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Chapitre 5
Ensemble grand-canonique
Dans ce chapitre nous allons généraliser ce qui a été fait dans le chapitre précédent : nous allons
établir ce qui se passe pour un système S supposé à l’équilibre et en contact avec un réservoir R, avec
lequel S échange non seulement de l’énergie thermique, mais aussi des particules i . Comme précédemment
nous allons considérer que le réservoir est de grande taille par rapport à S : de capacité thermique et de
nombre de particules tels que lors des échanges avec S, ni la température de R, ni son potentiel chimique
(voir équ. (3.12)) ne changent. On verra alors que la température et le potentiel chimique du réservoir
sont ceux qui s’imposent au système S à l’équilibre.
On rencontre la situation décrite précédemment dans de nombreux cas, par exemple
- dans ce qu’on appelle "l’adsorption" : un gaz à l’équilibre est en contact avec une surface sur laquelle
peuvent s’adsorber quelques molécules du gaz (on étudiera ce phénomène dans le contexte du transport
de l’oxygène par l’hémoglobine)
- lors de réactions chimiques
- dans l’étude d’un gaz de photons à l’équilibre
- dans l’étude du gaz d’électrons dans les métaux et les semi-conducteurs.
1 @S @ ln ⌦ µ @S @ ln ⌦
= = kB et = = kB (5.1)
T @E V,N @E V,N T @N E,V @N E,V
⇧ Notations :
notons E et N l’énergie et le nombre de particules du système S, ER et NR l’énergie et le nombre de
particules du réservoir R.
Le nombre d’états (micro-états) du système S, lorsque son énergie est E et son nombre de particules N ,
est noté ⌦(E, N ).
Le nombre d’états de R, lorsque son énergie est ER et son nombre de particules NR , est noté ⌦R (ER , NR ) ii .
Le nombre d’états du système global S + R, lorsque S est caractérisé par E et N , et R caractérisé par
ER et NR , s’écrit alors :
⌦(E, N ) ⇥ ⌦R (ER , NR )
⇧ Hypothèses :
On suppose que l’énergie d’interaction entre S et R est négligeable par rapport à la somme des énergies
respectives iii , et on a donc l’énergie totale du système global qui vaut : E ⇤ = E + ER . On note aussi
N ⇤ = N + NR le nombre de particules du système global.
Faisant l’hypothèse que S + R est isolé, il en découle que E ⇤ ne change pas, pas plus que N ⇤ . En revanche
le réservoir et le système s’échangeant de l’énergie et des particules, ni E ni ER , ni N ni NR ne sont
fixés. On considère alors que E et N sont des variables aléatoires.
i. il serait difficile d’envisager d’échanger des particules sans échanger d’énergie thermique.
ii. Encore la même remarque : si l’énergie est une grandeur continue (ou discrète mais extrêmement dense), l’énergie
d’un système est définie à une indétermination près, notée par exemple E, voir la remarque en bas de page 21.
iii. En effet le réservoir étant un système de grande taille, son énergie est bien plus grande que l’énergie d’interaction
entre S et R, sauf dans le cas de force à longue portée entre les constituants, situation que l’on écartera.
⇧ Le nombre total d’états du système global d’énergie E ⇤ et caractérisé par N ⇤ s’écrit symbolique-
ment X X
⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ ) = ⌦(E 0 , N 0 ) ⇥ ⌦R (E ⇤ E 0 , N ⇤ N 0 )
{E 0 } {N 0 }
P P
où {E 0 } {N 0 } représente la somme sur toutes les valeurs possibles de l’énergie et du nombre de parti-
cules de S, compatibles avec les valeurs de E ⇤ et N ⇤ .
Appliquant le postulat fondamental au système S + R isolé, on a que les ⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ ) états sont équi-
probables, et on se convainc que la probabilité de trouver le système S dans un macro-état d’énergie E
et de nombre de particules N est
Enfin la probabilité pour que le système S soit dans un micro-état d’énergie E, est obtenue en divisant
le nombre précédent par le nombre de micro-états ⌦(E, N ), d’où
P (E, N ) = ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N )/⌦S+R (E ⇤ , N ⇤ )
⇧ On n’a pas encore utilisé l’hypothèse selon laquelle R est un réservoir de particules et un ther-
mostat vis-à-vis de S : ceci se traduit par E ⇤ o E, et N ⇤ o N . Ceci incite à faire des développements
limités de ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N ) autour de E ⇤ et N ⇤ dans l’équation précédente. Plus précisément, on
peut montrer que ⌦R est une fonction qui croit extrêmement vite avec ses arguments, on développe alors
plutôt ln ⌦R (E ⇤ E, N ⇤ N ) dont la croissance est bien moindre et qui convergera plus vite iv .
On obtient, au premier ordre, en faisant apparaitre la température et le potentiel chimique du réservoir :
⇣ @ ln ⌦ ⌘ ⇣ @ ln ⌦ ⌘ E Nµ
R R
ln P (E, N ) = E N + Cte = + + Cte
@E E ⇤ ,N ⇤ @N E ⇤ ,N ⇤ kB T kB T
où dans Cte on a rassemblé toutes les grandeurs indépendantes de E et de N . On en déduit :
1 (E µN )
P (E, N ) = e (5.3)
⌅
où ⌅, apparait comme une constante déterminée par la normalisation des probabilités, ce sera la fonction
de partition dans l’ensemble grand-canonique.
Prolongement
Petite remarque : si R n’etait pas supposé beaucoup plus gros que S, on pourrait quand même
avancer, en calculant par exemple les valeurs les plus probables de E et N , notons-les Ẽ et Ñ .
On trouverait alors que ces valeurs les plus probables correspondent à l’égalité des températures :
TS = TR , et des potentiels chimiques : µS = µR , ce qui correspond à l’équilibre de S et R.
iv. C’est ce qu’on avait fait aussi au chapitre 1 dans le cadre Prolongement en p.8.
A retenir
⇧ Lorsqu’un système est à l’équilibre thermique et chimique avec un réservoir, avec lequel il échange
énergie et particules, mais que son volume est fixé, la probabilité d’un micro-état quelconque de
ce système est une fonction de l’énergie E et du nombre de particules N de ce micro-état :
1 (E µN )
P (E, N ) = e (5.4)
⌅
a. Qu’il s’agisse d’une croissance ou d’une décroissance va dépendre du signe du potentiel chimique qui n’est
pas fixé à priori, au contraire du signe de qui est positif.
en ayant défini A appelé grand potentiel. Ses variables naturelles sont (T, V, µ) tout comme pour ⌅. Dans
la dernière égalité de la ligne précédente, on a introduit l’énergie libre d’Helmholtz définie dans l’équ.
(4.9).
Utilisant l’identité thermodynamique dhEi = T dS P dV + µdhN i, la différentielle du grand potentiel
s’écrit
dA = SdT P dV hN idµ (5.8)
ce qui permet d’évaluer la pression dans l’ensemble grand canonique :
⇣ @A ⌘ ⇣ @ ln ⌅ ⌘
P = = kB T
@V T,µ @V T,µ
⇣ ⌘
La différentielle de A permet aussi d’écrire hN i = @A
@µ : c’est l’analogue en terme de grand potentiel
T,V
de l’éq. (5.6).
Petite remarque : vous aurez noté que le potentiel chimique de la physique statistique est défini par
molécule et son unité est le joule, alors que le potentiel chimique de la thermodynamique est molaire (ie.
dhEi = T dS P dV + µdn), dans ce cas sa dimension est le J.mol 1 .
Il faut donc dénombrer les états d’une molécule et en déterminer l’énergie. En physique classique
l’état d’une molécule, dont on négligera l’éventuelle structure interne, est déterminé par la donnée
de la position ~r et de la quantité de mouvement p~ de la molécule. Le lien entre p~ et l’énergie
p2
étant ✏ = 2m , où m est la masse de la molécule. La somme sur les états sera donc remplacée
par une intégrale sur la position et sur l’impulsion. ~r et p~ ont des composantes réelles. En raison
d’imprécision de mesure, et par le principe d’indétermination de la mécanique quantique, on ne
peut pas prétendre distinguer 2 états correspondant à des positions et impulsions qui diffèreraient
à partir de la 430 ième décimale par exemple. On introduit donc arbitrairement un paramètre h
qui lève cette difficulté, en écrivant que
Z Z
1 p2
z= 3 d~r d~ p e 2m
h V
La quantité de mouvement n’étant pas bornée (au contraire de la position qui est par hypothèse
contrainte par le volume), l’intégrale sur p~ est une intégrale sur R3 . En physique classique h a
une valeur arbitraire (mais des unités telles que z est un nombre sans dimension). Cependant
pour raccommoder physique classique (quand celle-ci est pertinente) et physique quantique (cette
dernière l’est toujours), on identifie h à la constante de Planck h = 6.62 10 34 J.s.
Poursuivons le calcul de z : on peut intégrer sur ~r et faire apparaitre le volume V contenant le
gaz. L’intégrale sur l’impulsion se réécrit
Z Z +1 ⇣ ⌘3/2
p2 p2
d~
p e 2m = 4⇡ dp p2 e 2m = 2⇡mkB T
0
dans la dernière égalité, on a utilisé une intégrale gaussienne présentée dans l’encadré "Pratique"
du Ch. 1. Recollant tous les morceaux, on a
V ⇣ ⌘3/2
z= 2⇡mk B T
h3
Dans l’encadré précédent, (on l’admettra si on ne souhaite pas y plonger), il a été établi que
V ⇣ ⌘3/2 zN
z = 3 2⇡mkB T , Z= (5.9)
h N!
Ces expressions vont nous permettre d’établir l’expression du potentiel chimique du gaz parfait. Pour cela
on utilise les éqs (4.15) et (4.16) pour évaluer la pression et le potentiel chimique du gaz : sans surprise
on trouve pour la pression : P = kB T N V : soit l’équation d’état du gaz parfait, tandis que
V 1⇣ ⌘3/2 kB T 1 ⇣ ⌘3/2
e µ= 3
2⇡mkB T = 3
2⇡mkB T (5.10)
Nh P h
pour laquelle on a utilisé l’approximation de Stirling. On peut montrer que le potentiel chimique µ est
négatif. On peut aussi réécrire ce résultat :
µ V 1
e = (5.11)
N 3
avec = p h
la longueur d’onde thermique de de Broglie (elle est parfois définie différemment, sans
p2⇡mkB T
le facteur 2⇡).
⇣ ⌘
Or A = kB T ln ⌅mo = Ns kB T ln 1 + e (u0 +µ)
. On peut alors écrire
hNad i P
= (5.14)
Ns P + P0
⇣ ⌘3/2
où P est la pression dans le gaz et P0 = exp( u0 ) khB3T 2⇡mkB T . On voit alors qu’à basse tempé-
rature hNad i ! Ns comme attendu, sans avoir besoin de discuter de P , car P0 ! 0.
Les courbes de hNNad
s
i
en fonction de la pression, à différentes températures sont parfois appelées
les "isothermes de Langmuir". L’exercice sur l’hémoglobline prolonge l’étude commencée ici.
4 Statistiques quantiques
Dans cette section, on va s’intéresser principalement à des gaz sans interaction (gaz parfaits), mais
dans un domaine où l’approximation classique n’est plus bonne. On parlera de gaz parfait quantique.
Pour un gaz parfait classique, l’énergie cinétique moyenne est une mesure de la température, puisque
" = 32 kB T . Ce résultat est mis en défaut à basse température, mais pas forcément si basse que celà.
- Dans un métal à température ambiante, il existe un gaz d’électrons ayant réussi à échapper aux
noyaux. Traiter ce gaz comme un gaz parfait n’est pas dénué de sens (pour des raisons profondes qui
dépassent le cadre de ce cours). Cependant en aucun cas on ne peut lui appliquer le modèle classique.
- Autre mise en défaut : dans un gaz d’hélium comprenant 3 He et 4 He, l’énergie cinétique moyenne
du 1er est inférieure à 32 kB T , celle du second lui est supérieure. Ces deux types d’hélium ont des com-
portements très différents : 3 He est un fermion, 4 He un boson. Pour l’hélium aussi la physique classique
n’est pas valide, et on établira un critère de validité de la physique classique.
Un postulat de la mécanique quantique énonce qu’il existe deux grandes classes de particules
indiscernables : celles pour lesquelles le vecteur état à plusieurs particules est antisymétrique sous la per-
mutation de deux particules, on les appelle fermions, et celles pour lesquelles le vecteur état à plusieurs
particules est symétrique sous la permutation de deux particules, on les appelle bosons. Une des consé-
quences de cette antisymétrie sous permutation pour les fermions est le principe de Pauli, selon lequel
deux fermions ne peuvent pas être dans le même état.
On peut montrer (par le théorème "spin-statistique", résultat de mécanique quantique relativiste)
que les particules de spin entier (0, 1, 2...) sont des bosons, celles de spin demi-entier (1/2, 3/2,...) des
fermions. Parmi les fermions, on trouve les électrons, les neutrons, les protons (spins 1/2), les neutrinos,
les quarks. Pour des exemples de bosons on peut citer les photons (spin 1), le boson de Higgs, le graviton,
les phonons (quasi-particules représentant les oscillations collectives d’atomes dans les solides cristallins).
Par les règles de composition des moments cinétiques, la combinaison d’un nombre impair de spin demi-
entiers donne un spin demi-entier, tandis qu’en nombre pair, le spin résultant est entier. Ainsi l’3 He
constitué de 2 électrons, 2 protons, 1 neutron est un fermion. L’4 He constitué de 2 électrons, 2 protons,
2 neutrons est un boson.
Les deux derniers chapitres du cours seront réservés respectivement à l’étude du gaz de photons,
et du gaz d’électrons dans un solide cristallin.
Ainsi le probabilité qu’il n’y ait pas de particule dans l’état indexé par l est 1/⇠l , celle qu’il y ait une
(✏l µ)
particule est e ⇠l , on en déduit que le nombre moyen de fermions dans cet état
(✏l µ)
1 e 1
hnl i = 0 ⇥ p0 + 1 ⇥ p1 = 0 ⇥ +1⇥ = (✏l µ)
(5.16)
⇠l ⇠l e +1
On vérifie que comme attendu 0 hnl i 1. On définit la fonction de Fermi, encore appelée fonction de
Fermi-Dirac
1
f (✏) = (✏ µ) (5.17)
e +1
qui représente le nombre moyen de fermions dans l’état indexé par l, ou encore p1 : la probabilité pour que
cet état soit occupé par un fermion. Cette fonction est représentée dans la figure 5.1 pour deux valeurs
de µ. A forte valeur de ce paramètre (basse température), la fonction de Fermi tend vers une fonction
en "marche d’escalier", à plus faible valeur de µ (plus haute température) elle s’adoucit.
1 1
hnl iF D = (✏l µ)
, hnl iBE = (✏l µ)
(5.21)
e +1 e 1
La coïncidence peut être observée sur la figure 5.3 qui superpose les fonctions de Fermi-Dirac et de Bose-
Einstein pour µ = 10 : elles sont confondues pour ✏/µ 1. Lorsqu’il n’y a pas de différence entre les
Figure 5.3 – Limite classique des fonctions de Fermi et de Bose en fonction de ✏/µ pour µ = 10
En général dans un système il y a des énergies individuelles pour lesquelles le caractère fermionique
ou bosonique joue peu (énergies telles que e ✏l e µ ), et d’autres pour lesquelles ça n’est pas le cas.
Nous rencontrerons ce cas de figure lors de l’étude des propriétés électroniques des semi-conducteurs.
Prolongement : Critère de validité de la physique classique
Parfois cependant le caractère fermionique ou bosonique est indétectable pour toutes les énergies
individuelles ✏l : Pour cela il faut vérifier e µ ⌧ 1.
Utilisant le résultat démontré pour le gaz parfait classique dans l’ensemble canonique (Eq.(5.11)) :
e µ = N V
3
, on en déduit que e µ ⌧ 1 ) 3 ⌧ N V
: c’est le critère de validité de la physique
classique.
Par ailleurs = p2⇡mk h
, on voit donc que la physique classique est mise en défaut plutôt à
BT
basse température, d’autant plus que les constituants sont de faible masse, et que la densité en
est élevée.
Prenons le cas des électrons libres dans le métal sodium à 300K. La densité du gaz d’électrons est
de ne = 2/a3 . Le sodium cristallise sous la forme cubique centré de paramètre de maille a = 4 Å,
et donc ne = 3 1028 électrons par m3 .
Par ailleurs avec une masse me = 9.1 10 31 kg, on trouve ' 4.3 nm à 300 K, tandis que
(V /N )1/3 = (ne ) 1/3 ' 3.2 Å. Dans ce cas on a donc > (V /N )1/3 , ce qui entrainera que la
physique quantique et le caractère fermionique des électrons se manifesteront dans les propriétés
du métal sodium (voir le ch. 7).
5 Résumé
A retenir
Il est important de retenir les distributions de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein qui donnent res-
pectivement le nombre moyen à l’équilibre de fermions et de bosons dans l’état individuel indexé
par l. Ces nombres ne dépendent que de l’énergie de l’état, ainsi que du potentiel chimique et de
la température du réservoir R :
1 1
hnl iF D = (✏l µ)
, hnl iBE = (✏l µ)
(5.23)
e +1 e 1
Chapitre 5, section 2
• On peut établir :
X 1 ⇣ @ ln ⌅ ⌘
hN i ⌘ N l Pl =
@µ ,V
l
• On trouve
1 µ
S = kB ln ⌅ + hEi hN i
T T
I Etablir l’équation précédente.
De Pl = ⌅1 e (El µNl )
, on obtient ln Pl = ln ⌅ (El µNl ). Réinjectant dans l’expression de
l’entropie, on obtiet
X X 1 µ
S = kB Pl ln ⌅ + kB Pl (El µNl ) = kB ln ⌅ + hEi hN i
T T
l l
P
on a utilisé l Pl = 1.