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Anatomie fonctionnelle du tube digestif

Le tube digestif mesure environ 7 m de long et s’étend de la bouche jusqu’à l’anus. Il


comprend l’œsophage, l’estomac, l’intestin grêle, le gros intestin ou colon, le rectum
et l’anus.

Il fait partie, avec les glandes digestives (pancréas, foie et vésicule biliaire), de
l’appareil digestif et participe activement à la transformation des aliments ingérés en
nutriments assimilables par l’organisme. Ces derniers sont absorbés par
la muqueuse intestinale de l’intestin grêle et passent dans le sang et la lymphe. Pour
assurer cette fonction et augmenter considérablement la surface d’échange, la paroi
du tube digestif présente au niveau de l’intestin grêle plusieurs degrés de replis : les
valvules conniventes (environ 8 mm de haut), les villosités (0,3 mm de haut) et les
microvillosités des entérocytes.

La muqueuse intestinale se compose d’un épithélium simple (une seule couche de


cellules) et d’un tissu conjonctif sous-jacent appelé chorion.
Cet épithélium simple comprend quatre types de cellules :

 les entérocytes ;
 les cellules M ;
 les cellules caliciformes ;
 et les cellules de Paneth.

Les entérocytes

Ce sont les cellules les plus nombreuses de cet épithélium. Elles présentent sur leur
pôle apical des microvillosités (« bordure en brosse ») leur permettant d’assurer leur
fonction d’absorption de l’eau et des nutriments.

Les cellules M

Les cellules M sont chargées de la capture des antigènes intraluminaux puis de leur
transfert aux macrophages sous jacents. Elles se distinguent des entérocytes par :

 des replis membranaires plus espacés et courts sur leur face apicale ;
 une faible teneur en lysosomes ;
 l’invagination de la membrane plasmique du côté latéro-basal formant une
poche dans laquelle se trouvent des lymphocytes, des macrophages.

Les cellules caliciformes

Elles sécrètent le mucus.

Les cellules de Paneth


Elles libèrent des substances à activité antimicrobienne (lysozyme, phospholipase
A2, défensines) et contribuent à la défense de la muqueuse intestinale.
Le tissu conjonctif ou chorion qui soutient ces cellules contient un riche réseau
capillaire (sanguin et lymphatique) et de nombreux leucocytes.

 
Flore commensale du tube digestif
Profil général de la flore du tube digestif
L’acidité gastrique est un premier rempart contre les bactéries exogènes. Ainsi, les
bactéries introduites par les aliments et la salive ne peuvent se multiplier dans
l’estomac et y meurent pour la plupart. Seuls subsistent, en très petit nombre,
des Streptococcus et des Lactococcus (concentration comprise entre 102 et
103 UFC/g). Notons qu’Helicobacter pylori, une espèce responsable d’ulcère
gastrique est capable de survivre dans cet environnement très acide.

Les sujets gastrectomisés (ablation de l’estomac) et les sujets dénutris (ph gastrique
moins acide) ne bénéficient pas de ce premier rempart et sont plus vulnérables aux
infections intestinales.

De l’estomac au colon, le nombre de bactéries va en croissant. Les bactéries


anaérobies strictes apparaissent au niveau de l’iléon et deviennent ensuite largement
majoritaires.

Fig.5 : Flore microbienne du tube digestif


© Canopé

Composition de la flore du colon


Le colon de l’homme est peuplé d’une flore commensale abondante et variée :
environ 1011 bactéries par gramme de matière fécale et 450 espèces différentes.

Les bactéries s’implantent dès la naissance pour donner une flore endogène qui
devient stable à partir de l’âge d’un an. Selon l’âge, la composition de la flore du
colon est la suivante :

 chez le nouveau-né : les premières selles sont appelées méconium. Il est formé de
cellules desquamées et de mucus. Il est généralement stérile mais contient
quelquefois des bactéries anaérobies strictes.
 chez le nourrisson allaité au sein : très forte proportion de bacilles lactiques Gram +
comme Bifidobacterium bifidum.
 chez l’enfant de plus de 1 an et l’adulte, on trouve :
 99 % de bactéries anaérobies strictes (Gram + ou Gram -), ce qui explique
que la majeure partie de la flore intestinale observée au Gram ne soit pas
revivifiable sur des cultures placées en aérobiose. C’est la
flore résidente dominante.
 1% de bactéries aérobies, c’est la flore résidente sous dominante, on y
trouve :
o des entérobactéries : essentiellement Escherichia coli mais
aussi Citrobacter, Klebsiella, Proteus et Enterobacter… à l’exception
toutefois de Salmonella et de Shigella dont la signification est toujours
pathologique,
o des entérocoques (E. faecalis, E. faecium et E. durans)
 En dehors des espèces largement répandues précédemment citées, on peut
également trouver, en petite quantité, des Pseudomonas, des levures
(Candida albicans est présent dans 50 à 60% des
coprocultures), Staphylococcus aureus… C’est la flore dite fluctuante.

Fig.6 : Frottis de selles coloré au Gram (X1000)


© Pascal Fraperie

On parle de déséquilibre de flore lorsqu’une de ces flores devient majoritaire (>


à 90%) : invasion par un microorganisme pathogène ou sélection d’une souche
multi-résistante après un traitement antibiotique.
Rôles de la flore commensale intestinale
La flore commensale joue deux rôles importants :

Premièrement elle exerce un « effet de barrière » ou « résistance à la


colonisation » en s’opposant à l’implantation de microorganismes exogènes
quotidiennement ingérés et potentiellement pathogènes. On explique cet effet
barrière par des mécanismes complexes et multiples :

 occupation des sites d’adhésion sur la muqueuse intestinale, empêchant ainsi


d’autres microorganismes de s’y fixer ;
 compétition pour des substrats nutritifs ;
 production de substances inhibitrices tels que les acides organiques (notamment
d’acide lactique), les bactériocines (qui bloquent la croissance ou détruisent les
bactéries en transit).

Remarque : certains traitements antibiotiques, en bouleversant la flore commensale,


réduisent cet effet barrière.

Deuxièmement, la flore a un rôle nutritif. En dégradant de nombreux nutriments


(protéines, stérols, lipides membranaires, glucides non digestibles comme la
cellulose,) elle produit des métabolites qui sont ensuite assimilés. En outre, elle
synthétise plusieurs vitamines (en particulier B12, K).

Mécanismes de défense contre les infections


intestinales
 
La défense contre les infections intestinales  s’appuie sur trois types de barrières :
une barrière physico-chimique, une barrière écologique et une barrière
immunologique.

Barrière physico-chimique

Pour commencer, l’acidité gastrique est la première barrière érigée contre les
microorganismes. En effet, l’acide chlorhydrique sécrété par l’estomac détruit la
plupart des bactéries de la cavité buccale et d’origine alimentaire.

Ensuite les rares micro-organismes ayant franchi cette barrière doivent adhérer aux
cellules épithéliales intestinales pour exercer leur pouvoir pathogène. Seulement une
épaisse couche de mucus recouvre et protège cet épithélium. Les microorganismes
s’y trouvent englués puis emportés sous l’effet du péristaltisme intestinal.

Des substances anti-bactériennes sont également présentes dans la lumière


intestinale : lysozyme, phospholipase A2, défensines ainsi que des enzymes
digestives.

Barrière écologique

La flore commensale exerce un « effet de barrière » ou « résistance à la


colonisation » en s’opposant à l’implantation de microorganismes exogènes
quotidiennement ingérés et potentiellement pathogènes. On explique cet effet
barrière par des mécanismes complexes et multiples :

 occupation des sites d’adhésion sur la muqueuse intestinale, empêchant ainsi


d’autres microorganismes de s’y fixer ;
 compétition pour des substrats nutritifs ;
 production de substances inhibitrices tels que les acides organiques (notamment
d’acide lactique), les bactériocines (qui bloquent la croissance ou détruisent les
bactéries en transit).

Remarque : certains traitements antibiotiques, en bouleversant la flore commensale,


réduisent cet effet barrière.

Barrière immunologique

Au-dessus des plaques de Peyer (follicules lymphoïdes situées dans la partie


terminale de l’iléon), on constate que la couche de mucus est plus fine et que
l’épithélium intestinal est en partie constitué de cellules M. Le rôle de ces cellules est
de capturer les antigènes intraluminaux puis de les transférer aux macrophages des
plaques de Peyer. Ainsi elles jouent un rôle fondamental dans l’initialisation de la
réponse immunitaire. De nombreux microorganismes traversent l’épithélium intestinal
en passant par ces cellules M. La plupart d’entre eux sont phagocytés puis détruits
par les macrophages sous-jacents.
Les macrophages présentent alors les peptides antigéniques aux lymphocytes T
CD4 des plaques de Peyer. Ensuite ces lymphocytes initient une réponse
immunitaire adaptative. Elle va conduire à la différenciation de lymphocytes B en
plasmocytes sécréteurs d’Ig A spécifiques. Le rôle des Ig A est principalement de
neutraliser leurs toxines et d’inhiber l’adhésion des microorganismes en se fixant sur
leur adhésine.

Le pouvoir pathogène des bactéries entéro-invasives repose en partie sur leur


capacité à résister à l’action bactéricide des macrophages. Leur présence en grand
nombre dans le chorion déclenche une réaction inflammatoire. Cette dernière se
traduit par un afflux de granulocytes neutrophiles qui vont phagocyter les bactéries et
tenter de neutraliser leur progression.

Épidémiologie et physiopathologie des


infections intestinales
PLAN

 Généralités
 Diarrhées hydriques bactériennes
 Choléra
 Turista
 Gastroentérites infantiles à EPEC
 Gastroentérites infantiles à EAggEC
 Toxinfections alimentaires à diarrhées hydriques à
 Staphylococcus aureus
 Clostridium perfringens
 Bacillus cereus
 Vibrio parahaemolyticus
 Aeromonas hydrophila
 Diarrhées inflammatoires
 Dysentérie bacillaire (Shigella, EIEC)
 Fièvres typhoïdes et paratyphoïdes
 Toxinfections alimentaires à diarrhées inflammatoires à
 Salmonella
 Campylobacter
 à Yersinia
 EHEC
 Diarrhées post-antibiotiques
 Diarrhées virales
 Diarrhéees parasitaires
 Tableaux de synthèse des différents microorganismes
entéropathogènes

Généralités
Des infections toujours meurtrières

Certaines infections intestinales comme le choléra ou la dysenterie, connues depuis


l’antiquité, font peur à juste titre. En effet, les diarrhées qu’elles occasionnent ont
décimé les populations particulièrement en période de guerre, de famine et de
catastrophes naturelles. Toutes les diarrhées ne sont heureusement pas aussi
dangereuses. Ainsi la plupart sont bénignes mais restent potentiellement graves
chez les sujets fragilisés notamment les nourrissons et les sujets âgés.

Chaque année, il y a environ deux milliards de cas de diarrhées dans le


monde. Elles résultent la plupart du temps d’ingestion d’eaux ou d’aliments
contaminés. La mortalité concerne majoritairement les enfants. En effet ils sont mal
immunisés et beaucoup plus sensibles à la déshydratation sévère consécutive aux
diarrhées.

Les mesures d’hygiène pour lutter contre le péril fécal

Les pays développés ont été capables de réduire très fortement l’incidence des
maladies d’origine fécale par des mesures d’hygiène. Ces mesures d’hygiène sont
par exemple le lavage des mains, l’installation de toilettes et de lavabos, l’utilisation
du papier hygiénique, la mise en place de réseaux d’eau potable, le traitement des
eaux usées, l’amélioration de l’hygiène alimentaire, la non utilisation des engrais
humains en Agriculture…

Or certaines de ces mesures ont un coût souvent prohibitif pour des pays en
développement. En effet, près d’un milliard de personnes sur Terre n’ont pas accès à
un point d’eau potable, une pompe ou un puits protégé. De plus certains traditions
culturelles comme le dépôt des matières fécales par terre et non dans une latrine
favorisent les infections liées au péril fécal. Elle restent des infections très fréquentes
en Afrique notamment.

Situation en France

En France, les diarrhées aiguës sont le plus souvent des Toxi-infections Alimentaires
Collectives (TIAC). Elles font l’objet d’une surveillance par le Réseau Sentinelle
(médecins généralistes volontaires) et leur déclaration est obligatoire. Les TIAC sont
généralement consécutives aux évènements suivants seuls ou associés : erreurs
dans la préparation des aliments, délai excessif entre leur préparation et leur
consommation, non-respect des températures (chaînes du chaud ou du froid).

Les infections intestinales se traduisent le plus souvent par des diarrhées.

On définit une diarrhée par l’émission d’au moins trois selles non moulées par jour
(poids supérieur à 300 g/j). Les diarrhées ne sont pas toutes infectieuses. Elles
traduisent quelquefois des troubles de la digestion (malabsorption) ou des
intolérances alimentaires. Nous développerons ici seulement les diarrhées
infectieuses. Les agents pathogènes sont des bactéries, des virus ou des parasites.

Dans les pays à faible niveau d’hygiène les diarrhées infectieuses sont la cause de
nombreux décès, notamment chez les enfants, par déshydratation.

Dans les pays développés :



o la plupart des infections intestinales sont des infections virales ;
o les bactéries représentent la deuxième cause, le plus souvent sous la
forme de toxi-infections alimentaires ;
o les diarrhées sont quelquefois consécutives à un traitement
antibiotique ;
o les diarrhées parasitaires sont surtout des cas importés.

DIARRHÉES HYDRIQUES BACTÉRIENNES


Ce sont des diarrhées aqueuses avec des selles liquides, abondantes,
accompagnées souvent de nausées, de vomissements, de douleurs abdominales. Il
n’y a en général pas de fièvre.
Les agents pathogènes, à l’origine de ces diarrhées, ne franchissent pas l’épithélium
et ne déclenchent pas de réaction inflammatoire. Il n’y a donc pas de granulocytes
neutrophiles dans les selles.
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine des pertes hydriques observées au
cours de ces diarrhées varient selon les microorganismes. Certains facteurs de
pathogénicité ont été clairement identifiés mais il est probable qu’ils n’agissent pas
seuls.

 Pour certaines bactéries entérotoxiques, les pertes hydriques reposent


essentiellement sur la libération d’une toxine cytotonique. Cette toxine perturbe le
métabolisme hydro-minéral des entérocytes (Vibrio cholerae, ETEC) ;
 Pour les EPEC et les EHEC, on constate une disparition des microvillosités des
entérocytes. La conséquence est un défaut de réabsorption de l’eau.

CHOLÉRA

Manifestations cliniques

C’est la forme la plus sévère des diarrhées hydriques.

Elle débute brusquement avec une diarrhée profuse, des vomissements et douleurs
abdominales. Les selles fécales au départ deviennent rapidement aqueuses et
présentent un aspect caractéristique « en eau de riz », avec des grumeaux
blanchâtres. Les pertes hydriques peuvent atteindre 10 à 15 litres / jour. Elles
entraînent une déshydratation aiguë (30% des cas) pouvant provoquer un état de
choc (10% des cas). Sans traitement, cette forme grave de choléra est mortelle. Il
existe aussi (60% des cas) des formes atténuées de choléra appelées « cholérines »
qui guérissent spontanément en quelques jours.

Épidémiologie

Seules les souches de Vibrio cholerae capables de sécréter la toxine cholérique sont


responsables du choléra. Elles appartiennent presque exclusivement au
sérogroupe O:1. Cette infection strictement humaine appelée aussi « maladie des
mains sales » évolue sous forme endémo-épidémique. Depuis 1961, nous assistons
à la 7ème pandémie. Elle est due à Vibrio cholerae O1 biotype El Tor. Elle sévit en
Asie, en Afrique, en Amérique latine et à Madagascar. D’autres souches appartenant
au sérogroupe O139 sont apparues fin 1992 en Inde et au Bangladesh. Elles font
craindre une 8ème pandémie, mais elles restent pour l’instant confinées au continent
asiatique.

Il y a chaque année 3 à 5 millions de cas de choléra, avec 100 000 à 120 000 décès.


Les rares cas signalés en Europe sont des cas importés (retour d’un séjour dans les
régions endémiques).

Physiopathologie du choléra
Les quelques bactéries ayant résisté à l’acidité gastrique se multiplient dans la
lumière de l’intestin grêle. Ensuite elles sécrètent des enzymes leur permettant de
traverser la couche de mucus tapissant la muqueuse intestinale.

Première étape : adhésion de Vibrio cholerae

Les adhésines fimbrillaires reconnaissent des récepteurs spécifiques présents à la


surface des entérocytes. Ainsi elles permettent aux bactéries d’adhérer à la surface
de l’épithélium (1).

Deuxième étape : action de la toxine cholérique

2. Vibrio cholerae libère alors la toxine cholérique. C’est une toxine de type A-B. Elle
se fixe par sa sous-unité B sur un récepteur spécifique présent à la surface des
entérocytes (ganglioside GM1).

3. La fixation de la sous-unité B permet la translocation de la sous unité A dans le


cytoplasme de la cellule.

4.  La sous unité A conduit à la stimulation de l’adénylatecyclase des membranes


basales et latérales des entérocytes ce qui entraîne une accumulation importante
d’AMPc.
 (Plus précisément, la sous unité A transfère un groupement ADP-ribose sur la
protéine G stimulante (Gs). Ainsi ADP ribosylée, la protéine Gs demeure
continuellement sous forme active et stimule en permanence l’adénylate cyclase).

5. Cette augmentation intracellulaire d’AMPC aboutit à une perturbation des


transporteurs ioniques membranaires comme le canal CFTR. En conséquence, celui-
ci  va laisser passer massivement des ions chlorures dans la lumière intestinale.
Simultanément on observe une inhibition de l’absorption couplée des ions Na+ et Cl–.
Au final, le contenu du tube digestif devient hypertonique par rapport au cytoplasme
des entérocytes.

6. Selon les lois de l’osmose, l’eau passe du cytoplasme dans la lumière du tube
digestif. L’eau perdue par le cytoplasme est aussitôt compensée par de l’eau
provenant du chorion et du sang. La volémie puis la pression artérielle chute.

Bilan

La diarrhée résulte donc d’une hypersécrétion d’eau. La muqueuse intestinale reste


intacte, le microorganisme n’a pas franchi l’épithélium intestinal, il n’y a donc pas de
réaction inflammatoire.

On appelle toxine cytotonique, les toxines qui perturbent le métabolisme


hydrominérale des cellules. La toxine cholérique est une toxine cytotonique.
Fig. 7 : Mécanisme physiopathologique de Vibrio cholerae O1
ou O139 et des ETEC = modèle ENTEROTOXIQUE

Traitement

L’objectif du traitement est, avant tout, de compenser les pertes d’eau et d’ions. C’est
pourquoi le traitement repose essentiellement sur une réhydratation d’urgence des
malades à l’aide de solutés hydroélectrolytiques.

 Pour les cas de forte déshydratation, on injecte par voie parentérale du liquide de
Ringer au lactate. Il contient du Na+, K+, Ca2+, Cl–, lactate, à des concentrations égales
aux concentrations plasmatiques.
 Dans le cas de déshydratation modérée, on administre par voie orale une solution
préconisée par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Sa composition,
légèrement différente de la précédente, comporte du Na+, K+, Cl–, citrate et glucose.

Cette réhydratation suffit à guérir du choléra car les défenses immunitaires sont
capables d’éliminer Vibrio cholerae en quelques jours.

On peut associer à cette réhydratation, un traitement antibiotique. Il présente deux


objectifs : accélerer la guérison et surtout limiter la durée des portages afin d’enrayer
rapidement l’épidémie. Il fait actuellement l’objet de controverses compte tenu de la
fréquence croissante des souches résistantes. Les antibiotiques utilisés sont la
tétracycline, l’érythromycine ou l’association TSU.

Prévention
La prévention repose essentiellement sur des mesures d’hygiène : isolement des
malades, désinfection de l’environnement, distribution d’eau potable (ou faire bouillir
l’eau), protection des aliments et lavage à l’eau bouillie. La vaccination anti-choléra
est peu pratiquée pour deux raisons :

 elle est efficace seulement chez 50% des sujets


 la durée de la protection est inférieure à 6 mois.

TURISTA ou diarrhée du voyageur : le cas des ETEC

La turista est une gastro-entérite aiguë qui affecte les voyageurs des pays à faible
niveau d’hygiène. Il s’agit essentiellement des pays situés en zones tropicale et
subtropicale.

Les Escherichia coli entérotoxinogènes (ETEC) en sont la principale cause. Peu


sévère en général, elle régresse spontanément en quelques jours. Les ETEC sont
des pathovars d’Escherichia coli qui ont acquis des gènes plasmidiques leur
conférant un pouvoir entéropathogène. Ces gènes codent pour des adhésines et des
entérotoxines cytotoniques (toxines thermolabile LT et thermostable ST) dites
« cholera like ». On les nomme ainso car leur structure et leur mode d’action sont
très proches de celles de la toxine cholérique.

Le mécanisme physiopathologique présente de nombreuses similitudes avec celui


du choléra. (Fig. 7).

GEI à EPEC  (gastro-entérites infantiles à Escherichia coli entéropathogènes)

Épidémiologie

Ces GEI touchent les enfants de moins de 2 ans. Jadis responsables d’épidémies
dans les crèches et les services de pédiatrie, les diarrhées à EPEC régressent
nettement dans les pays industrialisés. Désormais, on ne signale que des cas isolés.
Les EPEC restent cependant une cause majeure de diarrhée infantile dans les pays
en voie de développement.

Physiopathologie des GEI à EPEC (Fig. 8)

Ces souches possèdent un facteur d’adhésion leur permettant de s’aggréger les


unes aux autres sous formes d’« amas de briques » à la surface de l’épithélium
intestinal. Elles sécrètent également une entérotoxine thermostable EAST-1 qui
perturbe le métabolisme hydrominéral des entérocytes.

Dans un premier temps, les EPEC adhérent aux microvillosités des entérocytes
grâce à une adhésine plasmidique (BFP = Bundle Forming Pilus).
Cette adhésion initiale induit un signal permettant ensuite aux bactéries d’adhérer de
façon plus intime (on parle d’attachement). Cet attachement met en jeu une protéine
de la membrane externe appelée intimine (codée par le gène chromosomique eae)
et des récepteurs spécifiques présents à la surface des entérocytes.
Les EPEC injectent alors dans l’entérocyte différentes molécules responsables d’un
réarrangement du cytosquelette qui conduit à un effacement des microvillosités. Les
microvillosités sont remplacées par un réseau d’actine cellulaire formant un
« piédestal » sous les bactéries. La disparition des microvillosités entraîne une
diminution de la surface d’échange entre l’entérocyte et la lumière intestinale. La
diarrhée s’explique par un défaut de réabsorption de l’eau.

Fig. 8 : Lésions « d’attachement – effacement »


des EPEC 

GEI à EAggEC (gastro-entérites infantiles à Escherichia coli entéroagrégatifs)

Les EaggEC sont responsables de diarrhées infantiles semblables à celles des


EPEC mais qui durent plus longtemps. Ces diarrhées dites persistantes sévissent
dans les pays en voie de développement.

Toxi-infections alimentaires à diarrhées HYDRIQUES

Une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) se définit comme la survenue


d’«au moins deux cas groupés, d’une symptomatologie similaire, en général
digestive, dont on peut apporter la cause à une même origine alimentaire ».

Les TIA peuvent entrainer des diarrhées hydriques ou inflammatoires.

Nous présenterons dans ce chapitre seulement les TIA d’origine bactérienne et


se traduisant par des diarrhées hydriques.

Dans le cas présent, une toxine est généralement responsable des troubles. La
production de cette toxine se fait :

 soit dans l’aliment ingéré, on parle d’intoxination. C’est le cas pour les TIA
à Staphylococcus aureus, Bacillus cereus.
 ou bien in vivo. C’est le cas pour les TIA à Clostridium perfringens, Bacillus
cereus, Vibrio parahaemolyticus, Aeromonas hydrophila

TIA à Staphylococcus aureus


Elles font suite à l’ingestion d’aliments contaminés par une souche
de Staphylococcus aureus entérotoxinogène. C’est une intoxination. C’est lors de la
préparation des aliments qu’on contamine le prélèvement. L’aliment est contaminé
par un porteur sain (50 % de porteurs au niveau du nez ou de la gorge) ou par un
personnel ayant une plaie infectée par ce microorganisme (furoncle, panaris).
Produits laitiers ou carnés sont souvent mis en cause. Lorsqu’on abandonne ces
aliments plusieurs heures à une température de 20 à 30 °C, les staphylocoques s’y
multiplient et produisent une entérotoxine. Il existe diverses entérotoxines. Ces
entérotoxines sont thermostables. Par exemple, l’entérotoxine A résiste 3 heures à
100°C et 10 à 40 minutes à 120°C. En outre, elle résiste également aux enzymes
digestives et à l’acidité gastrique. La toxine étant thermostable, une cuisson est
souvent insuffisante pour neutraliser la toxine.

Seules certaines souches de Staphylococcus aureus sécrètent une entérotoxine.


Ces souches sont lysogénisées, c’est à dire que le gène de ces toxines est apporté
par un bactériophage.

Il semblerait que ces toxines agissent comme des superantigènes, les troubles
observés seraient consécutifs à une réaction anormale du système immunitaire, elles
n’agiraient donc pas directement sur les entérocytes (le terme entérotoxine apparaît
ainsi discutable). Les symptômes apparaissent brutalement (délai d’incubation
inférieur à 2 heures) : nausées, douleurs abdominales et surtout vomissements
violents et répétés souvent accompagnés de diarrhée. Il n’y a généralement pas de
fièvre.

TIA à Clostridium perfringens

En règle générale, ces toxi-infections s’observent après l’ingestion de viandes cuites


à l’eau. La température dans la zone centrale du bloc de viande est quelquefois
insuffisante pour détruire les spores formées par le microorganisme. Cette zone se
refroidissant beaucoup plus lentement que la périphérie, la température se maintient
assez longtemps dans des limites favorisant la germination des spores et la
multiplication des formes végétatives. On observe une toxi-infection lorsque les
aliments ont une teneur en Clostridium perfringens qui dépasse
10  microorganismes/g. Cette valeur s’atteint rapidement quand on conserve mal
6

l’aliment après la cuisson. Dans ce cas, l’ingestion d’un grand nombre de C.
perfringens permet son implantation dans l’intestin grêle, il s’y multiplie puis au cours
de la sporulation produit l’entérotoxine.

L’entérotoxine forme des pores dans la membrane cytoplasmique des entérocytes,


provoquant une fuite d’eau et d’électrolytes. Notons qu’un petit nombre seulement de
souches de Clostridium perfringens sécrètent une entérotoxine. Les symptômes
apparaissent généralement 10-12h après l’ingestion du repas contaminant. Ils se
traduisent surtout par de la diarrhée et de violents maux de ventre, parfois de
nausées. Les vomissements et la fièvre ne sont pas habituels. Le plus souvent, cette
affection guérit spontanément en 2-3 jours.

TIA à Bacillus cereus


Il s’agit très souvent de l’ingestion d’aliments conservés hors du réfrigérateur
après une cuisson (riz, purées et légumes germés ont pu être
incriminés). Bacillus cereus est à l’origine de deux types de TIA :

 une TIA avec principalement un syndrome diarrhéique qui fait suite  à l’ingestion
de grande quantité de microorganismes (106 à 109/g). Les bactéries produisent
dans l’intestin des entérotoxines à l’origine des troubles. Après un délai
d’incubation de 8 à 16 heures, les malades souffrent de diarrhées, accompagnés
de douleurs abdominales, de nausées, parfois de fièvre ;
 une TIA avec principalement un syndrome émétique, suite à l’ingestion d’aliment
dans lequel, au cours de sa multiplication, Bacillus cereus a sécrété une toxine
émétisante appelée céréulide. C’est ainsi une intoxination. Comme l’entérotoxine
staphylococcique, cette toxine est thermostable et n’est donc pas détruite par une
deuxième cuisson de l’aliment. Le délai d’incubation est ici plus court (1 à 5
heures). La maladie se traduit dans un premier temps par des vomissements
quelquefois suivis de diarrhées.

TIA à Vibrio parahaemolyticus

Les TIA à Vibrio parahaemolyticus font souvent suite à la consommation de


poisson et de fruits de mer crus ou insuffisamment cuits. Ces TIA rares en Europe
sont très fréquentes au Japon.
Les symptômes sont des douleurs abdominales, crampes, diarrhées aqueuses ;
des nausées, des vomissements et quelquefois de la fièvre. La maladie est
souvent bénigne.
Une toxine produite dans l’intestin est responsable des troubles.

TIA à Aeromonas hydrophila

Il est responsable de gastro-entérites secondaires à l’ingestion d’eau douce non


traitée ou à une contamination alimentaire (viandes, crudités, crèmes glacées).
Ces gastro-entérites sont bénignes. Elles se manifestent généralement par de
brefs épisodes de diarrhée hydrique, plus exceptionnellement par une diarrhée
sanglante prolongée.

DIARRHÉES INFLAMMATOIRES BACTÉRIENNES


Les agents pathogènes, à l’origine de ces diarrhées, franchissent l’épithélium et
déclenchent une réaction inflammatoire. Par conséquent, les selles contiennent de
nombreux granulocytes neutrophiles. Dans la plupart des cas, les diarrhées
s’expliquent par un défaut de réabsorption de l’eau, les entérocytes étant détruits.

Dysenterie bacillaire

On distingue deux types de dysenterie :

 la dysenterie amibienne, causée par une amibe pathogène, Entamoeba


histolytica sera traitée avec les autres diarrhées parasitaires (Cf. 3.5).
 la dysenterie bacillaire causée par Shigella spp ou les EIEC.
La dysenterie bacillaire se traduit par un syndrome dysentérique. Ce syndrome se
caractérise par un début brutal, une fièvre élevée, des diarrhées liquides, muco-
sanglantes, parfois purulentes avec douleurs abdominales. L’observation de
nombreux granulocytes neutrophiles dans les selles, signe d’une réaction
inflammatoire souvent intense, oriente le diagnostic vers une diarrhée à
microorganismes invasifs.

Shigelloses

Les quatre espèces de Shigella sont entéropathogènes et il suffit de quelques


bactéries pour entraîner une diarrhée.

Les souches de Shigella dysenteriae sérotype 1 (ou bacille de Shiga),


essentiellement rencontrées dans les pays à faible niveau d’hygiène, sont les seules
à sécréter une toxine (Shiga-toxine) et sont responsables d’épidémie brutale avec les
symptômes les plus sévères. Chaque année, elle tue plusieurs centaines de milliers
d’individus dans le monde, pour l’essentiel des enfants de moins de 5 ans.
Shigella flexneri est responsable de la forme endémique de la maladie dans ces
pays.

En France, les infections sont moins graves et essentiellement dues à Shigella


sonnei et Shigella flexneri. Le nombre de cas estimé en France est d’environ 2000
par an. Elles surviennent surtout dans les collectivités où existent des problèmes
d’hygiène et au cours d’épidémies familiales.

Physiopathologie des shigelloses (Fig. 9)

Les Shigella ne sont pas capables de pénétrer dans les entérocytes par leur face
apicale mais par leur face latéro-basale là où se trouvent leurs récepteurs
spécifiques. Pour rejoindre cette région les bactéries traversent l’épithélium intestinal
via les cellules M et sont alors phagocytées par les macrophages du tissu lymphoïde
sous-jacent.

Dans les macrophages, elles échappent à la digestion lysosomiale grâce à leur


protéine Ipa b qui permet de rompre très rapidement la membrane du phagosome
avant la fusion phagolysosomiale. Elles sont alors libres dans le cytoplasme des
macrophages.

Elles induisent l’apoptose des macrophages ainsi qu’une intense réaction


inflammatoire. Les Shigella pénètrent ensuite à l’intérieur des entérocytes grâce à un
mécanisme de phagocytose induite : elles se fixent, via une protéine présente à leur
surface (invasine), sur un récepteur spécifique  de l’entérocyte (intégrine) et cette
adhésion déclenche un remaniement du cytosquelette de l’entérocyte lui permettant
de phagocyter la bactérie. Les Shigella lysent rapidement le phagosome se
retrouvent libres dans le cytoplasme de l’entérocyte et vont très rapidement s’y
multiplier et se déplacer en polymérisant de l’actine cellulaire. La formation de ces
«comètes» d’actine permet le passage direct de la bactérie d’une cellule infectée à
une cellule saine contiguë, on parle d’extension horizontale de l’infection.
Bilan

Les entérocytes sont ainsi au fur à mesure détruits avec pour conséquence un défaut
d’absorption des liquides.

La diarrhée résulte de l’inhibition de l’absorption des liquides (liée à la destruction de


la muqueuse)

Les granulocytes neutrophiles détruisent les Shigella présentes dans le chorion, ce


qui empêche toute progression verticale des bactéries, ainsi elles ne passent que
très rarement dans le sang. Ainsi généralement les coprocultures sont positives,
avec présence de pus, de glaires, parfois de sang et les hémocultures restent
généralement négatives.

Les souches de S. dysenteriae sérotype 1 produisent en outre une cytotoxine


(appelée Shiga-toxine) qui altère les vaisseaux sanguins de la muqueuse intestinale.
Son mode d’action est présenté avec les TIA à EHEC (3.1.4).

Fig. 9 : modèle d’invasion


par Shigella

Escherichia coli entéro invasifs (EIEC)


Ils provoquent des diarrhées épidémiques de type dysentérique dans les pays en
voie de développement. Leur pathogénèse est similaire à celui
de Shigella spp (invasion des entérocytes, mobilité intracytoplasmique liée la
formation de comètes d’actine, forte inflammation et destruction de l’épithélium
intestinal).

Ils ne produisent pas de toxine de Shiga comme S. dysenteriae 1.

Fièvres typhoïdes et paratyphoïdes

Nomenclature
*Le genre Salmonella comprend 3 espèces : enterica, bongori et subterranea. L’espèce principale est Salmonella
enterica qui comprend 6 sous espèces dont la plus fréquente est la sous espèce enterica, cette dernière se
subdivisant en de très nombreux sérovars (enteritidis, typhimurium, typhi, hadar…). Pour simplifier l’écriture de
ces différents pathogènes, on remplacera, par exemple :
Salmonella enterica sous espèce enterica sérotype typhi = Salmonella Typhi (le sérotype n’étant pas écrit en
italique et son nom commence par une majuscule).

Épidémiologie

Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont des bactériémies d’origine lymphatique


provoquées par des sérotypes de Salmonella strictement
humains : Salmonella Typhi, Salmonella Paratyphi A, B, C.

La maladie est donc à transmission interhumaine : l’homme se contamine en


ingérant de l’eau ou des aliments souillés par les selles de malades ou de porteurs
sains. Les malades présentent une forte fièvre avoisinant les 40°C et des migraines
persistantes. La diarrhée n’apparait qu’au cours de la 2ème ou 3ème semaine. Les
bactéries présentes dans le sang peuvent infecter d’autres organes comme la
vésicule biliaire et l’intestin grêle dont la paroi peut se perforer et causer des
hémorragies intestinales.

Elle se rencontre surtout dans des zones à conditions d’hygiène précaire, frappant
principalement les pays en voie de développement en Asie, en Afrique ou en
Amérique Latine. On dénombre 20 millions de cas et 200 000 décès par an. Elle
touche essentiellement l’adolescent et l’adulte.

La fièvre typhoïde est devenue rare dans les pays industrialisés du fait des progrès
de l’hygiène et de l’amélioration des conditions d’approvisionnement en eau potable.
En France, la fièvre typhoïde est une maladie à déclaration obligatoire. On déclare
une centaine de cas chaque année en France métropolitaine, dont environ 90 %
contracté au cours d’un séjour en zone d’endémie.

Physiopathologie

Contrairement aux Shigella, les Salmonella ont le choix, elles peuvent traverser


l’épithélium en passant par les cellules M ou bien par les entérocytes.
Elles sont phagocytées par les macrophages des follicules lymphoïdes, s’y
multiplient dans un premier temps puis rejoignent les ganglions mésentériques.
 Si elles y sont détruites, l’infection reste localisée et n’atteint pas le stade de la
bactériémie (coproculture positive et hémoculture négative).
 Dans le cas inverse les Salmonella sont véhiculées par la lymphe et rejoignent la
circulation sanguine. Elles sont alors responsables d’un épisode bactériémique
(coproculture et hémoculture positives).

Dans tous les cas, la lyse massive des Salmonella libère l’endotoxine responsable


de la forte fièvre et des troubles neurologiques.

Prophylaxie

La prophylaxie repose essentiellement sur la vaccination. Deux types de vaccins


sont actuellement sur le marché :

 vaccin vivant atténué Ty21 a, oral, dans les régions d’endémie,


 vaccin inerte fractionné : Typhim Vi® (Aventis Pasteur) et Typherix® (Olaxo Smith
Kline), il entraîne une protection rapide et durable (3 ans), y compris dans les zones
hyper-endémiques; il est bien toléré

Ces vaccins protègent seulement contre S. Typhi. II faut y associer la lutte contre le
péril fécal.

Toxi-infections alimentaires à diarrhées inflammatoires

Ce sont des diarrhées banales avec douleurs abdominales associées à des


vomissements et parfois de la fièvre. Les microorganismes en cause  sont les
sérotypes ubiquitaires de Salmonella enterica, les Campylobacter, les Yersinia et
les Shigella.

TIA à Salmonella

Les Salmonella représentent la première cause de TIAC avec une estimation de 163


foyers/an affectant environ 1200 personnes en France (foyers confirmés ou
suspectés entre 2006 et 2008). Ces salmonelloses sont dues à des sérotypes
ubiquitaires (qui infectent aussi bien l’homme que les animaux). En France la plupart
des souches isolées appartiennent aux sérotypes Typhimurium et Enteritidis.
D’autres sérotypes émergent puis régressent (exemples : S. Hadar, S. Virchow,
S. Infantis). Chez l’adulte en bonne santé, seule une ingestion massive peut
provoquer l’infection. Cela suppose une multiplication dans l’aliment et donc une
mauvaise conservation. Les aliments incriminés sont les œufs et préparations à base
d’œufs peu cuits, les laitages, la viande crue ou peu cuite. La plupart des TIAC à
salmonelles sont survenues dans le cadre de repas familiaux.

La durée d’incubation est de 12 à 24 heures. Les malades présentent de la fièvre et


souffrent de diarrhées, de vomissements, de douleurs abdominales. La maladie dure
le plus souvent entre 2 et 5 jours et les sujets guérissent spontanément (sans
traitement antibiotique).

Chez les sujets immunodéprimés, personnes âgées et jeunes enfants, un traitement


antibiotique est quelquefois nécessaire.
La physiopathologie de ces salmonelloses est mal connue. A l’inverse
des Salmonella responsables des fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, elles ne
passent que très rarement dans le sang (les quelques cas de bactériémies positives
concernent les sujets immunodéficients).

TIA à Campylobacter

Selon certains auteurs, ils seraient responsables de la majorité des diarrhées


d’origine bactérienne.

Leur fréquence en France est probablement sous-estimée du fait de l’absence de


coproculture dans beaucoup d’épisodes diarrhéiques.

Les espèces les plus fréquemment isolées de selles en France sont Campylobacter


jejuni (85%), C. coli (10%), C. fetus (4%) et Arcobacter butzleri (1%). Elles sont
transmises par l’alimentation, principalement la viande de volaille (consommation de
viande insuffisamment cuite mais surtout contamination croisée dans la cuisine avec
des aliments crus).

Peu d’éléments cliniques permettent de différencier l’entérite des Salmonella de celle


des Campylobacter. La gravité est souvent moindre, la fièvre moins élevée. Un
élément est cependant caractéristique de C. jejuni : c’est la présence de sang ou de
mucus dans les selles après une diarrhée aqueuse.

On connait mal leur mécanisme physiopathologique.

Les campylobacters intestinaux peuvent, par translocation, passer dans le sang ;


c’est le cas surtout pour C. fetus qui a une forte résistance au pouvoir bactéricide du
sérum.

Certains sérotypes de Campylobacter jejuni ont été tenus responsables de


complications post infectieuses, la plus grave étant le syndrome de Guillain-Barré.
C’est une maladie auto-immune inflammatoire du système nerveux périphérique qui
se manifeste par une paralysie progressive et ascendante. Elle s’expliquerait par une
parenté entre certains antigènes de Campylobacter jejuni et certains gangliosides,
présents dans le système nerveux.

TIA à Yersinia

Deux espèces sont entéropathogènes : Yersinia enterocolitica, de loin la plus


fréquente (95% des Yersinia envoyées au CNR des Yersinia en 2007) et Yersinia
pseudotuberculosis. Les diarrhées à Yersinia enterocolitica se manifestent surtout
sous forme de cas sporadiques ou de petites épidémies familiales et prédominent
chez l’enfant de moins de 10 ans. Elles sont en général bénignes et se traduisent par
des diarrhées, une fièvre et des douleurs abdominales souvent modérées.

Comme la recherche des Yersinia n’est pas systématique dans de nombreux LBM, il


semblerait que leur incidence soit fortement sous-estimée (BEH du 13 juillet
2010/N°29)
Le réservoir est principalement animal (porcs, bovins, caprins).

Sur des terrains débilités, des complications sont possibles (polyarthrite


réactionnelle, érythème…). Y. enterocolitica est capable de se multiplier entre 4 et
8°C ce qui explique l’augmentation de sa prévalence avec l’avènement des chaînes
de froid.

Pour s’assurer du caractère entéropathogène des souches de Yersinia enterocolitica,


il est primordial d’identifier le biotype. En effet, seuls certains biotypes porteurs d’un
plasmide de virulence (pYV) sont pathogènes pour l’homme (biotypes 1B, 2, 3, 4 et
5).

TIA à EHEC (Escherichia coli entérohémorragiques) ou STEC (Shiga-toxin-


producing Escherichia coli).

Épidémiologie

Ces pathovars d’Escherichia coli ont d’abord été isolés de colites


hémorragiques épidémiques chez des enfants américains contaminés par de la
viande de bœuf mal cuite (« maladie du hamburger »). Toutes les souches isolées
appartenaient au sérotype O157 : H7. La diarrhée sanglante, non purulente et non
fébrile (d’aspect donc différent des diarrhées dues aux EIEC et aux EPEC) peut
évoluer vers des pathologies plus graves : le syndrome hémolytique et urémique
(SHU) avec risque d’insuffisance rénale et le Purpura Thrombotique et
Thrombocytopénique (PTT) correspondant à des atteintes neurologiques graves.

Depuis, d’autres sérotypes ont été incriminés dont O111, O26, O80, O103, O145…..

Les EHEC se transmettent principalement par voie alimentaire (viande de bœuf mais
aussi de porc, de cerf, lait non pasteurisé, eau) par contact interhumain et par
contact avec des ruminants contaminés (essentiellement les bovins). En France la
première épidémie a eu lieu en Aquitaine en 2005, ce sont des steaks hachés
surgelés qui en étaient la cause. Il existe aussi des cas sporadiques mais comme les
EHEC ne sont pas recherchés en routine dans les selles des patients diarrhéiques
leur fréquence est probablement sous-estimée. Ce sont les enfants de moins de 5
ans et les personnes âgées qui sont le plus à risque.

Physiopathologie des infections à EHEC

La virulence des EHEC est due à la production de toxines appelées Shiga Like


Toxines en raison de leur similitude avec la toxine produite par Shigella dysenteriae.
Ces toxines, présentant un pouvoir cytotoxique sur des cultures de cellules Véro
(provenant d’épithélium de rein de singe vert d’Afrique), sont aussi appelées
vérotoxines. Il existe deux types de Shiga-toxines : Stx1 et Stx2, codées par un
bactériophage porteur de l’opéron stx.

Ces toxines diffusent dans tout l’organisme et sont responsables de lésions


hémorragiques. Elles se fixent sur un récepteur Gb3 présent principalement à la
surface des cellules endothéliales. Ensuite elles bloquent la sous-unité 60S des
ribosomes. En conséquence, la synthèse des protéines s’arrête et entraine la
destruction des cellules cibles.
Les cellules endothéliales tapissant les vaisseaux sanguins de la muqueuse
intestinale, des reins et du système nerveux central sont les plus riches en
récepteurs Gb3 et donc les principales cibles.

Dénomination STEC/EHEC

Toutes les souches d’Escherichia coli porteuses de gènes codant une Shiga-toxine


ont actuellement la dénomination de STEC ou VTEC (Shiga-toxin-
producing Escherichia coli, Vérotoxic Escherichia coli).
Les STEC ne sont pas tous entéropathogènes, ceux qui le sont correspondent aux
EHEC.
Les EHEC possèdent d’autres facteurs de pathogénicité comme l’intimine codée par
le gène eae (comme les EPEC) qui est responsable des lésions d’attachement-
effacement des microvillosités des entérocytes (voir figure 8) ainsi qu’une
entérohémolysine qui en lysant les hématies libère du fer, ce qui permettrait un
meilleur développement des bactéries. Le rôle de cette toxine dans la pathogénicité
des EHEC est encore discuté.
Fig. 11 : Physiopathologie des infections à EHEC

Les difficultés d’une classification

La classification très schématique des diarrhées (hydriques ou inflammatoires) ne


permet pas de positionner aisément les EHEC. Ce ne sont pas vraiment des
bactéries invasives car incapables de résister à l’action bactéricide des macrophages
comme le font par exemple les Shigella et les EIEC. Mais les shigatoxines en
altérant les cellules endothéliales des capillaires intestinaux déclenchent une légère
réaction inflammatoire se traduisant quelquefois par des granulocytes dans les
selles. Lors d’infection à EHEC, les patients n’ont habituellement pas de fièvre.

Tableau 2 : Les six pathovars d’E. coli responsables de diarrhées chez


l’homme

DIARRHÉES POST-ANTIBIOTIQUES

Les diarrhées sont quelquefois consécutives à un traitement antibiotique. Dans ce


cas, une partie de la flore commensale intestinale est détruite, il reste alors de la
place pour :

 l’implantation de microorganismes exogènes (comme Clostridium difficile)


 la pullulation de microorganismes commensaux résistants à l’antibiotique, maintenus
jusqu’alors à l’état sous-dominant par l’effet de barrière des autres bactéries
commensales. Ces microorganismes, sélectionnés par le traitement antibiotique,
peuvent alors se multiplier sans entrave et entraîner une diarrhée. C’est le cas
de Klebsiella oxytoca, Clostridium perfringens, Staphylococcus aureus, de
levures (Candida spp), et de Clostridium difficile.

Remarque : cette pullulation intestinale favorise les échanges génétiques entre


bactéries (transfert de plasmides, transposons) en particulier le transfert horizontal
de gènes de résistance. Elle participe alors à l’émergence de bactéries multi-
résistantes.

CLOSTRIDIUM DIFFICILE est le microorganisme le plus fréquemment


responsable de diarrhées post-antibiotiques
Épidémiologie

Les diarrhées post-antibiotiques à Clostridium difficile représentent 15 à 25 % des


diarrhées acquises à l’hôpital chez l’adulte  et vont de la simple diarrhée à la colite
pseudomembraneuse (CPM) beaucoup plus sévère.

Clostridium difficile est un bacille gram positif anaérobie strict très répandu dans


l’environnement où il survit sous forme sporulée. Chez l’adulte sain le portage
asymptomatique est rare (< 3%) mais augmente avec la durée d’hospitalisation (10 à
25 %). Chez les nourrissons, ce portage est très fréquent (50 à 70 %). La
prolifération dans l’intestin est toujours liée à une antibiothérapie (presque tous les
antibiotiques ont été mis en cause mais la clindamycine, l’ampicilline, l’amoxicilline,
les céphalosporines de 3ème génération et récemment les fluoroquinolones sont les
antibiotiques les plus à risque car ils ont une activité sur les bactéries anaérobies de
la flore de barrière). Seules les souches toxinogènes capables de produire la toxine
A et/ou B sont pathogènes. Les deux toxines sont habituellement produites
simultanément mais de rares souches ne produisent que la toxine B.

 La toxine A est une entérotoxine


 La toxine B est une cytotoxine

Physiopathologie

Après fixation sur leurs récepteurs spécifiques, les toxines pénètrent dans les
entérocytes par endocytose et agissent en synergie en détruisant les jonctions
serrées reliant les entérocytes (dépolymérisation des filaments d’actine du
cytosquelette), ce qui conduit à une augmentation de la perméabilité paracellulaire
de la muqueuse colique et à une réaction inflammatoire intense à l’origine de la
formation de pseudomembranes.

Fig. 12 : Physiopathologie des infections à Clostridium difficile (ICD)

 
Manifestations cliniques et diagnostic

 La CPM est une diarrhée profuse avec fièvre, douleurs abdominales et inflammation
du colon. Les complications peuvent être graves (mégacolon toxique, perforation
intestinale, décès) ce qui rend le diagnostic URGENT. La mise en évidence, par
endoscopie, de pseudomembranes (constituées de mucus, fibrine, débris cellulaires
et leucocytes) permet de poser le diagnostic de CPM mais ces fausses membranes
n’étant pas toujours présentes en début de maladie, le diagnostic biologique reste
primordial. Il consiste à rechercher au moins une toxine de Clostridium
difficile directement dans les selles ou sur la souche isolée.

Traitement et isolement septique

Après arrêt de la prise d’antibiotique inducteur et dans le cas de symptômes sévères,


les sujets sont traités avec du métronidazole ou de la vancomycine. La prévention
repose sur l’isolement des malades au moins pendant l’épisode diarrhéique et la
mise en place de précautions d’hygiène particulières (ports de gants et de
surblouses pour le personnel, désinfection de l’environnement par un aldéhyde ou de
l’hypochlorite). On parle d’isolement septique.

DIARRHÉES VIRALES

Plus de la moitié des diarrhées infectieuses sont virales. La gastroentérite aiguë


atteint surtout des enfants de moins de 2 ans, avec un pic maximum entre 6 et 12
mois. Différents virus sont en cause, et parmi eux les rotavirus et les norovirus
dans 60 % des cas, mais aussi d’autres virus (astrovirus, adénovirus…).

Les diarrhées virales se traduisent par des nausées, des vomissements, des
douleurs abdominales et des diarrhées hydriques, il n’y a pas de granulocytes
neutrophiles dans les selles. Chez les enfants et les personnes âgés l’infection peut
être sévère mais la plupart du temps, en moins d’une semaine, les symptômes
disparaissent.

Les Rotavirus sont responsables des gastroentérites aiguës (GEA) sévères du


nourrisson et de l’enfant de moins de 5 ans partout dans le monde ; ils
représentent la principale cause de mortalité infantile dans les pays en voie de
développement. En France, ces infections entrainent peu de décès mais sont la
cause la plus fréquente de consultation pédiatrique et la deuxième cause
d’hospitalisation.

Les Norovirus sont les principaux agents de gastro-entérites virales aigües chez


l’homme, toutes classes d’âge confondues. Ils provoquent des épidémies de
sévérité modérée d’origine hydriques ou alimentaire au sein des collectivités. Ces
gastro-entérites sont caractérisées par l’apparition brutale de vomissements et/ou de
diarrhée après une courte incubation de 24 à 48 heures. La majorité des infections
guérissent spontanément en quelques jours.
Les Astrovirus et les Adénovirus restent minoritaires, sauf immunodépression
sous-jacente.

DIARRHÉES PARASITAIRES
Les diarrhées dues à des parasitoses sont le plus souvent observées après un
voyage en zone tropicale. En Europe, certains parasites autochtones peuvent
également provoquer des TIA.
Les parasites en cause sont différents selon le type de diarrhée :

Parasitoses

Le paludisme (primo-invasion) ou la trichinellose peuvent occasionner des épisodes


Diarrhées aiguës fébriles diarrhéiques

La dysenterie amibienne ou amibiase intestinale est due à


une amibe  pathogène  : Entamoeba histolytica. Ce  protozoaire  tropical entraîne des
diarrhées pouvant être glairo-sanglantes sans fièvre.

La contamination est essentiellement due à l’ingestion d’eau ou de crudités


souillés par des matières fécales contenant des kystes.

Dans le tube digestif, les kystes se transforment en trophozoïtes qui adhèrent à la


muqueuse colique et détruisent les cellules en formant des pores dans leur
membrane. Ils sécrètent des enzymes protéolytiques ce qui favorise leur
Diarrhées aiguës non dissémination dans la muqueuse et la sous-muqueuse colique entraînant des
fébriles ulcérations, et parfois des perforations intestinales. Cette invasion peut se
poursuivre par une dissémination dans le sang conduisant à des abcès
hépatiques.

C’est la principale cause de diarrhées parasitaires aiguës. La prévalence de


l’infection atteint 10 % dans les régions intertropicales et la mortalité est estimée
entre 40 000 et 100 000 personnes par an. En France, la dysenterie amibienne ne
concerne que les migrants et les touristes en provenance de zones d’endémie.
Schistosoma mansoni, S. intercalatum et S. japonicum, agents de la bilharziose
intestinale peuvent occasionner des diarrhées glairo-sanglantes.

Giardia intestinalis

Ce protozoaire intestinal cosmopolite est fréquemment trouvé en France


particulièrement chez les enfants et dans les collectivités. Sa transmission est
facile par les mains sales. L’homme se contamine en ingérant de l’eau ou des
Diarrhées chroniques1 aliments souillés par les kystes parasitaires

Cryptosporidium, Microsporidium et Isospora

Ce sont des protozoaires cosmopolites opportunistes responsables de diarrhées


chez des patients immunodéprimés (SIDA, greffés …)
Certains helminthes sont responsables de troubles intestinaux diffus accompagnés
quelquefois de diarrhées (trichocéphales, anguillules)

Une hyperéosinophilie à l’hémogramme permettra de les suspecter.

1
 chroniques car elles persistent plus de 14 jours ; elles sont aussi non fébriles.

TABLEAUX DE SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX MICROORGANISMES


RESPONSABLES DE DIARRHÉES

Tableau 3 : Classification des bactéries responsables de diarrhées en fonction


des mécanismes physiopathologiques

Tableau 4 : Les principaux microorganismes responsables de diarrhées


inflammatoires

Rappel : les bactéries responsables de diarrhées inflammatoires sont entéro-


invasives

 
Tableaux 5 : Les principaux microorganismes responsables de
diarrhées hydriques

Rappel : les bactéries responsables de diarrhées hydriques ne franchissent pas


l’épithélium intestinal et sont essentiellement entérotoxiques

Examen microbiologique des selles


(coproculture)
La coproculture est une étape de l’examen microbiologique des selles. Elle
correspond à l’ensemencement de milieux généralement sélectifs pour isoler puis
identifier l’agent infectieux.

PLAN
 CONTEXTES
 PRÉLÈVEMENTS DES SELLES
 DIFFÉRENTS TEMPS DE L’ANALYSE
 APPORT DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE AU DIAGNOSTIC DES INFECTIONS
INTESTINALES
 COPROCULTURE STANDARD
 Salmonella  et des Shigella
 Campylobacter
 Yersinia
 COPROCULTURE COMPLÉMENTAIRE
 EPEC
 EHEC
 ETEC et des EIEC
 Vibrio cholerae
 Vibrio non cholerae, Aeromonas et Proteus shigelloides
 Microorganismes responsables des diarrhées post-antibiotiques
 Clostridium difficile
 Klebsiella oxytoca
 Clostridium perfringens
 Staphylococcus aureus
 Levures
 Virus
 Parasites
 COPROCULTURE HORS CONTEXTE D’INFECTION INTESTINALE

CONTEXTES
Il existe principalement 4 contextes justifiant un examen microbiologique des selles :

1. Déterminer l’étiologie d’une diarrhée


2. Détecter les porteurs sains de bactéries entéropathogènes. Cet examen a longtemps
été pratiqué systématiquement pour le personnel des services de restauration et de
l’industrie agro-alimentaire. Désormais, il semble  se limiter à des contextes
particuliers (personnel de retour de voyage par exemple)
3. Détecter les porteurs asymptomatiques de bactéries multirésistantes aux
antibiotiques à l’hôpital.
4. Surveiller les flores de certains sujets immunodéprimés comme les patients
aplasiques des services d’onco-hématologie. En raison de leur pathologie, ces
patients subissent une décontamination digestive afin de réduire quantitativement
une partie de leur flore intestinale. Ainsi cette coproculture quantitative sert à vérifier
que l’objectif est atteint.

Déterminer l’étiologie d’une diarrhée

Pour des raisons d’efficacité et de coût, le laboratoire ne recherche pas


systématiquement la totalité des agents susceptibles d’être entéropathogènes. Par
conséquent, il est nécessaire d’organiser les investigations en fonction du contexte
clinique et épidémiologique :

 type de diarrhée : inflammatoire ou hydrique ;


 symptômes associés : douleurs abdominales, vomissements, sang dans les selles,
fièvre, altération de l’état général ;
 âge du malade ;
 origine géographique ou la notion de voyage récent ;
 antibiothérapie récente ;
 immunodépression ;
 autres cas dans l’entourage
PRÉLÈVEMENT DES SELLES 
Le prélèvement s’effectue de préférence au laboratoire. Le patient transfère
l’équivalent d’une noix de selles, à l’aide d’une spatule ou d’un flacon-cuillère, dans
un pot stérile en privilégiant les éléments glaireux, sanglants ou d’aspect atypique.
Recueil des selles

Chez le nourrisson et le petit enfant, on peut réaliser un écouvillonnage rectal.

Afin d’éviter la dessiccation et la prolifération des bactéries et levures commensale, il


faut analyser les selles dans les 2 heures qui suivent leur recueil. Sinon on peut les
conserver 12 h maximum à 4°C

Au-delà de ce délai, un système de transport comme le dispositif COPAN fecal swab


est nécessaire. Il est composé d’un écouvillon et d’un milieu de transport Cary-Blair
(milieu contenant du thioglycolate de sodium et un tampon phosphate).

Dispositif COPAN fecal swab


DIFFÉRENTS TEMPS DE L’ANALYSE
Les différentes étapes de l’analyse sont les suivantes :

 Examen macroscopique des selles


 Examen microscopiques des selles
 Coproculture = mise en culture des selles
 Éventuellement utilisation de tests rapides :
 mise en évidence de certains agents infectieux ou de leur toxine par des
méthodes immunochromatographqiues ou immunoenzymatiques
 mise en évidence de gènes présents seulement présents chez certains
microorganismes pathogènes (voir le chapitre sur l’apport des techniques
moléculaires)
 Étude de la sensibilité aux antibiotiques pour certaines espèces ou selon le contexte

Examen macroscopique des selles

On notera la consistance (liquides, molles, moulées), la présence de glaires, de pus


et de sang.

Examens microscopiques des selles

État frais

Faire une suspension homogène de la selle dans l’eau physiologique et examiner


entre lame et lamelle à l’objectif X40. À ce propos, la dilution doit être suffisante pour
apprécier la mobilité des bactéries mais pas trop forte sinon les recherches sont plus
longues.
Ensuite, prélever si possible dans une zone muco-purulente ou sanglante.

Il permet :

 la recherche des leucocytes fécaux. Leur présence témoigne d’une inflammation du


tube digestif et oriente vers une infection à microorganismes invasifs
(Salmonella, Shigella, Yersinia, Campylobacter). En revanche, on n’en trouve pas
dans le cas de diarrhées à microorganismes entérotoxiques ou à virus.
 de repérer des Vibrio et des Campylobacter grâce à leur mobilité par ciliature polaire 
en « vol de moucheron »
 de rechercher les hématies, les levures.

Il faut souligner que cet examen manque de sensibilité et présente une valeur
seulement s’il est positif.
Dans le cas où des leucocytes, des hématies et des levures sont observés, il
faut préciser leur nombre par champ.

Frottis des selles coloré au Gram

Premièrement, il s’agit d’apprécier l’équilibre de la flore en déterminant les % de


bactéries Gram + et Gram -. En règle générale, les Gram + représentent entre 20 et
30% et les Gram – entre 70 et 80%. Ces pourcentages sont en partie liés aux
habitudes alimentaires.
En revanche, un fort déséquilibre (> 90%) correspond très souvent à la colonisation
par un microorganisme pathogène.
À noter que la description précise des bactéries observées est seulement utile
s’il y a un fort déséquilibre de la flore.
Enfin, cet examen permet également de rechercher des bactéries présentant une
morphologie particulière tels les Campylobacter.

Frottis de selles après coloration de Gram (X1000)


© Pascal Fraperie

Coproculture

La coproculture correspond à l’ensemencement de milieux généralement sélectifs


pour isoler puis identifier l’agent infectieux. De plus en plus nombreux, les milieux
chromogènes sélectifs de dernière génération ont grandement facilité le repérage
des agents infectieux présents au sein d’une flore commensale riche et variée.

À noter que pour certains germes la recherche se fait après une phase
d’enrichissement.

 
APPORT DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE AU DIAGNOSTIC DES
INFECTIONS INTESTINALES

La recherche de microorganismes entéropathogènes par PCR multiplex est en plein


essor. Elle présente de multiples avantages par rapport à la recherche par
coproculture :

 Une meilleure sensibilité


 Un rendu des résultats plus rapide : 2h au lieu de 48h/72h
 Un temps technicien bien plus faible

Son principal inconvénient actuellement est son coût.

Les laboratoires qui utilisent ces méthodes ont considérablement réduit le nombre de
selles mises en culture. En effet la mise en culture se limitent aux selles pour
lesquelles les tests moléculaires sont positifs. En outre seuls les milieux
correspondants au pathogène détecté sont ensemencés.

Les méthodes actuellement disponibles sont variées, vous les trouverez à cette
adresse : https://collegebvh.org/system/files/fichiers/document/fichiers/a1-
diagnostic_rapide_des_salmonelles-shigelles-campylobacter_gibaud.pdf

 
COPROCULTURE STANDARD
BCP = gélose lactosée au pourpre de bromocrésol
Campylo = milieu d’isolement sélectif des Campylobacter (Campylosel,
Karmali..)
Chromo = gélose chromogène Salmonella,
GS = gélose au sang

RECHERCHE DES SALMONELLA ET SHIGELLA
Premier jour

Ensemencer un milieu d’enrichissement en Salmonella 

Pour commencer, notons qu’il n’existe pas de milieu d’enrichissement


en Shigella

Compte tenu que les Salmonella sont souvent en petite quantité dans les


selles, on ensemence dès le premier jour, un milieu d’enrichissement. C’est un
milieu sélectif liquide dans lequel les Salmonella se multiplient plus
rapidement que les microorganismes commensaux du fait de la présence
d’agents inhibiteurs.

On peut utiliser l’un des milieux suivants :

 Rappaport (chlorure de magnésium à 30 g/L, vert de malachite, pH à 5.5) à incuber à


37°C pendant 24h ;
 Rappaport -VASSILIADIS à teneur réduite en vert malachite et à incuber à 41°C
pendant 24h ;
 Milieu au sélénite de sodium, 3 à 6 heures à 37 °C ;
 Muller Kauffman (vert brillant) 3 à 6 heures à 37 °C ;
 Milieu tétrathionate-novobiocine (vert brillant, novobiocine) à 37°C.

On ensemence ces milieux avec 5 gouttes de la suspension préparée pour l’état


frais.

Le lendemain, on ensemence avec la culture obtenue, un milieu d’isolement sélectif


des Salmonella (SS, Hektoen, SM2 ou Rambach).

Ensemencer un milieu d’isolement sélectif 

Pour obtenir suffisamment de colonies isolées de Salmonella ou de Shigella, il faut


déposer un inoculum dense (par exemple la suspension préparée pour l’état frais) et
l’épuiser au maximum en réalisant des stries serrées.

Les milieux d’isolements classiques (conviennent pour Salmonella et Shigella)

Ces milieux sélectifs inhibent totalement la culture des Gram + et partiellement


celle des Gram -. Les milieux les plus satisfaisants sont les suivants :

 milieu S.S (Salmonella – Shigella) : permet la croissance des Salmonella et


plus difficilement celle des Shigella
 milieu Hektoen : milieu qui permet en particulier une très bonne culture
des Shigella. Ce milieu contient trois glucides, ce qui augmente son caractère
discriminant. Les Salmonella et les Shigella n’utilisent aucun de ces glucides.

Les milieux d’isolement sélectifs chromogènes (uniquement pour Salmonella)

Exemples : Gélose chromID™ Salmonella SM2 (Biomérieux) et milieu Rambach


(Merck).

Ces milieux contiennent des inhibiteurs de la flore Gram + (désoxycholate) ainsi que
des substrats liés à un chromogène. Lorsque le microorganisme possède l’enzyme
capable d’hydrolyser le substrat, un chromophore est libéré et colore spécifiquement
la colonie. Désormais, ces milieux permettent d’identifier avec une quasi-certitude
les Salmonella. Cependant il persiste un risque de faux positifs ou de faux négatifs.
En règle générale, on les utilise lors du repiquage du bouillon d’enrichissement.
Deuxième jour

Isoler sur un milieu sélectif, le bouillon d’enrichissement en Salmonella

De nombreux laboratoires ensemencent les milieux chromogènes (Rambach ou


SMID2) seulement après l’étape d’enrichissement.
Remarque : inutile de faire un examen macroscopique et microscopique de ce
bouillon.

Repérer les colonies suspectes sur le milieu sélectif ensemencé

Sur milieu SS

Des bactéries autres que les Salmonella ou Shigella et appartenant à la flore


commensale peuvent présenter le même aspect sur SS :

 Proteus mirabilis et vulgaris, et certains Citrobacter sont aussi lactose -, H2S+ et


forment des colonies semblables au Salmonella H2S +.
 Pseudomonas (mais ils sont oxydase +), Providencia, Morganella morganii, certains
biotypes d’E. coli, Hafnia alvei, et les Serratia sont lactose -, H2S – et forment des
colonies semblables au Salmonella H2S – et Shigella.

Sur milieu Hektoen

Le milieu Hektoen est plus discriminant que le milieu SS car la plupart des espèces,


précédemment citées, pouvant être confondues avec les Salmonella et
les Shigella utilisent généralement le saccharose et/ou la salicine et forment donc
des colonies saumons, bien distinctes de celles des Salmonella et Shigella.
Cependant P. mirabilis n’utilisent pas les glucides de la gélose Hektoen et forment
des colonies semblables aux Salmonella H2S +.

Sur Rambach ou SM2

Les colonies suspectes d’être des Salmonella sont des colonies rouges pour


Rambach et mauve à rose pâle pour SMID2. (Voir page précédente). Ces milieux
sont très discriminants, ainsi la probabilité que ces colonies suspectes soient
des Salmonella est très élevée.

Identification des colonies suspectes

La démarche d’identification des colonies suspectes dépend des milieux


d’isolements choisis pour repérer les Salmonella/Shigella et des méthodes
d’identification employées.
Pour éviter d’ensemencer une galerie d’identification avec une colonie suspecte sur
SS et Hektoen qui ne serait ni une Salmonella ni une Shigella, des tests préalables
sont recommandés.
Les milieux chromogènes sont eux beaucoup plus performants pour différentier
les Salmonella des autres germes, la galerie d’identification sera ensemencée sans
tests préalables.
Enfin si l’identification est faite par spectrométrie de masse MALDI-TOF, il est
possible, étant donné la rapidité du résultat, de tester une nouvelle colonie si la
première n’est pas une Salmonella. Dans ce cas, les tests préalables ne sont donc
pas nécessaires.
Afin de ne pas rendre de résultats faussement négatifs, on considèrera qu’il n’y a pas
de Salmonella ou de Shigella seulement après avoir testé au moins cinq colonies
suspectes.

Démarche d’identification des colonies suspectes sur SS ou Hektoen

Réaliser un test oxydase sur les colonies suspectes H2S –  afin d’écarter
d’éventuels Pseudomonas.
Réaliser le test de l’uréase rapide sur les colonies suspectes

Ce test, peu onéreux et rapide, permet d’éliminer


les Proteus (les Salmonella et Shigella sont uréase – et les Proteus sont uréase +). Il
est nécessaire de pratiquer cette recherche sur 5 colonies pour éviter de rendre un
résultat faussement négatif dans le cas où les selles contiendraient à la fois
des Salmonella et des Proteus.

Dans 5 tubes à hémolyse on place 3 gouttes d’urée-tryptophane et on introduit dans


chacun une colonie suspecte.
Les tubes sont placés à l’étuve à 37°C avec un témoin Proteus. On considère le
résultat négatif, si le milieu est toujours jaune-orangé, 30 minutes après le virage du
témoin Proteus et après 4 heures d’incubation.
Poursuivre l’analyse des colonies uréase –

Il s’agit ensuite de poursuivre l’analyse avec toutes les suspensions en milieu urée-
tryptophane « uréase négative ».

La galerie d’identification comprend :

 une galerie API 20E ou une galerie composée des milieux suivants (Kligler, Moeller à
la lysine, urée-tryptophane, test ONPG)
 une gélose nutritive en pente (pour faire le sérotypage).
 un isolement sur milieu lactosé comme BCP pour s’assurer de la pureté de la
suspension en urée-tryptophane (l’intérêt du lactose est de vérifier que des colonies
lactose positive n’ont pas été prélevées malencontreusement ; précaution nécessaire
particulièrement lorsque les colonies suspectes étaient mal isolées).

En toute rigueur, il convient de poursuivre l’identification des seules colonies vérifiées


« uréase négative ». Dans ces conditions, la galerie d’identification ne peut être
ensemencée qu’avec une suspension préparée à partir d’une suspension « uréase
négative » et non à partir d’une colonie.
La galerie API 20E sera, par exemple, ensemencée après avoir ajouté 4 mL d’eau
distillée stérile à une suspension uréase négative. La présence du rouge de phénol
provenant du milieu urée-tryptophane peut donner une teinte rosé au test ONPG.
Il faudrait aussi ensemencer autant de galerie d’identification que de suspensions
« uréase négative ». Dans la pratique, quand le choix s’est porté sur la galerie API
20E, une seule suspension « uréase négative » est utilisée.

Démarche d’identification des colonies suspectes sur Rambach ou SM2

Les tests préalables ne sont pas nécessaires.

On se limite alors à l’identification d’une colonie suspecte, par exemple, avec une
galerie API 20E et un BCP pour le contrôle pureté.

On prendra soin d’ensemencer une gélose inclinée pour réaliser un sérotypage, le


lendemain.

Troisième ou quatrième jour

Apres lecture de la galerie d’identification, si Salmonella spp ou Shigella spp sont


identifiées alors il faut impérativement réaliser leur sérotypage (voir dictionnaire des
techniques) à partir de la culture sur gélose inclinée.
IMPORTANT : Ne pas donner de résultats négatifs pour la recherche
des Salmonella, sans avoir constaté l’absence de colonies suspectes sur le milieu
d’isolement ensemencé après enrichissement.

RECHERCHE DE CAMPYLOBACTER
Les Campylobacter doivent être recherchés systématiquement en cas de diarrhée,
au même titre que les Salmonella. Leur recherche fait partie de la coproculture
standard.
Ces bactéries sont sensibles au dioxygène, les selles sont conservées à +4°C ou
acheminées rapidement au laboratoire.
Dans un premier temps sera présentée la démarche classique de recherche
des Campylobacter avant de citer quelques tests récents et performants qui
permettent désormais de repérer les Campylobacter très rapidement.

Premier jour

Examen direct                  

A l’état frais, on observe une suspension de la selle au microscope à contraste de


phase ou à fond noir (si possible).

C. jejuni se reconnaît par sa morphologie et sa mobilité caractéristique en « vol de


moucheron ». Cet examen est d’un grand intérêt dans les cas d’urgence, surtout
lorsque les Campylobacter sont abondants, comme c’est le cas en phase aiguë de la
maladie.

Après coloration de Gram,

L’aspect est souvent moins évocateur car il est difficile de repérer


les Campylobacter (fins bacilles à Gram négatif, incurvés ou en S ou de forme
spiralée) au sein d’une flore très variée.

Fig. 23 : Campylobacter en culture pure


GRAM X 100

Culture et isolement 
Deux techniques existent et sont complémentaires pour l’isolement sélectif
des Campylobacter

L’isolement sur milieu sélectif  et l’isolement sélectif par filtration directe. Pour la
filtration directe, la limite de détection est plus élevée (il faut une concentration de
105 à 106 Campylobacter par gramme de selle pour avoir une culture positive avec la
filtration contre 103 à 104 pour le milieu sélectif) mais présente l’avantage d’assurer la
culture de certaines souches de Campylobacter inhibées sur les milieux sélectifs.
Il semble avantageux d’associer ces deux techniques. La technique de filtration
semble dans la réalité, très peu utilisée. Le CNR des Campylobacter à Bordeaux
l’utilise quand des colonies de Campylobacter sont mal isolées et associées à
d’autres colonies bactériennes.

Isolement sur milieu sélectif

  L’inoculum doit être riche.

Le milieu de base est un milieu nutritif riche type Mueller Hinton ou Columbia. Il est
additionné de sang ou de charbon qui ont pour rôle de neutraliser des substances
toxiques produites par le métabolisme bactérien.
Un mélange d’antibiotiques est associé afin d’éliminer les bactéries de la flore
fécale.

En France, on utilise principalement deux milieux :

 le milieu de Karmali contenant 0,4% de charbon, de la vancomycine (pour inhiber les


Gram positifs), de la céfopérazone (pour inhiber les bactéries Gram négatifs
sauf Campylobacter) et actidione (également appelé cycloheximide, pour inhiber les
moisissures)
 le milieu Campylosel de bioMérieux : base Columbia enrichie de 5% de sang de
mouton et contenant de la vancomycine, de  la céfopérazone et l’amphotéricine B
 des milieux chromogènes sélectifs  dont la composition exacte n’est pas indiquée
(gélose CASA, CHROMagar™ Campylobacter)

Sur ces milieux très sélectifs, certaines souches de Campylobacter cultivent


difficilement.

Isolement sélectif par filtration direct

On utilise dans ce cas la propriété des Campylobacter de passer au travers des


mailles d’un filtre Millipore™ 0,45µm alors que les autres microorganismes sont
retenus.

On réalise une suspension épaisse de la selle dans un bouillon Brucella agar. Une
goutte de cette suspension est déposée sur un filtre Millipore 0,45µm en acétate de
cellulose, lui-même placé sur un milieu Mueller Hinton à 5% de sang de mouton.

La filtration dure une heure à 37°C. Le filtre est ensuite retiré.


Fig. 24 : Filtration au travers Fig. 25 : Culture à l’emplacement
d’un filtre Millipore™ 0,45µm du filtre Millipore™
© Pascal Fraperie © Pascal Fraperie

Conditions d’incubation

Les Campylobacter sont microaérophiles. La concentration optimale en oxygène


est de 5 à 6%.
Les milieux sont donc incubés en atmosphère microaérobie contenant 5% d’O 2,
10 % de CO2 et 85% d’azote.        (Exemple : sachets GENbox microaer de
bioMérieux)
C. jejuni et C. coli se développent à 37°C et à 42°C (espèces thermophiles). Les
autres Campylobacter moins fréquents dans les selles ne se développent qu’à
37°C.
La sélection des espèces C. jejuni et C. coli coli sur ces milieux est donc favorisée
par une incubation à 42°C. Cependant si on souhaite récupérer toutes les
espèces de Campylobacter, il est conseillé d’incuber les boites à 37°C.

Les milieux sont incubés 24 à 72 h en atmosphère microaérobie.

Deuxième, troisième jour

Repérage des colonies suspectes


Les Campylobacter donnent de petites colonies luisantes (1 à 2 mm de
diamètre), non hémolytiques, grisâtres ou translucides selon les espèces,
rondes, lisses, bombées ou plates, ayant tendance à l’envahissement.
Culture de
Campylobacter – 48h à 37°C en microaérobie
© Pascal Fraperie

Réaliser un Gram, un état frais, un test oxydase

Les Campylobacter sont caractérisés par  leur morphologie en « vol de mouette »,


leur mobilité grâce à une ciliature polaire et un test oxydase +

Identification

 par spectrométrie de masse MALDI-TOF


 ou avec une galerie API Campy (bioMérieux)

Profil sur API Campy d’une souche de Campylobacter jejuni


© Pascal Fraperie

 ou avec une galerie d’identification classique comprenant les tests suivants :


 La recherche d’une catalase
 2 bouillons Brucella : un est placé à 25°C, l’autre à 42°C.
 un milieu Mueller Hinton au sang ensemencé avec une solution d’opacité
équivalente à l’étalon 0.5 de Mac Farland et sur lequel on dépose un disque
de céfalotine et un disque d’acide nalidixique. Incubation en microaérobiose
 un milieu Mueller Hinton au sang placé en aérobiose pour vérifier l’incapacité
à cultiver à l’air : nécessité d’une atmosphère microaérophile
 un test uréase en milieu urée-idole
 La recherche d’une hippuricase
Recherche de l’hippuricase = test hippurate

Faire une suspension riche de la souche à étudier dans un faible volume de solution
d’hippurate de sodium.
Placer 2 heures à 37°C.
Ajouter 0,2 mL de ninhydrine et examiner 10 minutes plus tard.

L’hydrolyse de l’hippurate se traduit par l’apparition d’une coloration violette.

L’hippuricase est caractéristique de l’espèce C. jejuni

Fig. 27 : Hippuricase + (à gauche) Hippuricase – (à droite)


© Pascal Fraperie

Tableau 5 : Quelques caractères différentiels d’espèces de Campylobacter et


genre apparenté
L’antibiogramme, selon les recommandations du CA-SFM est réalisé sur milieu MH-
F.

Recherche de C. jejuni et C. coli dans les selles par des méthodes immuno-


enzymatiques ou par PCR

Des techniques plus rapides et plus sensibles que la culture sont disponibles depuis
le début des années 2010 comme :

 Des tests ELISA : Ridascreen Campylobacter (r-biopharm®), premier Campy


(Méridian®)
 Un test immunochromatographique unitaire : Immunocard Stat ! Campy (Méridian®).

La différenciation des espèces est désormais possible par spectrométrie de masse


MALDI-TOF ou PCR multiplex.

RECHERCHE DE YERSINIA
Les Yersinia ont la particularité se développer plus lentement que les autres
entérobactéries et d’avoir une température optimale de croissance inférieure (28°C
au lieu de 37°C). Dans un produit polymicrobien comme les selles et dans les
conditions de culture classiques (24h à 37°C), ces bactéries sont le plus souvent
masquées par la flore digestive. L’utilisation systématique d’un milieu sélectif incubé
à 28°C a permis d’améliorer leur repérage.

 
Premier jour

L’enrichissement en Yersinia est rarement pratiqué. Il existe deux possibilités pour le


réaliser :

 ensemencer un bouillon contenant du vert de Malachite et de la carbénicilline ;


 ensemencer un bouillon nutritif et l’incuber à 4°C pendant 3 semaines (on utilise le
caractère psychrophile des Yersinia pour augmenter leur proportion).

De nombreux laboratoires se limitent à l’ensemencement d’un milieu sélectif


approprié : le milieu Yersinia CIN.
Sa sélectivité élevée permet d’inhiber la presque totalité de la flore associée
(désoxycholate, cristal violet, irgasan, cefsulodine et novobiocine). La présence de
mannitol et de rouge neutre facilite le repérage des colonies et permet une
orientation présomptive de Y. enterocolitica.

Après ensemencement, le milieu est incubé entre 28 et 30°C (température optimale


de croissance des Yersinia).
D’après le BEH n° 29 du 13 juillet 2010, les techniques d’enrichissement n’améliorent
pas de façon notable le taux d’isolement des Yersinia pathogènes.
Ce milieu ne permet cependant pas la croissance de toutes
les Yersinia entéropathogènes, et de plus il inhibe certaines souches de Y.
pseudotuberculosis.

Deuxième jour

Après 24 h d’incubation, les colonies de Yersinia apparaissent petites (1 mm de


diamètre) translucides à centre rouge ou entièrement rouges (mannitol +). La taille
des colonies est supérieure après 48 h d’incubation.

Remarque : malgré la sélectivité élevée de ce milieu, certaines souches, par


exemple de Citrobacter et d’Enterobacter, peuvent cultiver sur ce milieu cependant
elles forment après 24h d’incubation des colonies rouges plus grosses (2 à 3 mm)
que celles des Yersinia (1 mm).
Fig. 28  : Y. enterocolitica  sur CIN après 24H à Fig.  29  : Y. enterocolitica  sur CIN après 48H à
30°C 30°C
© Pascal Fraperie © Pascal Fraperie

L’intérêt d’un test uréase rapide est discutable. S’il est positif, il conforte une
orientation vers l’espèce Yersinia enterocolitica mais s’il est négatif, il ne permet pas
d’exclure pour autant cette espèce.
L’identification des colonies suspectes peut être réalisée sur API 20 E.
La galerie est ensemencée directement avec les colonies suspectes. Bien que
certains caractères métaboliques des Yersinia s’expriment mieux à 30°C, afin
d’utiliser la base de données de la galerie API 20 E, cette dernière sera incubée à
37°C.

Troisième jour

Si une souche de Yersinia enterocolitica est identifiée, il faut l’envoyer au CNR afin


que soit réalisé un biotypage, un sérotypage et un lysotypage. Le biotypage permet
de déterminer si la souche appartient à un biotype pathogène, en effet les biotypes
1B, 2, 3, 4 et 5 sont entéropathogènes alors que les souches du biotype 1A sont
considérées comme non pathogènes.
Le tableau 6 rassemble les principaux tests utiles pour différencier les 6 biotypes
de Y. enterocolitica.

Tableau 6 : Caractérisation des différents biotypes


Le sérotypage des souches, réalisé par le CNR est  complémentaire car il existe une
forte corrélation entre biotypes pathogènes et sérotypes : le biotype 4 est toujours
associé au sérotype O:3, le biotype 2 aux sérotypes O:9, O:5,27 et le biotype 3 aux
sérotypes O:5,27 et O:3.

Pour l’instant, le diagnostic moléculaire manque de sensibilité et de spécificité pour


remplacer la recherche par culture.

La détermination du biotype des souches de Yersinia pseudotuberculosis n’est pas


utile car toutes les souches de cette espèce sont entéropathogènes.

COPROCULTURE COMPLÉMENTAIRE
Elle est réalisée en cas d’échec de la coproculture standard.

C’est sur prescription explicite du médecin que le laboratoire peut être amené à


rechercher des microorganismes moins courants correspondants à des contextes
cliniques particuliers.

Recherche des EPEC

La recherche des EPEC est réalisée uniquement sur les selles d’enfants de moins de
2 ans.

Le gram montre souvent une monoflore de bacilles Gram négatifs très


caractéristique.

Les selles diluées sont ensemencées sur milieu BCP (ce milieu non sélectif
permettra d’apprécier l’abondance des colonies suspectes par rapport à la flore
commensale). On peut associer un isolement sur Drigalski, Mac Conkey ou EMB.
Le lendemain, on recherche les colonies suspectes qui sont des colonies lactose +,
en grand nombre, puis on vérifie ensuite que ces colonies suspectes sont bien
des E. coli en étudiant leurs caractères biochimiques (par une galerie API 20E par
exemple).

Identification par sérotypage

Le sérotypage a longtemps été le seul moyen pour identifier les EPEC.


Il se fait par réaction d’agglutination sur lame avec des sérums correspondants aux
sérotypes entéropathogènes.
Après avoir vérifié la non-autoagglutinabilité de la souche, il faut tester le sérum
nonavalent et en cas de négativité le sérum trivalent IV.
En cas d’agglutination avec un de ces sérums, le sérogroupage est poursuivi.

Identification par la mise en évidence du gène eae par PCR

Aujourd’hui, le sérotypage n’est plus recommandé car la corrélation entre sérotype et


pouvoir pathogène n’est que partielle.
Désormais, le diagnostic repose sur la mise en évidence du gène eae par PCR à
partir d’une culture sur gélose ensemencée pour la coproculture.
Remarque : on ne pourra donner un résultat négatif qu’après avoir testé 5 colonies
différentes.

Recherche des EHEC

La recherche des EHEC se justifie chez des malades présentant une diarrhée
d’abord liquide puis sanglante et impérativement en cas de SHU (syndrome
hémolytique et urémique).
Habituellement, la diarrhée apparait 2 à 3 jours après la consommation de viande de
bœuf insuffisamment cuite (contamination la plus fréquente en France).
Les EHEC isolés appartiennent dans environ 80% des cas au sérotype O157 H7.

Les souches d’Escherichia coli O157 se différencient des autres E. coli par :

 une absence de fermentation du sorbitol


 une absence de ß glucuronidase

Un des premiers milieux mis au point pour leur isolement est la gélose SMAC : une
gélose Mac Conkey dont le lactose est remplacé par du sorbitol. Le milieu SMAC–
CT (Céfixime, tellurite) plus sélectif, inhibe mieux la flore commensale.

Remarque : Les STEC non O157 ne sont pas repérés sur ce milieu puisque ces
souches sont sorbitol +.
Milieux chromogènes

Plus récemment sont apparues des milieux chromogènes beaucoup plus


performants comme le milieu O157H7 ID de bioMérieux qui est un milieu
chromogène sélectif permettant la détection de deux activités enzymatiques :

 la ß D-galactosidase présente chez les souches d’Escherichia coli quel que soit leur
sérotype.
 la ß D-glucuronidase, présente chez les souches d’Escherichia coli mises à part les
O157:H7.

* le milieu chromID O157:H7, peut être additionné du mélange Céfixime-Tellurite


(CT), il est alors plus sélectif des Entérobactéries

Pour conclure à un EHEC O157, il faut :

 Identifier l’espèce E. coli avec une galerie adaptée


 Mettre en évidence l’antigène O157 à l’aide de particules de latex sensibilisées par
des anticorps anti O157
 Mettre en évidence l’antigène H7 avec un sérum anti H7.

Depuis peu, il est possible d’identifier les EHEC par de nouvelles méthodes :

 la recherche des gènes stx1 et stx2 après amplification génique à partir des selles ou
d’une culture de 24h. Ces tests ont pour avantage de permettre l’identification des
EHEC non O157 H7. Le test GenoType® EHEC est présenté en annexe 1.
 La recherche par un test immunochromatographique des deux Shiga-like toxine
Exemple : ImmunoCard STAT!
®
 EHEC (Méridian®) http://www.meridianbioscience.com/diagnostic-products/
foodborne/immunocard-stat/immunocard-stat-ehec.aspx

Recherche des ETEC et des EIEC

Les ETEC et les EIEC sont rares en France, seuls des laboratoires spécialisés les
recherche.

Ils utilisent des techniques de biologie moléculaire qui consistent à mettre en


évidence les gènes codant les facteurs de pathogénicité et qui caractérisent chaque
pathovar.

Recherche de Vibrio cholerae

En France, on recherche Vibrio cholerae chez les malades présentant une diarrhée


au retour d’un voyage en Afrique, Asie ou Amérique latine. Les selles des patients
atteints de choléra sont fécaloïdes pendant les premières heures de la maladie puis
liquides et dans les cas extrêmes aqueuses avec des grains riziformes. La recherche
peut aussi être effectuée à partir des vomissements du patient.

V. cholerae étant sensible à la dessiccation et au froid, il faut placer le prélèvement


dans un milieu de transport ou dans un tube plastique avec quelques gouttes de
sérum physiologique et est toujours conservé à température ambiante (ne jamais
réfrigérer ou congeler).

Premier jour

 L’examen direct est le plus souvent caractéristique 

o GRAM : bouleversement de la flore = très fort déséquilibre avec de très nombreux


bacilles Gram négatif incurvés (ou non);
o EF : présence de mucus et de bacilles très mobiles à l’état frais (ciliature polaire) ;
absence de leucocytes.

 A partir des selles, on réalise un isolement sur milieu TCBS (Thiosulfate-


Citrate-Bile-Saccharose)

Remarque : il existe un milieu chromogène commercialisé par  bioMérieux


(gélose chromID™ Vibrio) qui permet l’identification présomptive de V.
cholerae.

 Chez les sujets porteurs sains ou présentant une forme atténuée de choléra,
les Vibrio cholerae sont présents en petite quantité dans les selles. Il est dès lors
nécessaire d’enrichir les selles en V. cholerae. L’enrichissement s’obtient en
ensemençant une eau peptonée salée alcaline (pH=9). La forte concentration en
NaCl (30 g/L) et le pH alcalin de ce milieu donne un avantage sélectif à la plupart des
espèces de vibrions halophiles ou halotolérants en favorisant leur croissance par
rapport à d’autres micro-organismes présents habituellement dans les selles.
L’incubation de l’eau peptonée alcaline ne doit pas dépasser 6 heures, car au-delà la
multiplication des bactéries associées aux Vibrio diminuerait l’efficacité de
l’enrichissement.

Deuxième jour

 Il est important de déterminer rapidement si les colonies suspectes sont celles de


l’agent du choléra (donc d’une souche de V. cholerae O1 ou O139) afin d’alerter
immédiatement les autorités sanitaires. La stratégie consiste donc à effectuer
un diagnostic rapide de présomption à partir des colonies suspectes sur les
milieux d’isolement :
Dans un contexte épidémiologique de choléra, les colonies saccharose + (sur TCBS) 
correspondants à des bacilles gram négatif (incurvés ou non), qui agglutinent dans
le sérum anti-O1 ou anti-O139 sont très probablement l’agent du choléra.
Une déclaration de présomption de choléra est adressée aux autorités sanitaires
nationales et la souche envoyée au LNR (laboratoire national de référence) pour
confirmation du diagnostic.
En parallèle de cet envoi le LBM vérifie que la souche isolée appartient bien à
l’espèce Vibrio cholerae en ensemençant une galerie Api 20E et en recherchant la
croissance à différentes concentrations en NaCl (0 ; 3% et 6%).
Remarque : la galerie API 20E comprend davantage de caractères utiles à
l’identification des Vibrio, elle est préférable à la galerie API20NE. Comme
certains Vibrio sont halophiles, on prépare l’inoculum en eau physiologique.

Troisième jour

 V. cholerae est ONPG +, Indole +, LDC +, ODC + ADH – ; il cultive en absence de


NaCl (souche non halophile) et en présence de NaCl jusqu’à 6% (souche
halotolérante).
 La détermination du biotype (classique ou El Tor), du sérotype (Ogawa, Inaba,
Hikojima) à l’intérieur du sérogroupe O1 n’est pas utile au diagnostic du choléra ; ces
marqueurs déterminés au LNR sont intéressants pour suivre la progression d’une
épidémie.
1
 Eau Peptonée Salée Alcaline. Un 2ème enrichissement est souhaitable. On
ensemence une autre EPSA en prélevant quelques gouttes sous la surface de la
1ère EPSA sans agiter le tube.
2
 le sérotypage est effectué au LNR (Laboratoire National de Référence) des Vibrio.
3
 les souches appartenant au genre Vibrio sont classiquement sensibles au composé
vibriostatique O129, mais des résistances acquises sont apparues rendant ce test
moins fiable.

Recherche de Vibrio non cholerae, Aeromonas et Proteus shigelloides

On recherche ces microorganismes chez les malades présentant une diarrhée aiguë
au retour d’un pays tropical ou d’une région côtière au climat tempéré et dans le cas
où la coproculture standard s’est avérée négative.

Vibrio non cholerae

Les Vibrio non cholerae sont responsables d’infections intestinales appartiennent aux


espèces V. parahaemolyticus, V. fluvialis, V. mimicus, V. holisae. Le protocole de
leur recherche est semblable à celui de Vibrio cholerae, sauf que l’analyse est
poursuivie sur toutes colonies de plus de 2 mm de diamètre obtenue sur TCBS
(Saccharose + ou Saccharose -). Pour les raisons indiquées au 4.3.2, la galerie API
20E est préférée à l’API 20 NE.

Aeromonas

Les Aeromonas responsables de diarrhées appartiennent aux espèces A.


hydrophila et A. veronii. Ils se développent bien sur le milieu Hektoen, mais donnent
des colonies semblables aux E. coli commensaux. Pour faciliter leur repérage, on
peut ensemencer une gélose au sang de mouton + ampicilline à 20 µg/mL . Les
colonies d’Aeromonas apparaissent, en 24 h, entourées d’une large zone
d’hémolyse bêta et tendent à virer au vert brunâtre en 48 h.

L’oxydase est positive et ils résistent au composé vibriostatique O129. Les galeries
API 20 NE ou API 20E conviennent à leur identification.

Proteus shigelloides

Proteus shigelloides (anciennement nommé Plesiomonas shigelloides) cultive aussi


sur Hektoen (colonies vertes plus larges que celles de Shigella). Le test oxydase est
positif (exceptionnel pour une entérobactérie). L’identification peut se faire sur galerie
API 20E.

Recherche des microorganismes responsables des diarrhées post-antibiotiques

Clostridium difficile est de loin l’agent infectieux le plus fréquemment en cause


dans les diarrhées post-antibiotiques.
Klebsiella oxytoca, Clostridium perfringens, Staphylococcus aureus ou Candida spp
sont parfois mis en cause mais leur fréquence reste encore à préciser.

Recherche de Clostridium difficile

On recherche C. difficile chez les malades présentant une diarrhée aigüe qui survient


au cours d’une antibiothérapie ou dans les 2 mois suivants l’arrêt de celle-ci. La
recherche de C. difficile chez les patients asymptomatiques est inutile, car ces
patients ne sont pas contagieux. La prescription devra préciser « recherche de
toxines de Clostridium difficile ».
L’analyse des selles doit être rapide (moins de 2 heures après leur émission) sinon
on peut les conserver à + 4°C pendant 3 jours au maximum, afin de ne pas altérer
l’activité de la toxine B.

LE DIAGNOSTIC DE PRÉSOMPTION

Le diagnostic de présomption d’infection à Clostridium difficile (ICD) repose sur


la détection dans les selles d’une enzyme spécifique de Clostridium difficile : la
GDH. Cette enzyme retrouvée spécifiquement chez toutes les souches
de Clostridium difficile permet d’obtenir une excellente valeur prédictive négative
d’une ICD (c’est-à-dire qu’une ICD est très peu probable si ce test est négatif).
L’examen direct de la selle ne se substitue pas à la recherche de la GDH mais peut
cependant être évocateur. En effet, dans 50% des cas,  on observe des leucocytes
et une flore déséquilibrée dominée par des bacilles à gram positif sporulés avec une
spore subterminale peu déformante (Fig. 32)

Fig.32 : Gram
d’un frottis de selles avec Clostridium difficile

LE DIAGNOSTIC DE CERTITUDE

Le diagnostic de certitude d’infection à Clostridium difficile (ICD) repose sur la mise


en évidence des toxines.

En effet seules les souches toxinogènes sont pathogènes, en conséquence le


diagnostic est positif :

1. si on détecte directement les toxines (A et/ou B) dans les selles d’un patient ;
2. ou si on isole une souche toxinogène de C. difficile de ces mêmes selles.

Il existe différentes méthodes pour mettre en évidence ces toxines :

Mise en évidence d’un effet cytopathogène (ECP)

L’ECP correspond à une ballonisation des cellules (arrondissement du noyau et


effondrement du cytoplasme avec apparition d’une forte réfringence). L’ECP est
neutralisé par un sérum anti C. difficile pour vérifier la spécificité. On l’utilise pour
mettre en évidence la toxine B avec des des cultures cellulaires (MRC5, Vero…). Elle
nécessite 48 heures et seuls les centres spécialisés l’effectuent.
Méthodes immunoenymatiques et immunochromatographiques

Elles permettent :

 La détection de la toxine A seule (certains tests recherchent simultanément la


glutamate déshydrogénase).
 La détection des deux toxines A et B. On doit privilégier ces tests car on observe de
plus en plus de souches toxines A- et B+  (cf. annexe 2).
Ces méthodes sont simples, rapides, spécifiques mais manquent de sensibilité.
Elles ne représentent donc pas la meilleure alternative pour faire le diagnostic d’une
ICD.

Des tests utilisant la PCR en temps réel

Ils permettent de détecter les gènes de la toxine B (tcdB) ou la toxine A (tcdA) ou


une combinaison de plusieurs gènes (tcdB et toxine binaire) directement dans les
selles. Ils ont une meilleure sensibilité que les techniques immuno-enzymatiques 
mais leur coût très élevé ne permet pas, pour l’instant, leur utilisation en routine.

La culture toxigénique

C’est la méthode la plus sensible, elle consiste à rechercher les toxines à partir de
colonies de Clostridium difficile. Pour récupérer plus facilement ces colonies, on
dispose de différents milieux sélectifs :

 Le milieu CCFA contient deux antibiotiques (Cyclosérine et Céfoxitine) ainsi qu’un


glucide (le fructose) et de l’agar. On additionne à ce milieu du jaune d’œuf ou du sang
de cheval. Les colonies suspectes après 48h d’incubation en anaérobiose sont
plates, de 3 à 5 mm, à bords irréguliers, blanches à grises et non hémolytiques, la
culture dégage une odeur caractéristique de « crottin de cheval ».
 BioMérieux commercialise depuis peu un milieu chromogène, appelé chromID™ C.
difficile, qui permet de repérer rapidement les colonies de Clostridium difficile. (cf.
figure 34).
Fig.34: Culture de
Clostridium difficile sur chromID™ C. difficile
© Pascal Fraperie

 À partir de colonies isolées de C. difficile, on prépare une suspension dense en


prenant soin de prélever plusieurs colonies ; en effet il n’est pas rare de retrouver
dans une même selle des souches toxinogènes et non toxinogènes. Les techniques
de détection sont les mêmes que celles déjà présentées (Tests immunoenzymatiques
et immunochromatographiques, Test de cytotoxicité, PCR).

 
 

Recherche des autres agents responsables de diarrhées post-antibiotiques

Recherche de Klebsiella oxytoca

K. oxytoca a été mise en cause dans des diarrhées sanglantes survenant


brusquement pendant une antibiothérapie à base de pénicillines ou plus rarement de
céphalosporines.

 Le Gram montre une dominance de bacilles gram négatif


 Sur milieux lactosés comme la gélose BCP ou la gélose Drigalski, les colonies
de K. oxytoca sont Lactose + et largement majoritaires
 Poursuivre avec l’ensemencement d’une galerie Api 20 E

Fig. 35 : Klebsiella
oxytoca en culture pure sur Hektoen
© Pascal Fraperie

Recherche de Clostridium perfringens

C. perfringens est à l’origine de toxi-infections alimentaires. Il semblerait que les


souches productrices d’entérotoxines soient aussi à l’origine de diarrhées post-
antibiotiques.  L’isolement de C. perfringens à partir des selles peut se réaliser sur
gélose au sang de mouton ou sur milieu sélectif comme le milieu TSC (tryptose-
sulfite-cyclosérine), tous les deux incubés 24 à 48 heures en anaérobiose.

Le diagnostic de présomption de Clostridium perfringens  repose sur :

 l’aspect des colonies : plates, irrégulières, et ß-hémolytiques sur gélose au sang


(Fig.36)
 la morphologie au Gram : bacilles à Gram positif aux extrémités carrées, sporulés,
 leur immobilité
 leur caractère anaérobie strict
 l’identification de l’espèce (API20A, Rapid ID32A…)
L’entérotoxine peut être détectée, à partir d’une culture sporulée de C. perfringens,
par son effet cytopathogène sur culture cellulaire, ou par des tests immunologiques.
Le gène correspondant est détectable par PCR.

Fig.
36 : Clostridium perfringens sur gélose au sang
© Pascal Fraperie

Recherche de Staphylococcus aureus

Une étude a montré que la plupart des souches de S. aureus isolées de diarrhées


post-antibiotiques étaient des SARM (S. aureus résistants à la méticilline) et
produisaient des toxines (entérotoxines A, C et D et la toxine du syndrome du choc
toxique TSST-1)

 Le Gram permettra de suspecter leur présence (flore majoritaire de coques gram +,


ronds,  souvent en amas)
 On ensemence une gélose Chapman à partir des selles non diluées.
 On recherche l’apparition de colonies jaune (mannitol +) sur le milieu Chapman.
 Vérifier la catalase (+)

Il est possible d’identifier Staphylococcus aureus avec un test de coagglutination. Ce


test met en évidence la protéine A, le récepteur au fibrinogène et les antigènes
capsulaires de Staphylococcus aureus.
Fig.
37 : Staphylococcus aureus sur Chapman
© Pascal Fraperie

Recherche des levures

Le rôle des Candida dans la survenue de diarrhées post-antibiotiques reste


incertain et controversé. On recherche les Candida lorsque l’examen direct montre la
présence de filaments mycéliens ou de levures. Il faut alors ensemencer les selles
pures sur un des milieux sélectifs suivants :

 gélose Sabouraud + chloramphénicol + gentamicine.


 milieu chromogène facilitant le repérage des colonies de Candida
albicans (exemples : Gélose chromID™)
Fig. 38 : Colonies
roses de C. albicans sur gélose  chromID™
© Pascal Fraperie

RECHERCHE DES VIRUS


On réserve cette recherche aux cas de diarrhées sévères ayant justifié une
hospitalisation notamment chez le nourrisson. La microscopie électronique est la
technique de référence. Mais l’équipement nécessaire et son manque de sensibilité
font que ce n’est pas une technique applicable en routine. La recherche se limite le
plus souvent aux rotavirus, norovirus et adénovirus et utilise des tests de détection
rapide d’antigènes dans les selles.

Les rotavirus

Les tests antigéniques commercialisés utilisent des anticorps dirigés contre la


protéine du groupe VP6 : ils permettent d’identifier les rotavirus du groupe A.

 ELISA en plaque : automatisables ils permettent en moins de 2 heures de tester un


grand nombre de selles (excellente sensibilité et spécificité)
 Immunochromatographie sur membrane (rapides, environ 15 minutes mais un peu
moins sensibles).
 Agglutination de particules de latex : ces tests sont très rapides (quelques minutes)
mais de sensibilité et de spécificité nettement moins bonnes que les tests
précédents.

Les norovirus

Des réactifs commerciaux sont disponibles pour détecter les antigènes viraux par
une méthode ELISA. Ces techniques présentent une bonne spécificité mais sont
cependant moins sensibles que la détection génomique par RT-PCR (reverse
transcription-polymerase chain reaction). La cible amplifiée la plus fréquente est la
région codant pour l’ARN polymérase. Néanmoins il est utile d’utiliser plusieurs
couples d’amorces pour détecter l’ensemble des souches vu la grande diversité
génétique de ces virus.

Les adénovirus

Dans les selles, on recherche en routine les sérotypes 40 et 41, (détection d’un
antigène de genre) par les mêmes techniques que celles utilisées pour les rotavirus.

RECHERCHE DES PARASITES


La recherche des parasites se justifie en fonction du contexte clinique et surtout
épidémiologique. (Voir la partie « contexte« ).

Pour observer des trophozoïtes mobiles, il est indispensable d’examiner les selles
immédiatement. Quand ce n’est pas possible, on conserve les selles dans du formol
à 10% ou du Merthiolate-Iode-Formol (MIF).

L’examen parasitologique des selles (EPS) comprend :

 un examen macroscopique. On note la consistance de la selle, la présence de


mucus, de sang. On recherche la présence de parasites adultes, visibles à l’œil nu
comme les oxyures, les ascaris et les anneaux de ténia.

 un examen microscopique direct des selles fraîches et un examen après


enrichissement. Il n’y a pas de technique idéale qui permettrait de concentrer tous
les éléments parasitaires ; il faut utiliser obligatoirement deux techniques différentes
de concentration, au choix du biologiste. L’élimination des différentes formes de
parasites étant discontinue, le résultat isolé d’un EPS négatif n’a pas de valeur. Il ne
permet pas de conclure à l’absence de parasites. Il est indispensable de réaliser un
deuxième voire un troisième EPS en prévoyant un intervalle de 2-3 jours entre
chaque examen.

Giardia duodenalis

 Sur selles molles, pâteuses on cherche la présence de kystes abondants et facile à


reconnaître : ovoïdes, de 12 x 8µm, avec des flagelles disposés en S. Plus rarement
on trouvera des formes végétatives très mobiles si la selle a pu être examinée
rapidement.

 L’avenir est aux tests immunologiques rapides détectant des antigènes parasitaires
dans les selles.

 
Fig.40 : Kyste de Giardia
duodenalis
© Pascal Fraperie

Fig.39 : Forme végétative


de Giardia
duodenalis  http://medchrome.com
Entamoeba histolytica

 Sur selles muco-sanglantes fraîchement émises


 Il est nécessaire de répéter l’examen 2 à 3 fois en cas de négativité
 L’observation à l’état frais ou sur frottis après coloration au trichrome permet, en
observant les  formes végétatives ou de kystes, de différencier Entamoeba
histolytica des classiques Endolimax nanus ou Entamoeba coli. La distinction entre
les espèces Entamoeba histolytica et Entamoeba dispar est beaucoup plus difficile et
seule la mise en évidence de formes végétatives contenant des hématies permet
d’identifier Entamoeba histolytica (fig 42). En effet, les kystes de ces deux espèces
présentent la même morphologie (fig 43). En absence de formes végétatives
hématophages, il faut utiliser des techniques antigéniques (ELISA) ou génomiques
(PCR) pour les distinguer.

Fig. 41 : Forme végétative d’Entamoeba


histolytica Fig. 42 : Kyste d’Entamoeba
histolytica/dispar
© Pascal Fraperie

Les éléments parasitaires suivant sont tous à la même échelle (© Pascal Fraperie)

 
COPROCULTURES HORS CONTEXTE D’INFECTION
INTESTINALE
Les coprocultures « règlementaires »

Recherche d’un portage de bactérie pathogène chez le personnel de


restauration

L’arrêté ministériel du 10/03/1977 et la circulaire du 21/02/1989 imposaient une


coproculture à l’embauche (recherche de Salmonella, Shigella ; amibes) et en cas
d’infections diarrhéiques. Le dépistage systématique en dehors des épisodes
diarrhéiques semble être une mesure coûteuse et inutile (OMS 1989) pour les
raisons suivantes :

 l’analyse des quelques cas considérés comme responsables de TIAC montre que la
majorité étaient des cuisiniers qui avaient été malades peu de temps avant et
continuaient à travailler. C’étaient donc des porteurs convalescents et non porteurs
sains.
 le risque de transmission lors de portage asymptomatique est faible si les conditions
et les règles universelles d’hygiène sont bien respectées.
 l’excrétion des salmonelles est intermittente, un résultat négatif n’exclut donc pas un
portage.

Des textes plus récents (circulaire ministérielle de 1995 et règlement CE 2004) ne


prévoient plus d’examens systématiques.

La circulaire laisse au médecin responsable le soin de décider la réalisation de


coprocultures en fonction du contexte (diarrhées récentes, retour de voyage).
L’exemple suivant relaté dans le BEH du 25 janvier 2011 montre l’intérêt d’une
coproculture chez les cuisiniers de retour de voyage.

« En juin-juillet 2006, 11 cas de fièvre typhoïde ont été signalés dans quatre
départements d’Île de France.  Tous y résidaient ou y avaient séjourné et tous
avaient consommé des préparations crues dans un même restaurant parisien. Aucun
des employés du restaurant n’avait rapporté de symptômes ou d’antécédents de
fièvre typhoïde. S. Typhi a été isolée dans des coprocultures réalisées chez un
employé de ce restaurant originaire d’Asie. Les ribotypes et pulsotypes des souches
de S. Typhi isolées chez les cas et chez l’employé étaient similaires »

Infections intestinales et éviction scolaire

Les diarrhées à EHEC, à Shigella ainsi qu’une fièvre typhoïde ou paratyphoïde


entrainent l’éviction scolaire des enfants atteints. Le Haut conseil de Santé Publique
recommande que le retour de l’enfant malade en collectivité se fasse sur
présentation d’un certificat médical attestant de 2 coprocultures négatives à au moins
24 heures d’intervalle et au moins 48 h après l’arrêt du traitement.

Recherche d’un portage de bactérie pathogène dans l’entourage d’un patient ou


parmi le personnel soignant  lors d’une épidémie documentée

Cette coproculture se pratique sur des selles mêmes solides.

Détection du portage de bactéries multirésistantes (BMR)

A des fins épidémiologiques, chez les malades hospitalisés dans des services à
risques (réanimation ou oncohématologie) et le personnel soignant, on vérifie
l’absence de portage de Bactéries Multi-Résistantes (BMR).

La recherche de certaines BMR s’effectue dans les selles ou un écouvillonage rectal


telles que :

 Enterococcus résistant à la vancomycine ;
 Entérobactéries productrices de BLSE.

La coproculture quantitative de la flore aérobie fécale

Certains patients immunodéprimés comme les patients aplasiques des services


d’onco-hématologie, subissent une décontamination digestive afin de réduire
quantitativement une partie de leur flore aérobie intestinale.
Une fois par semaine, on effectue une coproculture quantitative pour évaluer
l’efficacité de la décontamination.
Pour effectuer ce dénombrement, il faut ensemencer différents milieux de culture par
étalement de 100 µL des dilutions 10-2 et 10-5 des selles.

Exemple de protocole :

Ensuite il s’agit de dénombrer et étudier la sensibilité aux antibiotiques de tous les


microorganismes isolés.

 
Traitement des diarrhées
Le traitement est d’abord symptomatique, et repose essentiellement sur la
réhydratation orale afin de compenser les pertes hydroélectrolytiques ; l’OMS
recommande depuis 2003 d’utiliser une solution de SRO (soluté de réhydratation
orale) à osmolarité réduite en glucose et en sodium ainsi qu’un apport
supplémentaire en zinc. Ce SRO contient : Chlorure de sodium 2,6 g/L, Glucose
anhydre 13,5 g/L, Chlorure de potassium 1,5 g/L et du Dihydrate de citrate trisodique
2,9 g/L. Le glucose favorise l’absorption active de Na+ par les entérocytes et permet
le passage passif d’eau et d’électrolytes : ce principe est à la base de la composition
des solutés. Une réhydratation parentérale est réservée aux formes sévères de
déshydratation. Le zinc réduit la sévérité et la durée de la diarrhée.

L’alimentation chez l’adulte ne doit pas être stoppée ; elle est modérée à base de 
riz, carottes, fruits ou légumes frais ou bouillis, viande. Les crudités ne sont pas
conseillées. Chez l’enfant l’allaitement maternel permet de diminuer la diarrhée et sa
gravité.

Les ralentisseurs du transit comme l’Imodium® ne sont généralement pas indiqués ;

L’antibiothérapie n’est pas systématique, elle est préconisée en cas de fièvres, de


syndrome dysentérique, de formes graves de choléra et sur des terrains fragilisés
(immunodéprimés, personnes âgées,..).

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