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FEUX D ' H IVER

LE F E U C O NTR E L' I N C E N D I E FEUX TACTI QUES, CONTRE-FEUX

Le contre -fe u
est-ce l a s e u l e tec h n i q u e effi cace
d 'exti n ct i o n d es g ra n d s i n ce n d i es ? ( , l
G uy B E N OÎT de C O I G N AC*

l
'
a p p e l lation « contre-feu » cor­ grand incendie. mais surtout il réa­ contre- feu dans la lutte contre les
res pond i c i à q u e l q u e chose de b i e n lise ce qu 'aucune technique ne peut grands incendies. »
p réci s : i l e s t a l l u m é q u a n d l ' i nce n d i e faire à cette échelle : il supprime
(momentanément mais suffisam­
L'aute u r s u g g è re q u e les q u e s ­
est très i m porta nt e t q u e souffle u n
ment) l 'oxygène indispensable à sa
t i o n s tech n i q u e s n 'ont pas été vra i ­
vent très v i o l e n t ; i l a p o u r but d ' a rrê­
combustion. Il l 'asphyxie en plein
ment a b o rdées d e m a n i è re expéri­
ter l ' i n ce n d i e de m a n i è re dyna m i ­ m e nta l e ( a l o rs m ê m e q u e l e
q u e . C o m m e les a u tres uti l i sati o n s air 1 contre-feu e s t prat i q u é d a n s certa i n s
d u f e u contre le f e u ( petit-fe u ou fe u La réussite du vrai contre-feu est pays e t q u 'en Fra nce d e s té m o i n s e n
tacti q u e ) i l su ppri m e tout c o m b u sti ­ essentiellement fondée sur une o n t vu a l l u mer) . I l i m a g i n e l a m i se
b l e en avant de l ' i n ce n d i e { l a « te rre connaissance parfaite du phéno­ s u r p i e d d ' u n co m m a ndo spéc i a l i sé
brûlée » ) m a i s ce q u i fait s o n ori g i n a ­ mène paradoxal du contre-vent dans et propose d'ouvri r u n débat s u r l e
l ité e t s a g ra n d e effica cité c'est q u ' i l toutes les conditions de relief, de sujet.
s u p p r i m e a u s s i l ' oxyg è n e i n d i s p e n ­ végétation, et surtout de sautes et de
s a b l e à cette co m b u sti o n . rafales du vent dominant 1 Les pro­
L'aute u r décrit l e méca n i s m e Le fe u p réve ntif
blèmes Juridiques sont simples si­
théori q u e d u contre-feu e t en i n d i ­ non négligeables en ce qui concerne o u petit feu
q u e u n e a p p l i cati o n i d é a l e afi n d e le vrai contre-feu, par contre. les
m i eux mo ntre r co m m e n t on peut problèmes de sécurité sont fonda­ « C 'est un brûlage contrôlé, réa­
uti l i s e r. a u p rofit des d éfe n s e u rs. les mentaux. Le contre-feu est une lisé, par vent faible, hors de la saison
mouveme nts de l ' a i r à l ' ava nt de l ' i n ­ technique très dangereuse qui ne dangereuse (hiver ou printemps)
cen d i e : e n effet. à l ' avant d u front peut être mise entre toutes les pour nettoyer, un espace combusti­
des fl a m m e s . l ' a i r chaud qui monte mains. Seuls. des spécialistes expé­ ble, et notamment pour entretenir, à
e n g e n d re u n e d é p re s s i o n de sorte rimentés et ayant reçu une formation peu de frais. un pare-feu existant.
q u e se crée un « co ntre-ve nt » d e poussée sont habilités à utiliser la Dans ce cas le feu ne sert qu 'à amé­
sens contra i re de cel u i d u ve nt. Le dynamite ou les produits radio-ac­ nager en période de « pa1X. !! le futur
co ntre-fe u consi ste à uti l i ser ce vent tifs. Il doit en être de même pour cet << front !! d 'une « guerre !! non encore
co ntra i re pour a l l u m e r un fe u q u i i ra outil exceptionnel que représente le déclarée. »
à l a re nco ntre de l ' i n ce n d i e .
E n fait. p l u s l ' i n ce n d i e est v i o l e nt
p l u s le contre-feu d evra it être effi­
cace. a l o rs q u e tous les autres
moye n s d e préve ntion et de l utte
vo ient l e u r effica cité d é c roître l o rs­
q u e croît cette v i o l e n c e .
B i e n ente n d u . reste nt p o s é e s de
n o m b reuses q u esti o n s plus o u
m o i n s fac i l e s à rés o u d re .
« L e feu contre le feu : c 'est un
vieux rêve. parfois réalisé mais plus
souvent utopique, où l 'on retrouve
des idées vieilles comme le monde :
« le mal contre le mal !! chères aux
homéopathes. David contre Goliath,
ou encore la technique des judokas,
etc.
Le vra i contre-fe u . quand il est
bien fait. utilise évidemment la tech­
nique de la terre brûlée (destruction
du combustible} oour arrêter le

* G uy Benoît de Coignac, chef de la Division


protection des forêts contre l'incendie, G rou­
pement d'Aix-en-Provence, Centre d'études du
machinisme agricole du génie rural, des eaux et
des forêts, BP 3 1 , Le Tholonet, 13612 Camion de s u rveillance après allumage d'un contre-feu,
Aix-en-Provence cedex 1 .
Photo J . Pagès.

228 forêt méditerranéenne, t. X, n" 1, juillet 1 988


CO NTR E - F E U

pour avancer. . . Mais comment met­ fur et à mesure que c e dernier s 'ap­
Le feu tacti q u e
tre en œuvre une telle technique proche, le vent_ au niveau du layon,
o u fa ux contre-feu alors que le danger est tout proche ? diminue peu à peu d'intensité puis
C 'est ce que nous allons essayer s 'inverse par à-coups. Il faut alors
C 'est aussi un brûlage. plus ou d 'expliquer plus loin_ mais d'abord surtout' ne pas céder à la panique et
moins contrôlé. réalisé par bon vent_ un peu de théorie afin de mieux allumer immédiatement le contre­
à une certaine distance en avant comprendre le mécanisme du feu avant que le (( contre-vent ii ne se
d 'un incendie déclaré. pour élargir contre-feu. » soit réellement établi. Pour le savoir
ou même créer une coupure de le commandant au feu fait allumer
combustible dans un site où l 'incen­ les torches et la fumée de celles-ci le
die va arriver. Dans ce cas la L' h i sto i re guide dans le choix de ce moment
« guerre ii est déclarée et on amé­ crucial Quand toutes les fumées
d ' u n contre-feu i d é a l
nage le (( front ii pour recevoir un s 'orientent définitivement vers l 'in­
(( ennemi ii déjà en marche. A insi cendie, celui-ci est tout proche et il
« Quelques (( anciens ii ayant e u
quelques dégâts sur les territoires n 'y a plus un instant à perdre. Cha­
concernés ne sont pas exclus (c 'est l 'occasion d'utiliser le contre-feu et
de le réussir, nous ont expliqué que homme. en courant vers l 'une
la guerre ') et en cas d 'erreur il faut des extrémités du cheminement (la
être sûr de pouvoir se rattraper : c 'est comment cela se passait. A la tête
d 'une petite équipe d 'hommes déci­ sortie ') met le feu à la broussaille,
pourquoi ce type de feu s 'appuie par points distants de quelques mè­
toujours sur une coupure existante dés. le commandant du feu. choisit
(il faut faire vite) l 'endroit où il va tres les uns des autres, puis s 'em ­
et sur des moyens de lutte capables presse de quitter au plus vite, la
de l 'arrêter le cas échéant. » stopper la pointe de l 'incendie. S 'il
zone de mise à feu (c 'est surtout à
ça que sert le layon !). Dès lors le
existe un chemin_ ou mieux un
coupe-feu existant_ il dispose ses
hommes le long de cette coupure. sort en est jeté : ou bien le
Le vra i contre-feu (( contre-vent ii continue à s 'amplifier
un tous les 10 m environ. S 'il n 'existe
o u contre-feu stricto sensu aucun cheminement mais que le site avec l 'arrivée du grand incendie et le
est particulièrement propice. les contre-feu est réuss1� ou bien on a
« Là. non seulement la (( guerre ii hommes vont_ à toute vitesse. tailler été trop vite et le vent principal re­
est déclarée mais l 'incendie. poussé à la machette un layon (perpendicu­ prend le dessus . . . Alors. on a allumé
par un vent très violent_ est tout laire à la direction du vent) de moins un autre incendie qui, si les condi­
proche d 'un point de passage obligé d 'un mètre de large dans la végéta­ tions sont défavorables. va prendre
stratégique (co!_ (( isthme ii de végé­ tion et se placer le long de ce layon_ le relais du premier. . . sans parler des
risques terribles courus par les
hommes qui l 'on allumé . . . >>
tation_ etc.). Dans ce cas il faut frap­ en attendant le feu Chacun dispose
per vite et très fort. c 'est ce que va d 'une torche qu 'il n 'allumera qu 'au
faire le contre-feu en créant non signal du commandant au feu. Ce­
seulement une coupure de combus­ lui-ci s 'est installé sur un point haut
G.B.C.
tible devant l 'incendie (la terre brû­ d 'où il peut observer l 'avance de
lée. comme les deux techniques l 'incendie principal Il observe aussi
précédentes)_ mais aussi et surtout la direction du vent qui, au début_ est ( 1) Résumé et extraits de l'article publié dans

pp. 1 67 à 1 72 .
une coupure de comburant en le évidemment la même que celle du Forêt méditerranéenne, t. V l l l , no 2 , 1 986,
privant de l'oxygène dont il a besoin vent qui pousse l 'incendie. Mais. au

Descriptions : la queue d'un incendie provoqué se développe à contre-v�nt et s'é � argit


en demi-cercle. Le contre-feu s'appuyant sur des layons en cours de debroussa1llage

- 1 "' front : panache de fumée résultant de la rencontre de l'incendie et du contre-feu


est allumé de la tête vers le bas :

- 2" front : front de l'incendie s'élargissant


- 38 front : allumage progressif du contre-feu et surveillance. Photo F. B.

forêt méditerranéenne, t. X, n ' 1, juillet 1 988 229

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