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Comprendre la Qualité : en reconnaître son application

dans le domaine de la santé

MTIRAOUI Ali 1, HARRABI Mustapha 2

Résumé :

Ces dernières années, l'appréciation de la qualité des soins a suscité beaucoup d'intérêt en Tunisie et
ailleurs. Les ressources s'amenuisant et les besoins s'accroissant, les chercheurs s'emploient à mettre
au point diverses méthodes d'appréciation dans le but de maintenir la prestation de soins de santé de
grande qualité. Mais, afin d'apprécier correctement la qualité de soins, il importe dans un premier
temps de comprendre ce qu'est la qualité. Elle regroupe un ensemble d'attributs de mieux en mieux
définis, associés à une démarche rigoureuse. Mais comme dans beaucoup de mots abstraits, la
qualité est un terme soumis à de multiples emplois qu'il convient d'envisager avant de définir le sens
qu'il comprend dans le domaine de la démarche qualité. Les auteurs exposent, sur la base d'une revue
de la bibliographie, les définitions et les différents composants de la qualité. Cette démarche est
envisagée selon trois principales approches traduisant les intentions et les rôles des différents acteurs
sociaux : les professionnels ou prestataires de services, les bénéficiaires ou utilisateurs des services
et les technocrates ou les "régulateurs" de l'offre et de l'emploi. Les principales dimensions de la
qualité ont été dégagées et leur importance dans la démarche qualité a été discutée .

Introduction :

La qualité est devenue l'un des maîtres-mots de la société d'aujourd'hui. En rhétorique,


nous sommes encouragés à rechercher et à poursuivre "l'excellence". De plus, un appel
à la qualité apparait avec une fréquence très importante dans presque toutes les
annonces publicitaires "C'est un produit / un service de qualité", "Qualité, notre
priorité majeure", "La qualité est notre plus grand souci" et même on entend souvent
dire "C'est une personne de qualité". La qualité est un mot qui fascine certes mais il
perturbe en même temps. D'un côté, les messages sus-énumérés évoquent "la haute
qualité", pourtant la qualité fait référence à un continuum, dont l'une des extrémités est

1
Professeur Agrégé en médecine communautaire, Faculté de médecine de Sousse
2
Ingénieur Qualité, Institut de la Qualité Totale (IQUAT), Tunis

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constituée d'une qualité médiocre, et l'autre, d'une excellente qualité. De l'autre côté,
derrière le mot qualité se cache un ensemble d'attributs ou de vertus, qui sont quelque
part insaisissables; comme ci on est capable de reconnaître "quelque chose de qualité"
sans qu'on soit obligé de la définir et par là de décortiquer ce qui se cache derrière ce
vocable. Enfin, la diversité des expressions dans lesquelles le terme qualité est
employé (contrôle, maîtrise, assurance, appréciation et évaluation, amélioration et
gestion de la qualité) sont susceptibles de confondre le lecteur même averti. Les
auteurs se proposent dans ce premier article de clarifier le concept de la qualité ; De
façon plus spécifique on tentera de répondre aux questions suivantes : Qu'est-ce que
la qualité? Comment peut-on la reconnaître ? Peut - on la mesurer ? Pourquoi
la recherche de la qualité nous inspire-t-elle à ce point ?

Qu'est ce que la Qualité ?

Bien qu'une vaste littérature soit consacrée au sujet de la définition de la qualité, on ne


peut pas dire qu'il y a un consensus à ce sujet. Pour cerner la qualité des soins, de
longues listes des propriétés désirables du processus de services de santé ont été
rédigées. La définition de la qualité parait indissociable des intentions et des rôles des
différents acteurs du système de santé de même que de l'environnement particulier
dans le quel sont délivrés les services (Haddad et col 1997).

On peut cependant distinguer trois principales approches dans la définition de la


qualité. Dans la première, le terme qualité évoque habituellement un ensemble de
propriétés distinctives, habituellement vertueuses ou méritantes, qui caractérisent une
chose ou un objet. Mais, si la connotation favorable du terme qualité est à peu près
universelle, la qualité apparait aussi comme un concept relativement intangible, donc
posant en principe un problème d'opérationalisation. La plupart des gens sont capables
de reconnaître un service de bonne ou de mauvaise qualité, ils éprouvent en même
temps, de grandes difficultés à définir la qualité ( Askew 1993 ). "Il est sans doute plus
facile de définir ce que l'on veut que de donner une définition acceptable et universelle
à un objet abstrait". Pour Donabedian (1980), l'un des plus grands auteurs de la qualité
des soins, la qualité est une propriété que des services de santé ont à divers degrés et,
l'évaluation de la qualité consiste à juger dans quelle mesure un service de santé
spécifique possède cette propriété. Dans cette perspective la qualité n'est pas une
propriété absolue ; elle doit être alors analysée sous l'angle de la structure, des
processus ou des résultats (il s'agit d'un concept sur lequel on reviendra dans un article

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séparé).

Dans la seconde approche, la qualité signifiait : conformité du produit ou du service


à sa spécification. C'est à dire que tout produit ou service réalisé conformément aux
caractéristiques techniques préétablies était considéré comme un produit ou un service
de qualité. Dans cette approche dite normative ou conventionnelle, la qualité est
définie par comparaison de ce qui est à ce qu'il est censé être ou ce qu'il est
souhaitable qu'il soit. Les services sont jugés de qualité dès lors que l'on rejoint les
normes de référence. Ces normes sont habituellement des normes de structure ou de
processus et les jugements portés reposent donc sur l'analyse de la conformité des
ressources existantes et des pratiques (Vuori 1985). Pour Roemer (1989), en matière
des soins de santé, la qualité est la mesure dans laquelle les ressources disponibles et
les services offerts répondent à des normes pré-établies. Dans cette approche où la
qualité est définie à partir de la conformité à des normes, on a l'impression que c'est à
partir des normes qu'on doit déduire la définition de la qualité ! Qui doit définir les
normes ? Est-ce que un produit ou un service conforme à sa spécification est un
produit de qualité ?

On ne peut répondre que de façon mitigée, peut être oui, peut être non ! Car en effet,
que veut dire conformité à une spécification technique si le produit ou le service n'est
pas utilisé ? L' exemple célèbre de Ford (tiré dans le monde des affaires), le plus grand
constructeur automobile des années 50, est là pour nous rappeler cette vérité. En effet,
Ford s'est abstenu à produire uniquement le modèle de voiture grand format et en
l'occurrence noir, parce qu'il ne veut changer ni la forme ni la couleur. Le modèle de
voiture remplit certes les meilleurs spécifications techniques de l'époque, mais les
utilisateurs eux, du moins dans une partie non négligeable, veulent une voiture de
petite et de moyenne taille, ayant des couleurs aussi variées que possible. "La myopie
de Ford" (Levitt, 1968) lui a coûté une perte importante d'un segment du marché, et
depuis l'entreprise est reléguée en seconde zone dans le domaine de l'industrie
automobile . Cet exemple montre les limites des définitions de la qualité centrées sur
la conformité aux normes et aux spécifications techniques définies d'un point de vue
d'experts ou de fournisseurs de services. Il montre l'importance de la prise en compte
des attentes des consommateurs dans la définition de la qualité. Il faut dons aller au-
delà de la notion de conformité technique et l'élargir à un ensemble de préoccupations
qui dépassent le cadre technique. C'est ce qui est communément appelé l'adéquation
aux besoins. Cela nous place directement dans le cade de la troisième approche de la

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définition de la qualité.

La qualité se définit, dans cette perspective, comme l'adéquation du produit ou du


service aux besoins réels présents et futurs des utilisateurs. La norme Tunisienne
NT 110.17 entérine cette définition, et spécifie la qualité comme étant "l'ensemble
des propriétés et caractéristiques d'un produit ou service qui lui confèrent
l'aptitude à satisfaire les besoins exprimés ou implicites". Les tenants de cette
approche confère un rôle accru aux bénéficiaires de services. Juran (1987) estime que
la mission fondamentale de toute organisation est de fournir un service qui répond aux
besoins de ses clients, et définit la qualité comme " fitness of use" ( aptitude à l'emploi
). Pour Jain (1992) un programme de qualité doit être orienté vers ses clients et viser à
aider les individus à assumer leurs buts. Dans le domaine de la santé, la satisfaction
des clients peut être vue comme le jugement des bénéficiaires des soins sur la qualité
des services (Donabedian, 1980). Pour Palmer (1991), des services de santé de qualité
produisent un meilleur état de santé et de satisfaction de la population compte tenu des
contraintes technologiques, des contraintes des ressources et des utilisateurs de
services de santé.

Dans ces définitions, l'emphase est mise sur l'identification des besoins de la clientèle
et même leur anticipation. Nous ne pouvons atteindre cet objectif que dans un cadre
d'une démarche active centrée sur l'écoute des préoccupations et des attentes de la
clientèle. Cela ne peut être réalisé que si les différents intervenants de l'organisation
travaillent tous ensemble avec un même objectif : la satisfaction de tous les clients
malgré leurs différences. Or, il est démontré qu'on ne peut satisfaire le client externe
(le bénéficiaire) que si et seulement si le client interne (le personnel) est satisfait
(Ischikawa, cité par N. Sasaki). Cela nous rappelle un adage classique stipulant à juste
titre d'ailleurs que "la qualité ne se décrète pas". Elle est plutôt le résultat d'une
politique qualité et d'une gestion de la qualité. La qualité des produits et services est
tributaire de la qualité des hommes, des processus et de la qualité de l'organisation
(l'un des aspects qu'on traitera a part) .

Cette dernière approche, considérée comme la meilleure perspective actuellement,


s'oppose aux approches conventionnelles de la qualité à plusieurs égards. En premier
lieu, et à l'inverse des perspectives normatives centrées sur la conformité des
structures et des processus, la qualité doit résider dans la production de résultats
satisfaisants (amélioration de la satisfaction et de l'état de santé des bénéficiaires pour

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Palmer, orientation centrée sur l'individu pour Jain). En second lieu, la qualité va
devoir, au moins en partie, être définie par les préférences et les attentes des
consommateurs puisqu'il s'agit de les satisfaire et de répondre à leurs besoins et leurs
aspirations. Enfin, la clientèle va occuper un rôle central dans les processus
d'évaluation dans la mesure où elle est seule à même de juger de sa satisfaction et du
degrés de réalisation de ses aspirations.
Devant le caractère à la fois insaisissable et multidimensionnel de la notion qualité,
comment en pratique, une bonne qualité s'exprime-t-elle ? Quelles sont les
caractéristiques dont la présence permet de dire que tel service est de qualité ?

Comment peut-on reconnaître la qualité ?

Bien que tous les auteurs s'accordent sur le fait que la qualité est un concept
multiforme, ils divergent sur les dimensions que doit recouvrir ce concept (voir figure
n° 1). De façon approximative on peut distinguer deux dimensions, l'une reliée aux
aspects intrinsèques d'un fait ou d'une chose qu'on appelle traditionnellement la
qualité technique, l'autre s'associe aux aspects extrinsèques et on l'appelle la qualité
perçue. C'est autour de ces deux pôles que ce sont cristallisés la plupart des travaux de
recherche afin d'élucider les divers dimensions de la qualité. Les professionnels et les
technocrates ont toujours valorisé l'aspect technique au dépend de l'aspect perçu de la
qualité, alors que les adeptes de l'approche clients ont accordé autant d'importance aux
deux aspects conjointement.

La qualité dans le domaine de la santé recouvre elle aussi plusieurs dimensions.


Donabedian en a identifié quatre composantes en 1980 : l'accessibilité-disponibilité
des services; la prise en charge technique des patients; les relations interpersonnelles
dispensateurs - bénéficiaires et la continuité des soins . Le même auteur a enrichi cette
classification en 1992 en y ajoutant l'efficacité, l'efficience, l'optimalité, l'équité et
l'acceptabilité des soins 3. D'autres auteurs (Vuori en 1984, Brook en 1985) ont

3
Voici leurs définitions :
Disponibilité : présence ou absence de services déterminés.
Accessibilité : possibilité d'obtenir les prestations nécessaires, au moment et au lieu où elles sont nécessaires.
Efficience : Effet d'une prestation en relation avec l'effort fourni en termes d'argent, de ressources et de temps.
Efficacité : impact d'une prestation ; On distingue l'efficacité réelle, c.a.d l'effet obtenu dans les conditions réelles de
la pratique, et l'efficacité potentielle, c.a.d l'effet obtenu dans les conditions idéales.
Continuité : maintien d'une relation entre des épisodes successifs de soins, et considérant que la prise en charge d'un
patient est globale.

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identifié six éléments, à savoir l'efficacité, l'efficience, la compétence professionnelle,
l'accessibilité, la compliance ou l'acceptabilité. Palmer (1992) voit trois composante
dans la qualité : la compétence technique et interpersonnelle, l'accessibilité-
disponibilité, et l'acceptabilité des services. Après avoir travaillé sur les programmes
de planification familiale Bruce a identifié six composantes de qualité : le choix des
méthodes contraceptives ; les informations données aux bénéficiaires ; la compétence
technique des agents de santé ; les relations interpersonnelles dispensateurs-
bénéficiaires ; les mécanismes destinés à encourager la continuité et le caractère
approprié et acceptable des services. Enfin, soulignons que depuis la déclaration
d'Alma-Ata (1978), l'OMS à toujours mis de l'avant les aspects liés à la continuité, la
globalité des soins et l'intégration des activités préventives, curatives et éducatives
comme des attributs de qualité des services de santé.

Une précédente revue des publications sur le sujet ( Mtiraoui, 1993, 95 ) suggère en
effet que la qualité d'une prestation de services de santé dépend d'un certain nombre de
facteurs liés entre eux - ce lien n'est pas additif, il est plutôt multiplicatif - y compris la
compétence technique du prestataire, la gamme de services mise à la disposition des
clients, la manière dont les clients sont traités par les prestataires, le caractère complet
de l'information fournie aux clients et la manière dont les conseils ont été donnés
(empathie), l'accessibilité et la continuité des services. Les principales dimensions à
considérer pour prendre un jugement sur la qualité peuvent être résumées dans le
mnémonique Q V A T I L E S :

„ Q Qualité technique élevée, fruit de la compétence des professionnels de


santé et de la nature des moyens utilisées (soins appropriés, sécuritaires)
„ V fourni selon le Volume ou la quantité requise (gamme de services
complète: globalité, continuité)
„ A faisant l'objet d'interface Administratif simple (facilité des procédures,
acceptabilité)
Sécurité : capacité de prévenir les événements adverses (grâce à des programmes de gestion des risques par exemple).
Empathie : faculté, pour un prestataire, de se mettre à la place d'un patient.
Pertinence : marge avec laquelle les bénéfices de la santé attendus d'une intervention dépassent ses conséquences
négatives attendues, et telle que l'intervention vaille d'être effectuée .
Equité : conformité aux principes qui définissent l'octroi et la répartition des soins et de leurs bénéfices entre les
membres d'une population .

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„ T service fourni ou délivré au bon moment, à Temps (temps d'attente
acceptable)
„ I Inter-relations humaines : nature de la relation prestateurs-
consommateurs (respect, compréhension et empathie)
„ L livré ou dispensé au bon Lieu (communication symbolique)
„ E Economie : service produit à un coût acceptable
„ S service diSponible et acceSsible.

Ainsi, le portrait robot d'un service de santé de qualité serait " le service qu'il faut (Q),
ayant la gamme la plus complète (V), accessible (S), fourni au bon moment (T),
délivré dans un endroit agréable (L), avec un accueil chaleureux (I), le minimum
nécessaire de procédures (A) et un prix acceptable (E)". La perception de la valeur
globale d'un service est ainsi colorée par l'exigence d'une concordance entre les
différents éléments sus-énumérés. C'est maintenant au responsable du système qualité
de pouvoir "jongler" avec ces dimensions afin d'atteindre le meilleur équilibre possible
pouvant générer la qualité recherchée .

Notons tout de même que les différents attributs de la qualité ainsi individualisés
recoupent les points de vue essentiels des différents acteurs du système de santé, à
savoir les professionnels de la santé et notamment les médecins, les responsables de la
santé et les décideurs, les patients et les bénéficiaires de services de façon générale. En
effet, les décideurs ont toujours accordé beaucoup d'importance à l'accessibilité des
soins et de plus en plus au coût de ceux-ci (offrir des soins à tous à des coûts
raisonnables) ; les prestataires de services ont toujours valorisé les aspects techniques
des soins (offrir les meilleurs soins possibles à son client indépendamment des coûts).
Outre l'intérêt pour l'accessibilité des soins et la compétence des professionnels de la
santé, les bénéficiaires des services de santé accordent autant d'importance aux
dimensions interpersonnelles des soins de santé (accueil, communication, écoute...)
qu'à la disponibilité des services de santé sans contraintes financières notamment.

Et la Qualité Totale, C'est quoi ?

Indépendamment des dimensions de la qualité individualisées, la plupart des auteurs


sont d'accord sur le fait que la qualité est la résultante des différents attributs déjà

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passés en revue ; Mais il ne faut pas voir ça en terme de somme (qualité = attribut 1 +
attribut 2 + .... + attribut n), c'est plutôt une multiplication des différents attributs
individualisés. Le client est le bénéficiaire final d'une succession de prestation directes
ou indirectes que symbolise chaque attribut. La qualité est plutôt une chaîne où
chaque attribut représente l'un de ses maillons. Toute chaîne casse par l'anneau le
plus faible. Si un anneau cède en amont, toute la chaîne en aval représente une suite de
prestations non pertinentes, inutiles ou fâcheuses. Si un anneau casse en aval, il faudra
peut être relancer une nouvelle série de prestations. De toute les manières, chaque fois
qu'il y a un maillon qui cède, il peut ruiner les efforts générés par les maillons
précédents et imposer le lancement d'une nouvelle chaîne dés la case de départ (voir
figure n° 2 ).

De là est né le concept de la qualité totale. Le qualificatif "totale" est ajouté à


"qualité" pour préciser que celle-ci est indivisible, mais concerne la totalité des actions
et prestations et non une partie d'entre elles. A ce sujet, signalons deux erreurs souvent
commises quand on parle de qualité.

La première est de croire que les problèmes de qualité se posent surtout dans le
domaine de la production par exemple et concernent plus particulièrement les
intervenants qui réalisent telle ou telle activité. En fait, c'est tout le fonctionnement de
l'institution qui est en cause, de la conception à l'offre du service ou produit, en
passant par la gestion ...

La deuxième erreur est de croire que tel service ou telle unité est responsable de la
qualité et doit résoudre les problèmes qui sont identifiés; C'est l'ensemble du personnel
qui devraient avoir la responsabilité de repérer les problèmes et de les traiter. Dans
l'optique de la qualité totale on se base sur l'hypothèse qu'à tous les niveaux d'une
organisation tout le monde peut faire quelque chose pour améliorer le processus. Le
personnel est encouragé à travailler en équipe pour utiliser leurs expériences et leurs
compétences collectives, à analyser les procédés de travail, à utiliser les informations
pour identifier la nature et l'envergure de chaque problème et à mettre au point et
exécuter des activités pour améliorer les services. Nous reviendrons sur cette partie
dans un article spécifique.

Peut on mesurer la qualité d'un service ? et si oui comment ?

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Pour beaucoup, la notion de mesure est applicable à un phénomène objectif comme
une quantité (un litre de lait, deux heures, un dollar ...) et non pas à un phénomène
subjectif comme la qualité de quelque chose. Il s'agit là plutôt d'un phénomène
d'habitude, car par définition la mesure consiste à attribuer des valeurs à un ensemble
d'objets, de telle sorte que l'ordre qui en résulte traduise les variations relatives des
éléments mesurés sur une certaine dimension. Certes la mesure de la qualité pose des
difficultés et cela à cause du caractère multidimensionnel de l'objet mesuré ; Mais il n'
y a vraiment aucun moyen de concevoir, de garantir et d'améliorer la qualité sans
spécifier au préalable la notion de mesure de la qualité. Cette mesure devient possible
et même simple quand on est d'accord sur les points suivants : les caractéristiques à
mesurer, la méthode à utiliser et la façon d'interpréter les résultats.

- les caractéristiques à mesurer : la qualité est un concept multidimensionnel,


qu'on ne peut définir de façon opérationnelle qu'à travers ses différents attributs. Pour
notre part nous avons déjà dégagé en haut les huit dimensions qui déterminent la
qualité d'un service de santé. La meilleure façon de mesurer la qualité sera de
sélectionner l'ensemble des critères qui, collectivement, représente la qualité. Il faut
noter que les critères devraient être pour le personnel, faciles à identifier, à obtenir et à
contrôler ; car les approches complexes découragent les gens à poursuivre l'effort de
mesure de la qualité.

- La méthode à utiliser : Pour produire un profil général de la qualité on peut


utiliser en fonction de l'attribut en question soit une méthode objective (exemple :
temps d'attente en minutes), soit une méthode subjective (exemple : degrés de
satisfaction vis à vis de l'accueil), ou les deux à la fois. De toute les manières, les
instruments de mesure utilisés doivent être fiables et valides. On peut dire qu'une
mesure est fiable ou reproductible si l'on obtient toujours plus ou moins le même
résultat, peu importe la personne qui l'exécute. Par contre, une mesure est valide si le
résultat obtenu reflète et représente précisément ce que l'on tentait de mesurer.

En général, on est amené à se prononcer sur une série de propositions correspondant


aux caractéristiques à évaluer en utilisant une échelle de mesure allant de 1 à 5 par
exemple (échelle de Likert à 5 points) ; on accorde :

1 points si l'appréciation est "résolument non" ou "très mauvaise"

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2 points si l'appréciation est "non" ou "mauvaise"
3 points si l'appréciation est "peut - être" ou "acceptable"
4 points si l'appréciation est "oui" ou "bonne"
5 points si l'appréciation est "résolument oui" ou "excellente" .

Le score établi en fin d'appréciation, corrélé de façon positive à la qualité, nous permet
d'avoir une idée globale sur 1) la qualité du service évalué, 2) le maillon le plus faible
de "la chaîne qualité" et surtout 3) l'appréciation des écarts d'une mesure à l'autre afin
de savoir si le niveau de la qualité au sein de nos structures par exemple, s'est
amélioré, détérioré ou bien maintenu .

Une technique très utilisée en pédagogie, appelée la technique d'évaluation de "la


cible", pourrait si bien traduire notre pensée en matière de mesure de la qualité d'un
service de santé (voir figure n° 3).

Pourquoi la recherche de la qualité nous inspire-t-elle à ce point ?

Obtenir la qualité au meilleur coût devient un enjeu essentiel pour la survie des
organisations et des institutions publiques ou privées (établissement de santé,
administration, entreprise, etc...). Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord les
modifications des exigences des clients, des financiers, des instances de tutelle et du
politique en général, conduisent les acteurs du système de santé à démontrer la qualité
des soins pour pérenniser la relation de confiance. Ainsi les preuves de fiabilité ne
peuvent plus seulement s'exprimer dans le cadre d'une relation soignant-soigné,
fondée seulement sur une confiance réciproque et sur la satisfaction unique de patient.
De plus en plus, les opinions et les degrés de satisfaction des patients et de leur
famille, des professionnels de santé et des instances tierces (financiers et tutelles),
doivent être prises en considération et donc s'imposent.

La notion de coût est le deuxième facteur qui incite à rechercher la qualité :


L'évolution des connaissances médicales, le développement de la technologie, doublés
des mesures d'austérité imposées par l'environnement économique ont engendré des
difficultés au niveau du financement des services de santé. Actuellement, les
principales préoccupations des responsables de santé résident dans la pérennité des
services, leur efficacité et leur efficience; autrement la question actuellement est

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comment faire plus avec moins ? A cela s'ajoute qu'on se rend compte de plus en plus
que l'absence de qualité coûte cher et même très cher. On désigne parfois sous le nom
d'administration fantôme l'ensemble des activités et des produits qui sont faits en pure
perte : attentes inutiles, incidents, gaspillages, retards, mépris, services défectueux ....;
cette administration ou établissement fantôme peut représenter jusqu'à 20 ou 30 % des
coûts de fonctionnement de l'institution (Monteil, 1983 ). La démarche qualité s'attelle
à ces fantômes pour les pourchasser. On comprend donc qu'investir dans la qualité
c'est en fait lutter contre la non qualité, et c'est souvent le meilleur investissement
possible pour un établissement ou une organisation sanitaire.

La concurrence constitue l'autre raison qui doit nous mettre sur la voie de la qualité.
Dans le nouvel ordre économique mondial et le contexte de l'internationalisation et les
grands bouleversements technologiques, en particulier par le biais de l'automatisation
et de l'informatisation, on ne peut que développer nos compétences et nos activités
dans les domaines où nous pouvons être compétitifs et cela n'est pas une utopie si on
fait appel à la capacité d'innovation de tous. Pour Bernard Monteil " L'innovation, c'est
le dérangement de la cohérence, de l'harmonie d'aujourd'hui ".

Conclusion :

Nous ne saurions clore notre approche de la définition du concept qualité sans


préconiser deux grands types de précautions :

 La qualité ne se décrète pas : Elle dépend de prise de conscience, d'adhésion


intérieure, de maturation, d'auto-contrôle, etc... bref d'un cheminement lent. On
ne passe pas d'un jour au lendemain d'un travail routinier et monotone à un
travail réfléchi et évalué, à fortiori quand le coeur n'y est pas...

 La qualité est avant tout un état d'esprit, un programme novateur qu'on construit
au fur et à mesure : un engagement de la direction pour la qualité, la conception
d'une politique qualité, l'établissement de plans qualité, etc ... Il faut bâtir un
système qualité avant de pouvoir l'apprécier (appréciation de la qualité),
l'assurer (assurance de la qualité), l'améliorer ou le gérer (gestion de la qualité).
On ne peut pas améliorer ou évaluer quelque chose que l'on ne possède pas.

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"Brûler les étapes ne fait qu'empirer la situation voire même s'auto-détruire" (ICARE
II). C'est ce à quoi on va s'attaquer dans le prochain article.

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