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La FDA valide la colchicine en prévention secondaire du risque


cardiovasculaire
Sue Hughes

4 juillet 2023

Washington, Etats-Unis — La colchicine à faible dose (0,5 mg, Lodoco®, Agepha Pharma) a été approuvée par la
Food and Drug Administration (FDA) en prévention du risque cardiovasculaire chez les patients atteints d’une maladie
CV liée à l'athérosclérose, présentant des facteurs de risques cardiovasculaires multiples. La colchicine agit sur la
composante inflammatoire de l’athérosclérose.

La validation de l’anti-inflammatoire s’appuie sur les résultats de deux grands essais randomisés, LoDoCo2 et COLCOT,
qui ont montré une baisse respectivement de 23% et 31% du risque de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde,
d’AVC ischémique ou de revascularisation coronaire chez des coronariens stables d’un côté et en post-infarctus de
l’autre avec une dose quotidienne de 0,5 mg de colchicine ajoutée au traitement préventif standard [1,2].

La validation de ce traitement, qui plus est dans une indication assez large, amène un changement majeur dans la
prévention du risque cardiovasculaire étant donné que l’inflammation liée à la formation de la plaque d’athérome n’a
jamais été ciblée jusqu’à présent en prévention. Comment ce médicament va-t-il être intégré dans la pratique clinique ?
Medscape édition internationale a interrogé quatre cardiologues nord-américains spécialistes de la prévention
cardiovasculaire.

Rôle majeur de l’inflammation

« Il est admis depuis des décennies que l’inflammation joue un rôle majeur dans l’athérosclérose et le risque
cardiovasculaire. Cependant, le traitement de cette inflammation est nouveau car aucun agent spécifique n’était
disponible », a commenté auprès de Medscape édition internationale, le Dr Michael Joseph Blaha (Ciccarone Center
for Prevention of Cardiovascular Disease, Johns Hopkins Hospital, Baltimore, Etats-Unis).

Selon le cardiologue, l’indication validée pour le traitement préventif par colchicine n’est pas surprenante étant donné
que l’autorisation s’est notamment basée sur les résultats de l’essai LoDoCo2, qui a inclus une large population de
patients coronariens stables avec des facteurs de risque multiples (hypertension artérielle, diabète, antécédent de
syndrome coronarien aigu…).

« L’autorisation me semble appropriée puisque l’indication doit être en accord avec les données. Mais, la manière dont
le médicament sera utilisé dépendra du contexte de chaque patient », estime le Dr Blaha. Ce nouveau traitement « va
amener à évaluer le risque d’inflammation résiduelle chez nos patients et nous devons, pour cela, déterminer avec
précision la procédure à suivre ».

« Le paradigme qui se dessine repose sur le risque résiduel que peuvent présenter les patients après un traitement
standard, comprenant dans la majorité des cas une statine et un contrôle de la pression artérielle. Si les patients ont
toujours un risque élevé d’événement cardiovasculaire, il faut réfléchir à la suite. C’est là qu’interviendra ce
médicament ».

Etant donné que plusieurs options sont disponibles pour réduire ce risque, le choix dépendra du profil du patient, estime-
t-il.

Le paradigme qui se dessine repose sur le risque résiduel que peuvent présenter les patients après un
traitement standard. Dr Michael Joseph Blaha

« S’il présente toujours un taux élevé de LDL après un traitement intensif par statines, on peut choisir d’ajouter un autre
médicament abaissant le niveau de LDL ou de traiter en priorité un diabète, une obésité ou un niveau élevé de
triglycérides. Désormais, l’inflammation résiduelle est à considérer si on estime que le patient est à risque ».

« Ainsi, la colchicine sera, en plus des statines, un choix de traitement à envisager parmi d’autres pour réduire le risque
résiduel ».

La mesure de la CRP nécessaire ?

Bien qu’un taux élevé de protéine C réactive haute sensibilité (hsCRP) soit considéré comme un marqueur majeur de
l’inflammation dans les maladies cardiovasculaires liées à l’athérosclérose, les essais LoDoCo2 et COLCOT n’ont pas
intégré la mesure de la hsCRP, ce qui amène à s’interroger sur l’intérêt de ce marqueur dans la sélection des patients
pour un traitement par colchicine.

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« Certains cliniciens vont préférer évaluer la hsCRP et traiter uniquement les patients avec un taux > 2 mg/L. Cela me
semble tout à fait raisonnable », a commenté le Dr Blaha. « Néanmoins, étant donné que la hsCRP n’est pas mesurée
dans les essais cliniques, je ne pense pas que ce soit obligatoire de tester ce biomarqueur pour établir la présence
d’une inflammation. »

Dans l’autorisation de la FDA, « il n’est pas mentionné que la CRP doit être évaluée, ce qui donne une certaine latitude
aux médecins, qui peuvent choisir de la mesurer ou non ».

Il n’est pas mentionné que la CRP doit être évaluée, ce qui donne une certaine latitude aux médecins, qui
peuvent choisir de la mesurer ou non.

Selon le spécialiste, les cliniciens doivent aussi réfléchir à ce qui détermine le risque résiduel chez chaque patient. « Si
les autres facteurs de risque sont bien contrôlés, mais que des événements sont récurrents, alors la colchicine peut être
envisagée comme moyen de réduire un risque probablement lié à l’inflammation ».

« Nous sommes dans un contexte idéal en médecine cardiovasculaire: plusieurs options peuvent être envisagées après
les statines, dont une nouvelle thérapie ciblant l’inflammation. Bien qu’elles puissent être utilisées conjointement, les
cliniciens vont vouloir donner la priorité aux thérapies les plus efficaces pour réduire le risque résiduel de chaque
patient ».

Sensibiliser les médecins à cette approche

Interrogé, le Dr Paul Ridker (Center for Cardiovascular Disease Prevention, Brigham and Women’s Hospital, Boston,
Etats-Unis) partage un point de vue semblable. « Cette approbation de la FDA est extrêmement importante. Elle va
attirer l’attention sur le rôle de l’inflammation dans l’athérosclérose et sur la nécessité de la traiter ».

« Les médecins doivent être conscients qu’il faut effectivement réduire le cholestérol de manière agressive, mais aussi
savoir qu’il existe une autre voie favorisant l’athérosclérose, celle de l’inflammation ».

Le Dr Ridker estime qu’il ne faut pas pour autant compromettre la baisse des lipides. « Les thérapies ciblant
l’inflammation n’entrent pas en concurrence avec celles limitant les lipides. Nous savons que la réduction des lipides est
efficace, mais nous avons désormais une autre approche. Le défi consiste à sensibiliser les médecins à cette
approche. »

Les médecins doivent être conscients qu’il faut effectivement réduire le cholestérol de manière agressive, mais
aussi savoir qu’il existe une autre voie favorisant l’athérosclérose, celle de l’inflammation. Dr Paul Ridker

Le cardiologue précise qu’il utilise déjà la colchicine à faible dose chez certains patients qui reviennent souvent en
consultation, malgré une baisse importante du taux de lipides. Ils ont en général subi « de multiples angioplasties, des
pontages…»

Tout comme le Dr Blaha, il estime que les médecins devraient commencer à utiliser le médicament chez les patients à
haut risque déjà sous statine et présentant un risque inflammatoire résiduel.

« Le patient dont le problème biologique sous-jacent est l’inflammation est celui qu’il faut traiter avec ce médicament.
C’est chez ce type de profil que le médicament a le plus de chance d’être efficace ».

Selon lui, la mesure de la hsCRP est un bon moyen de sélectionner ces patients. « Il s’agit d’une excellente occasion
d’évaluer la CRP de manière plus large afin de cibler les patients avec une potentielle inflammation résiduelle, c’est-
à-dire ceux avec un taux de hsCRP > 2mg/L », soit 30 à 40% des patients souffrant d’une maladie cardiovasculaire mis
sous statine.

S’inspirer de l’insuffisance cardiaque?

Le Dr Jean-Claude Tardif, (Research Center, Montreal Heart Institute, Montréal, Canada) a, quant à lui, un avis
légèrement différent. Auteur principal de l’essai COLCOT, il estime que la colchicine devrait devenir, avec le traitement
par statines, le « second pilier » de la prise en charge thérapeutique des maladies cardio-vasculaires chez la plupart des
patients.

Une étude récente, dirigée par le Dr Ridker, a rapporté un risque plus élevé d’événements cardiovasculaire chez les
patients avec les niveaux d’inflammation les plus élevés, alors qu’ils sont déjà sous statine [3]. « Après la mise sous
statine, l’étape suivante à envisager est la réduction de l’inflammation », a souligné le Dr Tardiff, en faisant référence à
cette étude.

« Malgré tout l’arsenal thérapeutique dont nous disposons, les maladies cardio-vasculaires restent la principale cause de
décès dans le monde occidental. Ces évènement sont principalement liés à l’inflammation et il est donc logique de s’y
attaquer avec un médicament comme la colchicine ».

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« Je dirais que tous les patients atteints d’une coronaropathie liée à l’athérosclérose sont des candidats potentiels à un
traitement par colchicine à faible dose, à condition qu’ils ne souffrent pas d’une maladie rénale grave, puisqu’il s’agit
d’une contre-indication », précise le cardiologue.

« En affinant un peu plus, on peut affirmer que les patients les plus à risque sont ceux qui présentent des événements
récurrents, qui ont des facteurs de risque multiples et qui ont eu un récent infarctus du myocarde. Chez ces patients, il
me parait judicieux d’ajouter une faible dose de colchicine à une dose élevée de statine ».

Le Dr Tardiff précise néanmoins qu’il n’utiliserait pas la CRP pour sélectionner les patients. « Bien que la mesure de la
CRP puisse paraitre logique, les deux grands essais randomisés sur la colchicine ont montré un bénéfice pour tous sans
sélectionner les patients selon le taux de CRP ».

Selon le cardiologue, la prise en charge des maladies cardio-vasculaires devrait s’inspirer de celle de l’insuffisance
cardiaque, qui repose sur plusieurs traitements visant des cibles différentes et pris conjointement. « Il faut agir sur le
cholestérol, mais aussi sur l’inflammation avec la colchicine ».

Je dirais que tous les patients atteints d’une coronaropathie liée à l’athérosclérose sont des candidats
potentiels à un traitement par colchicine à faible dose, à condition qu’ils ne souffrent pas d’une maladie rénale
grave. Dr Jean-Claude Tardif
Médicament peu coûteux

Egalement interrogé, le Dr Steve Nissen (Cleveland Clinic, Cleveland, Etats-Unis), qui n’a pas participé aux essais sur
la colchicine, se montre enthousiaste avec la perspective de son utilisation en prévention. A l’inverse du Dr Tardiff, mais
en accord avec les Drs Ridker et Blaha, il est favorable à la sélection des patients les plus susceptibles d’en bénéficier.

« Je défends l’hypothèse de l’implication de l’inflammation [dans le risque cardiovasculaire] depuis des années et nous
étions en quête d’une thérapie spécifique à ajouter au traitement préventif standard chez les patients atteints de maladie
coronarienne. Avec un profil de sécurité et d’efficacité satisfaisant, la colchicine semble être la bonne option ».

« Il s’agit d’un médicament peu coûteux, dont les données sur la baisse de la morbidité liée à la maladie coronarienne
sont assez bonnes. Son mécanisme étant totalement différent, son bénéfice pourrait s’ajouter à celui des statines. Je
pense qu’on peut obtenir de bons résultats à peu de frais avec ces deux thérapies ».

« Pour le moment, je préfère utiliser la colchicine chez les personnes ayant une CRP élevée. Je m’inquiète de la
polymédication. Certains de mes patients prennent 5, 6 ou 7 médicaments. J’ai besoin d’une bonne raison avant d’en
rajouter un autre et je ne suis pas sûr que les patients avec une CRP faible doivent en bénéficier ».

« D’autre recherches et analyses pourraient nous éclairer et nous aider à comprendre la relation entre la CRP et
l’efficacité de la colchicine », estime le Dr Nissen.

Pour le moment, je préfère utiliser la colchicine chez les personnes ayant une CRP élevée. Je m’inquiète de la
polymédication. Certains de mes patients prennent 5, 6 ou 7 médicaments. Dr Steve Nissen
Profil de sécurité satisfaisant

Concernant, la sécurité et la tolérance liées à une dose de 0,5 mg de colchicine, les experts se montrent rassurants.
« Dans la prise en charge de la goutte ou de la péricardite, la colchicine est généralement administrée à la dose de 0,6
mg deux fois par jour, ce qui peut entrainer de nombreux troubles digestifs. »

La dose approuvée par la FDA, à savoir 0,5 mg/jour, semble être beaucoup mieux tolérée. Il y a quelques trouble
digestifs, mais ils ne sont pas insurmontables et disparaissent généralement avec le temps.

Si les effets indésirables apparaissent assez minimes dans les essais randomisés, « le médicament ne doit pas être
utilisé en cas de maladie rénale ou hépatique graves et il faut être conscient du risque d’interaction médicamenteuse »,
a rappelé le Dr Ridker.

La liste des interactions possibles « n’est pas très longue », note le Dr Blaha, citant notamment des effets indésirables
au niveau musculaire. Il rappelle que les médecin sont déjà familiarisés avec ce médicament dans le traitement de la
goutte.

Selon lui, les cardiologues vont ête les premiers à prescrire la colchicine avant de passer le relais aux médecins
généralistes, comme cela s’est produit avec les statines. « Il va être intéressant de voir comment ce médicament va se
placer à l’avenir par rapport aux statines ».

Il va être intéressant de voir comment ce médicament va se placer à l’avenir par rapport aux statines. Dr Blaha

Le Dr Tardif détient des brevets sur l’utilisation de la colchicine à faible dose après un infarctus du myocarde, sous
licence du Montreal Heart Institute (Canada).
Le Dr Ridker a rapporté des liens avec le laboratoire Agepha qui va mettre sur le marché le Lodoco, une formulation à
0,5 mg de la colchicine destinée à la prévention du risque cardiovasculaire.

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Le Dr Blaha a déclaré être un conseiller scientifique d’Agepha.

Cet article a été publié dans l’édition internationale de Medscape.com sous le titre Low-Dose Colchicine Approved for
CVD: Now What? Traduit et adapté par Vincent Richeux.

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LIENS

• Prévention CV secondaire : bénéfice majeur de la colchicine chez les coronariens stables

• COLCOT : efficacité exceptionnelle de la colchicine en post-infarctus

• Crise de goutte et risque cardiovasculaire

• Rappel des règles de bon usage de la colchicine

Références

1. Nidorf S, Fiolet A, Mosterd A, Colchicine in Patients with Chronic Coronary Disease, NEJM, 5 nov 2020;
383(19):1838-1847.

2. Tardiff JC, Kouz S, Waters D, Efficacy and Safety of Low-Dose Colchicine after Myocardial Infarction, NEJM, dec
2019, 381:2497-2505.

3. Ridker P, Bhatt D, Pradhan A, Inflammation and cholesterol as predictors of cardiovascular events among
patients receiving statin therapy: a collaborative analysis of three randomised trials, The Lancet, avril 2023, vol
401, Issue 10384, pp 1293-1301.

Crédit de Une : Dreamstime

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Citer cet article: La FDA valide la colchicine en prévention secondaire du risque cardiovasculaire - Medscape - 4 juil 2023.

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