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Les essentiels : Didactique du français
Aurélie Romet
- Enseigner la compréhension
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I.1 Comprendre, c’est composer avec les mots d’un autre ................................................................. 3
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Ainsi, la compréhension est souvent incertaine. Elle exige autant d’obéissance que de « liberté
interprétative ». Il faut donc arriver à trouver un équilibre entre les droits et les devoirs du lecteur car
comprendre c’est fabriquer son propre sens avec les mots d’un autre.
Parfois, l’auteur donne des informations qu’il suffit d’attraper au vol de la lecture. Ce sont les
informations explicites. Mais souvent l’auteur ne dit pas tout. Il laisse parfois des « blancs » dans son
texte car il a confiance dans les compétences et les habiletés du lecteur pour les combler. C’est ce
qu’on appelle les informations implicites. Certains élèves vont pouvoir lever sans effort ces
connivences laissées par l’auteur confiant, qui, selon les mots d’Umberto Ecco mise « sur l’intelligence
du lecteur pour mettre à jour les 50% du travail qu’il lui a laissés ». Malheureusement, beaucoup de
petits lecteurs passent à côté, se détournent du sens initial et empruntent des chemins fort éloignés. Ils
tombent « en panne de sens » et se perdent dans les méandres de l’interprétation faussée. Certains
enfants ont une absence de conscience de la nécessité d’aller au-delà des informations explicites.
Comprendre c’est donc composer avec les mots d’un autre en utilisant des stratégies de raisonnement
et de réflexion pour se rapprocher au plus près du texte. D’après l’article d’A. Bentolila, dans « Essentiel de la
Pédagogie », Nathan
Pour Eduscol, « La compréhension se définit comme la capacité à construire, à partir du texte et des
connaissances antérieures, une représentation mentale cohérente de la situation évoquée par le
texte ».
Il est rare qu’un texte mette en jeu une seule compétence. Lire c’est mobiliser des compétences
multiples. Aussi, la difficulté réside-t-elle moins dans le choix des textes que dans l’identification des
obstacles qu’ils engendrent. L’enseignant doit pouvoir repérer les compétences nécessaires pour
comprendre un texte donné et repérer/lister très vite les obstacles à la compréhension. Choisir un
support de lecture pour les élèves n’est pas un acte anodin mais déterminant.
• Les difficultés liées à des malentendus cognitifs : Les élèves pensent qu’il suffit de déchiffrer
tous les mots pour comprendre. La conséquence est une lecture mot à mot qui provoque, au
mieux, la « constitution d’îlots de compréhension » juxtaposés et, au pire, un accès au sens
voué à l’échec.
o Comment lever l’obstacle ? Rendre conscient l’élève du sens même de l’acte de lire.
Lire ce n’est pas déchiffrer. Lire c’est se servir du déchiffrage pour comprendre, restituer,
trouver des informations, les hiérarchiser.
o Comment lever l’obstacle ? Enseigner et entrainer des stratégies pour chaque difficulté
évoquée.
• Les difficultés liées dans la maîtrise de l’univers culturel : C’est la faible étendue des
connaissances dites encyclopédiques qui entravent souvent la compréhension des textes.
• Les difficultés à maîtriser les mécanismes d’inférence : L’inférence est l’habileté à gérer
l’implicite, ce qui n’est pas dit mais que l’on peut deviner en raisonnant ou en faisant appel à
ses connaissances. C’est effectuer des liens entre les informations du texte, ses propres
connaissances et son raisonnement pour combler les blancs laissés par l’auteur. On sait par le
biais des évaluations nationales que la difficulté principale des élèves reste la gestion de cet
implicite.
• Les difficultés liées à la mémoire de travail : Lire un texte n’est pas de tout repos pour notre
cerveau. La mémoire joue un rôle central dans le processus d’accès au sens. Quand on lit, on
va chercher les mots de notre mémoire visuelle à long terme (répertoire mental). En parallèle,
on doit garder en mémoire ces mots à mesure qu’on les décode (mémoire à court terme ou
mémoire de travail). Il faut associer les mots lus à leur signification et construire des ponts avec
des situations connues pour affiner la compréhension. La mémoire de travail est très sollicitée.
Elle doit en plus retenir les informations qui viennent d’être lues, les connecter avec les
anciennes et les suivantes. C’est elle qui assure la mise en relation de l’information inter-
phrastiques. D’où ce besoin, lorsqu’elle est surchargée, de revenir en arrière, de relire.
• Les difficultés à contrôler et analyser son degré de compréhension : L’enfant ne sais pas
évaluer son degré de compréhension car il ne se permet pas de se dire « Ce mot, cette phrase,
je suis certain de les avoir compris. « Ce mot, cette phrase, je pense les avoir compris à peu
près », « Ceux-là, je ne les ai pas compris »
• Les stratégies de pré-lecture : Elles préparent la lecture et se font en amont. Elles permettent
d’identifier les objectifs de lecture et d’anticiper sur l’objet de la lecture (Création d’hypothèses).
C’est la 1ere étape qu’on appelle « construire l’univers de référence ». L’élève apprend à
percevoir, avant d’entrer dans le texte, les indices clés de celui-ci et à les mettre en liens avec
ses connaissance antérieures. Le fait de cerner les informations que l’on va recevoir permet de
mieux les comprendre et les retenir. Regardez la vidéo pédagogique « Aider les élèves à faire
des hypothèses et anticiper l’écrit » https://vimeo.com/177106821
• Stratégies pour aller au-delà et des idées : ce sont les traitements inférentiels, l’interprétation
de l’implicite et le fait de lier les contenus du texte à ses connaissances de lecteur pendant la
lecture. Ces stratégies consistent à se poser les bonnes questions : « Qui ? », « Quoi ? »,
« Où ? », « Comment ? », « Pourquoi ? » selon la stratégie du maçon de Marise Bianco.
Pour aider les élèves à comprendre, Roland Goigoux et Sylvie Cèbe dans leur ouvrage « Lector,
Lectrix », Retz ont listé 5 compétences à construire et entrainer.
• Les compétences de décodage : On sait que décoder avec aisance est un prédicteur
essentiel à la compréhension. Le décodage est une opération coûteuse en énergie et prive les
élèves de leur ressource d’attention et de mémorisation. Décoder avec difficulté, c’est prendre
le risque d’oublier ce qui vient d’être lu. Maîtriser cette habileté permet donc de libérer la charge
cognitive pour que le lecteur puisse se concentrer sur le sens. Le cycle 2 a rendu aussi
automatisées que possible les opérations de décodage et d’identification des mots. Cependant,
certains élèves du cycle 3 rencontrent encore des difficultés dans la maitrise du déchiffrage. Il
est important de leur permettre de poursuivre leur apprentissage par des exercices adaptés à
leurs besoins.
• Les compétences référentielles : Il s’agit des compétences dites encyclopédiques. Elles sont
constituées des savoirs sur le monde, des références culturelles. Elles permettent de
comprendre des univers littéraires, de les mettre en liens (« Le Petit Poucet » débute comme
« Hansel et Gretel ». Ce sont des enfants abandonnés dans la forêt par des familles affamées.
Ils tentent de retrouver leur chemin avec des cailloux). Elles permettent aussi de lever certains
implicites de lecture. Les textes narratifs (les plus difficiles !) convoquent une charge cognitive
intense fortement tributaire des connaissances culturelles du lecteur.
• Les compétences textuelles : Elles sont relatives au fonctionnement des textes. Ce sont
celles qui nous permettent de mobiliser nos connaissances sur les types de textes et d’utiliser
leurs caractéristiques pour bien les lire. Un documentaire ne se lit pas comme un texte narratif
ou comme une fiche de fabrication…Chaque type de texte appelle des compétences de lecteur
différentes. De plus, les relations inter-phrastiques ne sont pas explicitées, c’est au lecteur de
trouver les relations causales, de cerner la chronologie des actions…Elles nous permettent
d’avoir recours aux habiletés d’inférence.
Il s’agit de penser sur la durée le rapport aux livres de l’élève et d’inscrire le lecteur dans un parcours
qui va de la maternelle jusqu’au lycée. Pour cela, des listes de références d’ouvrages (albums, BD,
poésies, œuvres du patrimoine…) sont disponibles sur Eduscol pour chaque cycle. Une
programmation par cycle est à favoriser afin de construire un parcours cohérent et réfléchi. Cette
façon de penser la lecture en termes de parcours permet de proposer des rencontres nombreuses et
variées avec des œuvres.
L’objectif, au-delà de créer une véritable culture du livre est aussi de bâtir une culture commune. Il
s’agit également de créer des ponts entre les œuvres et les genres artistiques. (Les films « La Belle et
la Bête » de Jean Cocteau, « Peau d’Âne » de Jacques Demy sont des entrées intéressantes et
riches. Elles peuvent servir de supports de réflexion, de comparaison aux œuvres littéraires étudiées
en classe.)
À retenir
Un lecteur autonome c’est un lecteur qui a compris que l’acte de lire n’est pas seulement
déchiffrer mais aussi comprendre. C’est un lecteur qui a conscience qu’un écrit peut avoir des
obstacles, que ces obstacles sont identifiables et repérables. C’est enfin un lecteur qui a une stratégie
pour chaque obstacle rencontré et donc initie des régulations au moyen des stratégies qu’il dispose.
Cycle 2 Cycle 3
• Identifier des mots de manière de plus en plus aisée (la mécanique) : On sait que, pour
comprendre et devenir un lecteur autonome, il faut avoir automatisé le déchiffrage. L’enfant va
passer du déchiffrage (fusion de syllabes et oralisation) au décodage (identifier les mots dans
un objectif de prise de sens.
• Lire tous types de textes (la confrontation aux écrits différents) : C’est être capable de
connaître les caractéristiques des différents écrits rencontrés (documentaires, BD, poèmes,
affiches, recettes…), d’adapter ses stratégies de lecteur (un texte documentaire ne se lit pas
comme un texte narratif). Il convient pour ce dernier d’effectuer une lecture linéaire et
chronologique alors que pour le second, la présence de paragraphes, de photos, permet à
l’élève de sélectionner et de traiter l’information de façon non linéaire).
• Lire à voix haute (vers l’autonomie du lecteur) : C’est lire en identifiant correctement les mots,
en jouant sur le rythme, le ton l’expressivité. C’est manifester, face à un auditoire, la
compréhension d’un texte lu.
• Lire avec fluidité : C’est avoir mémorisé la lecture des mots fréquents et irréguliers, avoir
automatisé le décodage, être capable de prendre en compte les groupes syntaxiques, la
ponctuation…
restituer l’ordre des évènements, placer les actions sur un axe temporel, proposer des résumés
courts, raconter l’histoire sous forme de vignettes de BD, jouer l’histoire sous forme de
saynètes, changer le point de vue d’un personnage…)
• Comprendre des textes, des documents et des images et les interpréter : Il s’agit d’utiliser
les compétences des élèves en compréhension au service de tous types de supports et cela,
en utilisant d’autres domaines d’enseignement (Identification de la nature du document, de la
source, apprentissage explicite de la mise en liens des informations dans des documents
comportant plusieurs supports (texte, graphiques, images, documents numériques…). On est
dans la construction de savoir-faire et dans la mise en place d’automatismes préparant le
collège.
Eduscol, fiche-ressource « Lire et comprendre des documents qui associent textes, images et schémas »
C’est s’engager dans une démarche progressive pour accéder au sens. Il s’agit pour l’élève de prendre
conscience que lire c’est être dans un état de veille et d’alerte permanent : mobilisation des
connaissances lexicales, culturelles, grammaticales (repérage des mots de liaisons, des pronoms,
recherche d’informations implicites…). C’est comprendre que les représentions mentales construites au
fil de la lecture peuvent évoluer et que le sens initial peut être bousculé. C’est avoir conscience que l’on
peut ne pas comprendre, que l’on peut revenir en arrière pour mobiliser des stratégies et clarifier le
sens.
QUELS
SUPPORTS ?
Ces deux approches sont complémentaires et considèrent que le lecteur doit être activement engagé
dans la tâche de lecture (« lecteur actif »). Cet enseignement est construit sur l’ensemble du parcours
scolaire de l’enfant. Il débute en maternelle dès la familiarisation avec les premiers textes lus ou
racontés et e poursuit jusqu’au cycle 4.
• La mobilisation du lecteur du point de vue affectif : identification aux personnages, les émotions
déclenchées ;
• La mobilisation du lecteur d’un point de vue cognitif : travail d’interprétation
• La mobilisation du lecteur du point de vue culturel : univers particulier, référence à d’autres
œuvres.
• Familiariser et/ou réconcilier les élèves avec l’univers des textes et de livres
• Faire du livre l’objet d’un investissement heureux
• Nourrir l’imagination et enrichir les connaissances de monde de l’élève
• Construire un socle de références culturelles commun
• Construire un parcours littéraire
• Préparer l’entrée à la littérature du collège
• Support d’étude privilégié pour la compréhension. Ce sont des textes plus résistants. Les
processus de compréhension engagés sont nombreux. Ils sont souvent des supports propices
à l’interprétation.
À retenir
La compréhension relève du domaine du consensus explicatif. Les élèves arrivent à la
même conclusion car le texte ne laisse pas ou peu de choix.
L’interprétation relève plus des choix que le texte peut offrir. Certains textes, en particulier les textes
littéraires, offrent des structures polysémiques et suscitent un travail d’interprétation fort. Catherine
Tauveron les appelle les textes « proliférants ». Le lecteur s’empare et saisit le sens qui lui semble le
plus proche de ses convictions ou de son analyse. L’expérience personnelle et le cadre émotionnel
entrent en jeu et influent dans cette analyse.
Pour permettre aux enseignants de construire le parcours du lecteur, Eduscol a mis à disposition des
listes de référence pour choisir des ouvrages adaptés à chaque niveau, aux besoins et aux goûts des
élèves (de la maternelle au collège).
« La lecture d'œuvres complètes, par l'adulte d'abord puis de façon autonome par l'élève, permet de
donner des repères autour de genres, de motifs, de personnages, de séries, d'auteurs et d'accéder ainsi
à une culture littéraire. Il s'agit de confronter fréquemment les élèves à des œuvres susceptibles de
nourrir leur imagination, de susciter leur intérêt et de développer leurs connaissances. », Eduscol.
Exemples d’œuvres de la liste cycle 3 (Ce sont, dans la grande majorité, des versions abrégées) :
Lire des textes littéraires, c’est vivre des aventures par procuration. On peut penser que la longueur de
ces romans, même adaptés, pose problème aux jeunes lecteurs. Mais il ne s’agit pas toujours de les
faire lire en intégralité. L’enseignant peut choisir un passage, lire lui-même un extrait, faire visionner des
scènes dans sa version cinématographique. Il convient de faire avancer l’œuvre et se concentrer sur
des scènes clés…
L’enseignement de la lecture littéraire s’apprend dès que les enfants savent lire même s’ils ont encore
quelques habiletés à acquérir. C’est une nouvelle forme d’ambition qu’investit l’école, celle de les faire
accéder à l’univers des textes littéraires et de la lecture littéraire en tant que procédure particulière. Pour
cela des dispositifs variés sont à explorer et alterner.
• La lecture offerte avec contrat d’écoute : C’est le dispositif le plus rencontré en classe. C’est
l’enseignant qui prend en charge la lecture orale. Sa lecture constitue un mode d’entrée
facilitateur à la lecture littéraire car les élèves sont allégés de la tâche d’identification des mots.
L’enseignant joue avec l’expressivité et la clarté de la diction. Les élèves peuvent plus
facilement se concentrer sur la compréhension et l’interprétation. C’est un moment de partage
littéraire. Cependant ce dispositif peut avoir des limites. Certains élèves restent passifs et tout
comme les textes écrits, survolent l’écoute et ne font que très peu d’inférences. La lecture offerte
ne profiterait qu’aux élèves déjà habiles en compréhension. Il existe une alternative : rendre
l’écoute active en proposant un contrat d’écoute. En amont de la lecture, l’enseignant propose
de repérer certains éléments. Il peut demander par exemple dans une séance de repérer les
personnages, les liens qui les unissent, ceux à qui on aimerait ressembler… Dans une autre
séance concentrer l’écoute des élèves sur la durée de l’histoire et ses étapes puis les lieux, les
objets étonnants…Peu à peu l’enseignant affinera ses questions.
A la fin du programme de français, il y a une partie « culture littéraire et artistique » Cette invitation à
croiser le monde de la littérature et des arts est une entrée très riche pour les élèves. Elle ouvre leur
culture artistique et offre généralement beaucoup de stimulation et de motivation. Pensez à croiser
littérature, cinéma, sculpture, peinture…
Exemple : L’Odyssée d’Homère connait de multiples versions cinématographiques. Faire travailler une
classe sur certaines scènes de films ou sur les affiches, c’est offrir un support stimulant et original.
Analyser les tableaux, les poteries racontant l’épopée d’Ulysse, sans oublier les BD ou les albums qui
ont repris l’aventure sont des moyens d’enrichir leur culture sans oublier la part de plaisir
qu’entretiennent ces types de supports.
Cette notion de plaisir est très importante. Dans chaque roman, le lecteur peut s’identifier
au héros et ressentir à travers lui des émotions fortes. La découverte du plaisir de la lecture n’empêche
pas de travailler la construction des compétences de compréhension nécessaires à la résolution des
problèmes posés par le texte. Cela passe par un travail de lecture, d’écriture et d’expression orale.
Lire un texte, surtout un texte long, c’est prendre du plaisir à partager les émotions d’un autre, vivre son
aventure par procuration. Mais ce plaisir nécessite un apprentissage qui passe par un travail de lecture
indissociable des activités d’écriture, des activités d’oral et d’étude de la langue.
• De écrits pour construire la compréhension comme les écrits intermédiaires : ce sont des
écrits où s’élaborent les étapes essentielles de la compréhension et le lieu où se développe le
travail cognitif. Ce sont des écrits pour apprendre et pour penser.
• Les écrits pour traduire sa compréhension : Le carnet de lecteur est un outil essentiel et
fortement recommandé par Eduscol.
• Les écrits pour aller plus loin : Ce sont toutes les activités d’expression écrite qu’un
enseignant peut proposer en prolongement. Par exemple, demander à un élève de se mettre à
la place d’un personnage pour raconter une scène en adoptant un autre point de vue :
« Raconte la scène du Cyclope en te mettant dans la peau d’un compagnon d’Ulysse » ou
« dans la peau du Cyclope ». On peut également demander aux élèves de transformer le
dénouement final. (« La chèvre de Mr Seguin » ou « La Belle et la Bête ». On peut tout aussi
bien demander à l’élève d’écrire le journal intime d’un personnage. Faire écrire le journal de la
Bête durant la visite de la Belle à sa famille…Transformer une scène de fable. (C’est le bœuf
qui veut se faire aussi petit que la grenouille…)
• Des écrits pour questionner le texte : les questionnaires. La pratique des questionnaires de
type questions/réponses est une pratique très ancrée dans les classes. Il doit faire l’objet d’une
grande attention. Ce recours systématique à ce type de dispositif comme outil de vérification de
la compréhension est à interroger. Il y a des questions parfois pertinentes qui témoignent de
l’avancée de la compréhension, de la capacité de l’élève à inférer, à faire du lien entre les
informations. Mais très souvent, seules des questions explicites sont proposées sans réelle
possibilité de réflexion. Or, on sait que ce sont les questions implicites qui posent le plus de
problèmes aux élèves. De plus, généralement, le questionnaire ne permet l’accès qu’à une
compréhension de surface et pose lui-même des problèmes de compréhension.
Au concours, il est important de montrer que ce dispositif est à questionner. Il devrait davantage servir
d’aide à la compréhension plus qu’à servir d’outil d’évaluation de celle-ci. D’où l’importance de construire
ou de s’appuyer sur des questionnaires pertinents et de connaitre d’autres dispositifs. (Les quizz
vrai/faux avec justification orale, les puzzles de lecture…). Il est à noter que rares sont les enseignants
qui proposent de lire les questions de questionnaire en amont la lecture. Pourtant, c’est un moyen
efficace d’orienter le regard du lecteur. L’analyse des réponses des élèves nous
permet de mieux comprendre comment ils résolvent ce type de tâches. Cela nous
permet de mettre en lien leur mode de traitement et la façon dont ils envisagent
l’acte de lire mais aussi de mettre le doigt sur les dérives que suscitent certaines
pratiques enseignantes.
La lecture est un exercice fondamental pour construire la compréhension. Lire de façon hésitante, sans
prendre en compte la ponctuation, les groupes de souffle, conduit les élèves à égrener les mots sans
pause sur un ton monocorde et leur interdit
l’accès la compréhension. En leur apprenant à
repérer la syntaxe, à identifier et à jouer avec la
ponctuation, à identifier les mots clés, à les
accentuant, l’enseignant permet aux jeunes
lecteurs de construire le sens de l’écrit. Cela
suppose un apprentissage spécifique dans des
séances dévolues à cela. Puiseurs lectures sont
nécessaires et un entrainement régulier est
incontournable.
V. COMMENT ENSEIGNER LA
COMPREHENSION ?
V.1 Un enseignement explicite
Les programmes 2015 insistent de façon très prononcée sur la mise en place d’un enseignement
explicite de la compréhension. C’est donc un enseignement à part entière, amorcé au cycle 2 qui
consiste à :
• Apprendre à l’élève pendant la lecture à repérer les difficultés
• Apprendre à l’élève à utiliser et automatiser des stratégies de régulation pour surmonter ces
difficultés
Cet enseignement est explicite car il rend visibles par l’explication les opérations mentales de la
compréhension inaccessibles à l’observation directe. Il rend visibles les mécanismes invisibles du
lecteur expert et fait appel à la réflexion consciente de l’élève.
Longtemps considéré comme inné ou étant le fruit du seul bon sens du lecteur, l’accès au sens a changé
de statut à l’école. C’est désormais une discipline à part entière dans laquelle le maître a un rôle central.
Son attitude et sa posture pédagogiques sont fondamentales. Son rôle de modèle dans son rapport au
livre et le plaisir qu’il y trouve est crucial. Son rôle de guide est primordial. Il doit maîtriser des gestes
professionnels précis.
• Identifier les difficultés d’un texte lu ou entendu. Il est important par exemple de lister en
amont les difficultés lexicales que pourraient rencontrer l’élève, d’identifier la difficulté que
pourrait représenter un trop grand nombre d’identifications différentes des personnages (le
loup, il, la bête, l’insatiable carnivore, le monstre…), de repérer les implicites, leur accessibilité
• Donner à entendre et voir son expertise : en pensant à voix haute, l’enseignant met un haut-
parleur sur sa pensée et rend visible l’invisible. Il explique les mécanismes de la lecture qui sont
hautement mécanisés chez le lecteur-expert. Ils ne sont pas visibles car ils sont intégrés dans
la pratique du lecteur-expert sans qu’il en ait conscience. Ces mécanismes ne sont pas
directement accessibles. L’enseignant démontre ensuite les stratégies qu’il utilise. « Pour
identifier qui est caché derrière ce pronom, je recherche les marques du genre et d’un nombre,
je recherche en amont dans le texte de qui on parle… ». La place du langage est fondamentale.
• Susciter la participation de tous et favoriser l’engagement des élèves : Il pose le cadre des
échanges et rappelle les règles, il provoque des débats d’idées ou d’opinions. Il stimule le
groupe par des questions ouvertes, il distribue la parole de façon équitable, il relance le débat,
il permet la confrontation des différents points de vue, il met en lumière les stratégies
optimales…
• Proposer une automatisation des mécanismes c’est à dire une pratique répétée, des
exercices systématiques, des révisions régulières, des sollicitations fréquentes dans des
contextes différents, dans des disciplines différentes. Il existe des manuels permettant de
s’exercer sur la compréhension de façon quotidienne. La collection « Cléo » d’Antoine Fetet,
offre des cahiers d’exercices quotidiens sur la compréhension (comprendre l’implicite en
particulier).
• Proposer des supports pour stimuler l’écriture (carnet de lecture, exposés, blogs pour parler
d’une lecture, donner envie aux autres de lire une œuvre et partager ses découvertes littéraires)
• Mettre en place une pratique de la culture du livre en proposant des mises en œuvre pour
développer des échanges variés (club de lecture, « séance coup de cœur », table ronde sur
des ouvrages, « speed-booking »…)
• Habituer l’élève à avoir une vigilance de lecteur : il permet à l’élève d’être en veille tout au
long de sa lecture.
On sait qu’un élève en difficulté de lecture est un élève qui ne possède pas ou peu de stratégies…Il est
important de faire comprendre au jeune lecteur que lire peut-être comparé à une résolution de
problèmes de compréhension et que ces problèmes peuvent être résolus à l’aide de stratégies.
Catherine Tauveron, dans « La littérature à l’école, Pourquoi et comment conduire cet apprentissage
spécifique ? » définit les actes de lecture de l’élève en utilisant les métaphores des métiers.
• Détective pour rassembler des indices et compléter le texte
• Stratège pour éviter les leurres tendus par l’auteur ou l’illustrateur
• Archéologue pour aller fouiller dans sa culture
• Tisserand pour tisser des liens, mettre en relation avec des textes (lecture en réseau)
• Orpailleur lorsque « découvrant un petit grumeau de sens », il creuse à nouveau « pour voir si
la pépite ne s’étend pas en filon ».
Donc, enseigner des stratégies, c’est développer chez l’élève la prise de conscience de l’existence de
procédures à travers l’explicitation, leur verbalisation, la discussion, l’argumentation et le débat.
Cet enseignement permet aux élèves de devenir des lecteurs actifs qui contrôlent leur propre
compréhension.
Exemple de démarche : empruntée à Marise Bianco et Laurent Lima dans « 11 stratégies pour
apprendre à comprendre des textes narratifs », Hatier. Ils utilisent également la métaphore des
métiers pour parler des actions du lecteur. Le maçon est celui qui va combler les trous du textes (les
« blancs » laissés par l’auteur). Le détective qui doit se méfier des déguisements (les reprises
pronominales par exemple). L’architecte qui construit des ponts entre les évènements et leurs causes.
POUR CONCLURE
Comprendre, c’est partir à la conquête de l’autonomie du lecteur. Enseignant et élèves sont co-
partenaires dans cet apprentissage qui se veut explicite, structuré et surtout source de plaisir !
• Dès la maternelle, l’apprentissage de la lecture doit être orienté vers 4 dimensions : l’identification des
mots, la compréhension, l’utilité de l’écrit, le plaisir de lire.
• Les séances de lecture sont progressives, quotidiennes et le temps alloué à l’enseignement de la
compréhension doit aller crescendo et cela, dès le CP. Ne pas attendre que les élèves maîtrisent le code !
• L’école a pour objectif de construire le parcours du lecteur autonome.
• La lecture à voix haute par le maître est primordiale (de la PS au CM2). Il faut enseigner aux élèves à
comprendre des textes lus par l’adulte. Elle est à exercer quotidiennement.
• Il faut confronter les élèves à des textes longs pour les inciter à réfléchir à leur organisation et ne pas se
réduire à un simple repérage d’informations.
• Les textes courts permettent d’entrainer les stratégies et leur automatisation.
• Il faut enseigner explicitement les mécanismes et les stratégies de lecture dans des séances
spécifiques. L’enseignant met un haut-parleur sur sa pensée.
• Il faut aider les élèves à se bâtir une culture littéraire commune. Pour cela, le débat interprétatif permet de
confronter les points de vue.
• Il est nécessaire d’habituer les élèves à exercer leur compréhension collectivement. Chaque élève tire
profit de ce travail collectif pour réinvestir en autonomie les stratégies acquises.
• Proposer une grande diversité des textes lus (textes narratifs, documentaires, et numériques)
• Proposer des textes à lire dans les autres domaines d’enseignement