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Denise Pumain
Dans L’Espace géographique 2010/2 (Vol. 39), pages 113 à 116
Éditions Belin
ISSN 0046-2497
ISBN 9782701156194
DOI 10.3917/eg.392.0113
© Belin | Téléchargé le 24/07/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 - Sorbonne (IP: 193.55.96.20)
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déploient pas à l’infini à la surface de la terre, d’où l’apparition de seuils entre des formes
de structuration (ou de remplissage) de l’espace géographique, certaines qui présentent
des variations systématiques selon l’échelle, selon une dimension fractale donnée, et
d’autres qui sont indépendantes de l’échelle. Toute mesure empirique de dimension
fractale met ainsi en évidence un domaine de validité de la structure identifiée, entre
généralement un seuil inférieur et un seuil supérieur en deçà ou au-delà desquels la
dimension fractale change ou ne peut plus être établie. Ces mesures conduisent donc à
poser des questions passionnantes quant à la nature et à la portée spatiale des processus
de structuration de l’espace géographique.
Ce type de recherche n’est pas entièrement nouveau : dès les années 1980, des
auteurs signalaient l’intérêt de l’étude du comportement fractal de diverses structures
de l’espace géographique, que ce soit à propos de la mesure de longueur des côtes (et
donc de problèmes de généralisation cartographique), ou de la signification des lois de
Horton pour les réseaux hydrographiques et la géomorphologie (Goodchild, 1980 ;
Goodchild, Mark, 1987) ou encore à propos de la trame spatiale des villes dans des
réseaux de lieux centraux (Arlinghaus, 1985). Ces travaux pionniers avaient déjà
aperçu le problème posé par le niveau de résolution des sources d’information, qui
bien souvent interfère avec la détermination du domaine de validité de la fractalité des
structures, même s’ils n’en faisaient pas le point focal de leurs analyses, comme dans
l’article ici commenté. En effet, puisque la mesure de dimension fractale consiste à
dénombrer les sites occupés par un type d’objet donné dans des boîtes de taille de plus
en plus réduite, ce comptage devient impossible dès lors que l’échelle du document
1. Association française
cartographique support ne laisse pas discerner les pleins et les vides ou les segments de pour la cybernétique
réseau à très grande échelle. Dans le courant des années 1990, des travaux ont été économique et technique.
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France du Nord, qui correspond à un ordre de grandeur de l’espacement entre plus
proches voisins, et dont les auteurs expliquent bien l’origine, les autres valeurs mises en
évidence évoquent pour la plupart des artefacts : les seuils inférieurs à partir desquels la
dimension fractale ne peut plus être estimée correctement correspondent à l’insuffisante
résolution de l’image analysée, tandis que les seuils supérieurs sont généralement des
«effets de bord» liés à l’extension maximale de la zone d’étude cartographiée. Pourtant, il
existe dans la littérature géographique une réflexion sur les limites spatiales des structures
fractales, appuyée sur des exemples et des mesures. Je voudrais citer ainsi l’analyse,
publiée dès 1994 par Pierre Frankhauser, de l’expansion au cours du temps des limites
des zones bâties pour plusieurs villes, qui caractérise donc une transition entre espace
urbain et espace rural, aussi la thèse de Marianne Guérois (2003), qui a établi que
deux domaines de fractalité, ayant des valeurs de dimensions fractales significativement
différentes, séparaient la zone de l’agglomération bâtie en continuité et les franges péri-
urbaines pour une quarantaine de grandes villes européennes, à partir d’images Corine
Land Cover des surfaces bâties. Dans un article ultérieur (Guérois et al., 2008), on établit
ainsi une relation entre l’existence de ces gradients et la notion classique de champ urbain.
L’existence d’une dimension fractale de la répartition de l’espace bâti des villes en
fonction de la distance au centre est l’expression de l’effet géographique de la centra-
lité, c’est-à-dire d’un potentiel de valorisation sociale des sols et d’intensification de leur
utilisation en fonction de la proximité à la ville. C’est ce gradient, que l’on retrouverait
aussi sur des mesures du prix des sols, ou des densités de population, ou des réseaux de
communication, ou de l’intensité des mobilités quotidiennes, qui caractérise cette forme
particulière d’interaction sociale appelée espace urbain, par opposition à un espace
rural où l’homogénéité des répartitions renvoie à des interactions d’un autre ordre,
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ment intéressés aux limites de ces structures géographiques fractales et se sont attachés à
explorer la signification de leurs seuils d’apparition ou de disparition, en les rattachant à
des processus d’interaction dans l’espace géographique.
Enfin, dernière remarque qui appelle sans doute de plus amples discussions :
d’une part, les « lois d’échelle » ont d’autres expressions que les formes fractales en géo-
graphie et ont fait l’objet de plusieurs publications récentes (Pumain, 2004 ; Kühnert et
al., 2006 ; Lämmer et al., 2006 ; Marshall, 2007 ; Bettencourt et al., 2007 ; Pumain et
al., 2006). Pas plus dans le cas des structures spatiales fractales que pour ces autres lois
d’échelle, il n’est certain que la référence au « cadre formel de la relativité d’échelle »
développé en science physique soit nécessaire (ou même seulement possible). En fonction
de mon expérience des transferts de modèles entre physique et géographie, j’aurais
tendance à préférer une réflexion sur les logiques sociales de ces étonnantes régularités, qui
font en ce moment l’objet de reconstruction au moyen de modèles de simulations. Un
véritable transfert du modèle de relativité d’échelle impliquerait une validation soigneuse
de tous ces concepts au moment de leur importation dans notre discipline. Si l’exercice
peut être tenté, la démonstration de sa validité reste à faire. Il reste que de plus fréquentes
ouvertures entre physique et géographie ne pourraient qu’apporter à la géographie, outre
une plus grande clarté de formalisation, une meilleure intelligence des questions qu’elle
pose et plus grande visibilité des réponses qu’elle apporte.
Denise Pumain
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Institut universitaire de France
pumain@parisgeo.cnrs.fr
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