sables » et attisa les rivalités entre les deux Etats de 1963 à 1969 1.

L’apaisement relatif des conflits politiques, une certaine prise de conscience de l’impasse du développement dans les li-
mites de marchés exigus firent valoir la nécessité de coordonner la politique économique maghrébine. Réunis à Tunis du 29
septembre au 1er octobre 1964, quatre pays, l’Algérie, la Libye, le Maroc et la Tunisie, affirmèrent leur volonté d’instaurer
une coopération économique et de développer les échanges et décidèrent de créer le Comité permanent consultatif du Mag-
hreb (CPCM). Son siège sera érigé à Tunis et il aura la double mission de mettre au point un système de préférences com-
merciales régionales et de coordonner les politiques d’industrialisation (un centre d’études industrielles fut créé à cet effet),
de manière à faire prévaloir la complémentarité sur les « doubles emplois » dans les stratégies de développement national.
Un projet d’accord de coopération économique comprenant sept volets dans sa forme définitive est alors soigneu-
sement élaboré 2 :
1 – la réduction des barrières d’échanges ;
2 – la coopération dans le domaine industriel ;
3 – la coopération dans le domaine de l’agriculture et de l’artisanat ;
4 – les accords bilatéraux et trilatéraux ;
5 – les moyens propre à contribuer à une participation ;
6 – la coopération dans le domaine des paiements et du financement ;
7 – les dispositions générales et institutionnelles.
Le CPCM, organe purement consultatif, va voir son rôle se démultiplier à travers la création d’une série d’organes spé-
cialisés 3 dont la plupart sont sous tutelle, mais les résultats concrets obtenus pendant cette période ne furent pas à la mesure
des ambitions originales du CPCM.
Les échanges commerciaux intra-maghrébins resteront faibles, les progrès prévus en matière de coordination secto-
rielle (industrie, agriculture) très timides et l’harmonisation des plans nationaux de développement demeurait retardée.
Seuls quelques résultats seront obtenus dans les domaines des télécommunications et des transports ferroviaires et aé-
riens, et la 7ème réunion des ministres de l’Économie1 marquera la fin de la tentative d’institutionnalisation de la coopé-
ration maghrébine.
Au printemps 1970 déjà, l’annonce du retrait de la Libye du CPCM et l’adhésion de la Mauritanie en 1975, interviennent
pendant la période où la question du Sahara occidental va provoquer une rupture de douze années (1976-1987) dans les
relations algéro-marocaines. Parallèlement, le traité d’union mort-né entre la Libye et la Tunisie de janvier 1974, va provo-
quer une tension durable dont le paroxysme sera atteint en 1985, avec l’expulsion de milliers de travailleurs tunisiens de
Libye et la rupture diplomatique entre les deux pays. Ainsi, à partir de 1971, le Maghreb était déjà en proie à toutes sortes de
conflits bilatéraux :
– le conflit maroco-libyen à l’occasion du putsch manqué de Skhirat ;
– la crise tuniso-libyenne, à la suite de l’union avortée de l’accord signé à Jerba le 12 janvier 1974 ;
– la crise algéro-marocaine relative au déclenchement de l’affaire du Sahara occidental en novembre 1975 ;
– La crise tuniso-libyenne provoquée par l’affaire de Gafsa en janvier 1980.
Faisant prévaloir une division entre trois axes au Maghreb au début des années 1980 :
– l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie qui concluent un traité de fraternité et de concorde en mars 1983 ;
– l’Algérie et la Libye qui ratifient un traité de concorde ;
– la Libye et le Maroc qui signent le traité d’union d’Oujda en août 1984.
Le Maghreb des axes aura condamné les relations multilatérales, mais a eu l’avantage de mettre en évidence les premières
complémentarités économiques existantes entre les pays de la région et de stimuler le bilatéralisme économique. Le traité de
concorde algéro-libyen a permis la coopération dans les zones frontalières, avec la mise en place d’un régime spécial de cir-
culation frontalière et la création de sociétés industrielles conjointes, notamment la Société de fabrication de moteurs Diesel
(SAMKO) et la Société algéro-tunisienne de ciment blanc. Le traité d’union d’Oujda a quant à lui permis des échanges entre
la Libye importatrice de produits agricoles, de matériaux de construction, de textiles et de produits de confection, de chaussu-
res et de main d’œuvre et le Maroc importateur de pétrole.

La concrétisation de l’édification maghrébine


1. Le cheminement de l’édification de l’Union du Maghreb arabe
Pourrions-nous définir et mettre en évidence les principales raisons qui ont poussé les cinq Etats maghrébins à opter
pour une intégration régionale ? Le sommet maghrébin tenu à Zéralda (Algérie) en 1988 et qui a vu la concrétisation du
premier jalon de l’édification de l’UMA résultait du cheminement logique de trois grands faits majeurs :

Les raisons politiques


A partir de 1986, avec la rupture de l’union arabo-africaine, les relations bilatérales vont être rétablies :
– les relations entre l’Algérie et le Maroc seront enfin rétablies après la rencontre du chef d’Etat algérien et du sou-
verain marocain en présence du roi Fahd d’Arabie Saoudite le 24 mai 1988 au poste frontalier Akid Lotfi. Celle-ci vi-
sait l’instauration d’un dialogue basé sur la volonté commune de dédramatiser l’affaire du Sahara (une première ren-
contre avait précédée celle-ci, le 26 février 1983) ;
– après le changement du régime en Tunisie le 7 novembre 1987, les relations entre la Tunisie et la Libye seront
également réanimées le 28 décembre 1987 ;
– le rapprochement entre l’Algérie et le Maroc et celui de la Tunisie avec la Libye créent un nouvel équilibre poli-
tique au Maghreb. Cet équilibre est dynamique et non plus statique, les cinq pays proposant un processus multilatéra-
lisé où l’Algérie et le Maroc semblaient manifester la même volonté de tenter de se débarrasser du poids de la question
du Sahara ;
– le cadre maghrébin offrait à la Tunisie l’avantage de sortir de son tête à tête avec l’Algérie et de renouer avec la
Libye dans un cadre maghrébin en évitant une aventure unioniste ;
– le Maghreb constituait pour la Libye à la fois un excellent ancrage contre l’isolement, une promesse de solidari-
té contre les menaces américaines et aussi l’espoir de pouvoir jouer un nouveau rôle dans la région ;
– pour la Mauritanie, le Maghreb constituait une carte qui lui permettait de répondre aux aspirations arabo-berbères
de sa population, d’éviter les tiraillements entre Rabat et Alger et d’espérer une solution au problème du Sahara occi-
dental ;
Enfin, pour les cinq pays, la crise due aux échecs des modèles de développement a joué également un rôle révé-
lateur sur le terrain politique, puisqu’elle a précipité l’échec du parti unique en Algérie et en Tunisie. Mais,
l’obligation d’adopter des systèmes de transition vers la démocratie et l’accumulation des problèmes économiques
et sociaux ont également alimenté des poussées de fièvre intégriste qui menaçaient dangereusement les pouvoirs en
place.

Les raisons économiques


Aux données politiques sus citées, il faut également noter que dans toutes les capitales maghrébines, une vérité
d’expérience a fini par s’imposer aux gouvernements des cinq pays de la région. En effet, au début de l’année 1988,
les sources des menaces économiques, sociales et politiques provenaient finalement moins des États voisins que des
effets négatifs des politiques économiques intérieures et des impacts pervers de l’économie mondiale.
Les développements économiques des pays maghrébins ont été obérés par plusieurs hypothèques. Tout d’abord
celle de la crise économique internationale à laquelle, à des degrés divers, ils demeuraient confrontés en raison de la
baisse tendancielle des cours des exportations maghrébines sur le marché mondial : pétrole (Algérie, Libye et Tuni-
sie) ; phosphates (Maroc et Tunisie) ; fer (Mauritanie), gaz naturel (Algérie).
En outre, le poids de l’endettement était devenu alarmant et compromettait plus les perspectives de développe-
ment du Maghreb : la dette maghrébine atteignait un montant total de 58,2 milliards de dollars US pour une popula-
tion de près de 62 millions d’habitants, soit un endettement de 939 dollars US environ par habitant (Banque mon-
diale, 1990). En pourcentage des exportations de biens et services, le service total de la dette est passé entre 1970 et
1988, de 4% à 77% en Algérie, de 9,2% à 25,1% au Maroc, de 3,4% à 21,6% en Mauritanie, et de 19,7% à 25,5% en
Tunisie1. Cette situation était d’autant plus grave qu’une fraction importante des recettes d’exportations de chacun
des pays servait à payer une importante facture alimentaire, résultant à la fois de causes externes (la baisse des cours
mondiaux de produits agricoles ne permettant pas aux agricultures maghrébines d’être compétitives face aux agri-
cultures européenne et américaine, traditionnelles fournisseuses de la région) et des choix de développement contes-
tables : l’Algérie et la Libye ont privilégié l’industrialisation au détriment du secteur agricole, la Mauritanie a tout
misé sur l’extraction du minerai de fer, alors qu’en optant pour des choix agro-exportateurs, le Maroc et la Tunisie
n’ont pas su apprécier les rapports cultures vivrières/cultures de rentes.
A la veille du sommet de Zéralda en 1988, tous les régimes maghrébins se débattaient donc dans des problèmes
inextricables de chômage, de désinvestissement aussi bien du capital national qu’étranger, d’une détériora tion des
termes de l’échange et de baisses des ressources en devises, d’un excès d’endettement, d’une détérioration des
balances commerciales globales et agricoles, des pesanteurs des systèmes bureaucratiques politico-administratifs
qui freinaient toutes les réformes économiques déjà entamées et qui hypothéquaient l’adaptation des processus de
développement économique et politique aux réalités des impératifs sociaux. Partout les remèdes à la crise écono-
mique avaient produit des effets pervers, aggravés par les retards plus ou moins importants du secteur agro-
alimentaire et par les échecs de l’industrialisation de l’entreprise publique lourde, coûteuse, non compétitive et
incapable d’affronter les rigueurs du marché mondial.
Confrontés à d’autres demandes, les États n’ont plus supporté, hormis dans les branches stratégiques (les secteurs
d’exportation), les déficits croissants des entreprises publiques industrielles qui ne pouvaient ni exporter ni jouer
convenablement leur rôle d’industries de substitution et même, dans les deux pays pétroliers (Algérie et Libye),
l’Etat fut obligé de se désengager du secteur industriel, commercial et du secteur agricole considéré pendant de lon-
gues années comme la propriété exclusive de l’État.
Au cours des années 1980, les dirigeants maghrébins se rendirent compte, l’un après l’autre qu’ils étaient aux pri-
ses avec les mêmes réalités, confrontés aux mêmes difficultés, alors qu’il existait de plus en plus des impératifs ras-
sembleurs, susceptibles de substituer aux rivalités internes des objectifs communs, orientés vers la nécessité de conju-
rer ensemble les mêmes défis.

Le fait géostratégique
Un autre constat s’impose aux dirigeants maghrébins et a trait cette fois à la dynamique de l’économie mondiale,
caractérisée par une tripolarisation de l’espace économique international, puisque trois zones de prospérité étaient
en train de s’affronter et s’adonner à une véritable guerre économique : la zone américaine (construite autour des
Etats-Unis, du Canada, du Mexique et d’autres pays d’Amérique centrale et latine), la zone européenne centrée
autour de la Communauté économique européenne et la zone pacifique menée par le Japon et les « cinq dragons
asiatiques ».
Plus que jamais, les rapports de force dans le monde devenaient tributaires de la puissance des grands ensembles
économiques régionaux qui se construisaient et devenaient des centres de décision de l’économie mondiale.
L’évolution de l’économie internationale était en effet très marquée par la globalisation des relations économiques
internationales, par la domination des plus puissants et par les exigences des institutions financières et monétaires
internationales.
Dans ce découpage international, ne pouvaient espérer rester en lice que les pays qui auraient compris que
l’efficacité et la compétitivité étaient désormais les deux maîtres-mots des relations économiques internationales.
Les cinq pays maghrébins se retrouvaient donc devant une série de défis qu’il était puéril de soutenir qu’ils po u-
vaient affronter séparément et que leur survie résidait dans l’achèvement des réformes économiques entamées
durant la décennie 1980, visant à libéraliser leurs économies et à mieux les intégrer dans l’espace économique
mondial et que le sérieux avec lequel ils seront pris en considération par les autres regroupements régionaux dé-
pendait de leur capacité de s’ériger en un espace économique régional efficace et fort.
C’est dans ce contexte que fut décidé le sommet de Zéralda. La volonté politique des dirigeants était d’aller vite et
bien, dans l’harmonisation des systèmes économiques et sociaux, afin d’aboutir à la constitution d’un espace libre et
homogène devant garantir progressivement la libre circulation des capitaux, des marchandises, des services et des
personnes, la relance de la construction maghrébine, apparaissant alors aux yeux de tous comme un impératif vital et
crucial.
Tous ces événements ont fait que le sommet de Zéralda a bénéficié d’un contexte général favorable, caractérisé
par une dynamisation de coopération bilatérale et multilatérale et par la volonté de tous les États maghrébins de lever
les obstacles à la circulation des biens et des personnes. De plus, le roi Fahd d’Arabie Saoudite qui tenait à parache-
ver sa médiation entre le chef d’État algérien et le souverain marocain par une réconciliation spectaculaire et défini-
tive entre eux, plus facile dans un cadre maghrébin, marquait de sa présence à Zéralda l’ouverture du sommet ma g-
hrébin.
Le 10 juin 1988, le processus unitaire est officiellement relancé et les chefs d’Etats adoptent le principe de réunions
au sommet à tour de rôle, dans les capitales maghrébines et la création d’une commission politique de concertation,
d’animation et de coordination, au niveau des ministères des Affaires étrangères devant leur proposer une approche
commune pour l’édification de l’ensemble régional.
Cette commission a tenu sa première session à Alger les 13 et 14 juillet 1988 et a créé cinq sous-commissions spé-
cialisées, composées d’experts (un par État membre), ayant pour mandat d’élaborer, chacune dans son domaine, une
approche de l’intégration devant lui être ensuite soumise. Ainsi, les 14 et 15 septembre, la sous-commission des affaires
financières et douanières est installée à Rabat. Le 17 septembre, la sous- commission de l’organisation et des structures
est installée à Tripoli et celle de l’éducation, de l’enseignement et de la culture à Alger. Enfin, la sous-commission des
questions humaines, sociales et de sécurité est installée à Tunis le 23 septembre. Les différentes commissions planchè-
rent sur leurs travaux pendant 8 mois et en février 1989, le traité de l’UMA (Union du Maghreb arabe) fut élaboré.

2. L’adoption du traité de Marrakech et la naissance de l’Union du Maghreb arabe


Malgré les implications tendant à remettre en cause des pans de souverainetés nationales aux décideurs politiques qui
prenaient auparavant les décisions qu’ils jugeaient les meilleures pour le développement économique et social individuel
de leur « Etat-nation », le deuxième sommet maghrébin tenu le 19 février 1989 à Marrakech, voit l’adoption du traité de
l’UMA qui définit les modalités d’une construction maghrébine et sa stratégie de développement.
Différentes commissions sectorielles ont travaillé de manière très conjoncturelle pour tenter de mettre en place
progressivement :
– une zone de libre-échange supposant, la libre circulation des produits entre les partenaires1 ;
– une union douanière2 et donc de nouveaux instruments communs de gestion tels que l’unification des tarifs douaniers
et l’élaboration de politiques unifiées, visant à définir les règles communes devant permettre la mise en œuvre d’un sys-
tème de régulation économique dans la région.
L’objectif à atteindre en dernier ressort consiste en l’établissement d’un marché commun 3 et d’une unité écono-
mique progressive et globale, prélude à la meilleure complémentarité entre les cinq pays de la région.

Le cadre institutionnel de l’UMA


(Cette sous-section est très largement inspirée de l’ouvrage de Mohamed Ben el Hassan Alaoui intitulé : La coopération
entre L’Union européenne et les pays du Maghreb, Ed. Nathan, Paris, 1994).
La manière dont s’est engagée l’UMA, ne serait-ce que par sa démarche pragmatique et progressive est apparue exem-
plaire pour beaucoup d’observateurs. Les avantages ont été particulièrement remarquables dans la mise en place des institu-
tions.
Tant sur les plans institutionnel qu’administratif, le traité de l’UMA reflétait une ambition beaucoup plus importante
que celle du Comité permanent consultatif du maghreb (CPCM). L’ampleur dont s’est dotée la nouvelle tentative d’union
maghrébine fait transparaître la volonté d’englober cette fois-ci de nombreux aspects jusque-là non pris en compte, appa-
raissant clairement à travers la structure institutionnelle ainsi composée :
– le Conseil présidentiel, constitué par les chefs d’État des pays membres, seul habilité à prendre les décisions qui
sont prises à l’unanimité. La présidence du conseil d’une durée de 6 mois, est assurée par rotation entre les chefs
d’État ;
– le Conseil des Premiers ministres ;
– le Conseil des ministres des Affaires étrangères ;
– le Comité de suivi et les commissions ministérielles spécialisées ;
– le Conseil ministériel composé des Premiers ministres, des ministres des Affaires étrangères et des ministres chargés des
Affaires maghrébines des États membres ;
– le Madjliss echoura ou Conseil consultatif (assemblée émanant des parlements ou instances représentatives na-
tionales) ;
– la Cour de justice (10 magistrats) ;
– le Secrétariat général permanent.
Les organes de l’Union peuvent être classés en « organes politiques » (Conseil présidentiel, Conseil des ministres des
Affaires étrangères, Comité de suivi et Conseil consultatif ) et en « organes techniques » (commissions ministérielles spé-
cialisées et Secrétariat général).
Le Comité de suivi constituant un organe à la fois politique et technique, coordonnant l’action des deux instances. Le
conseil consultatif (instance législative) et l’instance judiciaire occupant une place à part dans l’édifice.

Les organes politiques


Le Conseil présidentiel
L’article 6 du traité stipule : « Le Conseil présidentiel est seul habilité à prendre des décisions à l’unanimité ». De
ce fait, il est l’instance suprême de l’Union. L’examen des décisions prises par les chefs d’Etats au cours des six ses-
sions ordinaires du Conseil présidentiel, qui ont eu lieu entre janvier 1990 et avril 1994 révèle en effet qu’aucun do-
maine d’activité n’échappe à leur contrôle.
L’article 4 du traité stipule que « la présidence est d’une durée de 6 mois » (elle est désormais d’une année suite à
la décision prise au sommet de Nouakchott en 1992) et lors de la cinquième session, la décision est prise de tenir des
sessions annuelles.
A tour de rôle, entre chaque session, un chef d’Etat maghrébin présidera la session, mais ses pouvoirs sont extrême-
ment limités. En aucun cas il ne peut se substituer aux autres chefs d’Etat et prendre des décisions même secondaires,
concernant l’Union. Le seul pouvoir qui lui soit en fait explicitement reconnu est le contrôle du Secrétariat général et donc
un simple contrôle de l’activité administrative. Mais, au cours de la quatrième session ordinaire, l’amendement de l’article
6 abandonne la règle de l’unanimité pour ce qui est des modalités de prise de décisions.
Le Conseil présidentiel assume des fonctions législatives, amendant à plusieurs reprises le traité, approuvant les
propositions préparées par les différentes instances. A chaque session, celui-ci adopte un certain nombre de résolutions
et de recommandations concernant le « programme d’action ».
Par le biais des résolutions, le Conseil décide les amendements au traité, aux règlements intérieurs des différen-
tes structures et procède à la création d’institutions maghrébines. Il traite les questions de politiqu e extérieure ainsi
que les relations de l’Union avec les autres organisations régionales. C’est aussi par le biais de résolutions qu’il
adopte les conventions (douanières, commerciales…) préparant l’intégration des économies maghrébines et fixant
la nature des relations à établir au plan extérieur.
Par ses recommandations, le Conseil encourage aussi les activités des structures de l’UMA et définit leurs orienta-
tions. Non seulement les chefs d’Etat sont seuls à décider de la création de nouvelles institutions, mais encore les rè-
glements intérieurs des différents organes de l’Union doivent leur être soumis, ainsi que toutes réformes introduites.
Le Conseil présidentiel a donc de très larges pouvoirs, tant exécutifs que législatifs. Non seulement il est le seul à
juger de l’opportunité de prendre des décisions à adopter ou à rejeter pour compléments d’informations, à recevoir les
propositions des différents conseils, mais il a aussi un rôle d’impulsion, définissant les priorités et orientant la marche
vers l’Union.
Cette concentration du pouvoir pose en réalité de grands problèmes dans la mesure où les activités de l’Union sont
bloquées lorsque les conseils s’espacent (pendant la guerre du Golfe, huit mois ont séparé la 2 ème session d’Alger et la
3ème à Ras Lanouf, la 5ème se tiendra quant à elle plus d’une année plus tard que la date préalablement prévue à Nouak-
chott et la 6ème 16 mois plus tard).

Le Conseil des ministres des Affaires étrangères (CMAE)


L’article 8 du traité de Marrakech lui attribue la fonction de préparer les sessions du Conseil présidentiel d’examiner
les questions que lui soumettent le Comité de suivi et les commissions ministérielles spécialisées. Il soumet ses travaux
au secrétariat présidentiel qui entérine les budgets et approuve les comptes annuels et constitue ainsi le principal relais
entre le Conseil présidentiel et les autres organes de l’Union de par les rôles qui lui sont attribués, à savoir :
– l’analyse et la transmission des projets et recommandations des CMS ;
– l’élaboration de rapports au Conseil présidentiel au sujet de l’exécution des décisions ;
– le respect des orientations du « programme d’action » ;
– le suivi de la concertation politique au sein de l’UMA en matière de politique étrangère.

Le Comité de suivi
Formé d’un représentant, membre du gouvernement de chaque Etat membre, il est chargé du suivi des affaires de
l’Union et soumet ses travaux au CMAE. Il est défini comme une institution veillant à l’application des décisions de
l’Union, ayant pour rôle primordial de mettre en valeur toute proposition visant à conforter son intégration. On lit dans
son règlement intérieur :
– « chacun du Comité de suivi a un rôle national et un rôle maghrébin »;
– « le Comité de suivi suit les affaires de l’Union de manière globale en coordination avec les autres institutions, parti-
culièrement le Secrétariat général et les CMS ».
Réservoir d’idées, de projets et institution d’élaboration des principaux textes, il est incontestable que le Comité de
suivi a joué un rôle central lors des premières années de l’UMA. Depuis sa création en juillet 1989, il s’est réuni assez
régulièrement et a tenu jusqu’à février 1994, 27 sessions au cours desquelles, une lecture du bilan des progrès enregis-
trés dans le processus d’intégration est faite et un véritable travail de synthèse est élaboré, sous la forme d’un texte
final en collaboration avec le Secrétariat général ;
– « le Comité de suivi est une institution qui veille à l’application des décisions et qui encourage le travail unitaire
»1.
En plus de l’examination des projets élaborés par les délégations des pays membres, le Comité de suivi prend l’initiative
de réclamer à ses délégations des éclaircissements sur des points précis jugés opportuns. Mais s’il assume surtout une fonc-
tion d’exhortation à l’Union, aucun pouvoir ne lui est reconnu pour imposer une marche à suivre ou une prise de décision.
Il est enfin la structure qui a le plus souvent appelé au parachèvement des institutions de l’Union. Il est utile de si-
gnaler que, faute d’un secrétariat général suffisamment structuré, le Comité de suivi a été amené à se préoccuper de
questions d’administration et de gestion.

« Madjliss echoura » (le Conseil consultatif)


Prévu par l’article 12 du traité, le comité tient sa réunion constitutive en juin 1989 et est installé le mois
d’octobre suivant, mais ce n’est qu’en septembre 1991 que son siège est fixé à Alger. Depuis sa création, le nombre
de représentants par pays est passé de 10 à 20 puis à 30 députés.
Le Conseil forme un bureau de cinq membres et comprend cinq commissions :
– la commission des affaires politiques ;
– la commission de l’économie, des finances, de la planification et de la sécurité ;
– la commission des affaires juridiques ;
– la commission des ressources humaines ;
– la commission de l’infrastructure.
De par sa position dans la hiérarchie des différentes institutions maghrébines et surtout par le rôle qui lui est dévo-
lu, il a été appelé à jouer un rôle important dans l’édifice institutionnel maghrébin, dès sa création en 1989.
Ses attributions qui sont précisées dans l’article 12 du traité lui confèrent les capacités :
– d’imposer aux CMS de lui soumettre leurs travaux avant qu’ils ne soient transmis au Conseil présidentiel ;
– de donner son avis sur tout projet de décision que lui soumet le Conseil présidentiel ;
– soumettre à ce Conseil des recommandations de nature à « renforcer l’Union ».

Les organes techniques


Le Secrétariat général
L’article 11 du traité de Marrakech prévoit la mise en place d’un secrétariat général itinérant. Les difficultés que ren-
contre l’organisation d’une telle situation expliquent son absorption par le Comité de suivi pendant les premières années
de l’UMA. Dès la signature du traité, le problème crucial qui se posa au Secrétariat général fut la « longue » question du
siège. En effet, dès la première session du Conseil présidentiel qui a vu la nomination d’un secrétaire général (pour une
durée de trois années renouvelable une seule fois), l’article 11 du traité de Marrakech est amendé et il est décidé de doter
cette institution d’un siège permanent. Mais ce n’est qu’au cours de la 4ème session du Conseil présidentiel tenue à Casa-
blanca en septembre 1991, que le siège du Secrétariat général sera fixé à Rabat. celui-ci a pour attribution :
– d’assurer le secrétariat du Conseil présidentiel, du CMAE, du Comité de suivi et des CMS ;
– de coordonner la mise en œuvre des décisions du Conseil présidentiel avec les autres organes ;
– de participer à l’élaboration du plan d’application en coordination avec le Comité de suivi ;
– de garder les archives de l’Union ;
– de nouer des relations avec les organisations régionales similaires.

Les commissions ministérielles spécialisées (CMS)


Elles sont prévues au nombre de quatre par l’article 10 du traité et ont été créées en janvier 1990, lors du Conseil
présidentiel qui leur a fixé leurs attributions :
– la commission des ressources humaines ;
– la commission de l’économie et des finances ;
– la commission chargée de l’infrastructure ;
– la commission chargée de la sécurité alimentaire.
Chaque commission comprend des conseils sectoriels regroupant les ministres des secteurs concernés et des experts
chargés par les responsables politiques, entre chaque session ordinaire du Conseil présidentiel, de l’étude de différentes
questions intéressant leurs commissions. Au sein de chaque commission, le travail est fondé sur un programme d’action.

La CMS ressources humaines


Ses attributions peuvent être regroupées en deux pôles : la formation des générations maghrébines futures (éducation,
enseignement, formation, recherche scientifique et sport) et les problèmes de société (culture, emploi, santé, circulation
des personnes et émigration). C’est le Conseil des ministres qui définit les priorités et répartit les tâches entre les diffé-
rents comités de travail.
Des comités d’experts sont constitués en fonction des études à effectuer et présentent leurs conclusions aux comités
de travail. Ces comités font un rapport au Conseil des ministres qui le transmet après étude, à la commission avant que
ces propositions ne soient transmises au Conseil présidentiel par l’intermédiaire du CMAE.

La CMS économie et finances


Ses domaines d’attribution regroupent la planification, l’énergie et les mines, les finances, l’industrie, l’artisanat et
le secteur tertiaire (services et tourisme). Des travaux très importants entrent dans les prérogatives de cette commis-
sion, dont on peut citer parmi les plus importantes : les conventions financières (double imposition, garanties des in-
vestissements), l’assurance et la réassurance, les nomenclatures douanières, la création d’une banque maghrébine, les
investissements et le commerce extérieur.

La CMS de l’infrastructure
Elle est chargée de toutes les questions traitant de communication (PTT et transport), d’équipement (travaux pu-
blics et irrigation) et d’habitat (urbanisme). La question de l’irrigation la concerne au même titre que la CMS sécurité
alimentaire.

La CMS sécurité alimentaire


Ses attributions dépendent, en même temps, des ministères de l’Agriculture et de la Pêche. Contrairement aux au-
tres commissions, cette dernière fonctionne de manière globale sans se subdiviser en Conseils des ministres.
Quatre comités de travail : développement agricole, eaux et amendement des sols, développement de la production
halieutique et développement de l’industrie agro-alimentaire, élaborent différentes études se rapportant au secteur
agricole et alimentaire et émettent des propositions. Le principal objectif demeure la recherche et la mise en œuvre de
la coordination des politiques agricoles nationales.
Il est important de noter le rôle fondamental qu’ont eu les CMS dans l’édification de l’union maghrébine. C’est en effet
dans ces commissions, au sein des comités d’experts qu’ont été étudiés, les degrés de faisabilité et de mise en œuvre des
grands projets de la construction maghrébine. Un travail de fond, essentiel en amont, constitue le fondement des études,
avant leur approbation au cours des sessions du Conseil présidentiel.

L’instance judiciaire
Cette instance, pourtant combien importante dans une organisation régionale a été l’une des dernières institutions à
voir le jour. Après maintes recommandations du Comité de suivi, cette instance ne verra son règlement intérieur ap-
prouvé par les chefs d’État, qu’une année après la signature du traité de Marrakech, au sommet de Ras Lanouf en 1991
et ne se verra attribué un siège permanent qu’à la quatrième session ordinaire des chefs d’État en Mauritanie.
Chaque État membre de l’Union y est représenté par deux juges. L’article 19 de son règlement stipule que la cour
siège en permanence dès qu’elle réunit 8 de ses membres, à condition que tous les Etats soient représentés. La cour se
fonde pour ses avis sur les textes élaborés et conclus au sein de l’UMA, sur les principes généraux de droit commun
reconnus par les pays membres, ainsi que sur les principes généraux du droit international.

LES ENTRAVES A L’EDIFICATION MAGHREBINE

Un certain nombre de difficultés remarquables, d’ailleurs enregistrées dans toutes les tentatives d’intégration ré-
gionale à travers le monde, ont entravé la bonne évolution de l’édification maghrébine.

Les difficultés d’ordre institutionnel


Elles constituent l’une des plus grandes difficultés rencontrées. L’ordre institutionnel et la concentration de la prise
de décision surtout, constituent en effet dans une large mesure les deux grands facteurs limitant l’intégration maghré-
bine.
L’entreprise d’intégration implique en effet un changement de nature dans les relations entre les Etats membres du
nouvel ensemble qui passent du stade de la coopération volontaire entre Etats à celui de la création (consentie) d’un en-
semble communautaire doté d’institutions communes et d’un droit commun. « Alors que dans le cadre des relations ordi-
naires, les Etats s’engagent dans un processus de coopération économique et commerciale où l’harmonisation de leurs
droits apparaît rarement comme un impératif, les choses changent lorsqu’on dépasse la coopération et que l’on s’engage
dans un processus d’intégration… La mise en place d’un système économique unifié exige la création d’institutions et de
structures juridiques adéquates, l’ordre juridique d’une économie internationale ayant en effet, un contenu différent de
l’ordre juridique correspondant à un schéma d’intégration » (Cerexhe E.)1.
Le problème crucial qu’a toujours soulevé cette logique consiste à trouver une solution d’équilibre, acceptable par
les Etats jaloux de leur souveraineté, qui garantisse en même temps l’efficacité des institutions communautaires. Cette
question a pendant fort longtemps suscité les débats les plus animés entre les partisans et les adversaires de la doctrine
dite de la « supranationale », aussi bien au sein des organisations régionales qu’internationales et demeure à l’origine
de l’échec ou du blocage de nombreux projets d’intégration. Le choix à faire et qui est au centre des débats, réside
entre la persistance de la prédominance du politique et l’affirmation d’un idéal communautaire.
Certaines expériences d’intégration ont finalement échoué en raison du fait que dans les instances communautaires qui
ont été créées, l’accent a été mis sur la prédominance exclusive du politique par le biais de la concentration du pouvoir de
décision entre les mains d’organes politiques « comme c’est justement le cas de l’UMA » au détriment des institutions
communautaires qui se retrouvent réduites au rang d’organes subalternes dépourvus de toute autorité réelle et en tout cas
incapables de représenter l’intérêt communautaire face aux intérêts des Etats pris individuellement.
Un équilibre institutionnel viable doit donc être trouvé en vue de calmer les appréhensions des Etats et de donner en
même temps aux instances communautaires l’efficacité nécessaire pour assurer la concrétisation des objectifs communs.
Il n’existe assurément pas de modèle idéal qui soit intégralement transposable d’une expérience à une autre. Le modèle
européen que l’on prend souvent pour référence, connaît des difficultés sérieuses dans des domaines aussi importants que
la politique commune en matière d’énergie, de recherche scientifique, de transport, de politique monétaire et
d’agriculture.
Ces difficultés sont dans une large mesure dues :
– à la faiblesse de la dynamique institutionnelle ;
– à la rigueur du mécanisme de vote marquée, au niveau de l’organe de représentation politique, par l’exigence du
vote unanimiste et la capacité de blocage qu’il donne à la minorité qui constituent un sérieux obstacle au développe-
ment de la communauté européenne.
Les difficultés d’ordre politique
L’hypothèse politique a beaucoup retardé l’intégration économique maghrébine. L’élément le plus évident, est
qu’il y a eu un certain nombre de conflits réels qui ont constitué de très sérieux obstacles à tout rapprochement politi-
que et à toute coopération économique sérieuse. Il faut au préalable signaler les innombrables problèmes de frontières
hérités de la période coloniale qui ont confrontés les Etats à des conflits territoriaux non résolus.
Parmi les différends les plus persistants dans la région, le conflit du Sahara occidental reste de loin le plus inquié-
tant. Il s’agit là d’un dossier épineux pour lequel toutes les tentatives de médiation et de conciliation ont jusqu’à pré-
sent échouées et dont l’absence de solution hypothèque toute tentative de rapprochement entre l’Algérie et le Maroc et
empoisonne les relations maghrébines.
A ces conflits s’ajoutent les divergences idéologiques et d’options politiques entre les pays membres auxquelles il
faut ajouter le sens aigu de l’identité nationale chez les dirigeants maghrébins et le fait que les souverainetés nationa-
les sont encore trop récentes pour que les gouvernements acceptent d’en céder la plus infime partie.

Les difficultés d’ordre économique


Les limites des stratégies économiques nationales
La dégradation des situations socio-économiques nationales et sa stagnation constitue incontestablement l’un des
principaux obstacles à l’intégration maghrébine. Il est en effet difficile d’imposer à une nation d’atteindre des objectifs
communautaires quand l’objectif de développement économique national lui-même n’est pas encore atteint. Or, pour
les cinq pays maghrébins, ce dernier est loin d’être réalisé et ceci explique bien les réticences individuelles, légitimes
d’ailleurs, de chaque partie mise en cause, devant le choix entre l’objectif national et celui communautaire.
Pourtant une réalité de fait montre qu’aujourd’hui, les choix économiques des cinq pays semblent avoir atteint leurs
propres limites. La très réelle diversification industrielle des économies marocaine et tunisienne, le développement des
industries pétrolières et gazières algérienne et libyenne, le développement de l’agriculture marocaine et celui des pro-
ductions halieutiques et du secteur d’extraction minier mauritanien ont été réalisés en fonction d’une demande externe.
L’Algérie a axé tous ses efforts de développement économique sur le secteur des hydrocarbures, dont les ressources ont
financé la mise en place d’une industrie lourde devant théoriquement satisfaire les besoins d’un marché interne et entraîner la
création d’un tissu industriel annexe (industries mécaniques, industries légères et agro-alimentaires ) et favoriser le dévelop-
pement d’une agriculture productive et performante. Elle importe aujourd’hui les 2/3 de sa consommation alimentaire et le
potentiel industriel en place ne fonctionne qu’à 30% en raison des difficultés afférentes au renouvellement des investisse-
ments et à l’entretien des capacités existantes.
La Libye a basé et concentré son développement économique sur ses ressources pétrolières, dont les recettes d’exportation
lui ont permis un important pouvoir d’achat international, mais n’a pas accordé d’attention particulière au développement de
ses autres secteurs d’activité économique.
Elle se retrouve de ce fait dépendante du marché extérieur aussi bien pour de nombreux produits alimentaires de
base que pour les équipements et les produits intermédiaires devant assurer le fonctionnement de ses équipements
pétroliers. Il faut rajouter à cela la pression de l’embargo international auquel elle a été soumise depuis 1992.
Le Maroc et la Tunisie qui ont misé sur leurs secteurs agro-exportateur et manufacturier se retrouvent aujourd’hui
dans une impasse commerciale. Les marchés traditionnels (la CEE notamment), ayant tendance à se fermer ou à être
difficiles d’accès depuis l’élargissement de la communauté européenne à certains pays de la rive sud méditerranéenne,
l’application rigoureuse des mesures protectionnistes de la politique agricole européenne commune et l’émergence de
nouveaux pays industrialisés à industries manufacturières très compétitives.
La Mauritanie dont l’économie repose essentiellement sur le minerai de fer et les productions halieutiques a une industrie
qui se résume en un saupoudrage de petites unités industrielles de transformation juxtaposées, sans liens entre elles ni avec
ses ressources naturelles locales qui, en dehors des industries de la pêche, ne sont nullement valorisées localement. La situa-
tion de mévente du fer et la chute de sa production, liées à la crise des sidérurgies occidentales ont constitué un goulot
d’étranglement sérieux à son économie et le secteur de la pêche qui représentait environ 11% du PNB en 1997 y est actuel-
lement le secteur de production le plus dynamique.
Il faut ajouter à cela une raison d’ordre économique souvent avancée mettant en relief la nature semi-concurrentielle des
appareils productifs. Les pays maghrébins produisent une très large gamme des mêmes produits agricoles (fruits, légumes,
huile d’olive et vins…), de la pêche et manufacturiers (textiles, bonneterie, cuir et maroquinerie) rétrécissant encore plus leurs
complémentarités économiques. Deux remarques s’imposent ainsi :
– l’aspect semi-concurrentiel est plus saillant sur les marchés d’exportation (le marché communautaire européen
notamment) que sur le marché maghrébin, qui reste largement un marché de demande ;
– alors que paradoxalement, la capacité d’absorption des produits exportés par certains pays de la région est loin
d’être négligeable chez leurs voisins maghrébins.

Le poids de la dette extérieure


Les cinq pays maghrébins présentent un endettement extrêmement lourd. Malgré les signes de redressement
apparus en Algérie, au Maroc et en Tunisie, il n’empêche qu’ils continuent à subir des prélèvements importants au
titre du service de leurs dettes extérieures, alors que le financement de toutes les économies de la région nécessite
un besoin important de devises, traditionnellement fournies par les institutions financières internationales et prin-
cipalement utilisées pour :
– assurer le fonctionnement, l’extension et la diversification des appareils de production existants et la fourniture
de matières premières nécessaires à leur fonctionnement ;
– créer des investissements dans des activités de substitution aux importations ;
– créer des emplois pour résorber le chômage grandissant dans la région ;
– assurer le financement des importations.
Selon les données de l’Office statistique des communautés européennes, la dette extérieure des pays du Maghreb
atteignait 62,44 milliards de dollards US en 1992 et s’est considérablement accrue depuis, devenant inquiétante,
lorsque l’on considère les masses financières en jeu, les besoins financiers futurs ainsi que les conséquences, tant
économiques que sociales qu’un tel endettement peut engendrer.
Mis à part la Libye, en dehors du fait que derrière cet endettement global se cache une hétérogénéité des situations,
les quatre autres pays sont confrontés à des problèmes très sérieux face au poids de leur dette et de son service.

Évolution de la dette extérieure des pays maghrébins 1988-1992

Unité : millions de dollars US.


Dette totale Service de la dette

Montant total Dette en % Montant total PNB En % des exportations

1988 1990 1992 1988 1990 1992 1988 1990 1992 1988 1990 1992

Algérie 24158 28393 26300 42,2 61,2 61 5464 8780 9277 66,9 64,9 71,9

Libye 2406 2840 4212 10,5 12,2 18,9 231 457 366 3,5 3,8 nd

Maroc 18423 21296 21400 87,5 85,3 88,6 924 1913 1743 35,6 30,3 nd

Mauritanie 1829 1811 2054 206,6 188,5 189 163 135 89 34,3 28,6 nd

Tunisie 6514 6681 8476 67,7 55,5 55 1037 1366 1105 25,8 25,8 20,4
Sources :
– Banque mondiale, Statistiques financières internationales (SFI), 1988 et 1990.–
Office statistique des communautés européennes : État du Maghreb, 1994.

En 1992, les pays les plus endettés étaient l’Algérie et le Maroc avec des dettes respectives de 26,3 et 21,4 milliards de
dollars US, dont la somme représentait plus de 76% de la dette totale de la région. Mais, au regard des indicateurs de solvabi-
lité, la Mauritanie et le Maroc apparaissent en plus mauvaise situation, le montant de leur dette représentant respectivement
189% et 88,6% de leur PNB. L’Algérie et la Libye sont quant à elles dans des situations plus favorables et la Tunisie dans
une situation intermédiaire.
Selon des rapports des banques centrales maghrébines, la dette extérieure des pays du Maghreb qui représentait
62,44 milliards de dollars US en 1992, s’est considérablement accrue pour avoisiner 90 milliards de dollards US en
1997 et apparaît inquiétante.
Par ailleurs, un rapport récent de l’OCDE évalue pour les trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tuni-
sie) un endettement par habitant de 995 dollars en 1997 contre 880 dollars au Brésil pour la même année. Enfin, pour
l’ensemble de la zone, la dette a crû plus vite que le produit national en termes réels durant la décennie 1970.
L’aggravation de l’endettement au Maghreb est en fait dû à de multiples facteurs, dont les plus importants demeu-
rent :
– les importants achats d’équipements, de matières premières industrielles ou semi-transformées ;
– l’acquisition de technologies nouvelles, la formation, l’achat de brevets… ;
– l’accroissement de la valeur des importations alimentaires qui absorbent une grande partie des recettes
d’exportation ;
– la diminution des recettes extérieures engendrée par la dépréciation des cours des principales exportations maghrébines
sur le marché mondial ;
– l’augmentation du service de la dette ;
– le poids financier de la guerre au Sahara occidental pour le Maroc et celui de la lutte contre le terrorisme pour
l’Algérie.
Il faut enfin noter que de manière générale, cet endettement résulte également de la détérioration des termes de
l’échange, du manque de diversification du commerce extérieur et des mauvaises performances des appareils productifs
qui n’arrivent pas à satisfaire les besoins de consommation interne, ni à favoriser l’exportation. Hormis la Libye qui
dispose d’importants moyens de paiements, dans la majorité des cas, les appareils productifs ont été réalisés grâce à des
financements extérieurs devant être remboursés. Depuis plusieurs années déjà, l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la
Tunisie s’endettent pour rembourser leurs dettes, détournant ainsi l’endettement de son objectif initial : le financement
des investissements productifs.

La faiblesse des échanges commerciaux intra-maghrébins


Le commerce intra-maghrébin ne reflète pas encore l’instauration effective du libre-échange dans la région. Tous
les pays importent encore hors Maghreb, des produits qui y sont pourtant disponibles.
Malgré la continuité spatiale, les déclarations d’intentions, les traités et les conventions d’échanges signés, ratifiés et
entrés en vigueur, les échanges inter-maghrébins ont augmenté depuis l’institution de l’UMA, mais demeurent encore
relativement faibles et ne représentaient que 1,04 milliard de dollards US en 1994. Les obstacles économiques se situent
donc aussi au niveau des relations commerciales, c’est-à-dire qu’il manque encore le puissant facteur d’unification que
sont les échanges entre économies dynamiques, confirmé par l’absence d’un cadre multilatéral négocié pour des échan-
ges commerciaux privilégiés.

La faiblesse des pratiques multilatérales


Une grande faiblesse de la pratique multilatérale a dominé les relations inter-maghrébines. La logique des conféren-
ces et des réunions ainsi que la pratique des Etats en matière d’accords soulignent en effet, la prédominance de
l’approche bilatérale. Cette constatation n’est pas nouvelle, puisque durant la période d’activité du CPCM, prés de 90%
des accords ont été bilatéraux ( Slim H., 1978) et ne couvraient que les secteurs des communications et des transports,
alors que les secteurs directement productifs (agriculture, mines, industries et énergie) qui constituent l’épine dorsale de
tout développement régional intégré ont enregistré un nombre d’accords multilatéraux insignifiants.
Ainsi, la prédilection pour le bilatéralisme apparaît comme une constante dans les rapports entre Etats au Maghreb.
Cependant, cette pratique n’a pas encore eu les effets d’entraînement escomptés sur la coopération bilatérale et encore
moins sur la coopération multilatérale, celle-ci ne prolongeant pas celle-là, comme la première ne sert pas de support
pour mieux asseoir et développer la seconde.
L’absence d’interaction entre les deux modalités est révélatrice des blocages que connaît la coopération maghré-
bine.
Même la coopération en matière de main d’œuvre, secteur privilégié reste précaire. Les flux migratoires et la mobi-
lité de la force de travail sont loin de se stabiliser et dépendent plus de la conjoncture politique régionale que de la
conjoncture économique1.
Tous les obstacles énumérés montrent combien le chemin qui reste à parcourir à l’intégration maghrébine est ardu
avant d’atteindre son rythme de croisière. Mais il ne faut pas oublier que des régions des plus prospères à travers le monde
ont du attendre de longues années pour obtenir des résultats significatifs. Le meilleur exemple à cet égard est celui de la
CEE qui a mis plus de trente ans avant de devenir un marché unique.
LES CONSEQUENCES DU RETARD

Le gel du Maghreb économique a aggravé les tendances régressives dans la région qui est devenue un espace de
dépendance multiforme, notamment dans le domaine technico-financier. L’absence d’intégration régionale s’est ac-
compagnée d’une forte intégration des économies maghrébines à l’économie mondiale. Il en a résulté un renforcement
de la verticalité, c’est-à-dire de la dépendance qui a aggravé le degré de vulnérabilité des économies qui restent fon-
damentalement commandées par la dynamique externe.
Cette situation est d’autant plus critique que le Maghreb subit des formes de spécialisation régressive. Il a tendance à
produire ce qu’il ne consomme pas. Comme il devient déficitaire là où il était excédentaire (cultures vivrières), pour
occuper les créneaux les moins compétitifs dans les nouvelles formes que revêt la division internationale du travail, tout
un ensemble d’activités classiques à technologie banalisée datant de la deuxième Révolution industrielle (pétrochimie,
chimie des plastiques, textiles, habillement, engrais…). L’importante complémentarité économique potentielle existante
(hydrocarbures, phosphates, fer, produits agricoles et agro-alimentaires, industrie lourde, main-d’œuvre qualifiée et non
qualifiée…) est appelée à jouer un rôle moteur dans le projet d’édification de l’ensemble régional intégré et tout le pro-
blème serait de passer à une nouvelle rationalité communautaire.
Dans cette optique, les véritables questions seraient pour chacun des pays maghrébins : qu’est-ce qu’il serait préfé-
rable de produire pour soi-même ? Que pourrions-nous produire avec notre ou nos voisins ? Et comment le faire ?
Les mêmes questions étant valables pour les perspectives d’approvisionnement : que serait-il possible d’acheter
chez notre ou nos voisins ? Qu’est-ce qu’il serait préférable d’acheter ensemble ? Et comment le faire ?
En prenant appui sur les données physiques, démographiques, économiques de toutes les composantes, les instances ré-
gionales rempliraient progressivement une fonction décisive dans ce long processus en essayant de relever les défis auxquels
elles sont confrontées. Quels sont ces défis ?
LES ENJEUX ACTUELS DU MAGHREB

Trois principaux défis émergent parmi les multiples enjeux auxquels sont confrontés les pays maghrébins au cours
de cette fin de siècle.

Le défi démographique
En rapprochant les structures et les caractéristiques démographiques des pays maghrébins et leur relation avec le
développement, la conclusion a été tirée par plusieurs auteurs et dans une multitude d’ouvrages : « le Maghreb maî-
trise mal son explosion démographique ».
Les indices démographiques révèlent en effet qu’à l’instar des pays du Tiers-Monde, le Maghreb présente encore une
structure de population primaire et que mis à part la Tunisie qui a très tôt appliqué un programme d’espacement des nais-
sances, la croissance démographique n’est pas maîtrisée. De cette situation, découle deux séries de conséquences :
– L’inadéquation entre l’accroissement démographique et la croissance économique : avec un taux d’accroissement
démographique de plus de 3% et un taux d’urbanisation de 55%, le Maghreb constituera une entité à forte demande et
à aspirations immédiates dont la perspective handicape le projet à long terme.
– Le chômage et le déséquilibre régional : la situation de l’emploi au Maghreb se caractérise par un sous-emploi qui
touche environ 80% de la population en âge de travailler, avec 600.000 chômeurs en Algérie, 700.000 au Maroc,
300.000 en Tunisie et le problème devrait s’aggraver encore plus en raison du retour prévu de 1,5 millions de travail-
leurs émigrés dans leur pays d’origine1. Le seul pays qui n’est pas touché par ce phénomène est la Libye, en raison de la
faiblesse de sa population et des grandes possibilités d’emploi dans les secteurs agricole, industriel, pétrolier et com-
mercial, facilités par une large disponibilité de devises.

Le défi alimentaire
Les cinq pays de la région accusent un déficit alimentaire chronique au niveau de leurs balances commerciales agricoles
et la dépendance alimentaire résultant des options prises par les pays en matière de développement agricole est devenue
structurelle depuis la fin des années 1970. Trois pays, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie ont dès le départ, identifié
l’importance du secteur agricole comme garant d’une couverture alimentaire minimale et de rentes d’exportation substan-
tielles, alors que l’Algérie et la Libye ont tardé à se dégager de l’option pétrolière et industrialisante. Or, les trois premiers
pays n’ont pas su négocier les rapports cultures vivrières/cultures de rentes et ont demandé au paysannat de les nourrir et de
leur procurer des devises, tout en ne consentant en sa faveur que des investissements quasi résiduels, qu’il s’agisse des acti-
vités de production proprement dites ou des équipements infrastructurels (eau, énergie, pistes rurales) et sociaux (santé,
éducation, formation professionnelle…). Dans les deux autres pays, le secteur agricole a été complètement négligé jusqu’à
la moitié des années 1980 durant lesquelles l’ampleur des dysfonctionnements entraînés par les choix antérieurs, ont amené
à entreprendre d’importantes corrections de trajectoires.
L’autosuffisance alimentaire est désormais un objectif qui n’a pas été atteint et l’aggravation de cette situation risque
de s’accentuer si des mesures audacieuses communes ne sont pas prises dans les prochaines années. Le passif est en
effet si lourd que la région ne peut envisager qu’à très long terme non pas l’autosuffisance alimentaire mais un mini-
mum de couverture alimentaire, lui permettant de sortir de la zone de risque qui se dessine à l’horizon de sa situation
agricole et alimentaire.

Le défi économique et commercial


Il relève de quatre aspects fondamentaux qui constituent autant de contraintes que d’inconvénients à un véritable dé-
collage des économies maghrébines :
– l’obligation de réorientation du développement économique extraverti à l’intérieur de chaque pays maghrébin, du
fait des limites du volume de l’investissement induit par la diminution des recettes d’exportation qui ont engendré une
révision et parfois même l’abandon pur et simple de nombreux projets ;
– le défi de l’endettement qui se présente avec plus ou moins d’acuité selon les pays, mais le problème de fond restant le
même : la difficulté permanente d’honorer les engagements pris avec les créanciers en matière de remboursement ;
– le défi des débouchés des exportations : l’impact de l’élargissement de la CEE aux pays de la rive nord de la Mé-
diterranée sur les économies maghrébines, l’Espagne et le Portugal notamment qui sont spécialisés dans les mêmes
gammes de produits que les pays maghrébins (agrumes, fruits et légumes primeurs, vin, huile d’olive…).
La communauté européenne devient autosuffisante pour tous les produits jadis importés et les pays maghrébins
voient leurs parts du marché européen de plus en plus rétrécies. Il en est de même pour les productions manufacturiè-
res maghrébines de plus en plus concurrencées par celles de certains pays asiatiques (Corée, Taiwan…) et arabes (Sy-
rie, Jordanie, Égypte) ;
– le défi de l’environnement international caractérisé par la mondialisation de l’économie et la libéralisation des
échanges, obligeant les pays à trouver la voie qui leur permettrait de s’insérer dans l’économie mondiale dont
l’intégration régionale constituerait peut-être la passerelle.
LES OPPORTUNITES MAGHREBINES

L’unicité historique, culturelle, religieuse et linguistique


L’union historique, géographique et culturelle qui s’inscrit tout d’abord dans une histoire culturelle commune, berbéro-
arabo-islamique et francophone dont la somme constitue la base essentielle des valeurs et croyances, fait du Maghreb des
peuples une réalité sociologique liée à la mémoire collective forgée dans une histoire commune, dont l’idéal est
l’unification devant se concrétiser avec l’UMA.
À ces données, s’ajoutent, au niveau des peuples, des traits de caractère communs et plusieurs constantes. Les Maghrébins
ont toujours éprouvé un puissant sentiment d’identité tant par rapport au Machrek qui leur a apporté l’islam, que par rapport à
l’Europe voisine qui est leur principal partenaire économique depuis près de deux siècles. Enfin, ils ont toujours manifesté
une farouche volonté d’indépendance face à tous les conquérants.

L’immensité de l’espace
Géographiquement, à eux cinq les États concernés couvrent une aire considérable de 5.785.591 km2. Inférieure seulement
à la superficie de l’URSS, du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, du Brésil, de la Chine et de l’Australie, très supérieure à
celle de l’Inde ou du Soudan, le plus grand État d’Afrique jusqu’à 1989. Le Maghreb couvre près de 4% des terres émergées
de la planète, 19% de celles du continent africain et 40% de celles du monde arabe. Or quand les grands espaces augmentent
et sont bien exploités, les chances de disposer de ressources variées augmentent aussi.

Le potentiel foncier agricole


Le Maghreb représente également un potentiel foncier appréciable. La superficie agricole utile (SAU) y est de
l’ordre de 25 millions d’hectares et il est essentiel de relever le caractère extensif des agricultures maghrébines qui
recèlent donc, si l’on se réfère aux règles théoriques, d’importantes réserves de productivité qu’un programme concer-
té d’intensification permettrait de libérer.

La richesse du sous-sol
Les ressources naturelles que recèle le sous-sol maghrébin sont très importantes. On peut citer, celles, fiables et dé-
jà énumérées en 1991 (CENEAP, 1991) :

5% des réserves mondiales de pétrole (4 milliards de tonnes) ;
– 4% des réserves mondiales de gaz naturel (3.761 milliards de m3) ;
– 34% des réserves mondiales de phosphate (44 milliards de tonnes) ;

16,6% des réserves mondiales de charbon (134 millions de tonnes) ;
– 100% des réserves mondiales de cobalt (210 millions de tonnes) ;
– 2% des réserves mondiales de zinc ; 104 millions de tonnes de manganèse ;
– des quantités appréciables d’autres ressources supposées mais non encore prouvées (on découvre encore en
1997 des nappes pétrolifères, des gisements de gaz, de fer, de zinc… jusque-là inconnus dans la région).
Les potentialités avérées dans le domaine minier sont donc nombreuses et la prospection de l’ensemble des territoires
nationaux maghrébins n’en est encore qu’à ses débuts. Mais l’exploitation rentable de toutes ces richesses demeure sou-
mise à l’évolution du marché international. Le changement d’angle de vision par la considération des richesses du sous-sol
comme un patrimoine à valoriser partiellement sur place « au moins », plutôt que des matières brutes à exporter telles
quelles, serait très porteur de par l’éventail d’opportunités de création d’activités économiques et d’emplois qui seraient
permises à l’intérieur de la région.
Les infrastructures de transport
Il est nécessaire de préciser que, comparées à la situation générale du continent africain, les infrastructures mag-
hrébines sont relativement développées. On peut énumérer :

Les infrastructures existantes


Les axes routiers : le Maghreb est la seule région traversée par une grande transversale (Benghazi-Marrakech) qui relie
quatre pays et c’est aussi au Maghreb que se situe la plus longue verticale, la transsaharienne.
Les axes ferroviaires : la longueur des réseaux des pays membres est d’environ 9 000 km de voies ferrées. Les
connexions entre la Tunisie, l’Algérie et le Maroc offrent un maillage assez dense de 2290 km ayant l’avantage de relier
trois pays. Cette situation n’a, il faut le rappeler d’équivalent que sur la côte est du continent africain.
Les ports maritimes : avec 22 ports dont 12 répondant aux normes des grandes escales internationales et 7 miné-
raliers en phase d’expansion, le Maghreb est de loin, le littoral africain le mieux équipé.
Les structures organisationnelles existantes : le comité des transports ferroviaires maghrébins (CFTM) créé en
1965 sous l’égide du CPCM regroupant les sociétés : SNTF (Algérie), ONCF (Maroc) et SNCFT (Tunisie) élargi en
1990 à la Libye et à la Mauritanie.

Les infrastructures en cours de réalisation


– l’autoroute de l’unité maghrébine ;
– la ligne de chemin de fer libyenne devant relier Sfax (Tunisie) et Tripoli (Libye) ;
– le projet de développement et de modernisation, du réseau ferroviaire existant en Mauritanie et sa connexion avec les
autres pays maghrébins ;
– le projet Rail Maghreb, ayant pour objectif la gestion du matériel remorqué dans toute la région qui prend le relais du
Comité des wagons créé en 1965 qui avait pour mission de gérer les pénétrations du matériel ferroviaire entre l’Algérie, le
Maroc et la Tunisie ;
– le projet TGV Maghreb devant être réalisé en coopération avec la France qui devrait permettre la mobilité des hom-
mes là où les meilleures conditions de travail seront assurées, dans des délais très courts.

L’important potentiel humain


La répartition de la population par tranche d’âges indique qu’en 1995, plus de 43% des maghrébins avaient en moyenne
moins de 14 ans (Banque mondiale, 1997). Cette proportion de jeunes n’a connu ni la colonisation, ni les guerres de libéra-
tion nationales. Elle est instruite et de plus fortement urbanisée et donc étroitement en contact avec l’extérieur. Les jeunes
Maghrébins, tout en réagissant aux conditions de vie qui sont les leurs, partagent avec l’ensemble de la jeunesse mondiale
l’aspiration à la démocratie, l’exigence de l’emploi et un désir de consommation. Des actions communes de valorisation de
cette importante ressource, entendues au sens large du terme, c’est-à-dire autant d’actions de création d’emploi, de formation
au sens classique, inscrites dans la logique de réponse à cet appétit de vivre constitue un élément positif fondamental dans
l’objectif de dynamisation des cinq économies maghrébines par l’intégration régionale.

Les pratiques multilatérales ou trilatérales tout de même positives


Un débat permanent traverse le Maghreb : les initiatives bilatérales ou trilatérales sont-elles compatibles avec la cons-
truction maghrébine ? …
L’existence d’axes algéro-tunisien, algéro-mauritanien, tuniso-libyen et maroco-libyen peut laisser présager des
susceptibilités de freinage de la coopération, à long terme, à l’échelle de toute la région. C’est là une conception mo-
nolithique qui reproduit, à l’échelle du Maghreb, la nature centralisée des États nationaux en place et contredit, en
dernière analyse, tout projet unitaire à long terme. Cette attitude procède aussi à des calculs étroits, des méfiances et
des susceptibilités qui marquent encore fortement les relations entre les États maghrébins.
La logique économique plaide au contraire, en faveur de la flexibilité. Il n’y aucune nécessité pour que tous les projets
de la région soient initiés, réalisés et gérés à cinq. L’essentiel est en fait l’initiative et la continuité dans la réalisation. Les
projets peuvent ne concerner que deux ou trois pays de la région, l’essentiel est qu’à l’amont, l’information circule entre
toutes les parties de la région et qu’à l’aval, l’adhésion aux projets reste ouverte à des participations ponctuelles et éco-
nomiquement justifiées de toute entreprise ou institution qui en manifeste la volonté.

Les projets économiques communs


Paradoxalement, un atout supplémentaire apparaît comme un fait saillant, constitué par les projets communautaires
déjà initiés. Le gazoduc qui relie, depuis le début de la décennie 1980, l’Algérie à l’Italie via la Tunisie et celui, inau-
guré en 1997, qui relie l’Algérie à l’Espagne en passant par le Maroc ont constitué un éventail de positivités économi-
ques, par la création d’emploi aussi bien dans l’activité gazière que dans les activités de services qu’elle a engendré
(encadrement, maintenance, transport…). Ces positivités se sont également élargies au domaine, combien important
du bien-être social. Les foyers algériens, marocains et tunisiens des zones rurales et urbaines traversées par les gazo-
ducs, ayant désormais la possibilité d’être pourvus en gaz de ville qui remplacerait les bouteilles de gaz jadis utilisées.
Il en est de même pour les projets industriels, réalisés surtout entre quatre pays : l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la
Mauritanie qui concernent les domaines des industries chimiques, des industries mécaniques, des infrastructures, de la
pêche, des banques et assurances et de la formation de cadres. Au-delà des aspects techniques et de création
d’emplois, leur fonctionnement a de facto décloisonné leur environnement (commerce, habitat, libre circulation des
biens et des personnes). Si de telles initiatives se poursuivent, elle constitueront pour le Maghreb des acquis irréversi-
bles et certains.
Mais, ces perspectives favorables ne doivent en aucun cas occulter les obstacles et les difficultés qui jalonnent le
chemin conduisant à une coopération inter-maghrébine efficace et rationnelle. Les obstacles que nous avons précé-
demment décrits sont d’ordres naturel, humain, social, institutionnel, financier, fiscal et bancaire.

CONCLUSION

Malgré les difficultés longuement décrites et grâce aux positivités réelles notées, l’union maghrébine se construit à
une allure faible certes, mais des acquis concrets ont été enregistrés.
Une conjoncture internationale et régionale difficile a certes perturbé quelque peu le fonctionnement des institutions de
l’UMA, mais en dépit de cela et malgré la lenteur de sa réalisation, l’édification maghrébine se poursuit pas à pas.
Le Conseil présidentiel a tenu six sessions ordinaires, le Conseil des ministres des Affaires étrangères s’est réuni en
session ordinaire plus d’une douzaine de fois, le Comité de suivi près d’une trentaine et tous les organes prévus par le
traité ont été mis sur pied.
Différentes commissions sectorielles travaillent conjoncturellement, il est vrai pour arriver à mettre en place un
marché libre, supposant la libre circulation des personnes (chose faite, sauf entre l’Algérie et le Maroc où la procédure
a été arrêtée, depuis la fermeture des frontières suite aux incidents de 1994), des produits entre les partenaires (le libre-
échange d’une gamme de huit produits agricoles et agro-alimentaires est aujourd’hui effectif) et donc de nouveaux
instruments communs de gestion tels que l’unification des tarifs douaniers et l’élaboration de politiques unifiées de-
vant définir des règles communes qui permettront d’assurer un système de régulation économique dans la région. Len-
tement et donc surement, l’édification de l’Union se poursuit et les pays maghrébins s’emploient à mettre en place les
bases idoines de coopération entre eux.
L’UMA a pu ainsi parachever les prémices de ses structures futures, conclure 14 accords inter-maghrébins dans diffé-
rents domaines et mettre sur pied cinq entreprises maghrébines. Les plus récentes décisions en matière de coopération
industrielle ont été prises lors du 15ème sommet des ministres des Affaires étrangères tenu à Alger en juin 1994 et concer-
nent la construction d’usines de rails de chemin de fer, de tubes en acier et de fer rond de bâtiment.
De même, l’accord relatif au transport de marchandises avec la suppression de droit de passage applicable également au
transit et à la reconnaissance mutuelle des permis de conduire maghrébins devrait être approuvé lors de la prochaine réunion
des ministres des Transports maghrébins qui doit se tenir incessamment à Tripoli. Des efforts sont également axés sur la
mise au point d’une stratégie globale maghrébine unifiée et sa concrétisation de façon définitive, conformément aux objec-
tifs du traité de Marrakech. Ce qui permettrait à l’UMA de traiter sur un même pied d’égalité avec les autres groupements
mondiaux et en premier lieu, avec la Communauté économique européenne, compte tenu de sa proximité géographique, du
fait qu’elle constitue le premier partenaire commercial de la région, des liens historique, culturel et économique et de
l’appartenance des pays du sud européen et du Maghreb au bassin méditerranéen.
Beaucoup d’auteurs ont tendance à comparer la mise en œuvre du processus d’intégration dans la région maghré-
bine à celle d’autres regroupements régionaux dans les pays industrialisés.
Le cas de l’Europe est bien entendu le plus cité dans les nombreuses études déjà élaborées. Mais ce qui est le plus
souvent omis, c’est que les conditions dans lesquelles le processus d’intégration est amorcé au Maghreb sont très dif-
férentes de celles de la CEE.
Ainsi, quand l’Europe avait fait ses premiers pas en ce sens, elle possédait déjà une infrastructure industrielle très
compétitive dans les cadres nationaux et des entreprises transnationales, avant que ne soit instituée la CEE. Il s’agissait
alors pour elle, par l’intégration économique, de libérer ses échanges et d’accroître son espace économique, pour offrir à
chacun des pays membres de nouveaux débouchés pour ses produits, de favoriser la concurrence et de stimuler le progrès
technologique. Les pays maghrébins n’ont pas bénéficié de ces conditions de départ.
Aussi, comparer l’UMA avec la CEE n’est pas encore justifié pour ce qui concerne l’organisation. En Europe, les
institutions communautaires sont puissantes et disposent d’un budget propre. L’UMA est quant à elle conduite par des
institutions dépourvues de budgets conséquents, qui ne peuvent pas encore conduire une politique d’investissement ni
corriger les éventuels déséquilibres sectoriels ou régionaux.
La réalisation de nombreuses études concernant l’édification maghrébine a nécessité la demande de financements à des
institutions financières régionales (Banque africaine, Comité économique des pays du Golfe) ou internationales (Banque
mondiale, FAO).
La dépendance des institutions de l’UMA vis-à-vis des gouvernements fait craindre au contraire que les intérêts po-
litiques, purement nationaux, prennent le pas sur les nécessaires contraintes de toute édification communautaire et il
est donc plus raisonnable de considérer l’UMA comme un processus d’intégration régional entre cinq pays, dans sa
première phase de réalisation.
L’analyse rétrospective développée sur l’intégration régionale maghrébine, montre que l’idée unitaire était très an-
cienne et trouve son origine très loin dans l’histoire. Cette idée s’est appuyée sur des bases historiques, civilisationel-
les, culturelles, linguistiques et religieuses communes très fortes et la volonté de construction de l’unité maghrébine et
a constitué l’idéal des cinq peuples et des gouvernants qui se sont succédé à travers toutes les périodes considérées.
Dans une période plus récente, la nécessité de l’intégration dans la région imposée par des raisons politiques, éco-
nomiques et géostratégiques et la prise de conscience des cinq États maghrébins des alternatives positives que pourrait
constituer l’intégration régionale pour relever les défis posés aux développements économiques nationaux ont été à
l’origine de la création de l’UMA.
Ainsi, Face aux constats relatifs aux défis et aux enjeux communs des cinq pays et grâce à l’espoir permis par les
positivités régionales existantes longuement énumérées, une interrogation de bon sens vient à l’esprit. Dès lors que les
cinq pays rencontrent des difficultés similaires, au lieu de continuer, pour les uns à suivre dogmatiquement les sché-
mas stimulants idéologiquement mais irréalistes du développement autocentré et pour les autres, à accumuler les er-
reurs de parcours d’un « capitalisme immature », pourquoi n’essaieraient-ils pas de coopérer pour affronter ensemble
leurs problèmes et leur trouver des solutions communes ?
Ceci constituerait en effet une démarche de développement commune solidaire qui utiliserait l’intégration comme
un instrument de développement impulsant des politiques économiques pouvant prendre en charge la satisfaction des
besoins des populations et d’articuler sur cette logique le tissu économique de la région.
A l’extraversion doit succéder le développement communautaire avec tout ce que cela suppose de recours au « self-
reliance » régional. Si l’intégration s’amorce, elle pourra aboutir à son tour, à long terme, à une relative autonomie col-
lective qui permettra alors aux pays maghrébins de se présenter sur les scènes politique, géographique, sociale et éco-
nomique du début du XXIe siècle, en qualité de partenaires influents et crédibles. Le postulat étant que le poids de
l’ensemble constitué serait supérieur à la somme des poids respectifs de ses éléments, car l’intégration, même partielle,
induit des effets multiplicateurs.
Les économies maghrébines : du développement autocentré
à l’ajustement structurel

LES RESULTATS DE DEUX DECENNIES DE DIRIGISME ECONOMIQUE

L’efficacité des politiques économiques adoptées et mises en œuvre par les cinq pays maghrébins après les indé-
pendances peut s’apprécier à travers l’élaboration d’un bilan analytique des résultats qu’elles ont obtenu et permettre
ainsi, la détermination de la nature des éléments à l’origine des revirements des politiques économiques amorcées
depuis le début des années dans 1980 dans la région et leur explication.
En Algérie, au cours des douze années (1973 à 1985), âge d’or des pays pétroliers, la croissance du PIB réel algé-
rien a vite atteint le chiffre remarquable de 8% par an en moyenne, contre - 0,1% aux cours de la période 1969-71.
Mais l’économie algérienne contracta vite le « syndrome hollandais »1.
Avec des exportations d’hydrocarbures qui progressaient au rythme de 569% par an, tous les agrégats explosaient.
Les importations de biens et de services augmentaient au taux annuel moyen de 37%, l’absorption domestique à celui
de 13%, l’offre de monnaie au taux de 89%, les prix à celui de 33% et l’endettement extérieur au taux annuel de 43% 1.
Quant aux parités internationales du dinar, elles restaient stables au cours des années du « boom pétrolier », avec des
taux de change nominaux et réels surévalués que l’Algérie commencera à payer lourdement le prix à partir du choc
pétrolier de l’année 1986.
Les résultats théoriques attendus du modèle de développement algérien basé sur la mise en place d’industries
industrialisantes avec un effet d’entraînement induit par certaines industries lourdes (la sidérurgie notamment) et de
pointe (la pétrochimie grâce aux hydrocarbures) sur le reste de l’économie y compris l’agriculture, étaient loin de la
réalité. On peut noter à cet effet :
– une forte baisse de productivité du secteur industriel sur lequel on avait tout misé ;
– une baisse des recettes d’exportation due à la chute des cours du baril de pétrole, ainsi qu’à la forte diminution
des excédents de produits agricoles exportables ;

une dépendance commerciale accrue tenant :
* à la croissance accélérée des importations de biens intermédiaires et d’équipements industriels, à laquelle ve-
naient s’ajouter, des importations de produits finis de consommation courante ;
* une dépendance alimentaire importante et croissante.
De même, le produit national brut par habitant enregistra une croissance négative de -1,7% par an contre 2,6% entre
1982 et 1985, et la consommation par tête s’en est ressentie tout naturellement avec :
– un taux de croissance annuel moyen de 2,1% qui était de 7% durant l’année 1980, 5,1% en 1981 et 4,3% en
19832 ;
– des finances publiques pour la première fois en déséquilibre important, le déficit budgétaire atteignant 4,3% du
PIB en 1986 ;
– un taux d’accroissement annuel moyen du PIB en régression de 1,2% contre 5,1% entre 1981 et 19851.
– une balance courante gravement déficitaire après de longues années de surplus ou de stabilité.
Le solde courant par rapport au PIB était de -3,5% en 1986 contre +1,7% en 1985 et + 0,35% pour toute la période al-
lant de 1980 à 1985 ;
– une dette extérieure qui a pratiquement décuplé entre 1973 et 1986 et dont le service pesait de plus en plus sur les
exportations (le service de la dette est passé de 8% des exportations en 1971 à plus de 75% en 1993) ;
– un stock de réserves de change qui a baissé de 56% entre 1980 et 1986 2.
La stratégie de développement a en fait renforcé une intégration négative de l’économie algérienne dans
l’économie mondiale, la rendant dès lors très vulnérable aux aléas de la conjoncture internationale. Tout le potentiel
productif fonctionnait grâce à des facteurs de production achetés sur le marché mondial (machines, pièces de re-
change, matières premières).
A l’origine de ce sombre tableau, il y avait bien sûr la chute brutale du prix du pétrole (et du gaz naturel qui lui est
indexé), qui est passé de 39,5 dollars US le baril à 14,8 dollars US entre 1981 et 1986, soit une baisse de 63%. Quand
on sait que toute variation des prix du brut de 1 dollar entraîne une variation des recettes d’exportations de 500 à 600
millions de dollars par an et que l’économie algérienne était mono-exportatrice de pétrole, on mesure l’impact que ce
choc exogène a produit au niveau de tous les comptes internes et externes de l’économie. Un impact aggravé encore par
la détérioration vertigineuse des termes de l’échange, qui sont passés de 109 en 1981 à 49 en 1986 (1980 = 100) et par
la surévaluation du taux de change réel effectif du dinar algérien qui avait évolué de 100 en 1980, à 144 en 1985 et 133
en 19863.
L’année 1986 allait donc inaugurer une période pendant laquelle l’Algérie prendra plus que jamais conscience de la
nécessité de rompre avec le discours du passé et d’entrer dans la nouvelle ère des ajustements et de l’économie de
marché.
De la même manière que l’Algérie, la manne pétrolière dont a joui la Libye pendant trois décennies au moins, a
créé un « nouveau pays ». En termes d’infrastructures, d’équipements collectifs et de développement social (éduca-
tion, logement, santé), la Libye a fait aussi bien que ses homologues arabes du Golfe. Le pétrole a transformé la Libye
de l’après indépendance et essaimé son espace saharien de villes, de routes, d’hôpitaux, de barrages, d’industries,
d’universités, d’écoles, de complexes agricoles et même d’un barrage artificiel.
Le PIB par habitant a enregistré des performances remarquables passant de 2.530 dollars en 1972 à 11.530 dollars
en 1980, niveau bien supérieur à celui de certains pays développés comme l’Italie et la Grande Bretagne. L’absorption
domestique a également enregistré des progrès impressionnants : la consommation publique a augmenté de 32% par
an et l’investissement de 15% par an. L’inflation était modérée et la parité internationale de la monnaie nationale sta-
ble. Quant à la position extérieure nette de la Libye, les variations de réserves nettes en illustrent bien l’évolution posi-
tive.
Le stock de réserves du pays a augmenté de près de 11 milliards de dollars entre 1972 et 1980, soit l’équivalent des im-
portations de toute l’année 1980. Le maintien d’un solde courant positif jusqu’à 1980 a plus que compensé l’évolution plu-
tôt négative qu’avait connu le compte de capital de la balance des paiements libyenne. Ainsi, la Libye vivait exclusivement
de sa rente pétrolière, toute son économie reposait sur cette seule ressource dont elle ne maintenait ni l’offre, ni la demande,
ni les prix.
Mais, malgré sa richesse, l’économie n’offrait aucune attraction aux capitaux étrangers publics ou privés. Bien au
contraire, les investissements directs étrangers nets qui étaient de 830 millions de dollars en 1971 ont continué à se
désengager à un rythme accéléré à partir de 1973 pour atteindre 170 millions de dollars en 1980. Ainsi, l’économie
devenait d’autant plus fragile que la rente pétrolière augmentait, et d’autant plus sensible à tout choc pétrolier négatif
qu’elle ne possédait ni assises industrielles solides, ni agriculture développée, ni activités de service importantes.
En raison de la structure de sa population et de la nature de son projet de développement économique, malgré son
rythme de croissance rapide (4% par an), la population libyenne, extrêmement réduite, ne permettait pas encore un ac-
croissement de la population active en liaison avec les besoins en main d’œuvre générés par le processus
d’industrialisation. Le marché du travail se caractérisant par une insuffisance aiguë en main d’œuvre tant au plan quanti-
tatif que qualitatif. En conséquence, le recours à la main d’œuvre étrangère a été massif et la demande de travail a forte-
ment et régulièrement progressé. L’exploitation et la valorisation du pétrole, la réalisation du processus de substitution
aux importations et sa poursuite et la valorisation de la production agro-pastorale ont exigé une importante assistance
étrangère en main d’œuvre. La population étrangère s’est d’ailleurs accrue suivant un rythme plus élevé que celui de la
population libyenne.
La chute des cours du pétrole entamée au début des années 1980 qui s’est accentuée en 1986, a brutalement modifié
les équilibres de l’économie libyenne. Le montant des recettes d’exportations pétrolières ne suffi-
sait plus à remplir son office et a entraîné un ralentissement important de l’effort de développement industriel. Le préju-
dice est d’autant plus important que les planificateurs libyens envisageaient de remonter l’amont de la filière industrielle
et de tenter d’autocentrer le processus1.
Après avoir atteint près de 22 milliards de dollars en 1980, année record, les revenus pétroliers ont chuté de 77%,
atteignant à peine 5 milliards de dollars en 1983. Le PIB accusa le coup avec une baisse de 40% entre 1980 et 1986 et
de 29% entre 1980 et 1989 et l’inflation très modérée au cours des années 1970 s’accéléra. Les équilibres extérieurs
furent tous rompus. A partir de l’année 1981, le solde des paiements courants devint gravement déficitaire : 2.143
millions de dollars en moyenne et par an entre 1981 et 1984, soit un ratio déficit courant/PIB de l’ordre de 7%. Ce
même ratio passa à 8% en 1988 et sous l’effet conjugué du déséquilibre courant et de la détérioration continue du
compte de capital, la Libye perdit plus de 9 milliards de dollars de réserves de change entre 1981 et 1989. La pesan-
teur du secteur pétrolier était jusque-là trop forte pour que l’économie pût sans grands dommages et sans ruptures
violentes encaisser des chocs externes comme celui de la chute des prix du pétrole.
Tout comme le cas de l’Algérie, les nationalisations massives de toutes les activités privées effectuées en 1969,
avaient non seulement contribuées à la disparition d’actifs productifs, mais ont également détruit les sources de
revenus de centaines de milliers de Libyens que l’État a dû être forcé d’employer à des tâches « plus ou moins
productives ».
L’appareil politico-administratif de l’État s’est ainsi trouvé alourdi par une bureaucratie pléthorique, coûteuse et
improductive de tâches que la main d’œuvre immigrée se chargeait de remplir et qu’il n’était plus en mesure de payer.
D’importants projets en cours furent arrêtés avec d’énormes pertes d’actifs. Le report de la demande domestique sur
le marché de biens produits localement, conséquence des restrictions aux importations, dans une économie où l’offre est
inélastique, a provoqué une hausse des prix très importante. Le recours de l’État libyen à l’endettement domestique pour
financer le déficit fiscal, ajouté à la planche à billets, a renforcé les tensions inflationnistes dans le pays. Avec des taux
nominaux restés stables, la hausse des prix a de ce fait abouti à des taux réels d’intérêts négatifs, décourageant l’épargne
domestique.
L’économie libyenne, et pourrait-on dire tout le système libyen, s’est donc retrouvée, à la croisée des chemins et la
diversité de la production devint une nécessité impérative. La rente pétrolière ayant été minimisée, le pays se retrouvait
confronté plus que jamais aux nécessités d’une réforme et d’un ajustement plus profonds qui tenaient désormais compte
des contraintes occultées pendant trois décennies. Il est vrai que, contrairement à ses voisins de la région maghrébine, la
Libye n’avait jamais fait appel ni à la Banque mondiale, ni au FMI, ni à aucune autre institution financière internatio-
nale mais le moratoire de paiements que ce pays commençait à imposer à ses créanciers privés, des entreprises indus-
trielles et pétrolières étrangères notamment, correspondait bien à un endettement déguisé.
Le Maroc qui a très tôt adopté un modèle de développement libéral possède l’économie la plus ouverte de la région
maghrébine. Il est de ce fait celui dont les structures productives, commerciales et bancaires ont été les plus conduites par
l’initiative privée et les plus exposées aux marchés étrangers. Il doit cette double vocation libérale et mondiale à trois parti-
cularités qui distinguent son système des autres systèmes maghrébins :
– la très puissante bourgeoisie foncière, industrielle, commerciale et financière d’essence libérale qui constitue
l’ossature du pouvoir autour du roi ;
– la place dominante qu’occupe le Maroc dans la production et l’exportation d’un produit, le phosphate, qui, à
l’instar du pétrole, a une dimension mondiale ;
– enfin, son choix politique fondamental d’entretenir des relations denses avec le reste du monde.
Mais ni le libéralisme, ni l’ouverture, ni les gisements de phosphate ni les importantes richesses agricoles et halieu-
tiques n’ont empêché ce pays, malgré les progrès qu’il a accomplis, d’avoir encore les niveaux de vie les plus bas, les
déficits les plus lourds et l’endettement extérieur le plus pesant de la région.
Durant la période 1960-1973, le taux de croissance annuel moyen du PIB a été de 4,7%. Le secteur des industries
manufacturières a connu la croissance la plus relativement forte, soit 4,6% en ne contribuant toutefois qu’à 12% à la
formation du PIB qui était de 3,35 milliards de dollars en 1973.
Avec une valeur de 163 millions de dollars US, le secteur des mines ne représentait que 5% du PIB avec un taux
d’accroissement annuel moyen de 2,8%, relativement faible comparativement aux autres secteurs de l’économie. Avec un
PIBA de 1,005 milliard de dollars, le secteur agricole a quant à lui représenté une part importante du PIB (32%) et enregis-
tré des taux de croissance relativement élevés (4,2%) et le surplus nécessaire au financement de l’industrie venait de ce fait,
avant tout de l’agriculture.
Le Maroc dont 50% environ du PIB provenait des services, accusait une croissance de ce secteur en relation directe avec
celle de l’agriculture, qui était le principal secteur productif. Au début de l’année 1974, le Maroc entre dans une phase
d’euphorie économique. Le cours du phosphate passe de 12 à 42 dollars la tonne, le 1er janvier 1974, grimpe à 62 dollars le 1er
juillet et à 68 dollars le 1er janvier 1975. Le plan quinquennal 1973-77, déjà ambitieux et volontariste, est révisé à la hausse.
L’État lance de nombreux projets suivis par le secteur privé, les investissements progressent de 1, 2 à 10, 2 milliards de dir-
hams entre 1973 et 1977 et représentent en moyenne 43% du PIB. Mais, l’écart des salaires constitue la seule distorsion et va
de 391 dirhams pour le SMIG (l’un des plus bas du monde) au 1er janvier 1977, à 3.000 dirhams (salaire moyen d’un PDG).
Mais l’euphorie économique fut hélas de courte durée et le Maroc ressentira durement le « mauvais coup » des so-
ciétés américaines qui, après avoir réalisé les bénéfices prévus, déclenchèrent la forte baisse des cours du phosphate,
aussi vite qu’elles avaient contribué à leur hausse. Ceux-ci retombent à environ 30 dollars la tonne en 1978-79. La ré-
cession est aggravée par des années de sécheresses successives et le prix de la guerre au Sahara occidental, les dépenses
militaires qui oscillaient entre 5 et 10 millions de dirhams au début de la décennie, atteignant vite 4 milliards en 1979,
représentant 45% du budget des investissements1. Le déficit du trésor est allé croissant de 3,5 à 7,7 milliards de dirhams
entre 1973 et 1977 et n’a cessé de s’aggraver et la dette s’est quant à elle fortement accrue, atteignant 11,16 milliards de
dollars US.
En 1978, un brusque coup de frein est alors donné pour arrêter cet engrenage pernicieux. Le gouvernement renonce
au nouveau plan quinquennal trop ambitieux, au profit d’un plan triennal de « consolidation », où les objectifs sont limi-
tés à l’indispensable et aux priorités absolues : eau, routes, écoles et hôpitaux. La dégradation de la situation finit par
provoquer de multiples révoltes, dont les inquiétantes « émeutes de la vie chère » de 1981-83, qui donnèrent lieu à des
mesures de répression et embrasèrent plusieurs villes à travers tout le pays.
Jusque-là et pendant trois décennies, l’État marocain avait mis en œuvre une stratégie d’import-substitution qui
prolongeait le mouvement industriel colonial, sans que soient exclues des actions à orientations exportatrices, basées
sur l’exploitation de la main d’œuvre locale bon marché. Les politiques industrielles qui se sont succédé jusque -là,
ont été caractérisées par une démarche ambivalente mi-libérale, mi-interventionniste, se réclamant à la fois des prin-
cipes de la concurrence et de la planification. Jusqu’à la période d’application du programme d’ajustement structurel,
l’État marocain a cherché à diriger le mouvement d’industrialisation en organisant le système d’incitation par le mar-
ché et en suppléant les carences du secteur privé. Cet interventionnisme de l’État se devait cependant d’éviter de
contrecarrer l’initiative privée, qui constituait la base des politiques industrielles mises en place.
Cette orientation s’est concrétisée, puisque dans les décennies
soixante et soixante dix, le capital privé s’est développé dans les branches substitutives aux importations et large-
ment protégées (les textiles et cuirs, les matériaux de construction et l’agro-alimentaire). Ce sont d’ailleurs ces bran-
ches, auxquelles il faut ajouter les branches chimie et para-chimie et à un degré moindre les branches mécanique et
électromécanique, qui ont constitué les lieux privilégiés de l’accumulation industrielle.
Il faut enfin rappeler que le capital étranger a toujours été présent par le biais d’une participation majoritaire au ca-
pital social (20 à 25% dans les secteurs de la confection, les boissons, le bois, les pâtes à papier et les biens
d’équipement et de transport) ou bien sous la forme de location de brevets techniques et d’intrants de maintenance
assortie d’une participation minoritaire en devises nationales.
La conjoncture économique a été souvent peu propice à l’économie marocaine. Pour un pays sans pétrole, les
chocs pétroliers ont signifié des ponctions importantes sur les ressources. Des ressources lourdement taxées par ail-
leurs, par la baisse des recettes sur les ventes du phosphate et des produits agricoles (agrumes et tomates notamment),
produits clefs de la balance commerciale marocaine. Gros importateur de capitaux financiers privés, le Maroc s’est
retrouvé accablé par les charges de remboursement, rendues encore plus prohibitives par la hausse des monnaies
d’emprunt (le dollar américain en particulier) et les taux d’intérêts internationaux, notamment au cours de la première
moitié de la décennie soixante-dix.
Le Maroc industriel est celui où la dynamique de développement a été la plus forte et les progrès les plus évi-
dents. Des industries artisanales les plus simples aux industries chimiques, le pays a enregistré des performances
notables au cours des vingt dernières années. Mais l’assise industrielle a aussi ses nombreuses failles. Une producti-
vité en régression, comme en témoigne l’évolution négative du coefficient marginal de capital de 2,7% en moyenne
par an entre 1965 et 1973 et de 6,3 entre 1980 et 1990. Une seule matière première industrielle (le phosphate) dont le
prix a baissé de plus de 60 dollars US la tonne dans les années 1970 jusqu’à atteindre 28 dollars US en 1987. Une
dépendance énergétique quasi-totale en pétrole, qui a accaparé jusqu’à 50% des recettes d’exportation, déstabilisé
dans une mesure non négligeable les finances publiques du pays et créer les pires incertitudes pour l’industrie. Enfin,
des marchés extérieurs de moins en moins stables et tendant à se refermer aux exportations marocaines.
On peut affirmer que dans les faits, aussi bien dans sa phase substitutive aux importations que dans sa phase exporta-
trice, le processus de développement économique a constamment buté sur l’étroitesse du marché intérieur, sur l’incertitude
des marchés extérieurs et sur la grande dépendance vis-à-vis des biens d’équipement et inputs importés. Et, comme
s’accordent à le dire certains économistes marocains avisés, tel que Saadi M. : « Aussi bien la stratégie de l’import-
substitution que le modèle exportateur se sont traduits par :
– un développement non harmonieux des différentes branches industrielles et une résistance à la remontée de l’amont
des filières ;
– une faible valeur ajoutée qui est restée cantonnée aux opérations de façonnage et de mise au point finale des biens in-
dustriels ;
– une offre d’emplois limitée s’expliquant par la modestie des taux de croissance industrielle » ; ou d’autres, comme
Akesbi N. et Guerraoui D. : « Une politique agricole orientée vers l’exportation qui a généré une forte dualité entre un sec-
teur moderne produisant pour l’extérieur et un secteur traditionnel dont les productions assurent la consommation de pro-
duits alimentaires de base de plus en plus insatisfaite et par conséquent, un recours régulier aux importations ».
En Mauritanie, la politique économique développée depuis les premières années de l’indépendance jusqu’à la
moitié des années 1980, a fortement conditionné l’éveil économique, et avec l’adoption d’une stratégie économique
désarticulée, caractérisée par une forte orientation des efforts de développement du secteur minier et des objectifs
d’investissements et de production trop ambitieux et souvent non réalisés pour les autres secteurs de l’économie, qui
n’ont pu donner leurs fruits pour de multiples raisons, dont :
– la situation de mévente du minerai de fer liée à la conjoncture économique mondiale qui s’est sérieusement dégradée,
notamment chez les principaux acheteurs du fer mauritanien : l’Europe occidentale et le Japon, où l’activité métallurgique
a connu un net ralentissement ;
– l’obligation de remboursement par l’État mauritanien des dettes de l’ex MINERFA : 45,9 millions de francs à la
Banque mondiale et 700 millions de francs à la Caisse française de coopération ;
– les fluctuations du dollar qui connaissaient de très bas niveaux, alors que la majorité des contrats de vente le pre-
naient pour unité de compte ;
– le secteur agricole et rural où subsistait encore 85% de la population, qui n’arrivait pas à décoller malgré la prio-
rité qui était sensée lui être accordé ;
– la sécheresse et ses graves conséquences.
La période 1978-1985 a ainsi vu l’application du plan de redressement économique, marquant une rupture avec le capi-
talisme d’Etat où s’affirmait le respect de la propriété privée et la mise à terme du dirigisme économique étatique. Les
mesures prises pour inciter le capital étranger à concourir au développement du pays (révision du code des investisse-
ments, assouplissement du contrôle des changes et allégement de la fiscalité), participaient en fait au financement d’un
projet combiné d’ajustement structurel et d’investissement destiné à encourager l’initiative privée, dans le domaine agri-
cole et à restructurer les entreprises publiques en prévision de leur privatisation. Mais plusieurs facteurs ont contribué à
leur échec, malgré la volonté réelle de réalisation d’un véritable décollage économique durable dont les plus importants
restent :
– la baisse de la demande en acier des pays industrialisés, qui a fait diminuer les exportations de minerai de fer de
30% en 1975 et de 20% en 1982 (malgré cela, la production de fer brut continuait à représenter en 1988 la deuxième
source de revenus des exportations (33%) après l’industrie de la pêche 66%) ;
– l’absence de cohérence dans le processus de croissance globale entre les politiques économiques sectorielles in-
troduites à la fin des années 1970 et au début des années 1980 ;
– la longue sécheresse qui a décimé une grande partie du troupeau, fortement réduit les superficies cultivées et ren-
du indispensable le recours à l’aide alimentaire internationale. A cette grande catastrophe naturelle et aux conséquen-
ces, elles aussi catastrophiques, de la guerre du Sahara, est venu s’ajouter le poids de la dette (près de 1 milliard de
dollars), d’autant plus lourde à supporter que due pour l’essentiel à des projets rarement bien conçus et productifs.
Tous ces facteurs aussi bien internes qu’externes ont confronté l’économie mauritanienne à des crises successives, des
baisses importantes des taux de croissance qui ont elles-mêmes provoqué des incapacités d’équilibre général et un déficit
de la balance des paiements qui a représenté 24% du PIB en 1984 et a ensuite crû jusqu’à atteindre 35% en 1985. Le vo-
lume des dettes extérieures à quant à lui fortement augmenté et représenté 200% du PIB en 1985. La part du secteur indus-
triel dans le PIB a quant à elle régressé, passant de 26,78% en 1979 à 22,69 en 1985.
En Tunisie, les bases du développement économique établies durant la décennie 1962-72 ont consacré la stratégie
d’industrialisation par substitution aux importations et vite montré leurs limites et les contradictions de la politique de
développement dans les principales activités économiques. La productivité globale des facteurs a été de 7,1% par an
dans la branche chimie alors que les salaires n’y ont augmenté que de 1,46% et une productivité de 6,2% dans la bran-
che textile et habillement avec des salaires ne progressant que de 2,57%1.
Cette période s’est achevée par une crise de débouchés pour la production des industries manufacturières en expan-
sion. De plus, l’approvisionnement extérieur en inputs nécessaires au fonctionnement de l’outil de production était
important et l’élasticité des importations par rapport au PIB était de 1,8% en 1972, alors que 30% des consommations
intermédiaires des industries manufacturières étaient importé.
La période 1972-1986 a, quant à elle, vu la consécration de la nouvelle politique économique sur la privatisation et la
promotion des exportations : la politique contractuelle libellée « contrat de progrès », durant laquelle tous les efforts de
l’État ont été orientés vers la mise en place et le renforcement d’un modèle exportateur, reposant principalement sur les
industries manufacturières (textiles, habillement et chimie), qui exportaient respectivement 75% et 63,4% de leur produc-
tion2.
Avec un taux de croissance économique de 8%, la Tunisie a été l’un des pays africains dont le développement a été
le plus rapide entre 1970 et 1980. Durant cette période, le revenu national est passé de 230 millions à 4, 5 milliards de
dinars tunisiens et l’investissement de 23 millions en dinars constants (moins de 10% du PIB) à 15 milliards de dinars
(près de 30% du PIB). La part de l’agriculture et des mines est tombée quant à elle de 35 à 16% du PIB, tandis que celle
des industries manufacturières grimpait de 11 à 20%.
Avec des taux de 6, 4% par an (en termes réels), le rythme de croissance atteint par l’économie tunisienne, au cours
des années 1973 à 1980, n’a certes jamais été égalé sur une période aussi longue. La croissance a gagné tous les secteurs,
sauf celui de l’agriculture. Les secteurs ayant réalisé les meilleures performances ont incontestablement été ceux de
l’industrie (+8,6%) et des industries manufacturières (+10%).
Mais, comme ses voisins maghrébins, l’euphorie pétrolière des années 1970 a vite exposé la Tunisie aux mêmes dif-
ficultés. La consommation totale évoluait au rythme de 7,5% par an, les investissements fixes progressaient au rythme
de 9% alors que leur productivité était en déclin. La politique de développement industrielle axée sur les exportations
renforçait la dépendance en inputs de l’industrie tunisienne à l’égard de l’approvisionnement extérieur.
L’épargne domestique insuffisante évoluait lentement à la cadence annuelle de 3,7%, alors que l’inflation atteignait jus-
qu’à 8,7% par an et le dinar était fortement surévalué. Par ailleurs, le déficit fiscal qui est passé de 1 à 21% du PIB entre
1972 et 1979, cumulé au déficit du compte courant de la balance des paiements a grimpé jusqu’à représenter 32% du PIB.
Enfin, l’endettement extérieur a été croissant et son volume a été multiplié par quatre entre 1973 et 1980.
Le pétrole exploité depuis 1966 assurait de précieuses entrées en devises, mais les réserves s’épuisaient, depuis la moitié
de la décennie 1980 et la balance commerciale demeurait structurellement déficitaire dans plusieurs secteurs, dont les pro-
duits alimentaires, les céréales, le sucre, le lait et le café notamment qui accroissaient la dépendance alimentaire.
Le pays ayant pratiqué l’ouverture économique et la fermeture politique, les handicaps de l’économie demeuraient : le poids
de la démographie, la dépendance alimentaire et le climat politique. Néanmoins, contrairement aux autres pays de la région,
deux points importants retiennent l’attention :
– la grande et précoce diversification de l’économie est la constante qui se dégage à travers toutes les phases de dévelop-
pement économique :
– la volonté de trouver un équilibre entre le socialisme et le capitalisme, la planification et la libre entreprise en fonc-
tion de la conjoncture.
Conclusion

Les grandes orientations des politiques économiques et leurs mises en œuvres jusqu’au début de la décennie 1980 indi-
quent la priorité donnée par les cinq pays maghrébins à l’exploitation et l’exportation des matières premières et à
l’industrialisation qui ont été placées au centre des stratégies de développement, sans suffisamment reconnaître le caractère
essentiel d’une croissance économique harmonieuse, dont les conséquences ont été graves pour le développement économi-
que et social de chaque pays de la région.
Les modèles économiques algérien, libyen et mauritanien se sont basés sur le même type de choix et les objectifs
fixés par les planificateurs ont été identiques, consistant à sortir du sous-développement à partir d’une forte industrialisa-
tion bâtie autour de l’exploitation des produits énergétiques en Algérie et en Libye et du minerai de fer en Mauritanie.
Pour cela, les trois Etats ont opté pour l’installation de grands complexes industriels très modernes et capitalistiques.
Leurs économies sont devenues indissociables de la richesse de leur sous-sol et leur vie économique est devenue soumise
à l’extraction et à l’exportation de matières primaires dont ils disposaient. La production, le revenu national, la formation
du capital, la balance des paiements, l’industrialisation et leur développement économique de manière générale, dépen-
daient de manière presque exclusive, sur la base de la part des matières primaires dans la formation des agrégats écono-
miques, tels le produit brut, le revenu national, la formation brute du capital et l’emploi.
La Tunisie et le Maroc ont à l’opposé, opté pour la diversification de leurs appareils productifs et pour un libéra-
lisme économique prévoyant une forte participation du secteur privé national et international, mais dont la planifica-
tion est restée indicative.
Cependant, pour les cinq pays, la dépendance technologique envers les pays industrialisés a été l’un des plus im-
portants problèmes. Ils sont devenus de grands clients des industries des pays développés, des consommateurs perma-
nents d’une technologie importée et ont également fourni d’importants débouchés au marché du travail occidental par
le recours massif à l’assistance technique.
Par l’intermédiaire du transfert de technologie, les pays maghrébins se sont retrouvés intégrés dans un circuit que
seules les multinationales maîtrisaient : l’implantation d’usines à technologie hautement sophistiquée, imposant
l’installation de faisceaux de dépendances envers les pays industrialisés exportateurs de technologies.
Les conceptions des politiques agricoles après les indépendances n’ont pas constitué une exception aux politiques éco-
nomiques globales. Alors que dans les pays développés à économie de marché, les politiques agricoles ont essentiellement
eu pour but d’améliorer les revenus des exploitants et d’accroître l’autosuffisance ou de développer la production destinée
à l’exportation. Pour atteindre ces objectifs fondamentaux, ils se sont efforcés de diverses manières à favoriser la crois-
sance de la productivité et à encourager la production par le biais de mesures d’incitation.
Au Maghreb, l’objectif de sécurité alimentaire répété sans cesse dans les discours officiels et les objectifs de déve-
loppement fixés au secteur agricole et repris à travers tous les plans de développement nationaux ont en réalité con-
trasté avec leur application.
Dans les cinq pays maghrébins, un important écart a été régulièrement noté entre les prévisions établies et les réali-
sations concrétisées, dont les conséquences ont été graves pour les agricultures maghrébines. Les politiques agricoles
nationales ont toujours prévu un appui à la croissance du secteur agricole, mais des disparités ont toujours prévalu entre
ce dernier et les autres secteurs d’activité économique.
La fin des années 1970 a donc marqué les limites des régimes d’accumulation poursuivis par les cinq pays de la région
maghrébine. La crise économique des années 1980 et ses retombées sur les économies de la région a fortement contribué à
la dégradation des marchés en entraînant des déséquilibres croissants entre les niveaux d’offre et de demande.
Les contraintes extérieures et les contrecoups de la crise économique internationale prévalant au cours de cette pé-
riode ont gravement pesé sur les cinq économies de la région, mettant à nu les faiblesses et les distorsions structurelles de
leurs systèmes productifs et exacerbant leurs contradictions sociales et politiques internes. L’accroissement du niveau de
la dette et de son service, conjugué à une détérioration des termes de l’échange dû à la chute drastique des recettes
d’exportations des matières primaires ont engendré des déséquilibres financiers très lourds.
Dès lors, une situation de disponibilité de ressources financières relativement importante, a cédé la place à une situation
de rareté, empêchant la poursuite du processus de financement de l’effort productif et des projets de croissance antérieu-
rement élaborés. Cette situation a vite fait de se traduire par un ralentissement général de l’activité économique et de la
croissance, une régression notoire des niveaux de création d’emplois et un accroissement des écarts entre une offre de plus
en plus faible et une demande en croissance régulière.
L’approfondissement des déséquilibres économiques induits et l’impossibilité de poursuivre les schémas de crois-
sance anciens, expliquent l’engagement des pays maghrébins l’un après l’autre dans un mouvement de réformes struc-
turelles, devant permettre la relance de la croissance économique. L’ajustement devint alors, la condition nécessaire de
soutien et de relance fondée sur des paradigmes tels que : l’efficacité et la rentabilité, la régulation par les mécanismes
de marché, la fin du gigantisme industriel et la réhabilitation des petites et moyennes entreprises, privées en
l’occurrence, souples, flexibles, créatrices de valeur ajoutée et génératrices d’emplois à moindres coûts.
Les expériences et les stratégies de développement adoptées et mises en œuvre par les cinq pays maghrébins ont donc
abouti aux mêmes crises économiques et sociales entre lesquelles, les analogies sont frappantes.
Après deux décennies de croissance économique soutenue (1970-1980), permise par les ressources financières tirées des
exportations de produits primaires (pétrole, gaz, phosphates, fer et produits agricoles), les politiques économiques maghrébi-
nes n’ont pas jeté les bases d’une croissance durable, confrontant les cinq pays à des échecs structurels comparables et à des
crises sociales analogues apparues dès le début de la décennie 1980.
L’accroissement du niveau de la dette et de son service, la détérioration des termes de l’échange et la chute brutale
des cours des principales exportations maghrébines entamé entre 1982 et 1986, ont entraîné des déséquilibres macro-
économiques et financiers très lourds qui ont fortement contribué à la dégradation des marchés et entraîné des déséqui-
libres croissants entre les niveaux d’offre et de demande.
De même, les fluctuations et la volatilité des taux de change du système monétaire international ont multiplié les
problèmes et accentuer les difficultés en créant une situation de rareté de ressources financières, rendant la planification
et l’exécution des programmes économiques extrêmement difficiles, empêchant la poursuite du processus de finance-
ment de l’effort productif et des projets de croissance antérieurs et engendrer un ralentissement général de la croissance
économique.
L’échec des politiques de développement conçues dans le cadre étroit de la nation est devenu l’impasse à laquelle ont
abouti les politiques de promotion d’appareils de production bâtis essentiellement dans le cadre du secteur public et dimen-
sionnés pour satisfaire la demande nationale dans un marché local protégé de la concurrence tant intérieure qu’extérieure. Les
défis posés aux développements économiques nationaux ont créé une convergence de fait entre les cinq pays maghrébins :
« la mise en œuvre de réformes structurelles visant à corriger les déséquilibres économiques antérieurs et promouvoir la re-
lance de la croissance ». Les cinq pays maghrébins se sont donc retrouvés contraints, les uns, sous la pression de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à appliquer un programme d’ajustement structurel (PAS) et les autres à
s’engager de manière volontaire dans la mise en œuvre de programmes de réformes structurelles.
Dans les deux cas, les principes directeurs ont été identiques et ont concerné pratiquement toutes les activités éco-
nomiques. La priorité a été donnée à la lutte contre l’inflation et l’assainissement des finances publiques avec une plus
grande maîtrise du financement de l’économie, l’ajustement étant jugé nécessaire pour assurer un développement du-
rable dans ces domaines et sept types d’actions ont été proposés :
– un désengagement progressif des États des secteurs productifs et la réhabilitation de l’initiative privée ;
– une ouverture des économies nationales aux participations étrangères ;
– le développement d’un marché de capitaux actifs : marché monétaire, marché financier (bourse) ;
– la mise en place de nouvelles règles de régulation économique de meilleure qualité et de transparence comptable
;
– une gestion plus rigoureuse des dettes extérieures (publique et privée) ;
– l’aménagement de la protection du marché intérieur et la libéralisation du commerce extérieur ;
– des restrictions budgétaires visant une plus grande rigueur des dépenses étatiques ;
– la lutte contre l’inflation et l’arrêt du financement de la politique publique par la planche à billets grâce à
l’indépendance de l’institution d’émission et la limitation drastique des emprunts au trésor à cette institution ;
– la recherche de la parité réelle des monnaies ;
– l’accumulation de moyens de paiements internationaux et l’équilibre des comptes extérieurs au niveau des comp-
tes courants de la balance des paiements.
Le secteur agricole fait aussi l’objet d’un programme d’ajustement structurel agricole (PASA), tendant à renforcer
la contribution de l’agriculture à la croissance économique, à la création d’emplois et à l’équilibre de la balance des
paiements et du budget de l’État.
L’objectif final étant de réaliser une stabilisation macro-économique visant à établir dans le court terme l’équilibre budgé-
taire et de la balance des paiements, ramener la dette extérieure des pays à un niveau acceptable et réunir les conditions né-
cessaires à la réalisation d’une croissance réelle soutenue et équilibrée par une amélioration du rendement du capital investi.
LES ANNEES 1980 OU LE PASSAGE OBLIGE A L’AJUSTEMENT STRUCTUREL

Depuis le début des années 1980, la majorité des pays en développement ont souvent eu besoin d’aides financières
pour faire face à leurs problèmes de balances des paiements. Suivant les orientations données par le FMI, la Banque
mondiale s’est donc mise à octroyer des prêts conditionnels de plus longues durées que ceux du FMI, au titre du sou-
tien à la balance des paiements et à la reprise du développement par le biais de la stimulation de la croissance et la
stabilisation.
Les conditions liées aux prêts préconisaient l’adoption de politiques d’ajustement structurel, supposant à la fois
une réorientation de la gestion économique à court terme et des réformes institutionnelles, l’objet de telles politiques
était d’aider les pays à mieux répartir leurs ressources et d’étayer leur capacité de soutenir les chocs extérieurs. Entre
autres moyens envisagés : la dévaluation de la monnaie nationale, l’adoption de mesures d’austérité, visant une meil-
leure performance fiscale et monétaire, accompagnées d’une meilleure et moindre intervention de l’Etat sur les di-
vers marchés, celui du travail notamment et la libéralisation du commerce extérieur. On attendait, entre autres, de cet
ensemble de mesures qu’il favorisât, une réaffectation des ressources vers des marchandises faisant (ou pouvant
faire) l’objet d’un commerce international (produits d’exportation ou de substitution aux importations) et qu’il ren-
forçât ce faisant, la position des pays en matière de devises étrangères, grâce à l’augmentation des recettes et à
l’épargne de devises.
L’importante caractéristique de ces prêts et des mesures concomitantes est qu’ils ne constituent pas un plan de
croissance comme tel. Les plans de développement économiques traditionnels comportent un ensemble de pro-
grammes et de projets plus ou moins complexes, assortis des moyens de leur financement, le tout s’inscrivant dans
un cadre politique général. Alors que, par leur potentiel d’expansion de la capacité de production et leur gestion de
la demande globale, les programmes d’ajustement structurel favorisent la croissance économique générale.
Les prêts consentis aux États, au titre de PAS n’étant pas affectés à des projets précis ou à l’acquisition de biens
particuliers, leur fonction primordiale n’est pas de créer directement des actifs, mais d’apporter un soutien à la balance
des paiements, afin de pallier le manque de devises étrangères. Cette stratégie part du postulat selon lequel, en modi-
fiant la matrice des stimulants économiques auxquelles ils sont subordonnés, ces prêts encouragent les investisseurs à
créer des actifs. Ainsi, d’après la Banque mondiale : « L’ajustement structurel est un proces-
sus dynamique qui vise à instaurer une relation viable entre l’économie intérieure et les relations économiques inter-
nationales et à jeter les bases d’une croissance durable »1. Dans l’idéal, les politiques d’ajustement devraient jouer à
mesure qu’apparaissent les difficultés internes ou externes, donc avant que l’économie ne se soit détériorée au point de
ne pouvoir rembourser ses emprunts et de devoir faire appel aux organismes de prêt. Un ajustement forcé peut avoir
des conséquences désastreuses.
Nous savons, d’après les expériences passées, qu’un programme d’ajustement ne saurait avoir d’impact neutre
sur le développement. Il est clair que l’ajustement est un processus à long terme et que les obstacles, d’ordres éc o-
nomiques ou politiques rencontrés dans sa mise en œuvre, ainsi que les conséquences institutionnelles, sociales et
politiques des réformes qui y sont engagées, constituent une grande préoccupation pour les acteurs qui s’occupent
de planification et de développement.
Un PAS établit explicitement ou non des priorités en termes de croissance sectorielle, de répartition des revenus, de
productions destinées à la consommation ou à l’exportation et a de ce fait, une incidence directe sur les objectifs de
développement que le pays s’est fixé, sur ses relations économiques internationales, sur ses objectifs sectoriels et sur
sa sécurité alimentaire.
L’étude des programmes d’ajustements financés par des sources multilatéra-
les prouve combien il est important de disposer de devises pour assurer le paiement du service de la dette. Jusque
vers la fin des années 1980, la Banque mondiale et le FMI soutenaient le fait que les pays en développement doi-
vent s’acquitter intégralement de leur dette et que tout désaccord sur ce point risquait de s a-
per la stabilité financière internationale2. Ainsi, l’ajustement structurel est dans une large mesure, axé sur le paie-
ment du service de la dette et la nécessité connexe de se procurer des devises étrangères pour s’en acquitter.
Si les programmes de la réduction de la dette avaient été lancés au Maghreb dès le début des années 1980, la nature
de l’ajustement aurait été toute autre qu’elle l’est à présent. Tous les pays maghrébins sont aujourd’hui, à des degrés
divers, beaucoup plus présents sur les marchés internationaux des produits et de la finance et sont de ce fait, affectés par
l’évolution de l’environnement économique international.
Des conditions favorables (prix soutenus des produits de base, accès facile au crédit à des conditions de faveur,
cours bas des produits agricoles sur le marché mondial…) ont stimulé la croissance générale jusqu’à la fin des années
1970. Si cette dernière s’est accompagnée de mesures appropriées, elle a relativement pu atténuer la pauvreté, la mal-
nutrition et de manière générale la dégradation de l’environnement économique des pays de la région. Mais depuis le
début des années 1980, l’évolution défavorable de l’économie mondiale a obligé les cinq pays maghrébins à procéder
aux inévitables réformes économiques de manière plus ardue qu’elles auraient pu le faire auparavant.
Pour les cinq pays de la région, les variables extérieures les plus cruciales ont été les termes de l’échange et les bar-
rières commerciales qui ont fortement affecté leurs exportations, les taux d’intérêt des anciennes dettes et des nou-
veaux emprunts, ainsi que le montant et les conditions de l’aide officielle au développement. Ces facteurs ont été prin-
cipalement influencés par les actions entreprises dans les pays développés, notamment chez les membres les plus im-
portants de l’OCDE. Pour évidente qu’elle soit, cette vérité vaut d’être soulignée : les économies qui détiennent les
plus grosses parts dans la production et le commerce mondial dictent les conditions qui prévalent sur les marchés in-
ternationaux et déterminent, par voie de conséquence, le sort des pays en développement. Or pour l’écrasante majorité
de ces pays, l’essentiel du commerce et des emprunts se fait avec les pays développés et non avec d’autres pays en
développement.

L’AJUSTEMENT STRUCTUREL DANS LA REGION MAGHREBINE

Le retournement de la conjoncture internationale qui a eu lieu au début des années quatre vingt a précipité la crise
budgétaire et financière des Etats maghrébins :
– la chute du prix du pétrole a réduit les revenus d’exportations de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye qui devait
de plus faire face à un embargo économique international depuis 1992 ;
– la baisse des prix du phosphate et le rétrécissement des marchés traditionnels des exportations de produits agricoles
et de produits manufacturés a réduit les recettes du Maroc et de la Tunisie ;
– la baisse des prix du minerai de fer, due à la crise industrielle des pays occidentaux, a fortement affecté la Mauri-
tanie qui en a été pendant très longtemps mono-exportateur.
De ce fait, le manque de capacités de financement des importations de biens industriels et manufacturiers (machines,
produits finis et semi-finis, outils, matériel de transport…) nécessaires au fonctionnement des potentiels productifs est
devenu de plus en plus accru, de même que les factures alimentaires et de produits d’importance vitale (médicaments,
appareillage médical…) sont devenues de plus en plus lourdes.
Ces changements qui ont affecté l’environnement économique international ont eu des incidences sur chacune des éco-
nomies nationales maghrébines et ont traduit une réaction brutale des producteurs, des consommateurs et des contribuables
touchés par les impacts des politiques adoptées.
Devant la forte diminution des ressources financières nécessaires à la poursuite des processus de développement en-
tamés, les pays maghrébins sont entrés l’un après l’autre en négociation avec leurs créanciers et se sont engagés dans
l’adoption et l’application de programmes d’ajustement structurel, ouvrant droit à de nouveaux prêts de la Banque
mondiale et du FMI (Fonds monétaire international) qui ont défini le cadre des nouvelles politiques économiques.
Le Maroc qui a entamé le plus tôt le mouvement de libération de son économie (1983) a été rejoint par la Maurita-
nie en 1985 et par la Tunisie en 1987.
Devant le caractère alarmant du service de sa dette qui représentait 49% des exportations en 1987, l’Algérie qui
ne souhaitait pas un rééchelonnement de sa dette extérieure, avait déjà entrepris quelques réfor-
mes devenues nécessaires, sans négociations conditionnelles avec la Banque mondiale. Mais à partir de l’année
1992, les ressources du pays ne parvenant plus à assurer le paiement du service de la dette qui a atteint 75% du mon-
tant des exportations et celui des importations devant assurer le maintien d’un minimum d’activité économique et de
bien-être de la population, l’Algérie s’est à son tour engagée en 1994, dans de nouvelles négociations avec la Banque
mondiale, qui ont abouti à l’obtention de nouveaux prêts, nécessaires au financement de l’économie, mais condition-
nés par le rééchelonnement de sa dette extérieure.
Malgré ses importantes ressources pétrolières, le rythme de développement économique de la Libye s’est fortement ralen-
ti, depuis 1988 déjà pour se détériorer encore d’avantage suite à l’application de l’embargo international en 1992.
Aussi, les politiques économiques menées actuellement tendent vers une certaine convergence, avec des principes
de réformes semblables dans tous les pays. Ils concernent le souci d’amélioration des systèmes économiques par
l’accord d’une certaine souplesse grâce à la décentralisation du pouvoir économique, la libéralisation des prix,
l’aménagement de la protection du marché intérieur, la promotion des exportations, la réforme fiscale, la restructura-
tion des entreprises publiques, la réhabilitation du secteur privé productif et l’amélioration de l’efficacité de
l’appareil industriel, l’ouverture économique sur le reste du monde et la recherche de la forme d’intégration la plus
appropriée à l’économie mondiale. L’ajustement comme tel, est le processus par lequel producteurs et consomma-
teurs réagissent face aux changements extérieurs ; quant aux politiques d’ajustement, ce sont les mesures adoptées
par les gouvernements pour intégrer et répercuter ces changements.

ENSEMBLES OPERATOIRES ET INSTRUMENTS MACRO-ECONOMIQUES DE


L’AJUSTEMENT STRUCTUREL

Le tableau suivant illustre les principaux ensembles opératoires des programmes d’ajustement structurel et les ins-
truments macro-économiques utilisés pour leur mise en œuvre.
Ensembles opératoires et instruments macro-économiques utilisés dans la mise en œuvre des programmes
d’ajustement structurel

Ensembles opératoires Instruments macro-économiques

Politique des prix. Taux de change, politique salariale

et taux d’intérêts.

Politique des transferts. Fiscalité.Subventions.Tarifs douaniers.Réductions


budgétaires.

Politique monétaire. Contrôle de l’offre de monnaie.Taux


d’intérêts.Allocations de crédit.

Politique du commerce Taux de change.

extérieur. Tarifs et quotas douaniers.Subventions aux exporta-


tions.Allocation de devises .Taxes à l’exportation.

Réformes Gestion des entreprises parapubliques.


institutionnelles. Privatisation-libéralisation.Amélioration des capaci-
tés dela fonction publique.Formation et recher-
che.Auto-organisation.

Politique foncière. Cadastration et zonage. Fiscalité foncière.


Source : Labonne M., Guide pratique pour l’évaluation de l’impact des politiques d’ajustement structurel sur le secteur agricole et pour le suivi de leur
mise en œuvre, 1993, p. 22.
Si les principes de pilotage des PAS reposent sur les six grands ensembles opératoires sus cités, leur assemblage et
leur mise en œuvre sont quant à eux déterminés en fonction de la situation spécifique de chaque pays
Un train de mesures de libéralisation de l’économie et de réduction des dépenses budgétaires ont été adoptés par les
cinq pays maghrébins, la priorité allant au redressement des balances des paiements au prix d’une réduction de la de-
mande intérieure. En fait, c’est tout le système de redistribution des revenus des États qui est remis en cause par la
recherche de l’élimination de toutes les distorsions de prix relatifs existants à l’opposé des modes de régulation éco-
nomique antérieurs.

IMPACTS DE L’AJUSTEMENT STRUCTUREL SURLES CONDITIONS MACRO-


ECONOMIQUES MAGHREBINES
Les impacts de l’application de programmes d’ajustement structurel peuvent être analysés à travers les capacités de
transition d’un pays d’une économie dirigée vers une économie de marché, ainsi que son aptitude de stabilisation de
ses déséquilibres macro-économiques.

Les régimes de change dans les pays maghrébins : du contrôle de change à la convertibilité externe
Dès les premières années d’indépendance et comme dans tous les pays en voie de développement à économie de mar-
ché ou en voie de l’être, le contrôle des changes a été un outil de politique économique très utilisé dans la région maghré-
bine, qui a fortement contribué aux transformations des conditions macro-économiques des cinq pays de la région. Il
a servi à restreindre les sorties de capitaux et à mieux contrôler les échanges extérieurs et a été un instrument largement
utilisé dans les politiques des prix. Il a été un moyen pour stabiliser les prix intérieurs, mais a également constitué le fac-
teur de leur surévaluation et de l’abaissement artificiel des prix intérieurs des importations et des exportations agricoles,
créant des conséquences structurelles néfastes sur le secteur agricole.
En Libye, le régime de change est encore régi par une action directe et autoritaire de l’Etat tant sur l’offre et sur la de-
mande de devises étrangères que sur le niveau du taux de change, lui-même déterminé par rapport au DTS. Un seul chan-
gement a été enregistré, par une dépréciation volontaire sous la forme d’un glissement de 5,97%, effectué en 1986 par les
autorités monétaires dans le cadre des réformes économiques adoptées.
Dans les quatre autres pays maghrébins, le régime de change a été régi jusqu’à 1970 en Tunisie, 1977 au Maroc,
1983 en Mauritanie et 1991 en Algérie par une action directe de l’Etat.
Après de fréquents correctifs et adoptions de régimes de change flottants dirigés où le taux de change était déterminé par
rapport à d’autres monnaies {dollar américain ($ US) en Algérie et en Mauritanie, franc français (FF) et $ US au Maroc, FF et
$ US avec introduction du deutsche mark (DM) comme correctif en Tunisie}, tout en tenant compte de l’évolution des autres
devises pondérées par la structure géographique de leur commerce extérieur respectif, les quatre pays ont un à un adopté une
politique de change dirigée vers la promotion des exportations visant la compétitivité des exportations et la détermination du
taux de change de leur monnaie nationale, en fonction de leurs principaux partenaires et concurrents commerciaux avec de
nombreux correctifs liés au PAS qu’ils ont mis en application.

Contexte de la dévaluation des monnaies nationales maghrébines


Durant la période précédant les dévaluations qui s’est étalée de l’année 1970 au début des années 1980 et a correspondu
aux années fastes où les cours des principales exportations maghrébines affichaient des niveaux importants et une relative
stabilité, la charge de la dette extérieure a poussé les pays maghrébins à s’efforcer de maintenir un taux de change élevé qui
a permis de contenir l’évolution de la dette globale et de son service.
Les monnaies des cinq pays étaient donc surévaluées et leurs taux de change souvent modifiés par les responsables de
la politique économique, suivant les pressions de la conjoncture économique. Mais la non compensation par le taux de
change de la hausse excessive des prix intérieurs par rapport aux prix étrangers, a présenté de nombreux inconvénients
pour les économies des pays et a fini par rendre encore plus difficile le retour à des taux de change plus réalistes, car elles
ont impliqué de fortes dévaluations des monnaies nationales. Elle a également pénalisé les exportations, accentué les défi-
cits et a finalement obligé les pays maghrébins à s’endetter encore plus.
Depuis la moitié de la décennie 1980, avec l’application des PAS, les pays maghrébins ont recherché une gestion
plus rationnelle du taux de change et adopté depuis, des stratégies plus cohérentes avec les mesures et les objectifs de
leurs politiques économiques portant sur les choix de régimes de change et de niveau de taux de change les plus favo-
rables et tenant compte de paramètres jusque-là ignorés.
L’adoption de régimes de change flottants en fonction d’un panier de devises a conduit à des politiques différentes
compte tenu de la structure de ce dernier et de sa variabilité, allant de la fixité jusqu’au flottement dirigé et a apporté
de nombreux changements dans les conditions macro-économiques nationales. La Libye reste le seul pays maghrébin
où le régime de change fixe est encore en vigueur.

Effets des dévaluations des monnaies nationales sur les conditions macro-économiques maghrébines
Les fluctuations des taux de change
L’utilisation de la dévaluation du taux de change nominal comme élément de référence, permet d’apprécier les tendan-
ces des valeurs des monnaies maghrébines. Les uns sous pression du Fonds monétaire international (FMI), lors de
l’application d’un PAS, les autres dans la mise en œuvre de programmes de réformes économiques volontaires, les cinq
pays maghrébins ont mis en œuvre cette mesure monétaire qui a été à l’origine d’importants changements de leurs condi-
tions macro-économiques.
La méthode utilisée considère les fluctuations des taux de croissance annuels moyens du taux de change qui permet
d’apprécier la valeur internationale des monnaies maghrébines, de par leur capacité de se maintenir à un certain niveau,
c’est-à-dire à leur valeur réelle, dans un contexte d’économie de marché et d’ouverture sur l’économie mondiale.
Fluctuations des taux de change des monnaies maghrébines avant et après les dévaluations
Taux de croissance an-
Intensité des nuels moyens
Années de
Pays dévaluations
dévaluation
en %
Avant Après
dévaluation dévaluation

Algérie 1991 106 -12,13 31,60

Libye 1986 5,97 0 1,25

Maroc 1985 14,19 24,75


-1,37

Mauritanie 1984 16,4 4,84 8,5

Tunisie 1986 4,37 13,72 2,75

Source : nos calculs d’après les données des Statistiques financières internationales (SFI) de la Banque mondiale.
Durant la période précédant les dévaluations des monnaies nationales, les variations des taux de croissance annuels
moyens des taux de change étaient très importantes et ne reflétaient en fait que la volonté des instances financières (les
banques centrales) de redresser les déséquilibres macro-économiques des pays par des correctifs des taux de change.
Mis à part le dinar libyen dont le taux de change est fixe (la Libye n’a pas dévalué sa monnaie mais a quand même ef-
fectué un glissement de moyenne intensité de sa monnaie dans le cadre de l’application du programme de réforme écono-
mique volontaire), depuis la mise en œuvre des dévaluations de très forte intensité en Algérie, moindre au Maroc et en
Mauritanie et relativement faible en Tunisie, on note, sauf pour le dinar algérien, en raison de la très récente et forte déva-
luation (1991), une diminution très sensible des variations des taux de croissance annuels moyens des taux de change no-
minaux, reflétant l’acquisition d’une relative stabilisation des monnaies maghrébines qui semble se maintenir.

La stabilité des monnaies


La remarquable stabilité du dinar libyen qui est toujours fixé administrativement par les autorités financières gou-
vernementales doit être considérée avec prudence, car elle ne reflète pas une situation juste et fiable de sa valeur ré-
elle.
Du fait de sa récente (1994) et intense dévaluation, les fluctuations du dinar algérien sont très importantes (le taux
de croissance annuel moyen du taux de change est de 31,60% depuis la dévaluation). Elles se sont néanmoins stabili-
sées depuis 1995, 1996 et 1997 où le dinar a gardé les mêmes niveaux.
Les taux de croissance annuels moyens des taux de change après dévaluation de l’ouguiya mauritanien dont la dévalua-
tion est assez ancienne (1984) ont augmenté et restent relativement importants (8,5%).
Avec les fluctuations des taux de croissance annuels moyens les moins importantes, le dinar tunisien et le dirham
marocain, ont, quant à eux, acquis une relative stabilité et gardent une régularité appréciable, malgré les fluctuations
des monnaies auxquelles ils sont rattachés, traduisant ainsi la force qu’ils ont acquis et de manière générale la relative
réussite des correctifs apportés aux déséquilibres macro-économiques dans la mise en œuvre des PAS. Ces résultats
sont néanmoins beaucoup plus satisfaisants en Tunisie où la monnaie enregistre un niveau beaucoup plus stable qu’au
Maroc, où le dirham enregistre encore une baisse de sa valeur.
Ainsi, les cinq monnaies maghrébines ont réagi différemment à leur dévaluation, faisant apparaître des différences
entre les pays quant à la capacité de stabilisation de leur monnaie nationale à des niveaux économiquement souhaita-
bles.

Les prix intérieurs


Les politiques macro-économiques, notamment les politiques des prix menées par les pays maghrébins jusqu’à la
moitié des années 1980, ont eu de grandes incidences sur les variations des prix intérieurs. Elles ont engendré des per-
turbations dans la demande domestique des consommateurs qui ont profité des biens de consommation importés et
fortement subventionnés, lorsque les monnaies nationales étaient dépréciées, mais qui hésitent depuis à les abandon-
ner, créant une rigidité accrue de la demande de biens importés dont les prix ont connu de fortes augmentations ces
dernières années.

Taux de croissance annuels moyens des prix à la consommation avant et après dévaluation

Pays Avant Après


dévaluation dévaluation

Algérie 13,86 26,19


Libye 9 5,38

Maroc 9,67 5,92

Mauritanie 4,22 3,63

Tunisie 9,57 6,5

Source : nos calculs d’après les données des Statistiques financières internationales (SFI), Banque mondiale, 1995.

Durant la période précédant l’application des programmes d’ajustement structurel, les prix du marché international
ont enregistré des niveaux convenables sans extrêmes. La période 1981-1983 a même été caractérisée par des chutes
brutales des prix des produits agricoles et alimentaires, tant des céréales que des autres produits. Les produits indus-
triels finis et semi-finis qui constituent avec les produits agricoles et alimentaires les principales importations des pays
maghrébins, ont gardé une relative stabilité sur le marché international.
Les fluctuations des taux de change ont eu une grande incidence sur le niveau des prix intérieurs dans les pays
maghrébins. Les dévaluations effectuées ont ainsi amené d’importants changements dans la détermination des prix
intérieurs, sous la forme d’un faible niveau d’inflation dans les pays de la région, sauf en Algérie où la diminution du
niveau d’inflation a été en fait annulée par l’extrême intensité de la dévaluation, la libéralisation simultanée des prix à
la consommation, la pression due à l’excès de liquidités qui a été libérée et qui a alimenté l’inflation et enfin du fait
d’une dévaluation beaucoup plus récente que dans les autres pays maghrébins.
Dans les quatre autres pays où le processus s’est déroulé de manière moins brutale, les équilibres attendus ont pu se
réaliser dans des délais plus longs, l’inflation semble être mieux maîtrisée et les taux d’accroissement annuels moyens
des prix à la consommation ont diminué après la dévaluation des monnaies nationales.
Un point important apparaît ainsi, à savoir l’étroite relation entre l’intensité de la dévaluation et celle de la variation
des taux de croissance des prix à la consommation. En effet, plus l’intensité de la dévaluation de la monnaie a été forte,
plus les prix à la consommation ont augmenté.
Cette relation est bien illustrée par le cas algérien, où la dévaluation de 106% effectuée après la signature de l’accord
« Stand by » en 1991 qui a été suivie d’une deuxième dévaluation de 50,17% après la signature de l’accord de rééchelon-
nement de la dette extérieure a vu le doublement du taux de croissance annuel moyen des prix à la consomma-
tion qui a atteint 26,19 % après la dévaluation contre 13,86 % précédemment.
Il est cependant nécessaire d’avoir une vision prospective et de tenir compte du fait que l’augmentation récente des
prix sur le marché mondial qui s’est encore plus accentuée, depuis la signature des accords de l’OMC à Marrakech en
1994, libéralisant le commerce international, a déjà entraîné un renchérissement des importations et eu une forte inci-
dence sur le niveau général des prix et va avoir une répercussion certaine sur les niveaux d’inflation dans les pays
maghrébins. D’autre part, la reprise actuelle de la croissance des économies maghrébines va probablement favoriser la
propagation de la hausse des coûts de production. Les prix à la production qui reflètent les tensions à un stade précoce
du cycle inflationniste donnent déjà des signaux. Compte tenu de l’utilisation accrue des capacités de production pen-
dant les ajustements structurels, les entreprises vont pouvoir répercuter leurs coûts sur les consommateurs et une aug-
mentation de la demande d’exportation risque de provoquer l’apparition de goulets d’étranglement et d’encourager les
revendications salariales. L’expérience britannique révèle en effet que la dévaluation finit toujours par entraîner
l’inflation. On a ainsi pu constater qu’une dévaluation de 10% entraînait une hausse de 10% des prix à la production à
long terme, ramenant la compétitivité à son niveau initial. La seule question porte sur la durée de ce processus de rat-
trapage1.

Le commerce extérieur
Les avantages qui découlent de l’abolition des restrictions de change justifient les efforts fournis par les pays mag-
hrébins pour arriver à la convertibilité de leurs monnaies. Les cinq pays sont spécialisés dans l’exportation de biens
primaires (matières premières et produits agricoles) ou bien de produits industriels qui ont été progressivement aban-
donnés par les pays industriels avancés. Hormis le cas du gaz naturel, la demande de ces biens est soumise à de brus-
ques variations et s’inscrit de plus en plus dans une tendance de stagnation et même de réduction de leur part dans le
commerce international, entraînant l’essoufflement des capacités d’importation des pays maghrébins et la diminution de
leurs ressources externes.
Les prix des produits exportés par les pays maghrébins sont fixés sur le marché international. En raison de leur pe-
tite taille et de la nature de leurs exportations, les pays sont « Price taker » et l’évolution de leurs coûts intérieurs n’a
pas d’incidence sur les cours mondiaux. De ce fait, toute augmentation des coûts internes supérieure à celle de
l’étranger réduit les marges bénéficiaires des exportations et la rémunération du secteur des biens exportés.
Mis à part la Libye, les autres pays de la région ont mis en œuvre depuis l’application des PAS, des mesures desti-
nées à terme, à permettre le libre-échange de leurs monnaies contre des monnaies étrangères pour les transactions
relatives aux biens et services sans contre-partie et cherchent donc à instaurer « la convertibilité du compte courant,
par opposition à la “ convertibilité ” qui supposerait l’abolition des restrictions de change non seulement sur les tran-
sactions internationales courantes, mais aussi sur les mouvements de capitaux ».
Les quatre pays ont ainsi libéralisé leur système d’échanges et de paiements par :

la réduction progressive des restrictions quantitatives à l’importation ;
– l’accroissement de l’efficacité et de la compétitivité par la baisse des droits de douanes ;
– l’abolition de toutes les restrictions touchant les licences d’importation et l’allégement du rôle des régimes douaniers
et de la parafiscalité ;
– l’accès libre à la devise pour les importations par la réduction des restrictions administratives ;
– la réduction des rigidités intérieures qui permet aux consommateurs et aux producteurs de prendre des décisions
en fonction des signaux du marché.

Taux de croissance annuels moyens des valeurs des importations et des exportations avant et après les
dévaluations

Avant dévaluation Après dévaluation

Exportations Importations Exportations Importations

Algérie -1,33 -1,78 0,04 8,56

Libye -7,3 -6,58 2,07 6,57

Maroc -1,92 -1,32 8,63 8,62

Mauritanie -14,3 -5,15 3,64 6,74

Tunisie -3,03 -2,35 14,61 11,2

Source : nos calculs d’après les données de l’Annuaire des statistiques financières internationales de la Banque mondiale, 1995.
Durant la période précédant les PAS, la surévaluation des monnaies nationales a fortement pénalisé les exporta-
tions dans les cinq pays et leurs valeurs enregistraient des taux d’accroissement annuels moyens négatifs. Ce phéno-
mène a été accentué par la variabilité des taux de change des pays développés, car une grande part des recettes des
États provenait des droits de douane, dont les recettes globales dépendaient de la valeur des exportations exprimée en
monnaie nationale et des diverses taxes perçues sur les exportations.
La valeur des importations est restée quant à elle constante et a même parfois baissé, entraînant des taux de crois-
sance négatifs et peu importants, en raison de la relative stabilité des cours sur le marché mondial durant cette période.
Concernant les produits agricoles, leurs prix ont enregistré une baisse sur les marchés internationaux et leurs volumes
ont augmenté, depuis la fin des années 1970 jusqu’à la moitié des années 1980 environ.
Dans le régime de change fixe en vigueur durant cette période, l’offre de devises n’étant pas égale à sa demande, la re-
cherche de plein emploi accompagnée d’une hausse des prix a entraîné de lourdes conséquences sur l’emploi, les salaires
et les prix. La perte de revenu du secteur exportateur s’est répercutée sur l’ensemble de l’économie et s’est amplifiée par le
jeu du multiplicateur. Il y a eu de ce fait apparition de déficits commerciaux qui ont entraîné la pratique de politiques de
stérilisation, consistant à compenser les sorties de la monnaie nationale par une augmentation équivalente des crédits ban-
caires à l’économie et donc des réserves accumulées antérieurement ou des emprunts à l’étranger. Le déficit commercial a
été alors compensé pour les agents économiques des pays par une forte diminution des revenus.
De manière générale, « cette politique possède ses propres limites déterminées par le montant des réserves que dé-
tient le pays et des capacités d’emprunt et n’engendre aucun effet favorable à la réduction des importations, ce qui
risque de maintenir le déficit de la balance commerciale voire même l’aggraver si aucun retournement ne se manifeste
dans la demande étrangère pour les biens exportés »1.
Durant la période suivant les dévaluations, on note en premier lieu l’incidence directe du renchérissement des importa-
tions. Celle-ci a été assez importante dans les trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie) et moindre dans
les deux autres pays. Mais, la dévaluation a également constitué un stimulant aux exportations dont les valeurs ont connu
une augmentation importante en Tunisie et au Maroc et moindre dans les trois autres pays.
L’adoption de régimes de change flexibles et la dévaluation des monnaies nationales, suivies de leur convertibilité
commerciale ont ainsi constitué un stimulant au commerce extérieur qui a engendré d’importants gains de productivité
des exportations des cinq pays. La valeur des exportations qui s’est accrue et a parfois atteint des rythmes importants,
confirme ainsi que la pertinence de la dévaluation qui demeure un instrument d’action économique valable comme il y
est souvent fait référence dans la théorie économique.
Ainsi Benissad M. E. affirme à ce sujet que « l’adoption de régime de change flexible élimine tout problème de ré-
serve de change qui sont, utiles qu’en situation de taux de change fixe où l’offre de devises n’est pas égale à leur de-
mande. Cette caractéristique permet de favoriser une politique de développement de la croissance soutenue sans avoir
jamais à provoquer une récession correctrice des déséquilibres externes »1.
Tout comme Muchielli J. -L. qui souligne : « Qu’avec l’adoption d’un régime de taux flexibles, le problème du déficit
est en principe résolu puisque c’est la variation du taux de change (la dévaluation des monnaies nationales dans le cas
maghrébin) qui détermine l’égalité des exportations et des importations sur le marché des changes. L’équilibre s’établit
au niveau qui permet l’égalisation de l’offre de devises contre monnaie nationale (la valeur des exportations) et la de-
mande de devises contre monnaie nationale (la valeur des importations) »2.
À cela s’ajoute le fait, peut-être plus important, souligné par Nezeys Bertrand que : « La dépréciation de la monnaie a
pour effet d’accroître la demande pour les produits nationaux de la part des étrangers, à cause de la baisse éventuelle de
leurs prix sur les marchés internationaux et de la part des acheteurs domestiques en raison du renchérissement des produits
importés »3. L’effet de la baisse des exportations est donc compensé par la stimulation de la demande interne, ce qui con-
tribue à limiter la perte du revenu national provoquée par la baisse initiale des exportations.
Les dévaluations qui ont été opérées parallèlement à la libéralisation du commerce extérieur, engendrant une forte
demande des produits importés ont également eu pour conséquence le renchérissement des importations dans les cinq
pays. Cette augmentation a été différente suivant les pays, importante respectivement en Tunisie, au Maroc, en Algérie,
en Mauritanie et enfin en Libye.
Conclusion

Un point important doit être souligné quant à la conclusion de l’analyse. Les résultats obtenus ne sont réalistes et
vérifiables qu’après les quatre ou cinq années suivant la dévaluation des monnaies nationales, durée après laquelle les
indicateurs que nous avons considérés réagissent aux dévaluations et aux autres mesures macro-économiques mises en
œuvre dans le cadre de l’application des mesures d’ajustement structurel (libéralisation du commerce intérieur et exté-
rieur, retrait des subventions à la consommation et aux prix des intrants…).
Au vu des résultats mis en évidence, il apparaît que des différences existent entre les cinq pays pour tous les para-
mètres considérés.
Concernant la stabilité des monnaies, les réactions des cinq monnaies maghrébines à la dévaluation ont été différentes
et laisse apparaître l’existence de différences entre les pays quant à la capacité de stabilisation de leur monnaie nationale à
des niveaux économiquement souhaitables.
Durant la période suivant les dévaluations, les niveaux des prix représentés par les taux de croissance annuels
moyens des indices des prix à la consommation ont indiqué des niveaux d’inflation différents suivant les pays, les plus
hauts niveaux se situant respectivement en Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Libye et enfin en Mauritanie.
L’incidence directe du renchérissement des importations a été également importante dans les trois pays du Maghreb
central (Algérie, Maroc et Tunisie) et moindre dans les deux autres pays. De même, la stimulation des exportations dont
les valeurs ont connu une augmentation importante en Tunisie et au Maroc et moindre dans les trois autres pays.
Les différences existant entre les cinq pays pour tous les paramètres considérés, les réactions différentes des éco-
nomies maghrébines aux mesures d’ajustement structurel ainsi que les différences des conditions macro-économiques
des cinq pays maghrébins, laissent donc présager l’existence réelle de possibilités d’échanges commerciaux entre les
cinq pays maghrébins, comme il est souligné dans les théories de l’échange international.

ÉCHANGES EXTERIEURS ET COMMERCE INTER-MAGHREBIN

Les échanges extérieurs maghrébins

Les balances commerciales maghrébines


L’évolution du commerce global des pays maghrébins durant les quatre dernières décennies, montre une améliora-
tion de la balance commerciale pour l’Algérie, la Libye et la Mauritanie et une détérioration pour les deux autres pays
de la région (Maroc, Tunisie).

Évolution des balances commerciales maghrébinesannées 1959-61/1994


Unité : millions de dollars.
PAYS 1959-61 1969-71 1974-76 1982-84 1986-90 1992 1993 1994

Algérie -608 -231 -336 1020 369 2707 1789 -1112

Libye -129 1770 5049 5484 1511 4531 2746 3330

Maroc -46 -157 -834 -1843 -1759 -3383 -3038 -3175

Mauritanie -24 33 17 40 106 172 141 140

Tunisie -60 -117 -505 -1356 -1360 -2424 -2411 -1929

Sources :
– CNUCED, Annuaire statistique du commerce et du développement, 1991;– CIHEAM, Annuaire des économies agricoles et alimentaires des
pays méditerranéens et arabes, 1997.

En Algérie et en Libye, l’amélioration a été très étroitement liée aux fluctuations des cours du baril de pétrole et s’est
réalisée de manière régulière, jusqu’à la crise pétrolière qui a eu lieu durant la période 1986-90.
Etant mono-exportateurs de produits énergétiques, les deux pays ont subit les effets immédiats du choc et ses impacts
sur leur solde commercial (entre l’année 1985 et 1986, la valeur des exportations algériennes a chuté de 10,1 à 7,8 mil-
liards de dollars US et celle de la Libye de 9,2 à 7,7 milliards de dollars US). La situation s’est néanmoins améliorée
entre 1990 et 1992, en raison de l’augmentation des livraisons de gaz naturel en Algérie et de celles de pétrole brut en
Libye, mais aussi du contexte de diminution des importations dans le cadre des programmes de réformes économiques
adoptées dans les deux pays. En Algérie, une nette détérioration a été de nouveau enregistrée, durant l’année 1993 où la
balance des paiements extérieurs a atteint ses plus grands déséquilibres et entraînée le début des négociations, visant le
rééchelonnement de la dette extérieure avec la Banque mondiale.
La balance commerciale mauritanienne s’est régulièrement améliorée depuis la période 1959-61 passant d’un solde
négatif de -24 millions de dollars à un solde positif de 140 millions de dollars en 1994 et la reprise a été beaucoup plus
importante depuis l’année 1992, où le développement des exportations de produits halieutiques a permis une relative
mais fragile stabilisation de la balance commerciale autour de 150 millions de dollars US.
Au Maroc et en Tunisie, les soldes des balances commerciales ont été régulièrement négatifs depuis plus de quatre
décennies et se sont beaucoup plus accentués depuis la moitié des années 1980 où la chute des cours du phosphate sur
le marché mondial et la dure concurrence sur le marché européen pour les produits manufacturiers et agricoles, princi-
pales exportations des deux pays, ont fortement diminué les recettes d’exportation.

La structure des exportations


La structure des exportations maghrébines fait apparaître deux types de situations. On retrouve d’une part,
l’Algérie, la Libye et la Mauritanie, très dépendants de leurs exportations de ressources naturelles. Le pétrole et le gaz
pour les deux premiers et le minerai de fer et les produits de la pêche pour le troisième. D’autre part, on retrouve le
Maroc et la Tunisie qui ont très fortement protégé et développer leurs secteurs industriels légers dont ils tirent une part
plus ou moins importante de leurs recettes d’exportations. Les produits manufacturiers le plus souvent produits dans le
cadre d’investissements étrangers, attirés par le faible coût de la main d’œuvre, assurent une part importante de leurs
exportations, mettant en second plan les exportations agricoles (agrumes, fruits et légumes primeurs, huile d’olive…),
halieutiques et minières (phosphate et dérivés) largement majoritaires durant les premières années des indépendances.
La structure de leurs exportations est ainsi plus diversifiée que celle des trois premiers pays et les rend relativement
moins tributaires des activités à base de ressources naturelles pour leurs recettes en devises.

Structure des exportations maghrébines en%années 1980 et 1993.


Pays Total millions de dollars Produits alimentaires agricoles Matières premières
Fuels et combustibles Minerais et métaux Produits manufacturés
1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993
Algérie 15623,6 10097,7 0,8 1,0 0 0 98,5 95,2 0,5 0,3 0,3 3,5
Libye 21909,7 10734,2 0 0,6 0 0,1 98,5 95,40 0 0 3,9
Maroc 2403,4 3695,9 28,5 26,7 2,6 2,4 4,8 2,7 40,5 11,4 23,5 56,8
Mauritanie* 194,2 471,0 29,6 45,2 0,7 3 14 1,9 0,4 48,6 52 0,2
Tunisie 2233,7 3804,5 7,2 11,3 0,9 0,6 52,5 11,5 3,6 1,4 35,7 75,1

Source : Annuaire des économies agricoles et alimentaires des pays méditerranéens et arabes, MEDAGRI, CIHEAM/IAM, 1995 et 1997.
* : Colonne 1993 = année 1991.
Ainsi, au Maroc l’importance des produits manufacturiers dans les exportations totales (56,8%) reflète bien les résultats des
politiques commerciales industrielles mises en œuvre depuis 1983. Ce sont essentiellement, des exportations de produits vesti-
mentaires, d’acides phosphoriques, d’engrais phosphatés et de produits agro-alimentaires. Représentant 26,7% des exportations
totales, les exportations de produits alimentaires restent importantes, alors que la part des produits miniers (phosphate pur, plomb
et cuivre) qui représentait 40,5% des exportations totales en 1980 a chuté à 11,4%. Représentant 2,7% des exportations totales, la
part des combustibles reste très faible. Il convient aussi de noter l’importance des recettes touristiques et le montant des transferts
des travailleurs émigrés qui ont représenté respectivement 7.800 et 13.000 millions de dirhams marocains par an en moyenne
entre 1985 et 19921.
En Tunisie, on note l’importance et la nette progression des produits manufacturés industriels, essentiellement les pro-
duits textiles, les chaussures et les produits de la maroquinerie qui ont représenté 75,1% des exportations totales en 1993
contre 35,7% en 1980. Les hydrocarbures ont vu quant à eux leur part diminuer et ne représentaient plus que 11,5% des
exportations totales en 1993 contre, il faut le rappeler, 52,5% en 1980.
Bien qu’elle ait doublé, la part des exportations de produits alimentaires (huile d’olive et dattes) et de produits de la pê-
che, les mollusques et les crustacés notamment, dont la part est de plus en plus importante dans les exportations, ne repré-
sentent que 11,3% des exportations totales. Les phosphates et les produits chimiques ne constituent plus quant à eux que
1,4 % des exportations totales.
En dépit des efforts d’industrialisation et de recherche de diversification des exportations, l’Algérie et la Libye demeu-
rent mono-exportateurs et totalement dépendants de la vente de leurs productions énergétiques qui représentent plus de 95%
des exportations totales pour les deux pays. Il convient néanmoins de noter que la diversification de la production pétrolière
a permis d’amortir le contrechoc pétrolier de 1986 en Algérie, le pétrole brut ne représentant que 26% des recettes totales
d’hydrocarbures, les condensats (14%), les produits raffinés (22%) et le gaz naturel (24%).
En Mauritanie, deux secteurs principaux : l’industrie d’extraction du minerai de fer et la pêche assurent la grande
part des exportations et assurent à eux deux et à parts presque égales, 93,8 % des exportations totales. Les capacités
financières limitées du pays ne permettant pas l’investissement nécessaire au développement d’autres secteurs d’activité
économique, ces deux secteurs demeurent les principaux générateurs de devises du pays.

La structure des importations


Structure des importation maghrébines en %années 1980 et 1993.
Total Produits Matières Fuels et Minerais Produits
Pays millions de alimentai- premières combusti- et métaux manufac-
dolars res agricoles bles turés
1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993 1980 1993

Algérie 10524,5 8785,2 21,0 27,4 3,2 3,7 2,5 1,4 1,7 1,7 71,7 65,7

Libye* 6776,4 5339,3 19,3 23,8 1,3 2,0 0,7 0,4 1,0 1,0 77,7 72,9

Maroc 4182,4 6658,8 19,8 17,1 6,5 5,2 23,6 14,4 3,6 3,6 46,5 59,7

Mauritanie* 286,7 427,8 29,6 64,3 0,7 0,2 14,0 3,2 0,4 31,2 52,0 57,4

Tunisie 3508,7 6205,8 13,7 8,3 3,6 3,1 20,7 7,9 4,3 2,6 57,5 78

Source :
Annuaire des économies agricoles et alimentaires des pays méditerranéens et arabes, MEDAGRI, CIHEAM/IAM, Montpellier 1995 et 1997.
* : Colonne 1993 = année 1991.

Durant la période 1980-1993, les importations n’ont connu aucune modification structurelle dans les cinq pays de
la région maghrébine et leur structure reste polarisée sur les produits manufacturés nettement dominants avec une part
de 64,77% des importations totales. Ils sont suivis des produits alimentaires qui ont représenté 24,43% en moyenne
des importations totales de la région.
À l’exception du Maroc où ils ont quand même représenté 14,4% des importations totales, les produits énergéti-
ques ont représenté une part nettement moins importante. Enfin, les matières premières ont enregistré une part relati-
vement faible.
Une telle structure des importations est en fait inhérente :
– aux politiques d’industrialisation menées dans les cinq pays qui ont augmenté les besoins en biens d’équipement.
Du fait des faibles taux d’intégration observés dans les tissus industriels maghrébins, les biens d’équipements, machi-
nes, pièces détachées et autres biens industriels nécessaires au fonctionnement des appareils productifs ont été prépon-
dérants dans la structure des importations ;
– à l’écart croissant entre une offre agricole qui a peu progressé et une demande alimentaire sans cesse croissante, en-
gendrée par l’important taux de croissance démographique et la transformation quasi-régulière du modèle de consomma-
tion alimentaire, induite aussi bien par des facteurs internes (exode rural, urbanisation), qu’externes (mise à la disposition
des Etats de lignes de crédits aux importations alimentaires, rabais et différés de paiements) destinés à l’achat des surplus
de productions agricoles américains et européens.

La répartition des échanges


La répartition des échanges extérieurs maghrébins met à jour une dépendance importante de la région du Nord pour les
exportations comme pour les importations. La CEE notamment, absorbe 70% des exportations algériennes et 78,6% de
celles de la Libye et assure aussi une grande part de leurs approvisionnements. Ainsi, 60% des importations algériennes
proviennent de la CEE, 10% des Etats-Unis et 13,4% d’autres pays du Sud dont le Brésil, la Turquie, la Chine et
l’Argentine. La Libye importe quant à elle à hauteur de 70% d’Europe de l’Ouest et 7,3% des USA.
Le Maroc et la Tunisie rejoignent l’Algérie et la Libye dans leur dépendance vis-à-vis du Nord et particulièrement de la
CEE qui est de loin leur premier partenaire commercial. Celle-ci achète 70,9% des exportations tunisiennes et 66% de celles
du Maroc. Le reste des échanges commerciaux des deux pays concerne surtout le Brésil, l’Argentine, la Turquie, l’Iran,
Cuba, l’Arabie Saoudite et quelques autres pays asiatiques.
Il est aussi important de noter la récente pénétration du marché maghrébin par certains pays asiatiques. Le Japon et
la Corée du Sud fournissaient déjà en 1995, 18,9% des importations libyennes, la compagnie sud coréenne Dong-Ha a
enlevé le gigantesque contrat pour la réalisation en Libye du nahr essinâi ( la grande rivière artificielle) et les marques
(Daewoo, Nissan, Toyota, Hunday. ) mènent une concurrence accrue aux marques européennes (Renault, Peugeot,
Citroën…) traditionnellement vendues au Maghreb.

Conclusion

L’analyse comparée des échanges globaux des pays maghrébins met en évidence des résultats reflétant avant tout
les caractéristiques des systèmes productifs de chacun des pays de la région, faisant retrouver des caractéristiques
commerciales comparables entre les pays à sources de richesse et choix économiques identiques. On peut ainsi distin-
guer à l’intérieur de la région, l’Algérie et la Libye qui ont en commun une économie mono-exportatrice (plus de 90%
des recettes d’exportations proviennent des hydrocarbures), une stratégie de développement économique caractérisée
par des investissements massifs orientés vers le secteur des hydrocarbures (et les industries lourdes pour l’Algérie) et
un contrôle prédominant de l’État. Ces deux pays ont connu un accroissement très rapide de leurs ressources durant les
années 1970, suivi d’une chute brutale à partir de la deuxième moitié des années 1980 due à la baisse des cours des
hydrocarbures qui a fortement diminué leurs recettes d’exportation, entraînant des balances des paiements déficitaires
dans les deux pays et l’installation plus ou moins gérée d’une économie de crise.
La Mauritanie à été quant à elle totalement dépendante des exportations de fer jusqu’au début des années 1990,
puis des produits de la pêche qui ont pris le relais depuis et génèrent les devises qui provenaient jadis des exportations
de minerai de fer.
Avec une structure des exportations beaucoup plus diversifiée que leurs voisins mono-exportateurs, le Maroc et la
Tunisie se retrouvent dans des situations différentes des trois premiers pays.
Indépendamment des produits pétroliers dont les livraisons ont fortement diminuées, les exportations tunisien-
nes reposent essentiellement sur les produits manufacturés, les phosphates et leurs dérivés dont les engrais manu-
facturés représentent la plus grande partie (11,6%) et les produits alimentaires (9,9%) parmi lesquels certains pro-
duits comme l’huile d’olive et les dattes tiennent une grande place.
Le Maroc a connu quant à lui une structure des exportations équilibrée jusqu’au milieu des années 1980, répartie
entre les produits agricoles (1/3), les matières premières et notamment les phosphates (1/3) et les produits manufactu-
rés (1/3). A partir de 1986, la part des produits manufacturés (engrais manufacturés, produits chimiques, textiles) est
devenue prépondérante, atteignant 56,8% en 1993, dont 21,2% pour les produits chimiques, 42% pour les produits
manufacturés divers, 32,4% pour les textiles et 4,4% pour le matériel de transport. Les engrais bruts continuent de
représenter 13,6% et les produits alimentaires 26,7% des exportations totales1.
Au vu de ces chiffres, il est aisé de constater combien la structure des exportations tunisiennes et marocaines diffè-
rent de celle de l’Algérie, de la Libye et de la Mauritanie. Cela se traduit surtout par la grande place qu’y tiennent
d’une part les produits manufacturés pris dans leur ensemble (56,8% pour le Maroc et 75,1% pour la Tunisie) avec un
secteur des produits textiles particulièrement dynamique (32,4% pour le Maroc et 29,8% pour la Tunisie) et d’autre
part les produits alimentaires (26,2% pour le Maroc et 11,3% pour la Tunisie).
Par ailleurs, le facteur essentiel de différence entre la Libye et l’Algérie et le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie de
l’autre est l’absence dans le deuxième cas d’une immense manne pétrolière. La Tunisie exporte encore des
d’hydrocarbures et ceux-ci ont pu représenter jusqu’à 1985, plus de 52% de la valeur totale de ses exportations, mais
les réserves étant au stade d’épuisement depuis 1989 déjà, il était prévu que la Tunisie soit importatrice nette à partir
de l’an 2000. En 1993, la part des exportations d’hydrocarbures ne représentait plus que 11,5% des exportations tota-
les. Au Maroc ce type d’exportation n’a jamais dépassé 5% des exportations totales.
De manière globale, les ressources tirées des exportations se sont essoufflées et ont été laminées par la baisse des
cours des matières premières largement dominantes dans les exportations des cinq pays de la région. L’Algérie et la
Libye ont vu les cours des produits énergétiques (pétrole et gaz notamment), constituant pour les deux pays plus de
90% des exportations, s’affaisser brutalement, la Tunisie a déjà commencé la période de l’après pétrole et le Maroc
fait face depuis 1974 à une baisse tendancielle du cours du phosphate dont il est le premier exportateur mondial.
L’épuisement des ressources naturelles s’accompagne d’incertitudes sur les possibilités d’écoulement à moyen terme
des produits agricoles et manufacturiers (marocains et tunisiens) traditionnellement exportés sur le marché européen.
La Mauritanie doit quant à elle, faire face à la diminution des cours du minerai de fer provoquée par la crise qui sévit
dans les pays industrialisés.
L’analyse de la répartition des échanges maghrébins a montré une dépendance importante de la région pour ses ex-
portations mais aussi pour son approvisionnement dans quasiment tous les domaines du Nord et particulièrement de la
CEE qui absorbe 70% des exportations de la région maghrébine en moyenne et assure 60% de ses importations.
Il faut également noter une progression des échanges de la région avec certains pays du Sud :
– 13,4% des importations algériennes proviennent d’autres pays du Sud dont le Brésil, la Turquie, la Chine et
l’Argentine qui couvrent 27,4% des besoins en produits alimentaires, et 30 % de ceux des produits manufacturés (ma-
chines et matériel de transport notamment) ;
– une part non négligeable des échanges du Maroc et de la Tunisie sont réalisé avec le Brésil, l’Argentine, la Turquie,
l’Iran et Cuba ;
– la récente et importante percée de certains pays asiatiques dans le marché maghrébin, le Japon et la Corée du Sud
notamment, qui fournissaient déjà en 1995 plus de 17% des importations maghrébines.
De la répartition géographique des échanges extérieurs des pays maghrébins ressort donc une double caractéristi-
que : tout d’abord, et c’est le point fondamental, les pays du Maghreb sont tournés pour leur commerce extérieur vers
les pays industrialisés, en particulier vers l’Europe occidentale. Ensuite, il est important de le souligner, les échanges à
l’intérieur de la région ne représentent qu’une faible part du commerce total de la région.
L’analyse du contenu général des échanges explique dans une large mesure cette répartition géographique. Les
pays maghrébins échangent en effet des produits primaires ou très peu élaborés, miniers ou agricoles, contre des pro-
duits manufacturés issus d’activités très capitalistiques (céréales américaines, automobiles…).
Mais il convient de nuancer un portrait aussi schématique. Du coté des importations, d’abord, les besoins que les pays
maghrébins ne parviennent pas à satisfaire ne portent pas uniquement sur les produits manufacturés. Il a été en effet souli-
gné précédemment que les produits agricoles qui contribuaient aux recettes d’exportation de certains pays, enregistraient
des volumes de production insuffisants pour la consommation locale.
La structure des importations se traduit de ce fait par une nette prédominance des produits manufacturés. Ils sont
suivis par les produits alimentaires, alors que les matières premières et les produits énergétiques représentent une part
nettement moins importante.
Du fait des taux d’autosuffisance alimentaire engendrés par la faiblesse des volumes et de la croissance de la produc-
tion agricole, le fait marquant pour les cinq pays maghrébins demeure la forte dépendance et le recours permanent au
marché mondial pour la satisfaction des besoins de consommation alimentaire en y consacrant une portion importante de
leur dépenses d’importations pour la même gamme de produits (céréales, huiles alimentaires, lait et sucre), ces dépenses
s’amplifiant lors des catastrophes naturelles (sécheresses, invasions de criquets…).
Les quelques performances à l’exportation réalisées par certains pays de la région, ne doivent pas faire perdre de
vue que de manière globale, les possibilités d’expansion des exportations dans la région sont freinées tant pour des
raisons externes qu’internes :
– Au niveau externe, les contraintes de débouchés, particulièrement vers la CEE qui reste le principal client des
pays maghrébins et réceptionne en moyenne 60% des exportations agro-alimentaires, ne permettent pas d’envisager
d’accroître les exportations vers le marché communautaire, et jusqu’à présent les efforts de diversification vers
d’autres régions ou pays n’ont pas été très concluants.
L’élargissement de la CEE à des pays d’Europe du Sud (Grèce, Portugal, Espagne) spécialisés dans les mêmes
produits agricoles que
les pays maghrébins (huile d’olive, légumes primeurs, agrumes…) conduira sûrement à une augmentation des disponi
bilités de ces produits sur le marché communautaire et une baisse relative de leurs
prix, compte tenu de la performance des agricultures européennes, diminuant ainsi l’attrait du marché communautaire
pour les exportations agricoles maghrébines.
Par ailleurs, la baisse des cours mondiaux des produits agricoles pour lesquels les cinq pays de la région sont struc-
turellement déficitaires jusqu’à la moitié des années 1990 a largement été ralentie. Tous les indicateurs montrent en
effet que les tendances enregistrées au cours de la décennie 1980 se sont inversées, notamment pour les céréales qui
ont rendu les importations alimentaires maghrébines plus coûteuses. La tendance à la baisse des prix à l’exportation et
la hausse des prix à l’importation réduiront simultanément les termes de l’échange et atténueront sûrement les avanta-
ges comparatifs de la région ou les rendront moins évidents pour justifier le maintien de certains secteurs
d’exportation.
– Au niveau interne, les possibilités d’augmenter les exportations sont limitées par l’importance de la demande en rai-
son d’un taux d’accroissement de la population qui a été jusqu’à présent supérieur à celui de la production. En l’an 2005,
dans moins de quatre années, le Maghreb comptera près de 100 millions de consommateurs (Banque mondiale, 1995) dont
il faudra satisfaire les besoins alimentaires. Les prévisions de la FAO estiment que les importations céréalières maghrébi-
nes s’élèveront à 12,5 millions de tonnes pour une production estimée à 10,6 millions de tonnes au taux de croissance
actuel de la production céréalière qui avoisine 2%.
Une telle évolution de la demande conduira sûrement à une nouvelle allocation des ressources moins défavorable
aux cultures de base.
Les résultats relevés à travers l’analyse des échanges agricoles et alimentaires maghrébins, expliquent de manière générale
la mutation en cours des secteurs productifs agricoles maghrébins, depuis la fin des années 1980.
On assiste en effet dans les cinq pays de l’Union à une progression significative des superficies céréalières irri-
guées qui témoignent d’une nouvelle affectation des ressources en eau jusque-là prioritairement accor-
dée aux cultures maraîchères et arboricoles d’exportation. Par ail-
leurs, les investissements agricoles largement favorables aux surfaces irriguées durant les trois dernières décennies,
s’orientent dans une proportion de plus en plus grande, depuis la moitié des années 1980, vers les zones semi-
arides traditionnellement consacrées aux cultures de base.
Un effort d’intensification sensible, mais différencié suivant les pays a en effet été enregistré dans l’ensemble de la
région et concerne :
– les productions céréalières, fruitières, légumières et laitières dans l’ensemble de la région sauf en Mauritanie ;
– les productions halieutiques dans les cinq pays ;
– les productions sucrières au Maroc ;
– la production de viandes rouges en Algérie.
De manière générale, malgré les résultats satisfaisants notés pour certaines catégories de produits dans certains
pays, la dépendance des cinq pays maghrébins du marché mondial reste prépondérante pour les produits végétaux et
de manière indirecte pour les produits animaux de par les importations de produits d’alimentation animale (aliments
concentrés d’élevage, tourteaux, pour la fabrication d’alimentation bovine et d’élevage de poulet…).

LES ECHANGES COMMERCIAUX INTER-MAGHREBINS


La compréhension de la dynamique des relations commerciales entre les pays maghrébins, nécessite la distinction
de deux grandes périodes distinctes : celle allant de 1983 à 1987 et celle de 1988 à 1995. L’année 1988 durant laquelle
a eu lieu la signature du traité de Marrakech, instituant la création de l’Union du Maghreb arabe a en effet constitué un
tournant dans les relations inter-maghrébines et eu un impact sur le démarrage du processus d’intégration maghrébine
de manière générale et sur le développement des échanges en particulier. A cet effet, l’évolution des échanges, leur
structure ont été analysées, de même que la détermination de la nature des flux de marchandises a été élaborée durant
chaque période.

I. Le commerce intra-maghrébin avant la création de l’UMA


Tendances et valeurs des échanges
L’analyse des échanges commerciaux entre les cinq pays maghrébins avant l’institution de l’UMA, fait apparaître
une grande faiblesse de leur valeur mais, leur accroissement a été réel.

Part du commerce intra-régional dans le commerce total des pays maghrébins durant la période 1983 -
1987
Unité : millions de dollars US.

Années Importations Importations Exportations Exportations


intra-maghrébines totales intra-maghrébines totales
% %

1983 181,2 0,7 161,3 0,6

1987 468,5 2,4 401,2 2

Source :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques nationaux maghrébins 1984 à 1988.

Entre 1983 et 1987, la valeur des importations intra-maghrébines a plus que doublé, passant de 181,2 à 468,5 mil-
lions de dollars US et enregistrant un accroissement de 158,5%. Sa part dans les importations totales de la région est
passée de 0,7% à 2,4%. Le montant des exportations est quant à lui passé de 161,3 à 401,2 millions de dollars US,
s’est accru de 148,7% et a représenté 2% des exportations totales de la région en 1987 contre 0,6% en 1983.

Structure des exportations inter-maghrébines 1983-1987 en %

1983 export 1987 export. Accroissement


Produits millions totales millions totales 1983/1987
de dollars en % de dollars en % en %
Matières premières 4,6 2,85 11,2 2,79 143
Produits énergétiques 40,4 25,04 157,7 39,30 290
Produits alimentaires 16,2 10,04 30,7 7,65 89,5
Produits manufacturés 100,1 62,5 201,6 50,24 102
Total 161,3 100 401,2 100 148,72
Source :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques nationaux des pays maghrébins.

La structure des échanges inter-maghrébins fait apparaître une nette prédominance des produits manufacturés, suivis
par les produits énergétiques. La valeur annuelle moyenne des exportations de produits manufacturés a en effet représen-
té plus de 56,37% des exportations annuelles moyennes totales, pour les deux années considérées et celle des produits
énergétiques plus de 32%. Représentant une proportion beaucoup moins importante, les produits alimentaires ont repré-
senté 8,84% du montant total des exportations totales et les matières premières 4,24%.
La répartition des échanges
Répartition des valeurs annuelles moyennes des échangesintra-maghrébins. années 1983-1987
Unité : millions de dollars US.
Exportations Importations
versl’UMA de l’UMA
Valeurs total export.% Valeurs total import.%
Algérie 75,6 0,8 81,9 0,9
Libye 46,5 0,5 72,9 1,2
Maroc 65,2 2,8 42,9 1,1
Mauritanie 11,9 3,4 14,7 6,5
Tunisie 86,3 4,7 114 3,8
Total UMA 285,8 1,2 326,5 1,5

Sources :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques maghrébins 1984 à 1988.

– Le commerce intra-UMA de l’Algérie : au regard de la valeur de son commerce dans la région maghrébine (75,6
millions de dollars US à l’exportation et 81,9 millions de dollars US à l’importation) et bien qu’elle se place au deu-
xième rang en valeur absolue derrière la Tunisie, l’Algérie ne s’est guère distinguée par sa participation au commerce
intra-régional, ces valeurs ne représentant respectivement que 0,8% de ses exportations totales et 0,9% de ses importa-
tions totales, ce qui l’a amenée à disputer la dernière place en proportion à la Libye.
Jusqu’à 1988, l’essentiel des ventes algériennes ne s’adressaient qu’à la Tunisie qui s’approvisionnait pour une va-
leur annuelle moyenne de 58,21 millions de dollars US, représentant 77% du total des exportations algériennes vers la
région et à la Mauritanie à raison de 17,39 millions de dollars US en moyenne par an, soit 23% des exportations intra-
maghrébines algériennes. Les exportations étaient constituées des seuls produits pétroliers. Les ventes en direction du
Maroc étaient nulles en raison de la rupture politique, de même que celles vers la Libye du fait du manque de complé-
mentarité des productions entre les deux pays. A l’importation, les partenaires restent les mêmes et ses achats ont con-
cerné les superphosphates, l’huile d’olive, les amandes et des produits agro-alimentaires avec une moyenne annuelle de
66 millions de dollars US et des produits de la pêche de Mauritanie pour un montant de 15,1 millions de dollars US en
moyenne par an.

– Le commerce intra-UMA de la Libye : avec un montant annuel moyen de 46,5 millions de dollars US ne re-
présentant que 0,5% de ses exportations totales et une valeur de 72,6 millions de dollars US en moyenne par an ne
représentant que 1,2% de ses importations totales, la part du commerce inter-maghrébin libyen a été encore plus ré-
duite que celle de l’Algérie.
Jusqu’à la signature du traité de Marrakech, le Maroc et la Tunisie étaient les principaux partenaires maghrébins de la
Libye aussi bien à l’importation qu’à l’exportation. Mais, les échanges ont vite été soumis aux aléas des relations bilatéra-
les. Ainsi, suite à la signature du traité d’Oujda instituant l’UAA (Union arabo-africaine) entre la Libye et le Maroc, les
exportations libyennes ont bondi de 1 million de dollars US en 1984 à 32 millions de dollars US en 1985 pour atteindre
73,7 millions de dollars US en 1986 et rechuter presque de moitié sitôt après la rupture du traité pour atteindre 43,7 mil-
lions de dollars US en 1987.
Les échanges avec le Maroc n’en ont pas moins représenté 66% du commerce intra-maghrébin libyen pour la pé-
riode 1983-87 et ceux avec la Tunisie 33,1%. Les exportations libyennes vers les deux pays ont concerné essentielle-
ment les produits pétroliers (48,6 millions de dollars US/an en moyenne vers le Maroc et 14,2 millions de dollars US/an
vers la Tunisie) et des produis manufacturés (respectivement 2 et 6,1 millions de dollars US). Accessoirement et de
manière très infime, la Libye a aussi exporté vers ces deux pays de la laine et des peaux.
La structure de ses importations porte sur des biens de consommation courante (vêtements, produits cosmétiques et
pharmaceutiques, chaussures, broderies) et des produits agricoles (huile d’olive, fruits, légumes, épices et semences di-
verses) originaires du Maroc et de Tunisie
– Le commerce intra-UMA du Maroc : les échanges intra-maghrébins du Maroc ont été relativement faibles et
n’ont porté que sur 65,2 millions de dollars US à l’exportation, soit 2,8% de ses exportations totales et 42,9 millions de
dollars US à l’importation, représentant 1,1% de ses importations totales.
En fait, avant 1988, le Maroc n’a eu de relations commerciales significatives qu’avec la Libye et la Tunisie. En
1986, 75% de ses exportations et 87% de ses importations étaient concentrées sur la Libye, pour des valeurs respecti-
ves de 41 et 73,6 millions de dollars US. Le Maroc achetait notamment du pétrole et fournissait des textiles, du cuir et
des produits agricoles.

– Le commerce intra-UMA de la Mauritanie : par rapport à son commerce global, la Mauritanie n’est pas la plus
mal placée dans le commerce intra-maghrébin. Entre 1983 et 1987, ses livraisons vers les pays maghrébins ont repré-
senté une proportion annuelle moyenne de 3,4% de ses exportations totales et ses achats 6,5% de ses importations
totales. Toutefois, la valeur de ces échanges (11,9 millions de dollars US à l’exportation et 14,7 millions de dollars US
à l’importation) leur confère une place marginale dans le commerce régional déjà faible. Son partenaire le plus régu-
lier a été l’Algérie qui lui achète des produits de la pêche et l’approvisionne en produits pétroliers. Pour une part plus
minime, le Maroc achète également à la Mauritanie du poisson surgelé et lui vend quelques produits de consommation
courante (chaussures, pneus, conserves et préparations alimentaires diverses).

– Le commerce intra-UMA de la Tunisie : la Tunisie est le pays qui a le plus entretenu de relations commerciales à
l’intérieur de la région avant la création de l’UMA. A l’exportation, elle se range à la première place aussi bien en pro-
portion des exportations régionales qu’à la valeur de ses exportations totales. Entre 1983 et 1987, 4,7% de ses exporta-
tions totales ont été livrées dans la région, représentant la valeur annuelle moyenne de 86,3 millions de dollars US, la
plus importante des livraisons à l’intérieur de la région. Avec une valeur annuelle moyenne de 114 millions de dollars
US, représentant le taux de 3,8% de ses importations totales (deuxième place de la région après la Mauritanie par pays),
ses importations du Maghreb ont été les plus importantes.
Ses partenaires commerciaux ont été par ordre d’importance l’Algérie (61,3% à l’exportation et 69,3% à
l’importation), la Libye (28,3% à l’exportation et 13,3% à l’importation, le Maroc (8,3% à l’exportation et 17,2% à
l’importation) et enfin la Mauritanie (2,1% à l’exportation et 0,2% à l’importation).
La Tunisie exporte vers l’Algérie des produits manufacturés (41,9 millions de dollars US), particulierement des su-
perphosphates et des produits agricoles et alimentaires (11,4 millions de dollars US), des amandes et de l’huile d’olive
et en importe essentiellement des produits pétroliers.
Du fait de sa proximité géographique, la Libye a longtemps été un partenaire commercial important de la Tunisie.
Avant la rupture politique de 1985, la Tunisie y exportait en moyenne pour 25 millions de dollars US de produits agricoles
et alimentaires et 30,4 millions de dollars US de produits manufacturés. Ses échanges avec le Maroc sont très diversifiés et
concernent aussi bien les produits manufacturés, les produits industriels semi-finis que les produits agricoles. Elle
n’importe de Mauritanie que du poisson et des produits de la pêche (crustacés et mollusques) et y exporte des produits
manufacturés divers.

II. Les échanges inter-maghrébins après l’institution de l’UMA


Les valeurs des échanges inter-maghrébins
Avec des valeurs relativement faibles comparativement à leur commerce total, les échanges commerciaux inter-
maghrébins ont enregistré une augmentation pratiquement continue.

Évolution des échanges inter-maghrébins pour la période1983-87/1994


Unité : millions de dollars.
Moyennes
annuelles 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
1983-87

Exportations
23816,6 20814 24446 95896 33094 31285 27774 25547
totales (1)
Exportations
285,8 465,92 532,27 914,49 1007,4 1121,2 947,10 1035,2
vers l’UMA (2)

(2) / (1) en % 1,2 2,24 2,17 0,95 3,04 3,58 3,41 4,05

Importations
21766 22237 24526 28257 25781 28666 20038 28453
totales (3)

Importations de
326,5 391,70 500,13 802,88 935,17 1064,7 1216,2 1052,8
l’UMA (4)

(4)/ (3) en % 1,5 1,76 2,04 2,84 3,63 3,71 6,07 3,7

Sources :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, 1989 à 1995.

L’évolution des échanges inter-maghrébins entre la période précédent la création de l’UMA (1983-1987) et celle
des sept années suivantes (1988 à 1994) montre une évolution ascendante notable.
La valeur des exportations annuelles moyennes inter-maghrébines a augmenté de plus de trois fois, passant de 285,8
millions de dollars US à 1,03 milliard de dollars US entre la période 1983-87 et l’année 1994 et leur part dans les expor-
tations totales est passée de 1,2% à 4,05%.
La valeur des importations inter-maghrébines a, quant à elle, plus que doublé, passant de 326,5 millions de dollars
US à 1,05 milliard de dollars US en moyenne par an et a représenté 3,7% des exportations totales de la région en 1994
contre 1,5% durant la période 1983-87, atteignant la proportion de 6,07% des importations totales en 1993.
La valeur des échanges a enregistré une plus grande croissance à partir de l’année 1991 où les exportations intra-
maghrébines ont dépassé le niveau du milliard de dollars US, mais elle est restée très dépendante des relations politiques
entre les pays, comme le montre si bien la nette diminution des échanges durant l’année 1994 après la fermeture des
frontières entre l’Algérie et le Maroc suite aux incidents diplomatiques.
La comparaison des valeurs des échanges intra-maghrébins annuels moyens durant les deux périodes considérées
représentées sur le tableau suivant, montre nettement leur évolution positive.

Comparaison des valeurs des échanges commerciaux intermaghrébins

avant et après le traité de Marrakech


Unité : millions de dollars US.

Exportations Importations

Moyennes Moyennes Moyennes


Variation Moyennes Variation
annuelles annuelles annuelles
en %(2) / annuelles en % (2) /
1983/87 1988/94 1988/94
(1) 1983-87 (1)
(1) (2) (2)

Algérie 75,6 207,39 274,33 81,9 172,37 210,46

Libye 46,5 160,85 345,91 72,9 288,01 395,08

Maroc 65,2 214,14 328,44 42,9 158,9 370,40

Mauritanie 11,9 21,38 179,66 14,7 29,48 200,54

Tunisie 86,3 256,75 297,51 114 203,18 178,23


Total UMA 285,8 844,94 295,64 326,5 851,94 260,93

Sources :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, 1984 à 1995.

La répartition des échanges inter-maghrébins


Les exportations
Répartition des exportations intra-maghrébines(moyennes annuelles pour la période 1988-1994)
Sources :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie 1989 à 1995.

Etant à l’origine de 30% des exportations inter-maghrébines, la Tunisie est le plus grand exportateur de la région. Elle
est respectivement suivi par le Maroc qui livre 25% des exportations inter-maghrébines, puis de l’Algérie (24%).
La Libye vient bien après, avec une part plus faible de 19%, et enfin la Mauritanie qui ne participe que de 2% aux ex-
portations intra-régionales. Il est aussi intéressant de noter que la Libye est le pays qui a enregistré la plus importante
augmentation de ses exportations à l’intérieur de la région et est respectivement suivi sur ce point par le Maroc, la Tuni-
sie, l’Algérie puis la Mauritanie.

Les importations
Répartition des importations intra-maghrébines (moyennes annuelles pour la période 1988-1994)
-------- CHEMA ------------

Sources :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc, et de Tunisie, 1989 à 1995.

Avec 288,01 millions de dollars US, représentant 34% des importations intra-maghrébines, la Libye est le plus im-
portant acheteur sur le marché maghrébin. Elle est suivie par la Tunisie (24%), l’Algérie (20%) et le Maroc (19%)
dont les importations de la région connaissent une croissance régulière et sont originaires des quatre autres pays de la
région. Avec une part de 2% des importations intra-régionales, le commerce intra-maghrébin de la Mauritanie reste
relativement faible.
Les flux des échanges commerciaux inter-maghrébins
Flux des échanges commerciaux annuels moyens inter-maghrébin pour la période 1988-1994
Unité: millions de dollars U.S
Importateur Importations Exportations
ou De Vers
exportateur

Algérie Libye Maroc Mauritanie Tunisie Algérie Libye Maroc Mauritanie Tunisie

Algérie - 8,73 63,8 23,02 109,63 - 6,03 59,62 18,61 79,43

Libye 6,32 - 66 0 44,24 9,14 - 116,52 0,09 149,54

Maroc 69,19 162,1 - 3,83 48,9 63,72 85,58 - 0,23 26,93

Mauritanie 2,21 0 0,77 - 0,28 31,78 0 5,32 - 0,84

Tunisie 94,65 94,65 28,32 2,18 - 102,75 67,56 50,07 2,36 -


Source :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, 1989 à 1995.

L’étude des flux commerciaux inter-maghrébins montre que, contrairement à la période précédant la création de
l’UMA où les échanges inter-maghrébins obéissaient à une logique de proximité (Algérie-Tunisie, Tunisie-Libye) ou
d’entente politique (Algérie-Tunisie, Tunisie-Maroc), durant la période qui a suivi la signature du traité de Marrakech, des
relations commerciales existent entre les cinq pays de la région, mais gravitent essentiellement autour des trois pays du
Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie).
Ainsi, au vu de la répartition des flux commerciaux régionaux, on retrouve une plus forte intensité des échanges entre
l’Algérie et le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, la Tunisie et la Libye, la Tunisie et le Maroc.
La Mauritanie effectue l’essentiel de ses échanges avec l’Algérie puis avec le Maroc, alors qu’ils demeurent très
faibles avec les deux autres pays. La Libye est quant à elle le principal partenaire commercial de la Tunisie et du Ma-
roc.

La structure des échanges inter-maghrébins


Structure des importations intra-maghrébines (moyennes annuelles pour la période 1990-1994 en %)

Importations Exportations

iAlgér Maurit Tunisi Algéri Mauri Tunisi


Libye Maroc Libye Maroc
e anie e e tanie e

Produits
1,92 17,95 13,51 55,58 13,62 15,58 19,09 3,71 2,15 1,95
alimentaires
animaux
vivants
Boissons et
0 0 00,1 0 1,42 0,77 0,13 0 1,06 0,01
tabacs

Matières
1,73 6,8 4,68 6,5 2,68 3,18 3,76 1,67 0,19 4,4
premières

70,95 51,72 5,52 31,88 0,36 0,03 0,01 56,36 68,83 62,75
Combustibes
minéraux

huiles et
graisses
0,03 0,98 0 0 0,05 0,04 0 0,65 0 0
animales et
végétales

Produits
2,43 11,76 16,92 0 18,88 11,27 12,99 8,55 0,35 5,12
chimiques

Produits
19,84 10,13 50,71 5,88 54,29 65,42 60,35 25,22 17,83 13,16
manufacturés

,Machines 3,09 0,67 8,55 0,97 17,15 3,71 3,65 3,83 3,57 12,58
matériel
de transport

Source :
nos calculs d’après les données des annuaires statistiques de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, 1992 à 1995.
L’importance du groupe des combustibles minéraux, la complémentarité révélée entre l’Algérie, la Libye d’une part et
les trois autres pays fait que les exportations algériennes et libyennes vers le Maghreb ont constitué respectivement 70,95
et 51,72% de leurs exportations totales vers le Maghreb entre 1990 et 1994. Celles-ci ont représenté 56,36% des importa-
tions totales du Maroc, 68,83% de celles de la Mauritanie et 62,75% de cel-
les de la Tunisie. Il en est de même pour les produits chimiques phosphatés qui ont représenté durant la même période
18,88% des exportations tunisiennes vers le Maghreb et 16,92% de celles du Maroc.
Les produits manufacturés représentent aussi une proportion importante des produits échangés dans la région. Ceci est
particulièrement vrai pour le Maroc et la Tunisie dont les productions de ce secteur représentent une proportion respective
de 50,71 et de 54,29% de leurs exportations vers la région et constituent une part importante de leurs exportations à
l’intérieur de la région, tout comme pour leurs échanges extérieurs globaux.
Depuis 1988, l’Algérie a réalisé une percée sur le marché maghrébin, où elle exporte vers la Tunisie et le Maroc des
tracteurs, des cycles, du matériel agricole et des véhicules terrestres, des chaudières, des machines, des appareils et en-
gins mécaniques, de la fonte, du fer et de l’acier et aussi des papiers et cartons, des huiles et combustibles minéraux
dérivés, des bitumes et des cires.
Concernant le Maroc, ce sont principalement les textiles qui prédominent et représentent sous des formes diverses
(vêtements, textiles synthétiques et divers ) une importante part des exportations vers la Libye surtout, puis l’Algérie
et la Tunisie.
La Tunisie exporte vers la Libye, son premier client, et vers l’Algérie et le Maroc, des volumes importants, divers produits
manufacturés (produits textiles engrais phosphatés, matériaux de construction, bois…). Avec une structure des exportations beau-
coup moins diversifiées. La Libye n’exporte vers ses voisins maghrébins que des hydrocarbu-
res et des produits chimiques qui en dérivent, et la Mauritanie des poissons, des mollusques et des crustacés.
Même si trois pays sur cinq : l’Algérie, le Maroc et la Tunisie produisent les mêmes surplus exportables et connais-
sent les mêmes déficits, l’importance du poste produits alimentaires dans les importations algériennes et libyennes et
celle des livraisons marocaines, mauritaniennes et tunisiennes, indiquent l’existence de complémentarités dans ce do-
maine.
Du fait du développement pétrolier qui a entraîné une forte augmentation du nombre de salariés et des salaires,
l’Algérie et la Libye ont des besoins en matière agricole qui peuvent être satisfaits par les autres pays de la région. Il
est aussi utile de rajouter les effets de l’embargo international sur la Libye qui l’obligeait à s’approvisionner à partir de
la région en marchandises auparavant fournies par les marchés occidentaux. La Mauritanie reste quant à elle le princi-
pal fournisseur de poisson et de produits de la pêche sur le marché maghrébin.

LE COMMERCE INFORMEL ET PARALLELE


Contrastant avec la faiblesse du commerce officiel, l’existence d’échanges informels très dynamiques entre les
pays maghrébins est l’expression commerciale d’une économie souterraine très vivace dans la région.
Les deux principaux canaux de ce commerce sont, d’une part, la contrebande classique dont les réseaux s’organisent
autour des villes et villages dans les zones frontalières. Bénéficiant du laxisme voire de la complicité des autorités doua-
nières, les flux de marchandises qu’empruntent ces circuits sont de plus en plus difficiles à distinguer des flux officiels.
D’autre part, le «tourisme» inter-maghrébin qui permet aux voyageurs de vendre des marchandises amenées avec eux ou
de s’approvisionner en produits destinés à la revente dans leurs pays d’origines.
Si l’on excepte le commerce de produits illégaux comme les drogues et celui des marchandises ramenées par les tra-
vailleurs immigrés en Europe qui ne constituent pas vraiment un commerce intra-maghrébin, les types d’activités res-
tent multiples et concernent :
– les marchandises provenant des zones franches de Sebta et Melilla sur la côte marocaine et diffusées à travers tout le
Maghreb qui concernent plusieurs types de produits dont notamment : les préparations et conserves alimentaires,
l’habillement, les produits électroniques d’origine asiatique, les appareils ménagers, les parfums, les cigarettes et les alcools
;
– les produits de luxe et les métaux précieux dont les différences de taxation entre les pays entraînent une circula-
tion transfrontalière ;
– enfin, les flux commerciaux parallèles de produits de première nécessité fortement subventionnés dans des pays
comme l’Algérie ou la Libye vers la Tunisie et le Maroc où le niveau de subvention est moin-
dre. Ainsi, café, lait en poudre et médicaments pénètrent au Maroc et en Tunisie, croisant en sens inverse des appareils
électroniques fortement taxés à l’importation en Algérie et en Libye.
Dans les cas extrêmes, on peut voir apparaître des circuits en boucle comme celui de l’huile d’olive tunisienne of-
ficiellement exportée vers la Libye où elle est subventionnée puis détournée ensuite à travers les réseaux d’échanges
informels pour être revendue en Tunisie. Même les ruptures politiques chroniques entre les pays maghrébins n’ont pas
interrompu ce type de commerce qui fonctionne selon un système triangulaire avec le concours de transitaires euro-
péens.

LES ENTRAVES AUX ECHANGES


Les entraves au libre-échange ne sont pas seulement d’ordre conjoncturel et la faiblesse des échanges inter-
maghrébins est autant due à un manque de concertation commerciale qu’à des raisons structurelles. On peut citer no-
tamment :
– les législations en vigueur ne favorisant pas encore les échanges, qu’il s’agisse de la réglementation générale de
l’import-export que des barrières douanières, alors que des mesures ont été prises dans le cadre de l’instauration d’une
zone de libre-échange ;
– les moyens de financement des exportations sont rares et aucun des maghrébins n’a les moyens de financer ses exporta-
tions vers ses voisins. De nombreuses mesures ont été prises ou préconisées, mais ne sont très souvent pas entrées en vigueur.
Le manque de devises fortes fait rechercher à l’exportation des marchés permettant de s’en procurer, alors que selon des pro-
cédures de paiements respectant des délais raisonnables, des accords de compensation biens menés pourraient contribuer à
trouver une solution ;
– étant donné la non convertibilité de leurs monnaies respectives, les pays maghrébins libellent leurs échanges en
dollars. A ce niveau et à qualité égale, ils continuent encore à s’approvisionner auprès de leurs fournisseurs tradition-
nels hors Maghreb. Pour certaines marchandises un marché de troc existe, mais, outre son caractère « régressif », il a
des limites structurelles du fait de l’incertitude de la disponibilité de marchandises pour les échanges aux moments
opportuns ;
– les normes de production et de conditionnement changent sensiblement d’un pays à l’autre de la région et le con-
sommateur ne retrouvant pas les repères sécurisants habituels, boude très souvent les produits des pays voisins. A cette
réaction de marché s’ajoute une réaction psychologique, notamment au sein des entreprises au niveau de leurs con-
sommations intermédiaires et de leur équipement en moyens de production. La tendance générale est en effet de faire
confiance tout d’abord, aux produits importés de pays à tradition industrielle confirmée. Cette règle se vérifie dans les
cinq pays où les consommateurs, à tous les stades, ne font pas confiance aux produits maghrébins ;
– la méconnaissance réciproque des opérateurs économiques, n’incite pas non plus à des relations confiantes, d’autant
plus que les assurances de garanties à l’exportation, même si elles ont été maintes fois confirmées, sont encore au stade
d’ébauches ;
– les législations sociales diffèrent d’un pays à l’autre, qu’il s’agisse du droit du travail (l’activité syndicale
n’existe pas dans les cinq pays et ses principes d’action diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre), de la protection
sociale que des salaires;
– enfin, l’un des obstacles majeurs demeure l’insuffisance du maillage infrastructurel. La faiblesse des infrastructu-
res de transport et de communication constitue une barrière de taille contre l’unification de l’espace économique mag-
hrébin.
Chacun des réseaux nationaux comporte des faiblesses et leur interconnexion entamée récemment, demeure encore
insuffisante comme l’illustre bien le cas de l’interruption de la ligne de chemin de fer qui va du Maroc jusqu’en Tuni-
sie en traversant l’Algérie, juste en amont de la frontière tuniso-libyenne.
Ce maillage se révèle nettement insuffisant, si on le compare à celui dont bénéficient les partenaires européens les
plus proches, y compris les moins avancés d’entre eux. Pour les principaux réseaux, la densité générale est faible : 1
km de routes goudronnées pour 84 km2 et 1 km de rails pour 685 km2. En grandeurs relatives, c’est en Mauritanie que
l’on retrouve le maillage le plus lâche et en Tunisie le plus serré. Par ailleurs, ce sont les régions sahariennes (et aussi
les régions montagneuses en Algérie et au Maroc surtout) qui connaissent la plus faible densité de voies de communi-
cation. La plupart des grands axes sont orientés par rapport aux grands centres côtiers selon des directions prédomi-
nantes : Nord-Est, Sud-Ouest en Mauritanie, Est-Ouest au Maroc, en Algérie et en Tunisie, Sud-Nord et Ouest-Est en
Libye.
Quant aux grands axes inter-États, ils sont tous relégués au Nord, qu’il s’agisse de la route Benghazi-Rabat que du
chemin de fer Tunis-Rabat, et il en est de même des lignes aériennes : Tripoli-Tunis, Tunis-Alger, Tunis-Rabat.
Ces convergences reproduisent encore le schéma structurel des routes économiques coloniales, destinées prioritairement à
l’exportation de produits primaires et à l’importation de biens manufacturés vers la métropole.
Même les infrastructures développées depuis les indépendances, comme les gazoducs et oléoducs algériens ou bien
le chemin de fer minier Zouérate-Nouadhibou en Mauritanie, participent à cette logique ancienne des échanges entre
le Sud et le Nord. Le Maghreb ne peut pas éternellement reproduire un schéma symbole du strict partage des tâches de
la division internationale du travail.
Les interconnexions aériennes fournissent à cet égard une illustra-
tion éloquente. On constate de plus en plus que les relations aériennes jouent un rôle de premier plan en Afrique dans le
désenclavement et ceci est indissociable dans les projets de coopération voire d’intégration régionale.
Les liaisons aériennes inter-maghrébines apparaissent nettement insuffisantes à cet égard, en quantité et en diversité.
Sauf pour le cas du Maroc, seules les capitales sont reliées entre elles, donnant la desserte exclusivement côtière sui-
vante:
Nouakchott –––> Casablanca –––> Alger –––> Tunis –––> Tripoli
Il n’existe en effet aucune liaison aérienne inter-régionale continue au Maghreb. Pour aller d’une grande ville mag-
hrébine à une autre grande ville de la région, il faut souvent effectuer deux changements et les liaisons ne sont pas
systématiquement quotidiennes.
Les infrastructures de communication sont très déterminantes dans un processus d’intégration régional et l’absence
ou la faiblesse des moyens de transport peuvent avoir des répercussions négatives tant sur le plan économique que
social.
Ces répercussions sont d’abord internes, mais handicapent de la même manière l’ensemble régional. La règle est
très simple : de mauvais réseaux intérieurs ne peuvent servir de support pour la constitution d’un bon réseau régional
et si les personnes et les marchandises circulent mal à l’intérieur d’un territoire donné, il leur est encore plus difficile
d’être acheminées vers un territoire voisin.
Il apparaît également essentiel de remarquer que les cinq pays, outre leur proximité géographique, ont tous la
chance d’avoir un accès à la mer par de longues façades côtières et des distances relativement peu importantes entre
les principales installations portuaires. De ce fait les transports maritimes devraient jouer un rôle décisif dans
l’accroissement des flux commerciaux à l’intérieur de l’UMA qu’il serait bien dommage de ne pas en tirer tout le parti
possible.

Conclusion

L’évolution et la dynamique des échanges commerciaux inter-maghrébins et leur analyse permet de distinguer plu-
sieurs points importants.

– L’étude de l’évolution des flux commerciaux impliquant les cinq pays maghrébins avant la signature du traité de
Marrakech a fait apparaître une grande faiblesse de leurs valeurs. Durant la période 1983-87 les valeurs annuelles moyen-
nes des échanges inter-maghrébins n’ont en effet représenté que 1,2% des exportations totales et 1,5% des importations
totales de la région. Non seulement les échanges ont été faibles, mais ils ont également été très irréguliers et leur réparti-
tion nous indique que le commerce inter-maghrébin a été essentiellement basé sur les échanges de l’Algérie avec la Tuni-
sie d’une part et entre le Maroc et la Tunisie de l’autre. Durant la période 1983-87, les exportations algériennes vers le
Maghreb n’ont pratiquement concerné que la Tunisie, de même que les exportations du Maroc vers le Maghreb ont été
essentiellement réservées à la Tunisie. De manière générale, la Tunisie a été le seul pays qui a eu des relations faibles,
mais relativement constantes avec les autres Etats maghrébins. D’autre part, nous pouvons également noter la faiblesse des
relations commerciales entre la Libye et la Mauritanie.

– L’évolution des échanges inter-maghrébins depuis la période précédant la création de l’Union du Maghreb arabe
(1983-1987) et celle des sept années qui l’ont suivie (1988 à 1994) a montré une évolution considérable. Les échanges com-
merciaux inter-maghrébins ont enregistré une augmentation notable et pratiquement régulière. La valeur des exportations
inter-maghrébines et leur part dans les exportations totales ont augmenté de
plus de trois fois et celle des importations ont plus que doublé. L’augmentation des échanges a été plus sensible à partir de
l’année 1991 où les exportations intra-maghrébines ont dépassé le niveau du milliard de dollars US. Nous pouvons également
relever la primauté des relations politiques sur les relations économiques à l’intérieur de la région qui s’est traduite par une
diminution des échanges commerciaux durant l’année 1994, suite à la fermeture des frontières entre l’Algérie et le Maroc qui
confirme également l’importance des deux pays dans les échanges intra-maghrébins.
– La répartition des échanges renseigne sur l’importance de chacun des pays de l’Union dans le commerce intra-
régional. Nous avons ainsi pu constater que la Tunisie était le plus grand exportateur de la région et était respectivement
suivie par le Maroc et l’Algérie. La Libye et la Mauritanie venant bien après avec des niveaux nettement plus faibles. De
même que nous avons pu noter que certains pays trouvaient de plus en plus d’opportunités d’exportations dans la région,
comme cela a été le cas de la Libye qui a enregistré la plus importante augmentation de ses exportations à l’intérieur de
la région et a été respectivement suivie par le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et enfin la Mauritanie.
Au poste importation, la Libye est le pays qui s’approvisionne le plus sur le marché maghrébin. Elle est respective-
ment suivie par la Tunisie, l’Algérie et le Maroc qui entretiennent des relations commerciales en croissance régulière
avec tous leurs voisins, alors qu’avec une part de 2% dans les importations intra-régionales, la Mauritanie est le pays qui
participe le moins au commerce intra-maghrébin.
– L’analyse des flux commerciaux inter-maghrébins, permet la compréhension de la dynamique du marché mag-
hrébin et met en évidence que, contrairement à la période qui a précédé la création de l’UMA où les échanges obéissaient
à une logique de proximité (Algérie-Tunisie, Tunisie-Libye) ou d’entente politique (Algérie-Tunisie, Algérie-Maroc, Tu-
nisie-Maroc), durant la période «post-traité de Marrakech», bien que différentes suivant les cas et hormis l’absence
d’échanges entre la Libye et la Mauritanie, des relations commerciales existent entre les quatre autres pays de la région,
mais gravitent essentiellement autour des trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie). Ainsi, au vu de la
répartition des flux du commerce régional, on retrouve une plus forte intensité des échanges entre l’Algérie et le Maroc,
l’Algérie et la Tunisie, la Tunisie et la Libye et la Tunisie et le Maroc. La Mauritanie effectue quant à elle l’essentiel de ses
échanges avec l’Algérie et le Maroc, alors qu’ils demeurent très faibles avec les deux autres pays. La Libye est quant à elle
le principal partenaire commercial de la Tunisie, mais réalise aussi des échanges avec le Maroc.
– La structure des échanges intra-maghrébins confirme :
– l’importance du groupe des combustibles minéraux et la complémentarité révélée entre l’Algérie et la Libye d’une
part, et les trois autres pays de la région de l’autre. Il en est de même pour les produits phosphatés tunisiens et marocains
qui ont représenté durant la même période une grande part des exportations tunisiennes et marocaines vers les trois autres
pays maghrébins. Les ventes de charbon et de briquettes de charbon marocains à l’Algérie qui étaient assez importantes
jusqu’à la moitié des années 1970, donnent lieu à des échanges beaucoup plus restreints ;
– la proportion importante des produits manufacturés (engrais phosphatés, matériaux de construction, bois, vêtements,
textiles synthétiques et divers articles textiles) dans les échanges intra-régionaux est surtout le fait du Maroc et la Tunisie ;
– le gain de parts du marché maghrébin par l’Algérie pour de nombreuses gammes de produits industriels ;
– la situation de mono-exportateurs de la Libye et la Mauritanie qui ne livrent respectivement à leurs voisins mag-
hrébins que des hydrocarbures et des poissons et produits de la pêche ;
– enfin l’importance du poste des produits alimentaires dans les importations algériennes et libyennes et dans les expor-
tations marocaines et tunisiennes qui nous indique l’existence de complémentarités en matière de produits agricoles dans la
région.
Conclusion générale

La réflexion menée sur le processus d’intégration maghrébine permet de mieux comprendre les défis et les enjeux
communs aux cinq pays en présence qui justifient d’eux-mêmes la nécessité d’intégration économique dans la région,
d’autant plus que l’existence de possibilités réelles, résultant autant de facteurs naturels et humains que de complémen-
tarités économiques semblent ne demander qu’à être exploitées.
Concernant les modalités d’exploitation de ces complémentarités, la mise en œuvre de bonnes conditions institu-
tionnelles, organisationnelles et de régulation harmonisées constitue inéluctablement la base de l’emploi optimum des
ressources existantes et d’un développement économique collectif maghrébin.
Est-ce que cette harmonisation s’effectuera d’elle-même ou sera-t-elle organisée par les autorités publiques ? Les
apports théoriques et les expériences passées enregistrées à travers le monde en matière d’intégration régionale mo n-
trent « que la deuxième solution fourni la réponse à la question ».
L’amorce de l’intégration maghrébine ne constitue pas une exception à la règle internationale. Elle est consciente et
menée par cinq Etats-nations qui cherchent, chacun, à intégrer leurs secteurs économiques les plus performants aux au-
tres économies de la région. Or, il n’existe aucun système économique qui ne comporte l’intervention de l’autorité politi-
que en vue de contrôler ou de promouvoir l’expansion et la croissance équilibrée, ainsi que les transformations des struc-
tures.
Ainsi, dire qu’il y aura intégration au Maghreb c’est dire que ces interventions seront coordonnées. Ce qui signifie
que des mesures tendant à favoriser la concurrence entre les cinq économies en présence, devront également interve-
nir. L’intégration supposera donc la mise en place de politique énergétique, industrielle, agricole, monétaire, conjonc-
turelle, commerciale, des transports, de l’aide extérieure, de la formation et de la recherche…
Compte tenu des résultats mis en évidence et longuement énumérés, quelles sont les complémentarités existantes
entre les cinq pays maghrébins sur lesquelles pourrait se fonder une intégration économique et un éventuel accroisse-
ment des flux commerciaux ? …
Il faut tout d’abord reconnaître et ne pas omettre que les économies de la région ne sont pas encore développées et
que leurs échanges mutuels actuels ne reflètent que cet état de fait.
Mais les complémentarités entre les pays ne sont pas limitées. Les niveaux d’industrialisation et de développe-
ment y sont différents, les économies sont en outre extraverties au-delà de la zone et figurent parmi les plus ouvertes
au monde. Les cinq pays réalisent l’essentiel de leurs échanges (70 à 80% selon le cas) avec le monde occidental et
les pays européens qui constituent notamment leurs principaux clients et fournisseurs.
Les principales exportations de la région sont représentées par une gamme de produits (hydrocarbures, phosphates,
minerais de fer, produits agricoles de primeurs, productions halieutiques et quelques produits manufacturés) pour les-
quelles l’accoutumance aux marchés traditionnels, européens notamment, a fait oublier la recherche de possibilités de
débouchés alternatifs aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la région.
Des réalités structurelles supposeraient interdire aujourd’hui, et même à moyen terme, tout espoir d’accroissement subs-
tantiel des échanges au sein de la région. Pourtant, dans les cinq pays de la région existent des industries dont les produc-
tions dégagent des excédents exportables. Ainsi, les produits manufacturés fabriqués dans certains pays de la région (algé-
riens, marocains et tunisiens) demeuraient inconnus jusqu’à ces toutes dernières années dans les pays voisins du fait de la
polarisation des courants d’échanges traditionnels vers les marchés extérieurs à la région. Enfin, la sous-utilisation des capa-
cités de production observable dans certains secteurs est le plus souvent due à la maîtrise des technologies et des équipe-
ments encore insuffisante, à la rareté des devises, aux carences des environnements économiques internationaux et aux
contraintes naturelles.
Le premier domaine est à l’évidence celui des produits énergétiques. Sans rappeler les chiffres énumérés, on r e-
marque, d’une part, deux pays : l’Algérie et la Libye massivement exportateurs d’hydrocarbures et de gaz, et, de
l’autre, des pays entièrement dépendants de leurs importations (ou en voie de l’être ) en ce domaine, bien que di s-
posant parfois d’importantes capacités de raffinage, comme c’est le cas de la Tunisie. La possibilité existe donc de
rendre la région beaucoup plus indépendante dans le domaine énergétique. Le Maroc représente un assez bon
exemple de la situation qui prévaut. Ce dernier achète pour environ 846 millions de dollars US de combustibles
minéraux par an. Or pour la période 1983-87, par exemple, une moyenne de 28,6 millions de dollars US/an seule-
ment, provenait de Libye (avec un maximum de 70,3 millions de dollars US en 1986) et quasiment rien d’Algérie.
Ses principaux fournisseurs étant l’Arabie Saoudite, l’Iraq, le Koweït et les Emirats arabes unis.
Ainsi, concernant les hydrocarbures et dérivés, l’Algérie et la Libye sont en mesure de satisfaire toute la demande
de la région en pétrole brut et en produits de la pétrochimie, en gaz liquides de pétrole, en propane et en butane.
Dans d’autres secteurs, des complémentarités économiques certaines existent. Dans le domaine de la production d’engrais
phosphatés et azotés, d’acides phosphoriques et d’ammoniaque, dans le domaine des productions mécaniques, de l’agro-
alimentaire, du matériel agricole et de transport ferroviaire, dans le domaine de l’industrie lourde (fourniture d’acier et de
produits sidérurgiques, de pipe-line…), dans le domaine électroménager…
Un autre grand secteur dans lequel de grandes perspectives de développement des échanges semblent être permises,
est celui des produits manufacturés et semi-finis. Les pays les mieux placés dans ce domaine sont le Maroc et la Tuni-
sie. La Tunisie peut en effet fournir des dérivés du phosphate, des vêtements, des chaussures et des produits du cuir, des
tissus et cotons divers, des articles de ménage et scolaires, des carreaux de faïence et des matériaux de construction. Le
Maroc est en position concurrentielle avec elle sur beaucoup de ces produits, mais peut également fournir certains pro-
duits dont la Tunisie est déficitaire. On peut citer notamment les produits cosmétiques, les pâtes de bois, le sulfate de
soude, les feuilles de bois et les produits pharmaceutiques.
II est aussi essentiel de noter que les productions algériennes susceptibles d’être fournies au marché maghrébin ne
concernent pas uniquement les hydrocarbures. L’Algérie est en effet le seul pays de la région dont le potentiel et
l’expérience industriel, permet la fabrication et l’exportation à travers la région de biens d’équipements industriels, de
tracteurs, de moissonneuses-batteuses, de pompes d’irrigation et de divers autres matériels agricoles, d’appareils élec-
troniques, de compteurs électriques, d’appareils ménagers et électroménagers…
D’autres domaines spécifiques peuvent donner lieu à des complémentarités comme celui du phosphate et dérivés
entre le Maroc et la Tunisie. Le Maroc vend en effet de grandes quantités de phosphate brut et relativement peu du
phosphate manufacturé et importe en retour des engrais manufacturés dont la Tunisie est productrice. Beaucoup de
matière à une coopération commerciale et industrielle existe donc et qui demande à être développée.
Dans le domaine agricole et à court terme, aucun pays n’est en mesure de pallier aux insuffisances en produits cé-
réaliers, laitiers, sucriers, en légumes secs ou en huiles alimentaires, qui sont les princi-
paux produits déficitaires de la région. Mais, la structure des échanges agricoles et agro-alimentaires intra-
maghrébins, laisse envisager que pour les cinq pays de la région qui sont effectivement concurrents sur le marché
mondial pour la majorité des produits agricoles et agro-alimentaires qu’ils produisent localement, des complémenta-
rités existent et qui se sont traduites par des situations favorables quant aux disponibilités de produits agricoles sur
les marchés maghrébins depuis la mise en œuvre partielle du libre-échange de produits agricoles et alimentaires qui
s’est concrétisée avec l’entrée en vigueur depuis 1991, de l’accord de libre-échange de huit gammes de produits agri-
coles et alimentaires signé et ratifié par les cinq pays membres de l’UMA.

D’autre part, l’évolution des cours mondiaux des produits agricoles et alimentaires, la pratique généralisée du libre-
échange, la diminution du protectionnisme amorcée depuis la signature de l’accord final du GATT en 1994 à Marrakech
et la forte dépendance des pays du Maghreb vis-à-vis du marché mondial vont avoir les conséquences suivantes :
– c’est le marché mondial qui va désormais fixer le montant des ressources à consacrer à l’importation des produits
agricoles et alimentaires de base et des facteurs de production nécessaires au fonctionnement des appareils de produc-
tion maghrébins ;
– le processus de contrôle et de régulation mis en place par les multinationales de l’agro-alimentaire, s’apparentera de
plus en plus à une stratégie de domination à l’échelle mondiale, et la région, très dépendante de ces dernières, sera donc
impliquée dans cette logique de domination.

De même, si la situation actuelle se poursuit, l’enjeu de la sécurité alimentaire maghrébine va résider dans le fait
que la demande alimentaire de la région ne va être déterminée que par la limite des ressources financières qui sera
consacrée à l’achat et à l’importation des produits agricoles et alimentaires sur le marché mondial.
Ainsi, pour le Maghreb, l’intégration devrait être l’instrument de la réalisation de développement à un coût accep-
table. Il s’agit, dans une perspective dynamique de longue période, de mettre en place les mécanismes pertinents du
développement, non pas en englobant tous les secteurs, mais en sélectionnant les objectifs et les tâches les plus priori-
taires. L’intégration devrait ainsi concerner des domaines où existent des possibilités significatives d’accroissement
des productions et capables de renforcer le cadre du marché maghrébin.
L’option d’intégration par le marché ayant été en effet arrêtée, elle doit être assimilée au respect de ses lois et
du jeu des avantages comparatifs, permettant les mouvements des produits et/ou des facteurs de production et
l’accroissement du bien-être des producteurs et des consommateurs.
Or la réalité est telle qu’en dehors du fait que les cinq économies maghrébines sont encore « dans l’enfance » et
ont donc besoin d’une protection minimale, de même qu’il existe des inégalités structurelles et différents niveaux
de développement entre les pays. Cette situation pourrait faire jouer aux relations de marché un rôle non pas régu-
lateur, mais amplificateur des asymétries spatiales et des inégalités du développement. Aussi, l’intégration régi o-
nale au Maghreb doit rendre compatible au maximum les plans des centres de décision qui le composent.
La compatibilité devant se concevoir comme une généralisation du concept d’économies externes. Dès lors, les
politiques étatiques doivent faire en sorte de favoriser le jeu des pôles économiques régionaux, des infrastructures et
des effets d’entraînement pour modifier les hiérarchies spatiales et les inégalités de développement. Elles doivent
également amener à un plus grand degré de concertation entre les acteurs, d’interconnexion entre les unités et de
diversification des activités, créant un processus de relative irréversibilité et permettant une plus grande maîtrise
des problèmes qui se posent à l’échelle régionale.
La communication ne sera pas exclusivement faite à travers les États et la centralisation devra disparaître et laisser
place aux liens horizontaux qui ne pourront être réalisés que par la création de réseaux dans les domaines de
l’information, la communication, la production, les échanges, la recherche et la formation.
Les organisations intergouvernementales « ad hoc », verticales, privées ou mixtes, constitueront les coordinations in-
tentionnelles entre les différents agents, par des systèmes de règles et des processus d’apprentissage collectif qui permet-
tront de poursuivre des objectifs communs et qui auront un rôle important et positif pour la croissance et permettront
d’accroître la productivité des facteurs privés.
Les décisions en matière d’orientation des politiques économiques devront être basées sur les principes de la crois-
sance endogène, visant l’allocation d’importantes ressources à la formation, à l’apprentissage et à l’accumulation de la
technologie par le considérable capital humain maghrébin qui jouera un rôle moteur dans la croissance.
Du fait du risque certain des incertitudes ou des risques liés aux instabilités des productions internes, des prix et
des changes internationaux, l’effort devra être mis sur la recherche d’un éventuel accord monétaire commun impl i-
quant un changement des valeurs des monnaies maghrébines, et les mécanismes régionaux réducteurs d’instabilités
et d’incertitudes constitueront un « bien public ou collectif », avantageront la diversification d’activités et
l’affirmation des spécialisations à l’intérieur de la région, ainsi que la réalisation de projets conjoints grâce à
l’application de mesures sélectives, de préférences tarifaires et de politiques interventionnistes communautaires.
Concernant le commerce informel et parallèle dont nous avons pu noter le dynamisme, en dehors de tout jugement sur
les conséquences positives ou négatives de tels échanges, ceux-ci ont, d’une part, le mérite de mettre en évidence les princi-
paux obstacles sur lesquels butent les échanges commerciaux inter-maghrébins et les divergences existant entre les logiques
présidant aux politiques tarifaires et du commerce extérieur des cinq pays et font, d’autre part, apparaître l’existence de
complémentarités potentielles, de liens de solidarité d’intérêt et la révélation d’un esprit « entrepreneurial », y compris dans
des pays comme l’Algérie et la Libye où l’on pouvait le supposer étouffé par trois décades de gestion étatique.
Le libre-échange aboutira à un optimum supérieur à celui de l’intégration régionale : une spécialisation régionale,
fondée sur le principe des avantages comparatifs, l’uniformisation des mesures nationales et sur un tarif extérieur uni-
fié qui permettra d’atteindre un optimum de second rang, à la condition qu’il y ait création de trafic, jeu d’économies
d’échelles et de concurrence.
Les systèmes de production, d’infrastructures et de réseaux de transport et de communications et les stratégies liées
aux horizons spatiaux des acteurs, supports matériels de la durabilité des relations économiques marchandes et non
marchandes dans un espace régional intégré, doivent prendre une place primordiale, car ils conditionnent les coûts et
donc les prix sur le marché. De même, les actions de recherche sur la conception des marchés internes devraient aider, à
soutenir les efforts de promotion et de libération économique actuels sur le principe de « mieux acheter et bien ven-
dre ».
Les problèmes fréquents qui influencent de manière directe les fluctuations des prix et entravent fortement
l’établissement de liaisons commerciales performantes, continues et croissantes doivent trouver une solution. Elles
tiennent à l’état du développement des circuits de commercialisation et à la maîtrise de la production par les acteurs
économiques de chaque pays.
En fait, la construction d’un marché régional ne doit pas être basée seulement sur la recherche des effets statiques
des changements tarifaires découlant sur le bien-être, mais aussi sur les effets dynamiques structurels.
Elle ne devrait donc pas se limiter au fait que l’étroitesse d’un marché national ou bien l’insuffisance de la de-
mande effective constituent un sérieux obstacle pour le développement des pays.
La construction d’un marché régional n’entraîne pas immédiatement la croissance et le progrès, mais constitue seu-
lement une condition permissive du développement, lorsqu’elle est couplée avec une politique régionale dynamique de
restructuration des différents secteurs productifs. Elle conférera des avantages que l’on peut repérer au moins sur qua-
tre plans.

1. L’augmentation de la dimension du marché : il s’agit précisément dans le cas maghrébin de la transformation


des structures de production et de l’amorce d’un processus de spécialisation régionale fondé dans un premier temps sur
les potentialités de chacun des pays, le savoir-faire (la maîtrise technologique et l’expérience acquise) et les moyens fi-
nanciers nécessaires. Puis, dans une deuxième étape, la coproduction devrait se substituer progressivement à la spéciali-
sation.
L’augmentation de la dimension du marché permettra d’abord d’accroître la demande globale. Comme nous
l’avons vu précédemment, l’importance de la population en âge de travailler au Maghreb, constitue un élément très
important. Son rôle est fondamental autant :
– dans la création de l’offre dans la croissance économique : compte tenu de son caractère dynamique potentiel et
de l’importante disponibilité en ressources non encore exploitées dans la région. L’augmentation des investissements,
permise par l’allégement du service de la dette extérieure suite aux rééchelonnements des dettes extérieures, les aides
financières et les prêts consentis pour l’aide à l’application des programmes d’ajustement structurel par les organismes
financiers internationaux (Banque mondiale, FMI) et par les principaux partenaires économiques (CEE, Banque afri-
caine du développement, pays du Golfe…) a déjà permis, et continuera probablement, la création d’emplois de plus en
plus nombreux ;
– que dans la formulation de la demande : il en résultera un accroissement des revenus des couches sociales les
plus défavorisées et donc une augmentation de la consommation. Ceci exigera bien entendu des délais et la mise en
place de mécanismes et d’institutions aidant à tirer le meilleur parti de l’agrandissement du marché. Les pays maghré-
bins devraient ainsi trouver dans l’intégration économique, un moyen d’agrandissement de leur marché, et au-delà de
la libéralisation des échanges, elle pourrait rendre possibles des actions concertées tendant à restructurer les appareils
productifs avec l’objectif d’atteinte d’un niveau de développement des productions plus élevé.

2. Le bénéfice d’économies d’échelle : il concerne particulièrement les industries d’amont et d’aval des secteurs pro-
ductifs. Comme l’enseigne la théorie du commerce international, la fusion de plusieurs espaces économiques en un grand
marché permet aux pays de réduire et de supprimer les déséconomies et les gaspillages qui résultent de la sous-utilisation
des capacités de production déjà installées (Bains J.- S., 1956).
D’autre part, le changement de dimension fournira des opportunités d’investissement et de création de grandes uni-
tés qui entraîneront à leur tour non seulement l’accroissement des capacités de production, mais contribueront égale-
ment à réduire les coûts unitaires de production.
Dans les cinq pays maghrébins, se sont construites des unités industrielles d’amont et d’aval du secteur agricole (in-
dustries des engrais, films plastiques de serres, produits phytosanitaires, semences, outillage de travaux du sol, tracteurs,
moissonneuses-batteuses…) en dépit de l’étroitesse des marchés nationaux qui leur impose un fonctionnent dans des
conditions non optimales. La régionalisation et la coopération inter-maghrébine devrait permettre de réaliser des gains
et de bénéficier d’importantes économies d’échelle.
La grande dimension permet d’obtenir des économies d’échelle tenant :
– à l’échelle de la capacité ;
– à l’échelle des séries produites ;
– à l’échelle de la spécialisation.
L’extension du marché devrait alors permettre aux industries en relations avec l’ensemble des activités économi-
ques existantes de travailler dans des conditions optimales, pour satisfaire la demande régionale et offrirait aux pays
maghrébins de produire (c’est chose faite, dans de nombreux secteurs comme nous l’avons fait remarquer dans « les
facteurs positifs à l’intégration maghrébine ») des possibilités de développer des unités de grandes dimensions qui
produiraient de plus importants volumes et à des coûts plus bas, et la spécialisation et la coordination offriront alors de
nombreux avantages liés à la production de masse » (Lewis A., 1954).

3. La création d’économies externes : ce sont les économies dont bénéficieront les entreprises, du fait de
l’augmentation de leur production ou de leur profit, grâce à la transmission d’avantages économiques par d’autres
entreprises ou par l’environnement économique global. Les entreprises ayant bénéficié d’économies d’échelle, trans-
mettront à leur tour à d’autres unités de production des avantages favorables au progrès et à l’expansion de leurs acti-
vités.
La propagation des économies externes à travers l’espace régional renforcera la solidarité mutuelle régionale et les
économies externes devront se manifester à partir de l’interdépendance des activités par le revenu et des relations
d’inputs-outputs et de complémentarité.
Les économies externes seront faibles au départ, compte tenu de la faiblesse des relations d’interdépendance entre
les pays, mais après les délais qui mettront en présence les cinq économies, les liens qui se tisseront et les investisse-
ments qui en résulteront, l’extension du marché permettra aux entreprises d’accroître leurs revenus. L’accroissement
des revenus additionnels devrait se traduire par une augmentation de la demande d’autres biens dans différentes bran-
ches. L’augmentation de la production qui en résultera aux cycles suivants s’accompagnera d’une distribution de re-
venus additionnels et donc d’une élévation du niveau de la demande finale.
Comme la propension marginale à consommer est, comme nous l’avons vu, élevée dans les pays maghrébins,
l’augmentation de la demande devrait provoquer une incitation à investir dans les secteurs directement productifs.
L’abaissement des coûts provoqué par le développement de ces activités permettra de réaliser des profits additionnels et
d’encourager les investissements. Il va de soi que les séquences décrites nécessitent d’importants délais de réalisation et
exigeront des efforts sérieux de concertation et de coordination de la part des cinq États.

4. Le renforcement du pouvoir de négociation : l’extension du marché devrait également permettre d’améliorer les
termes de l’échange des cinq membres de l’Union. Beaucoup d’expériences ont montré que la régionalisation pouvait
permettre la mise en place d’organismes et de mécanismes régionaux destinés à améliorer la cohésion, la coordination et
le renforcement du pouvoir de négociation des pays d’une région avec leurs fournisseurs. Cet aspect intéresserait par
exemple, la création de centrales d’importation et d’exportation maghrébines qui regrouperaient les cinq pays et œuvre-
raient à la réalisation d’économies en raison de l’augmentation du volume des achats, des diminutions des coûts de trans-
port, permises par la fusion des complémentarités existantes des flottes, les réseaux maritimes nationaux et les capacités
de stockage régionales, pouvant être envisagées. Dans ces conditions, les flux de marchandises tisseront les liens néces-
saires à un bon usage du Maghreb.
Dans cette optique, la primauté doit être donnée à trois considérations. Le Maghreb devrait augmenter le degré
d’intégration entre les économies de la région, celui avec l’économie européenne très proche et de manière plus glo-
bale à l’économie mondiale, dans la mesure où un marché unifié de bientôt 100 millions d’habitants serait d’une ges-
tion plus rentable que celle de cinq marchés fragmentés et de moindre importance.
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