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L'ENSEIGNANT FONCTIONNAIRE

Anne-Marie Bourgeais

Klincksieck | « Éla. Études de linguistique appliquée »

2005/3 no 139 | pages 285 à 292


ISSN 0071-190X
DOI 10.3917/ela.139.0285
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-ela-2005-3-page-285.htm
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LʼENSEIGNANT FONCTIONNAIRE

Résumé : article qui se veut une mise au point sur le statut des enseignants, qui
précise quelle est leur place au sein de la fonction publique. Je reviendrai donc
sur les statuts proprement dits et le temps de travail, officiel et réel. Je mʼat-
tarderai ensuite sur la notation des enseignants, qui, au même titre que tous
les agents de la fonction publique, sont soumis à des notes et des appréciations
émanant de leurs supérieurs hiérarchiques. Enfin, jʼaborderai le sujet épineux
et complexe des affectations soumises au jeu parfois hasardeux des mutations.

Les fonctionnaires et leur statut, cette sécurité de lʼemploi que lʼon ne peut
pas nier, elle est souvent enviée et sans doute à raison lorsquʼun emploi en
CDD devient presque la norme aujourdʼhui. Les fonctionnaires sont aussi
la cible dʼun certain nombre de commentaires, souvent peu respectueux,
comme sʼils devaient se justifier de soi-disant privilèges, comme sʼils béné-
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ficiaient dʼavantages exorbitants. On peut répondre avec irritation ou avec
plus de légèreté à lʼexemple de ce courriel reçu récemment et que je me
permets de citer :
Pour devenir fonctionnaire ou travailler dans lʼentreprise publique, il faut
– faire des études
– passer des concours (et en réussir)
– accepter dʼaller travailler loin de sa famille et de ses amis
– accepter de gagner moins que dans le privé
– accepter dʼavoir à se justifier de la sécurité de son emploi
et pour un enseignant…
– accepter dʼavoir à se justifier sur ses vacances
– accepter dʼavoir à se justifier sur les heures que lʼon fait
Et lʼon pourrait ajouter :
– accepter de ne parfois connaître son affectation que quelques jours
avant la rentrée, voire après la rentrée (cʼest possible !)
– accepter de recevoir son salaire avec des mois de retard (lorsque lʼon
débute)
– accepter de voir les règles du « jeu » modifiées en cours dʼexercice
(par exemple les barèmes pour les mutations)
– accepter de se faire appeler « BMP » (Bloc de Moyen Provisoire)
– etc.

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On pourrait probablement dresser une liste tout aussi longue, voire plus,
quant aux conditions de travail de certains salariés du public en ces temps où
lʼappellation « Ressources Humaines » peut être parodiée en « Ressources
Inhumaines ». De la bouche même dʼun chef dʼétablissement, « les consi-
dérations humaines ne sont pas la priorité du rectorat », la machine fait son
travail et en oublie parfois de sʼintéresser à ses « fonctionnaires ». Dans cet
article, nous essaierons de replacer le métier dʼenseignant au sein de la fonc-
tion publique. Le contenu officiel est puisé dans le mémento du SNES et pré-
senté entre guillemets. Je me permettrais par ailleurs dʼajouter les résultats
dʼune enquête menée par le SNES sur la profession dʼenseignant ; elle a eu
lieu fin décembre 2004 et les résultats sont parus en juin 2005.

1. LES STATUTS ET LE TEMPS DE TRAVAIL


« Les fonctionnaires de lʼÉtat sont recrutés dans un corps. Chaque corps a un statut
particulier : il sʼagit dʼun ou de plusieurs décrets qui définissent les règles régissant le
recrutement, la carrière, les missions et lʼemploi, les conditions de travail, le régime
disciplinaire des personnels relevant de ce corps ».
Ce statut impose des obligations et reconnaît des droits. Il serait trop long
de les énumérer tous et ce nʼest pas le propos de cet article. Nous allons
plutôt nous intéresser à ce qui détermine lʼévolution de la carrière dʼun fonc-
tionnaire et donc dʼun enseignant.

Les concours
Il sʼagit de concours nationaux : un jury unique sélectionne – en fonction dʼun nombre
de postes fixés nationalement - des candidats originaires de toutes les académies, de
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métropole, dʼoutre-mer et même de lʼétranger. Les épreuves écrites dʼadmissibilité,
(organisées dans des centres répartis sur le territoire national) et les épreuves dʼadmis-
sion (organisées en un lieu unique) portent sur un programme unique. Les lauréats ont
vocation à exercer partout en France et sont affectés par la suite sur un poste dans le
cadre dʼun mouvement national.
Lʼagrégation : recrutement à la maîtrise, pour enseigner dans les collèges et les lycées,
avec un service hebdomadaire de 15 heures.
Le CAPES : certificat dʼaptitude au professorat. Recrutement à la licence, pour ensei-
gner dans les collèges et les lycées, avec un service hebdomadaire de 18 heures.
Le CAPET : certificat dʼaptitude au professorat de lʼenseignement technique.
Recrutement à la licence, pour enseigner dans les collèges et les lycées, avec un ser-
vice hebdomadaire de 18 heures.
Le CAPLP2 : certificat dʼaptitude au professorat de lycée professionnel du deuxième
grade. Recrutement à la licence, pour enseigner exclusivement dans les lycées, avec un
service hebdomadaire de 18 heures.
Les enseignants relèvent du statut général des fonctionnaires de lʼÉtat. Ils
sont recrutés dans un corps. Chaque corps a un statut particulier. Une fois
le concours obtenu (le plus souvent désormais après préparation lors de la
première année dʼIUFM), et lʼannée de stage validée, lʼenseignant est affecté
sur un poste et prend ses fonctions.
Par rapport à la communauté scolaire, à lʼensemble des personnels qui se
côtoie sur un même lieu de travail, la grande diversité des statuts conduit à
une tout aussi grande diversité des services. Dans un dossier du Monde de

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lʼÉducation, un article intitulé « Autant dʼhoraires que de statuts », résume
ainsi la situation :
À chacun son statut, à chacun son service… Dans la jungle de lʼéducation nationale,
les métiers se côtoient, se complètent, mais les services ne se ressemblent pas. Au
sein dʼun même établissement, chaque semaine lʼagrégé enseigne 15 heures, le certifié
18 heures, et le documentaliste (lui aussi enseignant) passe 30 heures en présence des
élèves et dispose de 6 heures pour faire ses recherches. Quant au conseiller principal
dʼéducation (CPE), il doit officiellement 40 h 40 mais sa présence effective hebdoma-
daire excède rarement 35 heures. Le temps de service des agents et personnels admi-
nistratifs oscille de 35 à 43 heures.
Seul point commun entre ces « éducateurs » : tous dépendent de la fonction publique
et doivent un total de 1600 heures à leur employeur. La clé des divergences de service
réside dans le mode de calcul adopté pour arriver à ces 1600 heures, cʼest-à-dire dans
la définition même des métiers.
Si les enseignants enseignent moins de 20 heures par semaine, cʼest parce que la
définition même du métier impose des tâches autres que la seule présence devant les
élèves mais qui nécessitent du temps, comme la préparation des cours ou la correction
des copies. […]
Une enquête ministérielle, établie à partir dʼestimation des enseignants, évaluait leur
temps de travail hebdomadaire à 39 h 47, toutes tâches professionnelles confondues.
Une moyenne qui monte à 42 h 55 dans les disciplines littéraires et descend à 38 h 15
chez les scientifiques. La préparation des cours avoisinerait une moyenne de 7 h 40 et
la correction de copies de 6 h 10 par semaine. (Le Monde de lʼÉducation, oct. 2004)
Pour affiner encore cette notion de temps de travail des enseignants il faut
avoir à lʼesprit que les moyennes données ne sont que le reflet lointain de la
réalité qui se décline au fil du calendrier scolaire et de la carrière. La somme
de travail varie selon les périodes de lʼannée, les corrections étant plus nom-
breuses à certaines périodes, à lʼapproche de la fin de trimestre par exemple.
Même si la planification des contrôles sur le trimestre est faite, différents
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facteurs peuvent conduire à des retards (une séquence plus longue que pré-
vue, des cours en moins, etc.) et conduire à concentrer les contrôles sur une
période donnée. De plus, il est parfois difficile dʼétaler la période dʼévalua-
tion entre les différentes classes, sachant que le temps de cours nécessaire à
lʼexploitation dʼune séquence, à lʼétude des documents, est sensiblement le
même dʼun groupe à lʼautre et que lʼon se retrouve inévitablement avec des
contrôles dans plusieurs classes au même moment. La phase de préparation
de cours suit le même déroulement… Concrètement il y a donc des périodes
« chargées », encore plus lors des conseils de classe qui arrivent en fin de tri-
mestre, lorsque la fatigue se fait sentir, et quʼil est impératif dʼavoir anticipé
la préparation des cours si lʼon ne veut pas être débordé. Pour peu que lʼen-
seignant souhaite organiser des activités péri-scolaire, la moyenne de 40 heu-
res est largement dépassée. Par ailleurs, la somme de travail est également
différente selon lʼancienneté de lʼenseignant. Il est évident quʼau bout de
quelques années – surtout si lʼon reste dans le même établissement, avec les
mêmes niveaux de classe – le rodage est fait. Un enseignant débutant passera
énormément de temps à collecter des documents, à cerner ce qui convient ou
pas à tel ou tel niveau, il lui faudra se constituer des bases qui lui permet-
tront ensuite de passer moins de temps dans la préparation dʼune séquence
de cours. Cela ne veut pas dire quʼun enseignant reprendra les mêmes cours
à lʼidentique dʼune année sur lʼautre, mais il aura acquis suffisamment de

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recul et ce petit « matelas » de documents qui lui permettra de se concentrer
sur autre chose, dʼexpérimenter ou de modifier une séquence. De plus, le
temps de correction varie selon les niveaux enseignés. Pour un enseignant de
langue il est de toute évidence beaucoup plus rapide de corriger des copies
de sixième que des copies de terminale littéraire. Des cours de collège sui-
vent par ailleurs une progression quasi immuable quant au contenu puisque,
pour la majorité des enseignants de collège, le manuel est le fil conducteur
alors quʼen lycée, le recours aux documents hors manuel est souvent la règle.
Le travail est donc différent. Je me permets ces comparaisons à la suite de
cette année scolaire où jʼétais en poste dans un collège et dans un lycée. Si
je devais résumer mes conclusions, sans trop de nuances, un enseignant en
collège avec quelques années dʼexpérience, aura moins de travail personnel
quʼun enseignant en lycée, mais il aura une fatigue nerveuse plus grande car
le temps passé devant les élèves est souvent plus éprouvant. Tout ceci est à
moduler en fonction du type dʼétablissement dʼexercice, du degré dʼinves-
tissement et dʼexigence personnelle, de la capacité de chacun à gérer ses
propres dépenses dʼénergie, de son organisation, etc. Enfin, certains ensei-
gnants parviennent à dresser une frontière très nette entre-temps de travail
et temps personnel, dʼautres vivront avec une frontière plus perméable, et il
semble donc très difficile dʼestimer le temps de travail dans ce cas. Quant
aux « grandes » vacances, elles semblent méritées et nécessaires si lʼon con-
sidère quʼil faut à la fois du temps pour « se vider la tête » comme tout un
chacun, mais aussi du temps pour se « nourrir », pour se former, apprendre
et parvenir à la rentrée suivante avec une fraîcheur, un enthousiasme et une
énergie renouvelés et des idées neuves. La durée des vacances est un autre
débat qui touche à lʼorganisation de la journée scolaire en France.
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2. LA NOTATION DES ENSEIGNANTS
Faisant partie de la fonction publique, les enseignants appartiennent à la catégorie A.
Lʼévaluation est statutaire et obligatoire. Aujourdʼhui sa traduction essentielle est la
notation, son objectif essentiel est lʼavancement.

La note administrative
Sur proposition du chef dʼétablissement, elle est arrêtée chaque année scolaire par le
recteur. Il sʼagit dʼune note chiffrée sur 40 (certifié et agrégé), fondée sur une appré-
ciation littérale et des pavés (assiduité et ponctualité ; activité et efficacité ; autorité et
rayonnement). Avant dʼêtre transmise au recteur, elle doit être communiquée à lʼinté-
ressé.
Rituel du mois dʼavril ou mai, signer sa note administrative au secrétariat
de lʼétablissement où lʼon travaille, se demander à chaque fois comment les
critères sont pris en compte et se dire que cette note qui est déterminée avant
tout par les échelons (liés à lʼancienneté, la carrière en classe normale compte
11 échelons) nʼa pas grand sens… Lors de lʼenquête du SNES, une question
portait sur « comment les collègues vivent la notation administrative ». Les
six appréciations proposées ont été classées de la manière suivante :
– permet une reconnaissance de votre travail (43,1 %)
– infantilisante (31,6 %)

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– nécessaire pour sanctionner ceux qui nʼassument pas correctement leur
travail (30,3 %)
– moyen de pression pour faire accepter des tâches supplémentaires (29,4 %)
– inutile (29 %)
– occasion dʼun dialogue utile avec votre hiérarchie (18 %)
Environ un tiers de collègues ont ajouté des réponses ouvertes. Les cinq
appréciations les plus fréquentes sont, dans lʼordre décroissant :
– notation inutile puisque la progression est quasiment la même pour tous,
surtout en fin de carrière
– dépend beaucoup de la personnalité du chef dʼétablissement
– subjective et arbitraire
– notation détournée de son usage officiel par le chef dʼétablissement :
« règlements de compte », « moyen de pression », « copinage »…
– critères insuffisamment précis et/ou non pertinents (en particulier le
« rayonnement »)

La note pédagogique
Après une visite effectuée dans la plupart des cas par un IPR (Inspecteur Pédagogique
Régional) qui donne lieu à lʼétablissement dʼun rapport dʼinspection, la note pédagogi-
que (sur 60) est arrêtée par lʼinspection. Le rapport dʼinspection devra être communi-
qué à lʼintéressé(e) dans le mois qui suit la visite. La note est communiquée par arrêté
au plus tard dans lʼannée scolaire qui suit celle de lʼinspection.
Il arrive cependant que le rapport dʼinspection tarde ou nʼarrive tout sim-
plement jamais ! De plus, le nombre dʼinspecteurs étant limité, les inspec-
tions sont finalement rares au cours dʼune carrière. À titre dʼexemple, dans
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mon cas, après lʼinspection de titularisation qui a eu lieu en 1990 avec une
classe de seconde en lycée, je nʼai eu aucune visite lors de mes cinq ans
dʼexercice en collège et il mʼa fallu solliciter une inspection en 2000 dans le
lycée où jʼexerçais depuis deux ans. Je souhaitais cette inspection en grande
partie pour avoir des conseils quant à ma pratique au lycée mais aussi pour
favoriser mon avancement. Il ne faut pas oublier que ces notes, administra-
tive et pédagogique, ont une influence sur lʼavancement dʼéchelons et donc
sur le traitement perçu.

Lʼinspection et la formation continue


Je nʼai eu que peu dʼexpérience directe (deux en 14 ans de carrière) et cʼest
sans doute plus à travers lʼécho des visites faites à des collègues que je peux
parler de lʼeffet produit par celle-ci. Généralement programmée à lʼavance,
on sait que « lʼinspecteur a demandé votre emploi du temps cette année »,
ou quʼun nouveau collègue va se faire inspecter et lʼinspecteur en profitera
pour rendre visite aux autres collègues. Lʼenseignant est informé du jour de
la visite et de la classe concernée dans un délai dʼune ou deux semaines avant
la date fixée et il a normalement le temps de préparer une séquence et dʼanti-
ciper le cours du jour de lʼinspection. Les réactions sont diverses, à lʼimage
de la diversité des personnalités des enseignants et selon leur ancienneté :
sans doute toujours un peu de stress, lʼobligation de préparer plus en détail,

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selon les « normes à la mode », lʼinquiétude selon la classe choisie pour la
visite : « sont-ils coopératifs ? vont-ils jouer le jeu et participer ? etc. ». Cer-
tains enseignants peuvent aussi faire le choix, ou du moins lʼannoncer ainsi,
de ne rien modifier à leurs habitudes…
La note globale aura une incidence sur lʼavancement dʼéchelon et donc
sur le salaire de lʼenseignant. On peut regretter cette situation qui accen-
tue lʼeffet « jugement » de lʼinspection alors que beaucoup dʼenseignants
seraient plutôt demandeurs de « conseils ». Dʼaprès lʼenquête du SNES, le
temps moyen entre deux inspections est de six ans et neuf mois, avec des
durées qui vont du simple au double selon les disciplines. Quant à la manière
dont est perçue lʼinspection les cinq appréciations proposées ont été classées
dans lʼordre suivant :
– incite à un exercice artificiel le jour de lʼinspection (54,2 %)
– vous aide à réfléchir sur votre pratique professionnelle (38,7 %)
– est infantilisante (36,5 %)
– permet une reconnaissance de votre travail (34 %)
– vous apporte une aide pédagogique (15,3 %)
Environ un quart des collègues ont ajouté des réponses ouvertes, dont les
plus fréquentes sont, dans lʼordre décroissant :
– dépend beaucoup de la personnalité de lʼinspecteur
– beaucoup trop ponctuelle pour permettre une évaluation sérieuse
– souhait dʼinspections plus fréquentes
– inutile, du stress pour rien, formalité…
– mépris, insuffisance
– nʼa dʼintérêt que pour la note et lʼavancement
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– beaucoup dʼhumanité, échange fructueux
– souhait dʼune grille, de critères clairs annoncés »
En ce qui concerne la demande de conseils et donc les besoins de forma-
tion continue ainsi mis à jour, il faut cependant signaler que les enseignants
ne sont pas toujours prêts à consacrer du temps à des réunions de formation
ou de concertation. Certaines propositions de formation sur site ne trouvent
pas de candidats… le manque de temps nʼétant pas toujours une excuse vala-
ble même si cʼest souvent une réalité. On pourrait aussi mentionner les diffi-
cultés dʼinformation quant aux possibilités offertes : parfois trop dʼinforma-
tions sur des panneaux de salle des profs, des communiqués à travers le net,
etc. et lʼon oublie les dates dʼinscription, on ne consulte pas le B.O. assez
régulièrement et lʼon passe à côté. Mais une fois de plus, on pourra arguer
que la démarche doit aussi être personnelle et motivée et quʼun enseignant
curieux et intéressé fera cet effort dʼinformation.

3. LES AFFECTATIONS
« Les règles de mutation sont quasiment identiques pour tous les person-
nels à gestion nationale gérés par la direction des personnels enseignants des
lycées et collèges : agrégés, certifiés, CPE, conseillers dʼorientation psycholo-
gues, PLP (Professeur en lycée professionel). Les mêmes règles et les mêmes

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dates sont applicables pour les mutations, les réintégrations et les premiè-
res affectations, qui sont prononcées par discipline. Vers le mois dʼoctobre,
paraît au BO une note de service nationale qui définit les règles de mutation
et les éléments du barème pour lʼannée en cours. […] Pour les enseignants
du second degré, depuis 1999, les mutations se font dans le cadre dʼun mou-
vement national à gestion déconcentrée qui se déroule en deux temps : une
phase interacadémique, suivie dʼune phase intra-académique. […] La pre-
mière phase « interacadémique » permet de changer dʼacadémie : les vœux
ne peuvent porter que sur des académies (31 vœux possibles) sans aucune
possibilité de préciser ni la localisation géographique, ni le type dʼétablisse-
ment, ni le choix dʼun poste en établissement ou de remplacement… […] La
deuxième phase « intra-académique » concerne les collègues qui souhaitent
changer de poste dans leur académie et ceux qui ont obtenu une mutation
interacadémique. »
La grande complexité du système de mutation rend difficile toute expli-
cation détaillée, vue de lʼextérieur, cʼest-à-dire par des personnes qui nʼap-
partiennent pas à lʼéducation nationale, la période des demandes de muta-
tion semble quasiment incompréhensible ou se résume à des enseignants qui
comptent et recomptent leurs points de manière obsessionnelle. Ces fameux
points qui correspondent à lʼancienneté sur un poste, à lʼéchelon, à des boni-
fications éventuelles (rapprochement de conjoints, mutation simultanée de
deux conjoints, autorité parentale unique, TZR, service en ZEP, stagiaire
IUFM, etc.) et qui assurent, en théorie, un traitement équitable des situations
de chacun. Depuis 1999 cependant, le mouvement à gestion déconcentrée
conduit à une mutation « en aveugle » : lors de la phase interacadémique,
on peut obtenir lʼacadémie souhaitée, et donc perdre son poste, mais sans
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aucune certitude dʼobtenir le lieu et lʼétablissement que lʼon souhaite au
final. À titre dʼexemple, un enseignant qui travaille à Laval et vit à Rennes
(soit environ 70 km) dépend de lʼacadémie de Nantes et devra participer au
mouvement interacadémique sʼil veut rejoindre lʼacadémie de Rennes. Sʼil
obtient cette académie, il nʼest par contre absolument pas assuré dʼavoir un
poste à proximité de son domicile lors du mouvement intra-académique et
peut au final se retrouver encore plus loin de son domicile sans possibilité
de revenir en arrière. Cʼest le reproche majeur face à ce nouveau système ;
lʼancien mouvement national, sʼil nʼétait pas parfait, offrait lʼassurance de
rester sur son poste en cas dʼinsatisfaction. Il faut savoir également que « les
points » accumulés sont « dépensés » lorsque lʼon obtient un poste et cela
signifie concrètement que lʼon ne peut pas « bouger » pendant plusieurs
années, quʼon le veuille ou non. Dʼun point de vue positif cela permet certai-
nement une stabilité des équipes, mais dʼun point de vue négatif, cela conduit
à un immobilisme et à un blocage des postes qui défavorise toute personne
qui nʼa pas suivi un parcours traditionnel, cʼest-à-dire qui a souhaité bouger
davantage pour diverses raisons. De plus, la réduction du nombre de postes
offerts est réelle et contribue à laisser un certain nombre de collègues sur
des postes de TZR (titulaires sur zone de remplacement) même sʼils ne lʼont
pas demandé. La déconcentration a aussi permis aux différentes académies
dʼétablir leurs propres critères de bonification ce qui rend le système inégali-

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taire. Enfin, le nouveau système a brouillé les cartes et empêche toute straté-
gie à long terme telle quʼelle était possible avant 1999. On pourrait énumérer
les situations personnelles : enseignante mariée qui travaille à 200 km de
chez elle, couples séparés toute la semaine, poste de TZR chaque année, etc.
Ces situations instables entraînant une impossibilité de fixation dans un lieu,
de projet à long terme, toutes les conséquences liées paradoxalement à une
certaine précarité de lʼemploi… alors même que lʼenseignant fonctionnaire
a « la sécurité de lʼemploi » ! Ce type de situation personnelle est aussi un
handicap certain si lʼenseignant souhaite suivre la préparation dʼun concours
tel que lʼagrégation, seule possibilité de « promotion » au sein de lʼéducation
nationale, ou toute autre formation. Point dont il a été question dans lʼarticle
précédent.
Dans cet article, nous avons tenté de mettre en lumière la partie du métier
dʼenseignant qui reste méconnue quand on sʼintéresse avant tout au travail
même dʼenseignement. Ce sont les coulisses de la « machine » éducation
nationale, ce qui détermine la carrière de lʼenseignant et dans une grande
mesure sa vie personnelle, inévitablement liée à son affectation.

Anne-Marie BOURGEAIS
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