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D O S S I E R G É R O N T O L O G I E © 2004, Masson, Paris Presse Med 2004; 33: 808-18

Douleurs du sujet âgé

Guy Chatap1,
1
Karine Giraud ,
1
Jean-Pierre Vincent
et le groupe “Douleurs
aiguës de la personne
Céphalées du sujet âgé âgée”
2

Summary Résumé

Headaches in the elderly En fonction de l’âge On pense généralement qu'avec le


vieillissement, la prévalence des céphalées diminue ; mais les études
According to age It is generally thought that the prevalence of les plus récentes, plus rigoureuses sur les plans méthodologique et
headaches decreases with ageing. However recent studies, with épidémiologique, indiquent nettement que cette décroissance est
stricter epidemiology and methodology, clearly indicate that this moins radicale que ce qui a pu être perçu.
decreases is less obvious than that perceived. Céphalées primaires et secondaires Chez le sujet âgé, les céphalées
1 - Service de
gérontologie 4 Primary and secondary headaches In elderly patients, primary primaires, et notamment les migraines (avec une présentation
(Dr JP Vincent), headaches and notably migraine (often with altered presentation) souvent modifiée), sont moins fréquentes, même si d'authentiques
Pavillon Calmette are less frequent, even though new authentic cases may appear. cas nouveaux peuvent apparaître. Mais les autres types de céphalée
Hôpital Émile Roux,
However the other types of headache are clearly present. In sont bien présentes. En particulier, l'incidence et la prévalence des
Limeil-Brévannes (94)
particular, the incidence and prevalence of secondary headaches céphalées secondaires augmentent sensiblement, pour représenter
Correspondant : slightly increases and they represent up to 30 % of all the jusqu'à 30 % de l'ensemble des maux de tête observés, contre
Guy Chatap headaches observed, compared with less than 10 % in young or moins de 10 % chez le sujet jeune ou adulte. Les causes de ces
Hôpital Émile Roux
1, avenue de Verdun
adult patients. The causes of such symptomatic headaches are céphalées symptomatiques sont multiples et il est important de
94450 Limeil-Brévannes multiple and it is important to be able to identify them since an savoir les identifier, car un traitement étiologique est souvent
Tél. : 01.45.95.82.84 aetiological treatment is often possible. possible.
guy.chatap@erx.ap-hop-
Regarding treatment The symptomatic treatment of headaches in Au point de vue thérapeutique Le traitement symptomatique des
paris.fr
the elderly followes the same principles as that of younger patients. céphalées du sujet âgé obéit aux mêmes principes que celui des
However, the side effects and drug interactions related to patients plus jeunes. Toutefois, les effets indésirables et les
pharmacological treatments can be disastrous in fragilised patients. interactions médicamenteuses liées aux traitements
It is therefore important to emphasize the interest of physical pharmacologiques peuvent être redoutables sur des terrains
methods of analgesia, particularly adapted to the elderly. Some of fragiles. Il est donc utile de souligner l'intérêt de méthodes
these methods have demonstrated their efficacy and are d'antalgie physiques, particulièrement bien adaptées aux patients
recommended by international consensuses. âgés. Certaines de ces méthodes ont démontré leur efficacité, et
sont recommandées par les consensus internationaux.
G. Chatap, K. Giraud, J.-P. Vincent
et le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”
Presse Med 2004 ; 33 : 808-18 © 2004, Masson, Paris

a détection systématique et la prise en charge de la sante de la population. Cette “négligence” antérieure est

L douleur chez les personnes âgées constituent un


enjeu de santé publique en raison de son impact
social (qualité de vie, bien-être du patient et de son
multifactorielle. D’une part, les gériatres ont dû lutter
contre le mythe de la moindre perception douloureuse
du sujet âgé (à l’instar du jeune enfant), et faire recon-
entourage,vécu des soignants),médical (dépression,ano- naître que c’est l’expression douloureuse qui se modi-
rexie, troubles du sommeil, multiples pathologies fiait avec l’âge,empruntant souvent un masque trompeur
induites), et économique. (agitation,prostration,anorexie,dépression,confusion et
Et pourtant, moins de 1 % des études et publications sur troubles du comportement), affecté par les comorbidi-
1
ce thème concernent spécifiquement les sujets âgés , tés, et rendant sa détection encore plus difficile. D’autre
même s’il existe une considération publique et scienti- part, les personnes âgées sont beaucoup plus réticentes
fique récentes du phénomène sur cette tranche grandis- que les jeunes générations à reconnaître leur douleur,

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G. Chatap, K. Giraud, J.-P.Vincent et
le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”

souvent vécue avec fatalisme, car la douleur est lié au traitement de la LES CÉPHALÉES PRIMAIRES
inéluctable avec le vieillissement. pathologie causale (tableau 1). ❚ Les migraines
Enfin, les études épidémiologiques La classification de l’IHS reconnaît
excluent fréquemment les sujets Particularités des céphalées les migraines sans aura (migraines
âgés ; il y a encore quelques années, du sujet âgé communes), qui constituent la
elles utilisaient des méthodologies forme la plus fréquente (75 %),et les
souvent peu rigoureuses et des défi- Les céphalées secondaires représen- migraines avec aura (migraines
nitions hétérogènes de la douleur,ce tent approximativement 33 % de accompagnées).
11,12
qui complique les comparaisons celles observées après 70 ans , La céphalée migraineuse est typi-
entre les résultats. alors que, chez le sujet plus jeune, quement récurrente, évoluant par
plus de 90 % des céphalées sont pri- crises de 2 à 72 heures, s’installant
Épidémiologie maires (dominées par la migraine, la progressivement sous la forme pul-
céphalée de type tension et le clus- satile (battante), hémicrânienne le
Depuis quelques années, plusieurs ter headache). plus souvent, d’intensité modérée
travaux ont permis de mieux cerner
l’incidence et la prévalence de la
douleur chez les personnes âgées et
Tableau 1
cette dernière est très importante :
25 à 50 % des personnes vivant au Classification des céphalées
domicile se plaignent d’une douleur
A. Céphalées primaires (idiopathiques)
persistante ou chronique réduisant
1. Migraines, dont : Migraine sans aura
leur qualité de vie (sommeil, mobi-
Migraine avec aura
lité,loisirs), avec des douleurs essen- Autres formes de migraines
tiellement d’origine musculo-sque- 2. Céphalées de type tension, dont : Formes épisodiques
2
lettiques . En institution, la préva- Formes chroniques
lence de la douleur est encore plus 3. Cluster headache Formes épisodiques et chroniques
élevée (50 à 83 %), avec une inten- Hémicrânies paroxystiques
sité estimée modérée ou sévère dans 4. Céphalées de situation, dont : Céphalées hypniques
3,4,5
plus de 70% des situations . Au froid, à la toux, à l'effort, coïtales,…
La prévalence des céphalées dimi- B. Céphalées secondaires (symptomatiques)
nue avec l’âge,passant de 92 % chez 5. Céphalées post-traumatiques
les femmes et 74 % chez les 6. Céphalées liées à une pathologie Accident vasculaire cérébral ischémique
hommes, à respectivement 55 % et vasculaire, dont : Hémorragie cérébrale
6
22 % après l’âge de 75 ans .Toute- Artérite temporale (Maladie de Horton)
fois,cette diminution est moins radi- Thrombose veineuse cérébrale
cale que ce qui est généralement 7. Céphalées liées à une pathologie Méningite, encéphalite, abcès cérébral
perçu. 25 à 54 % des sujets de plus non vasculaire, dont : Tumeur cérébrale
Hydrocéphalie
de 75 ans ont eu un ou plusieurs
Épilepsie
épisodes céphalalgiques dans les 12
7,8 8. Céphalées iatrogènes, dont : Alcool, aliments, médicaments, monoxyde de carbone
mois précédents .
9. Céphalées liées à une infection, dont : Méningite, encéphalite, abcès cérébral
En France, près de 20 % des per-
10. Céphalées liées à des troubles Hypercapnie, hypoxie, hypoglycémie, dialyse,
sonnes âgées de 64 à 73 ans, non
de l'homéostasie, dont : apnées du sommeil, hypertension artérielle, hypothyroïdie
démentes et vivant au domicile,
9 11. Céphalées liées à des affections ORL Sinusite aiguë, glaucome aigu à angle ouvert
souffrent de céphalées récurrentes et ophtalmologiques, dont : Céphalées cervicogéniques
La distinction entre les différents
12. Céphalées liées à des affections Céphalées psychogènes
types de céphalées s’appuie sur la psychiatriques, dont :
classification de l’International hea- C. Autres céphalées
dache society (IHS) établie en 1988,
10 13. Névralgies centrales, dont : Céphalées au froid
et qui vient d’être révisée . Elle dis- Névralgies post-zostériennes
tingue 14 types de céphalées qui se Migraines ophtalmoplégiques
répartissent entre les céphalées pri- 14. Céphalées et névralgies non classables
maires (idiopathiques) et secon- Simplifiée d’après : Headache Classification Subcommittee of the International Headache Society : The
daires,pour lesquelles le contrôle de International Classification of Headache Disorders-2nd Edition. Cephalalgia 2004 ; 24: 9-160.

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D O S S I E R G É R O N T O L O G I E
Céphalées du sujet âgé
Douleurs du sujet âgé

ou sévère, aggravée par les activités Avec l’âge, d’autres pathologies se sodiques (quelques minutes à
physiques,et s’associant à des signes surajoutent, qu’elles soient doulou- quelques heures) ou chroniques
divers (nausées, vomissements, pho- reuses (musculo-squelettiques et (persistant jusqu’à 15 jours par
nophobie, photophobie), l’examen articulaires notamment), ou autres mois), ont des caractéristiques cli-
clinique et neurologique étant par (cardiovasculaires,dépression),et les niques particulières qui permettent,
ailleurs normal. douleurs migraineuses ont pu être par une analyse anamnestique rigou-
L’aura est une manifestation neuro- atténuées par des traitements pres- reuse, de les différencier des
logique réversible qui accompagne crits pour d’autres maladies (antal- migraines. Souvent décrite en terme
l’accès céphalalgique, et qui traduit giques, anti-inflammatoires, anti- de “céphalées en casque”,la douleur
une dépression focale corticale ou dépresseurs,certains hypotenseurs). est sourde, donnant une sensation
dans le tronc cérébral : elle s’installe Enfin,il faut tenir compte de l’ab- de pression, bilatérale, en bande ou
sur plusieurs minutes, avec une ou sence de dépistage systématique de circulaire,non accentuée par l’effort
plusieurs manifestations qui peuvent la douleur, faute d’équipes soi- physique, d’intensité faible à modé-
être visuelles (scotome scintillant, gnantes formées. rée,sans signes d’accompagnement.
phosphènes, perturbations d’un Chez le sujet âgé, le diagnostic de Sur le plan physiopathologique, plu-
champ visuel), sensitives (paresthé- migraine peut devenir difficile à sieurs hypothèses explicatives sont
sies), motrices (hémiparésie, hémi- établir en raison d’une présenta- avancées : un mécanisme périphé-
plégie), ou verbale (aphasie). tion souvent modifiée. Chez l’an- rique de type musculaire, avec une
La prévalence des migraines cien migraineux, l’aura tend à dis- augmentation du tonus des muscles
régresse avec le vieillissement (mais paraître, pouvant égarer le diagnos- péri-crâniaux pour la variante épiso-
2 à 3 % des migraines débutent tic ; ailleurs, c’est la crise céphalal- dique,et un mécanisme central avec
après l’âge de 65 ans), pour ne plus gique qui disparaît, pendant que un abaissement du seuil doulou-
16
représenter que 10 à 15 % des l’aura continue : c’est ainsi qu’un reux, en jeu lors de la variante chro-
céphalées après 75 ans, contre envi- ancien migraineux dont les crises nique qui est souvent associée à des
23
ron 30 % chez les sujets plus jeunes, se sont estompées, voire ont dis- troubles anxio-dépressifs .
avec un sex-ratio relativement stable. paru avec les années, sera suscep- Chez les personnes âgées,les cépha-
Les raisons de cette régression res- tible de présenter des manifesta- lées de type tension sont de loin les
tent incertaines : les partisans de la tions neurologiques transitoires plus fréquents des maux de tête,
théorie vasculaire de la migraine pouvant prêter à confusion avec avec une prévalence de 27 à 50 % et
l’ont imputé à l’athérosclérose et à un accident vasculaire cérébral une nette prédominance féminine.
une moindre compliance des artères ischémique, et cela d’autant plus La forme chronique est plus souvent
cérébrales qui deviennent moins qu’il sera porteur de facteurs de trouvée que la forme épisodique, et
13,14 17-20
pulsatiles avec le vieillissement , risque neurovasculaires . Ces 17 % de ces céphalées apparaissent
8,11
mais cette théorie n’est pas entière- auras sans céphalées (“late-life après l’âge de 64 ans : en effet, il
ment satisfaisante car la prévalence migraine accompaniments”) débu- n’est pas rare qu’elles se dévelop-
des autres céphalées vasculaires ne tent souvent tardivement, et leur pent à l’occasion d’un événement
semble pas affectée par l’âge des diagnostic repose sur des critères majeur : retraite, veuvage, isolement
patients. Nous pensons que cette établis par Fischer en 1980 et qui social ou affectif, pathologie se sol-
21
régression des migraines,qui est tou- restent valables . Des cas de défi- dant par une perte d’autonomie,
tefois moins radicale que ce qu’on a cits neurologiques permanents, en voire l’entrée en institution, toutes
longtemps pensé,répond également rapport avec une aura migraineuse situations potentiellement à l’origine
22 24
à d’autres motifs. tardive, sont décrits . d’une dépression .
Ainsi les douleurs migraineuses sont
souvent anciennes : en France, une ❚ Les céphalées de type tension ❚ Le cluster headache
importante étude portant sur une Avant que l’IHS n’en donne une défi- Il s’agit d’une forme rare et particu-
cohorte de plus de 10 000 sujets nition opérationnelle, les céphalées lière de céphalée qui a eu, dans le
âgés de plus de 15 ans a montré que de type tension étaient souvent éti- passé, de nombreux synonymes :
l’ancienneté de la migraine pour un quetées par des synonymes tels que ér ythroprosopalgie, névralgie
15
sujet était en moyenne de 17 ans , céphalées psychogènes ou de stress, sphéno-palatinale, migraine faciale,
l’absence de prise en charge efficace céphalées psycho-myogènes ou céphalée de Horton, migraine
ne facilitant pas l’aveu d’une douleur vasomotrices. debout (le malade est agité, contrai-
souvent modifiée avec le temps. Ces céphalées, qui peuvent être épi- rement à la migraine où il est

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le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”

abattu), migraine rouge (par opposi- est d’autant plus utile que les traite- croît et, après 70 ans, 30 % des
tion à la migraine commune où le ments sont le plus souvent très effi- céphalées sont la manifestation
patient est pâle), névralgie ciliaire. caces (arrêt définitif de l’alcool, d’une pathologie associée (contre
Décrite pour la première fois par lithium, vérapamil, cortisone). 10 % chez l’adulte), qu’il faut savoir
Horton qui l’avait lui-même désigné rechercher. Certains examens mor-
sous le terme de céphalalgie hista- ❚ Les céphalées hypniques phologiques (radiographies du
minique, la céphalée est différente Parfois désignées “céphalées crâne, Doppler cervical, scanner,
de celle observée dans la maladie de paroxystiques du sommeil”,elles ont imagerie par résonance magnétique)
Horton. été décrites pour la première fois pourront,selon le contexte,orienter
29
Le cluster headache fait référence à par Raskin en 1988 et ont été inté- vers une pathologie intra-cérébrale à
la survenue “en grappes”,“en bou- grées à la dernière classification de l’origine d’une pathologie tumorale
quet”, des crises douloureuses au l’IHS. responsable d’une hypertension
cours des années.La maladie touche Elles affectent quasi-exclusivement intra-crânienne (méningo-encépha-
essentiellement l’homme d’âge le sujet de plus de 60 ans, avec une lite, tumeur, hématome, hémorragie
30
moyen, mais de plus en plus de cas prévalence proche de 1% . La méningée,thrombose veineuse céré-
sont décrits chez la femme et le céphalée hypnique est une algie brale).
25
sujet âgé .90 % des patients concer- faciale bénigne et idiopathique, de
nés sont des fumeurs, et les crises diagnostic facile ; le patient est ❚ Les céphalées d’origine médica-
peuvent être déclenchées par une réveillé une à deux fois la nuit par menteuse.
consommation d’alcool. Les crises une douleur souvent bilatérale, d’in- En France, près de 50 % de la
céphalalgiques surviennent selon tensité modérée à sévère, durant consommation pharmaceutique
une “horloge biologique”, avec un quelques minutes à quelques concerne les sujets de plus de 60
rythme précis : les céphalées sont heures, et pouvant s’accompagner ans, alors qu’ils ne représentent que
unilatérales,rarement alternantes ou de troubles vasomoteurs (nausées, 17 % de la population. Ce sont les
bilatérales, apparaissant souvent la photophobie, phonophobie, voire plus gros consommateurs de médi-
31,32
nuit (peu après l’endormissement), ptosis) . caments, dont un grand nombre
ou au milieu de la journée, très Le mécanisme de ces céphalées peut, isolément ou en association,
intenses (souvent décrites comme n’est pas connu, mais les enregistre- être responsable de céphalées chro-
l’une des douleurs les plus sévères), ments polysomnographiques chez niques d’intensité modérée à sévère,
siégeant au niveau orbitaire ou péri- les patients atteints indiquent à prédominance matinale, diffuses,
orbitaire et irradiant vers l’oreille qu’elles surviennent essentiellement s’installant insidieusement, avec des
31,33
homolatérale, causant une rougeur durant le sommeil paradoxal . crises de plus en plus fréquentes, et
ou un larmoiement oculaire. Elles se La céphalée hypnique est toutefois dont la présentation est proche de
manifestent en série, sous forme de un diagnostic d’exclusion, nécessi- celle des céphalées de tension ;il est
“grappes”. Les crises durent tant d’éliminer au préalable des donc important, devant une accen-
quelques minutes à quelques céphalées nocturnes en rapport tuation de crises paroxystiques,
heures,se reproduisant tous les jours avec une artérite temporale, un syn- d’établir la liste des médicaments
pendant quelques semaines,puis dis- drome d’apnée du sommeil, une pris par le patient, sur prescription
paraissant des mois ou des années néoplasie primitive ou secondaire, ou sur auto-médication.
(forme épisodique) ;les formes chro- une hydrocéphalie communicante, Le mécanisme physiopathologique
niques sont rares (10 %) et très inva- voire une céphalée d’origine médi- de ces céphalées reste inconnu,mais
lidantes.Les céphalées peuvent s’ac- camenteuse. il est probablement complexe (intri-
compagner de signes pouvant simu- Les céphalées hypniques peuvent cation d’une accoutumance et de
ler une pseudo-démence (agitation, être efficacement prévenues par l’in- facteurs psychologiques). 5 à 10 %
déambulation), ou de troubles neu- gestion de caféine, le lithium (500 à des consultations en centre anti-
rovégétatifs (congestion nasale,suda- 600 mg), voire l’indométacine (25 à migraineux leur sont imputées,et les
31
tion frontale). De nombreux cas de 150 mg), au coucher . antalgiques le plus souvent en cause
transmission père-fils et d’atteinte de sont la caféine, la codéine, les trip-
jumeaux homozygotes ont été LES CÉPHALÉES SECONDAIRES tans,le tartrate d’ergotamine,voire le
34
décrits, suggérant une possible pré- Avec l’âge, la prévalence des cépha- paracétamol .
26-28
disposition familiale . lées primaires diminue, tandis que De nombreux autres médicaments,
Le diagnostic du cluster headache celle des céphalées secondaires s’ac- souvent prescrits pour d’autres

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D O S S I E R G É R O N T O L O G I E
Céphalées du sujet âgé
Douleurs du sujet âgé

pathologies, sont également à l’ori-


gine de céphalées iatrogènes.
Tableau 2
(tableau 2).
Principaux médicaments susceptibles d’induire des céphalées Le seul traitement possible reste le
chez le sujet âgé sevrage médicamenteux, associé au
traitement symptomatique de la
Appareil Spécialité Exemples douleur et à la prise en charge
Cardiovasculaire
d’éventuels troubles psycholo-
® ® giques.
Vasodilatateurs Nitroglycérine Trinitrine , Natispray
Isosorbibe dinitrate Risordan®, Isocard®
Molsidonine Corvasal® ❚ Les céphalées métaboliques.
Dipyridamole Persantine® • L’hypercapnie et l’hypoxie, fré-
®
Hypotenseurs Nifédipine Chronadalate quentes chez l’insuffisant respira-
Méthyldopa Aldomet® toire ou le bronchiteux chronique,
Aténolol Tenormine®
engendrent une augmentation du
Inhibiteurs de l’enzyme
de conversion
débit sanguin cérébral responsable
® d’une hypertension intra-crânienne
Anti-arythmiques Hydroquinine Serecor
Digoxine Digoxine®, Digitaline® pouvant se traduire par des cépha-
Système nerveux central
lées diffuses, à prédominance mati-
Antiparkinsoniens Lévodopa
®
Modopar , Sinemet
® nale, se calmant au lever, et accen-
Amantadine Mantadix® tuées par les bronchodilatateurs et
Benzodiazépines les antibiotiques souvent prescrits
Barbituriques
chez ces patients.
Anti-épileptiques Carbamazépine Tegretol
® • L’hypoglycémie, qui se constitue
rapidement chez le diabétique insu-
Prozac , Zoloft®, Deroxat®
®
Antidépresseurs Inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine
lino-dépendant (administration d’in-
® ® ® suline à action rapide ou correction
Neuroleptiques Phénothiazines Largactil , Tercian , Nozinan ,
Piportil® brutale d’une acidocétose), peut
Système digestif inverser le gradient osmotique,
Anti-ulcéreux Cimétidine Tagamet
® entraînant un phénomène d’hyper-
Ranitidine
®
Raniplex , Azantac
® tension intra-crânienne et d’œdème
Inhibiteurs de la pompe Oméprazole Mopral® cérébral responsable de céphalées,
à protons Lanoprazole Lanzor® de troubles du comportement et de
Pulmonaire conscience.
Bronchodilatateurs Théophylline
® Des céphalées liées à l’hypoglycé-
Aminophylline® mie peuvent également se consti-
Analgésiques tuer, de manière plus insidieuse, en
Antalgiques Paracétamol cas d’anorexie ou lors du jeune pro-
16
Propoxyphène Diantalvic®, Propofan® longé .
Codéïne • L’hyponatrémie, par un méca-
®
Anti-inflammatoires Diclofénac Voltarène nisme comparable, peut engendrer
non stéroïdiens Piroxicam Feldène® des céphalées aiguës ou chroniques :
Indométacine Indocid®
c’est notamment le cas des per-
Antibiotiques Triméthoprime- sonnes soumises à un régime
Sulfaméthoxazole Bactrim®
Tétracyclines
désodé pour des problèmes car-
Isoniazide Rifamycine® diaques ou circulatoires, de sujets
Fluoroquinolones Oflocet®, Ciflox® prenant des drogues natriurétiques
Céphalosporines (diurétiques,digitaliques),ou lors de
®
Autres Tamoxifène Nolvadex troubles digestifs (diarrhées, vomis-
Sildenafil Viagra® sements),avec un diagnostic facile à
Estrogènes 24
établir sur un ionogramme sanguin
Progesterone
• L’hypothyroïdie, l’hyperthyroï-

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G. Chatap, K. Giraud, J.-P.Vincent et
le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”

Tableau 3
die, l’hypercalcémie et l’hypocal-
cémie sont d’autres perturbations Principaux aliments susceptibles d’induire des céphalées
métaboliques potentiellement res-
ponsables de céphalées
35,36
. Facteurs responsables Propriété Aliments
Nitrites Favorisent la conservation Viandes en conserve, saucisses, poissons
des viandes fumés
❚ Les céphalées toxiques
Glutamate monosodique Rehausseur de saveur Cuisine chinoise, produits surgelés ou en
• L’intoxication à l’oxyde de car- conserve
bone CO est l’une des principales
Amines Substances vasoactives naturelles
causes de mort toxique en France et
Tyramine Produite naturellement Vin rouge, bière, fromages vieillis (Gruyère,
la personne âgée, particulièrement par la fermentation Camembert, Roquefort, Brie), viandes vieillies
sensible à de faibles niveaux de CO, ou faisandées, saucisses, fruits et légumes
peut y réagir par des céphalées trop mûrs, levures (beignets, pains frais)
aiguës ou subaiguës souvent asso- Octopamine Fruits citrins (citron, pamplemousse,
ciées à des nausées et des vomisse- clémentine) - Jambon - Homard
ments, pouvant simuler une patho- Phényléthylamine Chocolat, desserts et boissons contenant du
logie méningée. Cette intoxication cacao

est souvent accidentelle,saisonnière Aspartame Succédané du sucre Boissons gazeuses, aliments diététiques,
friandises
(automne et hiver), et collective.
Caféine (excès ou sevrage brutal) Café, thé, colas, certains analgésiques
Chez les patients vivants au domi-
cile,les vieilles installations sont sou- Sulfites Souvent rajoutés pour favoriser Cognac, scotch, crevettes
la fermentation
vent en cause : chauffe-eau à gaz
Autres Stimulation du nerf trijumeau Crème glacée, boissons très froides
sans conduite d’évacuation, chau-
dières, conduites de cheminée. Par- Libération de sérotonine Aliments gras
Anchois, avocats, fruits secs, tomates,
fois,on retrouvera l’utilisation inadé- épinards
quate de divers appareils ménagers,
voire une atmosphère confinée.
Le diagnostic sera fondé sur le dépis- quelques heures après sa consom- téraliser, à topographie postérieure
tage du CO dans l’air ambiant et mation) est souvent difficile à iden- ou sous-orbitaire, et dont le diagnos-
expiré, et confirmé par le dosage de tifier, rendant importante la tenue tic repose sur la mise en évidence
37
la carboxyhémoglobine veineuse . d’un “journal des céphalées” et la d’une sensibilité exquise à la palpa-
Si les céphalées aiguës en rapport lecture attentive des étiquettes ali- tion de l’articulation inter apophy-
avec une intoxication alcoolique mentaires. Il est intéressant de sou- saire postérieure C2-C3, du côté de
sont bien connues, certains sujets ligner le paradoxe de la caféine, la céphalée habituelle. Ces cépha-
sont susceptibles de réagir même souvent utile pour interrompre la lées, qui représenteraient 16 % des
40
après une faible ingestion de bois- crise (beaucoup de médicaments céphalées idiopathiques , sont par-
son alcoolique, en raison de la pré- anti-migraineux en contiennent), ticulièrement sensibles à diverses
sence plus ou moins importante, mais qui peut, chez certains techniques de manipulation réali-
dans ces produits, de substances patients, et surtout lorsqu’elle est sées par des praticiens entraînés, de
telles la tyramine (produite naturel- consommée en grande quantité, kinésithérapie cervicale, à l’infiltra-
lement lors du processus de fermen- déclencher des paroxysmes cépha- tion d’anesthésiques, et à diverses
41,42
tation ou de vieillissement de l’al- lalgiques, tout comme son sevrage techniques ablatives .
cool), ou de sulfites (ajoutés pour brutal (tableau 3).
favoriser la fermentation) : c’est ❚ La céphalée de la maladie de
notamment le cas du vin rouge, du ❚ Les céphalées cervicogéniques Horton
champagne ou d’alcools bruns Leur concept bénéficie actuellement L’artérite à cellules géantes (maladie
38,39
comme le cognac. d’un regain d’intérêt . La cépha- de Horton) est rare avant 60 ans.Son
lée cervicogénique décrit une dou- incidence annuelle est entre 17 et
❚ Les céphalées alimentaires leur en rapport avec des dérange- 33 pour 100 000 chez les sujets de
La liste des aliments susceptibles de ments intervertébraux mineurs au plus de 50 ans, atteignant 73 pour
43,44
provoquer des crises de céphalées niveau cervical (C1 à C3) :il s’agit de 100 000 chez les octogénaires .
est longue. Le facteur déclencheur céphalées hémicrâniennes, toujours La céphalée a une topographie
de la crise (quelques minutes à du même côté,mais pouvant se bila- constante pour un même malade

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Céphalées du sujet âgé
Douleurs du sujet âgé

(péri-orbitaire ou temporale), avec dominées par une cécité liée à l’at- laire cérébral, hémorragie ménin-
parfois une recrudescence nocturne teinte des artères oculaires, pouvant gée). Le diagnostic repose sur une
sur un fond continu ; elle va pro- affecter jusqu’à 50 % des patients pression artérielle très élevée, sou-
16
gressivement augmenter en fré- non traités . vent supérieure à 250 mm Hg de
quence et en sévérité, jusqu’à deve- systolique et 150 mm Hg de diasto-
nir permanente. Cette douleur, par- ❚ Autres céphalées symptoma- lique. Le seul traitement est la baisse
fois absente, peut s’exacerber lors tiques. rapide de la pression artérielle.
du contact avec la région temporale • La crise hypertensive • L’accident vasculaire cérébral
ou le cuir chevelu, et s’associer à Contrairement à un “mythe” encore (AVC)
divers signes (malaises, claudication répandu et souvent véhiculé par les À l’inverse de ce qui est observé
de la mâchoire, troubles visuels). patients eux-mêmes, l’hypertension chez le migraineux adulte, l’exis-
La suspicion du diagnostic sera ren- artérielle chronique ne s’accom- tence de céphalées chroniques chez
forcée par la perturbation de para- pagne pas d’un risque accru de la personne âgée n’augmente pas le
mètres biologiques tels que l’aug- céphalée45,46. La crise hypertensive risque de survenue d’un accident
20,47
mentation des globules rouges,de la peut survenir même en l’absence vasculaire cérébral .Toutefois,
C-réactive protéine, et de la vitesse d’hypertension chronique ; il s’agit dans plus de 30 % des cas, les défi-
de sédimentation ; la confirmation d’une cause rare de céphalée aiguë, cits neurologiques les plus flagrants
sera apportée par l’étude histolo- qui en constitue le principal symp- liés aux AVC ischémiques sont pré-
gique d’une biopsie bilatérale de l’ar- tôme, pouvant s’associer à des cédés, de quelques heures à quel-
tère temporale. troubles digestifs (nausées, vomisse- ques jours, de céphalées peu spéci-
Il est important d’évoquer l’hypo- ments), neurologiques (troubles du fiques, qui peuvent avoir valeur
thèse d’une maladie de Horton comportement, crises convulsives, d’alarme lorsqu’ elles sont recon-
devant des céphalées récentes du déficits focaux),et dont le pronostic nues, notamment si elles sont inau-
sujet âgé,compte-tenu de l’existence peut être fatal, par défaillance multi- gurales.
d’un traitement très souvent efficace viscérale (œdème aigu pulmonaire, • D’autres maladies neurolo-
(corticoïdes), et des conséquences infarctus du myocarde, encéphalo- giques
d’une absence de prise en charge, pathie hypertensive, accident vascu- Rencontrées chez le sujet âgé,

Tableau 4

Traitement pharmacologique des céphalées aiguës du sujet âgé13,39,42

Principe actif Exemples Dose unitaire Dose maximum Effets indésirables


Traitement symptomatique
Antalgiques / AINS 1 000 mg 4 000 mg/j Hémorragie gastrique
Paracétamol 650 mg
Aspirine Apranax® 500 à 750 mg 1500 mg/j Hémorragie gastrique, vertige,
Naproxène Advil®, Antarene® 800 mg 2400 mg/j éruption cutanée
Ibuprofène
Anti-émétiques
Métoclopramide Primpéran® 10 mg Agitation, diarrhée, somnolence, syndrome
Dompéridone Motilium® 10 à 20 mg extra-pyramidal
Anti-migraineux spécifiques
Dérivés ergotés
Tartrate d'ergotamine Gynergene® 1 à 2 mg 2 à 6 mg/j Ergotisme, nausées, vomissements
Migwell® 1 à 2 mg (10 mg/semaine)
®
Dihydroergotamine Tamik 3 mg 9 mg/j Ergotisme, précordialgies
Seglor® 5 mg 10 mg/j
Agonistes sélectifs des récepteurs 5HT1
Sumatriptan PO Imigrane® 25 à 50 mg 200 mg/j Bouffées vasomotrices, confusion, vertiges,
Sumatriptan Nasal Imigrane® 1 Spray 2 Sprays/j asthénie, somnolence, spasmes
Sumatriptan SC Imigrane® 1 injection 2 injections/j coronariens (rares),
Naratriptan Naramig® 2,5 mg 5 mg/j discrète élévation de la pression artérielle
Eletriptan Relpax® 20 mg 80 mg/j
Zolmitriptan Zomig® 2,5 mg 10 mg/j

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G. Chatap, K. Giraud, J.-P.Vincent et
le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”

comme la maladie de Paget, la mala- chez des patients polypathologiques fréquences et de l’intensité utilisée :
die de Parkinson et l’hydrocéphalie, et déjà polymédicamentés, épar- • l’inhibition sensitive segmentaire,
elles peuvent être également en gnant alors le risque d’interaction selon la théorie du“gate-control” pro-
cause dans le développement de médicamenteuse et d’effets indési- posée en 1965 par Melzack et Wall,
céphalées chroniques. rables ; d’autre part, les sujets âgés obtenue par des courants de haute
• Les pathologies ORL ont souvent une intolérance ou une fréquence ;
En présence de céphalée aiguë ou contre-indication aux traitements • la libération des morphines endo-
persistante, et selon le contexte, il spécifiques, dont certains ont gènes (endorphines,enképhalines et
ne faut pas oublier d’évoquer : un d’ailleurs pu, chez le céphalalgique dynorphines), avec des courants de
glaucome aigu à angle ouvert, une ancien, faire la preuve de leur ineffi- très basses fréquences ;
sinusite aiguë, une infection den- cacité relative. Ailleurs, ils permet- • une antalgie par hyperstimulation
taire, ou une névralgie post-zosté- tent de rompre l’abus de traitements nociceptive,à fréquence très élevée,
rienne antalgiques symptomatiques, sou- ce qui induit l’inhibition des neu-
vent consommés en auto-médica- rones convergents de la moelle.
Traitement tion, et qui ont conduit à une accen- Un des avantages du TENS,outre son
tuation de la fréquence et de la gra- action antalgique, est la possibilité,
Le traitement des céphalées du sujet vité des crises douloureuses. Enfin, pour le patient éduqué, à s’auto-
âgé nécessite une complémentarité ils ont souvent la préférence et l’ad- administrer le courant antalgique
des compétences, ce qui exige des hésion des patients, sensibles sur les adapté, l’appareil, portatif, pouvant
équipes soignantes un niveau médi- plans psychologique et culturel au être disponible en location ou achat
cal élevé. toucher et à la possibilité de s’admi- pris en charge par la sécurité
Même si une démarche étiologique nistrer eux-mêmes, sans risque, cer- sociale. Sa seule contre-indication
49
s’impose, la prise en charge sympto- tains de ces traitements . réelle est l’existence,chez le patient,
matique de la douleur est une néces- d’un stimulateur endocardiaque.
sité, quel que soit le type de cépha- ❚ La cryothérapie
lée en cause. Depuis l’antiquité,l’effet du froid est ❚ Les thérapies manuelles
L’étape préalable est la reconnais- connu pour combattre les douleurs Diverses techniques sont suscep-
sance par le médecin, voire le inflammatoires. La cryothérapie tibles de procurer au patient une
patient lui-même qui peut s’aider détermine un effet antalgique et relaxation musculaire,une réduction
par le renseignement d’un “journal anti-inflammatoire par vasoconstric- de l’anxiété, une amélioration de la
des céphalées”, de facteurs déclen- tion et diminution de la conduction qualité du sommeil, le soulagement
chants (aliment, médicaments, situa- nerveuse. Son efficacité comme trai- de la douleur ; c’est notamment le
tion particulière) dont l’éviction pré- tement adjuvant,voire exclusif,sur la cas du massage, de l’acupuncture, et
52,53
viendra la survenue et le développe- plupart des céphalées, est recon- de l’ostéopathie . Il est toutefois
50,51
ment de certaines formes de cépha- nue . important que ces techniques soient
48
lées . réalisées par des médecins et des
❚ La neurostimulation transcutanée masseur-kinésithérapeutes formés.
LES TRAITEMENTS NON (TENS)
PHARMACOLOGIQUES. Elle utilise un petit appareil relié à la LES TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX
Chez le céphalalgique âgé,nous pen- peau par des électrodes auto-col- Plus que chez le sujet jeune ou d’âge
sons qu’il faut considérer en pre- lantes placées soit sur le trajet du moyen, la prise en charge d’un
mière ligne le traitement non médi- nerf innervant la zone douloureuse, céphalalgique d’âge avancé impose
camenteux, qui reste largement soit autour de cette zone,soit encore une évaluation médicale minu-
méconnu. Même si les preuves au niveau de “zones-gâchettes” à dis- tieuse :d’une part,l’interrogatoire et
scientifiques de leur efficacité ne tance. C’est la technique antalgique l’examen clinique peuvent identifier
sont pas toujours irréfutables (séries ayant reçu la plus grande confirma- une pathologie causale ou des cir-
de patients faibles, essais difficiles à tion scientifique de son efficacité, y constances déclenchantes limitant le
conduire, méthodologie des essais compris sur les céphalées. recours aux médicaments; d’autre
parfois contestable), les traitements Le TENS repose sur la théorie de part, la co-existence de pathologies
non pharmacologiques offrent de l’électrostimulation sensitive par un associées peut contre-indiquer cer-
nombreux avantages. D’une part,ils courant biphasique symétrique, et tains choix thérapeutiques ; enfin, il
permettent de retarder, voire d’évi- exerce son effet antalgique selon est nécessaire d’adapter les posolo-
ter le recours aux médicaments diverses modalités, en fonction des gies au vieillissement digestif et

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Céphalées du sujet âgé
Douleurs du sujet âgé

Tableau 5

Traitement prophylactique des céphalées du sujet âgé19,55,58,59

Principe actif Exemples Posologie Effets indésirables


Bêta-bloquants
Aténolol Tenormine® 25 à 100 mg/j Asthénie, dépression, nausées, vertiges, insomnie
Propanolol Avlocardyl® 40 à 120 mg/j
® ®
Metoprolol Seloken , Lopressor 50 à 200 mg/j
Inhibiteur calcique
Verapamil Isoptine® 120 à 240 mg/j Vertiges, constipation, œdèmes, troubles de la conduction
Antidépresseurs
Tricyclique
Amitriptyline Laroxyl® 15 à 75 mg au coucher Somnolence, prise de poids, effets atropiniques
Sérotoninergiques
Sertraline Zoloft® 50 à 150 mg/j Anxiété, insomnie, hyponatrémie
Fluoxétine Prozac® 10 à 40 mg/j
Anticonvulsivants
Divalproate Dépakote® 125 à 500 mg/j Prise de poids, somnolence, tremblements, troubles hépatiques et
de sodium hématologiques
Gabapentine Neurontin® 300 à 1200 mg/j Vertiges, fatigue

rénal, afin de limiter au maximum le troubles digestifs associés.Il est utile de 18 ans et de moins de 65 ans, en
risque d’effets indésirables. de souligner que le traitement d’une raison de l’exclusion des autres
Compte-tenu de ces particularités,la crise par ces combinaisons entraîne tranches d’âge des essais cliniques et
plupart des médicaments actifs peu- un coût 5 fois plus élevé que celui du profil potentiel de leurs effets
vent être utilisés efficacement chez engendré par la prise simultanée de secondaires,qui les contre-indiquent
la personne âgée. chacun des produits, à doses iden- notamment sur les terrains cardio-
tiques. vasculaires.
❚ Les traitements de la crise. • Les dérivés de l’ergot de seigle Cependant, une méta-analyse
Il comprend des médicaments Ils sont de moins en moins prescrits récente, portant sur 53 études ran-
symptomatiques et des produits en raison de la complexité de leur domisées, contrôlées et en double
anti-migraineux spécifiques (ta- mode d’action et de leurs effets aveugle, prenant en considération
bleau 4). indésirables potentiels qui incluent plus de 20 000 individus âgés de 18
• Les antalgiques non spécifiques une vasoconstriction périphérique à 65 ans démontre clairement que
et les anti-inflammatoires non sévère,et surtout de leur implication leurs effets secondaires sont sensi-
stéroïdiens. Le paracétamol fréquente dans le développement blement moins importants que pré-
(1 000 mg par prise), s’avère aussi des céphalées par abus de médica- vus et que les triptans sont bien
55
efficace que l’aspirine à 500 mg sur ments symptomatiques . tolérés : à posologie optimale, les
une crise d’intensité modérée à
54
• Les triptans effets secondaires sont observés
sévère , mais son efficacité est Il s’agit de molécules qui se sont chez seulement 13 % des patients,
réduite en monothérapie. développées sur la base des connais- dont 6 % concernent le système
Les anti-inflammatoires non stéroï- sances physiopathologiques de la nerveux central (fatigue, confusion,
diens ont démontré leur efficacité, migraine,dont ils constituent actuel- irritabilité), et 1,9 % seulement des
même contre des crises sévères, lement le traitement le plus efficace. plaintes précordiales (douleur,
56
mais ils sont susceptibles d’induire Ils agissent en exerçant une action angoisse, dyspnée) . D’autre part,
des complications digestives. agoniste très spécifique au niveau les études physiologiques confir-
• Les anti-émétiques et la caféine des récepteurs 1B et 1D de la séro- ment le mode d’action spécifique
Ils sont surtout utilisés comme adju- tonine, induisant une vasoconstric- des triptans sur les récepteurs
vants.En France,les associations ace- tion des artères cérébrales d’une 5HT1B et 5HT1D, avec un effet
tylsalicylate de lysine-métoclopra- part, inhibant l’influx douloureux et vasoconstricteur coronarien relati-
mide et carbasalate-métoclopramide la libération de neuropeptides par le vement faible, qui serait 10 fois
ont des autorisations de mise sur le nerf trijumeau d’autre part. moins important qu’au niveau céré-
marché (AMM) pour le traitement Actuellement, leur emploi est bral, avec des conséquences hémo-
symptomatique de la migraine et des encore réservé aux adultes de plus dynamiques relativement modestes

816 - La Presse Médicale 10 juillet 2004 • tome 33 • n°12 • cahier 1


G. Chatap, K. Giraud, J.-P.Vincent et
le groupe “Douleurs aiguës de la personne âgée”

(élévation de la pression artérielle L’instauration d’un traitement pro- tranches d’âge supérieures de la
systolique d’au maximum 1,5 phylactique doit s’associer à une population.
57
points) . démarche d’éducation du patient et à Tous les types de céphalées peu-
Sur ces bases, il est tentant de traiter la tenue d’un agenda des crises, pour vent affecter les personnes âgées,
les crises aiguës de migraine, aussi évaluer l’efficacité de leur traitement. qui sont également susceptibles de
bien chez l’adolescent que chez la Certains produits ont démontré une les présenter sous des formes modi-
personne âgée, en appliquant les réelle efficacité préventive : c’est fiées pouvant égarer le diagnostic.
mêmes recommandations thérapeu- notamment le cas de certains β-blo- Bien que la plupart des céphalées
19,58
tiques que chez l’adulte . quants,de l’amitriptyline,de certains de la personne âgée soient idiopa-
anticonvulsivants, ou d’antidépres- thiques, la prévalence des céphalées
❚ Les traitements prophylactiques seurs sérotoninergiques. secondaires s’accroît sensiblement
Les grandes sociétés savantes, et en D’autres médicaments peuvent être ce qui implique, plus que chez le
France , l’Agence nationale d’accré- utilisés, avec une efficacité moindre sujet jeune ou d’âge moyen, une
ditation et d’évaluation en santé ou encore à démontrer (inhibiteurs plus grande vigilance dans leur éva-
(Anaes), recommandent, pour déci- calciques,inhibiteurs de la recapture luation, pour détecter et traiter une
der un traitement de fond, la prise de la sérotonine, gabapentine) pathologie responsable.
en compte de plusieurs critères: la (tableau 5). D’autre part, la coexistence fré-
fréquence et l’intensité des crises, le quente de pathologies diverses et
handicap fonctionnel et social Conclusion les modifications physiologiques
qu’elles engendrent, l’intolérance liées à l’âge modifient l’approche
aux traitements de la crise, les La moindre prévalence des cépha- thérapeutique des céphalées, pour
contre-indications ou l’inefficacité lées chez le sujet âgé, encore inex- lesquelles les traitements non
de leur traitement, le choix du pliquée, est une réalité qui n’est pro- pharmacologiques sont à envisa-
patient, et la nécessité, pour juguler bablement pas aussi radicale que ce ger en première intention, avant
une crise, de multiplier les prises qui a été longtemps avancé, faute un éventuel recours aux traite-
59
médicamenteuses . d’études spécifiques sur les ments médicamenteux. ■

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