Vous êtes sur la page 1sur 10

39

Chapitre 5

Ensemble grand-canonique

Dans ce chapitre nous allons généraliser ce qui a été fait dans le chapitre précédent : nous allons
établir ce qui se passe pour un système S supposé à l’équilibre et en contact avec un réservoir R, avec
lequel S échange non seulement de l’énergie thermique, mais aussi des particules i . Comme précédemment
nous allons considérer que le réservoir est de grande taille par rapport à S : de capacité thermique et de
nombre de particules tels que lors des échanges avec S, ni la température de R, ni son potentiel chimique
(voir équ. (3.12)) ne changent. On verra alors que la température et le potentiel chimique du réservoir
sont ceux qui s’imposent au système S à l’équilibre.
On rencontre la situation décrite précédemment dans de nombreux cas, par exemple
- dans ce qu’on appelle "l’adsorption" : un gaz à l’équilibre est en contact avec une surface sur laquelle
peuvent s’adsorber quelques molécules du gaz (on étudiera ce phénomène dans le contexte du transport
de l’oxygène par l’hémoglobine)
- lors de réactions chimiques
- dans l’étude d’un gaz de photons à l’équilibre
- dans l’étude du gaz d’électrons dans les métaux et les semi-conducteurs.

1 Etablissement de la distribution grand canonique


Rappelons les définitions de la température et du potentiel chimique d’un système isolé à l’équilibre :

1 @S @ ln ⌦ µ @S @ ln ⌦
= = kB et = = kB (5.1)
T @E V,N @E V,N T @N E,V @N E,V

⇧ Notations :
notons E et N l’énergie et le nombre de particules du système S, ER et NR l’énergie et le nombre de
particules du réservoir R.
Le nombre d’états (micro-états) du système S, lorsque son énergie est E et son nombre de particules N ,
est noté ⌦(E, N ).
Le nombre d’états de R, lorsque son énergie est ER et son nombre de particules NR , est noté ⌦R (ER , NR ) ii .
Le nombre d’états du système global S + R, lorsque S est caractérisé par E et N , et R caractérisé par
ER et NR , s’écrit alors :
⌦(E, N ) ⇥ ⌦R (ER , NR )
⇧ Hypothèses :
On suppose que l’énergie d’interaction entre S et R est négligeable par rapport à la somme des énergies
respectives iii , et on a donc l’énergie totale du système global qui vaut : E ⇤ = E + ER . On note aussi
N ⇤ = N + NR le nombre de particules du système global.
Faisant l’hypothèse que S + R est isolé, il en découle que E ⇤ ne change pas, pas plus que N ⇤ . En revanche
le réservoir et le système s’échangeant de l’énergie et des particules, ni E ni ER , ni N ni NR ne sont
fixés. On considère alors que E et N sont des variables aléatoires.
i. il serait difficile d’envisager d’échanger des particules sans échanger d’énergie thermique.
ii. Encore la même remarque : si l’énergie est une grandeur continue (ou discrète mais extrêmement dense), l’énergie
d’un système est définie à une indétermination près, notée par exemple E, voir la remarque en bas de page 21.
iii. En effet le réservoir étant un système de grande taille, son énergie est bien plus grande que l’énergie d’interaction
entre S et R, sauf dans le cas de force à longue portée entre les constituants, situation que l’on écartera.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


40

⇧ Le nombre total d’états du système global d’énergie E ⇤ et caractérisé par N ⇤ s’écrit symbolique-
ment X X
⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ ) = ⌦(E 0 , N 0 ) ⇥ ⌦R (E ⇤ E 0 , N ⇤ N 0 )
{E 0 } {N 0 }
P P
où {E 0 } {N 0 } représente la somme sur toutes les valeurs possibles de l’énergie et du nombre de parti-
cules de S, compatibles avec les valeurs de E ⇤ et N ⇤ .
Appliquant le postulat fondamental au système S + R isolé, on a que les ⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ ) états sont équi-
probables, et on se convainc que la probabilité de trouver le système S dans un macro-état d’énergie E
et de nombre de particules N est

Pmacro (E, N ) = ⌦(E, N ) ⇥ ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N )/⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ ) (5.2)

Enfin la probabilité pour que le système S soit dans un micro-état d’énergie E, est obtenue en divisant
le nombre précédent par le nombre de micro-états ⌦(E, N ), d’où

P (E, N ) = ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N )/⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ )

⇧ On n’a pas encore utilisé l’hypothèse selon laquelle R est un réservoir de particules et un ther-
mostat vis-à-vis de S : ceci se traduit par E ⇤ o E, et N ⇤ o N . Ceci incite à faire des développements
limités de ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N ) autour de E ⇤ et N ⇤ dans l’équation précédente. Plus précisément, on
peut montrer que ⌦R est une fonction qui croit extrêmement vite avec ses arguments, on développe alors
plutôt ln ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N ) dont la croissance est bien moindre et qui convergera plus vite iv .
On obtient, au premier ordre, en faisant apparaitre la température et le potentiel chimique du réservoir :
⇣ @ ln ⌦ ⌘ ⇣ @ ln ⌦ ⌘ E Nµ
R R
ln P (E, N ) = E N + Cte = + + Cte
@E E ⇤ ,N ⇤ @N E ⇤ ,N ⇤ kB T kB T
où dans Cte on a rassemblé toutes les grandeurs indépendantes de E et de N . On en déduit :

1 (E µN )
P (E, N ) = e (5.3)

où ⌅, apparait comme une constante déterminée par la normalisation des probabilités, ce sera la fonction
de partition dans l’ensemble grand-canonique.
Prolongement

Petite remarque : si R n’etait pas supposé beaucoup plus gros que S, on pourrait quand même
avancer, en calculant par exemple les valeurs les plus probables de E et N , notons-les Ẽ et Ñ .
On trouverait alors que ces valeurs les plus probables correspondent à l’égalité des températures :
TS = TR , et des potentiels chimiques : µS = µR , ce qui correspond à l’équilibre de S et R.

iv. C’est ce qu’on avait fait aussi au chapitre 1 dans le cadre Prolongement en p.8.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


41

A retenir
⇧ Lorsqu’un système est à l’équilibre thermique et chimique avec un réservoir, avec lequel il échange
énergie et particules, mais que son volume est fixé, la probabilité d’un micro-état quelconque de
ce système est une fonction de l’énergie E et du nombre de particules N de ce micro-état :

1 (E µN )
P (E, N ) = e (5.4)

La température et le potentiel chimique sont ceux du réservoir et sont imposés au système à


l’équilibre.
Cette loi de probabilité est appelée distribution grand-canonique, et les états accessibles au sys-
tème forment l’ensemble grand-canonique. Les états d’un ensemble grand-canonique sont bien plus
nombreux que ceux d’un ensemble canonique du même type, car le nombre de particules n’est plus
fixé. La probabilité d’un état appartenant à un ensemble grand-canonique décroit toujours expo-
nentiellement avec l’énergie, mais cette fois dépend aussi de N . a

⇧ ⌅ dépend de V , volume du système S, mais aussi de T et de µ. ⌅ est appelée fonction de partition


grand-canonique, et est déterminée par la normalisation de la probabilité lorsqu’on somme sur tous
les micro-états que l’on indexe par l (énergie El , nombre de particules Nl )
X X
(El µNl )
P (El , Nl ) = 1 ) ⌅(T, V, µ) = e (5.5)
l l

a. Qu’il s’agisse d’une croissance ou d’une décroissance va dépendre du signe du potentiel chimique qui n’est
pas fixé à priori, au contraire du signe de qui est positif.

2 Thermodynamique dans l’ensemble grand-canonique


La connaissance de la fonction de partition ⌅ permet de calculer toutes les grandeurs, en particulier
on peut établir :
X 1 ⇣ @ ln ⌅ ⌘
hN i ⌘ N l Pl = (5.6)
@µ T,V
l

I Etablir la dernière égalité de l’équation précédente.


Pour évaluer hEi, il est tentant de prendre la dérivée partielle de ln ⌅ par rapport à , mais alors on
obtient un second terme, puisque
⇣ @ ln ⌅ ⌘
hEi µhN i = (5.7)
@ µ,V

I Etablir l’équation précédente. P


Evaluant l’entropie à l’aide des {Pl } en utilisant S = kB l Pl ln Pl , on trouve
1 µ
S = kB ln ⌅ + hEi hN i
T T
I Etablir l’équation précédente, que l’on réécrit

A⌘ kB T ln ⌅ = hEi TS µhN i = F µhN i

en ayant défini A appelé grand potentiel. Ses variables naturelles sont (T, V, µ) tout comme pour ⌅. Dans
la dernière égalité de la ligne précédente, on a introduit l’énergie libre d’Helmholtz définie dans l’équ.
(4.9).
Utilisant l’identité thermodynamique dhEi = T dS P dV + µdhN i, la différentielle du grand potentiel
s’écrit
dA = SdT P dV hN idµ (5.8)
ce qui permet d’évaluer la pression dans l’ensemble grand canonique :
⇣ @A ⌘ ⇣ @ ln ⌅ ⌘
P = = kB T
@V T,µ @V T,µ

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


42

⇣ ⌘
La différentielle de A permet aussi d’écrire hN i = @A
@µ : c’est l’analogue en terme de grand potentiel
T,V
de l’éq. (5.6).
Petite remarque : vous aurez noté que le potentiel chimique de la physique statistique est défini par
molécule et son unité est le joule, alors que le potentiel chimique de la thermodynamique est molaire (ie.
dhEi = T dS P dV + µdn), dans ce cas sa dimension est le J.mol 1 .

3 Exemple d’application : l’adsorption


On considère un gaz parfait classique comportant N molécules, dans un volume V fixé, à la tem-
pérature T . Ce gaz est en contact avec une surface où peuvent s’adsorber les molécules en des sites fixes
susceptibles de les piéger. On notera Ns le nombre de sites de la surface, il vérifie N >> Ns . On considère
que le système constitué du gaz et des molécules adsorbées est à l’équilibre. Les molécules sont indiscer-
nables entre elles (on ne peut pas faire la différence entre 2 états obtenus par permutation de molécules
entre elles), mais les sites d’adsorption sont discernables (on peut les numéroter pour les distinguer).

3.1 Etude du gaz


Pour connaitre l’état des molécules adsorbées, il faut commencer par s’intéresser au gaz. D’après
les hypothèses faites, le nombre de molécules du gaz variera très peu, et de ce fait l’ensemble canonique
est l’ensemble statistique approprié pour le décrire : on pourrait aussi le traiter dans l’ensemble micro-
canonique, mais les calculs sont plus simples dans l’ensemble canonique en général, et on a vu dans les 2
derniers chapitres, sur l’exemple de l’assemblée de spins, que les propriétés d’un système macroscopique
étaient les mêmes dans l’ensemble microcanonique et canonique (voir remarque finale du ch. 4).
On commence par déterminer la fonction de partition Z caractérisant le gaz de N molécules à la
température T . L’hypothèse de l’absence d’interaction entre les molécules (gaz parfait) permet d’utiliser
la propriété de factorisation de la fonction de partition en fonctions de partitions élémentaires toutes
identiques car les molécules le sont. On a déjà utilisé cette propriété de factorisation de la fonction de
partition en produit fonctions de partitions élémentaires au ch. 4 paragraphe 6, dans l’étude de l’assemblée
de spins. Pour les spins, discernables entre eux, on avait Z = z N , avec z fonction de partition élémentaire.
Ici cependant, les molécules étant indiscernables, on a
zN
Z=
N!
le facteur N ! par lequel on divise l’expression est nécessaire pour des constituants (les molécules) indis-
cernables. Il est aussi nécessaire pour que les grandeurs qui sont par nature extensives (c’est à dire qui
croissent comme le nombre de molécules), comme l’énergie libre par exemple, le soient. Sans ce facteur,
l’expression du potentiel chimique ne serait pas satisfaisante (voir plus bas).
Prolongement : calcul de z

Commençons par évaluer z. Symboliquement


X
✏i
z= e
etats i

Il faut donc dénombrer les états d’une molécule et en déterminer l’énergie. En physique classique
l’état d’une molécule, dont on négligera l’éventuelle structure interne, est déterminé par la donnée
de la position ~r et de la quantité de mouvement p~ de la molécule. Le lien entre p~ et l’énergie
p2
étant ✏ = 2m , où m est la masse de la molécule. La somme sur les états sera donc remplacée
par une intégrale sur la position et sur l’impulsion. ~r et p~ ont des composantes réelles. En raison
d’imprécision de mesure, et par le principe d’indétermination de la mécanique quantique, on ne
peut pas prétendre distinguer 2 états correspondant à des positions et impulsions qui diffèreraient
à partir de la 430 ième décimale par exemple. On introduit donc arbitrairement un paramètre h
qui lève cette difficulté, en écrivant que
Z Z
1 p2
z= 3 d~r d~ p e 2m
h V
La quantité de mouvement n’étant pas bornée (au contraire de la position qui est par hypothèse
contrainte par le volume), l’intégrale sur p~ est une intégrale sur R3 . En physique classique h a

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


43

une valeur arbitraire (mais des unités telles que z est un nombre sans dimension). Cependant
pour raccommoder physique classique (quand celle-ci est pertinente) et physique quantique (cette
dernière l’est toujours), on identifie h à la constante de Planck h = 6.62 10 34 J.s.
Poursuivons le calcul de z : on peut intégrer sur ~r et faire apparaitre le volume V contenant le
gaz. L’intégrale sur l’impulsion se réécrit
Z Z +1 ⇣ ⌘3/2
p2 p2
d~
p e 2m = 4⇡ dp p2 e 2m = 2⇡mkB T
0

dans la dernière égalité, on a utilisé une intégrale gaussienne présentée dans l’encadré "Pratique"
du Ch. 1. Recollant tous les morceaux, on a

V ⇣ ⌘3/2
z= 2⇡mk B T
h3

Dans l’encadré précédent, (on l’admettra si on ne souhaite pas y plonger), il a été établi que
V ⇣ ⌘3/2 zN
z = 3 2⇡mkB T , Z= (5.9)
h N!
Ces expressions vont nous permettre d’établir l’expression du potentiel chimique du gaz parfait. Pour cela
on utilise les éqs (4.15) et (4.16) pour évaluer la pression et le potentiel chimique du gaz : sans surprise
on trouve pour la pression : P = kB T N V : soit l’équation d’état du gaz parfait, tandis que

V 1⇣ ⌘3/2 kB T 1 ⇣ ⌘3/2
e µ= 3
2⇡mkB T = 3
2⇡mkB T (5.10)
Nh P h
pour laquelle on a utilisé l’approximation de Stirling. On peut montrer que le potentiel chimique µ est
négatif. On peut aussi réécrire ce résultat :
µ V 1
e = (5.11)
N 3
avec = p h
la longueur d’onde thermique de de Broglie (elle est parfois définie différemment, sans
p2⇡mkB T
le facteur 2⇡).

3.2 Molécules adsorbées


Pour étudier les propriétés des molécules adsorbées, l’ensemble grand-canonique s’impose, car on
s’attend (confirmé par les résultats) à de grandes fluctuations du nombre de molécules adsorbées, et
les ensembles canonique ou microcanonique ne seraient pas appropriés. La température et le potentiel
chimique caractéristiques de cette description grand-canonique sont ceux du gaz, qui joue le rôle de
réservoir de particules et d’énergie.
On suppose que chaque site de piégeage peut au plus adsorber une molécule. On note u0 l’énergie
d’une molécule adsorbée sur cette première couche, (u0 > 0). Ainsi l’énergie d’une molécule adsorbée est
moindre que le minimum d’énergie d’une particule dans le gaz qui est zéro : elles auront tendance à
s’adsorber à basse température.
Evaluons la fonction de partition ⌅mo caractérisant ces molécules adsorbées. Ça n’est pas évident,
(ça le deviendra), mais on va s’intéresser aux sites d’adsorption. (On refera ce genre de raisonnement pour
les fermions et les bosons). C’est la même chose de connaître l’état des Ns sites d’adsorption et l’état des
molécules adsorbées car ces dernières sont indiscernables. La fonction de partition caractérisant les sites
d’adsorption, supposées discernables, identiques et statistiquement indépendants, s’écrit ⌅mo = ⇠sNs , avec
pour fonction de partition d’un site
( u0 µ) (u0 +µ)
⇠s = 1 + e =1+e (5.12)
En effet chaque site a 2 états possibles : l’état vide (énergie nulle, N = 0) et l’état occupé par une molécule
(énergie u0 , N = 1). A l’aide de cette fonction de partition, on pourra déterminer le nombre moyen de
molécules piégées et en étudier la variation avec la pression.
On cherche à évaluer hNad (Ns , µ, T )i qui est le nombre moyen de molécules adsorbées. Appliquant
les expressions établies dans le cas général, (le volume n’est pas un paramètre pertinent pour les molécules
adsorbées) on a ici que
⇣ @A ⌘
hNad i = (5.13)
@µ T

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


44

⇣ ⌘
Or A = kB T ln ⌅mo = Ns kB T ln 1 + e (u0 +µ)
. On peut alors écrire

hNad i P
= (5.14)
Ns P + P0
⇣ ⌘3/2
où P est la pression dans le gaz et P0 = exp( u0 ) khB3T 2⇡mkB T . On voit alors qu’à basse tempé-
rature hNad i ! Ns comme attendu, sans avoir besoin de discuter de P , car P0 ! 0.
Les courbes de hNNad
s
i
en fonction de la pression, à différentes températures sont parfois appelées
les "isothermes de Langmuir". L’exercice sur l’hémoglobline prolonge l’étude commencée ici.

4 Statistiques quantiques
Dans cette section, on va s’intéresser principalement à des gaz sans interaction (gaz parfaits), mais
dans un domaine où l’approximation classique n’est plus bonne. On parlera de gaz parfait quantique.
Pour un gaz parfait classique, l’énergie cinétique moyenne est une mesure de la température, puisque
" = 32 kB T . Ce résultat est mis en défaut à basse température, mais pas forcément si basse que celà.
- Dans un métal à température ambiante, il existe un gaz d’électrons ayant réussi à échapper aux
noyaux. Traiter ce gaz comme un gaz parfait n’est pas dénué de sens (pour des raisons profondes qui
dépassent le cadre de ce cours). Cependant en aucun cas on ne peut lui appliquer le modèle classique.
- Autre mise en défaut : dans un gaz d’hélium comprenant 3 He et 4 He, l’énergie cinétique moyenne
du 1er est inférieure à 32 kB T , celle du second lui est supérieure. Ces deux types d’hélium ont des com-
portements très différents : 3 He est un fermion, 4 He un boson. Pour l’hélium aussi la physique classique
n’est pas valide, et on établira un critère de validité de la physique classique.
Un postulat de la mécanique quantique énonce qu’il existe deux grandes classes de particules
indiscernables : celles pour lesquelles le vecteur état à plusieurs particules est antisymétrique sous la per-
mutation de deux particules, on les appelle fermions, et celles pour lesquelles le vecteur état à plusieurs
particules est symétrique sous la permutation de deux particules, on les appelle bosons. Une des consé-
quences de cette antisymétrie sous permutation pour les fermions est le principe de Pauli, selon lequel
deux fermions ne peuvent pas être dans le même état.
On peut montrer (par le théorème "spin-statistique", résultat de mécanique quantique relativiste)
que les particules de spin entier (0, 1, 2...) sont des bosons, celles de spin demi-entier (1/2, 3/2,...) des
fermions. Parmi les fermions, on trouve les électrons, les neutrons, les protons (spins 1/2), les neutrinos,
les quarks. Pour des exemples de bosons on peut citer les photons (spin 1), le boson de Higgs, le graviton,
les phonons (quasi-particules représentant les oscillations collectives d’atomes dans les solides cristallins).
Par les règles de composition des moments cinétiques, la combinaison d’un nombre impair de spin demi-
entiers donne un spin demi-entier, tandis qu’en nombre pair, le spin résultant est entier. Ainsi l’3 He
constitué de 2 électrons, 2 protons, 1 neutron est un fermion. L’4 He constitué de 2 électrons, 2 protons,
2 neutrons est un boson.
Les deux derniers chapitres du cours seront réservés respectivement à l’étude du gaz de photons,
et du gaz d’électrons dans un solide cristallin.

4.1 Description d’un système


On envisage un gaz parfait quantique enfermé dans une enceinte de volume V . On considère que
les N particules sont identiques et indiscernables. On sait donc qu’il nous faut trouver les différents
micro-états caractérisant un constituant. Indexons-les par {l}, notons {✏l } les énergies individuelles cor-
respondantes. Attention : l indique un état individuel et non pas un niveau d’énergie qui en général est
très dégénéré.
Les particules étant indiscernables, caractériser un état de la collection c’est donner un multiplet
(n1 , n2 , n3 , ....nl , ....), où ni est le nombre de constituants élémentaires dans l’état individuel indexé par
i.

4.2 Les fermions


Q
La fonction de partition s’écrit ⌅ = l ⇠l . ( Attention : pas question d’indiscernabilité ici ! Les
états indexés par l sont discernables.) La fonction de partition de l’état quantique individuel indexé par
l qui peut être inoccupé, ou occupé au plus par un fermion s’écrit
(✏l µ)
⇠l = 1 + e (5.15)

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


45

Ainsi le probabilité qu’il n’y ait pas de particule dans l’état indexé par l est 1/⇠l , celle qu’il y ait une
(✏l µ)
particule est e ⇠l , on en déduit que le nombre moyen de fermions dans cet état

(✏l µ)
1 e 1
hnl i = 0 ⇥ p0 + 1 ⇥ p1 = 0 ⇥ +1⇥ = (✏l µ)
(5.16)
⇠l ⇠l e +1

On vérifie que comme attendu 0  hnl i  1. On définit la fonction de Fermi, encore appelée fonction de
Fermi-Dirac
1
f (✏) = (✏ µ) (5.17)
e +1
qui représente le nombre moyen de fermions dans l’état indexé par l, ou encore p1 : la probabilité pour que
cet état soit occupé par un fermion. Cette fonction est représentée dans la figure 5.1 pour deux valeurs
de µ. A forte valeur de ce paramètre (basse température), la fonction de Fermi tend vers une fonction
en "marche d’escalier", à plus faible valeur de µ (plus haute température) elle s’adoucit.

Figure 5.1 – Fonction de Fermi pour deux valeurs de µ en fonction de ✏/µ.

4.3 Les bosons


Q
Comme précédemment, la fonction de partition s’écrit ⌅ = l ⇠l . Cette fois l’état quantique indi-
viduel indexé par l peut être occupé par 0, 1, 2, ..... bosons : il n’y a pas de limite (pas même N puisque
l’on est dans l’ensemble grand canonique où le nombre de particules n’est pas fixé). Ainsi, on obtient :
1
X
nl (✏l µ)
⇠l = e (5.18)
nl =0

C’est une série géométrique, qui se resomme :


1
⇠l = (✏l µ)
(5.19)
1 e
à la condition que le potentiel chimique vérifie 8l µ < ✏l . On en déduit que le nombre moyen de bosons
dans cet état
1 ⇣ @ ln ⇠l ⌘ 1
hnl i = = (✏ µ) (5.20)
@µ e l 1
C’est la fonction de Bose ou encore de Bose-Einstein. La relation précédente ressemble à l’équation (5.17)
mais en est différente, comme le prouve la figure 5.2 où est tracée la fonction 1/(e (✏ µ) 1) pour deux
valeurs de µ. Rappelons que la fonction de Bose n’est définie que pour ✏ > µ.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


46

Figure 5.2 – Fonction de Bose pour deux valeurs de µ en fonction de ✏/µ.

4.4 Limite classique


Il est important de retenir les distributions de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein qui donnent res-
pectivement le nombre moyen à l’équilibre de fermions et de bosons dans l’état individuel indexé par l.
Il ne dépend que de l’énergie ✏l , du potentiel chimique et de la température

1 1
hnl iF D = (✏l µ)
, hnl iBE = (✏l µ)
(5.21)
e +1 e 1

Ces deux expressions, profondément différentes, coïncident cependant lorsque e (✏l µ)


1, et mènent à
(✏l µ)
hnl icl = e ⌧1 (5.22)

La coïncidence peut être observée sur la figure 5.3 qui superpose les fonctions de Fermi-Dirac et de Bose-
Einstein pour µ = 10 : elles sont confondues pour ✏/µ 1. Lorsqu’il n’y a pas de différence entre les

Figure 5.3 – Limite classique des fonctions de Fermi et de Bose en fonction de ✏/µ pour µ = 10

statistiques de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein, cela signifie que le caractère bosonique ou fermionique


est sans importance. Ces caractères bosonique ou fermionique sont fondamentalement quantiques. Si la
distinction n’est pas visible, on parle alors de limite classique.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


47

En général dans un système il y a des énergies individuelles pour lesquelles le caractère fermionique
ou bosonique joue peu (énergies telles que e ✏l e µ ), et d’autres pour lesquelles ça n’est pas le cas.
Nous rencontrerons ce cas de figure lors de l’étude des propriétés électroniques des semi-conducteurs.
Prolongement : Critère de validité de la physique classique

Parfois cependant le caractère fermionique ou bosonique est indétectable pour toutes les énergies
individuelles ✏l : Pour cela il faut vérifier e µ ⌧ 1.
Utilisant le résultat démontré pour le gaz parfait classique dans l’ensemble canonique (Eq.(5.11)) :
e µ = N V
3
, on en déduit que e µ ⌧ 1 ) 3 ⌧ N V
: c’est le critère de validité de la physique
classique.
Par ailleurs = p2⇡mk h
, on voit donc que la physique classique est mise en défaut plutôt à
BT
basse température, d’autant plus que les constituants sont de faible masse, et que la densité en
est élevée.
Prenons le cas des électrons libres dans le métal sodium à 300K. La densité du gaz d’électrons est
de ne = 2/a3 . Le sodium cristallise sous la forme cubique centré de paramètre de maille a = 4 Å,
et donc ne = 3 1028 électrons par m3 .
Par ailleurs avec une masse me = 9.1 10 31 kg, on trouve ' 4.3 nm à 300 K, tandis que
(V /N )1/3 = (ne ) 1/3 ' 3.2 Å. Dans ce cas on a donc > (V /N )1/3 , ce qui entrainera que la
physique quantique et le caractère fermionique des électrons se manifesteront dans les propriétés
du métal sodium (voir le ch. 7).

5 Résumé
A retenir
Il est important de retenir les distributions de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein qui donnent res-
pectivement le nombre moyen à l’équilibre de fermions et de bosons dans l’état individuel indexé
par l. Ces nombres ne dépendent que de l’énergie de l’état, ainsi que du potentiel chimique et de
la température du réservoir R :

1 1
hnl iF D = (✏l µ)
, hnl iBE = (✏l µ)
(5.23)
e +1 e 1

Ces deux expressions, profondément différentes, coïncident cependant lorsque e (✏l µ)


1, et
mènent à
hnl icl = e (✏l µ) ⌧ 1 (5.24)
C’est la limite classique.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020


48

Correction démonstrations de cours,


Ch. 5

Chapitre 5, section 2
• On peut établir :
X 1 ⇣ @ ln ⌅ ⌘
hN i ⌘ N l Pl =
@µ ,V
l

I Etablir la dernière égalité de l’équation précédente.


1X (El µNl ) 1 1 ⇣ @⌅ ⌘
hN i = e =
⌅ ⌅ @µ ,V
l
• ⇣ @ ln ⌅ ⌘
hEi µhN i =
@ µ,V

I Etablir l’équation précédente.


⇣ @ ln ⌅ ⌘ 1 ⇣ @⌅ ⌘ 1X (El µNl )
= = (El µNl )e = hEi + µhN i
@ µ,V ⌅ @ µ,V ⌅
l

• On trouve
1 µ
S = kB ln ⌅ + hEi hN i
T T
I Etablir l’équation précédente.

De Pl = ⌅1 e (El µNl )
, on obtient ln Pl = ln ⌅ (El µNl ). Réinjectant dans l’expression de
l’entropie, on obtiet
X X 1 µ
S = kB Pl ln ⌅ + kB Pl (El µNl ) = kB ln ⌅ + hEi hN i
T T
l l
P
on a utilisé l Pl = 1.

Aix-Marseille Université — Licence de Sciences Physiques — Physique Statistique 2019-2020

Vous aimerez peut-être aussi