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Les Plaies cornéosclérales

 Les traumatismes de la cornée et de la sclère sont fréquents. Ils touchent essentiellement des sujets jeunes en pleine activité. C’est une cause de
morbidité oculaire. Les traumatismes pénétrants sont plus pourvoyeurs de plaies cornéosclérales que les contusions. Ces dernières occasionnent des
plaies sur des yeux fragilisées (sujet âgé, affections oculaires préexistantes). Leur pronostic dépend de la sévérité du traumatisme du siège des lésions
cornéosclérales et des lésions oculaires associées.
 La prise en charge, souvent chirurgicale, vise à restaurer l’anatomie oculaire et à éviter différentes complications aggravant le pronostic des ces
plaies.

 Evaluation clinique :

b.     Acuité visuelle :

 La mesure de l’acuité visuelle n’est pas toujours facile à prendre chez ces patients, surtout lorsqu’il s’agit d’un jeune enfant. Elle permet d’avoir
une idée approximative sur la fonction visuelle. Corrigée si possible sinon on s’aidera du trou sténopéique. L’absence de perception visuelle
associée à une plaie du globe oculaire sévère est de pronostic sombre.

c.       Examen à la lampe à fente :

 L’examen de la conjonctive avec inspection des culs-de-sac peut trouver une plaie franche associée à la plaie sclérale ou un chémosis
hémorragique faisant suspecter fortement une plaie sclérale sous-jacente. La plaie conjonctivale peut ne pas être évidente initialement, elle
pourra être détectée à l’aide de la manipulation douce de la conjonctive par un coton-tige sous anesthésie topique, cet examen peut révéler
une plaie sclérale ou un corps étranger sous-jacents.

 L’examen de la cornée se fait de la superficie jusqu'à la profondeur et sur toute son étendue. Pour les lésions épithéliales, on peut utiliser la
fluorescéine. Un corps étranger cornéen pendant en chambre antérieure est considéré comme une plaie perforante et doit être retiré sous
microscope opératoire.
 L’utilisation de la fente fine avec balayage de la cornée permet de mettre en évidence les plaies coaptées avec scalpe cornéen. Un signe de
Seidel positif spontané ou après légère pression sur le globe signe que la plaie est perforante. La chambre antérieure reste profonde sans hernie
de l’iris.
 Les plaies perforantes avec ou sans hernie de l’iris sont de siège, de taille et d’aspect variable. Il est rare d’avoir une perte de substance
cornéenne associée à la plaie et qui rend le traitement chirurgical difficile.
 Une rupture sclérale peut siéger parfaitement sous une conjonctive intacte ou à distance de la plaie conjonctivale. Des signes indirects la font
suspecter : visualisation de l’uvée en sous-conjonctival, bombement de la conjonctive par une issue de vitré, chémosis hémorragique associé à
une hypotonie oculaire. Devant le doute, il faut réaliser une exploration chirurgicale.

 L’examen de la chambre antérieure apprécie sa profondeur qui est conservée dans les plaies auto étanches. Elle s’approfondie dans les plaies
sclérales, en cas de subluxation ou luxation postérieure du cristallin. Sa profondeur est réduite dans les plaies cornéo-sclérales qui fuient, en cas
de cataracte rompue intumescente. On recherchera un éventuel corps étrangers intra-camérulaire. Assez souvent un hyphéma accompagne la
plaie rendant difficile le reste de l’examen et associé parfois au vitré ou à du matériel cristallinien.

 L’iris peut être le siège de diverses atteintes. On peut avoir des ruptures sphinctériennes, une iridodialyse ou des perforations iriennes qui
signent le passage d’un corps étranger à haute inertie. En cas d’hernie de l’iris à travers la plaie, il faut apprécier son aspect à la recherche de
signes d’infection ou de nécrose tissulaire.

 L’examen du pôle postérieur, quand il est possible, évalue l’état du vitré qui peut être le siège d’une hémorragie vitréenne, l’état de la rétine
qui peut être le siège d’œdème du pôle postérieur dans les cas de plaies perforantes avec composante contusive, d’hémorragies rétiniennes ou
déjà d’un décollement de rétine compliquant une déchirure rétinienne post traumatique.

 La mesure de la pression intraoculaire est généralement contre-indiquée en cas de plaie ouverte du globe oculaire. Elle peut être utile en cas
de plaie sclérale occulte (hypotonie). Cependant, une pression normale n’élimine pas une plaie sclérale.

Après une anamnèse et un examen clinique bien conduit l’examinateur peut déterminer s’il a besoin d’autres investigations paracliniques..

     II.      Traitement des plaies cornéosclérales :


1.      Préparation à la chirurgie :

 une antibio-prophylaxie est systématique utilisant des antibiotiques à large spectre par voie générale.
o Une association d’une céphalosporine ou vancomycine pour les germes gram positifs et un aminoside pour les gram négatifs semble
appropriée.
o Les fluoroquinolones peuvent aussi être utilisées en dehors des contre-indications.
o En cas de contamination par des agents d’origine végétale on utilisera de la clindamycine pour couvrir le bacillus qui est très virulent.
o Il faut éviter les injections sous-conjonctivales car elles peuvent engendrer une pression sur l’œil et peuvent délivrer des doses
élevées d’antibiotiques sur un œil ouvert. De même, il faut éviter d’instiller des collyres avant de suturer la plaie.
 Il ne faut pas oublier la prophylaxie antitétanique devant toute plaie du globe oculaire.

 En cas de signes d’infection patents, il faut procéder à des prélèvements au niveau des berges de la plaie, des tissus herniés, des corps étrangers
extraits voire des prélèvements intraoculaires (humeur aqueuse, vitré) et de procéder selon la sévérité de l’infection aux injections
intraoculaires.

 Anesthesie : Dans la majorité des cas, sous anesthésie générale. L’anesthésie topique peut être utilisée chez l’adulte coopérant et ayant une
petite plaie ne nécessitant pas de manipulation de l’iris ni de la chambre antérieure.

 Delai : La chirurgie doit être faite le plus tôt possible. Cependant, en cas de plaies complexes nécessitant le recours à une chirurgie poussée
utilisant un matériel adapté non disponible aux urgences et un chirurgien expérimenté, la chirurgie peut être différée de quelques heures et
réalisé dans un bloc mieux équipé.

2.      Réparation de la plaie de cornée :


Le but initial de la chirurgie est d’obtenir un globe étanche avec une intégrité structurale. Secondairement, ablation de matériel cristallinien et de vitré
prolabé, repositionnement de l’uvée, libérer une incarcération vitréenne, extraction de tout corps étranger et restauration de l’anatomie.

a.      Plaie de cornée non perforante :

 dépend de l’aspect de la plaie.


 Quand les berges de la plaie sont bien affrontées :
o des collyres antibiotiques associés à un pansement occlusif suffisent.
o La cicatrisation est souvent rapide.
o Si la plaie est instable, on placera une lentille thérapeutique qui favorise la cicatrisation épithéliale et minimise les traumatismes
occasionnés par les mouvements palpébraux. La lentille est retirée après réépithélialisation complète.
 En cas de mauvais affrontement des berges de la plaie, des points de sutures doivent être placés en évitant l’axe visuel.

b.     Plaie de cornées perforantes :

 Dans les petites plaies auto étanches et chez l’adulte, la mise en place d’une lentille thérapeutique avec collyres antibiotiques est suffisante. Un
contrôle dans 24 heurs, recherche la persistance de la fuite d’humeur aqueuse avec diminution de la profondeur de la chambre antérieure au
quel cas il faut placer des sutures.

 Les plaies simples avec chambre antérieure formée et sans hernie de l’iris sont suturées sans manipulation instrumentale dans la chambre
antérieure.

 Les plaies non étanches avec chambre antérieure étroite

o nécessitent l’utilisation de substance viscoélastique (hyaluronate de sodium +++) La substance viscoélastique permet
 de reformer la chambre antérieure,
 tamponnement des structures intraoculaires,
 protection de l’endothélium de l’iris et du cristallin.

o Des sutures temporaires superficielles peuvent être placées si la mise en places des sutures profondes définitives entraîne un
réaffaissement de la chambre antérieure.
o Pour la suture on utilise du monofilament nylon 10-0 voire du nylon 11-0 pour les sutures proches ou intéressant l’axe visuel.
o La méthode la plus simple de suture est l’utilisation de
 points séparés
 intéressant environs 90% de profondeur du stroma,
 équidistants et d’une longueur de 1,5 mm.
o Les sutures petites et très superficielles entraînent une baillance de la berge postérieure de la plaie,
o alors que les sutures non équidistantes causent un chevauchement des berges.
o Les sutures transfixiantes exposent théoriquement à la pénétration de micro-organismes dans l’œil.

 En cas de plaie en scalpe (oblique),


o les sutures doivent être placées équidistantes par rapport à la berge postérieure de la plaie avec une tension minimale pour ne pas
causer de chevauchement.
o Les plaies avec berges oedématiées et irrégulières nécessitent de larges points.
o Il faut éviter dans la mesure du possible de placer des sutures sur l’axe visuel. Les sutures doivent être placées de part et d’autre de
l’axe visuel, et de préférence de petite taille.
o On peut aussi ne pas utiliser de pince cornéenne au niveau de cette zone, la suture sera alors réalisée en plaçant l’aiguille
perpendiculairement à la surface cornéenne puis l’aiguille est tournée à travers la cornée suivant la courbure de l’aiguille, le globe
étant fixé par une pince au niveau de la conjonctive.

 Les plaies complexes


o sont divisées en des segments droits par des sutures séparées.
o On suture d’abord les parties perpendiculaires de la plaie, ensuite les parties obliques pour assurer l’étanchéité de la plaie avec le
moindre de points.
o Selon Rowsey et Hays, des sutures périphériques longues, profondes et relativement serrées, combinées à des sutures petites
superficielles, proches de l’axe visuel pourrait restaurer la forme relativement cambrée du centre de la cornée.
o Dans les plaies irrégulières ou arciformes, les sutures doivent être perpendiculaires à la plaie pour éviter la translation transverse des
berges. Dans les plaies linéaires un surjet peut être utilisé.
o Les sutures doivent être coupées court puis enfouies pour minimiser l’appel vasculaire, les cicatrices, l’inflammation et
l’accumulation de mucus.
o Une fois la plaie suturée, la chambre antérieure doit être reformée soit à partir de la plaie ou de préférence à partie de la
paracentèse, celle-ci nécessite rarement la suture.

 Les plaies étoilées ou avec perte de substance partielle sont difficiles à réparer car il est difficile d’obtenir l’étanchéité. Plusieurs techniques
peuvent être utilisées, comme les points séparés multiples ou les sutures en pont. Si l’étanchéité n’est pas achevée, on utilise soit la colle
biologique soit une greffe lamellaire.

Plaie avec hernie de l’uvée :

 l’iris hernié doit être bien analysé à la recherche de


o signes d’infection,
o de dépigmentation
o ou de dévitalisation
o ou d’une épithélialisation de surface qu’il faut enlever avant sa réintégration.
 Il ne faut exciser que la partie de l’iris qui semble manifestement dévitalisée ou très altérée. L’excision doit être très économique, sans traction
et au raz de la cornée.
 Les incarcérations minimes peuvent être traitée par l’instillation de myotiques pour les incarcérations périphériques, et les mydriatiques pour
les incarcérations proches du centre. La désincarcération mécanique est facilitée par l’injection de substance viscoélastique et en s’aidant d’une
spatule à iris ou de la canule d’irrigation à partir de la paracentèse dans un mouvement de translation, en faisant attention à l’endothélium
cornéen, à l’iris et au cristallin.

Plaie avec atteinte cristallinienne ou vitréenne :

 la chirurgie d’une cataracte post-traumatique est rarement réalisée au même temps que la réparation de la plaie.
 En cas de cataracte rompue avec masses en chambre antérieure, le lavage s’impose pour éviter l’inflammation phacoantigénique post-
opératoire.
 Quand la capsule postérieure est rompue avec issue de vitré, ou le cristallin est subluxé ou luxé, le vitréotome est utilisé pour réaliser une
vitréctomie antérieure associée à l’extraction du cristallin, celle-ci doit enlever tout le vitré présent dans la chambre antérieure pour éviter son
incarcération dans la plaie avec toutes ses conséquences.

3.      Réparation des plaies cornéosclérales :

 Les plaies de cornée qui se continuent sur la sclère doivent être bien explorées afin de déterminer l’étendue de la portion sclérale. On
commence d’abord par suturer la portion limbique de la plaie par du fil non résorbable puis de la portion cornéenne.
 Par la suite, on commence l’exploration de la plaie sclérale. Pour cela, une péritomie conjonctivale est réalisée en regard de la plaie quand elle
est petite, ou sur 360° en cas de plaie sclérale large, afin d’explorer les 4 quadrants. La mise à nue de la sclère doit être douce pour ne pas
aggraver la protrusion des tissus intraoculaires.
 Les loupes seraient préférables au microscope opératoire
 . L’hémostase doit être méticuleuse au fur et à mesure de la dissection pour identifier les berges de la plaie qui sont souvent enroulées vers
l’intérieur.
 La plaie doit être nettoyée de toute issue de vitré.
o La vitréctomie est réalisée à l’éponge
o ou au vitréotome pour enlever le vitré au niveau des berges de la plaie si la visibilité le permet.
o Dans les plaies qui dépassent la pars plana, l’utilisation du vitréotome à travers la plaie est dangereuse. Elle sera faite dans ce cas
uniquement à l’éponge sans traction sur le vitré et au raz de la sclère.
 La suture sclérale est faite par un fil non résorbable (monofilament, soie).
 La suture de la sclère est faite de proche en proche par des points séparés après réintégration de l’uvée prolabée qui peut être faite par une
spatule tenue par l’aide au fur à mesure que les sutures sont serrées.
 Il faut éviter l’excision de l’uvée car elle est très hémorragique. En cas d’hernie de la rétine minime il faut la réintégrer avec la choroïde.

 Si la plaie s’étend sous un muscle droit, celui-ci doit être chargé puis récliné par l’aide pour permettre la suture de la plaie. Si cette manœuvre
ne suffit pas pour exposer la plaie, le muscle sera désinséré après l’avoir chargé par du vicryl 6-0, doublement serti, qui servira à la réinsertion
du muscle.
 Les plaies très postérieures et difficilement accessibles à la suture seront laissées, elles sont souvent colmatées par la graisse orbitaire.

4.      Cas particuliers :


a.      Plaies cornéosclérales avec perte de substance :

 Elles sont difficiles à réparer. Les petites plaies avec perte de substance minime nécessitent des sutures très serrées ce qui cause une
déformation tissulaire avec astigmatisme et cicatrice postopératoires importants.
 En cas de perte de substance importante, on utilise des greffes lamellaires ou transfixiantes, fraîches ou conservée, de cornée et/ou de sclère.
 La kératoplastie transfixiante est rarement réalisée initialement, elle sera différée après stabilisation de l’état oculaire (inflammation, infection).

b.     Les plaies cornéosclérales irréparables : énucléation


  III.      Prise en charge postopératoire :
 Une foi la plaie cornéosclérale réparée, on instaure le traitement médical pour prévenir l’infection, tarir l’inflammation et stabiliser la surface
oculaire.
 L’antibioprophylaxie par voie générale doit être maintenue au moins 5 jours car l’endophtalmie post opératoire survient souvent dans les 5
premiers jours. Dans les plaies à haut risque infectieux (corps étranger, plaie souillée…) on associe des collyres d’antibiotiques fortifiés en
instillations toutes les 2 heures.
 Pour minimiser l’installation de cicatrices et de néovascularisation cornéenne, les collyres corticoïdes sont indiqués. Ils doivent être manipulés
avec prudence devant le risque infectieux et le retard de cicatrisation. En cas d’inflammation sévère on associe les corticoïdes par voie générale.
 Les hypotonisants sont utilisés en cas d’hypertonie oculaire.
 L’ablation des sutures cornéennes est faite une fois la cicatrisation de la plaie est assurée. L’ablation est faite précocement dans les situations
suivantes :
- chez l’enfant car la cicatrisation tissulaire est plus rapide ainsi que la néovascularisation.
- en cas d’appel vasculaire cornéen.
- les sutures proches du limbe.
- les sutures devenues lâches après contraction de la plaie.
- suture infectée ou abcédée.
- gestion de l’astigmatisme cornéen en s’aidant de la topographie cornéenne.

IV. Complications :
a. Precoce
 Mauvaise coaptation de la plaie
 Oedeme cornéen persistant
 Larmoiement
 Infection
 Synéchie antérieure
 Vascularisation

b. Tardives
 Invasion epitheliale de la CA
 Cicatrice cornéenne
 Cataracte
 Ophtalmie

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