Vous êtes sur la page 1sur 23

Pour éviter les erreurs qu’il reproche à la théorie classique, Keynes propose une approche alternative et macroéconomique.

1/ Pour éviter les sophismes de composition, Keynes se donne d’emblée comme objet le fonctionnement de l’économie dans son
ensemble. Au lieu de raisonner sur des acteurs individuels (comme dans la microéconomie de la firme ou la microéconomie du
consommateur), il utilise dans sa théorie des catégories d’agents homogènes (les entreprises, les ménages…): ces catégories
d’agents sont les acteurs de la macroéconomie.

2/ Pour souligner l’interconnexion entre les différentes sphères du système économique, Keynes propose une approche fondée sur
le circuit économique, c’est-à-dire sur les flux monétaires qui circulent entre les acteurs de la macroéconomie, et non sur le
marché.

3/ Pour analyser les flux monétaires qui circulent entre les différentes catégories d’agents, Keynes définit des variables spécifiques
(la consommation des ménages, l’investissement des entreprises, l’épargne nationale etc.) qui sont les variables de la
macroéconomie.
Pour Keynes, le marché des biens – c’est-à-dire le moment où l’offre et la demande se rencontrent, et les échanges ont lieu – n’est qu’un
moment du circuit économique.

Le circuit économique retrace les flux monétaires qui circulent entre les agents. Il donne une représentation du fonctionnement de l’économie
dans son ensemble, et il permet de mettre en évidence les interdépendances entre les agents.

DEMANDE ANTICIPEE
Ce schéma est très simplifié parce qu’il ne considère ni l’investissement
des entreprises, ni les échanges internationaux, ni l’intervention de l’Etat
dans l’économie. Mais même s’il est très simplifié, ce schéma permet de
comprendre en quoi l’approche macroéconomique, par le circuit, est
totalement différente de l’approche (néo)classique, par le marché.

La microéconomie étudie séparément la détermination de la courbe d’offre d’un bien (microéconomie de la firme) et la détermination de la
courbe de demande d’un bien (microéconomie du consommateur); elle analyse ensuite comment ces deux courbes se rencontrent sur le
marché et déterminent le prix d’équilibre.

La macroéconomie ne raisonne par sur un bien, mais sur l’ offre globale – c’est-à-dire l’ensemble de biens et services mis en vente dans
l’économie – et sur la demande globale, c’est-à-dire la somme de toutes les demandes de biens et services pour l'ensemble de l’économie.
Cela permet de voir que les deux variables – offre globale et demande globale - sont liées.
1/ La demande anticipée par les entrepreneurs est une variable décisive dans les choix qui déterminent le niveau de la production.
2/ La production détermine d’un coté le niveau de l’offre, d’un autre coté la distribution de revenus (salaires et dividendes) dans l’économie;
3/ Les revenus distribués déterminent la demande effective.
Au niveau macroéconomique, offre globale et demande globale se déterminent mutuellement à l’intérieur d’un circuit, ce qui empêche de
les étudier séparément comme le fait la microéconomie.

Exemple. Considérons une entreprise qui produit et vend des chaussures en France. Si on raisonne microéconomiquement, sur une cette
seule entreprise, il n’y a pas de rapport entre le niveau de l’offre (combien de chaussures elle produit et met en vente) et le niveau de la
demande (combien de chaussures veulent acheter ses clients).

Regardons maintenant les choses d’un point de vue macroéconomique: considérons par exemple l’ensemble des entreprises françaises.
Parmi les clients de ces entreprises, beaucoup sont salariés de ces mêmes entreprises. D’autres clients, ce sont des actionnaires des
entreprises françaises. Le revenu des clients des entreprises françaises dépend alors de l’activité des entreprises françaises. Si ces
entreprises décident de produire une grande quantité de biens, elles devront embaucher: leurs clients auront alors un revenu plus élevé, et
ils pourront dépenser davantage. Si elles décident de produire très peu, le chômage involontaire sera élevé, le revenu des clients des
entreprises baissera et ils dépenseront beaucoup moins.

On voit donc apparaître au niveau macroéconomique un phénomène qui échappe au niveau microéconomique. Si on raisonne seulement
sur l’entreprise qui vend des chaussures, la demande et l’offre sont indépendantes. Mais au niveau macro, la demande de chaussures,
lunettes, voitures et de tous les autres biens (demande globale) dépend de la production de chaussures, lunettes, voitures et de tous les
autres biens.

Il ne suffit donc pas d’étudier le marché, lieu de rencontre d’une offre et d’une demande qui se détermineraient séparément; il faut
étudier le circuit économique à l’intérieur duquel offre et demande se déterminent réciproquement.

Pour étudier ce circuit, on va d’abord rappeler qui sont les acteurs de la macroéconomie.
LES ACTEURS DE LA MACROÉCONOMIE

Le acteurs de la macroéconomie ne sont pas des agents individuels, mais des catégories d’agents homogènes. Nous allons en
considérer quatre (pour simplicité, on va ignorer certains acteurs comme les institutions financières ou les entreprises d’assurance).

1/ Les Ménages

Dans l’acteur appelé « ménages » ont regroupe tous les agents qui, à l’intérieur de l’économie, possèdent les facteurs de production,
donc qui détiennent le capital (K) et le travail (L). [Rappel: détenir le facteur travail veut dire détenir une capacité de travailler; les
chômeurs font donc aussi partie des ménages]

2/ Les Entreprises

L’acteur « entreprises » ne regroupe pas d’individus, mais les unités de production qui, à l’intérieur de l’économie, utilisent les facteurs
de production (K et L) pour produire des biens et des services

3/ L’Etat

L’acteur « Etat » regroupe l’ensemble des administrations publiques (nationales ou locales)

4/ Le reste du monde

Il s’agit d’une catégorie résiduelle, qui regroupe tous les agents qui interagissent avec l’économie de son extérieur (si par exemple on
considère l’économie française, on regroupe dans le « reste du monde » aussi bien l’Etat italien que les entreprises allemandes, les
ménages espagnols etc.)
LE CIRCUIT ÉCONOMIQUE

Le cas le plus simple à analyser est celui d’une économie dans laquelle l’Etat n’intervient pas (donc pas d’impôts à payer, pas d’allocations,
pas de dépenses publiques), et qui n’échange pas de biens avec le reste du monde (donc pas d’importations ni d’exportations de biens).

Dans une économie fermée sans intervention de l’Etat, les acteurs macroéconomiques sont seulement deux: les ménages et les entreprises.

Pour produire, les entreprises ont besoin d’utiliser les facteurs de production (K, L) détenus par les ménages.

Les ménages qui cèdent aux entreprises la possibilité d’utiliser le facteur capital deviennent les actionnaires (propriétaires) des entreprises.

Les ménages qui cèdent aux entreprises la possibilité d’utiliser le facteur travail deviennent les salariés des entreprises.

Les actionnaires et les salariés des entreprises font donc partie des ménages. Encore une fois: il n’y a pas d’individus dans l’acteur
« entreprises », qu’il faut concevoir comme un ensemble d’unités de production qui transforment le capital et le travail en biens et
services.

En échange de la possibilité d’utiliser les facteurs de production, les entreprises versent aux ménages des revenus.

L’utilisation du facteur capital est rémunérée avec des dividendes, qui constituent donc des revenus du capital. L’utilisation du facteur travail
est rémunérée avec des salaires, qui constituent des revenus du travail.

Les ménages vont utiliser une partie de leurs revenus pour l’achat de biens et services. Les dépenses de consommation correspondent à un
flux monétaire qui va alors des ménages vers les entreprises.
Même si le schéma représente un circuit économique incomplet, il donne une première idée des flux qui circulent dans l’économie.

Ménages et entreprises sont doublement liées. D’un


coté, les ménages – qui détiennent les facteurs de
production - cèdent aux entreprises la possibilité de les
utiliser (flux réel); ils reçoivent en contrepartie des
revenus du capital (dividendes) et des revenus du
travail (salaires): c’est un flux monétaire qui va des
entreprises vers les ménages.
D’un autre coté, les ménages dépensent une partie de
ces revenus pour l’achat de biens et services: c’est un
flux monétaire qui va des ménages aux entreprises. En
correspondance de ce flux monétaire, il y aura
évidemment un flux réel constitué par les biens et les
services produits par les entreprises qui sont cédés aux
ménages.

Même si ce circuit est incomplet, il montre que le


comportement des ménages dépend de celui des
entreprises, et vice-versa: on ne peut pas les étudier
séparément.
LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (PIB)

Les variables macroéconomiques sont construites pour mesurer les flux monétaires qui circulent entre les acteurs et donner ainsi une
image précise du circuit économique.

Aujourd’hui on va étudier l’une des variables macroéconomiques les plus importantes: le produit intérieur brut, ou Pib, qu’on indique
avec la variable Y et qui est une mesure de la richesse créée par les entreprises de l’économie au cours d’une période.

La richesse créée au cours d’une période a deux dimensions différentes:

1. Les entreprises produisent des biens et des services qui n’existeraient pas sans leur activité (dimension réelle)

2. Les entreprises distribuent des revenus monétaires qui sont engendrés par leur activité (dimension monétaire)

Il est fondamental de comprendre que la valeur des biens et services produits au cours d’une période et les revenus
monétaires distribués au cours d’une période, ce sont deux faces de la même médaille: le Pib correspond à la fois à la
valeur des biens et services produits par les entreprises au cours d’une période et aux revenus monétaires engendrés
par l’activité des entreprises au cours de la même période.
LES DEUX DIMENSIONS DU PIB

Le Pib est donc à la fois une mesure de la richesse réelle produite au cours d’une période par les entreprises d’une économie,
richesse qui est incorporée dans des biens et services (des voitures, des lunettes, des livres etc.), et une mesure des revenus
monétaires engendrés par l’activité de ces mêmes entreprises au cours de la même période.

Nous allons étudier séparément ces deux dimensions: et on verra ensuite que la valeur des biens produits par les entreprises au
cours d’une période est forcément identique à celle des revenus engendrés par leur activité au cours de la même période.
LA DIMENSION RÉELLE DU PIB

Dans sa dimension réelle, le Pib mesure la valeur des biens et des services produits par l’acteur macroéconomique « Entreprises » au cours
d’une période (en général, le Pib est calculé sur une année, mais on peut aussi le calculer sur des période de temps différentes). Les
entreprises créent de la richesse incorporée dans des biens: si elles ne produisaient pas, l’économie serait plus pauvre au sens réel du
terme (il n’y aurait pas de tomates, de boissons, de fruits, de vêtements, de voitures, de chaises etc. produits dans l’économie).

Pour mesurer la valeur des biens et services produits par les entreprises dans leur ensemble, le Produit Intérieur Brut ne prend pas en
compte tous les biens produits par chaque entreprise. Pourquoi ?

Les biens produits par les entreprises peuvent être regroupés en trois catégories:

1. Les biens de consommation finale: ce sont des biens qui sont détruits en vue de satisfaire un besoin ou un désir.

Ex: les baguettes produites par une boulangerie

2. Les biens de consommation intermédiaire: ce sont des biens qui sont détruits lors de la première utilisation pour contribuer à la
production d’autres biens.

Ex: la farine que la boulangerie utilise pour produire les baguettes

3. Les biens d’équipement: ce sont des biens qui sont utilisés pour la production d’autres biens, mais qui ne sont pas détruits lors de la
première utilisation, et qui participent donc à plusieurs périodes de production

Ex: le four que la boulangerie utilise pour produire les baguettes


Le Pib mesure la valeur des biens produits par les entreprises dans leur ensemble: et il serait erroné de prendre en compte les biens de
consommation intermédiaire, qui sont produits par une entreprise et détruits pas une autre.

Exemple. Considérons une économie très simplifiée, composée seulement par deux entreprises:

E1 produit des baguettes. La valeur de sa production est Prod1 = 80. Pour produire les baguettes, elle utilise de la farine pour une valeur
CI1=60 et du travail, qu’elle rémunère avec des salaires w1=10

E2 produit de la farine. La valeur de sa production est Prod2=100. Pour produire la farine, elle utilise du travail qu’elle rémunère avec des
salaires w2=80.

Imaginons de vouloir mesurer la valeur de la richesse réelle, c’est-à-dire la richesse incorporée dans des biens, qui a été créée par les deux
entreprises au cours de la période. Autrement dit: qu’elle est la valeur des biens qui n’existeraient pas s’il n’y avait pas eu d’activité
productive de la part des entreprises de l’économie?

Regroupons toutes les entreprises dans un seul acteur macroéconomique, qu’on appelle « Entreprises »: on s’aperçoit que l’activité
productive de cet acteur permet au final l’existence de baguettes pour une valeur de 80, et de farine pour une valeur de 40.

Il serait erronée de considérer que la valeur de la production des entreprises est égale à la somme de la valeur de la production de E1
(Prod1 = 80) et de la valeur de la production de E2 (Prod2=100), parce qu’une partie de la farine produite par E2 est détruite par E1: cette
farine, dont la valeur est 60, est produite et détruite par l’acteur macroéconomique « Entreprises » dans lequel on a regroupé à la fois E1
et E2. La richesse crée par les deux entreprises au cours de la période vaut donc 120: à la fin des processus productifs, il reste des
baguettes pour une valeur de 80 et de la farine pour une valeur de 40. Ces biens n’existeraient pas si les entreprises n’avaient pas produit.
Le Pib, valeur de la production de l’acteur macroéconomique « Entreprises » qui regroupe toutes les entreprises de l’économie,
n’est donc pas égal à la somme de la production de chaque entreprise, car il faut considérer que certaines entreprises utilisent et
détruisent, au cours du processus productifs, des biens produits par d’autres entreprises.

Pour ne pas prendre en compte dans le calcul du Pib les biens produits par une entreprise et détruits pas une autre, nous allons
définir deux grandeurs importantes:

On définit consommation intermédiaire d’une entreprise la valeur des biens que cette entreprise détruit au cours du processus de
production. Ce sont ces biens qui ne doivent pas être pris en compte dans le calcul du Pib.

On définit valeur ajoutée d’une entreprise la différence entre la valeur des biens qu’elle produit et la valeur des biens qu’elle
détruit au cours du processus de production.
Revenons à l’exemple.

E1 produit des baguettes en utilisant de la farine. La valeur de sa production est Prod1 = 80, la valeur de la farine qu’elle détruit est CI1=60. La
valeur ajoutée de E1 est donc VA1 = Prod1 - CI1= 20.

E2 produit de la farine, sa production a une valeur Prod2 = 100. Elle ne détruit pas de biens pour produire la farine, donc CI2=0. La valeur
ajoutée de E2 est donc VA2 = Prod2 - CI2= 100.

Nous avons dit que le processus productif des entreprises considérées dans leur ensemble permet l’existence de baguettes pour une valeur de
80 et de farine pour une valeur de 40.

On s’aperçoit donc qu’on obtient une valeur correcte de la valeur des biens créés par les entreprises au cours de la période en faisant la
somme de la valeur ajoutée de chaque entreprise (VA1 + VA2 = 120).

Ce qui compte, si on veut calculer correctement la richesse incorporée dans des biens qui est créée par une entreprise au cours d’une période,
ce n’est pas la valeur des biens qu’elle produit, mais la différence entre la valeur des biens qu’elle produit et la valeur des biens qu’elle détruit:
donc, sa valeur ajoutée.

(si, par exemple, une entreprise produisait des biens pour une valeur de 200, et que pour ce faire elle détruisait des biens pour une valeur de
200, elle n’aurait créé aucune richesse nouvelle. La valeur ajoutée de cette entreprise serait zéro).

Le Pib, mesure de la richesse créée par l’acteur macroéconomique « Entreprises » au cours d’une période, est égal à la
somme des valeurs ajoutées des entreprises de l’économie.

Y = ∑ VA
LA DIMENSION MONÉTAIRE DU PIB

Nous venons de voir que, dans sa dimension réelle, le Pib mesure la valeur des biens et des services produits par l’acteur macroéconomique
« Entreprises » au cours d’une période. Et que pour calculer de façon correcte cette valeur, il faut faire la somme des valeurs ajoutées des
entreprises qui sont présentes dans l’économie. Nous allons voir maintenant que la somme des valeurs ajoutées, c’est-à-dire le Pib, nous dit
aussi quels sont les revenus monétaires associés à l’activité de production des entreprises.

Revenons à notre exemple.

E1 produit des baguettes. La valeur de sa production est Prod1 = 80. Pour produire les baguettes, elle utilise de la farine pour une valeur
CI1=60 et du travail, qu’elle rémunère avec des salaires w1=10. Sa valeur ajoutée est VA1 = Prod1 - CI1= 20

Quel sera le profit réalisé par E1 ? Il faut faire la différence entre la valeur de sa production et le coût total de la production. On connait la
valeur de la production: Prod1 = 80. Pour produire, elle utilise de la farine et du travail. Le coût total de la production est alors égal au coût
d’achat de la farine (CI1=60) plus le coût du travail qu’elle utilise (w1=10). Le profit de E1 sera donc p1 = Prod1 - (CI1+w1) = 80 – 70 = 10

Il est simple de voir qu’on pourrait calculer le profit en partant de la valeur ajoutée:

p1 = Prod1 - (CI1+w1) p1 = (Prod1 - CI1) - w1 p1 = VA1 - w1 p1 = 20 – 10 = 10


Le raisonnement que nous venons de faire pour E1 s’applique à n’importe quelle entreprise.

Le profit d’une entreprise est égal à la différence entre la valeur de sa production et le coût total de la production.

Le coût total de la production est égal à la somme de la consommation intermédiaire de l’entreprise (les biens qu’elle achète pour
les utiliser et les détruire dans la production) et des salaires qu’elle paie.

Et donc le profit d’une entreprise est égal à la différence entre sa valeur ajoutée et le salaires qu’elle paie.

p = Prod - (CI+w) p1 = (Prod - CI) - w p = VA - w


Nous pouvons appliquer le même raisonnement à E2, qui produit de la farine. La valeur de sa production est Prod 2=100. Pour
produire la farine, elle utilise seulement du travail qu’elle rémunère avec des salaires w2=80. Elle ne détruit aucun bien, donc sa
valeur ajoutée est VA 2=100. Le seul coût de production pour E2 ce sont les salaires: son coût total de la production est donc 80.
On peut calculer le profit de E2 soit comme différence entre la valeur de sa production (Prod2=100) et le coût total de la
production, soit en déduisant les salaires de la valeur ajoutée: p2 = VA2 - w2 = 100 – 80 = 20

Les deux entreprises de l’économie réalisent un profit total P = p1 + p2 = 10 + 20 = 30

Le total des salaires qu’elles paient est W = w1 + w2 = 10 + 80 = 90

On s’aperçoit que la somme des profits réalisés par les entreprises et des salaires qu’elles paient est égal au Pib de l’économie de
notre exemple: P + W = 120
Ce résultat est très général. Nous avons dit en effet qu’on peut calculer le profit d’une entreprise à partir de sa valeur
ajoutée:

pi = VAi – wi
Si on fait la somme des profits de toutes les entreprises présentes dans l’économie, on a alors:

∑ pi = ∑ VAi – ∑ wi
La somme des profits est égal au total des profits réalisés par les entreprises (P); la somme des salaires est égale au
total des salaires payés par les entreprises (W); et la somme des valeurs ajoutées est égale au Pib (Y). On a donc:

P=Y–W

Y=W+P
Nous venons de démontrer que le Pib, qui par définition est égal à la somme des valeurs ajoutées des entreprises de
l’économie, est forcément égal à la somme du total des salaires et du total des profits dans l’économie: c’est sa
dimension monétaire.
Faisons encore un exemple.

Une maison d’édition produit des journaux en utilisant du papier, de l’encre et le travail de ses salariés.

Supposons que la valeur des journaux produits au cours d’une année soit 100.000 euros, que la valeur de l’encre utilisée soit de 10.000 euros, la valeur
du papier utilisé 30.000 euros, et que la maison d’édition paie des salaires pour 40.000 euros.

La production de cette entreprise a donc une valeur de 100.000, le coût total de cette production (encre + papier + salaires) est de 80.000, ce qui veut
dire que la maison d’édition réalise un profit de 20.000 euros.

Calculons maintenant la valeur ajoutée de cette entreprise. Elle crée des biens qui valent 100.000 euros: c’est la valeur de sa production. Elle détruit
des biens (encre et papier) pour 40.000 euros: c’est sa consommation intermédiaire. Sa valeur ajoutée est donc: VA = 100.000 – 40.000 = 60.000.

On peut regarder la valeur ajoutée de cette entreprise (60.000 euros) de deux points de vue différents:

- Du point de vue réel, c’est la valeur que l’entreprise ajoute aux biens existants grâce à son activité productive. Si elle n’avait pas produit, il existerait
de l’encre pour une valeur de 10.000 euros et du papier pour une valeur de 30.000 euros; en produisant, l’entreprise a détruit ces biens, mais elle a
fait exister des journaux qui valent 100.000 euros. Elle donc ajouté aux biens qui existent une valeur de 60.000

- Du point de vue monétaire, la valeur ajoutée indique le total de revenus engendrés par l’activité de production. La production de l’entreprise a
permis, au cours de la période, de distribuer des salaires pour 40.000 euros et d’engendrer un profit de 20.000 euros.

Le Pib est égal à la somme des valeurs ajoutées de toutes les entreprises de l’économie. Donc le Pib aussi indique à la fois la
valeur des biens créés par les entreprises (dimension réelle) et la valeur des revenus monétaires – salaires et profits – engendrés
par l’activité des entreprises (dimension monétaire).
En résumé.

Le Produit Intérieur Brut est une variable-clé pour la compréhension de la macroéconomie.

Il mesure la richesse créée par les entreprises au cours d’une période. Pour mesurer cette richesse, il faut faire la somme des
valeurs ajoutées des entreprises qui composent l’économie.

Le Pib mesure deux choses différentes:

- La valeur des biens et des services produits par les entreprises (cette valeur ne tient pas compte des biens de consommation
intermédiaire qui sont produits par des entreprises et détruits par d’autres entreprises. Dans le calcul du Pib on retrouve donc
seulement les biens de consommation finale et les biens d’équipement)

- Le revenu monétaire associé à la production des entreprises, qui est constitué par les salaires payés par les entreprises et par
les profits qu’elles réalisent.

Il ne s’agit pas de deux grandeurs différentes, mais de la même grandeur regardée de deux points de vue différents: si les
entreprises d’une économie ont créé des biens qui valent 2400 milliards d’euros (dimension réelle du Pib), le total des salaires et
des profits liés à l’activité des entreprises sera de 2400 milliards d’euros (dimension monétaire du Pib).

Il est fondamental de comprendre à quoi correspond le Pib pour pouvoir étudier le circuit économique et les différentes variables
qui mesurent les flux qui le composent.
Nous allons maintenant raisonner d’un point de vue comptable. Les variables comptables mesurent ce qui s’est passé dans
l’économie.

Cela veut dire qu’il faut se placer après la fin de la période de référence: par exemple, si on parle du Pib d’un certain pays en
2022, il faut imaginer que l’année 2022 soit déjà terminée, et qu’on puisse mesurer ce qui s’est passé.

Pour simplicité, considérons pour commencer une économie fermée sans intervention de l’Etat, et considérons comme
période de référence une année.

Nous allons prendre en compte le Pib dans ses deux dimensions.

Dimension réelle: le Pib correspond à la valeur des biens qui ont été produits par les entreprises au cours de l’année. Une fois
l’année terminée, on peut se demander: que sont devenus ces biens ?

Dimension monétaire: le Pib correspond au total des profits et des salaires engendrés par l’activité des entreprises au cours de
l’année. Une fois l’année terminée, on peut se demander: que sont devenus ces profits et ces salaires ?
Considérons d’abord le Pib dans sa dimension réelle. Pour simplicité,
considérons une économie fermée sans intervention de l’Etat : les
acteurs de la macroéconomie sont donc seulement les Entreprises et les
Ménages.

Une fois l’année terminée, on peut se demander que sont devenus les
biens produits par les entreprises qui sont comptabilisés dans le Pib
(parmi lesquels ne figurent pas les biens de consommation
intermédiaire). Il y a seulement trois possibilités: soit ils ont été achetés
par les ménages, soit ils ont été achetés par les entreprises, soit ils n’ont
pas été vendus.

Les ménages achètent des biens de consommation finale. Lorsqu’on


mesure, après coup (ou, comme on dit en économie, ex post) la valeur
de ces biens, on obtient une grandeur comptable appelée
consommation nationale (C), qui est donc la valeur des biens de
consommation finale qui ont été achetés par les ménages au cours de la
période.
Les entreprises achètent à d’autres entreprises des biens d’équipement, qui sont donc intégrés à l’actif du bilan des entreprises qui les
achètent et participent ainsi à la formation de leur capital. Les biens non vendus restent propriété des entreprises qui les ont produits: ces
biens sont aussi intégrés dans l’actif du bilan des entreprises. On appelle investissement national (I) la variation du capital des entreprises au
cours de la période (I = DK/Dt) ; cela correspond à la variation de l’actif du bilan des entreprises, qui est engendrée par les biens qui ont été
achetés par des entreprises à d’autres entreprises, et par les biens qui ont été produits et non vendus.

Dans une économie fermée sans Etat, on aura donc que Y = C + I est toujours vrai du point de vue comptable. Cela indique simplement
que tout bien produit a été soit acheté par les ménages, soit intégré au capital des entreprises.
Considérons maintenant le Pib dans sa dimension monétaire. Nous savons que
le Pib est égal à la somme des salaires et des profits: Y = W + P

Les entreprises qui ont réalisé des profits ont deux possibilités: soit distribuer
des dividendes aux actionnaires/propriétaires, soit destiner le profit à
l’autofinancement (Se). L’autofinancement correspond au choix de ne pas
distribuer le profit aux propriétaires de l’entreprise, mais de le garder dans la
caisse de l’entreprise pour finance ses activités.

Si on mesure le total des dividendes distribués par les entreprises au cours de


la période (divid), et on l’additionne à l’autofinancement réalisé par les
entreprises au cours de la période, on retrouve forcément le total des profits:
P = divid + Se

Les dividendes sont un revenu pour les ménages qui ont cédé aux entreprises la
possibilité d’utiliser le facteur capital. On appelle revenu national (R) le revenu
des ménages, qui est égal à la somme des salaires (revenus du travail) et des
dividendes (revenus du capital): R = W + divid

Lorsque on mesure la somme que les ménages ont dépensé pour l’achat des
biens de consommation finale, on retrouve une grandeur que nous connaissons
déjà: la consommation nationale (C).

La consommation nationale, elle aussi, peut être regardée dans sa dimension


réelle (diapo précédente: valeur des biens de consommation finale achetés par
les ménages) et dans sa dimension monétaire (cette diapo: somme dépensée
par les ménages pour l’achat de biens de consommation finale).
Dans une économie fermée sans Etat comme celle que nous sommes en
train de considérer, il n’y a pas d’impôts à payer. La partie du revenu
national qui n’a pas été dépensée pour la consommation correspond alors
à l’épargne réalisée par les ménages: Sm = R – C.

On définit épargne nationale la somme de l’autofinancement des


entreprises et de l’épargne des ménages: S = Se + Sm.

On voit donc que dans une économie fermée sans Etat, le Pib – dans sa
dimension monétaire – alimente soit la consommation nationale, soit
l’épargne nationale: Y = C + S. Cela indique simplement que le revenu créé
par l’activité des entreprises a été soit dépensé pour la consommation, soit
épargné (sous la forme d’autofinancement des entreprises ou d’épargne
des ménages).

Mathématiquement:

Y=W+P

P = divid + Se Y = W + divid + Se
R = W + divid Y = R + Se

R = C + Sm Y = C + Sm + Se

S = Se + Sm Y=C+S
Si on se place du point de vue comptable (ex post), et qu’on considère une économie fermée sans intervention de l’Etat, on a donc deux
relations qui sont toujours vérifiées:

Y=C+I
Cela indique que tout bien produit au cours de la période a été soit acheté par les ménages, soit intégré au capital des entreprises (nous
sommes en train de considérer une économie qui n’échange pas avec le reste du monde et dans laquelle l’Etat n’intervient pas: les seuls
acteurs macroéconomiques sont donc les ménages et les entreprises)

Y=C+S
Cela indique que le revenu engendré par l’activité des entreprises a été soit dépensé pour la consommation soit épargné (là encore, il faut
rappeler que nous sommes en train de considérer une économie dans laquelle il n’y a pas d’impôts à payer: il n’y a donc pas d’autres
utilisations possibles du Pib dans sa forme monétaire que la dépense pour consommation et l’épargne. Toujours pour rappel, la partie du
Pib que les entreprises ne distribuent pas aux ménages – c’est-à-dire l’autofinancement des entreprises – est comptabilisée dans l’épargne,
tous comme la partie du revenu des ménages qui n’est pas dépensée).

Bien évidemment, on peut déduire une troisième relation des deux précédentes:

S=I
Cela indique que, dans une économie fermée sans Etat, l’épargne et l’investissement seront forcément identiques du point de vue
comptable (l’épargne réalisée est toujours égale à l’investissement réalisé).
Pour comprendre d’où vient – dans une économie fermée sans Etat - l’égalité comptable entre épargne et investissement, simplifions
encore davantage l’analyse: supposons que les entreprises distribuent la totalité de leurs profits aux actionnaires. Cela revient à dire que les
entreprises ne font pas d’autofinancement (Se=0), ce qui implique que tout le Pib, dans sa dimension monétaire, devient un revenu pour les
ménages. Sous l’hypothèse Se=0, le revenu national est donc égal au Pib: R = Y.

[Mathématiquement: Y = W + P , R= W + divid ; si Se=0, divid = P et donc R = Y]

On est donc dans une économie fermée sans Etat. Si les entreprises ne font pas d’autofinancement, les ménages reçoivent – en salaire et
dividendes – la totalité du Pib dans sa dimension monétaire. Cela veut dire que le revenu des ménages (R) a une valeur identique à celle des
biens produits par les entreprises (le Pib dans sa dimension réelle) et qui étaient à vendre: si les ménages avaient dépensé la totalité de leur
revenu, ils auraient acheté tous les biens produits par les entreprises.
Mais en règle générale, les ménages épargnent une partie du revenu
national: il y a donc des biens produits par les entreprises qui n’ont pas été
achetés par les ménages, et la valeur de ces biens est identique à celle de
l’épargne des ménages.
Que deviennent les biens produits par les entreprises qui n’ont pas été
achetés par les ménages ? Ils restent forcément propriété des entreprises
(soit parce qu’il s’agit de biens d’équipement vendus par une entreprise à
une autre entreprise, soit parce qu’ils ne sont pas vendus et sont alors
stockés par l’entreprise qui les a produits). Ces biens sont donc intégrés au
capital des entreprises qui va alors augmenter au cours de la période: leur
valeur correspond à l’investissement national.
On voit donc que, du point de vue comptable, dans une économie fermée
sans Etat, l’épargne réalisée est forcément identique à l’investissement
réalisé par les entreprises.

Vous aimerez peut-être aussi