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Apprendre à lire au
cycle 2
Table des matières
1. Comment apprend-on à lire ? .............................................................................................................................. 2
Pourtant, dans l’inconscient collectif, le CP reste LA classe de la lecture. L’enjeu est si fort que l’entrée
au CP provoque des émotions toujours vives. Bien plus qu’une entrée à la « grande école », on voit
chez les familles la mise en place d’un véritable cérémonial et une anxiété très vite palpable. Parents
et enseignants guettent avec fébrilité le jour « quasi miraculeux voire « diabolique » où la magie
s’opère…ou pas. D’où la pression que vivent certains enseignants pour ce niveau de classe.
Alors, y a-t-il vraiment un âge pour apprendre à lire ? Pas vraiment mais on apprend à lire et cela,
partout dans le monde, environ vers 6/ 7 ans. On sait que plus on entre dans la lecture tôt, plus le
processus sera rapide. Apprendre à lire à l’âge adulte est d’ailleurs très difficile. On profite donc de la
période extraordinaire de la plasticité du cerveau qui connait une apogée vers 7 ans. L’expérience et la
recherche ont montré que les enfants, développent en général, entre 5 et 7 ans, une appétence
particulièrement forte pour jouer avec le code. L’école doit s’en saisir.
Le CP est donc une classe charnière et ses apprentissages sont cruciaux. L’énergie ministérielle
déployée depuis 2016 en est une preuve irréfutable et s’inscrit dans l’ambition affichée et hautement
clamée des « 100% de réussite » au CP. Dans cette ambition, il est affirmé que tous les enfants peuvent
apprendre à lire à la fin du CP. Des actions fortes et très médiatisées sont engagées :
Il semble cependant que dès que nous en maîtrisons les mécanismes, notre mémoire nous fasse oublier
à quel point le chemin a été complexe et à quel point le processus est fastidieux. Pour mieux
comprendre, empruntons l’exemple très parlant de Stanislas Deheane et mettons-nous à la place d’un
enfant qui découvre pour la 1ere fois l’écrit. Son émotion pourrait être comparée à celle de Champollion
lorsqu’il se confronta à la pierre de Rosette. Une suite de signes incompréhensibles, pour lesquels il est
bien difficile de savoir où commencent et où finissent les mots. « Lire, c’est traduire » selon Roland
Goigoux. Plus tard, lorsque enfant commence à lire, le sens de cet écrit lui est difficilement accessible
car la lecture est freinée par l’effort dû au déchiffrage. Comprendre n’est pas la priorité du cerveau. Lire,
c’est prendre en compte une « double tâche » : déchiffrer un code (décoder) et accéder au sens de
l’écrit (compréhension). Même si les deux se nourrissent l’un de l’autre, il est désormais admis
l’importance d’automatiser le déchiffrage avant de pouvoir comprendre. D’où la nécessité d’offrir aux
élèves des mots, textes dont le pourcentage de « déchiffrabilité » est très fort en début d’année pour
aller vers plus d’autonomie à partir de janvier.
• L’écriture permet de fixer l’oral sur un support permanent mais la façon de fixer cet oral selon
les langues est très différent.
• L’écriture peut crypter des sons, des syllabes ou des mots entiers. Les langues diffèrent selon
qu’elles codent des phonèmes (italien et français) des syllabes (écriture japonaise hiragana) ou
au même le mot tout entier (écriture japonaise kanji, hiéroglyphes).
• Lire n’est pas une activité naturelle et spontanée comme le langage parlé. C’est une invention
récente pour notre cerveau qui a dû s’adapter et développer des zones de traitements autre que
celles dévolues au traitement du langage oral. Ce « décryptage » nécessite donc un
apprentissage long et répété.
• Notre écriture est un alphabet : En français, chaque lettre ou groupe de lettres (graphème)
correspond à un phonème du langage parlé.
• Malheureusement, la langue française n’est pas une langue transparente. Un même graphème
peut représenter des sons différents. Le graphème CH se prononce /CH/ dans
« chocolat » mais /K/ comme dans « chorale » (« chien » mais « impatient ». Ce
n’est pas le cas de l’italien où presque chaque phonème correspond à un seul
graphème…Cette opacité un obstacle très fort à surmonter pour les jeunes
lecteurs.
Apprendre à lire modifie le fonctionnement du cerveau. « Comment se peut-il que notre cerveau d’Homo
sapiens paraisse finement adapté à la lecture, alors que cette activité́ , inventée de toutes pièces,
n’existe que depuis quelques milliers d’années ?...»
Avant d’apprendre à lire, les enfants ont déjà des aires du langage très développées dans le
cerveau. Ce sont les aires du langage parlé. Dès 2/3 ans l’enfant a mis en place un lexique,
une syntaxe du langage parlé. Ce qui lui permet de comprendre les messages
entendus.Apprendre à lire c’est donc développer une entrée nouvelle dans ces aires du
langage mais par le biais de la vision. Il s’agit de mettre en connexion la vue des lettres et
les sons qu’elles produisent (les phonèmes).
Lire c’est accéder aux aires du langage oral par la vision de façon inattendue pour le
cerveau qui a dû s’adapter pour faire du « bricolage cérébral ». Il a en quelque
sorte « recyclé » les chemins du langage.
En effet, lorsqu’on lit un mot, le cerveau reconnait d’abord les lettres (et non leur contour global ou
image photographique). Elles sont ensuite converties en sons. Lorsqu’on lit un mot, on l’oralise de
manière inconsciente et on s’en fait une image acoustique (le signifiant). Puis, notre cerveau va aller
chercher dans notre mémoire orthographique si ce mot existe pour en obtenir le sens (le signifié).
- On peut passer par la voie directe : C’est actuellement ce que vous êtes en train de faire.
La forme orthographique du mot (en tant que succession de lettres identifiées, assemblage) est
reconnue. Exemple : GORILLE. Vous confrontez cette identification visuelle et sonore à votre
lexique mental. Un gorille est un grand singe. Vous mettez donc du sens.
- On peut passer par la voie indirecte : la voix du déchiffrage lorsqu’on n’identifie pas le mot. La
lecture offre alors une forme orale mais faut-il encore qu’elle soit associée à un sens dans votre
dictionnaire mental. Si ce n’est pas le cas, il est alors bien difficile de mettre du sens sans le
contexte ou de l’aide.
• Une bonne vision : identifier et reconnaitre les lettres est un processus complexe pour le cerveau.
L’apprentissage débute en maternelle et se poursuit au CP. Certaines lettres (lettres miroirs)
méritent un apprentissage particulier. (p/q b/d).
o Comprendre que les lettres s’assemblent et se combinent pour transcrire les sons du
langage
o Comprendre que certains graphèmes sont formés de plusieurs lettres. Le graphèmes /OIN/
n’est pas la succession de O+I+N mais un tout.
• L’étendue du vocabulaire oral : on connait le lien étroit entre vocabulaire et compréhension. Les
enfants, selon leur degré de sollicitation, ont acquis un dictionnaire phonique personnel. Ils
reconnaissent des mots au message sonore qu’ils renvoient. Au début du CP, un enfant doit
posséder en moyenne 1300 mots oraux. Lorsque l’enfant lit, il va déchiffrer un mot et s’en faire une
représentation sonore. L’enfant lit un mot, l’entend et le confronte à son dictionnaire oral. « Allo ? Y
a-t-il un abonné au numéro demandé ? ». Si c’est le cas, le mot est reconnu et l’enfant a donc
accès au sens. Cependant, si l’enfant rencontre pour la 1ere fois le mot « oranger », il va, à partir
du « bruit » du mot interroger son dictionnaire oral. S’il est mis « en attente » ou si la réponse est
régulièrement « Il n’y a personne au numéro demandé », il risque d’en déduire que tout acte de
déchiffrage est vain. D’après l’article d’A. Bentolila dans l’ouvrage collectif, « L’essentiel de la
pédagogie », Nathan.
• La connaissance des morphèmes les plus fréquents : ils sont porteurs de sens (le -e des
certains participes passés ou adjectifs permet de lever des implicites sur le sexe des
personnages). « L’enfant se jeta sur le lit en hurlant : Je suis épuisée ». De qui parle-t-on ? d’une
fille ou d’un garçon ? …
• Lire tous types de textes (La confrontation aux écrits différents) : C’est être capable de connaître
les caractéristiques des différents écrits rencontrés (documentaires, BD, poèmes, affiches,
recettes…), d’adapter ses stratégies de lecteur (un texte documentaire ne se lit pas comme un texte
narratif). Il convient pour ce dernier d’effectuer une lecture linéaire et chronologique alors que pour
le second, la présence de paragraphes, de photos, permet à l’élève de sélectionner et de traiter
l’information de façon non linéaire).
• Lire à voix haute (Vers l’autonomie du lecteur) : C’est lire en identifiant correctement les mots, en
jouant sur le rythme, le ton l’expressivité. C’est manifester, face à un auditoire, la compréhension
d’un texte lu.
Exemple d’activités journalières pour le 1er trimestre du CP d’après « Le plan lecture CP, DSDEN
des Yvelines »
3. COMMENT ENSEIGNER LA
LECTURE ?
3.1 Les leviers à l’apprentissage de la lecture ?
• Le projet de lecteur : Il est important d’enrôler l’élève et de susciter son intérêt. Pour cela, il
convient de tester ses représentations au sujet de l’acte de lire. Ensuite, il convient de l’orienter sur
la posture du lecteur et les enjeux de la lecture.
Cela passe par des activités qui tournent autour de 3 grandes questions : D’après, DSDEN 78, Plan lecture
o Tenir compte de la facilité de prononciation des consonnes isolées (D’abord les consonnes-
voyelles, puis les consonne-fricatives (f ou l ou r) faciles à écouter et à prolonger pour la fusion
syllabique. On évitera de commencer par les consonnes occlusives comme « p », « b », « d »
« k » ou « s ».
o Proposer des mots-référents (pour le cycle) affichés et facilement consultables.
• Respecter un tempo rapide : Leur étude commence dès la première semaine d’entrée au CP
et se fait à raison de 2 graphèmes par semaines (environ 14/15 graphèmes étudiés pour la
1ere période est un repère à retenir pour analyser des sommaires ou progressions). Leur
étude se poursuit au CE1. Une reprise des sons complexes est alors nécessaire et
l’enseignement se fait en fonction des besoins observés. Travailler les CPG sur un tempo
rapide tout en enrichissant le lexique orthographique afin d’accélérer la reconnaissance des
mots par la voie directe est donc indispensable. En parallèle, apprendre à mémoriser des mots
irréguliers de haute fréquence est incontournable. (Articles, pronoms, mots invariables
fréquents ou formes à prononciation irrégulière « J’ai eu », « femme »).
• Proposer des textes déchiffrables : les textes choisis ne doivent pas représenter
de difficultés au niveau du vocabulaire et du sens. On parle de textes « 100%
déchiffrables ». La plateforme « Anagraph » permet aux enseignants de vérifier le
pourcentage de déchiffrabilité des textes proposés (Ne pas hésiter à citer cet outil.)
http://anagraph.ens-lyon.fr/app.php
• Tisser du lien avec l’EDL : Elle permet de mobiliser la mémoire orthographique des mots et
donne les voies d’accès au sens (vocabulaire : l’observation des dérivations/ grammaire :
observation des lettres finales des mots pour que les élèves comprennent le rôle des
morphèmes).
Pour rappel
Les activités quotidiennes de copie et dictée permettent la mémorisation. Une dictée par jour est
recommandée du CP au CM2.
Les 4 phases :
LIRE/ECRIRE des syllabes : faire lire à haute voix des combinaisons de syllabes 30 mn
projetées au tableau. Faire lire les syllabes du manuel. Ardoise
Construire des syllabes avec des syllabogrammes et faire une dictée de syllabes syllabogrammes
sur ardoise puis sur cahier.
JOUR 2
En lien avec les recommandations données dans les fiches 100% de réussite au CP, les CPC de
l’académie de Paris ont retenu 5 manuels. Attention, ils ne sont pas parfaits mais ils offrent plus de
points d’appui que de points d’alerte.
4. ENSEIGNER LA FLUENCE
4.1 Qu’est-ce que c’est ?
C’est la capacité ou l’habileté à lire avec aisance, rapidement et sans erreurs un écrit. C’est également
une lecture qui se fait de manière expressive et qui permet de manifester sa compréhension du texte
lu.
Il s’agit à terme d’amener l’élève à lire un texte en continu, au rythme de la conversation avec une
prosodie adaptée. Cela suppose pour l’enfant d’identifier les mots de façon automatisée et à un rythme
rapide, prendre en compte la ponctuation, repérer les groupes de sens ou de souffle et produire
l’intonation qui convient. La lecture fluence se fait d’abord sur des syllabes et des mots. Les textes sont
introduits progressivement.
• Automatiser le décodage : tel un sportif qui s’entraine, l’élève essaie et recommence. Il fait ses
gammes. Il recherche, entraine la justesse et la précision du décodage.
• Mémoriser la lecture de mots fréquents et irréguliers : les mots à déchiffrer sont ceux étudiés
ou des mots fréquents. Leur lecture à répétition permet leur fixation.
• Prendre en compte les groupes syntaxiques (utiliser la grammaire pour comprendre) et prendre
en compte la ponctuation.
• Accéder à une meilleure compréhension des textes lus : Une des particularités de l’apprenti-
lecteur est la lenteur du déchiffrage. On sait que cette lenteur et, cela même que l’enfant identifie
correctement les mots, nuit fortement à la compréhension. En effet, l’attention de l’enfant et sa
mémoire de travail sont alors exclusivement tournées vers le déchiffrage. La charge mentale est
lourde. On parle de surcharge cognitive. L’enfant ne dispose plus des ressources cognitives
nécessaires pour accéder au sens de l’écrit lu. Lui permettre d’améliorer sa vitesse de lecture est
une condition pour accéder à la compréhension. Si cette habileté n’assure pas à elle seule la
compréhension des textes, elle en est une des conditions. C’est également la capacité à lire avec
fluidité un texte qui conditionne sa mise en voix et donc sa lecture à voix haute.
Les compétences visées dans cet apprentissage sont déclinées par Eduscol, fiche ressource, « la
lecture à voix haute ».
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Lecture/68/7/RA16_C2_FRA_Lecture-comprehension-
ecrit_Lecture-haute-voix_1043687.pdf
LES OUTILS
• Des écrits progressifs adaptés à l’âge des enfants et ne comportant pas de difficultés lexicales
• Un chronomètre pour mesurer le nombre de Mots Correctement Lus par Minute. (MCLM)
• Une fiche récapitulative répertoriant les scores (observation des progrès)
• Des grilles de référence pour les enseignants permettant de situer les compétences de l’élève
et de mesurer les progrès. (Eduscol)
LE DISPOSITIF
5. COMMENT EVALUER ?
5.1 Comment évaluer la fluence ?
Il est possible de mesurer la fluence par la précision (c’est-à-dire le nombre d’erreurs) et la vitesse de
lecture à voix haute.
- http://cache.media.education.gouv.fr/file/Langage_oral/20/6/RA16_C2_FRA_langage-oral-lecture-
hautevoix-2pistes-eval_617206.pdf
- https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Lecture/68/7/RA16_C2_FRA_Lecture-
comprehension-ecrit_Lecture-haute-voix_1043687.pdf
• Importance d’enrôler l’élève dans un projet de lecteur (Pourquoi je lis ? A quoi ça sert ?)
• La démarche de lecture recommandée est une démarche d’apprentissage de type
syllabique.
• Les séances sont courtes mais alternées sur la journée.
• L’entrée première à la lecture est le graphème.
• Le rythme d’apprentissage des graphèmes est soutenu (tempo rapide : 2 par semaine)
• Éviter de confronter l’élève à des graphèmes qui n’ont pas encore été étudiés.
• Les écrits proposés sont donc tous déchiffrables.
• La progression est rationnelle allant du graphème le plus simple et fréquent au plus
complexe et moins fréquent.
• La démarche commence par la lecture de syllabes puis de mots, de phrases et enfin de
textes.
• Un travail conjoint sur le code et la compréhension est indispensable. Ils sont
indissociables.
• En début de CP, la compréhension se fait sur des textes entendus (continuité maternelle).
• Mettre en lien les activités de lecture avec l’écriture (invention de pseudo-mots, dictée de
syllabes de mots, construction de syllabogrammes, copie de syllabes, de mots, de phrases…)
• Enregistrer pour évaluer de manière objective la lecture à voix haute des élèves
• Impliquer l’élève dans l’évaluation (critères de réussite)
6.4 Bibliographie
- « Enseigner la lecture et l’écriture au CP », Guide vert, Eduscol
- « Enseigner la lecture et l’écriture au CE1 », Guide rouge, Eduscol
- Toutes les fiches-ressources Eduscol, « 100% de réussite au CP »,
- « Apprendre à lire : des sciences cognitives aux salles de classes » S.Deheane, O.Jacoc
- « Apprendre à lire à l’école » S Cèbe et R.Goigoux