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A. Intersubjectivité et liberté.

I. La conscience, la liberté et le temps.

a) en soi et pour soi


Concepts: ontologie, phénoménologie, subjectivité, en-soi (mode d'être des choses),
pour-soi (la conscience même de l'être des choses)

Problématique philosophique: se demander ce que sont être et non être pour la conscience,
c'est-à-dire simplement comment être et non-être apparaissent à la conscience.

Distinction:
Le terme d'en-soi n'a absolument pas le sens d'un être qui existerait en lui-même
indépendamment de son apparaître pour nous: pas d’arrière-monde métaphysique, mais
une idée de l'objet comme ensemble de profils qui apparaissent à la conscience qui les
perçoit
La conscience perçoit ordinairement l’objet de façon non-thétique; elle se contente de
percevoir l’objet de façon immédiate et spontanée; celui-ci lui apparaît face à elle que
comme pure présence.

Une conscience thétique est une conscience qui non seulement perçoit son objet mais pose
aussi l'existence de cet objet donné à sa perception;
L'être de la conscience se manifeste comme être pour-soi dès lors que la conscience étant
essentiellement une relation avec un contenu de conscience, se distingue de ce contenu et
se pose comme différente de lui en même temps qu'elle le pose comme différent d'elle.
La conscience ne peut donc se saisir que comme la visée même qui se donne cet objet.

Propriété de la conscience: dualisme de l'être de la conscience > à la fois sujet qui perçoit
et objet perçu ; impossible donc d’apparaître comme un en-soi pour elle-même.

Implication: il existe une certaine forme de “néant” dans l’être de la conscience, car cette
distance de soi à soi l’empêche de coïncider avec elle-même (échapper à l’identité tout en la
posant comme unité) > pas de plénitude ontologique
L’être ne devient conscience qu’à s’anéantir comme en-soi pour se produire comme
pour-soi.
La conscience ne trouve rien dans l’en-soi qui la produise comme conscience : elle surgit
sur le fond de l’en-soi et se donne l’être à elle-même.

Remarque: il est contingent qu’il y ait de la conscience, mais comme c’est la conscience qui
fait que l’en-soi est tel pour une conscience, l’en-soi qui est le fond contingent sur lequel
s’enlève le pour-soi se révèle contingent parce qu’il est en-soi pour la conscience et pour
elle seulement.

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b) Le néant et la liberté
Problématique: Comment surgit la thèse de la liberté sartrienne?

La thèse de Sartre : le néant présuppose l’être et le fonde a posteriori. La négation


fonctionne comme détermination en mouvement.
Exemple: l’homme inclut la néantisation dans sa propre définition : l’homme ne peut en effet
définir son être que par comparaison avec le monde qu’il n’est pas

Or, le néant ne peut pas appartenir à l'être du monde car aucune chose qui relève de l'ordre
de l’en-soi ne peut comporter en elle-même de relation négative avec autre chose. Seule la
réalité humaine apparaît comme une condition de dépassement des choses et ce
dépassement c’est la transcendance de la conscience à l’égard du donné.

Explicitation: affirmer que l'objet X possède la propriété Y revient à dire que l'objet ne
possède pas l'infinité des propriétés différentes de Y. Or, cette comparaison ne peut être
faite que du point de vue de celui qui dispose de la possibilité de relier l'objet X avec l'infinité
des propriétés qu'il ne possède pas.
Pour le dire autrement: Il faut une distance par rapport à l’être pour introduire dans l’être le
néant > un arrachement à l’égard de l’ordre causal du monde ; en s’arrachant à la plénitude
causale de l’ordre du monde, on se néantise soi-même comme n’étant pas un objet du
monde.

Relance: la question est de savoir ce que doit être cet homme pour que par lui le néant
puisse se tenir dans l’être ?
Distinction: La néantisation du monde n’est pas sa destruction par l’homme, mais seulement
la capacité pour celui-ci de se mettre à distance de l’être.
Cet arrachement à l’être, c’est pour Sartre la liberté: c’est l’expérience de la non
coïncidence avec soi-même (à la différence des choses qui possèdent une nature).
En outre, un état de conscience antérieure ne peut pas déterminer un état de conscience
postérieur, pas même en termes de motivation. La conscience présente ne dépend pas de la
conscience passée. Entre elles, il y a toujours cette distance qui existe entre la conscience
et n'importe lequel de ses états de conscience. C’est la thèse phénoménologique de la non
chosification des contenus de conscience : il n’y a pas de motif dans la conscience, il n’y a
que des motifs pour la conscience, à savoir des motifs qu’elle seule peut se donner.
La conscience échappe ainsi au déterminisme du motif par le fait même de le poser en face
d’elle et de se le donner comme un état puisque c’est à elle qu’il incombe à présent de lui
conférer sa signification et son importance.

c) L’angoisse et la mauvaise foi


Problématique: comment se manifeste cette conscience de la liberté pour elle-même?
Définition: l’angoisse est une appréhension réflexive du soi comme réaction indéterminée.

Le présent comparé au futur: indétermination de mes actions ; dans la mesure où je suis


libre, non seulement ce que je suis n’est pas le fondement de ce que je serai, mais aucun
existant actuel ne peut déterminer rigoureusement ce que je vais être.

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Le présent comparé au passé: en cas de conflit entre les résolutions du moi passé et du moi
présent, l’angoisse provient du fait que le moi passé n’est pas assez fort pour déterminer le
moi présent, ce qui laisse ouverte la détermination de la décision.
Pour qu’elle constitue de nouveau une force, il faut qu’elle soit réendossée librement par la
conscience présente. L’angoisse c’est donc d’avoir à se choisir en permanence: elle révèle
la liberté comme indétermination.
Or, les différents actes que j’accomplis me trouvent effectivement engagé en eux et révèlent
chaque fois mes possibilités en acte comme des consciences irréfléchies. C’est donc
seulement à la réflexion que le choix des possibles se révèle comme contingent et que
l’angoisse se produit, alors que dans l’acte lui-même la conscience adhère à son propre état
de conscience comme mobile de l’acte.

De façon plus générale, la réflexivité découvre l’idée même de l’angoisse éthique qui
provient cette fois de ce qu’il n’existe pas de valeurs morales établies dans l’être (si c’était le
cas, elles apparaîtraient comme des êtres indépendants simplement donnés à la
conscience).
C’est donc ma liberté qui constitue le fondement de toutes les valeurs dans la mesure où
elle les choisit et rien ne peut justifier le choix en faveur de l’une plutôt qu’en faveur de
l’autre ; en effet rien en elles ne peut exercer une détermination sur la conscience.
Dans le cadre des actions ordinaires, on choisit les valeurs liées à des états de conscience
spécifiques sans conscience réfléchie sur le fondement du choix. En effet, dans l’action, la
valeur apparaît objectivée par l’adhérence immédiate de la conscience au choix.
Pourquoi l’angoisse ne se découvre-t-elle pas forcément à la réflexion? Cela se traduit par
une réaction de fuite face à la découverte de l’injustifiabilité de son être et de ses décisions.
Avant même d’être une thèse explicative, cela constitue une recherche d’excuse en me
réduisant moi-même à n’être jamais que ce que je suis déjà.
Le déterminisme consiste à isoler arbitrairement un état de conscience présent de la chaîne
causale qui le précède et à laquelle on ne prête aucune attention précisément parce qu'on
ne la connaît pas. Sartre montre au contraire que c’est l'angoisse qui découle de
l’indétermination qui conduit l'individu à s'inventer des chaînes causales ou une essence
destinées à rendre son action inévitable.

Relance: comment est-il possible de ne pas percevoir sa propre liberté et de se convaincre


soi-même que l'ensemble de ses actions est déterminé par des causes nécessaires ?
Ce qui caractérise ma propre liberté à partir de l'état de conscience présent, c’est qu'il existe
face à moi un certain nombre de possibles qui sont tous en suspens.
Dans un contexte déterministe, cette pluralité de possibles disparaît puisque, seule une
fraction de ces possibles se réalisera en vertu de la détermination de mon comportement
par une série causale ou une essence déterminée.
Donc, si nous voulons nous convaincre que nous ne sommes pas libres, il faut que nous
parvenions à nous convaincre qu'une certaine fraction de l'éventail de possibles disparaît.
Comment cela est-il possible malgré la conscience de la liberté?

Les possibles apparaissent à la conscience comme tels : j’ai le sentiment qu’ils peuvent être
effectués. Je m’efforce alors de considérer que ces possibles ne sont que pour autrui,
effectuables seulement par le «on» anonyme. Comment la conscience peut-elle
s’auto-tromper sans se perdre comme conscience de cette auto-tromperie ?

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Il s’agit là d’un comportement impossible dans lequel je suis constamment obligé de penser
à ces possibles pour les fuir. Le problème spécifique de la mauvaise foi est qu’il s’agit d’un
mensonge à soi-même et qu’il est impossible, par principe, de se dissimuler ce que l’on veut
dissimuler.
Il existe cependant une autre possibilité de fuite qui consiste à se tourner vers le passé,
c’est-à-dire à se tourner vers ce que nous considérons comme notre propre essence,
l’essence d’un moi dont la nature produit simplement nos actes comme autant de
conséquences de cette nature.
Sartre recourt toujours à la même expérience vécue: tout désir est désir pour une
conscience qui se les donne et ainsi les vise comme des états de conscience. Par là-même,
elle s'en distingue: entre elle et eux il y a ce néant qui est la liberté. Si ces états de
conscience motivationnels exercent un effet sur la conscience, cela ne peut donc être que
parce qu'elle choisit de les laisser exercer un tel effet.
Quid de l’émotion? Est-elle une réponse ou une action? La conscience en tant que
connaissance constitue la base de la production de l’émotion. Celle-ci n’exerce pas un rôle
déterminant sur la conscience, mais c’est la conscience qui exerce un rôle déterminant sur
l’émotion.
La mauvaise foi est une stratégie qui tente de se rendre inconsciente, mais qui n’y parvient
pas malgré sa tentative. Cependant malgré son échec, elle demeure une stratégie de la
conscience et une stratégie d’autant plus nécessaire à ses yeux qu’elle remplit une fonction
précise qui consiste à éviter d’affronter sa responsabilité.
Ne pourrait-on pratiquer, malgré son coût, la stratégie contraire, à savoir celle de la sincérité
et de l'authenticité ? Non seulement la thèse sartrienne aboutit à montrer que la mauvaise
foi est absurde. En effet, la bonne foi ou la sincérité consisterait à exhiber son véritable être,
mais la tâche se révèle impossible précisément parce qu'il n'y a pas de véritable être. Nous
ne sommes rien d'autre que ce que nous nous faisons être et, ce que nous nous faisons
être, varie en fonction du projet que nous formons d'être quelque chose.

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