Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Résumé :
Ces dernières années, l'appréciation de la qualité des soins a suscité beaucoup d'intérêt en Tunisie et
ailleurs. Les ressources s'amenuisant et les besoins s'accroissant, les chercheurs s'emploient à mettre
au point diverses méthodes d'appréciation dans le but de maintenir la prestation de soins de santé de
grande qualité. Mais, afin d'apprécier correctement la qualité de soins, il importe dans un premier
temps de comprendre ce qu'est la qualité. Elle regroupe un ensemble d'attributs de mieux en mieux
définis, associés à une démarche rigoureuse. Mais comme dans beaucoup de mots abstraits, la
qualité est un terme soumis à de multiples emplois qu'il convient d'envisager avant de définir le sens
qu'il comprend dans le domaine de la démarche qualité. Les auteurs exposent, sur la base d'une revue
de la bibliographie, les définitions et les différents composants de la qualité. Cette démarche est
envisagée selon trois principales approches traduisant les intentions et les rôles des différents acteurs
sociaux : les professionnels ou prestataires de services, les bénéficiaires ou utilisateurs des services
et les technocrates ou les "régulateurs" de l'offre et de l'emploi. Les principales dimensions de la
qualité ont été dégagées et leur importance dans la démarche qualité a été discutée .
Introduction :
1
Professeur Agrégé en médecine communautaire, Faculté de médecine de Sousse
2
Ingénieur Qualité, Institut de la Qualité Totale (IQUAT), Tunis
On ne peut répondre que de façon mitigée, peut être oui, peut être non ! Car en effet,
que veut dire conformité à une spécification technique si le produit ou le service n'est
pas utilisé ? L' exemple célèbre de Ford (tiré dans le monde des affaires), le plus grand
constructeur automobile des années 50, est là pour nous rappeler cette vérité. En effet,
Ford s'est abstenu à produire uniquement le modèle de voiture grand format et en
l'occurrence noir, parce qu'il ne veut changer ni la forme ni la couleur. Le modèle de
voiture remplit certes les meilleurs spécifications techniques de l'époque, mais les
utilisateurs eux, du moins dans une partie non négligeable, veulent une voiture de
petite et de moyenne taille, ayant des couleurs aussi variées que possible. "La myopie
de Ford" (Levitt, 1968) lui a coûté une perte importante d'un segment du marché, et
depuis l'entreprise est reléguée en seconde zone dans le domaine de l'industrie
automobile . Cet exemple montre les limites des définitions de la qualité centrées sur
la conformité aux normes et aux spécifications techniques définies d'un point de vue
d'experts ou de fournisseurs de services. Il montre l'importance de la prise en compte
des attentes des consommateurs dans la définition de la qualité. Il faut dons aller au-
delà de la notion de conformité technique et l'élargir à un ensemble de préoccupations
qui dépassent le cadre technique. C'est ce qui est communément appelé l'adéquation
aux besoins. Cela nous place directement dans le cade de la troisième approche de la
Dans ces définitions, l'emphase est mise sur l'identification des besoins de la clientèle
et même leur anticipation. Nous ne pouvons atteindre cet objectif que dans un cadre
d'une démarche active centrée sur l'écoute des préoccupations et des attentes de la
clientèle. Cela ne peut être réalisé que si les différents intervenants de l'organisation
travaillent tous ensemble avec un même objectif : la satisfaction de tous les clients
malgré leurs différences. Or, il est démontré qu'on ne peut satisfaire le client externe
(le bénéficiaire) que si et seulement si le client interne (le personnel) est satisfait
(Ischikawa, cité par N. Sasaki). Cela nous rappelle un adage classique stipulant à juste
titre d'ailleurs que "la qualité ne se décrète pas". Elle est plutôt le résultat d'une
politique qualité et d'une gestion de la qualité. La qualité des produits et services est
tributaire de la qualité des hommes, des processus et de la qualité de l'organisation
(l'un des aspects qu'on traitera a part) .
Bien que tous les auteurs s'accordent sur le fait que la qualité est un concept
multiforme, ils divergent sur les dimensions que doit recouvrir ce concept (voir figure
n° 1). De façon approximative on peut distinguer deux dimensions, l'une reliée aux
aspects intrinsèques d'un fait ou d'une chose qu'on appelle traditionnellement la
qualité technique, l'autre s'associe aux aspects extrinsèques et on l'appelle la qualité
perçue. C'est autour de ces deux pôles que ce sont cristallisés la plupart des travaux de
recherche afin d'élucider les divers dimensions de la qualité. Les professionnels et les
technocrates ont toujours valorisé l'aspect technique au dépend de l'aspect perçu de la
qualité, alors que les adeptes de l'approche clients ont accordé autant d'importance aux
deux aspects conjointement.
3
Voici leurs définitions :
Disponibilité : présence ou absence de services déterminés.
Accessibilité : possibilité d'obtenir les prestations nécessaires, au moment et au lieu où elles sont nécessaires.
Efficience : Effet d'une prestation en relation avec l'effort fourni en termes d'argent, de ressources et de temps.
Efficacité : impact d'une prestation ; On distingue l'efficacité réelle, c.a.d l'effet obtenu dans les conditions réelles de
la pratique, et l'efficacité potentielle, c.a.d l'effet obtenu dans les conditions idéales.
Continuité : maintien d'une relation entre des épisodes successifs de soins, et considérant que la prise en charge d'un
patient est globale.
Une précédente revue des publications sur le sujet ( Mtiraoui, 1993, 95 ) suggère en
effet que la qualité d'une prestation de services de santé dépend d'un certain nombre de
facteurs liés entre eux - ce lien n'est pas additif, il est plutôt multiplicatif - y compris la
compétence technique du prestataire, la gamme de services mise à la disposition des
clients, la manière dont les clients sont traités par les prestataires, le caractère complet
de l'information fournie aux clients et la manière dont les conseils ont été donnés
(empathie), l'accessibilité et la continuité des services. Les principales dimensions à
considérer pour prendre un jugement sur la qualité peuvent être résumées dans le
mnémonique Q V A T I L E S :
Ainsi, le portrait robot d'un service de santé de qualité serait " le service qu'il faut (Q),
ayant la gamme la plus complète (V), accessible (S), fourni au bon moment (T),
délivré dans un endroit agréable (L), avec un accueil chaleureux (I), le minimum
nécessaire de procédures (A) et un prix acceptable (E)". La perception de la valeur
globale d'un service est ainsi colorée par l'exigence d'une concordance entre les
différents éléments sus-énumérés. C'est maintenant au responsable du système qualité
de pouvoir "jongler" avec ces dimensions afin d'atteindre le meilleur équilibre possible
pouvant générer la qualité recherchée .
Notons tout de même que les différents attributs de la qualité ainsi individualisés
recoupent les points de vue essentiels des différents acteurs du système de santé, à
savoir les professionnels de la santé et notamment les médecins, les responsables de la
santé et les décideurs, les patients et les bénéficiaires de services de façon générale. En
effet, les décideurs ont toujours accordé beaucoup d'importance à l'accessibilité des
soins et de plus en plus au coût de ceux-ci (offrir des soins à tous à des coûts
raisonnables) ; les prestataires de services ont toujours valorisé les aspects techniques
des soins (offrir les meilleurs soins possibles à son client indépendamment des coûts).
Outre l'intérêt pour l'accessibilité des soins et la compétence des professionnels de la
santé, les bénéficiaires des services de santé accordent autant d'importance aux
dimensions interpersonnelles des soins de santé (accueil, communication, écoute...)
qu'à la disponibilité des services de santé sans contraintes financières notamment.
La première est de croire que les problèmes de qualité se posent surtout dans le
domaine de la production par exemple et concernent plus particulièrement les
intervenants qui réalisent telle ou telle activité. En fait, c'est tout le fonctionnement de
l'institution qui est en cause, de la conception à l'offre du service ou produit, en
passant par la gestion ...
La deuxième erreur est de croire que tel service ou telle unité est responsable de la
qualité et doit résoudre les problèmes qui sont identifiés; C'est l'ensemble du personnel
qui devraient avoir la responsabilité de repérer les problèmes et de les traiter. Dans
l'optique de la qualité totale on se base sur l'hypothèse qu'à tous les niveaux d'une
organisation tout le monde peut faire quelque chose pour améliorer le processus. Le
personnel est encouragé à travailler en équipe pour utiliser leurs expériences et leurs
compétences collectives, à analyser les procédés de travail, à utiliser les informations
pour identifier la nature et l'envergure de chaque problème et à mettre au point et
exécuter des activités pour améliorer les services. Nous reviendrons sur cette partie
dans un article spécifique.
Le score établi en fin d'appréciation, corrélé de façon positive à la qualité, nous permet
d'avoir une idée globale sur 1) la qualité du service évalué, 2) le maillon le plus faible
de "la chaîne qualité" et surtout 3) l'appréciation des écarts d'une mesure à l'autre afin
de savoir si le niveau de la qualité au sein de nos structures par exemple, s'est
amélioré, détérioré ou bien maintenu .
Obtenir la qualité au meilleur coût devient un enjeu essentiel pour la survie des
organisations et des institutions publiques ou privées (établissement de santé,
administration, entreprise, etc...). Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord les
modifications des exigences des clients, des financiers, des instances de tutelle et du
politique en général, conduisent les acteurs du système de santé à démontrer la qualité
des soins pour pérenniser la relation de confiance. Ainsi les preuves de fiabilité ne
peuvent plus seulement s'exprimer dans le cadre d'une relation soignant-soigné,
fondée seulement sur une confiance réciproque et sur la satisfaction unique de patient.
De plus en plus, les opinions et les degrés de satisfaction des patients et de leur
famille, des professionnels de santé et des instances tierces (financiers et tutelles),
doivent être prises en considération et donc s'imposent.
La concurrence constitue l'autre raison qui doit nous mettre sur la voie de la qualité.
Dans le nouvel ordre économique mondial et le contexte de l'internationalisation et les
grands bouleversements technologiques, en particulier par le biais de l'automatisation
et de l'informatisation, on ne peut que développer nos compétences et nos activités
dans les domaines où nous pouvons être compétitifs et cela n'est pas une utopie si on
fait appel à la capacité d'innovation de tous. Pour Bernard Monteil " L'innovation, c'est
le dérangement de la cohérence, de l'harmonie d'aujourd'hui ".
Conclusion :
La qualité est avant tout un état d'esprit, un programme novateur qu'on construit
au fur et à mesure : un engagement de la direction pour la qualité, la conception
d'une politique qualité, l'établissement de plans qualité, etc ... Il faut bâtir un
système qualité avant de pouvoir l'apprécier (appréciation de la qualité),
l'assurer (assurance de la qualité), l'améliorer ou le gérer (gestion de la qualité).
On ne peut pas améliorer ou évaluer quelque chose que l'on ne possède pas.
Bibliographie :
Askew I, Tapsoba P, Y Viadro et col : Quality of care in family planning programmes : a rapid
assessment Health Policy and Planning, 1993, 8 (1) : 19-32.
Donabedian A : The definition of Quality and its assessment. Health Administration Press.
Ann Arbor, Michigan, 1980
Donabedian A : Defining and measuring the quality of health care. Chap 4 of " Assessing quality
health care. Perspectives for clinicianc. Wenzel R.P Ed.Williams &Willkins. Baltimore1990.
Jain A. : Setting Standards of Quality in Family Planning Programs. Studies in Family Planning,
1992, 3 (6) : 392-395.
Juran J: Qu'est ce que la qualité . Chap 1 dans La qualité des services, Ed Association Française de
Normalisation, Paris 1987.
Mtiraoui A : Les cercles de qualité : une équipe, un projet, une méthode de participation. Document
rénéotypé, Faculté de médecine de Sousse, Département de médecine communautaire; Mars
1995, 21p.
Roemer MI : L'évaluation et l'assurance de la qualité des soins de santé primaire. OMS, publication
offset n° 105, 1989 .
Sasaki N : La naissance des cercles de qualité au Japon . Journée sur les cercles de maitise de la
qualité, INNORPI, 1986
Ware JE , RD Hays : Methods of mesuring Patient Satisfaction with spécific medical encoounters
Medical Care, 1985, 26 : 393-402.