Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
11
DOSSIER
Nouvelles
démarches
budgétaires
Fabien de Geuser
L
es entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, petites ou grandes,
entretiennent un rapport contradictoire avec le système budgétaire.
D’un côté, la plupart d’entre elles multiplient les reproches : trop
lourd, trop cher, dépassé, engendrant des comportements pervers… De
l’autre côté, pourtant, ces organisations maintiennent le plus souvent
leur budget et continuent même à accroître les ressources qu’elles lui
allouent, en personnel et en systèmes d’information.
Ce rapport paradoxal au budget traduit donc plus une frustration qu’un
rejet et explique une demande persistante des entreprises d’améliorer
cet instrument en l’adaptant à des environnements plus instables et à des
stratégies nouvelles, ainsi qu’en augmentant son efficience. C’est cette
double question de la pertinence retrouvée et de l’augmentation de l’effi
cience des process budgétaires qui structure ce dossier.
NOUVELLES DÉMARCHES
BUDGÉTAIRES
1 Problématiques
FICHE
et enjeux
Une des dif
ficultés rencontrées par la démarche budgétaire est la mul
tiplication des fonctions attribuées à cette dernière. La demande de renouvel
lement des démarches budgétaires a alors pour enjeu la compréhension de
ces fonctions et de leur interaction. En effet, certaines de ces fonctions sont
quelques fois contradictoires, soit dans leurs finalités, soit dans leur tempora
lité de mise en œuvre. La détermination des objectifs à fixer à la démarche bud
gétaire devient alors la première étape de l’amélioration de cette dernière.
…
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 329
Problématiques et enjeux
Opérationnalisation plomberie de l’organisation1. La démarche
de la stratégie budgétaire vise à permettre cette traduction
de la stratégie dans des horizons temporels
La stratégie d’une organisation est par nature, déterminés, des livrables concrets, des plans
souvent, générale et abstraite : elle se fonde d’actions précis, des ressources correspon
sur une vision, des valeurs, un positionne dantes… Plus généralement, cette traduction
ment, des risques à éviter… Ces concepts de la stratégie est double : elle touche aux
sont essentiels à la mobilisation des person plans d’actions (plan opérationnel) et aux res
nels mais ils sont en général peu chiffrés et sources, chiffrées financièrement (plan finan
insuf fisamment concrets pour permettre leur cier). On verra dans la fiche 2 que l’évolution
opérationnalisation dans le registre de l’éva actuelle de la stratégie dans une direction
luation puis de l’allocation des ressources davantage orientée vers l’économie imma
nécessaires à leur réalisation. Ils relèvent de térielle rend cette traduction plus dif ficile.
ce que J. March appelle de la poésie et néces Cependant, cette finalité de la démarche bud
sitent d’être traduits dans ce qu’il nomme la gétaire reste première.
« Un des rôles de notre processus budgétaire est ce que j’appelle « la pâquerette-
isation » de la stratégie : par les discussions budgétaires, nous ramenons la stratégie
au « ras des pâquerettes », c’est-à-dire au niveau le plus matériel, le plus concret pos
sible en discutant des actions et des moyens à mettre en face de cette stratégie à
tous les niveaux de l’entreprise. Cela permet d’ailleurs aussi quelquefois de ramener à
la réalité certains de nos stratèges… »
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
En Pratique
LES 3 ROUES DE LA PLANIFICATION BUDGÉTAIRE
BFR
Roue
Créances Stocks
du cash
Ventes
Roue
Coûts du
d’exploitation CapEx
profit
Profits
ROE
Problématiques et enjeux
Définition des plans d’action les moyens et la direction grâce auxquels il
pourra déployer ses efforts de manière auto
La budgétisation pour assurer la « pâquerette- nome. En cela, le budget est un instrument
isation » évoquée plus haut, doit être appuyée d’autonomisation essentiel et doit être pensé
sur la réflexion concernant les plans d’actions comme tel pour permettre à tous les employés
à mettre en œuvre. Seuls ces derniers per de pouvoir déployer leur créativité et leurs
mettent le réalisme des demandes de res initiatives. En cela il doit donc explicitement
sources. Par conséquent, le budget ne peut être associé à une politique d’autonomisation
être uniquement financier. Tous les acteurs permettant aux managers en charge de leur
doivent par conséquent associer à leur bud budget de pouvoir librement disposer des
get, un plan d’action correspondant. ressources qui leur ont été attribuées. Mais le
budget doit aussi pouvoir donner une vision
Régulation et apprentissage claire de la stratégie pour que les managers
puissent, de manière délibérée, orienter leurs
La démarche budgétaire vise à permettre à actions de régulation et leurs décisions dans
chacun de maintenir son attention, ses efforts le sens de la stratégie.
et ses décisions de manière à maximiser les
chances d’atteindre l’objectif. Elle agit à deux Alignement stratégique
niveaux : et coordination
zz La régulation des actions : elle doit per
mettre, par un suivi immédiat des écarts, Le budget est un des instruments principaux
durant l’exercice, à chaque manager de corri de coordination des actions dans le but de
ger son cours d’action pour se remettre dans réaliser la stratégie. Par ses navettes, le pro
« les clous ». C’est la fonction dite cybernétique cessus budgétaire doit permettre à chaque
du budget, c’est-à-dire, visant à permettre aux composant de l’organisation d’aligner avec
organisations de se réguler en continu par ses collègues les deadlines de livraisons des
réaction face à des signaux d’écarts par rap produits intermédiaires, le niveau de stocks,
port à une norme (ici un objectif ). les besoins d’approvisionnement, de person
zz L’apprentissage : la démarche budgétaire nel… Le budget est l’instrument de base de
vise à permettre aux entreprises et aux per cette coordination.
sonnes de s’améliorer en leur donnant les Il convient donc de comprendre que la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
moyens d’analyser ce qui s’est passé durant complexité du processus budgétaire est pro
l’exercice. L’écart entre l’objectif est le réalisé portionnelle à la complexité organisationnelle.
est le fondement de cette analyse a posteriori Plus une entreprise est intégrée verticalement
(par opposition à l’analyse « durant l’action » et horizontalement, c’est-à-dire plus elle repose
de la régulation des actions). Ceci permet sur de la coordination interne, plus son proces
alors de discuter des plans d’actions, des sus budgétaire sera demandeur, et par consé
objectifs ou des ressources nécessaires pour quent lourd, en termes de coordination.
améliorer la performance dans le futur.
Incitations et mesure
Autonomisation de la performance
La démarche budgétaire a pour finalité La démarche budgétaire peut aussi consti
d’assurer à chacun au sein de l’organisation, tuer le support du management de la perfor
332 Partie 2 Contrôle de gestion
mance par les incitations et le management réflexion de long terme fondant en particu
par objectifs. Il permet en particulier : lier les stratégies de différentiation ou encore
zz d’objectiver la mesure de la perfor amener des problèmes de sous-optimisation
mance : en mesurant un écart entre objec des capacités et des investissements matériels
tif et réalisé et en neutralisant l’impact des ou immatériels.
variables non contrôlées dans cet écart,
le budget constitue une base solide pour Communication financière
mesurer la performance des managers en
évitant les phénomènes d’injustice ; Le budget devient de plus en plus un ins
zz d’alig ner les incitations sur cette trument de communication financière, en
mesure : la GRH dispose d’un arsenal varié particulier pour les entreprises cotées. Mais
d’inc itations (financières, symboliques, toute organisation en recherche de finance
professionnelles…) qu’il s’agit d’attribuer ment est souvent amenée à devoir justifier
de la manière la plus objective et la plus d’une procédure budgétaire solide garan
efficiente possible. En s’appuyant sur l’ana tissant aux financeurs un retour sur les capi
lyse d’écarts pour déclencher et modu taux qu’ils mettent à disposition (par le prêt,
ler l’attribution des mesures incitatives, le l’investissement, la subvention…). Il s’agit
management trouve une base qui accen alors pour l’entreprise de pouvoir témoi
tue le pouvoir motivant de cet arsenal (en gner d’une rigueur formelle dans sa procé
le rendant explicite et compréhensible par dure et d’une capacité à diminuer les écarts
le manager qui perçoit clairement ce qu’il budgétaires et donc à atteindre les résultats
doit faire et pour quelle sanction) ainsi que annoncés.
son efficience car l’analyse d’écarts permet
de décider de l’ampleur de l’incitation à dis
tribuer. contradictions
entre finalitÉs
Faire face à l’incertitude
Le budget est une manière de fixer un cap La multiplicité de ces finalités renforce la posi
dans un environnement incertain. Ceci per tion centrale, dans les organisations, des pro
met d’une part de réduire l’anxiété des mana cédures budgétaires et explique pourquoi la
gers et d’autre part de justifier et de calibrer mort du budget, si souvent annoncée, est tou
les investissements de moyen ou long terme, jours reculée. Mais dans le même temps, elle
qu’ils soient matériels ou immatériels. En effet, permet aussi de comprendre les frustrations
ces derniers, pour ne pas être sur- ou sous- que ce dernier engendre. En effet, ces finalités
calibrés, doivent reposer sur une projection sont souvent contradictoires. Pour satisfaire à
concernant les niveaux d’activités futurs. De l’une d’entre elles, on dégrade souvent une
plus, sans ce minimum de planification, on autre.
peut craindre pour l’entreprise, un compor Trois catégories de contradictions sont
tement frénétique d’alignement avec tous les les plus fréquentes : celles opposant les
micro-événements de son environnement. finalités de régulation et d’incitation, celles
Cet alignement frénétique peut présenter opposant la coordination et les incitations
des avantages (souvent mobilisés autour du et celles opposant l’apprentissage et l’inci
concept d’agilité) mais peut aussi faire rater la tation.
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 333
Problématiques et enjeux
Contradiction entre de recrutement, ce manager donnera exac
incitations et régulations tement les délais qui sont les siens. Cepen
dant, pour maximiser ses chances d’atteindre
La démarche budgétaire, dans sa finalité ses propres objectifs et pour minimiser son
de régulation, vise à émettre des signaux anxiété, il peut être poussé à afficher des
permettant aux managers de réguler leurs besoins beaucoup plus rapides pour être cer
actions durant le cours de l’exercice, pour tain qu’il obtiendra exactement ce qu’il sou
les amener à atteindre leur objectif ou au haite lorsqu’il le souhaite. Cela compliquera
contraire à devoir transformer l’objectif pour de manière inutile la tâche de la RH, dégra
l’adapter à la réalité de l’environnement. dant d’autant l’objectif de coordination de la
Ceci devrait amener un manager qui perçoit démarche budgétaire.
que le marché croît, à faire augmenter son
objectif. Ou encore, après la fin de l’exercice
budgétaire, d’attribuer sa surperformance à
cette croissance exogène du marché et par Contradiction entre
conséquent à minimiser son rôle dans cette apprentissage et incitations
performance. Or la fonction incitative du
budget qui attache à l’atteinte des objectifs, De même, l’un des objectifs principaux de la
le déclenchement des systèmes incitatifs démarche budgétaire est d’assurer l’appren
comme les bonus, va pousser les managers à tissage permanent, le progrès de l’organisa
cacher, ou au moins à minimiser, cette infor tion. Cela se fonde sur une analyse a posteriori
mation liée à la croissance du marché, soit des écarts entre objectif budgétaire et réalisé
pour éviter la fixation future d’objectifs plus pour comprendre comment s’améliorer. Mais
élevés, soit pour augmenter le bonus qui leur ceci est souvent perverti par la dimension inci
sera attribué. La régulation des actions et/ou tative de deux manières :
zz Les chiffres de reporting sont lissés de
des objectifs est alors empêchée par le jeu
des incitations. manière à masquer la sous- ou surperfor
mance et se rapprocher formellement de
l’objectif. On repoussera l’enregistrement
Contradiction entre d’une facture pour minimiser le CA remonté
coordination et incitations et éviter ainsi que l’année prochaine, l’objec
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
leront à leurs collègues tous les éléments ponsabilité sont déformées : pour éviter
nouveaux pouvant les affecter et discuteront de perdre son bonus, un manager attri
de manière transparente des besoins qu’ils buera à un événement extérieur sa sous-
expriment envers leurs collègues. Ainsi, en performance et ce faisant ne donnera pas
termes de délais, lorsqu’un manager aura de prise à un éventuel apprentissage concer
besoin par exemple que la RH lui fournisse un nant cette dernière. Il perdurera alors dans sa
nouveau collaborateur à travers un processus pratique sous-efficiente.
334 Partie 2 Contrôle de gestion
CAS D’ENTREPRISE
2 Contexte, normes
FICHE
et acteurs
La rénovation des démarches budgétaires passe aussi par celle de son
animateur clé, le contrôleur de gestion. Deux dimensions de son métier sont
en particulier à faire évoluer : son rôle et ses compétences pour que le contrô
leur de gestion puisse assurer à la fois son rôle de garant de l’intégrité de la
démarche budgétaire, mais aussi d’assistance aux managers dans leur travail
quotidien de réalisation des objectifs budgétaires.
CAS D’ENTREPRISE
…
336 Partie 2 Contrôle de gestion
CAS D’ENTREPRISE
L’outil principal de modélisation récur (souvent non financiers, voire non quantifiés).
rente pour le contrôleur de gestion business Pour élaborer ces indicateurs d’actions ou
partner est le tableau de bord qui distingue les d’initiatives, le contrôleur va aider le mana
indicateurs traduisant les objectifs à atteindre ger à formaliser un modèle de performance
(souvent financiers, que suit le budget) des dans lequel le manager choisira à partir de
indicateurs d’actions et d’initiatives à réaliser son expertise, de son expérience et de ses
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 337
En Pratique
L’approche des cartes stratégiques
et du Balanced ScoreCard
Nick Sheperd explique que les contrôleurs de gestion (et les directeurs financiers)
sont souvent pris entre deux attentes. Celle d’assurer le contrôle au sens le plus bud
gétaire et le plus coercitif possible, et celle d’être presque des consultants internes
pour le manager. À tel point que certains contrôleurs de gestion revendiquent le titre
de business analysts ou de performance managers. Nick Sheperd en tire la matrice
suivante pour exposer les pratiques des contrôleurs, selon qu’ils sont davantage dans
la logique contrôle ou la logique consultant :
HI
IMPOSED CONTROLS COLLABORATIVE CONTROL
• Theoretical based control • Outside in approach
• Process bias • Enterprise risk based
• Standards based • Balanced to operational reality
• Ease of auditability • Operational bias
• Accounting bias • Broad based approach
C • Operational resistance • Operational “buy in”
O • Controls added as a burden • Controls integrated
N
T PASSIVE / REACTIVE CONTROL NICE GUY CONTROL
R • Inside out approach • Meeting others needs
O • Lack of understanding reality • Focused on harmony only
L
• Risks not effectively known • Known risks ignored
LO CONSULTATIVE HI
3 Outils clés
FICHE
…
340 Partie 2 Contrôle de gestion
Ces limites du budget sont nombreuses. subjectivité des collaborateurs pour la créa
On peut les synthétiser autour des quatre axes tion d’actifs immatériels qui s’oppose à la
développés ci-après. démarche bureaucratique, quantitative et
financière du budget ;
zz une explosion des coûts indirects fixes par
aux organisations
actuelles : le budget des comportements
contre la stratÉgie dysfonctionnels
L’environnement dans lequel évoluent les À cause des contradictions entre fonction inci
organisations actuelles semble remettre tative et fonction de régulation et d’appren
profondément en question la pertinence du tissage, le budget amènerait les managers
système budgétaire. Cet environnement se à surestimer les ressources nécessaires et à
caractérise par : sous-estimer les objectifs qu’ils pourraient
zz une forte imprévisibilité qui rend la pla atteindre. Il serait par conséquent double
nification très incertaine, voire contre pro ment inflationniste en termes de coûts par
ductive ; la surévaluation des ressources demandées
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 341
Outils clés
par les managers… mais aussi par le temps
consacré par les managers à essayer de négo
tendance À dÉgrader
cier davantage de ces ressources (Giraud, la coopÉration
2009). Il deviendrait alors une machine à
engendrer des réserves (du slack selon Cyert Le budget engendrerait la dégradation de
et March). la coopération au sein des organisations
En outre, le processus budgétaire, en en stimulant la concurrence pour des res
fondant la mesure de la performance sur sources limitées, et en focalisant le champ
l’atteinte d’objectifs, pousserait à des pra d’attention des managers à leur seul bud
tiques de manipulation des chiffres budgé get par opposition à une vision plus large et
taires et réalisés (les « jeux budgétaires »). On plus collaborative de l’organisation. De plus,
retrouverait alors en interne les phénomènes le contrôle budgétaire constant créerait une
de lissage de résultat qui sont dénoncés à culture de la méfiance, voire de la paranoïa.
propos de certaines entreprises, tellement Ces deux éléments aboutiraient à freiner la
sous la pression d’actionnaires exigeants, mutualisation au sein des entreprises des
qu’elles en arrivent à manipuler leur comp meilleures pratiques, et le partage, ou du
tabilité. moins la restitution, des ressources inusitées
Enfin, le budget engendrerait une forme vers des business units en besoin.
de « myopie managériale » envers tout ce qui
ne rentrerait pas dans le cadre budgétaire,
en particulier les opportunités non pré
vues. En cela, il inciterait les entreprises et
L’avis des pros
leurs managers à une attitude de prudence
excessive. François F., ancien directeur
approvisionnement
dans une grande entreprise
équipementière
L’avis des pros
« Le budget sert à transformer des
business units en bunker units et à
Jack Welch, ancien président de développer l’égoïsme comptable. »
General Electric
…
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 343
Démarches et méthodes
Animation du processus
L’avis des pros budgétaire
Étrangement, au vu de la longue histoire du
Le directeur du contrôleur
budget dans les organisations, l’animation du
de gestion Banque Toronto-
Dominion1 processus budgétaire est souvent encore dis
cutable et vraisemblablement par conséquent
« Dans cette banque opérant au au cœur des améliorations de la démarche. Il
niveau mondial, le choix d’une n’y a vraisemblablement pas de calendrier ou
méthode e-budgeting, c’est-à-dire d’organisation type mais il est en général tou
appuyée sur une solution web et jours souhaitable de prendre le temps après
sur une modalité collaborative, a chaque exercice budgétaire d’analyser l’exis
permis d’accélérer significative
tant de manière critique.
ment la procédure budgétaire en
facilitant les échanges et la coordi
nation des scénarios budgétaires. »
« La qualité de la démarche budgétaire est avant tout fonction d’un certain nombre
d’étapes à réaliser. Ces étapes sont :
l D’abord, des prérequis (une stratégie clairement décrite, des normes comptables
partagées et disponibles, un outil de modélisation et pas uniquement de collecte
d’information).
l Une lettre de cadrage qui précise en particulier les acteurs concernés et leurs res
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ponsabilités. Sans cela, le processus n’a pas de champions ; les formats et les calen
driers ; le rôle particulier de la fonction finance et contrôle.
l Une formalisation du circuit budgétaire appuyée sur une analyse écrite et présen
tée au début de cette formalisation, des dif ficultés rencontrées lors du précédent
exercice budgétaire.
l Une clarification et une facilitation des circuits de communication et une formalisa
tion des calendriers de présentation.
l La nécessité de boucler explicitement et fermement le processus budgétaire : la fina
lisation des scénarios et leur validation définitive doivent être extrêmement claires. »
CAS D’ENTREPRISE
Démarches et méthodes
zz Celui de la création de valeur pour le qu’il en résulte un chiffrage immédiat. La
client final : le processus budgétaire clas financiarisation de ce plan opérationnel est
sique oublie trop souvent le client final ou du seconde dans le processus. Le point essentiel
moins la stratégie suivie pour servir ce client ici tient dans ce retournement des priorités
(Antos et Brimson, 1998). Il est principalement (l’opérationnel avant le financier, la faisabi
tiré par des estimations de volume et non par lité pratique avant la faisabilité financière)
des décisions concernant la valeur que l’on qui suppose de la part des managers d’avoir
souhaite délivrer aux clients. ABB préconise avant tout une approche en termes de plans
de faire démarrer le processus budgétaire par d’actions. Il n’y a pas de rejet du budget mais
une analyse du niveau de qualité, de service, la systématisation du plan d’action comme
de proximité relationnelle… que l’on souhaite support premier de la planification.
offrir aux clients, conformément aux recom
mandations que l’inventeur d’ABC, R. Kaplan,
avait proposées. Celui-ci indiquait en effet que Suprimer le budget :
la principale source de variation des coûts, et
par conséquent le premier levier à prendre
le no budgeting
en considération dans la planification bud
gétaire, n’était pas les volumes, mais d’autres Le second champ (no budgeting) est en géné
inducteurs de coûts (cost drivers) comme la ral celui qui est appelé beyond budgeting. Ce
qualité, la complexité des produits… (Cooper courant est souvent associé aux travaux de J.
et Kaplan, 1991, Turney, 1991). C’est donc à Hope et R. Fraser dont les titres des principaux
partir de ceux-ci que doivent s’élaborer les ouvrages permettent de bien comprendre le
budgets. Ces inducteurs sont déduits d’une cœur de l’approche. Ainsi en 2003, ils publient
analyse marketing des attributs de valeur le livre Beyond Budgeting: How Managers Can
attendus par le client qui détermine le niveau Break Free from the Annual Performance Trap et
d’activités (de mise au point, de service après un article intitulé “New Ways of Setting Rewards:
vente…) à atteindre. Ceci permet, selon les the Beyond Budgeting Model”. La préoccupa
tenants de ABB, de remettre le client et la stra tion essentielle de cette approche porte donc
tégie au cœur du budget et pas simplement sur l’évaluation de la performance.
le volume et la minimisation des coûts. Les tenants de ce système se concentrent
sur les comportements pervers engendrés par
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
zz Puis en se fondant sur ce que ce cou le fait de mesurer la performance des mana
rant appelle le closed-loop model (Torok et gers sur la base des écarts budgétaires. Il s’agit
Hansen, 2003) (cf. figure 11.3). Closed-loop alors, selon eux, de détacher les systèmes inci
indique que le processus budgétaire clas tatifs de l’atteinte d’objectifs budgétaires pré
sique n’est pas bouclé car il se focalise sur la déterminés. Pour cela, le Beyond Budgeting
dimension financière. Il lui manque la planifi prône l’utilisation d’évaluation de la perfor
cation opérationnelle. Les tenants d’ABB vont mance basée sur des benchmarks externes
préconiser par conséquent une première et internes (et plus sur des objectifs négociés)
boucle dite opérationnelle, puis une boucle ainsi que sur une évolution continue de ces
financière. Ce faisant, le processus budgé benchmarks. Ainsi les managers seraient ame
taire commence alors par le plan opération nés à toujours devoir être au plus près de la
nel (« comment faire ? », « de quelle capacité concurrence et à s’adapter aux changements
avons-nous besoin ? ») sans nécessairement de l’environnement.
346
# $
Adjust Adjust
Resources
Capacity Resource Cost
Resource Resource
Requirement Assignment
Contrôle de gestion
Consumption
Activities
Rate
Adjust Activity Cost
Consumption Requirement Assignment
# $
Financial
Balance
Strategy first drives... ... and also dictates
Source : Consortium for Advanced Manufacturing-International, Cost Management Systems, Activity-Based Planning and Budgeting Group
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 347
Démarches et méthodes
Ce courant ajoute à cette idée la néces démarche budgétaire : en effet la confronta
sité de contrôler davantage les managers sur tion constante des managers par rapport à des
leur implication que sur leurs résultats car normes de marchés (benchmark) enlèverait
la première induit les seconds. Le contrôle la nécessité de fixer des objectifs. De plus, le
s’attacherait alors à vérifier que les managers contrôle social par un recrutement très strict,
adhèrent aux valeurs essentielles de l’entre par des procédures de socialisation fortes
prise, partagent son identité, ses règles fon (leadership, valeurs partagées…), éviterait les
damentales… et disposent des compétences comportements opportunistes de manipula
pour faire leur travail. Dès lors, le contrôle tion des chiffres ou de passagers clandestins.
devient plus social. Ceci engendrerait un climat de confiance qui
L’importance accordée aux benchmarks relativiserait le besoin de contrôle strict que
et à l’autonomie des managers est centrale l’on retrouve dans les procédures budgétaires
dans cette démarche car elle permet, selon classiques.
ses promoteurs, de se passer entièrement de
Le CAM-I
Les critiques adressées au budget ne sont pas neuves mais les nou
velles démarches budgétaires sont souvent encore au stade de l’expérimenta
tion. Il convient donc de les analyser avec précaution et de réfléchir aux critères
qui décideraient de leur adoption.
Le budget est un instrument particulièrement structurant de la vie des
organisations, il suppose donc une approche prudente. Cependant, il s’agit
tout de même de rénover ce process et les trois démarches présentées dans
les précédentes fiches (better, new et no budgeting) constituent des pistes
prometteuses. Comment alors choisir entre ces pistes et quel est l’avenir du
budget traditionnel. Est-il réellement mort ?
…
Dossier 11 Nouvelles démarches budgétaires 349
Perspectives et prospectives
en France, Svenska Handelsbanken en Suède explorer ces voies pour essayer d’associer
en particulier. En outre, chacune de ces pistes progressivement, par une mise en circula
de solutions n’adresse que certaines des tion des pratiques locales et des adaptations
critiques du budget classique. L’approche de ces trois solutions, les différents apports
better budgeting cherche à alléger le proces des réflexions du Beyond Budgeting dans un
sus budgétaire ; le new budgeting vise à le processus budgétaire réformé pour être à la
sortir de son obsession financière tandis que fois au service de la maîtrise des marges, de
le no budgeting tend à se débarrasser des l’optimisation des performances, de la coor
effets pervers liés aux objectifs budgétaires dination des actions et de la réalisation de la
fixés a priori. On comprend alors que les cher stratégie.
cheurs et les praticiens doivent continuer à
En Pratique
Quels critères pour choisir sa démarche budgétaire ?
Classiquement, les critères de choix du système budgétaire sont les mêmes que ceux
qui expliquent les choix de modalité de coordination1 :
zzle niveau de complexité de l’organisation concerné, mesuré le plus souvent par sa
Plus la complexité de l’organisation est forte, plus les nécessités de coordination sont
elles-mêmes fortes et, par conséquent, plus il semble pertinent de rester sur un for
mat classique de budget amélioré. Plus on va monter en turbulence et diminuer en
complexité, plus les autres solutions s’imposent. Il est intéressant de noter que dans les
espaces de forte turbulence/forte complexité et de faible turbulence/faible complexité,
c’est l’approche budgétaire elle-même qui disparaît…
Forte
No
Turbulence budgeting
Moyenne
New
budgeting
Better
Faible
budgeting
Bibliographie du dossier 11
Perspectives et prospectives
Antos J., J. Brimson, Driving Value Using Activity-Based Budgeting, New York, John Wiley & Sons, 1998.
Argyris C., The Impact of Budgets on People, Ithaca, The Controllership Foundation, 1952.
Berland N., Le contrôle budgétaire, La Découverte, 2002.
Cam-I., “Beyond Budgeting”, White Paper, juin 2002.
Cyert R., March J., The Behavioral Theory of the Firm, Englewood Clifts, Prentice Hall, 1963.
Cooper R., Kaplan R. S., The Design of Cost Management Systems: Text, Cases and Readings, Prentice Hall,
1991.
De Geuser F., « Better budgeting, new budgeting ou no budgeting », in Gillmann T. (Dir.), L’entreprise et son
budget (e-book), http://www.new-cfo.fr/perspectives/perspectives-Ientreprise- et-son-budget/, 2013.
De Geuser F., Oyon D., Should Accidents Only Be Imputed to Cars? A Competencies Approach of Budget Uti-
lization by Managers, Anaheim, Academy of Management Congress, août 2008.
Giraud F. et al., « Faut-il tuer le budget ? », in Giraud F. et al., L’art du contrôle de gestion, 2009.
Hansen S., Otley D., Van der Stede W., “Practice Developments in Budgeting: An Overview and Research
Perspective”, Journal of Management Accounting Research, n° 15, 2003.
Hilton R., Maher M., Selto F., Cost Management: Strategies for Business Decisions, New York, McGraw-Hill,
2006.
Hope J., Fraser B., Beyond Budgeting: How Managers Can Break Free from the Annual Performance Trap,
Boston, Harvard Business School Press, 2003.
March J., Explorations in Organizations, Stanford, Stanford University Press, 2008.
Sheperd N., “The CFO As a Business Partner”, Cost Management, n° 24:3, 2010.
Simons R., Performance Measurement and Control Systems for Implementing Strategy, Upper Saddle River,
Prentice Hall, 2000.
Weber J., Linder S., “Budgeting, Better Budgeting or Beyond Budgeting”, Cost Management, n° 19:2, 2005.