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2006–Lorsqu’on compare les images satellites des villes dans le monde d’aujourd'hui avec celles d’il y a
quelques années, une expression vient immédiatement à l’esprit : expansion tentaculaire. Elle décrit bien cette
urbanisation galopante que l’on observe partout.
Mais il y a plus. D’Accra, au Ghana, à Bandung, en Indonésie, en passant par Alexandrie, en Égypte, la taille des
villes augmente plus rapidement que leur population. C’est ce que dit un groupe de chercheurs de la Banque
mondiale qui a étudié les changements dans 120 villes au cours de la dernière décennie.
L’urbanisation n’est plus seulement un phénomène des pays riches. L’année prochaine, elle va en ville.
Pratiquement, ce sont les projections de croissance des populations urbaines, surtout dans le monde en
développement, qui seront déterminantes pour la croissance démographique mondiale.
Au cours des 30 prochaines années, la population des villes des pays en développement va doubler, passant de
2 milliards à 4 milliards. Cette croissance est 5 fois plus rapide que celle des populations urbaines du monde
industrialisé.
En 2030, l’Afrique et la Chine auront chacune 400 millions de nouveaux résidents urbains en plus. En Inde, il y en
aura 300 millions de plus.
La surface des villes elles-mêmes va tripler, avec pour résultat une augmentation du coût de l’infrastructure
nécessaire, des ressources et autres coûts de l’urbanisation. C’est ce qu’explique Katherine Sierra, la Vice
Présidente de la Banque mondiale pour l’Infrastructure.
Madame Sierra s’est rendue au Forum urbain mondial à Vancouver, au Canada, du 19 au 23 juin 2006, pour y
faire part du message de la Banque mondiale sur la rapidité de l’urbanisation dans le monde.
« Les pays, et la communauté internationale ne peuvent faire que très peu pour inverser cette croissance de
l’urbanisation dans les pays en développement, » dit Madame Sierra.
Il est essentiel de prendre dès aujourd'hui des mesures pour préparer les villes à faire face à cette situation, si
l’on veut éviter que cette croissance débouche sur une expansion non planifiée du tissu urbain, avec « des zones
existantes de bidonvilles, mal situées, des ghettos non desservis, souvent en bordure des villes, » explique
Madame Sierra.
Il est temps, dit-elle, « d’accepter la réalité de l’expansion urbaine, de mettre de côté la question de savoir si
c’est bon ou non, et de se préparer en conséquence pour y faire face. »
Pour le Groupe du développement urbain de la Banque mondiale, on en est plus aujourd'hui au stade où l’on
pourrait penser à réduire les problèmes des villes, tels les bidonvilles, les maladies, le manque d’eau potable et
d’assainissement, en arrêtant ou en inversant les migrations vers les villes. Comme le dit Robin Rajack, Spécialiste
principal du développement urbain : « Plutôt que de tenter de mettre en place des programmes incitatifs pour
encourager les gens à rester à la ferme, le Groupe urbain préfère se préparer à la nouvelle vague de population
urbaine ».
Les villes qui connaissent à la fois une croissance de la population et une croissance économique sont des zones
inévitables d’expansion. C’est ce que fait valoir une étude de 2005,The Dynamics of Global Urban Expansion (la
Dynamique de l’expansion urbaine mondiale), par Shlomo Angel, Stephen C. Sheppard, et Daniel L. Civco.
« Avec l’augmentation des revenus, les gens veulent plus d’espace, de sorte que la taille des villes augmente
plus rapidement que leur population, au fur et à mesure que les conditions de vie s’améliorent, » dit Patricia
Annez, Conseillère en matière urbaine pour le Département des transports et du développement urbain.
« Mais les pays ne devraient pas nécessairement essayer d’arrêter la croissance des villes,» dit Annez.
« La ville est un lieu de croissance économique rapide, » dit-elle. « Tous les pays dont la croissance par habitant
a dépassé celle des États-Unis au cours des 20 dernières années doivent leur croissance essentiellement à leurs
secteurs urbains, essentiellement dans les services et l’industrie manufacturière, et beaucoup moins à leur
secteur agricole. En Chine, la croissance de ces secteurs a dépassé de plus de deux fois celle de l’agriculture. »
« Les pays ne pourront pas sortir de la pauvreté sans croissance urbaine, » ajoute Annez. « En fin de compte, il
ne faut pas voir la croissance des villes comme étant nécessairement quelque chose de mauvais. Au contraire, il
s’agit d’un élément nécessaire à une économie dynamique mais cette croissance demande à être gérée. »
Les principales questions auxquelles auront à répondre les décisionnaires au niveau local, national et
international sont de savoir tout d’abord quelle sera la taille de l’expansion des villes, et que faudra-t-il faire pour
s’y préparer. C’est ce que rapporte l’étude Global Urban Expansionqui estime qu’au taux de croissance actuel, les
gouvernements des pays en développement auront à construire en moyenne « une nouvelle ville d’un million
d’habitants par semaine pendant les 40 prochaines années. »
Cependant, très peu de gouvernements se préparent activement pour cette croissance de la population urbaine.
Il y a à cela plusieurs raisons. Selon l’étude, d’une part, « l’horizon de planification des politiciens est à très court
terme, et ils sont mal à l’aise à l’idée d’une planification et d’une préparation à très long terme en vue d’une
expansion urbaine bien planifiée » ; d’autre part, les attitudes qui prévalent à l’heure actuelle s’opposent à la
croissance urbaine.
L’étude accuse des organisations comme la Banque mondiale, les banques régionales et les Nations Unies de ne
pas encore avoir eu ce qu’elle appelle les « dialogues critiques » avec les pays, ni même conçu et mis en œuvre
des « programmes d’investissement efficaces pour relever ce défi. »
« Nous sommes confrontés aux erreurs du passé. Il s’agit de ne pas les répéter. Il faut donner à l’humanité une
seconde chance : nous avons besoin aujourd’hui de construire de nouvelles zones urbaines, qui seront au
minimum équivalentes en taille aux villes que nous avons déjà construites. Mais nous devons faire beaucoup
mieux que ce que nous avons fait, et nous devons le faire en très peu de temps. »
La perspective de devoir entreprendre des projets majeurs d’infrastructure et de mettre en place des plans
urbains angoisse les collectivités locales qui sont déjà confrontées à un nombre très élevé de personnes pauvres
qui ont besoin de service et de logement, dit Rajack.
« Comment peut-on persuader un maire, déjà confronté au défi de donner à ses administrés des services
essentiels avec des ressources très limitées, de prendre du recul par rapport aux besoins pressants immédiats, et
de se pencher sur les besoins des vagues de population de demain? » demande Rajack.
« C’est un peu la quadrature du cercle, mais la réalité est que si nous ne le faisons pas, nous serons confrontés à
tout jamais à cette situation de quadrature du cercle. »
Depuis que la Banque a créé un Groupe de développement urbain en 1972, elle a consenti des prêts pour un
montant total de 25 milliards de dollars EU destinés à des projets urbains.
Le programme de prêt de la Banque dans d’autres domaines, tels la santé, l’éducation, l’énergie, et les
transports, profite également aux zones urbaines. En 2005, le montant total des projets qui ont bénéficié à des
villes atteignait 7,1 milliards de dollars EU.
« Mais la Banque est un acteur de relativement petite importance dans le domaine du financement urbain, » dit
Larry Hannah, Économiste principal.
« Elle peut avoir de l’influence par ses idées, ses appels à l’action, et ses relations avec les Organismes non
gouvernementaux et les collectivités locales, » dit-il.
La Banque a également aidé les gouvernements à élaborer des politiques meilleures pour faire face aux
questions pressantes comme des logements à prix abordable, en « travaillant dans le sens des processus du
marché plutôt qu’à leur encontre, et en ciblant les ressources limitées des pouvoirs publics pour en faire des
subventions susceptibles d’atteindre un grand nombre d’habitants pauvres des villes » dit Annez.
« Des programmes efficaces sur le plan des coûts, comme l’amélioration des bidonvilles qui peut fournir des
infrastructures essentielles, plutôt que des programmes de logements subventionnés qui sont très onéreux et ne
peuvent pas être multipliés à grande échelle, ont permis d’aider des millions de gens » dit-elle.
Toujours selon Annez, le développement des bidonvilles s’explique en partie à cause du coût élevé des terrains
urbains dans les pays pauvres. A Dacca, la capitale du Bangladesh, dont le nombre d’habitants pourrait atteindre
22,8 millions en 2015 selon les projections des Nations Unies, et où un tiers de la population vit dans des
bidonvilles, le prix du terrain approche celui des faubourgs de Manhattan, dit Annez (où commence la citation
pour mettre les guillemets ?).
« Mais souvent, malgré la médiocrité des conditions, les villes paraissent aux gens un endroit bien meilleur pour
y vivre que les campagnes d’où ils viennent, » dit-elle. Les familles qui émigrent à Dacca peuvent augmenter leurs
dépenses mensuelles de ménage d’environ 40 pour-cent en moyenne, selon une étude récente de la Banque
mondiale sur la pauvreté urbaine au Bangladesh. L’incidence de la pauvreté à Dacca a chuté de près de 15 points
de pourcentage, malgré la rapidité de la croissance démographique, » note Annez.
« Nous avons maintenant une occasion de prendre avantage de l’expansion urbaine au niveau mondial pour
réduire la pauvreté telle que nous la connaissons, et augmenter la qualité de la vie pour tous, » dit Madame
Sierra.
« Notre engagement va demander de mieux comprendre des systèmes complexes, mais notre approche à la
résolution des problèmes devra avant tout rester simple, » dit-elle.
Alors que les populations urbaines continuent d’augmenter à des rythmes soutenus, les dynamiques foncières dans
les villes du Sud dessinent depuis trente ans un bilan préoccupant : une croissance urbaine considérable[1] La
croissance urbaine est ici entendue comme un processus... [1] qui n’est pas suffisamment accompagnée des
équipements et des aménagements nécessaires pour assurer aux habitants un cadre de vie décent ; et, par ailleurs,
la progression importante de marchés fonciers non régulés, qui aggrave les inégalités face à l’accès aux ressources
urbaines (solidarités, services, emplois, marchés, etc.) – notamment en termes de distance (Bertrand, 2010a). Ces
marchés fonciers sont également volatils et très interdépendants, ce qu’ont montré les crises financières récentes
liées au crédit immobilier (Aveline, 2008). Les politiques publiques, urbaines, sociales ou de logement, à destination
des populations urbaines sont elles-mêmes fragilisées par les effets du marché et on assiste globalement à une
dégradation des conditions d’accès aux ressources, non seulement pour les catégories les plus pauvres mais aussi
pour les classes moyennes.
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Face à ces deux grands enjeux – l’intégration des populations pauvres à l’économie métropolitaine et la maîtrise de
l’urbanisation –, les acteurs du développement s’inquiètent de l’« ingouvernabilité » des villes : des
communautés politiques urbaines floues dans leur périmètre comme dans leurs institutions, une informalité qui
pénalise les échanges et le développement des activités économiques, et des pouvoirs publics fragiles. Face à ces
dysfonctionnements, depuis les années 1980, les politiques gouvernementales et d’aide internationale au
développement s’alignent sur les thèses néolibérales. Celles-ci visent en théorie à assurer la sécurité foncière et le
droit des individus à la ville (au sens strict de participation légale à la ville). En formalisant et en libérant les échanges
fonciers urbains, elles espèrent créer un marché attractif qui assure la rentabilité des investissements en
équipements collectifs. Dans cette idée, les effets positifs de la sécurité foncière alimentent à la fois la sécurité
sociale et économique des habitants et l’attractivité des marchés fonciers justifiant l’investissement dans les
équipements et l’aménagement. Aussi, dans les villes du Sud, deux processus majeurs opèrent de plus en plus sur
leur structure foncière : la privatisation du foncier public (ou foncier protégé) et le transfert des responsabilités de
l’urbanisation (équipement, intégration, aménagement) à des acteurs privés. C’est dans ce contexte que les thèses
de Hernando de Soto ont été largement diffusées et sont devenues, en vingt ans, le principal instrument théorique et
opérationnel pour maîtriser les logiques foncières et impulser des logiques de développement à partir du foncier. Ces
thèses consistent, d’une part, à assurer la sécurité foncière des occupants illégaux pour les intégrer au marché
formel et ainsi ressusciter un « capital mort » et, d’autre part, à formaliser les transactions foncières afin d’ouvrir le
foncier au marché pour stimuler les investissements et inciter au financement public ou privé de l’urbanisation (De
Soto, 2005). Pour atteindre ces objectifs, il faut passer par la formalisation du foncier et donc le titrement des
parcelles. Des programmes de titrement ont ainsi été adoptés, de Delhi à Mexico en passant par Le Caire, conçus
comme préalable au développement urbain et à la « gouvernance ».
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Pour autant, ces thèses ont montré rapidement leur faible efficacité (Miranda, 2002), voire leur inapplicabilité
(Payne, Durand-Lasserve, Rakodi, 2009). Pour expliquer cet échec, on peut d’abord évoquer la complexité des
fonctions et des usages du sol : celui-ci supporte à la fois l’économie du logement, les politiques d’aménagement
urbain, et constitue aussi le socle des finances publiques (par la fiscalité ou la promotion immobilière). Ces territoires
sont aussi ceux du maillage politique et des élections qui déterminent des redistributions de l’accès au sol et au
logement. Autrement dit, la complexité du foncier urbain n’est pas prise en compte par la recette simplificatrice de
De Soto qui suppose une remise à plat des logiques foncières locales et une simplification des formes de
possession, via la propriété privée et la digitalisation des cadastres. Deuxième élément d’explication, l’illisibilité des
communautés politiques et la difficulté à faire coïncider territoires métropolitains, communautés urbaines
(habitants, électeurs, usagers), institutions et pouvoirs politiques (Fourchard, 2007 ; Lorrain, 2011), ce qui limite la
« capacité » des acteurs chargés de mettre en œuvre les programmes de titrement. En effet, les programmes de
titrement, développés avec l’aide d’outils et d’acteurs extérieurs (aide au développement, coopération
internationale), ne se réfèrent pas à une légitimité « locale » qui se révèle pourtant essentielle pour établir la
légitmité juridique du titre foncier et sa valeur économique dans le cadre d’un marché foncier formel. Troisième
point, l’épaisseur historique des situations foncières qui conduit à une grande complexité et à une diversité de statut
des occupants du foncier, à une superposition des droits, des productions juridiques locales et à leur enchâssement
avec des logiques sociales (Soares-Gonçalves, 2010).
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Or, bien loin des objectifs d’intégration par le marché de ces programmes, on constate au contraire des processus
dangereux pour l’équilibre métropolitain : « l’éviction par le marché » des catégories les plus vulnérables (Durand-
Lasserve, 2006), la prolifération de programmes de promotion privée exclusifs, du type « gated communities » (Denis
dans ce numéro ; Capron, 2006) qui, loin de profiter à la communauté métropolitaine, ponctionnent au contraire les
rares ressources disponibles (en espace, en eau, en énergie) au profit de quelques privilégiés. Enfin, la
désindustrialisation des centres et la désaffection des bâtiments de zones portuaires privatisent un espace central
auparavant en partage : celui-ci est l’objet d’appropriations par le corporate capital[2] Nous désignons par ces
termes, les grands groupes capitalisés... [2] pour développer des Central Buisness District (CBD) rentables sur le plan
foncier, le plus souvent sous l’affichage d’un partenariat public-privé. Autrement dit, il est temps de dresser le bilan
des effets des politiques néolibérales, dont celles de titrement qui les accompagnent en général, sur les conditions de
développement des métropoles du Sud. Celles-ci peuvent se résumer à un double transfert du foncier et des
missions de l’urbanisation vers le secteur privé. Ce dossier réunit des analyses qui appréhendent ce transfert et ses
conséquences à trois échelles différentes :
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i) L’échelle macro ou globale : on parle, depuis la fin des années 1990, d’une uniformisation des marchés
fonciers à l’échelle globale, notamment lorsque le corporate capital investit massivement dans la promotion
immobilière et dans le capital foncier (Denis dans ce numéro). Si l’uniformisation est difficile à établir (fragmentation,
segmentation des marchés, notamment en raison de leur illégalité), il reste que les stratégies d’investissement au
niveau global, tout comme les politiques internationales d’aide au développement, qui sont censées favoriser cette
intégration du marché et par le marché, ont un impact comparable sur les formes de l’urbanisation récentes (Denis,
Deboulet) ;
ii) L’échelle des politiques urbaines : observant les principaux projets d’aménagement, on peut voir se
mettre en place différents dispositifs d’acteurs qui, sous les vocables de gouvernance et de partenariat, lient
municipalités ou instances métropolitaines, programmes fonciers des États, investisseurs privés, « société civile »,
etc... Différents articles de ce numéro permettent de saisir les transformations portant sur ces dispositifs, avec
l’arrivée de nouveaux acteurs (Douay) ou les impacts des programmes à l’échelle métropolitaine (Bautès et alii,
Soares-Gonçalves), ou encore avec les déclinaisons métropolitaines des réformes foncières nationales (Salazar) ;
iii) L’échelle « locale » ou habitante : par l’observation des mutations et des stratégies d’acteurs au
niveau des quartiers, des articles mettent en évidence la complexité des logiques foncières au niveau micro et leur
prisme sur la fabrication des espaces urbains, des identités collectives et des logiques sociales urbaines qui impactent
directement les différents programmes de développement, les (re-) localisent (Bautès et alii, Soares-Gonçalves,
Benjamin et Raman, Douay). Ces analyses entretiennent l’idée d’un réformisme néolibéral par exceptions (Ong,
2006), forcément recodé par les forces et les contradictions locales.
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Avant de décomposer plus explicitement les modalités de ce transfert selon les types d’acteurs impliqués en amont
et en aval, nous revenons ci-après sur deux caractéristiques des structures foncières des villes du Sud : le séquençage
particulier entre urbanisation et industrialisation, et l’importance des réserves foncières publiques ou protégées dans
la constitution d’un habitat dit illégal.
INDUSTRIALISATION ET URBANISATION DANS LES VILLES DU SUD
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Les structures foncières des villes du Sud s’expliquent en grande partie par la chronologie particulière qui relie
industrialisation et urbanisation. Dans l’urbanisation des villes sud-américaines, l’activité industrielle est
certainement motrice de la croissance urbaine, ce qui se traduit sur le plan social par la structuration de classes
ouvrières industrielles qui portent le conflit social au premier plan dès le début du XX e siècle. Prépondérantes sur les
scènes politiques, y compris nationales, elles prennent alors la tête des masses urbaines sur lesquelles les régimes
populistes des années 1930 s’appuient. Pourtant, les ouvriers ne sont pas numériquement majoritaires en ville,
puisque la croissance démographique, dès cette première urbanisation, est avant tout le fait d’une population active
dans le secteur des services, notamment domestiques, et dans les secteurs informels, qui attirent le gros des
migrations rurales. Autrement dit, à des rythmes qui peuvent s’étaler jusqu’aux années 1970 et 1980, les grands pics
de croissance urbaine ne créent pas, comme ce fut le cas en Europe et en Amérique du Nord, une classe de salariés,
d’ouvriers et d’employés de services, qui constituera le socle des classes moyennes ayant accès au crédit bancaire et
à la propriété immobilière fondée sur la stabilité de l’emploi (Castel, 1991).
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À l’inverse, les « classes populaires » qui constituent une majorité des populations urbaines dans les villes du Sud se
caractérisent par une faible formalité, tant de l’emploi que de l’habitat (Santos, 1971). Les conditions de subsistances
n’y ont pas profité de la structuration sociale qui caractérise la trajectoire ascendante des classes ouvrières et
moyennes des démocraties industrielles du Nord. Le maintien, voire la massification, des conditions de précarité et
de pauvreté chronique associées à l’habitat informel sont même une condition indispensable pour le succès de cette
industrie dépendante, ouverte à la compétition internationale et désormais globale. La main-d’œuvre, principale
variable d’ajustement, doit rester la moins cher possible et flexible.
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Sur le plan des configurations urbaines elles-mêmes, on retrouve ce court-circuit dans la séquence
d’industrialisation. L’espace industriel qui s’impose dans les villes du début du XIX e siècle en Europe, que ce soit dans
des villes déjà importantes comme Paris ou Londres, ou dans des foyers industriels comme Manchester, est le point
de départ d’une structuration des formes urbaines. La localisation des sites industriels (près des voies d’eau, des
carrefours routiers, etc.) amorce le développement d’une trame d’infrastructures, de circulations et d’espaces
d’interfaces directement connectés aux centres-villes (Pinol, 2000). Or, ces trames structurent encore aujourd’hui les
espaces urbains, par exemple à travers les voies ferrées intra et interurbaines ou leurs traces réappropriées. Plus
encore, les espaces industriels ont déterminé l’implantation des zones résidentielles. Comme on peut le constater
pour le cas de Paris, autour des grands centres de production le long des berges, se développent de manière fractale
des semis urbains constitués d’activités intermédiaires dépendant de l’industrie, de logements populaires et de
logements-activités (Rouleau, 1985), qui constituent toujours le tissu dense et structurant des grandes
agglomérations. Ces logiques morphologiques, qui répondent avant tout à une équation spatiale posée par
l’industrie (interface, connectivité et proximité d’une part, diversification des activités d’autre part), débouchent
dans les villes européennes sur une polycentralité et un pavage d’espace fonctionnels supportés par des
infrastructures publiques (voies ferrées, berges, places et gares, boulevards). D’une certaine manière, les espaces
urbains liés à l’industrialisation ont une fonction de médiation de la distance et des effets centripètes. Cette
complexité urbaine des villes industrielles du Nord, sensible y compris dans les villes de moyenne importance, n’a
pas pu s’élaborer dans la même séquence dans les villes du Sud, industrialisées plus tardivement, plus brutalement
et surtout le plus souvent après les premières vagues de forte croissance démographique.
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Le séquençage historique reliant urbanisation et industrialisation est évidemment une trame de lecture très
générale qui s’applique de façon variée dans les grandes villes du Nord comme du Sud. L’intérêt d’en dégager une
chronologie contrastée sur la période 1850-1980, qui oppose schématiquementdeux types de villes, est de souligner
la fonction médiatrice et régulatrice de la phase industrielle de la première génération pour les villes du Nord : en
termes sociologiques et économiques, la médiation des classes de propriétaires ou d’accédants au crédit est
relativement absente dans les villes du Sud ; en termes d’espaces urbains, les villes du Sud sont privées de la
médiation des infrastructures liées à ces anciennes activités industrielles. Les distances et les nécessités de leur
franchissement s’y révèlent ainsi d’autant plus discriminatoires qu’elles ne sont médiatisées ni par une
polycentralité, ni par une organisation urbaine fondée sur l’accessibilité des espaces centraux entre eux : en
l’absence de régulation de la pression exercée par le centre qui organise l’accès à l’emploi et aux ressources, la loi du
plus proche soumet les populations urbaines à des tensions importantes tant sur leur habitat que leur mobilité
(Bertrand, 2010b). Par conséquent, le marché foncier des villes du Sud est grossièrement déterminé par une
équation simple sur un axe : « distance aux ressources (emplois et services) / moyens de franchir cette distance
(coût, fatigue, temps) ».
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En outre, ce caractère brutal de la distance est à associer aux difficultés des pouvoirs publics à assurer, soit
directement, soit en appui sur le secteur privé, les « services urbains basiques » (SUB dans la terminologie du
programme UN-Habitat), notamment en termes de transport. Parmi les nombreuses analyses de l’aggravation de ces
difficultés (Pfielger, 2011), on peut insister ici sur l’accélération de l’expansion urbaine non planifiée, la faiblesse des
finances urbaines ou métropolitaines (peu ou pas de fiscalité foncière), ou encore des politiques de logement qui
sont volontairement ambiguës afin de maintenir les réservoirs de main-d’œuvre bon marché, en particulier pour les
activités industrielles (Soares Gonçalves, 2010). Enfin, il faut noter que les pouvoirs publics urbains sont eux-mêmes
affaiblis dans le contexte d’États peu solidifiés et qui n’ont pas toujours la maîtrise de l’énergie et des infrastructures
nécessaires à la mise en place de ces services.
RÉSERVES FONCIÈRES PUBLIQUES ET OCCUPATION ILLÉGALE
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Paradoxalement, cette éventuelle faiblesse du secteur étatique ne doit pas faire oublier que les villes du Sud se
sont globalement développées sur la base d’un patrimoine foncier public très important, en tout cas sur lequel
l’acteur public avait la maîtrise. En ce qui concerne les villes postcoloniales, la phase d’urbanisation intense a souvent
été contemporaine d’une mainmise de l’État national de première génération, souvent monopolistique, et fondée
sur le contrôle du territoire et du foncier (réformes agraires et nationalisations des ressources). C’est le cas des
grandes métropoles coloniales anglaises (Le Caire, Mumbai, etc.) et de Mexico (même si, dans ce dernier cas, la
« décolonisation » s’est effectuée en deux temps : politique en 1810, socio-économique en 1910). Une deuxième
raison de ces importantes réserves foncières publiques est le développement de « friches » dans le péri-urbain qui,
du fait des invasions illégales et de l’absence de plan d’urbanisation, se révèlent non exploitables tant sur le plan
productif que sur le plan de la rente foncière et relèvent alors généralement du domaine éminent. Cette
configuration dans laquelle l’État est souvent majoritaire voire monopolistique sur le plan foncier, ou encore exerce
son contrôle à travers une législation spécifique (Hong Kong, Mexico), influe évidemment sur la manière dont les
marchés vont évoluer vers la « libéralisation » à partir de 1980. Ce foncier public, souvent le principal levier de
gouvernance pour les autorités politiques urbaines, n’a pas toujours été le signal d’une prospérité des pouvoirs
publics. Mais récemment, avec l’intensification des investissements privés sur les marchés fonciers, il constitue, par
privatisation et concession, une source de financement croissante (Denis).
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En tout état de cause, le poids du foncier public est dénoncé par les thèses néolibérales comme une impossibilité à
dynamiser l’expansion urbaine par un marché intégrateur et régulateur qui pourrait susciter des investissements en
termes de développement urbain (aménagement et équipement). Elle explique effectivement en partie la part
importante de l’informalité de l’habitat et la faiblesse des aménagements face à l’étalement urbain. La présence d’un
habitat illégal est attestée depuis les débuts de l’industrialisation (fin du XIX e siècle pour les exemples plus anciens).
Malgré une vague de politiques publiques importantes pour le supprimer (éradication des bidonvilles et relogement
massif) dans les années 1960 pour certains États qui pouvaient économiquement se le permettre (États pétroliers et
industriels), l’habitat illégal a été la forme majoritaire de l’expansion urbaine, et plus encore à partir des années 1970
(Kasarda, Crenshaw, 1991 ; UNCHS, 1982). Cette illégalité peut intervenir à plusieurs niveaux (Deboulet) : sur les
parcelles foncières elles-mêmes, sur le statut des occupants (de la parcelle, d’un des logements sur cette parcelle, à
titre de résident ou de locataire), sur les normes d’urbanisation et l’intégration aux réseaux urbains, sur
l’enregistrement des parcelles et de leur usage auprès des autorités. Tous ces niveaux n’ont pas les mêmes
conséquences sur le marché et interdisent de simplifier, comme le fait de Soto, le « titrement » à partir de la simple
occupation de la parcelle. En outre, ce processus d’installation illégale ou informelle est en cours depuis le début de
la croissance urbaine. Il a donc produit des situations stratifiées sur plusieurs générations qui ne peuvent trouver de
solution juridique univoque, ce que l’on retrouve dans les articles de Bautès et alii, de Soares-Gonçalves ou de
Benjamin et Raman. La transmission intergénérationnelle, les évolutions démographiques et les logiques sociales
sont incorporées aux situations foncières et créent des marchés locaux, débouchant sur des productions
institutionnelles ad hoc[3] Le 23e Conseil d’UN-Habitat a adopté, en avril 2011,...[3]. Le second trait concerne
d’importantes proportions des métropoles du Sud qui se trouvent dépourvues des services urbains basiques, soit
parce que la croissance urbaine a pris un rythme très supérieur aux capacités de l’État à viabiliser et à équiper les
terrains, soit parce que le marché foncier n’étant pas suffisamment attractif – notamment par manque de sécurité
foncière – le secteur privé n’a pas non plus investi dans l’aménagement et l’équipement de ces zones.
LE TRANSFERT DU FONCIER PUBLIC VERS LE SECTEUR PRIVÉ
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À un premier niveau, des politiques publiques ont pu jouer sur la législation urbaine pour débloquer une partie du
foncier vers le marché sans transférer directement des biens publics, par exemple dans le contexte de législations sur
le locatif (Soares-Gonçalves). Mais globalement, on constate que, depuis les années 1980, d’immenses réserves
foncières publiques (étatiques, municipales ou autres, comme au Mexique avec la propriété sociale) sont transférées
au domaine privé sous plusieurs formes. Ce transfert a deux causes. La première est l’expansion urbaine : celle-ci est
à la fois le fait des investissements massifs privés (Denis) pour la création de nouveaux projets résidentiels-
commerciaux privés, qui ainsi « achètent » des terrains jusqu’ici sans valeur (désert, etc...) et non urbanisés ; elle
consiste également dans l’occupation illégale par les franges les plus pauvres qui s’installent en périphérie (Salazar,
Denis), elle est dans ce cas une appropriation « privée » d’un autre type. La seconde cause est la désindustrialisation
des centres et des péricentres et la faillite des industries publiques qui laisse de grandes portions de terrains
urbanisés ou urbanisables qui pèsent lourds sur le marché foncier. Ces réserves constituent souvent une ressource
essentielle pour les politiques publiques urbaines, voire la seule possibilité de mener une politique urbaine en y
associant le secteur privé. Il s’agit le plus souvent d’opérations de type Partenariat Public-Privé (PPP) qui deviennent
la norme en matière de politique urbaine. Si ce « transfert » du bien public au privé est général, il peut mobiliser ou
favoriser des acteurs très différents. Les articles de ce numéro permettent de caractériser ce transfert en fonction
des acteurs qui y participent, et ainsi de nuancer la tendance globale à une « privatisation ».
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L’article d’Éric Denis présente un niveau de transfert qui a lieu dans toutes les grandes métropoles du Sud et qui
correspond à une politique économique déployée par le corporate capital, l’investissement foncier dans les villes du
Sud.Ici, le transfert porte sur le « domaine public » au sens de « réserve foncière », terres non urbanisées et peu
exploitées, terres d’« intérêt général » lié à la présence d’infrastructure ou à leur possible développement. Pour le
cas égyptien, cette réserve foncière concerne avant tout les périphéries métropolitaines désertiques. Ce processus
est à double détente, puisqu’il consiste à la fois à « privatiser » les réserves foncières des États (ou des municipalités
dans certains cas), mais aussi à « liquéfier » le patrimoine foncier pour alimenter les marchés bancaires et financiers.
Autrement dit, il s’agit d’un double transfert, entre deux types de porteurs de titre et entre deux types de titres (de
la rente foncière à la rente du capital), qui transforme la nature des biens fonciers et détermine leur usage (ou au
contraire s’en détache, l’exploitation du sol sortant ainsi des usages et des intérêts localisés pour devenir une
richesse en circulation).
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Ce transfert est également l’objet de l’article de Nicolas Douay qui montre comment la coalition entre autorités
politiques urbaines et secteur privé, qui a depuis longtemps été à l’œuvre dans la gestion foncière de l’ancienne
colonie de Hong Kong, est susceptible de réévaluer la place des acteurs privés au vu des attentes de la « société
civile ». Ainsi, le terme de « privatisation » doit être nuancé et explicité : l’enjeu est évidemment différent s’il s’agit
d’un transfert à la société civile (plus ou moins démocratique ou représentative) ou au corporate capital. Les
modalités de l’urbanisation sont donc cruciales pour conserver un « contrôle » politique sur les opérations
immobilières.
17
Dans les articles de N. Bautès, et de S. Benjamin et B. Raman, on voit que le transfert au secteur privé est une
opération à plusieurs dimensions. Si le but est avant tout d’assurer la sécurité foncière ou celle de la propriété
immobilière, les implications foncières sont trois fois plus coûteuses : la réhabilitation des slumsporte, en termes
fonciers, sur le périmètre du quartier en lui-même, sur la surface visée par la réhabilitation et, dans le cas de Mumbai
avec le principe du transfert des droits aux promoteurs, sur une autre partie de la ville. Les autorités transfèrent donc
la propriété à un ensemble d’acteurs : des habitants (une petite partie d’entre eux tout au moins), l’aménageur et
le corporate capitalqui s’associe à l’opération et qui peut reporter son gain foncier au profit d’une autre opération.
18
Dans le cas du Mexique (Salazar), il s’agit de convertir la « propriété sociale » en propriété privée : un des aspects
des politiques de titrement devant générer ces « classes moyennes urbaines avec accès au crédit ». Si la propriété
sociale mexicaine n’est pas, à proprement parler, « publique », elle relève en tout cas du domaine de la collectivité
locale et elle est garantie par l’État. Avec les réformes de 1992, elle peut être transférée soit à des individus, soit à
des sociétés de promotion. Cette politique de transfert qui est menée dans des programmes fédéraux à l’échelle du
territoire national est censée remplir la double mission d’accès à la propriété privée populaire et de sécurisation
foncière, tout endynamisant les investissements nécessaires à la métropole. Les « acteurs privés » destinataires des
programmes sont donc très divers et n’intègrent pas le marché de la même manière.
LE TRANSFERT DES RESPONSABILITÉS DE L’AMÉNAGEMENT URBAIN
19
Cette dépublicisation est également un dessaisissement des responsabilités politiques liées à l’usage du sol urbain :
aménagement, équipement, approvisionnement, mais aussi politique urbaine à l’échelle métropolitaine, sont plus ou
moins délégués. Le recours à la réserve foncière comme outil de financement par le marché est un « one shot » dès
lors que la ville / l’État / la collectivité se dessaisit de son levier le plus puissant. On peut observer dans ces différents
articles comment les mécanismes de transfert de la propriété foncière jouent conjointement sur les modalités de
production de l’urbain. On peut y relever plusieurs types de transfert de ces responsabilités :
20
Le transfert au marché international où intervient le corporate capital : Une de ses modalités est le
développement des gated communities et des projets résidentiels de luxe (Denis). Très gros consommateurs de
foncier (voir les surfaces des logements et des équipements en proportion de celles de l’habitat populaire ou même
des classes moyennes), ces unités résidentielles et leurs centres commerciaux sont censés être autonomes, voire
autarciques, en termes d’équipements et de services. On peut dire, dans ce cas, que la responsabilité d’urbanisation
est très faible puisque, certes l’équipement de l’unité est réalisé, mais à des coûts très importants pour la collectivité
urbaine (foncier occupé, segmentation des services, voire accaparement des réserves d’eau et d’énergie) tout en ne
profitant qu’à une infime minorité (d’autant plus que ce résidentiel spéculatif reste très faiblement occupé). Par
ailleurs, ce type d’urbanisation par le corporate capital n’est pas efficace sur le plan de la réhabilitation des quartiers
insalubres illégaux (Bautès et alii) où, au contraire, s’observe un effet d’enlisement des slums par manque de
rentabilité immédiate de l’opération de réhabilitation – effet qui se conjugue à des évictions (Bautès et alii ; Dupont,
2010).
Le transfert à de nouveaux acteurs : mixtes, nouvelles coalitions, partenariats publics-privés, sociétés
immobilières issues des collectivités locales : Une tendance importante à relever est la dé-publicisation par la
redistribution des responsabilités urbaines à un nouveau panel d’acteurs qui, tout en étant de nature privée, peuvent
devenir médiateurs et réguler les enjeux liés au développement urbain : c’est le principe du partenariat public-privé
(Douay, Bautès et alii) dans lequel les opérateurs publics gardent (pour un temps !) la maîtrise du foncier et des
législations. Dans le déroulement des opérations, le rapport de force entre société civile / habitants / collectivités
urbaines etinvestisseurs privés peut évoluer rapidement et conduire à une déresponsabilisation à l’égard des
équipements collectifs ou à négliger l’entretien des biens publics, voire à leur privatisation... On connaît d’ailleurs
parfaitement ce biais dans bon nombre d’opérations urbaines depuis les années 1960 en Europe (exemples à Paris
avec l’opération Italie, ou actuellement l’Opération Paris Rive Gauche – Michel, 2008) alors même que les législations
peuvent y être pourtant très fortes.
21
L’article de C. Salazar montre bien comment, dans le cas mexicain, le transfert à la propriété privée des parcelles
issues de la Réforme agraire tend à dynamiser le marché immobilier formel et informel du lotissement sans pour
autant stimuler l’application de normes d’urbanisation et l’incorporation légale au plan d’urbanisme. Les outils de
formalisation du foncier (les administrations) ne sont pas assez efficaces ou n’ont pas les moyens pour imposer une
intégration des lotissements aux réseaux et services. Mais par ailleurs, aucun acteur privé ne souhaite et ne sait
prendre en charge le coût de ces infrastructures. Il y a donc un effet minime de ce type de transfert sur
l’« urbanisation » au sens d’intégration et de mise à niveau des équipements. Au niveau de l’analyse des transferts
réels de propriété, on constate d’ailleurs que le dispositif qui prévoyait la conversion des collectivités agraires en
sociétés immobilières privées a été sous-utilisé voire inutilisé, au contraire de la conversion des parcelles
individuelles en pleine propriété, qui elle n’implique pas d’investissements d’équipement, mais ne les induit pas non
plus.
22
Outre le transfert aux acteurs privés des biens fonciers collectifs, le foncier urbain est agi par trois autres types de
transferts et médiation :
23
i) Le transfert du volet social des politiques urbaines, dans un contexte d’ajustement, leur délégation, à
des programmes d’assistance, d’intervention et de réforme portés par les agences de l’aide bilatérale, multilatérale
ou des ONG (Deboulet). Cela prend la forme d’interventions dans tel ou tel quartier. Or, ces interventions, qui ne
sont que des expériences devenant au mieux des « best practices » (Navez-Bouchanine, Valadares, 2007), ne
permettent jamais de construire des structures d’intervention locale en mesure de se financer dans la durée, et
encore moins des politiques reproductibles. En revanche, elles favorisent la déresponsabilisation des autorités
locales et nationales à l’égard des questions d’habitat précaire et de pauvreté ;
ii) Le transfert de la responsabilité à produire le contexte urbain aux collectivités locales, la
décentralisation en d’autre termes, n’apportent guère de solutions socialement plus équitables et favorables à
l’équipement des localités périphériques. Les cas mexicain (Salazar) ou indien (Benjamin et Raman, Bautès et alii)
montrent qu’il est très difficile de faire porter l’effort d’urbanisation par les acteurs locaux, surtout lorsqu’il n’existe
aucun mécanisme de subsidiarité en mesure de compenser les inégalités entrelocalités et que le foncier a été cédé
sans exiger de contrepartie en matière d’équipement ;
iii) Reste le transfert aux habitants qui se sont appropriés les terrains, qui consiste à les faire payer pour
qu’ils accèdent aux services à hauteur de leur contribution : c’est une solution non moins précaire. L’effet le plus
évident est un fractionnement à l’échelle des quartiers de l’offre de services dans un contexte d’ajustement des
dépenses publiques et de délégation / privatisation des services.
CONCLUSION : LA TRAGÉDIE DU PRIVÉ
24
La fragmentation des responsabilités et des fonctions du foncier avec ce transfert général néolibéral, loin de créer
des logiques d’intégration par le marché, est facteur de complexification. Ce transfert est coûteux pour les habitants
comme pour les activités économiques urbaines puisqu’il induit mécaniquement un renchérissement de l’accès au
sol qui pénalise les petites entreprises, certes peu productives, mais qui assurent presque la totalité de la subsistance
et de l’emploi dans les métropoles du Sud.
25
Il faudrait en effet mettre en rapport ces mutations avec les changements d’activités économiques et les territoires
qu’elles produisent. La désindustrialisation des centres (ou anciens faubourgs devenus centraux) recompose les
relations entre coût de l’espace et coût de l’activité dans tous les secteurs économiques – tertiaires, bureaux,
commerces de proximité et certaines industries de « proximité » comme la confection débouchant sur de multiples
formes de tri centrifuge et de faillites. C’est également ce qu’évoque l’article de Benjamin et Raman sur la production
d’un espace social et foncier lié à l’économie intermédiaire. Ainsi, s’il faut effectivement parler d’espace
« abstractisé » par les activités tertiaires de bureaux intégrées à l’économie globale contribuant à l’exacerbation des
conflits, notamment à référent identitaire (Shaban, 2010), il y a beaucoup à chercher également du côté des activités
économiques dans lesquelles la relation entre logement et espace de travail se joue de manière différente, dans la
mixité. Il conviendrait, sans anachronisme, de les rapprocher des activités de la première industrie au XIX esiècle qui
se jouait aussi dans l’interface et la proximité plutôt que dans la connectivité (Green, 1998). Proximité et mixité
demeurent les atouts économiques d’une grande partie des villes du Sud (Benjamin, 2000), notamment dans la
confection (Souchaud, 2011). Les marchés fonciers, dans ce cadre, jouent un rôle déterminant et l’enjeu n’est pas
seulement social (intégrer les classes paupérisées) mais aussi économique (accueillir de nouvelles activités
productives, dynamiser les existantes). Il peut donc y voir des opportunités économiques foncières spécifiques,
comme l’a été par exemple le Silicon Sentier à Paris ou la Silicon Alley à New York (Grondeau, 2009).
Reconsidérées comme modernes et porteuses de croissance, ces activités pourront jouer un rôle stabilisateur et
mitiger le lourd bilan de l’intégration des marchés fonciers des centres-villes au profit du corporate capital. Ces
appropriations ont eu et ont encore une fonction de tri qui déstructure sans que par ailleurs les nouvelles activités
implantées fournissent une masse d’emplois alternatifs suffisante et accessible.
26
Enfin, les conclusions des politiques foncières récentes s’imposent : le transfert du foncier aux acteurs privés n’est
absolument pas efficace en termes de développement urbain durable et socialement juste et il faudra, d’une
manière ou d’une autre, repenser la responsabilité du droit à la ville. Elle ne peut être déléguée au marché.
BIBLIOGRAPHIE
Aveline N., 2008, Immobilier : L’Asie, la bulle et la mondialisation, Paris, CNRS éditions.
À Mumbai, dans un contexte de privatisation du marché et de décentralisation, une forte pression immobilière
s’exerce sur les bidonvilles, dont les perspectives de rénovation font l’objet de transactions multiples entre les groupes
immobiliers, les habitants, regroupés ou non en association, et l’État, pour la valorisation du sol urbain. Ces
transactions donnent lieu à la mobilisation de ressources et de stratégies spécifiques, qui relèvent tantôt de logiques
spéculatives, de pouvoir et / ou de survie. Cet article se propose d’examiner l’éventail des actions mises en œuvre par
les habitants du quartier Ahmed Zakaria Nagar à Behrampada, bidonville au cœur de Mumbai et de ses projets
actuels de réaménagement urbain.
Mots clés
Pression immobilière
jeux d’acteurs
ressources sociales
familiales et politiques
bidonvilles
Mumbai
Español
En Mumbai, en un contexto de privatización del mercado y de descentralización, una fuerte presión inmobiliaria se
ejerce sobre los barrios precarios, cuyas perspectivas de renovación generan múltiples transacciones entre los grupos
inmobiliarios, los habitantes, agrupados o no en asociaciones, y el Estado, para la valorización urbana. Estas
transacciones dan lugar a la movilización de recursos y estrategias específicas, vinculadas a lógicas especulativas, de
poder o de supervivencia. Este artículo se propone examinar el abanico de acciones implementadas por los habitantes
del barrio Zakaria Nagar, en Behrampada, un barrio precario en el corazón de Mumbai y sus proyectos actuales de
reordenamiento urbano.
Résumé
Français
Cet article envisage de mettre en perspective historique l’importance jouée par le marché de la location dans
l’expansion des favelas, ainsi que dans la formulation des politiques publiques. Bien que les données historiques sur ce
marché dans les favelas soient rares et souvent peu fiables, il est possible de constater qu’il ne s’agit pas là d’une
réalité récente. Bien au contraire, cet état de fait est, depuis le début du XX e siècle, un problème public à Rio de
Janeiro. Ce travail aborde, premièrement, la présence de rapports locatifs depuis l’origine des premières favelas, puis
le processus de criminalisation de la perception des loyers dans les favelas à partir du Code de la Construction
de 1937. Il se penche, enfin, sur les enjeux suscités par le marché locatif dans le contexte des projets de régularisation
foncière à partir des années 1980.
Mots clés
Favelas
marché locatif informel
Rio de Janeiro
régularisation foncière
histoire urbaine
Español
Este artículo pretende, en una perspectiva histórica, analizar la importancia del mercado de alquileres en la
expansión de las favelas, así como en la formulación de políticas públicas. Aunque los datos históricos sobre este
mercado en las favelas son raros, y a menudo poco confiable, es posible que esto no sea una realidad reciente. Por el
contrario, esto es, desde la mitad del siglo XX, un problema público en Río de Janeiro. Este trabajo aborda, en primer
lugar, la presencia del alquiler desde los orígenes de las primeras favelas y, a continuación, el proceso de criminalizar
la colección de rentas en las favelas a partir de la promulgación del código de construcción de 1937. Finalmente,
analizaremos las cuestiones relacionadas con el mercado de alquiler en el contexto de los proyectos de regularización
del suelo en las favelas desde la década de 1980.
Avec la libéralisation économique, l’État algérien s’assigne des missions régaliennes et managériales en vue de
garantir et attirer les investissements étrangers pour créer des richesses et offrir de l’emploi. Dans cette perspective,
l’accès au foncier a été placé au centre de dispositifs procéduraux pour parer à d’éventuels spéculateurs et ne pas
brader le patrimoine public de l’État. Après une décennie (1990) d’improvisations, la décennie 2000 marque une
volonté de prise en charge sérieuse du dossier foncier. Un état des lieux des ZI (Zones Industrielles) et ZAC (Zones
d’Activités Commerciales) a été dressé en vue de rationaliser l’utilisation du potentiel foncier public existant et de le
mobiliser pour la promotion de l’investissement privé. L’objet de ce travail est l’analyse du système de pilotage de
l’offre foncière publique instauré pour promouvoir l’investissement privé en prenant pour étude de cas, Annaba,
la 4e ville d’Algérie.
Plan de l'article
1. - 1- Introduction
2. - 2- Le pouvoir des acteurs fonciers : entre monopolisation, émiettement, improvisation et conflits de
compétences
3.
1. 2.1. La décentralisation et intermédiation du pouvoir foncier : le printemps du localisme
2. 2.2. Le processus de recentralisation du pouvoir foncier et résistance du local
3. 2.3. La démultiplication des structures foncières : stratégies sectorielles et gestion conflictuelle
4. - 3- L’offre foncière économique à Annaba : entre rigidité administrative et pratiques informelles
5.
1. 3.1. Annaba : un territoire littoral à fort potentiel en panne de projet
2. 3.2. Les investisseurs domestiques et étrangers : prédominance des PME/PMI et des succursales
et tertiarisation
3. 3.3. Le traitement des soumissions de projets d’investissement : blocage ou logique sélective ?
4. 3.4. Émergence de zones d’activités informelles : une réponse improvisée à une demande
réfléchie
6. - 4- Une gestion foncière et économique en crise
7.
1. 4.1. La dépossession des autorités locales du pouvoir foncier
2. 4.2. La démultiplication des structures et gestion des stocks
3. 4.3. Le blocage est d’ordre institutionnel
8. - 5- Conclusion
Cet article envisage de mettre en perspective historique l’importance jouée par le marché de la location dans
l’expansion des favelas, ainsi que dans la formulation des politiques publiques. Bien que les données historiques sur ce
marché dans les favelas soient rares et souvent peu fiables, il est possible de constater qu’il ne s’agit pas là d’une
réalité récente. Bien au contraire, cet état de fait est, depuis le début du XX e siècle, un problème public à Rio de
Janeiro. Ce travail aborde, premièrement, la présence de rapports locatifs depuis l’origine des premières favelas, puis
le processus de criminalisation de la perception des loyers dans les favelas à partir du Code de la Construction
de 1937. Il se penche, enfin, sur les enjeux suscités par le marché locatif dans le contexte des projets de régularisation
foncière à partir des années 1980.
Mots Clés
Le Sud s’urbanise à vive allure, plus vite encore que ne l’avait prédit le célèbre rapport du Club de Rome, Limits of
Growth, publié en 1972. Ses villes désormais absorbent plus de 90 % de la croissance démographique urbaine
mondiale. Au regard de cette nouvelle poussée urbaine, une question mérite d’être posée : comment les villes du
Sud seront-elles capables de supporter un tel choc démographique, elles qui connaissent déjà d’insurmontables
problèmes en termes de pauvreté, de logement, d’infrastructure sanitaire, d’insécurité, d’accès à l’eau, de pollution,
etc. ? De toute évidence, les solutions imaginées jusqu’à présent par les institutions internationales ne pourront
durablement infléchir la tendance à la précarisation et à l’informalisation croissante d’un nombre toujours plus grand
de citadins. Sans une révision des logiques et orientations fondamentales qui commandent les formules et projets de
développement urbain portés par ces mêmes institutions, le processus d’« urbanisation sans développement » que
connaissent de nombreuses villes du Tiers Monde aura sans doute encore de beaux jours devant lui. Des idées
pourtant existent. Des propositions « alternatives » sont avancées. Mais elles ne trouvent encore qu’un faible écho
sur la scène internationale. De leur côté, les acteurs urbains se mobilisent et initient avec succès des projets
novateurs en termes de développement urbain. Mais, très localisés, leur portée et le impact restent très limités à
l’échelle des villes.
Introduction : une vision « enchantée » de la ville et de l’urbanisation
L’humanité vient de franchir un cap historique. Désormais une personne sur deux dans le monde vit en ville. Et d’ici
2030, le nombre de citadins devrait avoisiner les 5 milliards, soit 2/3 de la population mondiale ! Ce boom urbain
aura lieu presque entièrement dans les villes des pays en développement qui absorberont plus de 90 % de cette
ultime poussée démographique. En 2030, environ 4 milliards de personnes dans le Sud vivront en villes, soit 81 % de
la population urbaine de la planète ! Contrairement à certaines idées reçues, les trois quarts de cette croissance
seront le fait d’agglomérations moyennes ou secondaires de moins de 500 000 habitants voire de bourgades peu
peuplées, la plupart de très faible visibilité, dépourvues de services et d’équipements suffisants que pour faire face à
cette vague démographique. De même, c’est l’Afrique qui connaîtra – et connaît d’ores et déjà – la croissance
urbaine la plus spectaculaire. Sa population urbaine, à l’instar de celle de l’Asie, doublera vraisemblablement en
l’espace d’une décennie. Devant une telle évolution une question mérite d’être posée : comment les villes du Sud
seront-elles capables de supporter un tel choc démographique, elles qui connaissent déjà d’insurmontables
problèmes en termes de pauvreté, de logement, d’infrastructure sanitaire, d’insécurité, d’accès à l’eau, de pollution,
etc. ?
Le Fonds des Nations Unies pour le développement reste sur ce point étonnement confiant et optimiste par
rapport à cette croissance urbaine. Dans son dernier rapport (2007) consacré à la question, il voit toujours dans cette
tendance à l’urbanisation du Sud de réelles opportunités en termes de développement. Même si le rapport fait état
de la montée de la pauvreté [1] et des nouveaux risques urbains, il promeut presque une vision « enchantée » de
l’urbanisation pourvues de toutes les « qualités ». La ville serait un moteur puissant pour le développement grâce à
des atouts présentés comme « inhérents » : concentration humaine, économie d’échelle, proximité des service de
base, employabilité, possible réduction de l’empreinte écologique, etc. La conclusion est sans appel : l’urbanisation
est une chance pour le Sud pour autant qu’elle s’accompagne de politiques appropriées.
Mais qu’est-ce que l’UNFPA appelle « politiques appropriées » ? Le rapport assez curieusement n’entre pas dans le
détail de ses propositions, pas plus qu’il ne s’intéresse aux causes du profond « malaise urbain » vécu actuellement
dans l’hémisphère Sud. Publié un an plus tôt, un autre rapport, celui d’ONU-Habitat (2006) avait adopté un tout
autre ton. Loin du style consensuel et des prédictions « optimistes » de l’UNFPA – et d’une certaine « idéalisation »
du fait et de l’avenir urbain – il sonnait plutôt comme un avertissement quant à la trajectoire singulière prises par la
plupart des villes du Sud.
L’avantage urbain en question
Aussi, Anna Tibaijuka, directrice d’ONU-Habitat déclarait-elle lors de la présentation de ce dernier rapport à
Vancouver en 2006 : « Depuis longtemps nous suspections que la vision optimiste générale de la ville ne
correspondait pas du tout à la réalité sur le terrain. Ce rapport montre très concrètement qu’il existe au sein d’une
même ville en réalité deux villes - d’un côté celle abritant les individus qui tirent tous les bénéfices de la vie urbaine, de
l’autre, les bidonvilles où les gens vivent parfois dans des conditions bien pires que leurs correspondants ruraux » (The
Guardian, 2006). De fait, s’il on s’en tient aux plus récentes statistiques urbaines, qui montrent une croissance
spectaculaire de la pauvreté et des inégalités urbaines, il semblerait que de nombreuses villes du Sud, sinon la
majorité d’entre elles, aient perdu leur statut de « productrices de bien-être » pour une part de plus en plus
importante de leurs habitants. La campagne, considérée comme jusque là comme le lieu par excellence de
production et de reproduction de la misère, cède peu à peu ce douteux privilège à la ville (ONU-Habitat, 2006). Le
dualisme classique « villes-campagnes » semblent se transporter au cœur de la cité, devenue lieu d’une
« polarisation obscène », où inégalités se cumulent, se renforcent et s’approfondissent (Harvey, 2001). De fait, les
écarts en termes de conditions de vie entre habitants des quartiers urbains informels et les ruraux tendent à
disparaître en certains endroits ; alors qu’ils se creusent dangereusement selon le lieu de résidence dans une même
ville. Plus que jamais les villes se divisent en deux monde presque complètement hermétiques : « entre les nantis et
les destitués, les jet-setters mobiles et les habitants immobiles des bidonvilles, les super-consommateurs et les zéro
consommateurs (…) les riches globalisés et les pauvres localisés » (Henry, 2006). Non plus seulement « résiduelle »
comme par le passé, la pauvreté urbain signifie aussi des exclussions accrues, qu’elles soient sociales, culturelles ou
résidentielles.
L’explosion des bidonvilles (36 % de croissance dans les années 1990, un milliard de personne vivant actuellement
dans ce type d’habitat informel, le double estimé dans une bonne trentaine d’années) est la conséquence la plus
visible de la voie prise par le processus d’urbanisation dans le Sud. Autrefois étape transitoire, le bidonville tend de
plus en plus à un lieu de « résidence » permanent pour les nouveaux arrivants ; le seul débouché possible pour une
main-d’œuvre devenue excédentaire. Les portes de sortie s’y font rares. L’ascenseur social ne fonctionne plus. Quant
à l’avantage urbain d’un meilleur accès à l’éducation et à la culture, il demeure, comme le souligne ONU-
Habitat, « un mythe pour la majorité des habitants des bidonvilles ». Une situation d’autant plus préoccupante que la
population des bidonvilles est majoritairement jeune et l’est de plus en plus, l’accroissement naturel ayant pris la
relève des migrations dans le processus d’urbanisation.
Urbanisation et mondialisation dans le Sud : une liaison dangereuse
Ce qui frappe pourtant dans le rapport de l’UNFPA c’est sa croyance inébranlable en la capacité « naturelle » des
villes – à surmonter ses problèmes et à produire du bien-être humain, en supposant une nécessaire interaction
mécanique entre croissance économique, développement et amélioration des conditions d’existence.
Les institutions internationales ont beau citer l’exemple de certaines villes « émergentes » comme Pune, Bangalore
ou Pékin, bonne élèves de la globalisation, mais on pourrait tout aussi bien opposer à ces nouvelles villes hight tech
Lagos, Kinshasa, Karachi, Lima, Dacca, Guatagualpa, ou encore nombre de villes, grandes, petites et moyennes sur les
trois continents (Asie, Afrique, Amérique) où inégalité et pauvreté on atteint des sommets depuis trois décennies. Là,
la mondialisation néolibérale et l’insertion économique des villes ont moins été synonymes de progrès que d’une
véritable « régression » et « involution urbaine ».
Comme explication à ce « mal développement urbain » il faut y voir en partie les recettes néolibérales (austérité
budgétaire, libéralisation, privatisation, dérégulation) appliquées aux villes du Tiers Monde depuis trois décennies,
dont les fameux PAS. Afin disait-on de rendre ces villes plus productives et plus attractives aux investissements
étrangers, elles ont été poussées dans une logique de libéralisation et de concurrence (dans un nouveau contexte
macroéconomique mondial). Les effets de cette première période d’ajustement urbain ont été catastrophiques, pour
ne pas dire cataclysmiques sur de nombreuses villes africaines (alors en pleine croissance). Les villes sont devenues
des lieux de polarisation extrême qui ont reproduit à leur échelle, projeté et imprimé dans leur espace les croissantes
inégalités et contradictions engendrées par ¼ de siècle de réformes libérales et de concurrence inter et intra urbaine
acharnée. Partout ou presque la tendance à la précarisation et à l’informalisation d’un nombre toujours plus grand
de citadins s’est trouvée confirmée et aggravée.
L’intense concurrence entre les villes, alimentée par les processus de mondialisation, a de manière quasi générale
renforcé les inégalités intra et inter urbaines et privilégié quelques grandes villes, en particulier les métropoles des
pays émergents, aux dépens des autres, capitales, villes moyennes ou petites, ne disposant d’aucune structure
d’accueil – ou présentant un avantage comparatif quelconque – pour attirer les capitaux nationaux et étrangers
(Davis, 2006). Etre compétitive, c’est-à-dire s’adapter et offrir les conditions les plus favorables aux investissements
étrangers (infrastructures économiques appropriés, terrain bon marché, avantages fiscaux, main-d’œuvre flexible et
disciplinée) ou dépérir, tels sont les deux seuls choix qui se sont offerts à elles. C’est dire que les villes se sont vues
soumises à la pression toujours plus grande des marchés et des investisseurs internationaux (qui se disputent
maintenant l’énorme potentiel des marchés émergents) qui ont pu eux-mêmes décréter quelles étaient les villes
utiles et celles qui ne l’étaient pas. Des clivages, souvent historiquement déterminés, que l’aide internationale va
accentuer puisqu’elle va de plus en plus être conditionnée à la capacité des villes à tirer vers le haut la croissance
économique nationale (Osmont, 2005). Sans parler de l’intense concurrence fiscale que se livrent les villes qui les
prive de précieuses ressources pour leur développement social et humain (Alternatives Sud, 2007).
Ensuite, partout ou presque, la libéralisation du territoire urbain a détourné l’épargne nationale vers le juteux
marché foncier, engendré un boom spéculatif et une hausse sans précédent des prix de l’immobilier au profit de
nouveaux entrepreneurs de logements. De leurs côtés, les processus de décentralisation ont abouti à vider les
caisses des municipalités et fini par faire reposer tout le poids de la charge fiscale sur les communautés locales
(Dupont, 2005). Quant aux partenariats public-privé censés assurer la couverture des besoins des communautés tout
en leur donnant une voix et un rôle dans la gestion des affaires publiques, leurs résultats sont bien plus que mitigés.
Rarement, les objectifs initiaux ont été atteints ou de manière partielle. Seuls les besoins solvables ou les demandes
d’acteurs influents ont dans la plupart des cas été satisfaits. Les autres demandes, celles des populations les plus
déshéritées, sont restées à la charge des ONG, des collectivités publiques et des communautés urbaines (Miraftab,
2004). De manière quasi générale enfin, la privatisation – à peine voilée dans le cadre du partenariat public-privé –, a
renchéri les prix des services urbains, en vertu du principe du recouvrement des coûts, sans pour autant étendre
substantiellement la couverture.
Une orientation inchangée
Le rapport de l’UNFPA reste pourtant étonnement évasif sur ces questions. Contrairement à celui d’ONU-Habitat
qui pointait ouvertement la responsabilité des politiques de restructuration libérale, et recommandait
impérativement le retour de l’Etat dans la gestion des villes, l’UNFPA continue à appuyer, contre vent et marrée, un
modèle de développement urbain imposées par les institutions internationales et dont on commence maintenant à
voir les effets pervers. Aussi, peut-on y lire, « La concurrence économique se mondialise de plus en plus ; les villes sont
mieux à même de tirer parti des perspectives de la mondialisation et de créer des emplois et des revenus pour
d’avantage d’individus ». Et de maintenir que le mal développement urbain tient principalement à un problème
de « mauvaise gouvernance ».
Voilà des « poncifs » véhiculés par les institutions internationales depuis la fin des années 1970 qui ont la vie dure.
C’est oublier le piège qu’a constitué pour les villes – soumise aux politiques néolibérales – leur insertion dans
l’économie globale. Oublier qu’on a plutôt assisté ces dernières dans de nombreuses villes à une chute du revenu
urbain et à un renforcement des inégalités inter et intra-urbaines. Oublier que si des emplois stables et relativement
bien rémunérés ont été créés ils sont quantité négligeable par rapport à la croissance vertigineuse de l’informel
(8,5/10 des emplois créés dans le monde en développement) et des emplois de seconde catégorie. Pensons aux
conditions de travail dans les maquillas en Amérique centrale ? Est-ce de cette manière que l’UNFPA entend « Libérer
le potentiel de la croissance urbaine » (sous-titre du rapport), ce qu’en réalité se sont évertuées à faire les politiques
urbaines des institutions internationales. Tel était en tout cas dès le début leur objectif explicite (« libérer le
développement en rendant les villes attrayantes pour les investisseurs étrangers »).
Les concentrations urbaines présentent, comme le signale l’UNFPA, certes potentiellement des avantages du point
de vue social, économique, culturel et environnemental. Mais encore faut-il bien voir qu’il s’agit là d’avantages
théoriques, tirés de l’expérience et de la trajectoire des villes européennes. C’est que dans les villes du Sud –
observant au plus près les réalités urbaines - ces « avantages supposés » se sont convertis bien souvent en nouveaux
acteurs de risques.
Le nécessaire retour à un développement endogène : le modèle de Friedman
Pour accablant que soit le constat, il n’a pas pour autant débouché sur une révision des logiques libérales qui sous-
tendent et commandent les projets urbains des organisations, des pays donateurs et des gouvernements nationaux.
Même si un accent nouveau est mis sur la « lutte contre la pauvreté, » la « bonne gouvernance » et la « participation
de la société civile », l’orientation « classique » est restée inchangée. La croissance, la compétitivité et l’attractivité
urbaine restent les objectifs prioritaires. La libéralisation et la dérégulation des territoires de la ville vont bon train.
Comment, dans ces conditions faire face aux nouveaux défis urbains ? De toute évidence, ni les programmes ciblés
à destination des plus pauvres, trop souvent limités et peu adaptés aux environnements urbains spécifiques ; ni les
projets visant à formaliser le monde de l’informel (aides à la création de micro-entreprises, facilités de crédits, etc.) ;
ni une augmentation substantielle de l’aide au développement, et moins encore l’ensemble de ces stratégies qui
reposent sur la confiance inébranlable en un « marché autorégulateur » censé assurer au plus grand nombre
infrastructures et services appropriés, ne suffiront à « améliorer les conditions de vie de 100 millions d’habitants de
bidonvilles d’ici 2020 », 11e cible du huitième Objectif du Millénaire. Et encore, cet objectif apparaît-il bien modeste
et minimaliste au regard du raz-de-marée à venir. D’ici-là en effet ce n’est non pas 100 mais bien 400 millions de
personnes – selon les prévisions les plus basses – qu’il faudra loger décemment .
A l’initiative des autorités urbaines, de partis politiques, des organisations de la société civile, des projets de
développement urbain ont été lancés qui portent déjà leurs fruits. Des expériences inédites de gestion de la cité ont
montré leur efficacité sur le plan social, environnemental, sanitaire ou de la mobilité. Pensons au budget participatif
de Porto Alegre repris par de nombreuses villes brésiliennes ; aux plans de développement intégré de la municipalité
de Curitiba ; aux succès – malheureusement trop peu nombreux – des quelques Agenda 21 locaux mis en oeuvre
dans plusieurs villes. Mais, très localisés, la portée de ces initiatives reste limité. Leur fragilité chronique. Méconnues,
leur écho est faible sur la scène internationale, quand elles ne suscitent pas un désintérêt pur et simple de la part des
acteurs internationaux obnubilés par la croissance et l’efficacité urbaine. Et puis que peuvent ces initiatives face aux
orientations et pressions économiques internationales.
S’attaquer efficacement aux racines du « malaise urbain » nécessiterait la remise en question de ce modèle de
développement urbain imposé au Sud. Des solutions existent. Aussi, John Friedmann (1992), spécialiste des villes
chinoises, propose-t-il un modèle de développement urbain de type endogène qui s’appliquerait non seulement à la
ville mais aussi à sa région alentours (toutes deux liées par des relations de type organique). Plutôt que de chercher à
adapter la ville à son environnement économique externe, il s’agirait plutôt de mobiliser et les énergies et les
ressources locales. Et l’auteur de proposer sept domaines (« clusters ») dans lesquels les autorités urbaines, mais
aussi les agences bilatérales et multilatérales, devraient investir coûte que coûte pour garantir un développement
urbain harmonieux (plutôt que de chercher à adapter son cadre aux investisseurs externes) : 1) les besoins humains
fondamentaux (éducation garantie, accès à des services de qualité, un logement à prix abordable) ; 2) le soutien à
l’émergence d’une société civile organisée et indépendante ; 3) l’héritage urbain (patrimoine et vie culturel) qui sert
au renforcement de la cohésion + identification ; 4) les institutions culturelles, intellectuels, artistiques ; 5) gestion
durable ressources naturelles (fermes, pêcheries, lacs, plages, forêts 6) la qualité de l’environnement physique (air,
eau, qualité des sols, gestion des déchets etc) ; 7) la qualité de l’infrastructure urbain (énergie, communication,
transport).
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Notes
[1] Singulièrement il parle de la visibilité accrue de la pauvreté
Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e
et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.
Autorisation de reproduction ou traduction à demander à cetri (at)cetri.be
Le paysage urbain de Dubaï est souvent représenté comme une ville très dense structurée autour d’une autoroute
principale, la Sheikh Zayed Road, autour de laquelle sont disposés des immeubles de grande hauteur comptant
jusqu’à 40 voire 60 étages. Il est présenté ainsi dans la communication officielle dont l’ouvrage de P. Ziaian est un
exemple.
Cette crise s’est traduite par un effondrement de la bulle immobilière, un des moteurs essentiels de croissance de
l’Emirat, lequel a entrainé un arrêt des constructions et donc des licenciements massifs dans le secteur du bâtiment,
dans la construction comme en amont dans la conception (bureaux d’études et d’ingénierie, cabinets d’architectes)
et en aval dans la commercialisation (marketing, banques, promoteurs immobiliers). Pour l’entreprise nationale
Nakheel, chargée du développement urbain, les licenciements ont été massifs (répétition avec la phrase précédente),
certains évoquant le chiffre de 50 % du personnel licencié et renvoyé dans leurs pays d’origine. Les nombreux articles
de journalistes qui parlent des voitures abandonnées à l’aéroport sont un reflet symbolique des conséquences
sociales et économiques de la crise de la finance immobilière (The Independent).
Malgré cela, un ouvrage de photographies aériennes comme celui de P. Ziaian témoigne de la volonté
gouvernementale de présenter un bilan très positif du développement urbain, en effaçant les traces de la crise
financière et de ses conséquences dans l’économie et l’urbanisme de la ville et de l’Emirat. Cette politique d’image
de la ville, grandiose, hypermoderne, ce « phare de la région du Golfe » (Elsheshtawy, 2011) se retrouve dans les
discours des responsables de l’aménagement chez les promoteurs immobiliers, chez les responsables de la
conception des politiques urbaines et chez les urbanistes aménageurs, et le modèle de développement urbain a été
marginalement modifié depuis la crise. C’est pourquoi nous proposons à l’appui des discours recueillis que
l’hypothèse de l’appel à contribution d’Urbanités d’une transformation de modèle urbain, suite à une crise
économique majeure, ne semble pas validée aux Emirats Arabes Unis. Notre enquête fondée sur de nombreux
entretiens avec les acteurs de ce développement urbain a ainsi permis de constater, dans le discours de ceux-ci, une
défense de ce modèle de développement, défense pourtant fondée sur des arguments partiellement contradictoires
en regard de la position de ceux-ci dans le développement urbain de Dubaï. Si la façon de faire la ville à Dubaï n’a que
peu évolué – en dehors de réformes marginales dans les domaines légaux et financiers -, il faut aussi y voir la
conséquence de la rationalisation produite par les acteurs.
C’est pourquoi des géographes connaisseurs des villes de la Péninsule Arabique comme R. Stadnicki, accompagné
pour un projet de recherche sur les urbanités en marges des villes par le photographe M. Benchetrit, insistent sur la
nécessité d’études approfondies de « la complexité des dynamiques sociales des espaces urbains » (2012). Nous
proposons ici de nous attacher aux discours des acteurs de l’aménagement et de l’urbanisme pour déterminer leurs
points de vue sur les conditions et les modalités de la sortie « durable » de la crise. Nous avons enquêté auprès de
cinq architectes, d’économistes des transports, de dix ingénieurs de transport, de six urbanistes ayant travaillé
comme consultants dans les institutions gouvernementales (RTA, DM), comme cadres dans les entreprises
internationales (ARUP, McDonald), ou comme cadre dans les entreprises nationales (Emaar, Nakheel, Meerath,
DMCC). Certains acteurs ont pu être interrogés à deux reprises au cours des missions de septembre 2011, d’avril
2012 et durant les six mois de terrain au premier semestre 2013. Nous avons ainsi constitué un corpus conséquent
d’entretiens effectués avec un questionnaire semi-ouvert et nourris de nombreuses discussions informelles avec
d’autres informateurs, résidant à Dubaï, ayant travaillé ou non dans d’autres pays du Golfe mais ayant tous vécu les
années charnières de 2008 à 2010 à Dubaï. Les entretiens ont porté sur le développement urbain entre 2002 et 2007,
la crise et les conséquences de celle-ci sur la ville. A partir de leurs réponses, parfois volontairement peu précises ou
plutôt se rattachant exclusivement à leurs responsabilités directes, nous avons établi une première typologie des
motifs de justification du succès du modèle de Dubaï, des motifs de la résistance à la crise internationale et locale et
de son futur prometteur.
UNE VILLE, « CITÉ GLOBALE » (MARCHAL, 2001) EN PLEINE « ASCENSION » (MOLAVI, 2006)
Dite « cité globale » par R. Marchal, Dubaï est la ville principale d’un petit Emirat, membre de la Fédération des
Emirats Arabes Unis situés dans le Golfe Persique méridional. La superficie de l’Emirat est de 4114 km² et comptait,
en 2012, plus de 2 millions d’habitants très inégalement répartis sur le territoire.
Dubaï, ville principale et capitale de l’Emirat a connu son premier essor au 19 ème siècle grâce à une politique fiscale
avantageuse par rapport à celle qui était pratiquée à Manama, capitale du royaume de Bahreïn et à Lengeh, sous le
gouvernement du Shah d’Iran (Fucarro, 2009). L’influence dans le tissu urbain des quartiers commerçants est visible
dans la morphologie urbaine du quartier de Bastakiya à Dubaï, comme l’illustre la photographie 3. Ceci est loin d’être
anecdotique mais représente plutôt une tendance de Dubaï à toujours favoriser une politique économique
extrêmement libérale envers les entrepreneurs, car comme le répétait l’Emir Rashid Al-Maktoum (1958-1990), « ce
qui est bon pour les commerçants est bon pour Dubaï » (Molavi, 2006). Les commerçants puis les entrepreneurs,
originaires d’Iran, puis du Moyen-Orient et très vite du sous-continent indien (Vohra, 2011) ont fait de Dubaï une
plateforme privilégiée d’import et d’export mais aussi de placements de fonds d’investissements. Il est incontestable
que le développement de ce petit Emirat privé de ressources pétrolières et gazières fait figure de modèle dans la
région (Molavi, 2006, Dazi-Heni, 2006, Davidson, 2008).
Le passage de la crique sur une abra entre Deira et Bur Dubaï, photographie de Yoshio Kawashima (Kawashima,
Shimbun et Makishima-Akai, 1968)
En 2006, les mesures politiques en faveur des zones franches améliorent encore la souplesse des formalités et
donnent davantage de libertés aux investisseurs et aux promoteurs immobiliers au moment de l’ascension au
pouvoir du fils de Rashid, Mohammed Bin Rashid Al-Maktoum. Le modèle dubaïote de développement urbain est
fondé sur une intense financiarisation et une totale liberté de choix et de décisions donné aux promoteurs
immobiliers (Kanna, 2011), comme Emaar, Nakheel ou encore Dubaï Holding. L’économie de l’immobilier et la
finance ont connu un très fort développement non seulement grâce aux investissements des classes d’affaires
arabes à la suite des crises politiques des guerres du Golfe et de l’événement majeur du 11 septembre 2001. En
2006, l’ouverture à la propriété foncière aux étrangers a également accéléré le développement urbain de la ville
(Lavergne, 2009:41).
Le gouvernement, le Dubaï Executive Council, ainsi que les institutions ministérielles ont favorisé les
investissements internationaux, surtout le rapatriement des fortunes régionales dans l’immobilier. La majorité des
crises politiques régionales et globales ont conduit les hommes d’affaires libanais, irakiens, pakistanais et aujourd’hui
égyptiens et syriens à se replier à Dubaï, pour plus de sûreté dans l’avenir des investissements. L’apologie de ce
modèle et de son succès dans « l’ascension de Dubaï » vient de sa capacité à « inspirer » à l’échelle « régionale »
(Molavi, 2006:103) jusqu’à représenter « le New York de la région » (ibid. :104) dans les termes de Mohammad Al
Abbar (cité par A. Molavi), homme d’affaires et conseiller du Dubaï Executive Council, proche des cercles du pouvoir.
Cette liberté d’action des promoteurs immobiliers qui se sont vus conférer d’immenses lots à urbaniser contribue à
stimuler un urbanisme « accéléré » (Katodrytis, 2009 : 38) qui échappe entièrement au contrôle de la Municipalité.
Les avantages de Dubaï sont d’être « flexible », « très active » et capable de dépasser les problèmes de
« bureaucratie » (entretien, responsable de l’aménagement au ministère du transport, avril 2012, mai 2013). C’est la
raison qui fait de Dubaï une ville « attractive » et favorisant « les profits » (entretien, avril 2012) grâce à sa politique
de zone franche qui permet de s’absoudre du système de garant local (kafala), et à l’absence de système
d’imposition. Le développement urbain entièrement privatisé de Dubaï a été largement fondé sur la spéculation
immobilière et le recours systématique au crédit. Par exemple, la plus haute tour de la ville, Burj Khalifa « qui a coûté
autour de 1 milliard de dollars »(Kanna, 2012) et d’autres projets beaucoup plus coûteux comme celui de la Palm
Jumeirah ont fini par endetter Dubaï Holding (Nakheel, Dubaï World) à plus de 99 milliards de dollars. L’urbanisme
n’était plus régulé que par la « main invisible » du marché.
LA BANQUEROUTE DE DUBAÏ DURANT LA CRISE ET LE RECOURS À LA SOLIDARITÉ FÉDÉRALE (PIQUET, 2013)
La crise des crédits américains en juillet 2007 et la faillite des banques ont assené un coup d’arrêt à cette économie,
décrite comme une « écologie baroque » (Kanna, 2012) en faisant exploser la bulle immobilière. Le choc sur
l’économie urbaine a été particulièrement ressenti dans la mesure où près de 70% de la richesse produite dans
l’Emirat reposait sur le secteur de la construction et du bâtiment et sur une spéculation intense. L’Emirat ployait sous
une dette de plus de 70 milliards de dollars (Bloch, 2010). En 2009, le magazine américain Newsweek titrait même sa
couverture « Adieu Dubaï ». La crise financière a certainement fait trébucher l’Emirat (Molavi, 2009) quand toutes
ses entreprises nationales ont été écrasées de dettes. Plus de la moitié des projets de construction immobilière a été
arrêtée, formant un paysage urbain de ville fantomatique, un « portrait de ville rêvée » dont on se réveille
brutalement « à l’heure de la crise » (Lavergne, 2009).
La crise aurait dû entrainer une dissolution de ce qui faisait l’attractivité de la ville, un départ de ses habitants
majoritairement expatriés, dénués de droits civiques et en principe sans attache à la ville. Ce ne sont pourtant en
grande majorité que les départs des élites occidentales qui ont été abondamment commentés dans les journaux.
Contrairement « à ce que les médias et les opinions publiques [auraient]voulu faire croire », Dubaï n’a pas disparu,
« balayée par la crise financière » (Molavi, 2009, Moghadam, 2010). Ce furent « des adieux longs » (Bloch, 2010) qui
ont finalement abouti à un « Retour vers le Futur » titrait Business Afrique Méditerranée en octobre 2013. La ville est
candidate à l’accueil de l’Exposition Universelle en 2020.
LA POLITIQUE DE L’IMAGE POST–CRISE DE DUBAÏ
Malgré une dette extérieure colossale et une très mauvaise publicité, Dubaï demeure maître d’une position
centrale dans les échanges commerçants d’import et d’export, en direction par exemple de la République Islamique
d’Iran toujours sous embargo international. C’est aussi une ville à l’économie tournée vers le tourisme et l’industrie
de l’hospitalité qui accueille des touristes du Golfe (Saoudiens, Bahreïnis, Qataris, Omanais), des touristes d’Asie,
notamment du sous-continent indien, à la recherche d’infrastructures de loisirs, et des touristes occidentaux, attirés
par un héliotropisme certain et un cadre idéal pour le shopping.
« LE SUCCÈS DE DUBAÏ C’EST NOUS ! », DIXIT LES ACTEURS DE LA PROMOTION IMMOBILIÈRE
Une architecte-urbaniste, d’origine palestinienne, diplômée d’une grande université libanaise, responsable du suivi
du chantier des tours de Jumeirah Lake Tower (JLT), décrit ainsi l’effet de la crise économique à Dubaï : « ce fut une
légère baisse » tout à fait « normale » après un sommet de croissance. Elle explique que 80 % des tours de la zone
franche JLT ont été construites, seules 10 tours sont inachevées et sont « à demi construites » et comme « nous ne
voulons pas voir de parcelles vides » pas plus qu’avoir un « site visuellement dégradé », « nous recherchons des
investisseurs pour reprendre les contrats ». Elle affirme que ce n’est qu’une question de semaines avant de finaliser
les nouveaux contrats, « tout le monde veut venir à Dubaï » (entretien, avril 2013). Elle pose la supériorité de Dubaï
par rapport à d’autres villes qui auraient connu cette crise en se fondant sur l’image et le bon état des infrastructures
existantes, thèse qui est contestée parfois avec amertume sur le forum internet par les locataires des appartements
des quartiers de Discovery Gardens, de International City ou encore par ceux de Jumeirah Beach Road (Bouchareb,
2012) dont l’enfer du quotidien dans ces tours mal conçues fait écho à I.G.H. de J.G. Ballard (1975).
Vue sur les Résidences de la route de Jumeirah (JBR) et sur les gratte-ciels de la Marina de Dubaï (Montagne,
septembre 2011)
Même si cette architecte admet que plus de la moitié des employés de l’entreprise publique responsable du
développement de JLT a été renvoyée et la moitié de leurs projets de promotion immobilière a été stoppée, elle voit
dans la reprise de Dubaï, la preuve que le marché est la meilleure façon de réguler le développement urbain.
Toutefois, grâce au « contexte agité de la région du Moyen-Orient » (entretien, mai 2013), c’est-à-dire sans les
nommer les printemps arabes, les capitaux syriens et égyptiens commencent à affluer à Dubaï et les premiers effets
se font sentir dans la reprise des affaires. En effet, elle affirme «la plupart des projets gelés durant 2009 sont
quasiment tous finis » (entretien, mai 2013), avançant implicitement qu’il n’y a plus de projets inaboutis dans la ville.
Elle rappelle que le développement pavillonnaire à l’ouest des tours de JLT vient juste d’être livré.
Une résidence récemment livrée par le promoteur immobilier à Jumeirah Park , au second plan les immeubles de
grande hauteur de Jumeirah Lake Towers (C. Montagne, mai 2013)
Très souvent, à l’instar de cette architecte, les urbanistes travaillant chez les promoteurs immobiliers comme
DMCC, Nakheel et Emaar ont tous défendu le principe du marché pour réguler naturellement la production de
logements et de surfaces de bureaux. Ces acteurs défendent le modèle libéral du développement urbain dubaïote,
modèle qui favorise, selon eux, rapidité et efficacité dans les projets urbains. La liberté des promoteurs, auxquels ces
acteurs sont liés, la faiblesse de la régulation et le caractère exclusivement privé du développement seraient les
conditions de succès de Dubaï.
La zone franche de Jumeirah Lake Tower (C.Montagne, 18 mai 2013)
« C’EST À CAUSE D’EUX » DIXIT LES ACTEURS AMÉNAGEURS DES INSTITUTIONS GOUVERNEMENTALES
Le point de vue des urbanistes travaillant à la municipalité et au ministère du transport est différent, mais soutient
toujours la supériorité de Dubaï pour avoir traversé la crise économique de 2009. Les entretiens avec les ingénieurs
des transports publics, avec les urbanistes et avec les économistes des transports ont fait valoir des représentations
similaires, mais des arguments très largement opposés à ceux défendus par les acteurs cités précédemment. En
effet, c’est souvent l’impossible contrôle du secteur privé qui revient dans l’analyse des causes de la crise à Dubaï,
dans plusieurs entretiens obtenus dans les directions stratégiques du Ministère du Transport et de la Municipalité
ainsi qu’à la direction technique de la Municipalité (entretiens, octobre 2011, avril 2012, mars 2013, mai 2013).
D’après le directeur de la section planification et responsable du plan Dubaï 2020, la juxtaposition des grands projets
n’a pas permis à Dubaï d’acquérir une cohérence territoriale. En effet, les grands projets urbains dépendent
seulement de la responsabilité des entreprises nationales chargées de la promotion immobilière. Ils sont
entièrement affranchis du Plan Structural 1995-2012. Ce plan est devenu très vite inapplicable aux conditions
contemporaines de l’urbanisation de Dubaï.
Par conséquent, le libre-jeu du marché, largement basé sur des prévisions de demande élaborées par des acteurs
privés hors du contrôle du ministère et de la municipalité aurait causé une dérégulation et une compétition très
forte. « Si tous les projets à grande échelle conçus entre 2000 et 2007 avaient été construits, Dubaï compterait
aujourd’hui plus de 10 millions d’habitants », avance le responsable du plan Dubaï 2020. La plupart des projets
immobiliers conçus entre 2004 et 2008 ont été annulés ou reportés.
C’est pourquoi les responsables de l’aménagement et de la planification urbaine de la municipalité ont choisi de
conserver l’identité de Dubaï flexible, favorable aux investisseurs et aux entrepreneurs, en un mot libéral dans la
rédaction du plan Dubaï 2020 et des règles d’urbanisme applicables à tous les projets de développement. La
première règle mise en place par le nouveau plan de régulation du développement urbain est de préserver le
« désert » et le territoire de pâturage de « 90 000 chameaux » (Dubai 2020). Plus qu’une réelle protection de leur
pâturage, c’est surtout une façon de préserver le paysage du désert et de contenir le développement urbain à
l’intérieur de limites précisées pour la première fois dans l’histoire de l’urbanisme de Dubaï, tout en offrant la
possibilité d’urbaniser sur la mer. Cependant, aujourd’hui, les projets de construction en mer semblent improbables
après l’échec du projet The World et l’annulation des Palm de Jebel Ali et de Deira à cause du coût faramineux des
infrastructures. La capacité d’action de la municipalité de Dubaï reste plutôt faible dans la mesure où les entreprises
nationales comme Emaar ou Nakheel n’ont pas d’obligation de suivre les recommandations et sont « plus rapides et
plus fortes » (entretien, municipalité de Dubaï, mai 2013).
Dans la confrontation des discours entre les acteurs (privés) du développement urbain et ceux s’efforçant d’exercer
un contrôle, il semble que, malgré une proximité et une coopération quotidiennes, les façons d’imaginer le futur du
développement urbain et d’éviter une nouvelle crise économique et un éclatement de la bulle immobilière à Dubaï
divergent drastiquement. Un mouvement de « prise de contrôle » par la Municipalité est vu comme une agression
par les acteurs de la promotion immobilière (Oula, 2012).
« SI DUBAÏ EST TOUJOURS LÀ, C’EST QUE SON MODÈLE EST DURABLE »
Il est sans équivoque que le territoire de Dubaï, le paysage urbain et la société urbaine ont été violemment affectés
par la « crise globale » (entretien, responsable de l’aménagement, municipalité, juin 2013), financière, immobilière
et économique. Pour les acteurs rencontrés qui ont des responsabilités importantes dans les ministères, ce qui est
arrivé à Dubaï était indépendant de la volonté des responsables de l’aménagement et de l’urbanisme, c’était
imprévisible « en 2007 et en 2008 les études des consultants ne s’attendaient pas à une crise d’une telle ampleur »
(entretien avec un consultant en aménagement, septembre 2011).
D’ailleurs, nombreux sont les urbanistes qui nous ont affirmé « dire que Dubaï n’est pas durable est un peu
exagéré », notamment un urbaniste, fin connaisseur des rouages de l’urbanisme dubaïote et de ceux d’Abu Dhabi et
de Doha (entretien, avril 2013). En effet, puisque Dubaï a survécu à la crise c’est donc que le « syndrome de Dubaï »
(entretien, consultant en urbanisme, avril 2013), placé sous une « dictature du marché de libre-échange », permis par
de « forts moyens financiers et soutenu grâce à une forte armature légale » peut tout surmonter (entretien,
municipalité, mai 2013). Cet acteur-clé de l’aide à la décision en planification urbaine justifie par la grande flexibilité
des lois et des procédures de l’Emirat la capacité de Dubaï à s’adapter et à traverser toutes les crises financières.
Pour se prémunir, le gouvernement de Dubaï et le conseil exécutif exigent désormais que des études de faisabilité
soient conduites pour déterminer les fonds propres de l’investisseur, du promoteur, et de l’entrepreneur,
garantissant ainsi la santé financière durable des projets. Il insiste aussi sur le fait que le cœur de l’économie de
Dubaï est sa logistique, et que la situation centrale de Dubaï sur les routes internationales du commerce garantit un
futur « brillant » à Dubaï. L’activité économique et son statut de ville iconique dans la région sont encore deux
puissants atouts.
La vue sur Dubaï Downtown des Dry docks de Dubaï (M. Esper, 15 mai 2013)
Un autre ingénieur – urbaniste, travaillant depuis 10 ans chez Nakheel comme responsable des infrastructures de
transports publics, a défendu le fait qu’une fois lancés les projets vivaient à leur propre rythme et évoluaient en
fonction de la conjoncture. Par exemple, le projet de la Palm Jumeirah, projet pharaonique, extrêmement coûteux en
remblaiement et en équipement n’est toujours pas entièrement construit, il reste encore un tiers du terrain à
développer.
DUBAÏ S’AFFIRME COMME UN CONTRE-MODÈLE
Dubaï reste un contre-exemple intéressant, capable de résister à une crise, certes grâce à l’influx de capitaux des
fonds souverains de l’Emirat d’Abou Dhabi. Le modèle urbain qui a entrainé cette bulle spéculative a vu ses règles du
jeu modifiées, mais intrinsèquement, le modèle de développement territorial et économique de Dubaï reste
inchangé. Dubaï demeure indispensable dans la région pour les échanges commerciaux, l’accueil des touristes du
Golfe et d’Asie et l’activité financière. Marginalisé durant la crise, le secteur du bâtiment pourrait vite redevenir l’un
des principaux piliers de la croissance économique, si le comité de préparation de l’Exposition Universelle valide la
candidature de Dubaï. En conclusion, il semble que la crise économique, financière et immobilière qui a touché
frontalement Dubaï en 2009 et qui continue de l’affecter n’a pas renversé la confiance des habitants, pas plus que
celle des responsables de l’aménagement à poursuivre leurs projets urbains avec les mêmes méthodes et les mêmes
outils.
CLÉMENCE MONTAGNE
L’auteur, géographe-urbaniste, vit et travaille aux Emirats Arabes Unis. Doctorante à l’Université Paris-Sorbonne, au
sein du laboratoire ENeC (UMR 8185), elle s’intéresse à la fabrique de la ville émirienne et au rôle des infrastructures
de transports dans l’urbanisme.
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Molavi, A., 2005, «Dubaï Rising», Brown Journal of World Affairs, 12 (1), pp 103-110
Molavi, A., 2009, «Do not believe reports of Dubaï’s demise», Financial Times, 11 mars 2009
Oula, A., 2012, « Les mégaprojets du Golfe : au-delà de la privatisation de la ville, la place de l’Etat »,communication
au colloque du GREMMO : Villes, acteurs et pouvoirs dans le monde arabe et musulman, 29 et 30 octobre 2012,
Actes non publiés
Pacione, M., «City Profile: Dubaï, Cities, 22 (), pp 225-265
Piquet, C., 2013, Les pays du Golfe de la perle à l’économie de la connaissance. Les nouvelles terres du libéralisme,
Paris, Armand Colin, 223 p.
Stadnicki, R. et M. Benchetrit, 2012, « Enquête « géophotographique » aux marges des villes du golfe arabique ou
comment dépasser la critique », Carnet de Terrain, Carnet de Géographes (revue en ligne)
Vohra, N., 2011, «From Golden Frontier to Global City: Shifting forms of Belonging, « Freedom » and Governance
among Indian Businessman in Dubaï », American Anthropologist, 113 (2), pp 306-318
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3 Responses to “Le renforcement du modèle de développement urbain de Dubaï après la crise”
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1. Dubaï et la crise de la centralité | dit :
10 novembre 2013 à 23 h 57 min
[...] http://www.revue-urbanites.fr/le-renforcement-du-modele-de-developpement-urbain-de-dubai-apres-la-cr…
[...]
2. Le renforcement du modèle de déve... dit :
14 novembre 2013 à 13 h 44 min
[…] Le paysage urbain de Dubaï est souvent représenté comme une ville très dense structurée autour d'une
autoroute principale, la Sheikh Zayed Road, autour de laquelle sont disposés des immeubles de grande hauteur …
[…]
3. Le renforcement du modèle de déve... dit :
3 décembre 2013 à 21 h 01 min
9 JANVIER 2014 - EVÉNEMENT PARALLÈLE : "DÉVELOPPEMENT URBAIN DURABLE, DÉFIS ET SOLUTIONS POUR FAIRE FACE AU CHANGEMENT
CLIMATIQUE" - INTERVENTION DE M. PASCAL CANFIN, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES CHARGÉ DU
DÉVELOPPEMENT
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Directeur, messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous aujourd’hui sur la ville durable pour faire face au changement
climatique.
Comme l’a affirmé le Secrétaire général des Nations unies lors des « Journées des villes durables » organisées ici-
même le mois dernier, les autorités locales et régionales sont des acteurs presque plus importants que les
gouvernements dans la lutte contre le changement climatique. Car notre enjeu à tous, notre finalité, c’est de réduire
nos émissions dans le monde réel à un niveau compatible avec un réchauffement climatique contenu à moins de 2
degré. En ce sens l’accord international que nous recherchons à Paris n’est qu’un moyen d’atteindre cet objectif.
L’impact du changement climatique est une réalité d’une telle ampleur, qu’il nous est impossible de concevoir des
objectifs de développement durable pour l’agenda après 2015 sans en tenir compte. Il ne s’agit pas de dupliquer
dans ce processus la négociation climatique de la CNUCC – et d’en importer les blocages. Il est indispensable
d’introduire des cibles qui répondent à cet enjeu. Nous devons tracer la voie d’un développement compatible avec
notre objectif de limiter le réchauffement à 2 degré Celsius. Il en va de la pertinence et de l’efficacité de nos futurs
objectifs. Il en va également réciproquement de notre capacité à atteindre nos engagements en matière climatique.
Qu’il s’agisse d’énergie, de mode de consommation et de production ou encore de ville – thème qui nous réunit
aujourd’hui – chacune de ces thématiques doivent inclure des cibles qui contribuent à la lutte contre le changement
climatique.
Les villes ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le changement climatique. C’est pour cela que j’ai confié
aux sénateurs Ronan Dantec et Michel Delebarre la responsabilité de réfléchir au rôle des gouvernements locaux et
régionaux pourrait jouer dans les négociations menant à la Conférence de Paris sur le changement climatique en
2015.
Les villes constituent un "acteur local" stratégique. Les villes génèrent une empreinte écologique majeure, étant
responsables de la consommation de 75 % de l’énergie mondiale et de la production de 70 % des émissions de gaz à
effet de serre. Si elles constituent un facteur essentiel contribuant au changement climatique, les villes sont
également particulièrement vulnérables à ses conséquences, incluant la montée du niveau de la mer, la majorité des
mégalopoles se situant en zone côtière.
Dans le même temps, les villes, si elles sont bien planifiées, représentent une formidable opportunité pour
l’innovation et un moteur puissant de développement. Les villes des pays en développement verront ainsi leur
superficie tripler entre 2005 et 2030. La moitié des zones urbaines qui existeront au Sud à cette date sont encore à
construire. La densité et le potentiel de connectivité des villes sont des leviers majeurs pour enclencher cette
dynamique de prospérité sobre en carbone et soutenable sur le plan social et environnemental.
Les autorités locales et régionales ont donc une responsabilité majeure dans la construction de ce monde durable.
Vos choix en matière d’énergie et de gestion des ressources naturelles, de transports et d’infrastructures,
détermineront notre capacité à atteindre nos objectifs en matière climatique.
Car c’est bien au niveau des villes que nous démontrons chaque jour que lutte contre la pauvreté et soutenabilité
environnementale et climatique sont des objectifs liés et non opposés.
Quand la ville de Curitiba, au Brésil met en place un système de bus en site propre particulièrement innovant, c’est
à la fois un progrès social pour tous ces habitants mais également un mode de transport climatiquement soutenable.
Nous n’éradiquerons pas la pauvreté urbaine dans un monde qui n’aurait pas réussi à contenir le changement
climatique. Car ce sont souvent les plus pauvres des habitants des villes qui sont les premières victimes des
conséquences du changement climatique. Je pense M. Sall, le maire de Dakar pourra en parler.
Mesdames et messieurs,
Plus que jamais nous avons l’impératif de réussir 2015. Réussir en septembre 2015 pour faire aboutir cet agenda
post-2015, réussir en décembre 2015 pour trouver à Paris un accord climatique ambitieux. Réussir pour la première
fois dans l’histoire de l’humanité à définir ensemble un avenir à l’humanité et à notre planète. C’est notre
responsabilité, nous n’avons pas le droit d’échouer.
Je vous remercie pour votre attention.
ENDA TM
Environnement et Développement du Tiers Monde
http://www.enda.sn
ENDA se veut avant tout un réseau d'échanges et de réflexion. Pour illustrer cet objectif, le réseau entreprend des
activités d’appui direct aux groupes de base, et initie des rencontres, des séminaires, des réunions de travail, des
manifestations et des expositions.
Généralités
Historique
Créée il y a 25 ans, l’ONG internationale ENDA Tiers Monde plaide pour une solidarité effective Sud-Sud et
fonctionne sur une véritable engagement associatif de chacun des membres. ENDA vis avant tout une auto-
organisation des groupes de base.
Objectifs et mandat
ENDA Tiers-Monde, dont le siège est situé au Sénégal, est constitué d'un ensemble d'équipes et de programmes en
réelle synergie. Echanges intensifs d’expériences et des techniques à travers tout le réseau composé d'antennes
décentralisées.
Groupes Cible
- Groupes de base en Afrique, dont l’intérêt est de chercher à évoluer dans un esprit communautaire,
- Intellectuels et cadres africains,
- Institutions et administrations du Tiers Monde,
- et plus généralement, toute personne engagée personnellement ou professionnellement dans le respect du
pluralisme et de la culture et dans une solidarité effective Nord-Sud des divers peuples.
Domaines d’intervention
Approche thématique
- Droits de l'homme et droits des peuples, appui aux peuples culturellement les plus menacés, disparités "socio-
spatiales",
- Enfants et jeunes face à l'environnement, à l'emploi et à la culture,
- Articulations administration/population,
- Technologies combinées,
- Ecologie et économie populaire urbaine,
- Communication pour le développement,
- Action contre les modèles de consommation et de production importés
- Lutte contre le sida.
Autre type d’approche
Français, Anglais
Autre : Espagnol
Infos pratiques
o Affiliation
Les appuis extérieurs (Nations Unies, Suisse, Autriche) et le mouvement associatif assurent l'indépendance financière
d'ENDA (66%des ressources).
La France, la Belgique, le Canada, l’Union européenne, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède ont apporté ou
apportent des contributions ponctuellement.
Environ la moitié des ressources viennent en appui direct aux groupes de base, le reste se répartissant entre la
formation, la recherche, les consultations et la communication.
Contacts
Siège
La première définition écrite du terme anglais « slum » apparaît, dit-on, en 1812 sous la plume de l'écrivain et hors-
la-loi James Hardy Vaux, dans son Vocabulary of the Flash Language, où il est présenté comme synonyme de
« racket » ou « commerce criminel ». Aussi, pendant longtemps, le « slum » a été associé à un habitat sale et occupé
par une population misérable et criminelle. En français, le mot « bidonville » a été employé pour la première fois en
1953 à propos du Maroc pour désigner littéralement des « maisons en bidons », c'est-à-dire un ensemble
d'habitations construites avec des matériaux de récupération.
Photo : Le bidonville Dharavi à Bombay (env. 800 000 hab.)
Aujourd'hui, on qualifie de bidonville, un logement qui possède à peu près les caractéristiques suivantes :
Surpeuplement
Logements informels et de piètre qualité, majoritairement situés en périphérie des centre-villes
Accès insuffisant à l'eau potable
Manque d'hygiène
Insécurité des personnes
Insécurité quant à la conservation de la jouissance du domicile.
Image satellite : Le bidonville de Kibéra, Kenya (env. 200 000 hab.) - (Google Earth)
En revanche, tous les urbains pauvres ne vivent pas dans des bidonvilles, et tous les habitants des bidonvilles ne
sont pas pauvres. Bien que ces deux ensembles se recoupent pour l'essentiel, le nombre de pauvres urbains vivant
en dehors des bidonvilles est bien plus important.
Schéma des étapes de la bidonvilisation dans les agglomérations des pays en voie de développement
« C’est d’abord la misère rurale qui emplit les bidonvilles. Puis l’accroissement naturel prend le relais » Noël Cannat
Il existe probablement plus de 200 000 bidonvilles sur la planète, comptant de quelques centaines à plus d'un
million d'habitants. Selon un rapport des Nations unies de juin 2006, près d'un citadin sur trois habite déjà dans un
bidonville.
Carte - Les plus grands "mégabidonvilles" en 2005
Graphique - Part de la population urbaine vivant en bidonville en 2005
Comme le montre cette carte, la plupart des grands bidonvilles sont situés dans des pays en développement, mais,
bien que ce soit souvent occulté, ceux-ci ont existé également dans les pays industrialisés et subsistent encore, mais
de manière plus discrète.
Témoins de la crise du logement, les bidonvilles réapparaissent aujourd’hui en France
(Paris, Porte d’Aubervilliers, 2006)
Typologie des bidonvilles
Plusieurs formes de typologie existent.
Mike Davis, dans son livre "Le pire des mondes possibles", réalise une typologie des bidonvilles autour de la
question de savoir si oui ou non les nouveaux migrants ont les moyens de se loger à proximité des principaux sites de
travail (centre/périphérie) puis après si le logement est formel ou informel :
Les logements formels : vieux immeubles, immeubles construits pour les pauvres, logements publics,
hôtels meublés des marchands de sommeil, location privée ou publique de cabanes.
o Les logements informels : squats autorisés ou non, subdivisions pirates de terrains, ainsi
que les personnes vivant dans la rue. Dans le cas des logements informels, les opérations de
« déguerpissement » sont courantes, surtout quand de grands événements se préparent (JO, visite d’État) ou à
titre de répression politique (une manière de punir les habitants d’un quartier ayant voté majoritairement pour
l’opposition). Les bidonvilles sont le terrain d’un marché foncier invisible où des titres de propriété douteux
s’échangent sans que l’on ait procédé à une viabilisation des lots. La perspective d’une régularisation d’un
quartier alimente un marché immobilier parallèle. Les prix des loyers et des terrains flambent dans les favelas à
l’annonce d’une régularisation. Loger des pauvres est une affaire qui marche. Le retour sur investissement est
rapide même si les logements sont dénués de tout caractère légal. Les propriétaires des cabanes, construites
bien souvent sur des terrains appartenant à l’État, sont généralement des politiciens et des hauts
fonctionnaires.
Pour Odette et Alain Vaguet, dans leur ouvrage "Du bidonville à l'épidémie, la crise urbaine indienne à Hyderabad"
les bidonvilles sont répartis en cinq grandes classes :
Les Taudis : le statut des occupants est variable (squatters, propriétaires, locataires...). Ces secteurs
sont hétérogènes (quartiers populaires et taudis voisinent avec des îlots plus aisés occupés par des familles
attachées à l'environnement traditionnel de leur communauté).
Les huttes itinérantes : abris sommaires réalisés avec des feuilles, de la paille ou de vieux tissus. Ce
sont des îlots de 10 à parfois plus de 50 huttes, caractérisés par une absence totale d'équipements sanitaires.
Les quartiers de squatters : c'est l'occupation d'un terrain sur lequel on ne peut prétendre à aucun
droit (quartiers illégaux,ville légale). Ces quartiers se créent selon deux procédés : la constitution progressive de
slums (des familles initiatrices en attirent d'autres) et l'invasion préméditée et organisée d'une parcelle (le plus
souvent menée par des leaders qui en tireront profit).
Les squatters en voie de régularisation foncière : la squatterisation peut parfois déboucher sur une
régularisation de la situation foncière. La légalisation d'un slum aboutit souvent à une amélioration spontanée des
logements et parfois à l'installation d'infrastructures sanitaires.Ces quartiers en voie de régularisation se situent
souvent en périphérie.
Les quartiers réhabilités : ce sont soit des transferts de slums en périphérie éloignée (sorte de
relocalisation), soit des quartiers de relogement in situ. Mais dans les deux cas, les réussites d'intégration sont
rares. Dans le premier cas, le nouveau slum est deserté du fait de l'absence d'infrastructures de transports. Dans
le deuxième cas on assiste souvent à une récupération par des catégories moins démunies du lieu.
Le slum de Indiramma Nagar à Hyderabad, Inde
L'ONU a consacré sa première conférence sur l'habitat, il y a plus de 30 ans déjà (Habitat I, Vancouver 1976). Face à
l'urgence et à la généralisation du problème de la paupérisation urbaine, la Déclaration du Millénaire vise, dans son
objectif 7, à « améliorer la situation d’au moins 100 millions d’habitants de bidonvilles d’ici 2020 ». Le chemin est
encore long : Kibera, l'un des plus grands bidonvilles africains, se trouve à Nairobi, le siège de l'Agence des Nations
unies pour les établissements humains (UN Habitat)...
Affiche de l'exposition "Bidonvilles, Histoire et représentation en Seine-Saint-Denis, 1954-1974"
Reportage sur les bidonvilles de Nanterre
Sources :
- Mike Davis : Le Pire des mondes possibles, De l'explosion urbaine au bidonville global. Édition La Découverte, 2006.
- Odette et Alain Vaguet : Du bidonville à l'épidémie, la crise urbaine indienne à Hyderabad. Édition Espaces
tropicaux, 1993.
- Wikipedia : Article Bidonville
De nombreux espaces naturels protégés peuvent être considérés comme "urbains", en raison de leur intégration
dans une agglomération. A la fois grands jardins publics et garantie de biodiversité, ils sont nécessaires à la ville. Ils
incarnent la proximité du " sauvage " et une plus-value esthétique.
Cette relation est pourtant conflictuelle, du fait de la pression urbaine et du tourisme, et peut même aboutir à
l'exclusion des populations pauvres.
Carte : Le parc Tijuca face aux favelas à Rio de Janeiro
Le paradoxe des parcs nationaux urbains
Varsovie, Mumbai, Le Cap, Rio, Stockholm, Nairobi, San Francisco : plusieurs métropoles intègrent aujourd'hui des
espaces protégés, enveloppés par des activités et des quartiers résidentiels denses.
Mais au delà de l'idée d'une nature " assiégée " par la ville, des politiques émergent dans les pays développés,
composant avec la protection par une valorisation des écosystèmes, une éducation à l'environnement et des
réglementations foncières strictes.
Les concepts de " nature urbaine ", de " biodiversité urbaine " permettent d'accommoder les espaces construits à la
nature, dans une approche réparatrice.
Cependant, au Sud, la question du développement prime encore sur cette évolution de la relation ville-nature. A Rio
de Janeiro, et plus encore à Mumbai, les parcs sont exposés directement à la fragmentation des milieux naturels, à
l'étalement urbain et aux prédations diverses sur les ressources, avec souvent des réponses inégales.
La tentative de conciliation territoriale expérimentée à Rio - où la situation permet plus de marges de manœuvre -
contraste avec la radicalisation des positions à Mumbai.
Rio : la conciliation
Au cœur de Rio (6 millions d'habitants), le parc national de Tijuca, dont le symbole est la statue du Christ
Rédempteur (sur Corcovado) reçoit environ 2 millions de visiteurs par an. C'est une forêt tropicale secondaire en
mosaïque, coupée par 45 km de routes.
La pression urbaine y est grande : pelerinages, feux de forêt, braconnage, divagations d'animaux s'ajoutent à
l'extension de 100 bidonvilles dans un périmètre protégé par 5 gardes seulement.
Depuis 2008, la gestion du parc est participative, avec un conseil consultatif regroupant des membres de la société
civile et la mairie. Vers le sud et ses quartiers, un mur de protection contre l'expension de bidonvilles a été envisagé ;
ailleurs, des initiatives se developpent avec l'aide d'ONG locales (nettoyage, replantations, écotourisme...)
Photo : Mont Pedra Bonita, (700 mètres, il se trouve à l’intérieur du Parc National de Tijuca)
Mumbai : l'expulsion
Mumbai illustre une situation dramatique d'exclusion sociale par la nature. La mégalopole de 20 millions
d'habitants (auxquels s'ajoutent plus 150 000 personnes par an) exerce une pression accrue sur les mangroves et les
100 km² de la forêt du parc national Sanjay Ghandi, au nord.
Ce dernier sert de château d'eau, de poumon vert et de lieu de ressourcement pour les population urbaines, avec un
site de loisirs et de pèlerinage à l'ouest du parc, et des enclaves urbaines au sud. En 1995, plus de 500 000 habitants
vivaient dans le parc, par extension de l'habitant informel. Ici, le contexte ne permet pas la gestion participative : la
pression sur la ressource en bois, le gibier et le foncier est extrêmement forte. La pauvreté des slums et la croissance
urbaine, symbolisée par des tours verticales aux portes du parc, assiègent littéralement la forêt.
Articles connexes :
L'empreinte écologique
Les parcs, reflet d'un environnement politique et social
Article extrait de :
Atlas des espaces protégés, Les sociétés face à la nature de L. Laslaz (Dir.) - S. Depraz - S. Guyot - S.
Héritier, cartographie et infographies d'Alexandre Nicolas, aux Éditions Autrement, 2012
DÉMOGRAPHIE :
LE XXIE SIÈCLE SERA-T-IL URBAIN
De plus en plus de citadins, de moins en moins de ruraux. Ainsi sera le monde en 2030, selon une étude des Nations
unies sur l’urbanisation galopante. Un futur alarmant, caractérisé par la paupérisation des villes et une fracture Nord-
Sud encore plus grande.
Le nombre de citadins est sur le point de dépasser celui des ruraux. Depuis 1950, le pourcentage de la population
mondiale vivant en ville est passée de 30 à 50 %. D’ici 2030, cette proportion devrait atteindre 60 %. Et on estime
qu’en 2050, les deux-tiers de la population mondiale vivront dans les villes. Selon les mêmes projections, le monde
comptera 36 mégapoles de plus de 10 millions d’habitants en 2015 contre 23 il y a dix ans. Tel est le constat du
rapport de prospective sur l’urbanisation, World urbanization prospects des Nations unies, paru en octobre dernier.
D’après les prévisions, 80 % des Européens vivront dans des zones urbaines d’ici 2020. Mais la population
augmentera surtout dans les zones urbaines des pays en développement. Un phénomène qui s’explique notamment
par l’exode rural et par la transformation progressive des villages en zones urbaines. L’Onu évalue que les villes en
développement accueilleront 4 milliards d’habitants, soit 80 % des citadins du monde d’ici 2030. Les villes indiennes
de Delhi et de Bombay atteindront respectivement 19 et 22 millions d’habitants, et 17 millions pour celles de Lagos
au Nigeria et de Shangaï en Chine.
Hypertrophie des villes
Mais cette redistribution de la population n’est pas sans conséquences. L’urbanisation massive dans les pays en
développement a pour corollaire une multitude de problèmes graves : conditions de vie déplorable (difficultés
d’approvisionnement en eau, manque d’hygiène, insuffisance de logements...), pauvreté, chômage, maladie, etc.
Aujourd’hui, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUE), un quart de la population
urbanisée vit en dessous du seuil de pauvreté. Et un citadin sur trois (soit un milliard de personnes à l’échelle de la
planète) vit dans un bidonville, sans électricité, ni eau, ni accès aux services de base. D’après le rapport des Nations
unies, si la tendance actuelle se poursuit, ce chiffre atteindra 1,4 milliard d’ici 2020. Cet exode rural massif, qui,
contrairement à ce qu’espèrent les populations, ne permet pas d’échapper à la pauvreté, va renforcer encore plus la
fracture entre pays riches et pauvres. Actuellement, dans les pays riches, 6 % des citadins vivent dans le dénuement ;
au Sud, le pourcentage grimpe à 80 %. De fait, la gestion de l’environnement urbain, thème qui se pose déjà avec
acuité, deviendra une priorité dans le monde entier.
Cultiver en ville, une solution d’avenir
La concentration autour des mégapoles créé en outre des difficultés inédites pour nourrir les populations. Car il va
rester moins de paysans dans les campagnes pour nourrir davantage de citadins. Pour espérer nourrir
convenablement les 9 milliards d’habitants que comptera la planète à l’horizon 2050, il faudrait doubler la
production agricole. Un vrai défi ! Pourtant, des solutions se profilent, à commencer par celle qui consiste à cultiver
en ville. Ce que préconise Michel Griffon, agronome. « Il faut tout simplement amener la culture de fruits et légumes,
ainsi que l’élevage, à l’intérieur des zones urbaines et en proche périphérie », écrit-il, expliquant qu’entre autre
avantage, « l’agriculture urbaine permet le recyclage des résidus de la ville : déchets organiques et gaz carbonique ».
D’après la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), ce système d’agriculture nourrit
d’ores et déjà 700 millions de citadins de par le monde, soit le quart de la population urbaine mondiale. C’est
notamment le cas à Pondichery, en Inde, où des jardins en ville approvisionnent les habitants en fruits et légumes. Il
ne faut pas oublier que, dans le même temps, la croissance urbaine fera peser une pression supplémentaire sur
l’environnement et les ressources. Le rapport de l’Onu montre en effet que les citadins, par leur mode de
consommation, leurs déplacements, leurs activités économiques, consomment plus d’énergie que les ruraux et
produisent plus de déchets. La préservation des ressources naturelles, le recyclage des déchets, la limitation des gaz
à effet de serre font également partie des défis considérables à venir.
La Croix : Vous consacrez un nouveau livre aux enjeux de la mondialisation urbaine…
Olivier Mongin : Parce que, après les grandes découvertes et la révolution industrielle, on peut associer la troisième
mondialisation historique à un mouvement d’urbanisation très rapide. En Asie du Sud-Est et en Afrique, on assiste au
départ vers les villes de la dernière génération de villageois. C’est un choc historique : au début du XXe siècle, seuls
8 % de la population de la planète étaient urbanisés !
Cette urbanisation généralisée ne signifie pas que tous les territoires sont construits et habités, mais que les mœurs
urbaines se propagent partout, sans retour : l’industrialisation de l’agriculture, la déforestation, la désertification.
Et elle est en mal d’urbanité et de civilité : l’urbs antique, espace d’intégration marqué par des enceintes, qui
résistent aux flux extérieurs, a divorcé de la civitas, espace politique où les services sont organisés, la justice rendue
et les risques mutualisés.
On observe un double mouvement, centripète et centrifuge : soit des territoires qui n’en finissent pas de s’étendre,
comme ces mégalopoles de São Paulo ou Johannesburg ; soit des pôles qui ont tendance à se replier sur eux-mêmes,
comme Dubaï, l’un des premiers aéroports du monde, ou Singapour, premier port de porte-conteneurs du monde.
La vitesse de l’urbanisation actuelle engendre beaucoup de fragilités, et des dégâts (par exemple l’effondrement
d’immeubles entiers) dont on parle moins que des gratte-ciel de Shanghaï ou Manille !
Quelles sont ces fragilités ?
O. M. : Les chercheurs parlent de « non-lieux », pour évoquer ces espaces urbains sans urbanité. Des espaces
virtuels livrés aux hackers, ou bien privés d’accès et de services, qui s’opposent aux « hyperlieux », ceux de la
connectivité réelle et virtuelle.
Les connexions deviennent le moteur du développement urbain. Plutôt que l’inscription dans un territoire, c’est la
mobilité qui compte. Toutes les villes sont organisées autour des ports, des aéroports, des gares TGV. Pour les
générations à venir, l’accès à la ville, à un logement dans des conditions financières correctes, sera le problème
central.
En Chine, un permis urbain est obligatoire pour pénétrer dans Shanghaï. À Istanbul, l’entrée sur le territoire urbain
se fait à travers des « quartiers tremplins » de logements illégaux, accolés au dernier constitué. Et comment accéder
à l’espace public, s’y déplacer ?
Exister veut dire sortir de chez soi… Alors que la mobilité est devenue indispensable pour survivre, certains espaces
urbains sont bloqués : il faut plusieurs heures aux travailleurs vivant dans les périphéries lointaines pour rejoindre
leur lieu de travail.
La ville n’est plus habitable ?
O. M. : Il y a beaucoup d’inhabitable, de mal habitable, de non habitable : les flux sont plus forts que les lieux, les
séparations plus fortes que les mixités ; il y a des zones blanches, des franges marginalisées, et partout le privé
l’emporte sur le public. Pour contrer ces tendances lourdes négatives, il faudrait reconstruire des valeurs urbaines.
L’urbanisation en cours est fragile, parce qu’elle n’est pas portée par la puissance publique : 60 % des territoires ne
relèvent ni d’un État ni du marché, mais de l’informel. La majorité se méfie de la puissance publique ; dans notre
pays, la démocratie participative est en crise, et pourtant c’est elle qui pacifie les mœurs, permet l’intégration
pacifique dans la ville. «Attention, m’a dit un élu brésilien, vous avez ces valeurs en Europe, ne les lâchez pas trop
vite !»
Ce qu’il ne faut pas lâcher ?
O. M. : La mémoire ! Chaque ville a une histoire, un imaginaire qui doit pouvoir se raconter. Et puis, le savoir : ce
n’est pas un hasard si les villes médiévales ont été créées par les universitaires et les moines, si la question de
l’éducation redevient centrale.
Il faut aussi de la solidarité, des édiles qui organisent l’espace commun. Je plaide pour une « mondialisation par le
bas », et un peu de décélération. On ne peut pas revenir au local ni se passer de la multiplicité des rythmes. Mais on
peut concevoir des villes à plusieurs vitesses, des « villes passantes », où l’on peut passer d’un rythme à l’autre,
entrer et sortir. Il faut des places aussi, des lieux de rassemblement, dans la tradition de l’agora grecque.
Regardez leur rôle dans l’histoire, de la place Tian An Men à la place Tahrir au Caire… Il faut aussi retrouver des
cadres, des sites, des lignes d’horizon : le projet du Grand Paris ne peut se réduire à des connexions, il doit renvoyer à
un paysage sensible : celui qui suit la Seine jusqu’au Havre, et ses mouettes remontant le fleuve, a du sens !
………………….
BIBLIOGRAPHIE
Olivier Mongin est écrivain, directeur de publication de la revue Esprit, et auteur notamment des essais :
La Condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation, Seuil et Point Seuil, 2007, 10 €.
La ville des flux. L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine, Fayard, septembre 2013, 520 p., 26 €.
Recueilli par GUILLEMETTE DE LA BORIE
26/12/13 - 13 H 48 - Mis à jour le 26/12/13 - 15 H 24
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L’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) a organisé en son siège à Rabat, les 1 er et 2 octobre 2012, une
rencontre scientifique internationale sur le thème « Défis futurs du nouveau monde urbain : quel modèle de
développement pour la ville marocaine ? », en collaboration avec l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme
(INAU), l’Association Internationale des Sciences Régionales (RSAI) et le JPI Urban Europe.
L’objectif de cette rencontre est d’analyser en profondeur les forces et les impacts du processus de développement
économique, social, culturel et technologique, induit par les villes du XXIème siècle, de détecter les menaces qui
pèsent sur les zones urbaines (changement climatique, sécurité…), d’identifier les nouvelles méthodes de re-
conception des villes et les pistes de solutions pour des politiques équilibrées qui renforcent le potentiel de
développement des agglomérations dans le monde, d’une manière générale et au Maroc, plus particulièrement.
Ont participé à cette rencontre des décideurs publics, des acteurs de la société civile et plusieurs experts nationaux
et étrangers pour discuter, selon une approche transdisciplinaire, des opportunités et des défis auxquels est
confronté le nouveau monde urbain.
Lien:
http://www.ires.ma/fr/rencontres-et-debats/defis-futurs-du-nouveau-monde-urbain-quel-modele-de-
developpement-pour-la-ville-marocaine
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LE PROBLEME DES GRANDES VILLES EN TANT QUE DEFI GLOBAL, AUQUEL LES PARLEMENTAIRES SONT APPELES A
FOURNIR UNE REPONSE, EN TERMES A LA FOIS DE CIVILISATION URBAINE ET DE DEMOCRATIE
Résolution adoptée sans vote par la 101ème Conférence interparlementaire
(Bruxelles, 15 avril 1999)
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Driving through the Manila slum / shankar s. via Flickr CC License By
OUTILS
La dynamique mondiale d’urbanisation, dans ses diverses composantes, accompagne des mutations et des
interrogations majeures sur l’avenir du monde. Les démarches «smart» constituent une entrée pour les apprécier et
les traiter.
Mais avant d’agir et trouver des solutions, il faut connaître les questions. Un portrait et quelques définitions
permettent de souligner les deux principaux mouvements à l’œuvre: la métropolisation (la concentration accrue des
activités, des populations et des pouvoirs), la bidonvillisation (l’augmentation préoccupante du nombre et de la
proportion des urbains vivant dans des bidonvilles).
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Selon les statistiques assemblées par l’ONU, la population urbaine serait, en 2008, devenue majoritaire. D’ici à
2050, elle pourrait atteindre 6,3 milliards d’individus, soit 70% des habitants de la planète. Chaque jour d’ici à 2050,
la population urbaine pourrait croître, à l’échelle planétaire, d’environ 200.000 habitants. Il ne s’agit que d’une image
extrapolée à partir des projections démographiques couramment admises. Elle donne néanmoins une idée
saisissante des ordres de grandeur. La statistique est, en réalité, imprécise. Les définitions de ce qu’est l’urbain tout
comme la qualité des études et recensements varient considérablement selon les pays. Mais les grandes masses et
les ordres de grandeur sont clairs.
La dynamique planétaire d’urbanisation
Les situations régionales sont, par ailleurs, et évidemment, très différentes. L’urbanisation de nombre de pays
développés a atteint des seuils très élevés, qui ne sont pas partout appelés à encore augmenter. L’urbanisation à la
française, par exemple, est assez caractéristique des pays développés. Deux mouvements l’incarnent: un étalement
urbain consommateur d’espace, une métropolisation qui concentre les activités et les ressources. Le sujet, pour
l’avenir, n’est pas celui de nouvelles villes (comme dans les pays dits en développement) mais celui de l’adaptation
d’anciennes villes. Pour rapprocher ce constat des sujets Smart, il est plus rigoureux de parler en France de Smarter
Cities (des villes que l’on va améliorer) que de Smart Cities (des villes dites intelligentes que l’on va créer).
À l’inverse, l’urbanisation de nombre de pays en développement va se poursuivre. L’urbanisation rapide qui était
courante au milieu du XXème siècle est en réalité révolue. Mais l’urbanisation se poursuit massivement en Afrique et
en Asie, régions les plus peuplées du monde. Ce n’est plus la croissance urbaine qui est en soi remarquable, ce sont
les volumes du phénomène. De 2010 à 2050, la population urbaine asiatique devrait doubler, de 1,7 à 3,4 milliards
de citadins. En Afrique, la population vivant en ville triplerait, passant de 400 millions à 1,2 milliard. D’ici 2050, c’est
95% de la croissance urbaine (en termes de population) qui serait absorbée dans les villes en développement.
Une urbanisation mondiale à deux visages
Schématiquement, deux grilles de lecture insistent sur deux faces opposées de l’urbanisation.
La première souligne les avantages de la vie urbaine, de l’urbanisation et de la métropolisation. L’urbanisation est
traditionnellement analysée comme conséquence de l’exode rural, résultant lui-même de l’industrialisation et de la
modernisation. Augmentation des revenus et amélioration des conditions sanitaires accompagnent le mouvement.
Les facteurs qui améliorent, pour tous, la qualité de vie sont plus répandus dans les villes que dans les campagnes.
Les centres urbains procurent dans l’ensemble un meilleur accès aux services de santé, aux infrastructures, à
l’information. Par ailleurs, les politiques publiques s’appliquent plus aisément en milieu urbain, avec des cibles plus
larges, des économies d’échelle et une efficience accrue en ce qui concerne les transports, la gestion des déchets,
l’éducation.
Au total, comme disent les économistes, les externalités de la ville sont positives. Elles viennent compenser
pollution, crimes, embouteillages, surpeuplement, visibilité de la misère. Certes, la vie urbaine est synonyme
d’interactions difficiles, d’anonymat mâtiné d’isolement, d’exaspérations mutuelles. Certes, la ville fait parfois peur,
car productrice d’inégalités et d’insécurités. Cependant, l’organisation efficiente des politiques publiques, appuyées
sur les outils de type smart, peut permettre d’atteindre, en ville, un équilibre bénéficiant à diverses parties de la
population sans léser qui que ce soit. Pour les optimistes, les avantages potentiels des villes excèdent largement
leurs désavantages.
Et les avantages de la vie urbaine se renforcent encore à mesure de la métropolisation du monde. Mais de quoi
parle-t-on quand on parle de métropolisation? Alors que la diffusion des technologies de l’information pouvait laisser
envisager un moindre intérêt conféré à la localisation, c’est l’inverse qui s’observe. Personnes et activités se
concentrent toujours davantage, notamment pour ce qui concerne les fonctions tertiaires supérieures.
Il s’ensuit des demandes accrues en matière de qualité de vie pour les habitants aisés, et une compétition nourrie
entre villes pour attirer l’argent et les talents. Classées selon leurs prix, leur qualité de vie, leurs infrastructures, les
villes sont comparées dans le cadre de multiples classements. Le défi pour elles est tout autant celui de l’attractivité
que de la cohésion sociale.
Cette métropolisation à l’œuvre donne à voir un monde hérissé de pics (démographie et richesse des villes), alors
qu’il avait pu être imaginé aplati grâce aux délocalisations, au travail à distance et à la généralisation de
l’urbanisation. Et cette métropolisation est généralement présentée comme heureuse, les habitants accédant aux
réseaux et aménités de la vie moderne. Le Smart, concrètement incarné par le Smart Phone, en simplifie et en
améliore considérablement les usages.
Un tiers des urbains habitent des bidonvilles
Une thèse inverse met en avant les périls d’une urbanisation mondiale non maîtrisée. Ce sont les pauvres, dotés
eux-aussi de téléphones portables, qui alimenteront dans une très large mesure la croissance urbaine à venir.
Certains voient dans cette direction une catastrophe à venir. Décrivant, non sans fondement, l’étendue des
problèmes et des calamités, ils en font une description apocalyptique.
La question première est celle des bidonvilles. Les Nations Unies ont estimé et annoncé que le nombre de
personnes vivant dans des bidonvilles avait dépassé un milliard en 2007 et qu’il pourrait atteindre 1,4 milliard en
2020, voire 2 milliards en 2030. Si ces statistiques prêtent, à plus forte raison encore que celles générales sur
l’urbanisation, à discussion, elles indiquent qu’actuellement un tiers des urbains dans le monde habitent des
bidonvilles.
Rappeler que les défis liés à la pauvreté urbaine sont gigantesques est une sorte de leitmotiv des conclusions des
sommets internationaux. Sur la période qui va de 2000 à 2030, la population urbaine des pays en développement
devrait doubler. Pour s’assurer que ces personnes ne se retrouvent pas dans des taudis, il faudrait chaque semaine
pendant ces trente années produire ce que l’on investit pour une nouvelle ville d’un million d’habitants.
Il est incontestable que l’ampleur des problèmes urbains d’accès à l’eau, d’assainissement, d’énergie et de mobilité,
est aujourd’hui inégalée. Et les difficultés pourraient s’accentuer. Les inégalités intra-urbaines deviendraient de plus
en plus visibles, opposant des populations riches protégées dans des résidences fermées à des populations pauvres,
plus nombreuses, concentrées dans des ghettos centraux ou dispersées dans d’immenses bidonvilles.
Les inégalités inter-urbaines, à l’échelle du monde, iraient également grandissant avec, d’une part, des populations
déjà âgées et encore vieillissantes dans les villes du monde développé, et, d’autre part, des populations jeunes, très
jeunes même, dans les villes en extension du monde en développement. La combinaison de la jeunesse et de la
pauvreté dopant la criminalité, la concentration croissante de l’humanité dans des grandes villes pourrait déboucher
sur des conflits majeurs touchant des zones urbaines et des pays entiers.
L’image opposant un monde urbain riche, vieux et relativement pacifié, avec son urbanisation derrière lui et des
villes parfois muséifiées, à un monde urbain pauvre, jeune et dangereux, confronté à l’explosion urbaine, a sa part de
caricature et de vérité.
Le défi commun est de réussir la transition urbaine mondiale. L’urbanisation peut se révéler bienfait ou fléau selon
l’affectation du pouvoir et des ressources. Une urbanisation bien gérée améliore sensiblement la croissance et la
qualité de vie, pour tous. L’inverse est vrai. Mal gérée, l’urbanisation entrave non seulement le développement, mais
elle favorise aussi l’essor des taudis, de la criminalité et de la pauvreté.
Julien Damon
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COTER
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Communiqués de presse
Interviews
Lettre d'information en ligne
Régions et villes d'Europe
24/02/2014
Jean-Paul Denanot
Jean-Paul Denanot, président de la région du Limousin, est intervenu lors du débat sur le développement d'une
politique urbaine intégrée pour l'UE durant la dernière réunion de la commission de la politique de cohésion
territoriale (COTER) du Comité des régions. Il a appelé à défendre la notion de respect du rural et à encourager un
meilleur équilibre entre monde urbain et monde rural.
Près de 70 % de la population européenne vit dans des zones urbaines et les tendances actuelles indiquent que,
d'ici 2030, la population urbaine atteindra 375 millions de personnes - soit 75 % de la population totale de l'UE.
La plupart de ces zones urbaines (56 %) sont de taille moyenne et comptent entre 5 000 et 10 000 habitants; 12,3 %
d'entre elles recensent plus d'un million d'habitants. Seules deux villes européennes (Londres et Paris) figurent sur la
liste des 31 "mégalopoles" mondiales (avec une population de plus de 10 millions d'habitants). Si l'on considère ces
chiffres, l'UE a-t-elle besoin d'un programme urbain? Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les
collectivités locales et régionales dans leurs efforts d'améliorer la qualité de vie des citoyens et de stimuler la
croissance? Ces questions ont été examinées par les membres du CdR et dans un projet d'avis élaboré
par Bas Verkerk (NL/ADLE), membre du CdR et maire de Delft. À l'occasion de la réunion de la commission COTER du
19 février, le rapporteur du CdR a souligné: "Pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, l'Union a besoin
que ses villes s'investissent au niveau des politiques. Nous devons maintenant dépasser le stade des discussions pour
réaliser de réelles avancées dans les pays et les villes".
Le projet d'avis invite les institutions de l'UE à élaborer un programme urbain intégré qui permette un ancrage
structurel de la dimension urbaine dans la politique et la réglementation européennes. Selon les membres de la
commission COTER, ces orientations politiques devraient être fondées sur une approche transversale abordant des
questions telles que le chômage, la pauvreté, l'évolution démographique et les défis climatiques. Elle recommande
également à la Commission européenne de donner aux parties prenantes de plus grandes possibilités de concevoir la
politique urbaine, en faisant participer la société civile et les organisations urbaines, qui connaissent davantage les
besoins de la société et les moyens d'y répondre. D'un point de vue financier, la COTER accueille favorablement la
proposition visant à consacrer 5 % du Fonds européen de développement régional au développement urbain et à
créer des réseaux pour favoriser celui-ci. Elle estime cependant que l'action de la Commission est restée insuffisante
au regard de la place des villes dans la politique européenne. Le projet d'avis invite dès lors la Commission à
intensifier ses travaux menés conjointement avec le CdR pour effectuer un suivi de l'ancrage des villes dans les
nouveaux programmes des Fonds structurels. Le projet d'avis sera à nouveau discuté lors de la prochaine réunion de
la commission COTER le 5 mai, puis sera présenté pour adoption en plénière les 25 et 26 juin 2014.
Jean-Paul Denanot est intervenu pour défendre une meilleure prise en compte de la dimension rurale: "Le monde
rural a plutôt tendance à aller vers le monde urbain qui est devenu une sorte d''eldorado'. C'est tout du moins
comme cela que l'on se l'imagine. Il est important d'insister sur le rôle du rural, tant au niveau de la culture et de
l'artisanat que des capacités de production d'énergie. Il y a matière à introduire une réflexion en vue de maintenir un
équilibre afin qu'il n'y ait pas concurrence entre monde urbain et monde rural mais une parfaite complémentarité."
La Commission européenne, qui est déterminée à élaborer ce futur programme urbain pour l'UE, a organisé les 17
et 18 février une conférence consacrée aux villes. Intitulé "CiTIEs: Villes de demain: investir dans l'Europe", ce forum
a donné lieu à des débats auxquels ont participé des représentants de pouvoirs publics locaux et régionaux de toute
l'Europe. À cette occasion, le Président du CdR, Ramón Luis Valcárcel, a souligné l que "les villes, les agglomérations
et les régions métropolitaines sont de puissants moteurs pour la croissance et l'emploi et, en tant que telles,
contribuent sensiblement à la réalisation de la stratégie Europe 2020 et à la cohésion économique, sociale et
territoriale de l'UE. Dans le même temps, elles sont confrontées à des défis de société complexes. L'UE a été en
première ligne pour l'élaboration des politiques mais, trop souvent, celles-ci ne tiennent pas compte de la dimension
territoriale".
PADDI, Centre de prospective et d’études urbaines
Hô Chi Minh Ville, Vietnam
2004-2008
C’est dans le cadre du programme de coopération bilatérale de la région Rhône-Alpes et de la Province de Hô Chi
Minh Ville qu’ITD Monde-VeT a défini et mis en œuvre le projet PADDI. Le centre avait alors pour mission de
développer les compétences opérationnelles locales, d’appuyer et faciliter la prise et le suivi de décisions
opérationnelles, ainsi qu’une fonction de prospective et d’initiation de travaux de recherches et d’accompagnement
à la publication.
300 fonctionnaires ont alors étés formés à la gestion urbaine. Le PADDI a participé à des études préliminaires et
détaillées et a créé divers répertoires et carnets d’adresses. De même, il a initié et nourri des travaux de recherches
(politiques publiques, logement social, développement urbain, mobilité). Le PADDI a également permis la publication
trilingue (Français, Anglais et Vietnamien) de 8 études du Programme de Recherche Urbaine pour le Développement
et a créé un lexique Franco-Vietnamien des « mots de la ville ».
Budget total : 596 000 €
Partenaires financiers et/ou opérationnels:
Région Rhône-Alpes
Comité Populaire d’Hô Chi Minh Ville
Amélioration des conditions de vie :
Bloc 3 – Quartier 14, District 8, Hô Chi Minh Ville, Vietnam
2005-2008
ITD Monde – VeT a apporté une assistance technique et méthodologique aux autorités du District 8 afin de lutter
contre la pauvreté et améliorer les conditions de vies des 170 foyers de la zone délimitée. Dans un premier temps
nous avons sensibilisés et formés les autorités et communautés locales à la gestion urbaine, au développement
communautaire et aux méthodes participatives. Puis nous avons participé à l’amélioration et l’entretien des revenus,
de l’habitat et des infrastructures.
Grace à un système de gestion communautaire participatif les foyers concernés ont pu être mobilisés dans le
projet. Raccordements électrique, alimentation en eau propre et installations de sanitaires sont venus compléter des
travaux de lutte contre les inondations. Au niveau économique, un fond pour l’entretien de l’habitat collectif et la
maintenance des infrastructures a été mis en place ; ainsi qu’un système de financement des travaux d’amélioration
(crédit et épargne volontaires). Enfin les habitants ont bénéficié d’un accompagnement vers la légalisation de leur
occupation des sols et logements.
Budget total: 81 000 €
Partenaires financiers et/ou opérationnels:
Ministère Français des Affaires Etrangères et Européennes
Région Rhône-Alpes
Amélioration des conditions de vie :
foyers à bas revenus du quartier de Cat Lai
District 2, Hô Chi Minh Ville, Vietnam
2002-2007
Le District 2 était représentatif d’un passage progressif d’un environnement rural à un milieu essentiellement
urbain. De ce fait, ITD Monde-VeT proposa de faciliter la transition par un accompagnement socio-économique des
foyers pauvres et à bas revenus qui représentent 84% des habitants du quartier.
Apres une enquête socio-économique menée sur 200 foyers, un relevé de terrain et la réalisation de plan de
quartier, une phase d’amélioration des infrastructures a été lancée : cimentage de ruelles, construction d’égouts,
adduction d’eau. Un accompagnement technique et financier (crédits) a été effectué pour permettre l’acquisition de
compteurs d’eau et le rehaussement des rez-de-chaussée.
Un bureau de veille à l’emploi et un crédit à la formation professionnelle ont été initiés. Un programme de crédit
épargne pour le développement d’activités génératrices de revenus a été développé. Celui-ci impliquait les habitants
à travailler en groupe de 5 ou 6 membres, cela optimisant la solidarité au sein de la communauté et limitant les
risques de non-remboursement du crédit.
Budget total: 98 000 €
Partenaires financiers et/ou opérationnels:
Ministère Français des Affaires Etrangères et Européennes
Région Rhône-Alpes
Fondation Abbé Pierre
Projet pilote de relogement de Binh Trung Dông
District 2, Hô Chi Minh Ville, Vietnam
2001-2004
L’installation illégale et les conditions de vie insalubres de 53 familles du quartier a été le moteur d’une
intervention d’appui social et technique et de facilitation d’un processus participatif de ces habitants dans leur
relogement.
Après que les habitants soient officiellement devenus propriétaires de terrains via la délivrance de permis de
construire, le mode de l’auto-construction a été choisie par les bénéficiaires et encadrés par ITD Monde. Il s’agissait
de leur amener un soutien technique dans leurs projets individuels et leur laisser les choix d’aménagements et
finitions. En parallèle, ITD Monde a financé et installé un réseau d’assainissement domestique : fosses septiques
individuelles, raccordement au réseau des eaux usées. Une maison de quartier proposant des activités sociales a été
mise en œuvre.
C’est par la mise en place et l’approvisionnement de fonds de crédit par ITD Monde en partenariat avec
l’association Enda Vietnam que l’accès à la propriété a été possible. Cela a permis l’obtention du statut de résident
permanent qui donne accès aux services urbains élémentaires : eau, électricité, traitement des déchets, accès aux
soins, a la scolarisation, droit de vote.
Budget total: 180 000€
Partenaires financiers et/ou opérationnels:
Ministère Français des Affaires Etrangères et Européennes
Région Rhône-Alpes
NOVIB
Assistance à maîtrise d’ouvrage pour la conception et
la construction de l’école des Arts Ménagers «Hoa Sua»
Hanoi, Vietnam
1999-2001
L’école professionnelle des Arts Ménagers Hoa Sua est une institution privée vietnamienne à but non lucratif. Elle
vise à donner une opportunité de formation à des jeunes défavorisés (17- 25 ans) de Hanoi en leur fournissant un
apprentissage aux métiers de la restauration, de la confiserie, de la couture et en les initiant à une langue étrangère
(anglais, français). Aujourd’hui l’école a acquis une renommée nationale et internationale.
En 1999, ITD Monde a été mandaté par le gouvernement vietnamien pour une mission d’Assistance à Maitrise
d’Ouvrage concernant la conception et la construction du nouveau bâtiment scolaire (3 étages sur 1 500 m ²).
ITD Monde s’est chargé de la coordination entre les bailleurs de fonds et les acteurs vietnamiens (direction,
entrepreneurs des travaux). Apres élaboration du programme, du cahier des charges et de l’avant-projet avec la
direction, nous avons supervisé la conception de la maitrise d’œuvre vietnamienne et la conduction des travaux.
Budget Total : 203 850 €
Partenaires financiers et/ou opérationnels :
Gouvernement Vietnamien
Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement
Ministère Français des Affaires Etrangères et Européennes
Ecole professionnelle des Arts Ménagers Hoa Sua
développement urbain
Sommaire de la page
Articles
Bibliographies
Articles
Le Mouvement du droit à la ville et l’été turc
Cet article a été traduit de l’anglais vers le français par Isa Tan, traductrice bénévole pour Ritimo. L’article original
est en ligne sur le (...)
Jadaliyya - CASSANO Jay - 25 juin 2013
Re-imagining public spaces
(English)
By Darryl D’Monte
An innovative new approach to Mumbai’s open spaces is an extensive mapping survey. The same approach can be
used in other cities too. (...)
India together - 18 May 2012
Brésil - L’écodéveloppement solidaire et durable : une chance d’intégrer un projet de société
Ce texte, publié originellement en espagnol par ALAI, a été traduit par l’équipe de traducteurs bénévoles pour
rinoceros.
Le nouveau (...)
FOUCHER Marilza de Melo - 9 décembre 2010
Gérer ensemble les territoires
ECLM, juin 2010, 228 pages, 18 €
Nombreuses, novatrices et souvent pertinentes, ces initiatives méritent d’être mieux reconnues afin de créer plus
de synergies entre la (...)
28 juin 2010
Les favelas de Rio de Janeiro. Histoire et droit XIXe et XXe siècles
L’Harmattan, février 2010, 298 pages, 29 euros
« Qu’est-ce qu’une favela ? Quelle est la nature juridique de ce morceau de ville ? Quel est le statut de ses
occupants ? Sur ce débat (...)
SOARES GONCALVES Rafael - 27 mai 2010
Aumenta brecha entre ricos y pobres
(Español)
El 20% más rico acapara casi 60% de los recursos, mientras que el 20% más pobre recibe sólo el 3.5%.
América Latina y el Caribe es el (...)
Noticias Aliadas - 26 de abril de 2010
Au cœur de Bombay : le bidonville de Dharavi
Le bidonville de Dharavi situé en plein cœur du Grand Bombay, et le gigantesque projet de re-développement
visant à le métamorphoser en (...)
FERNANDO Valérie - 13 mai 2009
L’accumulation flexible par l’urbanisation. Réflexions sur : le "postmodernisme" dans la grande ville
américaine
Multitudes, revue politique, artistique, philosophique
Christopher Jencks (1984,9) date symboliquement la fin de l’architecture moderne et le passage au post-moderne
du 15 Juillet 1972 à (...)
HARVEY David - 18 février 2009
Inde : Évitez l’indigestion !
Le défi énergétique et climatique de la motorisation
L’Agence Internationale de l’Energie a sonné l’alerte lorsque l’Inde a franchi le cap de 3 000 dollars de PIB par
habitant. En effet, dès (...)
Global Chance - ROYCHOWDHURY Anumita - 1er janvier 2009
Les bidonvilles
Les chiffres varient mais le symbole est fort : le monde compte plus d’urbains que de ruraux. Parmi ces habitants
des villes, plus d’un (...)
Alliance Sud - 8 avril 2008
Croissance urbaine et développement durable
Article publié dans Aménagement du territoire et développement durable
Possibilités d'intégration des critères et des valeurs de développement durable dans la croissance urbaine.
Comment gérer le développement urbain de façon durable ?
La croissance urbaine intensive consomme beaucoup d'espaces naturels et de terres agricoles, ce qui appauvrit
la biodiversité et son habitat naturel. Elle allonge les distances, ce qui complexifie les infrastructures
de transports et d'assainissement d'eau notamment, et contribue au morcellement et à l'enclavement des
territoires.
La dispersion de l'habitat, des industries et des commerces contribue à rendre l'automobile indispensable pour
les déplacements, sans alternative de transport propre.
La croissance continue de l'étalement urbainn'est pas soutenable sur le long terme. Les dynamiques territoriales
non maîtrisées aboutissent à des consommations d'espacesinconsidérées. Pour le même nombre d'habitants, la
France consomme annuellement deux fois plus de terrains que son voisin allemand.
Une croissance durable des territoires est avant tout une croissance maîtrisée : une urbanisation plus
dense pour stopper l'étalement urbain, des transports en commun développés, la rénovation des centres-villes
et des quartiers déjà existants, ainsi que l'aménagement des friches industrielles.
La coexistence entre la ville et la nature doit être définie dans une perspective d'écologie urbaine.
Appliquer une politique de développement durable à l'échelle d'une ville, c'est maîtriser l'espace et construire
des villes sur le modèle de ville durable.
1. « L’explosion urbaine »
o a. Une croissance urbaine rapide
o b. Le souci urbaniste
L’essentiel
La croissance des villes suit les révolutions économiques du XIX e siècle. A la croissance industrielle
rapide répond une croissance urbaine exponentielle. La morphologie des villes et des sociétés qui
la composent se transforme alors brutalement, ce qui pose des problèmes. Les Etats tentent de
reconquérir les villes et de contrôler les quartiers ouvriers du centre ou de la banlieue.
1. « L’explosion urbaine »
a. Une croissance urbaine rapide
La population urbaine augmente de façon rapide dans les pays touchés par la révolution
industrielle. En Grande-Bretagne, la population est urbaine à 70 % en 1870, et en Allemagne, alors
que seuls 25 % de la population étaient urbanisés en 1850, la proportion passe à 50 % en 1870.
La cause principale de cette croissance est l’exode rural. A Paris en 1870 par exemple, 6 habitants
sur 10 ne sont pas nés dans la capitale. Les causes de ce flux migratoire sont d’abord les
transformations de l’agriculture : mécanisation des tâches, enclosures et mise en herbe des terres,
moindre consommation de main-d’œuvre d’un monde rural devenu plus individualiste... Cette
évolution pousse les agriculteurs aux moindres capacités financières ou moins innovants à partir.
Le développement du rail accélère ce mouvement par la mise en concurrence des régions agricoles
et le désenclavement des populations rurales.
Les besoins en main-d’œuvre des villes qui concentrent de plus en plus le rôle productif
s’accroissent avec le développement industriel. La population des cités est aussi jeune et
dynamique et les villes reçoivent dans les pays neufs les migrants venus d’Europe (côtes ouest
américaine ou brésilienne par exemple).
b. Une urbanisation qui transforme la géographie des pays
Toutes les villes ne se développent pas de la même façon au cours du XIX e siècle et cette évolution
inégale crée une nouvelle géographie.
Les capitales tout d’abord, centres des décisions politiques et économiques, et premier foyers
industriels, connaissent une croissance rapide. La population londonienne est ainsi multipliée par 2
entre 1850 et 1880 (de 2 à 4 millions
...
La ville sumérienne était au coeur d'un vaste réseau de relations et d'échanges dont le
développement est étroitement lié aux mutations que connaît alors l'ensemble du monde
mésopotamien : la recherche sur la naissance des villes, longtemps confinée à l'étude de quelques
grands sites, situés surtout en Irak, mesure mieux aujourd'hui l'ampleur des relations développées
par les Sumériens avec leurs voisins dès la fin des temps dits « préhistoriques ». Au IVe
millénaire, ils fondèrent des colonies en Syrie et exercèrent une influence culturelle majeure de la
vallée du Nil au plateau iranien, à tel point que l'on a pu parler de « système-monde urukéen » ; au
IIIe millénaire, vers - 2550, la Syrie connut elle aussi une urbanisation que l'on appelle parfois
« deuxième révolution urbaine », pour souligner qu'elle fut plus tardive et influencée par les Etats
sumériens situés plus à l'est.
La hiérarchisation de l'espace bâti a été étudiée au mieux sur un autre site urukéen, fouillé par une
mission allemande dans les années 70 : Habuba Kabira. Le site a livré le plus ancien plan de ville
connu au monde. La ville a vu se succéder plusieurs phases d'occupation. Au cours de la
deuxième phase, elle passe d'une superficie de 6 à 10 hectares et se voit dotée d'un rempart
rectiligne de plusieurs centaines de mètres, décoré sur toute sa longueur de niches. Le mur large
de 3,30 mètres est renforcé tous les 13,50 mètres de tours en saillie de 2 mètres environ. C'est
une véritable opération d'urbanisme dessinée selon un projet préconçu.
A Habuba, les maisons sont serrées les unes contre les autres, et le bâti est irrigué par un réseau
de rues hiérarchisées. Le plan lui-même n'est pas orthogonal mais on a reconnu un grand axe
nord-sud qui paraît s'incurver au nord, et des axes est-ouest qui lient cet axe aux portes de la ville.
Sur ces axes se branchent de petites ruelles, ou des impasses. Les rues principales présentaient
une surface de graviers.
De nombreuses maisons privées sont construites selon un plan tripartite (un espace central bordé
par des salles étroites) et les plus grandes d'entre elles sont dotées d'une cour bordée sur deux
côtés de vastes salles. On a découvert sur le sol de ces maisons un abondant matériel céramique
et surtout des petites sphères d'argile couvertes d'empreintes de sceaux et des tablettes. La
culture matérielle des habitants de Habuba Kabira était semblable à celle des gens d'Uruk et
l'agglomération était dominée par un quartier officiel où on a repéré deux grands édifices tripartites
et un hall de réception très semblables aux édifices d'Uruk. C'était le centre politique de cette ville,
résultat d'une véritable opération d'urbanisme. L'influence culturelle urukéenne s'étendit jusqu'en
Turquie orientale, où se développèrent d'importants centres proto-urbains, comme Arslan Tepe.
La ville sumérienne est au coeur d'un réseau de relations : c'est un centre économique lié à un
arrière-pays avec lequel il entretient des relations multiples. Habuba Kabira était le plus grand
établissement d'une série d'installations urukéennes dans la moyenne vallée de l'Euphrate. Ces
établissements, à l'écart du cours majeur du fleuve pour les protéger des crues, permettaient de
contrôler et d'exploiter la vallée : on y cultivait surtout les terres basses, et celles du plateau quand
les pluies le permettaient. Les établissements contrôlaient aussi la circulation des biens et des
hommes le long du fleuve.
Les différentes formes céramiques qui se diversifient, ainsi que des listes de céramiques
consignées sur des tablettes montrent le développement de toute une série de filières
économiques nouvelles : l'exploitation et la transformation de produits laitiers, la production de
bière et de vin, qui sont autant de marques d'une révolution agroalimentaire aussi importante par
son ampleur que la révolution néolithique. Cette révolution agricole, en effet, concerne les produits
issus des cultures irriguées mais aussi de l'élevage : les milliers d'empreintes de sceaux
retrouvées en Mésopotamie montrent à partir du début du IVe millénaire des scènes artisanales,
notamment des scènes de productions textiles. Jusque-là essentiellement issue de l'exploitation
du lin, la production s'oriente vers la transformation de la laine fournie par de grands troupeaux qui
pâturent dans les marécages du pays de Sumer, voire dans les steppes de Haute-Mésopotamie. A
la fin du IIIe millénaire, on estime que le pays de Sumer avait un cheptel de 535 000 moutons, que
des villes comme Girsu ou Ur employaient respectivement 15 000 et 13 000 femmes dans la
production textile.
On comprend donc pourquoi on a depuis longtemps lié la révolution urbaine à une croissance
démographique que la rente agraire du pays de Sumer rendait possible. Mais est-ce là l'unique
cause de la naissance des villes ?
Au moment de l'émergence des premières villes, les conditions environnementales jouent un rôle
décisif, mais discuté, dans leur développement : installées sur des bras du cours combiné du Tigre
et de l'Euphrate, les cités sumériennes exploitent au prix d'un effort humain limité les ressources
exceptionnellement riches d'une niche écologique, un immense delta, qui offre d'abondantes
ressources piscicoles, des roseaux et l'eau de l'irrigation. A cette époque, la côte du golfe Persique
se trouvait à 200 kilomètres à l'intérieur des terres, et les villes sumériennes de l'extrême Sud-Est
étaient situés sur des lagunes. On pense de surcroît que les pluies des moussons affectaient
jusque vers - 3500 le pays de Sumer. En revanche, à partir de cette époque, les conditions
climatiques actuelles - l'aridité extrême - se mettent en place, et il n'est pas exclu que ces
modifications climatiques aient nécessité un encadrement accru des populations. Cette
dessiccation aurait aussi dégagé d'immenses espaces qui auraient alors été mis en culture par
irrigation.
Quelle que soit la part jouée dans ce processus par l'arrivée de nouvelles populations, la
naissance des villes et l'essor démographique furent liés à l'existence d'organisations collectives
qui avaient mûri dans le sud de l'Irak depuis plusieurs centaines d'années, à partir de - 4300.
L'organisation sociale de ces communautés villageoises était adaptée aux exigences de
l'agriculture irriguée. De puissants lignages dont on a retrouvé les maisons se structurèrent au Ve
millénaire en chefferies. On discute toujours de la part jouée par la religion dans cet encadrement.
L'apparition de bâtiments monumentaux a été diversement interprétée : s'agit-il de temples, de
lieux de réunion, voire de l'habitat de familles de chefs ? Celles-ci ont-elles conforté leur pouvoir en
s'appuyant sur une religion institutionnalisée ? Cette partie de l'Irak fut en tout cas une véritable
« cage sociale » : l'espace habitable y était restreint, on l'a vu, et l'essor démographique, lié aux
rendements agricoles, suscita de considérables problèmes. Cet essor n'alimenta que très
ponctuellement, comme en Grèce, un mouvement colonial. Les problèmes sociaux issus de la
densité humaine furent résolus d'abord par le développement des villes : vers - 3000, sur un
territoire grand comme la Suisse, existent le long de trois grands chenaux de l'Euphrate et du Tigre
une série d'Etats (une quinzaine) qui exploitent chacun une partie du réseau. Ces Etats ne sont
pas des cités-Etats, comme on continue à l'écrire abusivement, mais des micro-Etats qui
comportent plusieurs centres urbains aux fonctions diverses. Un Etat sumérien comme Lagash
s'étend, vers - 2550, le long de plusieurs chenaux du Tigre, sur une longueur de 65 kilomètres,
exploite environ 2 000 kilomètres carrés de terres irriguées (pour une superficie en comptant
environ 3 000), présente 25 bourgs, 40 villages et 3 villes importantes : une capitale politique,
Lagash, une capitale religieuse, Girsu, et un port situé sur les lagunes du cours inférieur du Tigre.
Il avait au nord-est une frontière longue de 45 kilomètres avec son voisin le plus proche, avec
lequel il fut en conflit constant pour le contrôle des terres irrigables.
Ces villes sont aujourd'hui mieux connues. Outre Mari, deux centres ont fait l'objet de recherches
poussées : Ebla d'abord, en Syrie occidentale et le site de Tell Beydar, dans le nord-est de la
Syrie. Centres d'échanges et de direction, ces cités situées dans les steppes de Syrie reposent sur
une autre base économique : le pastoralisme semi-nomade. Elles ne dépassèrent jamais les 100
hectares de superficie, alors qu'Uruk, au début du IIIe millénaire, en atteignait 550. Ce sont là les
tailles critiques des révolutions urbaines de Mésopotamie. La première, vers - 3500, est le résultat
de mutations sociales et écologiques complexes liées à l'évolution et à l'aménagement de la plaine
des deux fleuves. La deuxième, vers - 2550, est le résultat du développement de sociétés
agropastorales adaptées aux steppes de Syrie et liées étroitement aux villes du sud de la
Mésopotamie. C'est donc une révolution « secondaire ». Comme dans d'autres lieux du monde
ayant connu une urbanisation primaire, par exemple la vallée d'Oaxaca et le pays maya en
Amérique, le sud de la Mésopotamie devint entre - 4300 et - 2000 un archipel de villes, fondées
sur un équilibre socioécologique très fragile. La surexploitation des terres du sud de l'Irak, la
séparation des cours combinés du Tigre et de l'Euphrate, l'avancée inexorable du delta des
fleuves ruinèrent progressivement les villes sumériennes au profit de centres mieux situés, comme
Babylone ou Asshur.
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Pascal Butterlin
Maître de conférences en histoire et archéologie des mondes anciens, université de Versailles-
Saint-Quentin-en-Yvelines, laboratoire Urmed. A récemment publié Les Temps proto-urbains de
Mésopotamie. Contacts et acculturation à l'époque d'Uruk au Moyen-Orient, CNRS, 2003.
Situé dans la vallée de Supe, sur la côte nord du Pérou, Caral est un ensemble urbain de 66 ha
présentant 32 structures monumentales associées à des complexes résidentiels et des zones
d'habitat plus modestes en périphérie. Les vestiges, datés entre - 2100 et - 1600, reflètent une
organisation spatiale complexe faisant référence aux points cardinaux et des techniques de
construction élaborées. Le grand temple (153 m sur 109 m) est le monument le plus important du
site, tant par ses proportions que par sa fonction de siège du pouvoir. Il s'agit d'une structure
pyramidale formée de plates-formes superposées d'une hauteur de 28 m, reliée par un escalier à
une place circulaire en sous-bassement. La superposition des structures témoigne de la
rénovation constante des édifices. Cette activité architecturale était liée au domaine rituel. Avant
leur remaniement, les bâtiments étaient enterrés avec diverses offrandes (ossements, textiles).
Toutes ces activités nécessitaient d'importantes ressources humaines et matérielles. Elles reflètent
l'existence d'une société hiérarchisée, avec une élite dirigeante et une population à son service.
Selon R. Shady, Caral représente plus qu'un centre cérémoniel : il s'agirait de la première ville des
Andes centrales dotée d'une population permanente.
Cet exemple illustre bien le problème de l'urbanisme dans les Andes. Mais peut-on
véritablement parler de ville avant l'arrivée des Espagnols ? Les progrès faits par l'archéologie
ces dernières années ont introduit de nouvelles données sans toutefois apporter de réponse
définitive. Les trois premières tentatives d'explication remontent aux années 60. A l'époque, John
Rowe (1) définissait une ville comme un« lieu de résidence permanent des administrateurs,
des commerçants, des artisans et des militaires ». Il distinguait une ville d'un centre cérémoniel
par la présence d'une population permanente, une ville d'un village par le type d'occupation et
situait les débuts de l'urbanisme andin très tôt, dès le IIIe millénaire av. J.-C. Un centre urbain
et/ou administratif se caractérisait alors par un certain nombre de traits : schéma spatial planifié ou
ordonné, complexité formelle et différenciation fonctionnelle de l'architecture monumentale,
existence de zones d'habitation et de préparation d'aliments, une aire totale dépassant 10 ha. Le
célèbre site de Chavín de Huantar (- 1500), entrait dans cette catégorie.
Une autre proposition, due à Richard Schaedel (2), s'inspirant du développement urbain en
Méditerranée orientale, reposait essentiellement sur des critères démographiques. Selon R.
Schaedel, l'urbanisme apparaissait plus tardivement, entre les viie et ixe siècles et était lié à la
transformation des chefferies en Etats expansifs, tels que l'empire Huari. Luis Lumbreras (3),
reprenant ce modèle, associait l'urbanisation à la formation des classes sociales, mais rejoignait J.
Rowe pour la chronologie.
Ces arguments sont aujourd'hui remis en cause par l'archéologie. Il semble que beaucoup de
centres urbains anciens n'abritaient qu'une population permanente réduite : 10 % seulement de
l'aire totale est résidentielle. Les places de marché, essentielles au commerce, sont rares. La
plupart des structures monumentales avaient des fonctions cérémonielles, funéraires ou
administratives. Sur le site de Moche, La Huaca del Sol aurait été vouée à l'administration tandis
que la Huaca de la Luna aurait eu des usages rituel et funéraire. Les structures plus petites
accueillaient les dépôts et ateliers de production de biens destinés principalement au culte. La
religion jouant un rôle essentiel dans les Andes, les calendriers cérémoniels régulent les
mouvements de populations, de services et de biens. Les villes se remplissent et se vident au gré
des cérémonies. On parle alors plus facilement de centres urbains administratifs-religieux que de
villes. Cuzco, capitale du tardif Empire inca (xve siècle), était le coeur du système centralisé du
culte étatique dont les fonctions profanes et religieuses sont mêlées. Son architecture est
constituée de palais destinés au culte des momies des fondateurs de l'Empire, de mausolées et de
temples. Ce noyau monumental est entouré de terrasses de culture et de villages dispersés.
Comparé à l'urbanisme méditerranéen de l'Antiquité, le système andin apparaît « anti-
urbain (4)» et se caractérise par l'absence de tell, la prédominance de l'architecture publique et la
récurrence de formes d'architecture cérémonielle (place, plate-forme échelonnée, rampe...).
NOTES
1
J. Rowe, « Urban settlements in ancient Peru », Nawpa Pacha, n° 1, 1963.
2
« The urbanization process in America from its origins to the present day », Actas y memorias del
36 Congreso internacional de Americanistas, Buenos Aires, 1969.
3
L.G. Lumbreras, De los pueblos, de las culturas y las artes del antiguo Peru, Editores asociados
Moncloa/Campodonico, 1969.
4
K. Makowski, « La ciudad y el origen de la civilizacion en los Andes. Sobre el imperativo y los
limites de la comparacion en la prehistoria », Estudios Latinoamericanos, n° 17, 1996.
TANIA DELABARDE ET NATACHA PANTELIC
Urbanismes de projet
Sur quoi peut-on innover aujourd’hui ? Comment financer ? Comment garantir sa mise en œuvre et imaginer son évolution dans trente ans ? - Photo : Le
nouveau quartier Seine et Parc : reconquérir les berges de Seine pour en faire de véritables lieux de vie (Choisy-le-Roi, 94) © Pattacini (Jean-Claude), IAU
îdF
En Île-de-France, les projets urbains des villes sont les moteurs du développement métropolitain.- Photo : Le parc de Clichy-Batignolles © Lecroart (Paul),
IAU îdF
De plus en plus de projets sont construits hors démarches PLU ou Scot.- Photo : © Lecroart (Paul), IAU îdF
Juin 2012
La conception urbaine face à la diversité des réalités
L’urbanisme de projet n’est pas une idée nouvelle. Mais face au constat d’une construction qui tourne au ralenti, et dans
un contexte de rupture, cette idée revient sur le devant de la scène, apportant au passage quelques idées nouvelles. Ce
numéro des Cahiers rend compte de la diversité des réalités qu’il recouvre selon les contextes : de la reconversion
industrielle à l’aménagement d’espaces publics, en passant par le projet urbain à la campagne ou la création d’axes de
transports. Il montre la permanence, mais aussi l’évolution des réflexions sur la conception urbaine.
L’urbanisme est nécessairement le fruit d’une construction collective
L’idée de projet urbain évolue sans cesse, tentant de s’adapter à un environnement changeant et appelant des démarches
innovantes. Parmi ces changements : la multiplicité croissante des acteurs qui s’invitent dans le projet. Désormais,
l’urbanisme est nécessairement le fruit d’une construction collective où élus, concepteurs, opérateurs, gestionnaires,
usagers et artistes conjuguent leur vision de la ville. Que l’on parle d’urbanisme négocié, concerté, participatif ou encore
«d’urbanisme des voisins », de « mises en projet coélaboratives », toutes ces démarches se fondent sur le dialogue et
l’enrichissement collectif. Cette diversité d’acteurs est d’ailleurs l’occasion de réinterroger chacun sur son rôle, sur ses
pratiques professionnelles et sur la manière de se coordonner. Les marges de progrès sont encore grandes pour
concevoir et mettre en œuvre des outils de management adaptés aux projets urbains et particulièrement à leur dimension
humaine et sociale.
Le rôle essentiel des agences d’urbanisme comme ensembliers ou facilitateurs
Enfin, l’urbanisme de projet, c’est aussi savoir croiser les approches, les échelles et, dans cette optique, il apparaît que les
agences d’urbanisme peuvent jouer un rôle essentiel d’ensembliers ou de facilitateurs. L’innovation est, quant à elle, à la
fois juridique, technique et artistique. Ce Cahiers fait le jour sur les nouveaux outils législatifs, comme le projet urbain
partenarial, le dialogue compétitif ou la loi sur la majoration des droits à construire. Il illustre aussi, à travers de nombreux
exemples, comment la visualisation 3D, l’art et la communication enrichissent le projet urbain. Il montre qu’il n’y a pas
d’urbanisme exemplaire ni de modèle reproductible, mais des démarches d’urbanisme multiples dont la force et la
pertinence résident dans leur capacité d’adaptation.
Sdrif
Contacts
Amelie DarleyGwenaelle Zunino
Repères
La démarche d'ensemblier dans le projet urbain10 février 2009
Le projet d’aménagement des terrains Renault ZAC Seguin-Rives de Seine. Superficie : 74 hectares. Il est prévu la construction de 850 000 m2 de
logements, équipements, bureaux et commerces d’ici à 2016. À terme, 12 000 habitants et plus de 10 000 emplois y sont attendus.
Le tramway grenoblois et ses projets d’extensionPlusieurs projets en cours de réalisation. L’autorité en charge du développement des transports
collectifs prévoit la construction d’une cinquième ligne (E) en direction du nord-est de l’agglomération d’ici à 2014. Dans le cadre d’une charte Urbanisme et
Transports, une restructuration de l'espace urbain de l'agglomération est prévue autour de ces axes de transports « doux ».
Le projet urbain à la campagneLes écoles d’architecture, au-delà de leur mission de formation initiale des architectes, sont aussi des lieux de recherche et
d’expérimentation. La collaboration entre territoires et université est riche pour tous, créant les conditions de débats, colloques et rencontres régulières.
Comment inventer une modernité rurale et accueillir de nouvelles populations dans des conditions soutenables ? Comment économiser sols, ressources et
énergie, en répondant aux besoins d’expansion des petites communes ? …L’ENSA de Nancy fait partie d’un réseau d’écoles qui, via ces ateliers « hors les
murs », formalise une nouvelle forme de recherche territoriale à partir du « projet rural ».
Définition
Les contrats de développement territorial (CDT) sont définis dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Ils doivent mettre en œuvre le développement
économique, urbain et social de territoires définis comme stratégiques, et en particulier ceux desservis par le réseau de transport public du Grand Paris. Ces
démarches contractuelles, à visée opérationnelle, engagent l’État, représenté par le préfet de région, et les communes et leurs groupements. La région d’Île-de-
France et les départements ainsi qu’un certain nombre d’acteurs institutionnels du Grand Paris dont Paris Métropole, l’Atelier international du Grand Paris et
Le projet urbain partenarial (PUP) est le nouvel outil de financement des opérations d’aménagement institué par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de
mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Il permet aux communes ou aux établissements publics compétents de signer avec les propriétaires
des terrains, les aménageurs ou les constructeurs, une convention fixant le programme des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des
futurs habitants et usagers de l’opération, ainsi que les conditions de leur prise en charge (article L.332-11-3 du code de l’urbanisme). Il est mis en œuvre par
voie conventionnelle. C’est la convention qui établit le montant de la prise en charge privée du coût des équipements publics, qui fixe les délais de paiement,
ainsi que les modalités de cette participation. Il crée une souplesse contractuelle entre une collectivité locale et les opérateurs aménageurs, constructeurs, tout
en garantissant une vraie sécurité juridique et un cadre transparent pour les opérations d’initiative privée. Attention, toutefois, le PUP ne demeure qu’une
procédure de financement d’équipements publics : une procédure qui ne doit pas se limiter à une approche technico-financière. Cela favorise le déblocage
foncier, mais cette procédure ne doit en aucun cas dispenser la collectivité, de réaliser au préalable une étude sérieuse de faisabilité du projet urbain sous
«Nous sommes un syndicat d'étude mixte qui est là pour faire des travaux conjoints, déboucher sur des propositions et faire en sorte d'essayer de les faire
passer. Ce qui n'est pas facile, mais ce qui rend l'objectif encore plus intéressant et motivant.»- Photo : © Lecroart (Paul), IAU îdF
«Métropole et gouvernance sont des mots neufs, en fait, pour ce qui nous concerne.»- Photo : © Ballet (Hélène), IAU îdF
Paris Métropole, nouvel acteur du débat métropolitainRetranscription
de la table ronde du 19 octobre 2011. 32e Rencontre de la Fnau
Avril 2012
Depuis 2004, la métropole parisienne a vu la montée en puissance d’un réel intérêt du grand public pour son avenir.
Initié par la ville de Paris, la Région et les nombreux élus locaux réunis dès 2006 dans la Conférence métropolitaine,
repris par l’État avec la consultation des dix architectes, cet intérêt a vu l’émergence parallèle d’une structure originale –
Paris Métropole – portée par la ville de Paris et par les collectivités du cœur de la métropole.
Paris Métropole est devenu un des lieux majeurs du débat pluriel sur la métropole, sous une forme originale et
dynamique, qui fait sens à cette échelle et mérite d’être connue.
L’atelier visite du 19 octobre 2011, organisé et accueilli par l’IAU île-de-France permet de situer Paris Métropole dans le
paysage de la nouvelle gouvernance métropolitaine et de présenter l’ingénierie sur laquelle elle s’appuie.
Ce document constitue la retranscription de la table ronde sur la gouvernance qui s’est déroulée, à l’institut, lors de la
32e Rencontre de la Fnau.
Obstacles au
développement
durable:
l'Arctique à
l'heure de la
mondialisation
des marchés
Le Conseil de l'Arctique met l'accent sur la protection de
l'environnement et le développement durable, spécialement en ce
qui a trait à la poursuite du travail commencé par la Stratégie de
protection environnementale de l'Arctique (AEPS). Comme
l'indique un communiqué du Conseil :
Les Ministres voient la mise sur pied de ce nouveau forum
intergouvernemental comme un symbole de leur engagement afin
d'améliorer la coopération dans le Nord circumpolaire. Le Conseil
va fournir un mécanisme afin de répondre aux interrogations de
tous et chacun et aux défis auxquels font face leurs
gouvernements et les gens de l'Arctique. À cette fin, les Ministres
font particulièrement référence à la protection de l'environnement
arctique et au développement durable comme moyen d'améliorer
le bien-être économique, social et culturel des citoyens de
l'Arctique.
Cependant, comment cela sera-t-il possible quand les projets de
développement qui ne se préoccupent guère de la protection de
l'environnement et du développement durable abondent ou qu'ils
ne vont pas dans l'esprit de coopération environnementale de
l'Arctique ? En effet, comment le développement durable pourrait-
il devenir une réalité dans les différents secteurs de l'Arctique
alors que ces derniers sont de plus en plus assujettis aux
fluctuations de l'économie mondiale ? Le développement à grande
échelle se poursuit dans l'Arctique même si la joie du moment,
avec l'arrivée de la Stratégie de protection environnementale de
l'Arctique (AEPS) et du Conseil de l'Arctique, peut lui avoir
momentanément fait de l'ombre. Mais il n'y a pas que les États
nations souveraines sur un territoire arctique qui voient le Nord
circumpolaire avec un intérêt sans cesse croissant pour le
développement des ressources. L'avenir économique de l'Arctique
dépend de l'économie mondiale et de ses processus, ce qui rend
les diverses régions de l'Arctique vulnérables à la volatilité des
marchés.
Certains pays comme le Japon, la Corée et les membres de l'Union
européenne constituent des marchés pour les précieuses
ressources de l'Arctique, positionnant ainsi solidement le Nord
circumpolaire dans l'échiquier mondial. Les régions du monde
densément peuplées et qui n'ont aucune ou peu de ressources ne
peuvent subvenir à la demande matérielle faite par leurs
populations en croissance. Ces régions se tournent alors vers
celles du Nord pour le développement des pêcheries, des
hydrocarbures et des minéraux. La Sibérie, par exemple, possède
20% des régions forestières de la planète et près de 40% des
forêts de conifères auxquelles il faut encore ajouter la Mer de
Béring qui regorge de l'une des plus grandes réserves de poissons
du monde. Cette réserve est cependant menacée par la nature
commerciale de l'industrie des pêches (une usine de
transformation du goberge a fermé ses portes en 1992 dû à la
surpêche) et les États-Unis ne constituent qu'une nation parmi
tant d'autres qui contribue à l'appauvrissement de l'écosystème de
la Mer de Béring. La surpêche par des flottes internationales de
navires de pêche produit aussi sa part d'impacts sur l'écosystème
marin dans l'Arctique européen. Il y a un besoin urgent d'en
arriver à un accord quant aux règles de gestion. Il semble
cependant que la pêche ne soit pas un point d'intérêt pour la
coopération dans l'Arctique. Il y a incertitude quant à savoir si la
pêche peut faire partie des questions touchant les ressources
renouvelables au Conseil de l'Arctique. Il y a aussi un désaccord à
propos de l'impact de la pêche commerciale. Un rapport de
l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) souligne que le
plus grand impact sur l'écosystème marin est le fruit de la pêche
commerciale, tandis qu'un autre rapport, produit cette fois par les
Ministres du Conseil nordique, contredit l'agence européenne et
conclut que la surpêche dans les eaux européennes n'a pas
appauvri les stocks de poissons.
Le travail entreprit par la Stratégie de protection
environnementale de l'Arctique (AEPS) et ses divers groupes de
travail et qui se poursuit maintenant sous l'égide du Conseil de
l'Arctique, se penche surtout sur l'observation des effets des
problèmes environnementaux de l'Arctique. Le travail de Conseil
de l'Arctique cherche à produire des rapports sur l'état de santé
environnementale de l'Arctique afin de fournir cette information
aux politiciens, aux scientifiques et aux communautés autochtones
afin de formuler des recommandations afin que les ministres des
gouvernements agissent pour la protection de l'environnement et
le développement durable. Bien qu'on reconnaisse ouvertement
que les problèmes environnementaux auxquels est confronté
l'Arctique proviennent de l'extérieur de la région, la coopération
environnementale dans l'Arctique nécessite une perspective plus
ouverte quant aux dimensions régionales et globales des
changements environnementaux et des pressions exercées sur la
ressource. Ce qui se produit ailleurs dans le monde est tout aussi
important pour l'Arctique. Le discours environnemental de
l'Arctique nous donne encore cette image de l'Arctique employé
comme une sorte de laboratoire naturel pour étudier les
changements qui affectent l'environnement au niveau mondial
(une phrase très utile pour justifier les demandes de subvention
de la part des fondations scientifiques et des conseils de
recherche), mais il néglige de prendre en considération
l'importance et la pertinence du phénomène de la pauvreté dans
les pays en voie de développement, de la déforestation au Népal,
des inondations au Bangladesh ou des activités des corporations
transnationales dans le sud-est asiatique pour l'avenir de
l'Arctique, ses peuples et ses ressources.
Les plus grandes menaces à l'écologie de l'Arctique résultent de
prime abord des conditions sociales qui découlent de l'activité
humaine et de son interaction avec l'environnement dans un
contexte local, régional et finalement, mondial.
Mais le mandat des groupes de travail entrepris sous la direction
de la Stratégie de protection environnementale de l'Arctique
(AEPS) a été d'observer les effets systémiques et cumulatifs des
processus globaux sur une région spécifique, aussi vaste fut-elle,
plutôt que d'essayer de comprendre les processus sociaux,
économiques et politiques souvent complexes mais qui sont
pourtant à la source des changements environnementaux et des
pressions exercées sur les ressources à l'échelle mondiale. Les
futures stratégies pour la protection de l'environnement de
l'Arctique et le développement durable bénéficieraient d'une vision
allant au-delà d'une perspective centrée sur l'Arctique dans le but
de conceptualiser les liens économiques, sociaux et
environnementaux entre l'Arctique et d'autres régions du globe.
Ceux qui travaillent à la préparation d'un calendrier de travail pour
des initiatives quant à la protection de l'Arctique ont besoin de
tenir compte du processus de mondialisation. Comme c'est le cas
dans presque toutes les parties du monde, les relations sociales,
économiques et politiques, dans l'Arctique, font maintenant
vraiment partie de la mondialisation. Dans l'Arctique moderne,
presque tous les aspects de la vie sont influencés et modelés par
des événements, tendances, décisions et activités qui se prennent
ou se produisent ailleurs. Un simple coup d'oeil aux étagères bien
remplies d'un supermarché de Fairbanks ou encore une tasse de
café partagée avec des chasseurs de phoques sur la banquise
dans le nord du Groenland (alors que leurs femmes sont à
préparer des peaux de phoque qui seront ultérieurement
exportées vers le Japon) suffit à montrer comment les résidants
de l'Arctique font vraiment partie d'un réseau mondial de
production et d'échange. L'Arctique étant inextricablement liée au
reste de la planète par des rapports culturels, idéologiques et
politiques souvent complexes, il en découle le besoin de
comprendre le processus de mondialisation qui affecte la
population, la production, les changements technologiques, la
consommation et les styles de vie, et ce, dans une perspective
mondiale. Une population croissante génère une demande
considérable sur les ressources et, à cet effet, la production
mondiale croît afin de rencontrer la demande de consommation.
Ceci, inévitablement, mène à l'épuisement des ressources
naturelles comme le charbon, le pétrole, le gaz et les minéraux et
contribue à l'émission de gaz à effet de serre comme l'acide
carbonique, ainsi qu'à la perte d'habitats et l'extinction d'espèces
florales et fauniques.
Il n'y a pas que les pays développés qui exercent une pression sur
l'environnement, poussés par leur désire de progrès économique
et le maintient de modes de vie opulents et d'une économie active
(l'industrie japonaise, par exemple, est à épuiser les forêts du
Sarawak et du Sabah), mais il y a aussi les pays en voie de
développement. L'un des héritages du colonialisme fut la création
et la formation de types de sociétés qui doivent non seulement
s'ajuster aux systèmes postcoloniaux mais dont le développement
économique suit la même trajectoire que celle des pays
développés. Plusieurs de ces pays en voie de développement
doivent trouver des façons de diversifier la base de leur économie.
Le développement industriel requiert l'utilisation d'une plus grande
quantité de pétrole, ce qui entraîne du même coup une hausse des
émissions d'acide carbonique. Non seulement les pays en voie de
développement doivent-ils nourrir leurs populations grandissantes
mais ils doivent aussi payer des dettes massives accumulées à
l'étranger, ce qui explique en partie la déforestation (comme en
Amazone). La croissance du nombre de régions urbaines dans le
monde en voie de développement produit aussi sa part de stress
sur l'environnement. Quoiqu'une majorité de la population des
pays industrialisés vive en régions urbaines, c'est la population
urbaine d'Afrique qui connaît la plus forte croissance et dès les
premières décennies du vingt et unième siècle, la moitié de la
population mondiale se trouvera sans doute dans le Sud et le sud-
est asiatique. La plupart des gens de ces régions habiteront dans
des villes qui n'arrivent pas à produire ce dont elles ont besoin
pour survivre. Les ressources des régions rurales, des océans et
de régions comme l'Arctique seront alors vitales pour un monde de
plus en plus urbain.
L'avenir des régions arctiques est sans doute ainsi lié à des
intérêts régionaux, sociaux, politiques et économiques loin des
réalités de l'Arctique. Dans un ouvrage intitulé The Age of the
Arctic (1989), Osherenko et Young soulignent l'importance d'une
vision du développement de l'Arctique en termes de liens
transnationaux plutôt que sous le modèle classique des relations
entre le noyau et la périphérie (aussi appelé l'exploitant et
l'exploité) développé sous l'influence du colonialisme. Comme les
deux auteurs expliquent,
Les investisseurs étrangers peuvent promettre des capitaux et des
technologies de pointes pour le développement de l'Arctique tout
en ouvrant les portes vers des marchés pour lesquels il n'y a pas
de demande au niveau local. À quelques exceptions près... cela ne
s'est pas traduit par des accords de types coloniaux ou même en
des relations néocoloniales. Au contraire, les investissements
directs de la part de corporations étrangères ou de gouvernements
sont de plus en plus nombreux et produisent un réseau complexe
de relations transnationales dans l'Arctique.
Les pêcheries représentent un bon exemple de l'impact des
pratiques transnationales sur les modes de vie des régions ;
pratiques qui nuisent souvent au développement. Les
communautés qui dépendent des ressources marines, soit dans
l'Arctique comme n'importe où ailleurs dans le monde, sont
assujetties aux effets et influences de la mondialisation. Celles-ci
se font de plus en plus sentir dans tous les aspects de la vie
sociale, économique et culturelle. Il est important de concevoir les
divers problèmes des communautés côtières en relation avec la
restructuration mondiale des pêches, de l'équilibre et de la
compétition entre diverses espèces et selon les différentes zones
de pêche, l'internationalisation des sources d'approvisionnement
pour les usines de transformation et le marché de vente au détail.
Il faut aussi tenir compte de la redistribution des richesses
d'acteurs traditionnels comme les pêcheurs locaux et les
travailleurs des usines de transformation vers des joueurs plus
puissants à l'échelle mondiale comme les corporations
transnationales. L'une des conséquences les plus importantes de
la mondialisation sur les pêcheries se fait sentir de façon
marquante dans les modèles de gestion des ressources et dans la
transition du poisson à titre de ressource commune vers la notion
de poisson à titre de propriété privée. Ainsi, les pêcheries qui
étaient jusque-là une industrie ou même un mode de vie assujetti
au contrôle et à la réglementation des autorités locales, régionales
et nationales, sont devenues des entreprises mondiales contrôlées
par une poignée de compagnies transnationales.
Les relations entre le commerce international, l'environnement et
le développement durable sont souvent mal compris alors que les
tendances du marché mondial influent sur l'élasticité possible de
l'utilisation des ressources renouvelables. En ce moment, les
subventions aux pêches constituent l'un des principaux obstacles à
une pêche renouvelable, nuisant au commerce et générant une
surcapacité - ce qui entraîne la surpêche et le déclin des stocks de
poissons. La possibilité de réaliser un développement durable
dépend des nations qui éliminent les subventions aux pêches. À
cet égard, l'Islande possède une longueur d'avance. Dans ce pays,
on déploie beaucoup d'efforts afin d'encourager les pêcheurs à
détourner leur attention des stocks de poissons en déclin afin de
se concentrer plutôt sur des techniques de pêche qui soutiennent
le développement durable. Cette pratique est le fruit de la
coopération internationale et de la formulation de critères
écologiques pour un 'étiquetage vert' des produits de la pêche.
Tandis que la l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation
et l'Agriculture (FAO) travaille sur ce projet, de grandes
corporations et des organismes non-gouvernementaux (OGN) font
aussi des progrès significatifs dans le but de garantir de bonnes
habitudes environnementales via un système d'étiquetage vert. Un
bon exemple de cela nous vient du Marine Stewardship Council
(MSC), une initiative de la compagnie Unilever et du Fond Mondial
pour la Nature (WWF). Le MSC a déjà imposé ses propres normes
à l'échelle mondiale pour une pêche durable et travaille en ce
moment à stimuler la création de nouveaux marchés en
récompensant les pratiques écologiques dans le domaine de la
pêche. En un sens, cela peut poser une menace à la viabilité des
communautés des régions côtières et des industries locales dont
les activités reposent sur des denrées de la mer produites pour le
marché international. À cela s'ajoute une attention sans cesse
croissante de la part des consommateurs quant à la sécurité des
produits de la mer destinés à la consommation humaine. Bien que
le but d'un étiquetage vert soit d'assurer une cueillette écologique
des ressources, cela peut aussi contribuer à masquer certaines
distorsions du marché - l'efficacité d'un tel système ne sera
connue qu'une fois que la recherche sur l'économie en milieu
côtier et sur les techniques de pêche sera mise en contexte avec
l'internationalisation de la production et des échanges ainsi
qu'avec les activités et influences des corporations transnationales
impliquées dans le secteur des pêches.
Les communautés des régions côtières qui dépendent de la prise
des ressources marines sont exposées aux effets combinés des
forces mondiales, du commerce international, de la restructuration
de l'industrie de la pêche et de l'élargissement de la portée des
politiques de pêche par l'action des environnementalistes. Ces
communautés doivent aussi relever un défi encore plus difficile
puisqu'elles font face à des changements de dynamiques
communautaires soit en raison du déclin de l'importance attribuée
à la parenté et à la famille dans l'organisation sociale de la pêche,
soit à cause de diverses réactions face aux changements sociaux
et aux divisions qui surgissent entre les différentes associations de
pêcheurs et à l'intérieur même de ces organisations. Jusqu'à tout
récemment, les pêcheries locales des communautés côtières du
Groenland, de l'Islande et du nord de la Norvège, étaient
traditionnellement caractérisées par des organisations de petite
échelle basées sur la famille. Ces pêcheries engendraient du
même coup des formes d'organisations sociales distinctes
reposant sur des groupes de parents proches d'où l'on recrutait les
équipages de pêche. Aujourd'hui, la réalité de plusieurs
communautés de ces mêmes régions côtières est que les gens
s'en remettent de plus en plus à des associations professionnelles
en plus ou en substitut des organisations familiales. Comme c'est
déjà le cas dans plusieurs villages de pêche de l'Atlantique Nord,
des communautés jusque-là définies pour leur intérêt lié à des
liens familiaux étroitement tissés, sont remplacées par des
réseaux d'associations dispersées selon le type de travail et où les
relations familiales sont remplacées par des liens contractuels et
plutôt formels. Ainsi, dans un Groenland qui se veut de plus en
plus technique et moderne, la chasse devient de plus en plus
commerciale alors que la pêche, elle, se transforme en une
activité de plus en plus complexe sur le plan de la technologie. Les
pêcheurs investissent dans des bateaux de plus en plus grands et
de plus en plus sophistiqués pour se lancer à l'assaut des eaux de
différents secteurs du Groenland. Quoique dans certains cas, les
frères d'une même famille choisissent d'investir ensemble dans
ces navires, leurs équipages ne sont pas toujours apparentés mais
plutôt des employés bien qualifiés qui reçoivent un salaire plutôt
qu'une partie des profits des prises.
De plus, l'utilisation durable et renouvelable des ressources de la
mer et la viabilité des modes de vie de ces localités sont menacées
du fait que les poissons, phoques et baleines, assujetties aux
droits d'utilisation commune, sont de plus en plus perçus comme
des ressources privées et divisibles soumises à des régimes de
gestion rationnelle. En Islande, le principe d'usage commun a été
appliqué aux ressources de la mer tout au cours de l'histoire du
pays tandis qu'au Groenland, la tradition voulait plutôt que la
faune n'appartienne à personne. Dans les deux cas, comme
ailleurs dans les pêcheries de l'Atlantique Nord, un poisson ou un
mammifère marin ne devient une denrée soumise à la propriété
individuelle qu'une fois capturé et transformé en propriété privée.
Encore à ce stade, des règles complexes, des croyances et des
habitudes culturelles peuvent aller à l'encontre de la définition
exclusive de propriété individuelle. Au Groenland, le partage et la
libre distribution de la viande de phoque ou provenant d'autres
mammifères marins sont perçus comme la reconnaissance de la
dette des gens envers l'animal, à commencer par le chasseur et,
de ce fait, exprime combien nul n'a de droits exclusifs sur les
prises. Ainsi, bien que le développement de marchés pour les
poissons et les viandes du Groenland soit une source de revenus
pour les chasseurs et pêcheurs de la région, il provoque aussi des
débats à l'intérieur des communautés quant à l'utilisation
adéquate des ressources de la mer. Pour plusieurs personnes, la
chasse aux phoques et à la baleine incarne les relations qui posent
un problème en terme d'idéologique, de nature et de culture. La
chasse à des fins commerciales soulève aussi un problème face à
la question du partage et de la distribution de la viande pourtant
essentielle à la survie de la culture et de l'identité même du
Groenland puisque le partage et la distribution de viande
expriment et maintiennent le tissu social qui unit les Groenlandais.
Quoique la plus grande partie du fruit de la chasse soit partagée
entre les membres immédiats de la famille du chasseur ainsi
qu'avec d'autres proches, au Groenland de nos jours, un nombre
croissant de chasseurs vendent leurs prises de subsistance aux
usines de transformation maintenant installées dans la plupart des
villages et ce, pour des raisons mentionnées précédemment.
Quand la chasse est menée afin de pourvoir aux demandes d'un
marché qui va bien au-delà des besoins communautaires ou de
ceux de l'économie régionale, il y a ce sentiment que l'idéologie de
subsistance traditionnelle qui met l'accent sur les relations de
sang, les liens communautaires, le partage et la réciprocité, est
brouillée et changée à jamais.
La nature changeante des politiques et des cultures qui façonnent
l'usage des ressources de l'Arctique, les conséquences de la
mondialisation et des pressions exercées sur les ressources
auxquelles s'ajoutent des valeurs politiques, culturelles et
esthétiques souvent conflictuelles en ce qui a trait à l'avenir de
l'Arctique, justifient le besoin de repenser l'Arctique en termes
géopolitiques. De récentes perspectives géographiques et
politiques sur la façon dont l'Arctique et ses régions changent sous
l'action géopolitique, économique et culturelle, ont mené à
certains progrès en ce sens. En ce début de vingt et unième siècle,
les recherches en sciences naturelles et sociales, dans l'Arctique,
prendront de plus en plus d'importance puisqu'elles tentent
d'expliquer des questions d'ordre mondial. Il est tout aussi
important de tenir compte des processus de mondialisation et de
leur impact si nous voulons comprendre l'Arctique d'aujourd'hui et
la place qui lui revient dans le contexte de la mondialisation.
E n dehors des quelques mots de présentation de la ville de Bogotá, la présente fiche consiste
notamment à montrer l’intérêt d’étudier la question de la gouvernance urbaine dans des grandes
villes de pays en voie de développement en général et à Bogotá en particulier : une métropole de
plus de huit millions d’habitants confrontée à des problèmes de planification urbaine du fait d’une
croissance urbaine effrénée, trait commun de nombreuses métropoles dites « du Sud ». On peut
penser que l’analyse de la gouvernance urbaine de Bogotá s’avère instructive pour les urbanistes
du monde entier, des pays en voie de développement comme des pays développés. Etudier la
gouvernance urbaine de Bogotá renvoie à s’interroger sur le rôle des pouvoirs publics ainsi que sur
le rôle des acteurs privés, associatifs et des habitants de Bogotá. L’entretien réalisé avec David
Luna et les différents exemples de projets étudiés – le programme OSP, Metrovivienda et
TransMilenio – rendent compte des principales évolutions connues par la ville depuis le début des
années 1990 ainsi que des traits originaux de la gouvernance urbaine de Bogotá.
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BOGOTÁ ?
Ce travail sur Bogotá, mené par l’association Urbanistes du Monde, s’inscrit dans le cadre d’une enquête plus
globale sur l’identification de nouvelles pratiques en terme de gouvernance urbaine dans huit métropoles de
pays en voie de développement (Bogotá, Rio de Janeiro, Casablanca, Oujda, Dakar, Ouagadougou, Accra,
Cotonou). Il s’agit du fruit d’une collaboration entre Urbanistes du Monde, le Master Stratégies Territoriales et
Urbaines de Sciences Po Paris, l’Ecole Centrale de Paris et la Fondation Charles Leopold Mayer pour le Progrès
de l’Homme.
La question de la gouvernance urbaine est devenue une problématique centrale en politiques publiques. Le
mot anglais de « governance » a été introduit dans les années 1990 par des économistes et politologues
anglo-saxons ainsi que par certaines institutions internationales comme l’ONU, la Banque Mondiale et le FMI.
Son utilisation découle du constat de l’ingouvernabilité des sociétés et des défaillances des gouvernements
institutionnels en place. Le terme de gouvernance renvoie à l’art ou la manière de gouverner mais se
distingue clairement du mot « gouvernement » (défini comme une institution) : c’est la promotion d’un
nouveau mode de gestion des affaires publiques fondé sur la participation de la société civile. 1
Pourquoi étudier cette notion dans le cadre de métropoles de pays en voie de développement ? Tout d’abord,
il s’agit de l’objet d’étude et de travail de l’association Urbanistes du Monde : cette association a été créée en
décembre 2005 dans l’optique de mobiliser des urbanistes occidentaux prêts à collaborer et relever, avec les
équipes locales, les défis de la croissance urbaine des grandes villes dites « du Sud ». L’objectif de
l’association est avant tout de collaborer avec les équipes locales à travers un transfert de compétences dans
les deux sens auprès de confrères étrangers.
Par ailleurs, cette étude globale part du présupposé que l’analyse de la gouvernance urbaine dans des
métropoles de pays en voie de développement peut permettre de casser certains clichés occidentaux et d’en
retirer un apprentissage bénéfique pour les urbanistes européens. L’association Urbanistes du Monde projette
d’organiser début 2009 un forum sur la gouvernance « des métropoles du Nord et du Sud » avec la question :
qu’est-ce que les secondes ont à apprendre aux premières ?
Le travail réalisé ici s’intéresse à la question de la gouvernance urbaine à Bogotá, capitale de la Colombie. Il a
été réalisé à partir des éléments bibliographiques (documents, entretiens, photographies) rassemblés par
Carolina Valdes Restrepo, architecte-urbaniste colombienne, secrétaire générale et correspondante
d’Urbanistes du Monde pour Bogotá, chargée de DSU (Développement Social Urbain) à OPIEVOY et expert
auprès de la Commission européenne (URBACT).
La ville de Bogotá, officiellement appelée Santa Fé de Bogotá Distrito Capital, est la capitale de la Colombie.
Elle se trouve à plus de 2 600 mètres d’altitude dans la Cordillère orientale des montagnes du nord des Andes.
Depuis sa fondation, en 1538, la ville de Bogotá s’est étendue selon un processus lent et progressif sur le
plateau de Cundinamarca selon un axe nord-sud (la carrera Cra 7, aujourd’hui) et ce, jusqu’au début du
20ème siècle. Jusqu’au 16ème siècle, les limites de la ville sont restées les deux fleuves San Francisco et San
Agustín ; ces barrières naturelles ont été rompues ensuite, le développement de la ville se poursuivant
toujours selon un axe nord-sud. Le maillage orthogonal du centre historique de la ville ainsi que ses édifices
(la place principale, les établissements publics, les églises et les résidences) témoignent de la période
coloniale espagnole qui a marqué l’histoire de Bogotá. La ville est aujourd’hui caractérisée par un plan en
damier avec de nombreuses avenues orientées nord-sud (carreras) coupées perpendiculairement par des
rues (calles). La densité humaine est aujourd’hui élevée (210 habitants par hectare en 2000).
La ville de Bogotá compte aujourd’hui 8 550 000 d’habitants (dont plus de deux millions supplémentaires
depuis 1990). La majorité de la population est très jeune. 56% de la population a moins de 30 ans et 14% de
la population a plus de 50 ans. Chaque année, la capitale colombienne reçoit 150 000 nouveaux résidents.
Cette croissance démographique lui a permis de concentrer plus de 17% de la population nationale. Bogotá
est le plus grand centre urbain de la Colombie sur le plan démographique mais également sur les plans
économique et social : concentration de 25% du PIB, premier marché national des capitaux, premier centre
d’éducation et de services sociaux et commerciaux. Par ailleurs, son statut de capitale politique lui a donné,
depuis la Constitution de 1991, une particularité administrative. A noter que la ville est divisée en :
vingt localités, chacune avec un maire local désigné par le maire de Bogotá pour un
mandat de quatre ans et un conseil municipal élu au suffrage universel, appelé Groupe
Administratif Local (les Juntas Administradoras Locales),
5200 quartiers dans lesquels sont élus des comités d’habitants appelés Groupes d’Action
Communale (Juntas de Acción Comunal).
Tableau récapitulatif des différents échelons locaux institutionnels à Bogotá (réalisé par l’auteur)
Quartier Groupe d’Action Communale (JAC – Junta Elu par les résidents du quartier
de Acción Comunal)
Tableau récapitulatif des différents échelons locaux institutionnels à Bogotá : (réalisé par l’auteur)
Source : Photographies issues du Site Internet www.ambafrance-co.org
Bogotá, métropole sud-américaine, est confrontée comme l’ensemble des grandes villes des pays en voie de
développement à une croissance urbaine effrénée, difficilement contrôlable, encore récemment peu planifiée.
D’après le nouveau rapport de l’ONU-Habitat L’Etat des villes du monde (édition 2008-2009), « les pays en
voie de développement sont responsables de 95% de la croissance urbaine mondiale et apportent 5 millions
de nouveaux urbains chaque mois ». La population urbaine des pays en voie de développement devrait
doubler d’ici à 2050 selon l’ONU.
Cette croissance urbaine suscite de nombreux enjeux en matière de gestion urbaine pour l’ensemble des
métropoles des pays en voie de développement. La Ville de Bogotá n’a pas échappé à la règle. La forte
croissance urbaine de ces dernières années et l’incapacité d’intervention de la part des pouvoirs publics
jusqu’aux années 1990 ont entraîné le développement, sans aucune planification, d’un urbanisme anarchique
et informel. En découlent :
Ce ne sont pas les résultats qui étonnent le plus nos yeux d’occidentaux mais les mécanismes originaux mis
en place pour les atteindre. On peut penser que l’analyse du fonctionnement de la gouvernance urbaine de
Bogotá s’avère instructive pour les urbanistes du monde entier, des pays en voie de développement comme
des pays développés (même si les enjeux, les problèmes, les préoccupations, les contextes et les histoires
sont différents). Etudier la gouvernance urbaine de Bogotá renvoie à s’interroger sur :
le rôle des pouvoirs publics (le politique et l’administratif) aux différentes échelles
spatiales,
le rôle des acteurs non gouvernementaux et institutionnels : les acteurs privés,
associatifs, les habitants de Bogotá.
Le dossier réalisé sur la question de la gouvernance urbaine à Bogotá cherche à répondre à une question
principale : en quoi la ville de Bogotá, « métropole du Sud », témoigne d’un certain nombre de projets
originaux en matière de gouvernance urbaine ? Dans le cadre de ce dossier, quatre fiches ont été réalisées :
Fiche n°1: Entretien avec David Luna, élu à la Camara pour Bogotá – Comprendre
l’évolution de la gestion urbaine de Bogotá depuis une quinzaine d’années.
o Il s’agit d’un compte-rendu d’entretien réalisé avec David Luna, un jeune politicien qui a
travaillé sur des territoires urbains à des échelles et des enjeux différents : élu d’une
localité, il est ensuite devenu conseiller de la capitale, puis élu dans une instance
d’envergure nationale. Ce compte-rendu d’entretien met en lumière avant tout le rôle-
clé des acteurs politico-institutionnels dans la gestion d’une ville telle que Bogotá.
Fiche n°2 : Le programme « Obras con saldo pedagógico » à Bogotá. Un exemple de
gouvernance urbaine innovante dans la capitale colombienne.
o Obras con saldo pedagógico (OSP) – « Ouvrages à vocation pédagogique » en français –
est un programme d’amélioration du cadre de vie mis en place par la municipalité de
Bogotá à partir de 1995. Ce programme s’appelle Obras con Participación ciudadana
(« Ouvrages avec une forte participation citoyenne ») aujourd’hui.
o Ce programme fait figure d’exemple réussi lorsque l’on évoque la question de la
gouvernance urbaine à Bogotá dans la mesure où il présente une méthodologie de
travail innovante, fondée sur la mise en place d’accords contractuels entre organisations
sociales locales et pouvoirs publics. Les organisations sociales et civiques et, à travers
elles, les habitants sont placés au centre du programme : ce sont elles qui créent et
montent leur projet d’amélioration du cadre de vie des quartiers les plus carencés de
Bogotá.
Fiche n°3 : Metrovivienda, une entreprise à capital public chargée de la question du
logement social à Bogotá. Une solution innovante proposée par les pouvoirs publics face à
la croissance urbaine informelle.
o Comment faire face au déficit chronique d’offre de logements dans la capitale ?
Comment l’administration publique peut-elle traiter notamment la question du logement
social dans une ville telle que Bogotá ?
o En 1999, l’administration d’Enrique Peñalosa tente de trouver une réponse à ces
questions en créant Metrovivienda, une entreprise industrielle et commerciale à capital
public chargée de la promotion du logement social. Les pouvoirs publics mettent en
place un système original dans lequel une entreprise privée à fonds publics fournit des
terrains aménagés, choisit des projets de logements proposés par des promoteurs (sous
certaines conditions de prix de vente) et accompagne les ménages dans l’achat des
logements sociaux réalisés.
Fiche n°4 : TransMilenio ou l’organisation des transports collectifs à Bogotá. Le cas d’un
système de transports en commun exemplaire dans une métropole latino-américaine.
o TransMilenio est le système de transports en commun de Bogotá créé à partir de 1999
sous l’administration d’Enrique Peñalosa. Son étude est incontournable dans ce dossier
sur les exemples innovants de la capitale colombienne en matière de gouvernance
urbaine. TransMilenio est un système complexe fondé sur l’intervention d’acteurs publics
et privés qui travaillent de concert pour assurer un système de transport collectif massif
pour l’ensemble des habitants de Bogotá.
Les différents projets étudiés – le programme OSP, Metrovivienda et TransMilenio – témoignent de la volonté
d’action des pouvoirs publics ainsi que du rôle plus prononcé qui est donné et que se donnent les acteurs
privés de Bogotá cette dernière décennie. L’entretien réalisé avec David Luna constitue un peu le fil rouge de
l’ensemble du dossier ; il met en évidence l’ensemble des enseignements tirés de l’étude de la gestion urbaine
de la Ville de Bogotá depuis le début des années 1990, à savoir :
Le rôle essentiel du politique à travers les figures de maires comme Jaime Castro,
Antanas Mockus ou Enrique Peñalosa. On a le sentiment que ce sont les pouvoirs publics
qui sont avant tout à l’origine de la nouvelle dynamique que connaît Bogotá en matière de
gestion urbaine, alors que les administrations successives précédentes avaient joué un
rôle mineur, sans pouvoir faire face aux différents enjeux liés à la croissance urbaine que
connaissait la capitale.
Le projet de transports en commun de TransMilenio a par exemple été porté à bout de bras par Enrique
Peñalosa. Ces maires charismatiques ont insufflé une dynamique à la ville de Bogotá en introduisant de
nouvelles pratiques innovantes dans l’organisation de l’administration publique, pratiques qui ont dépassé la
planification urbaine traditionnelle.
Ce nouveau souffle impulsé par certains maires s’est inscrit dans un cadre politico-administratif et législatif
nouveau. Les administrations dirigeantes de la Ville se sont appuyées sur les grandes réformes
(institutionnelles, fiscales et administratives) qui découlent de la promulgation de la nouvelle Constitution de
1991.
A l’échelle infra-administration centrale de Bogotá, de nouveaux pouvoirs publics ont émergé : les localités,
représentées par des maires locaux et les Groupes Administratifs Locaux (JAL – Junta Administradora Local).
Même si leur rôle est apparu marginal dans les différents programmes étudiés, il est pour autant non
négligeable (les JAL interviennent dans la négociation des projets locaux, comme c’est notamment le cas dans
les programmes OSP).
Le programme OSP (aujourd’hui appelé « Obras con participación ciudadana ») constitue une bonne
illustration de l’application de ces différents objectifs. C’est un exemple de planification urbaine avec
participation citoyenne : en collaboration avec leurs représentants élus, les habitants de plus de cent quartiers
tentent d’améliorer les conditions de vie et la qualité de l’espace public.
A noter que c’est dans le cadre du processus de décentralisation (depuis 1991) que les maires locaux, plus
autonomes, ont commencé à considérer la participation des habitants comme un enjeu de planification
urbaine. Chacune des localités doit notamment rédiger un plan de développement local participatif (« Plan de
desarrollo local participativo ») dans lequel sont définis les projets prioritaires du territoire. La réalisation d’un
tel plan nécessite la création d’espaces de dialogue entre les organisations sociales, les individus et les
pouvoirs publics.
Le rôle du privé à travers des partenariats public-privé originaux. Les enjeux et les
responsabilités d’un certain nombre de projets (transports en commun, logement,
création d’espaces publics…) étaient tels qu’ils ont nécessité la mise place de mécanismes
de régulation et de financement innovants et originaux qui peuvent étonner du fait de
l’introduction réussie d’acteurs privés dans des programmes a priori d’essence publique.
TransMilenio et Metrovivienda sont les exemples qui illustrent la mise en place de ces
partenariats public-privé originaux et innovants du point de vue de la gouvernance
urbaine à Bogotá.
Rappelons tout d’abord qu’à l’origine, le développement durable est un objectif macroscopique à mettre en
relation avec celui de « développement », lequel repose sur la notion de progrès, tant quantitatif que
qualitatif.
La célèbre définition du développement durable donnée par Harlem Gro Brundtland, alors premier ministre
de Norvège, en 1987 : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les
capacités des générations futures à répondre aux leurs7. » a été illustrée par le non moins célèbre schéma
des trois piliers du développement durable.
Ce schéma traditionnel est parfois complété avec un quatrième pilier: la démocratie participative ou
gouvernance, celle-ci pouvant aussi être un thème commun aux trois piliers. Enfin d’autres encore ajoutent
comme 4ème pilier la culture (et l’éducation). Cependant cette représentation n’empêche pas les media de
présenter, quasiment tous sans exception (y compris bien sûr Le Moniteur), le développement durable dans
la rubrique Environnement, comme un volet de l’environnement, comme une approche transversale de
l’environnement…
Comme le souligne René Passet, « le développement durable ne constitue pas une théorie mais un
objectif ». C’est une démarche qui vise au progrès social et à la qualité de vie dans le respect des
générations futures et des contraintes économiques.
L’objectif d’une politique de développement durable est donc de favoriser la mise en place d’un
mode de production et de développement compatible avec le long terme et centré sur l’homme.
Le développement durable est défini dans la circulaire du 11 Mai 1999 sur l’évaluation des politiques
publiques :
De même les indicateurs européens ou nationaux ne sont pas adaptés à l’échelle régionale ou
départementale, ni à celle de la ville et des agglomérations.
Voir le référentiel élaboré par le MEED en 2006 sur le site du ministère (cf. ci après).
Téléchargez :
Et nous avons tous conscience aujourd’hui que les actions menées en faveur de l’environnement n’ont pas
réussi jusqu’ici à inverser la tendance d’une dégradation globale.
L’intégration des politiques territoriales, et notamment urbaines, dans une démarche de développement
durable globale est une nouvelle optique encore en devenir…
« Le cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable, comme la priorité accordée
au développement durable dans la future génération des contrats de projets Etat Régions permettent de
développer une nouvelle synergie en faveur de la mise en œuvre de la stratégie nationale de
développement durable sur les territoires. » (Circulaire du 13 juillet 2006)
Le MEDD a retenu cinq finalités essentielles de développement durable, lesquelles avaient déjà été
mises en avant dans un certain nombre de déclarations et de textes fondateurs du développement durable
dans le monde :
la lutte contre le changement climatique et la protection de l’atmosphère , qui constitue un enjeu majeur
de solidarité entre les hommes, entre les territoires et entre les générations ;
la préservation de la biodiversité (qui est une composante majeure de la durabilité des écosystèmes
dont dépendent, directement ou indirectement, toutes les sociétés humaines) et la protection des
milieux et des ressources ;
l’épanouissement de tous les êtres humains , finalité qui correspond à l’article 1 de la déclaration de
Rio : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils
ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. » ;
la cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et entre les générations , incontournables du
progrès social ;
une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation
responsables, c’est-à-dire à la fois moins polluants, moins prédateurs en terme de ressources et de
milieux naturels, et limitant au maximum les risques pour l’environnement et les conditions de vie sur
terre. Cette dynamique nécessite un changement des modes de production et de consommation
actuels.
Cette circulaire rappelle aussi les critères de développement durable d’un projet ou d’un programme
d’actions définis par le MEDD en Octobre 2005 :
la participation de la population et des acteurs du territoire dès l’amont du projet et tout au long de sa
mise en œuvre,
l’organisation du pilotage ou du processus décisionnel qui doit tenir compte de l’articulation des niveaux
(échelles) de territoire et du principe de subsidiarité,
la transversalité de la démarche, laquelle s’exprime notamment par le décloisonnement des cultures et
des méthodes de travail,
un processus d’évaluation, laquelle doit être partagée d’une part et pensée dès l’amont du projet
d’autre part,
une stratégie d’amélioration continue.
Enfin cette circulaire précise les champs d’actions concernés, parmi lesquels figure l’urbanisme.
Voir également le site du ministère :
www.developpement-durable.gouv.fr
Urbanisme durable
On distingue :
Rappelons la directive européenne 2001/42/CE qui porte sur l’intégration de l’environnement dans les
documents d’urbanisme. Certains pays ont profité de la transposition de cette directive dans leur cadre
législatif pour intégrer le développement durable et non pas seulement l’environnement.
Il n’y a pas de définition officielle de l’urbanisme durable mais nous rappelons les définitions de l’Union
Européenne et proposons une définition dans L’urbanisme durable : concevoir un écoquartier
Aménagement et renouvèlement urbain durables
En ce qui concerne l’aménagement (et le renouvellement urbain qui est de l’aménagement de territoire déjà
urbanisé), il faut distinguer différentes échelles d’intervention :
On remarquera que ni les piliers du développement durable ni les 5 finalités du MEED ne structurent cette
définition (contrairement aux définitions et référentiels traditionnels) mais nous analysons les thèmes au
regard de chacun des piliers du développement durable. En effet, pratiquant cette référence aux piliers
depuis 1998 dans nos analyses de territoire pour différentes collectivités en France, nous en sommes
arrivés à la conclusion que commencer par cette approche par pilier n’est pas opérationnel. Quant à la
structuration de la démarche sur les 5 finalités du MEED elle ne permet pas d’éviter les redondances tout
en n’étant pas exhaustif…
Par ailleurs, en période de crise économique, il est important d’élaborer des outils d’évaluation et de ne pas
se focaliser uniquement sur l’environnement (en mesurant les impacts sociaux et économiques des
solutions environnementales retenues) comme ceci est fait (voire même parfois préconisé) aujourd’hui en
France.
Il s’agit d’aborder en même temps les trois piliers du développement durable (et non pas l’un après l’autre
comme le font quasiment tous les bureaux d’étude), de se doter de nouveaux outils d’analyse, de
financement, d’évaluation (analyse coût/efficacité notamment), de nouvelles méthodes de travail.
Les collectivités (et a fortiori les petites communes) peuvent avoir recours pour ce faire à un assistant à
maîtrise d’ouvrage (AMO) Développement Durable (à dinstinguer de l’AMO HQE pour les bâtiments).
Voir différents modèles et outils d’évaluation dans L’urbanisme durable : concevoir un écoquarier
Voir Concevoir et évaluer un projet d’écoquartier
Assistance à maitrise d’ouvrage
La complexité des projets d’une part et la diversité des thèmes abordés d’autre part soulignent l’importance
d’un Assistant à Maîtrise d’œuvre ou d’Ouvrage et celui-ci ne peut a priori pas être un architecte
(contrairement à l’AMO HQE qui lui est souvent un architecte)
En effet une qualité durable du projet peut être, dans la phase actuelle de méconnaissance du
développement durable, assurée par une mission d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage Développement
Durable ou AMO DD. Ceci est vrai à toutes les échelles territoriales et pour différents documents
stratégiques (Plan Local pour l’Habitat par exemple ou Charte de l’environnement et du Développement
Durable, projet d’agglomération, etc.), y compris pour les documents réglementaires (SCoT, PLU).
Le maître d’ouvrage comme le maître d’œuvre peuvent avoir recours, notamment pour les premiers
projets lancés avec une volonté de mise en œuvre de démarche de développement durable, à
l’assistance d’un expert en développement durable.
La mission doit donner au maître d’ouvrage l’assurance que l’ensemble des thèmes sera bel et bien abordé
et que la démarche sera réellement transversale. Cette mission doit intervenir le plus en amont possible
d’un projet, quel qu’il soit, quelle que soit son échelle territoriale. L’AMO peut alors aider le maître d’ouvrage
à définir ses objectifs et surtout à les structurer, à finaliser le corpus qui structurera le projet et il expliquera
les raisons de la mise en œuvre d’une démarche de développement durable.
L’intégration du développement durable doit elle-même être durable et ne pas s’arrêter au projet en
question.
L’action à mener doit favoriser sa reproductibilité dans les futurs projets et démarches du maître d’ouvrage.
Pour pérenniser l’action de développement durable, il est nécessaire de favoriser la mise en place de
comportements respectueux d’un développement durable. Le renforcement de ces comportements ne vise
pas uniquement à modifier les comportements individuels. Il s’agit avant tout de pérenniser une démarche
qui vise à renforcer les finalités d’un développement durable (démarche participative accrue,
développement équitable et solidaire, des démarches transversales favorisant les stratégies partenariales et
les synergies entre acteurs).
Cette assistance n’a pas pour objectif sa pérennisation et, une fois la démarche mise en place et
assimilée par les différents responsables en interne, cette assistance ne se justifie plus. On peut
imaginer qu’une assistance relativement importante soit nécessaire la première fois et que celle-ci soit
beaucoup plus légère la seconde fois et limitée à la phase initiale de définition et de fixation des
performances à atteindre dans les différents thèmes retenus comme prioritaires et les modes d’évaluation
(pour chacun des thèmes d’une part et pour le projet lui-même d’autre part) puis qu’enfin aucune assistance
ne soit plus nécessaire.
Bibliographie
Concevoir et évaluer un projet d’écoquartier
Projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux, MEDD, octobre 2005
Projets territoriaux de développement durable : Orientations et pistes pour l’action, MEDD, février 2006
Un cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et les Agendas 21 locaux,
MEDD, 2006
Mémento des décideurs, avec la participation de Philippe Outrequin, 2ème édition, Mission
Interministérielle à l’effet de serre, 2002
L’urbanisme durable : concevoir un écoquartier, Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin,
Edition du Moniteur, 2009
Intégration du développement durable dans les projets d’aménagement et de renouvellement urbain,
sous la direction de Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, Edition La Calade, 2004 (10 € +
frais de port) ; (téléchargez le fichier Aménagement durable)
Analyse de projets de quartier durable en Europe, 2004, La Calade (16 € + frais de port)
Ecoquartier mode d’emploi, Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, Edition Eyrolles, 2009
Chine Un accord avec la France sur le développement urbain durable doit être renouvelé ce
vendredi
Avec l'exode rural et l'industrialisation, la Chine a connu en vingt ans un développement urbain sans
précédent. Le taux d'urbanisation est passé de 26 % en 1990 à 50 % en 2011, et devrait atteindre 62 %
en 2030. Ce boom spectaculaire oblige le pays et son 1, 339 milliard d'habitants à relever le défi de
construire des villes durables, sous peine de les voir exploser sous le poids démographique et la
pollution – devenue un sujet d'exaspération nationale –, et de ruiner tout effort pour réduire leur impact
sur l'environnement.
Expertise française
C'est le sens de l'accord de coopération franco-chinois sur le développement urbain durable (DUD)
signé en 2007. Il doit être renouvelé pour cinq ans ce vendredi par la ministre de l'Ecologie, Delphine
Batho, qui accompagne François Hollande en Chine. Concrètement, la France conseille la Chine pour
construire des villes durables, c'est-à-dire cohérentes et écologiques. Un site a été choisi comme
laboratoire d'expérimentation d'une stratégie de développement urbain durable : le Grand Wuhan, une
métropole de 30 millions d'habitants située au centre de la Chine. La ville de Wuhan est bien connue
dans l'Hexagone puisqu'elle accueille de nombreuses entreprises françaises, dont PSA. Pour la France,
l'un des enjeux consiste à en faire la vitrine de son expertise, faire école et récupérer des marchés.
L'organisme Urba 2000, spécialisé dans l'urbanisme, travaille depuis 2010 sur le projet. «Les autorités
locales sont soumises à une forte pression foncière, explique sa directrice, Caroline Maurand. On les
aide à réfléchir à la façon d'organiser le territoire.» Mais convaincre de la pertinence d'une vision à long
terme est parfois compliqué face à des maires – nommés par le pouvoir – qui sont jugés sur les
investissements à court terme. Selon Emmanuel Fourmann, responsable Asie à l'Agence française de
développement, qui travaille aussi sur Wuhan, «le pays a pris conscience» de la nécessité de faire des
villes durables. «Mais, observe-t-il, entre la théorie et la pratique, il y encore du chemin.»
Faustine Vincent
■ Coopération
La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, devrait signer ce vendredi, dernier jour du voyage du président
Hollande en Chine, un accord de coopération sur la protection de l'environnement.
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Face à l’éparpillement du développement urbain, affronter les paradoxes de la ville
aujourd’hui, plurielle mais « commune ».
L a « France des villes » ne s’oppose pas à la « France des champs ». Cette distinction n’a plus
aucune pertinence, ni statistique, ni économique et encore moins sociétale. La France est résolument
urbaine, l’Europe également, quant au vaste monde, il s’urbanise là où l’urbain ne s’est pas encore
totalement déployé… Mais, s’étonnera l’habitant de La Rochelle, Perpignan, Colmar ou Menton :
« Ma ville existe, je m’y promène, je peux en faire le tour, alors que me répondez-vous ? » Chaque
ville apparaît comme une entité administrative, avec son périmètre géographique bien délimité, sa
population dénombrée, ses élus représentatifs de la diversité des sensibilités politiques, une
autonomie fiscale et budgétaire, une vie locale rythmée par la Quinzaine commerciale, le Festival de
jazz et la Farandole des enfants des écoles. Elle ne ressemble à aucune autre : celle-ci est balafrée par
une obscène autoroute, celle-là se donne des airs de cité-jardin et sa voisine exhibe ses grands
ensembles délabrés comme autant de stigmates sur le corps d’un saint. En ce sens, la ville est bien,
comme l’écrit Antoine Furetière dans son Dictionnaire universel(1690), l’« habitation d’un peuple
assez nombreux ».
DE LA VILLE À L’URBAIN
Pour qu’il y ait de la ville, il faut donc du nombre. Combien ? Deux mille, pour la France, répond
l’Insee. Mais à cette réalité statistique – qui diffère d’un État à un autre [1] –, il convient
heureusement, et Furetière l’écrivait aussi, d’ajouter un certain « esprit ». Au-delà du quantitatif, la
ville, c’est aussi et surtout un art de vivre et celui-ci est toujours local, lié à un site, un climat (dans
tous les sens du terme), une histoire (attestée ou imaginaire), un système relationnel plus ou moins
nourri avec d’autres villes et campagnes et une culture revendiquée. Avec la production de masse, la
mécanisation de l’agriculture, l’extension des réseaux, l’automobilisation et la généralisation d’un
mode de vie entièrement dépendant du marché, les sociétés contemporaines se sont non seulement
urbanisées – exode rural, accroissement du nombre de villes, expansion des aires métropolitaines,
villes millionnaires… -, mais sont passées, en une poignée de décennies, de la ville à l’urbain [2].
Conséquences ? Subordination totale des campagnes à une économie de marché globalisée,
concurrence effrénée entre les villes pour conserver ou attirer des industries, diffusion des
comportements et des valeurs citadins à l’ensemble des populations ( via les migrations, le tourisme,
l’école et la télévision), éparpillement de la ville en des territoires urbains de plus en plus ductiles.
Il n’y a pas disparition de la ville, mais son enveloppement par l’urbain qui submerge, comme une
vague, tous les territoires et y impose, peu ou prou, son ordre. Ce processus est à l’œuvre à l’échelle
planétaire, de manière inégale selon les continents (l’Afrique, par exemple, en est au début alors que
l’Asie entre dans la phase d’achèvement) et avec des manifestations diverses selon les combinaisons
de ses éléments constitutifs. Aussi constatons-nous une unité du processus d’urbanisation et une
diversité de ses formes de réalisation. Il faut se garder de toute généralisation et surtout accepter les
coexistences (mégalopolisation et maintien des petites villes, multiplication des gated
communities sans disparition de la maison individuelle ou du programme de logements sociaux…),
les décalages (telle région s’équipe en NTCI tout en valorisant ses « traditions », telle global
city abrite aussi des taudis à proximité de ses hôtels de luxe, telle capitale d’un État du sud inaugure
de somptueux équipements et légalise du bout des lèvres les bidonvilles qui prolifèrent sur son
territoire), les résistances (la France inscrit dans la loi la « mixité sociale », tel élu se bat contre la
privatisation de certains services publics…), les métissages inattendus et les rejets. Le danger d’une
uniformisation de la vie citadine est bien réel et s’y opposer demande beaucoup d’imagination,
d’opiniâtreté et d’actions.
La mégalopolisation du monde semble irréversible : on dénombre actuellement plus de 400 villes de
500 000 à un million d’habitants, près de 200 villes d’environ 2 millions d’habitants et plus de 20 qui
dépassent les dix millions d’habitants ! Ces mégalopoles constituent les hauts lieux de l’économie de
production (tant matérielle qu’immatérielle), et au classement par taille démographique, il convient
d’ajouter une classification par « produit intérieur brut urbain » [3]. L’urbanisme de ces gigantesques
conurbations se plie souvent aux dessins des réseaux techniques, contrôlés par une poignée de
multinationales et identiques d’une ville à une autre. Reem Koolhaas (concepteur d’Euralille)
annonce la fin de l’urbanisme et fait l’apologie du « plateau technique » (tour-bureau, centre
commercial, gare Tgv, rocades autoroutières…) sur lequel on vient se brancher et se débrancher
selon l’offre et la demande. On consomme alors de l’urbain comme on consomme un logement, une
voiture ou un rasoir jetable. Quant à l’architecture des bâtiments publics, des équipements
touristiques (hôtels, musées, parcs de loisirs, quartiers patrimonialisés, etc.), des centres
commerciaux, des aéroports, des logements pour « riches », elle ne se soucie aucunement du lieu.
Elle fait image, image d’une surmodernité, enfin libérée de la tyrannie du lieu. Le but recherché
consiste justement à nier le lieu, afin croit-on, de se trouver partout chez soi ou du moins dans les
mêmes représentations ! La screen city n’appartient pas au seul studio de cinéma, elle se construit
sous nos yeux en même temps que se consolide un bidonville ou qu’un quartier privatisé, vidéo
surveillé, s’entoure de lourdes grilles, à Istanbul, Le Caire ou Buenos Aires…
A côté de cette mégalopolisation que personne ne contrôle vraiment et qui apparaît comme une
négation de toute intervention concertée, de tout projet politique pour une Cité digne de ce nom, l’on
découvre des quartiers autogérés, des expériences d’auto-construction, des chantiers-écoles, mille et
une micro-opérations, modestes, peu spectaculaires, qui néanmoins démontrent que l’humain ne se
laisse pas facilement broyer par les rouages bien huilés de la machine-à-marchandiser toutes les
relations entre l’homme et le monde, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la nature. La
préoccupation de plus en plus explicite pour un « développement durable », nonobstant le flou d’une
telle notion, son poids idéologique et sa capacité à récupérer le discours critique des écologistes et
altermondialistes, ne peut que contribuer à une redéfinition de l’habitabilité de la ville, de ses formes
de sociabilité et de sa vocation à fabriquer de l’aménité.
LA FRANCE URBAINE
L’urbain appartient à un autre vocabulaire que « ville », « banlieue », « faubourgs », il ne décrit pas
une quelconque unité administrative – du moins pas encore -, mais un mode de vie, ses territoires et
ses temporalités [4]. Dans le cas français, avec les récentes lois (Chevènement en 1999, Voynet en
1999 et Solidarité Renouvellement Urbain en 2000), les municipalités sont invitées à unir leurs
destins en un « projet de territoire » qui satisfasse un réel « développement durable ». Ainsi la
décentralisation (engagée avec les lois Deferre en 1982) se trouve confortée et renforcée par
l’intercommunalité (« communautés de communes ou d’agglomération », « communautés
urbaines »), nouvelle échelle des décisions en matière de transports en commun, d’urbanisme, de
logements sociaux, d’équipements et de services collectifs, etc [5]. Ce n’est pas la mort des 36 000
communes, mais une profonde redistribution des cartes du jeu démocratique et administratif.
Simultanément, la plupart des villes et villages en croissance démographique le sont par leurs
franges. Des lotissements pavillonnaires s’installent à la marge des villes, remplissent les « blancs »
entre une ville et un centre commercial quelque peu distant. L’urbain diffus résulte de nombreux
facteurs, difficile à hiérarchiser et à mesurer : le désir de nature, l’ambition de construire « son »
pavillon, le refus de la ville dense – bruyante, grouillante et violente –, le bon état des routes (80 %
des ménages, en France, sont dorénavant motorisés), le confort relatif des voitures (l’automobiliste
« moyen » dépense chaque année 4 880 euros en frais d’entretien et de transport)… En vingt ans, le
temps moyen de transport quotidien n’a guère varié (hors Ile-de-France), mais la distance parcourue
a doublé ! On n’hésite plus à se loger à une heure en train de la capitale, bénéficiant ainsi d’un
emploi bien rétribué, de la possibilité de faire ses courses à Paris et de profiter de ses spectacles, tout
en résidant dans une ville de taille moyenne (ah, le parfum de la Province…), à la vie moins agitée et
où les enfants se rendent à l’école en bicyclette. Mais cette image publicitaire de la jeune-famille-
dynamique-et-souriante dissimule le véritable temps de transport (en plus du train et de ses aléas, il y
a au départ un peu de voiture et à l’arrivée, quelques stations de métro !), la fatigue, les relations
sociales distendues, un emploi du temps alourdi, l’entretien du jardin et du pavillon (« Dans une
maison, il y a toujours quelque chose à faire… »). Bref, seules les personnes ayant un métier aux
horaires souples, peu de contraintes familiales et dont l’usage des nouvelles technologies de
l’information et des télécommunications autorise un réel éloignement de l’entreprise optent pour un
tel scénario. Le télétravail n’a pas connu l’engouement attendu, il est vrai que l’habitat ne l’a pas du
tout intégré (aucune « pièce » étudiée pour, aucune maison domotique…) et que le « travailleur »
ressent l’irrépressible besoin de passer au bureau pour y rencontrer ses collègues. Rester chez soi
pour travailler exige une attention motivée et une organisation bien particulière de son temps.
L'air de la ville, celui d'une mobilisation de tous, des citoyens, des associations , des acteurs
économiques et politiques? Sûrement. Pourtant, ici, la vie urbaine conduit à l'isolement, à la
formation de ghettos. Ailleurs, un vivre ensemble se construit, qui conjugue mobilité et
enracinement.
Si la prudence invite à ne pas poser un diagnostic ferme sur les origines et les conséquences de la crise
du mois de novembre 2005, un fait massif s'impose: cette crise ne partait pas de nulle part, elle était
ancrée, inscrites, dans des territoires que l'on a souvent décriés et identifiés comme étant des zones
sensibles, à risque... Le malaise avait donc une dimension particulière, les événements s'inscrivaient
dans un espace, et donnait à voir ces zones comme étant problématiques, comme pouvant faire l'objet
d'une bataille de sens : que veut dire habiter, résider, demeurer ? Dans des zones dont il est difficile de
partir, parce qu'il est difficile d'obtenir un emploi, parce que les transports en commun sont
déficients, parce que les systèmes de communication les plus élémentaires sont défaillants, la résidence
peut devenir un refuge ou une prison. Elle peut constituer le centre d'une communauté ou les débuts
d'un ghetto. Elle est ambivalente.
REPOUSSOIRS OU ABRIS ?
Le sens de ces mots, - habiter, résider, demeurer -ne se décide pas uniquement à l'intérieur de ces quartiers. Le
regard porté de l'extérieur, soit à travers les médias et la télévision dont on...
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L’expérience d’un Chargé de la vie des quartiers dans une commune de banlieue.
Projet – Qu’est-ce que la politique des quartiers dans une ville de banlieue, et quel développement vise-t-
elle ?
Patrick Norynberg – Dans le domaine de la politique de la ville, il y a deux piliers : l’urbain et l’humain.
Ma sensibilité va plutôt à l’humain. J’ai eu à travailler sur la transformation structurelle du territoire, mais
cela ne suffit pas. Les habitants de ce territoire ne pourraient y vivre longtemps si l’on ne s’attaque pas aussi
aux questions sociales. Personnellement, je milite pour un développement social, économique et urbain : par
exemple, la régie de quartier que nous avons montée est une entreprise de forme associative, elle doit créer
de l’emploi dans le quartier, elle est un tremplin pour les habitants. L’économique et le social y sont très liés.
Projet – Quelle est l’importance du développement de la vie des quartiers, mais aussi de leur ouverture
comme lieux de rencontre, d’histoire et de démocratie ? N’y a-t-il pas, à l’inverse, un risque de
morcellement entre quartiers, des écoles ghettos, etc. ?
Patrick Norynberg – Dans une ville de banlieue parisienne qui a 200 ans d’existence, toute une part de la
population, installée depuis longtemps, y est fortement attachée. Mais l’histoire n’est plus très marquante.
Nous essayons de travailler sur l’identité de ville. Bien sûr, des quartiers se révèlent plus compliqués que
d’autres, car ils ont été construits trop rapidement, sans véritable réflexion : on y a vécu correctement, tant
qu’il y avait du travail et du lien social fort, puis tout s’est disloqué.
À partir de 1994, nous nous sommes inscrits dans la politique de la ville, et, au Blanc-Mesnil, les quartiers
nord ont été classés prioritaires. Les nuisances sonores liées à l’autoroute et à l’aéroport du Bourget, un
habitat social très concentré avec une population en situation précaire…, ces handicaps importants n’ont pas
aidé au développement de ces quartiers. En même temps, la proximité de deux aéroports favorise l’activité
économique et Blanc-Mesnil est à dix minutes de Paris. Mais ces atouts du territoire, comment en tirer
parti ? Les habitants ne profitent pas assez des potentiels de la ville : des entreprises innovantes s’implantent,
mais ne peuvent embaucher des habitants qui n’ont pas le niveau de qualification requis.
Un autre quartier, au sud de la commune, est entré dans la politique de la ville avec le nouveau contrat de
ville 2000-2006. Le quartier s’est appauvri peu à peu ; ce n’est pas un quartier où l’habitat social est
concentré, mais les jeunes n’ont plus envie de s’y installer quand ils quittent la maison parentale. Il nous faut
agir sur cette question. Dans un quartier du nord de la ville, pour inverser ce type de tendance et donner
envie de vivre et de rester dans le quartier, nous travaillons à son désenclavement, par la construction de rues
traversantes, car beaucoup de rues se terminent en impasse contre la route nationale ou sont coupées par
l’autoroute. Il y a aussi des voies privées, appartenant aux bailleurs sociaux, alors qu’elles ont une vocation
publique (des bus y circulent). Concrètement, en concertation avec les habitants et les bailleurs, nous avons
entrepris de faire passer certaines de ces voies dans le domaine public, de les rénover et du même coup de
redéfinir la ville. Au-delà de l’aspect purement urbain, nous travaillons à soutenir les initiatives des habitants
du quartier : propositions des associations, de groupes informels, des centres sociaux (il y a deux maisons de
quartier). Elles constituent des leviers pour changer les rapports entre les gens. Nous subventionnons, par un
fonds de participation, leurs actions en matière d’animation – fête ou repas de quartier, fresque sur un mur,
fleurissement d’un espace, etc. Nous voulons aussi renforcer la présence publique dans le territoire : dans la
partie située au-delà de l’autoroute, il y a dix ans, le service public, ce n’était que l’école. Nous avons créé
un centre social, et un pôle de service de santé avec un point permanent de sécurité sociale, un service de
vaccination, un centre de planning familial, des permanences de conseillères de la Caf. Cette implantation a
représenté un grand progrès pour les habitants. Mais, en dix ans, le quartier a vu arriver une nouvelle
population immigrée, d’Asie et d’Afrique, avec des problèmes d’adaptation à la vie locale et d’apprentissage
de la langue : le grand progrès que je viens d’évoquer se révèle donc insuffisant et il faut sans cesse
recommencer le travail !
Dans un autre quartier, le grand ensemble des Tilleuls, on a reconstruit et doublé le volume de la maison de
quartier, qui est devenue l’équipement phare de la ville et joue un véritable rôle fédérateur dans le quartier et
au-delà.
Projet – Vous tentez de recréer une dynamique de quartier. Mais les habitants ont-ils l’impression de
participer à l’ensemble de la ville et comment ? Les équipements qui sont installés peuvent-ils concerner
les habitants d’autres quartiers, afin que des frontières n’apparaissent pas ?
Patrick Norynberg – Les équipements en question sont en effet des maisons de quartier, mais on ne vous
demande pas votre adresse quand vous venez vous inscrire à une activité ! Une de mes missions est le suivi
de l’action de toutes les maisons de quartier pour les mettre en cohérence. La ville souhaite qu’elles
rayonnent dans toute la ville : et, en effet, des habitants des quartiers sud participent aux activités de la
maison du quartier des Tilleuls et inversement. Nous préparons actuellement la création d’une nouvelle
maison de quartier, maison pour tous, avec un pôle de service public à l’intérieur. Les habitants participent
depuis le début à ce projet (c’est d’ailleurs eux qui ont réclamé ce nouvel équipement) ; ils aident à chercher
des financeurs, ils discutent sur les plans, les espaces, etc. La démarche, assez exemplaire, rayonne bien au-
delà du quartier.
Cela correspond à ce que souhaite la ville, c’est-à-dire ne pas cantonner les gens dans leurs îlots. Nous
faisons la guerre aux logiques de quartier trop marquées. Les pratiques de proximité ne doivent pas exclure
une identité de ville. J’insiste sur ce point : bien sûr, il existe des frontières (nous avons déjà parlé de
l’autoroute), et des relations de voisinage parfois difficiles, mais il n’y a pas – comme dans d’autres
communes de banlieue – de phénomènes de ghettoïsation qui nous mèneraient tout droit à une société de
communautarisme à l’américaine.
Projet – Y a-t-il un théâtre au Blanc-Mesnil, ou les habitants se déplacent-ils à Paris ou ailleurs pour
leurs activités culturelles ?
Patrick Norynberg – Le Forum culturel se trouve en centre ville. Il réalise un travail considérable avec les
équipements de quartier et les écoles, notamment grâce à des artistes en résidence qui interviennent dans les
quartiers pour sensibiliser les habitants au spectacle vivant. De même, une autre action très intéressante a été
entreprise depuis quatre ans avec un foyer de travailleurs migrants au nord de la commune : l’État, la
municipalité, le bailleur et les résidents participent à un projet de développement global de cet équipement.
Dans ce cadre, les professionnels de la culture intervenant dans la ville viennent travailler avec les résidents
du foyer : cela se conclut par une grande fête, puis les résidents vont participer à une représentation sur la
grande scène du Forum culturel. Cet exemple illustre les incessantes allées et venues entre le quartier et la
ville.
Projet– Mais ce sont des professionnels qui se déplacent : les habitants d’autres quartiers se déplacent-ils
aussi, et pas seulement pour aller au centre ville ?
Patrick Norynberg – Bien sûr : cela se vérifie si l’on examine la fréquentation des maisons de quartier.
Certes, le noyau dur des participants à la plupart des activités correspond aux habitants du quartier proche,
mais il y a des gens qui viennent de l’autre bout de la ville parce que l’activité ou le service proposé les
intéresse. Pour sa part, la municipalité fait tout pour qu’il en soit ainsi et que le brassage culturel et
intergénérationnel ait lieu.
Car la notion de quartier comporte des dangers. Il y a quelque temps a été votée une loi sur la démocratie de
proximité avec l’obligation de créer des conseils de quartier. Le texte de loi indiquait qu’on parlerait dans
ces conseils exclusivement de ce qui concerne le quartier, je n’y étais pas très favorable : c’est un piège. Pour
moi, dans les conseils de quartier, on doit parler de tout car, aujourd’hui, la planète est un village, et les
décisions de l’Onu, de l’Omc ou d’autres instances ont des répercussions dans la cage d’escalier ou sur le
trottoir devant son logement ou son pavillon. Ce n’est pas simple, mais nous essayons quant à nous de mettre
cela en pratique dans ce que nous avons appelé les « conseils de ville et de voisinage » qui sont au Blanc-
Mesnil nos conseils de quartier. À l’origine, au moment du nouveau contrat de ville, j’ai proposé aux élus
que les habitants soient consultés en amont des projets : nous avons alors utilisé les « Ateliers de l’avenir »
réunissant les habitants pendant deux jours. Ils se sont exprimés sur ce qui fonctionnait ou ne fonctionnait
pas dans leur environnement proche ou dans la ville, ce dont ils rêvaient pour leur ville, sans contrainte. À
partir de cette réflexion sont nés des projets qui vivent encore aujourd’hui, comme celui de la future «maison
pour tous» Jean Jaurès dans le quartier sud.
Au terme de leur travail, les habitants ont présenté les résultats aux élus qui se sont alors engagés à les
rencontrer régulièrement pour parler de ce qui avait été fait : ainsi sont nés les conseils de ville et de
voisinage. Il y en a maintenant trois au Blanc-Mesnil et un quatrième est en gestation : ce sera ainsi le
passage à la généralisation de la vie démocratique partout dans notre ville.
Projet – Dans le centre ancien du Blanc-Mesnil, n’y a-t-il pas une tradition de militantisme ouvrier qui a
permis un maillage associatif, moins présent dans les nouveaux quartiers ?
Patrick Norynberg – Les habitants de notre ville sont en effet en majorité ouvriers et employés. La ville
connaît donc une grande tradition combative. Les élus sont aussi de gauche – il doit bien y avoir 70 ans que
la ville est gérée par un maire communiste. Mais la réalité se transforme : j’ai constaté, à propos d’une
opération de démolition reconstruction dans une cité peuplée d’ouvriers maghrébins de chez Citroën,
combien la mémoire individuelle et collective des ouvriers s’effiloche et que la génération suivante ne
connaît plus cette tradition ouvrière : du coup, la vie associative perd de son dynamisme, car elle repose sur
des personnes vieillissantes. En ce qui concerne les associations, si on enlève les clubs sportifs, les
regroupements de parents d’élèves et de locataires, il reste quelques associations qui vivent vraiment. Blanc-
Mesnil n’est pas une exception : les difficultés de la vie associative sont assez générales. La ville est un lieu
d’échange où il faut mieux vivre ensemble : nous refusons d’être une ville dortoir. Blanc-Mesnil est aussi
une ville ouverte au monde, nous multiplions les jumelages « coopération », avec l’Éthiopie et avec
l’Algérie.
Projet – Mais quelle stratégie peut/doit mener la ville pour éviter que les habitants ne connaissent que la
gare et le centre commercial géant, hors de leur quartier ?
Patrick Norynberg – Dans notre ville, il n’y a pas de centre commercial géant. Mais il vrai que nous devons
lutter fermement pour valoriser le commerce traditionnel face au centre commercial de Paris-nord, tout
proche, qui transforme le rapport des gens à la ville. L’action municipale consiste à soutenir le commerce de
proximité et à développer l’activité économique. Nous sommes encore en discussion avec le ministère de la
Ville pour créer une zone franche urbaine à partir de janvier 2004 : cela va permettre de faire venir de
nouvelles entreprises, qui recruteront du personnel même non qualifié dans ces quartiers, et de travailler avec
le réseau emploi formation sur la commune pour élever le niveau de qualification des habitants, afin qu’ils
aient accès à ces nouveaux emplois.
Une ville qui fonctionne, c’est une ville qui arrive à faire vivre ensemble la proximité et une vision plus large
des choses et du monde. « Penser global, agir local », d’autres l’ont dit et je m’approprie cette formule qui
me convient bien ; une partie de mon travail consiste à faire que la ville ne soit pas exclusivement un lieu de
consommation à grande échelle : de biens, de services, d’élus, etc. On peut faire une superbe ville, mais si la
vie sociale des habitants n’est pas brillante, on n’en sortira pas : c’est tout l’enjeu des opérations de
renouvellement urbain et de la loi Borloo, en partie intéressante mais à laquelle manque l’aspect humain. Au
Blanc-Mesnil, l’action que nous menons donne, je pense, des résultats ; on n’y connaît pas de moments de
frictions entre jeunes de différents quartiers et on n’entend pas parler d’appropriation de leur territoire par les
habitants des cités. C’est un bon signe, mais il faut rester vigilant.
L’urbanisation
L'urbanisation est causée à la fois par la croissance démographique de la population urbaine et par l'exode rural. Au cours du dernier demi-siècle, il
y a eu un exode rural massif et l'urbanisation (c'est-à-dire la concentration des populations et des activités dans des zones considérées comme
urbaines) devrait se poursuivre durant une bonne partie du XXIe siècle. Les principaux facteurs de cette urbanisation sont les possibilités et les
services qu'offrent les zones urbaines, en particulier dans les secteurs de l'emploi et de l'éducation et, dans certaines parties du monde,
notamment en Afrique, les conflits, la dégradation des terres et l'épuisement des ressources naturelles (PNUE, 2000).
Les villes jouent un rôle majeur non seulement en tant que fournisseurs d'emplois, de logements et de services, mais aussi en tant que centres de
culture, d'apprentissage et de progrès technique, portails ouvrant sur le reste du monde, centres industriels pour la transformation des produits
agricoles et l'industrie manufacturière et concentrations d'activités rémunératrices. Il y a une forte corrélation entre le niveau de développement
humain et le niveau d'urbanisation d'un pays (CNUEH, 2001b). Toutefois, l'expansion rapide des villes se traduit aussi par une aggravation du
chômage, une dégradation de l'environnement, l'insuffisance des services urbains, la surcharge des infrastructures et les difficultés d'accès à la
terre, aux ressources financières et à des logements convenables (CNUEH, 2001b). C'est pourquoi la gestion durable de l'environnement urbain
sera un des grands défis de l'avenir.
Il y a une forte corrélation entre le niveau d'urbanisation et le revenu national - les pays les plus avancés sont déjà pour l'essentiel urbanisés - et
dans presque tous les pays, la production des zones urbaines représente la majeure partie du produit national brut (PNB). Par exemple, la
production de Bangkok représente 40 % celle de l'ensemble de la Thaïlande, alors que seuls 12 % de la population vivent dans cette ville (CNUEH,
2001b). À l'échelle mondiale, les villes produisent en moyenne 60 % du PNB.
L'accroissement rapide de la population urbaine mondiale, avec le ralentissement de la croissance de la population rurale, a entraîné une
redistribution majeure de la population au cours des 30 dernières années. En 2007, la moitié de la population mondiale vivra dans des zones
urbaines, alors que la proportion ne dépassait guère le tiers en 1972 ; en 2050, 65 % de la population habiteront les villes, alors qu'en 1950 65 %
de la population mondiale vivaient dans les campagnes (Nations Unies, 2001a). En 2002, quelque 70 % de la population urbaine du monde vivront
en Afrique, en Asie ou en Amérique latine (CNUEH, 2001a).
L'évolution la plus frappante à l'heure actuelle est celle du niveau de l'urbanisation dans les pays en développement : la proportion de la
population urbaine est passée d'environ 27 % en 1975 à 40 % en 2000, ce qui représente une augmentation de plus de 1 200 millions de
personnes (Nations Unies, 2001b). En outre, il y a tout lieu de penser que cette évolution se poursuivra au cours des 30 prochaines années, ce qui
ajoutera 2 milliards d'habitants à la population urbaine des pays aujourd'hui en développement. Ces moyennes mondiales cachent des différences
complexes entre les régions en matière de croissance et d'évolution des villes. Le pourcentage annuel d'augmentation de la population urbaine
aura tendance à diminuer dans toutes les régions sauf en Amérique du Nord - voir figure ci-dessous (Nations Unies, 2001b).
Distribution de la population
mondiale (%) selon la taille de
l'agglomération, 1975 et 2000
Zones
< 1 million 1-5 millions > 5 millions
rurales
monde
développées
développement
Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le nombre et la taille des mégalopoles (villes de plus de 10 millions d'habitants) et des autres grandes
agglomérations ont considérablement augmenté, et la répartition géographique de ces grandes villes a changé : en 1900, neuf des dix plus
grandes villes du monde se trouvaient en Amérique du Nord et en Europe, alors qu'aujourd'hui seules trois des plus grandes villes du monde (Los
Angeles, New York et Tokyo) sont situées dans des pays développés. Cependant, la majeure partie de la population urbaine vit encore dans des
villes de taille moyenne ou petite (voir tableau), qui, dans la plupart des pays, croissent aujourd'hui plus vite que les agglomérations les plus
grandes (Nations Unies, 2001b).
Près de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans les zones urbaines. L'urbanisation se poursuit dans toutes les régions, mais son rythme diminue dans
L'Afrique et la région Asie et Pacifique sont les régions les moins urbanisées du la plupart d'entre elles, sauf en Afrique où il reste à peu près stable et en Amérique
monde, tandis que l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Amérique latine sont les
régions les plus urbanisées. du Nord où il a tendance à augmenter.
Source : D'après la Division de la population du Secrétariat de l'ONU, 2001b. Source : D'après la Division de la population du Secrétariat de l'ONU, 2001b.
NOTES
1
: La définition du terme de gouvernance selon Patrick Le Galès, directeur de recherche CNRS au CEVIPOF et
professeur de sociologie et sciences politiques à Sciences Po Paris : « la gouvernance peut être définie
comme un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts
directives, de réglementations, de normes, d’usages politiques et sociaux, d’acteurs publics et privés qui
contribuent à la stabilité d’une société et d’un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, à la
2
: A noter que les inégalités socio-spatiales sont encore aujourd’hui très prononcées à Bogotá. Pour la
première fois, l’ONU a appliqué le coefficient utilisé pour mesurer les écarts de revenus aux villes. L’égalité est
parfaite quand l’indicateur est égal à zéro. Plus l’indicateur est proche de 1, plus les inégalités sont
importantes. Plusieurs villes d’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne dépassent 0,6, un seuil déjà
3
: La Biennale de Venise est une manifestation internationale d’art contemporain au cours de laquelle des prix
sont décernés afin de récompenser la meilleure participation nationale à l’exposition. La Biennale de Venise de
2006 a attribué à Bogotá le Lion d’or en tant que « Meilleure ville », récompense la plus prestigieuse de la
manifestation.
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