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SCIENCES ET TECHNIQUES FISCALES

MOUHAMET FALL

Séquence 1 : Introduction

INTRODUCTION

La science financière1 ou science des finances publiques2 a donné naissance, à la fin du XIX e
siècle à un cours semestriel de licence appelé cours de législation financière dont l’objet était
d’examiner les règles juridiques qui s’appliquaient aux deniers publics. Il s’agissait plus
précisément d’étudier les règles administratives et constitutionnelles à connotation financière
auxquelles l’Etat devrait se soumettre.

La science financière a pour objet les problèmes de l'impôt, du budget, du Trésor, de


l'emprunt et de la monnaie : ces problèmes sont en inter relation. Elle a donné naissance au
cours de sciences et techniques fiscales.

1
L'École libre des sciences politiques, dite familièrement « Sciences Po », était un établissement privé d'enseignement supérieur créé en
1872 par Émile Boutmy. Elle est l'ancêtre de l'Institut d'études politiques de Paris et de la Fondation nationale des sciences politiques, qui en
tant qu'ensemble sont toujours appelés Sciences Po. Entre 1870 et 1872 surviennent en France de graves troubles politiques, qui provoquent
ce qu'on appelle la « crise allemande de la pensée française » : la défaite face à l'Allemagne, la chute du Second Empire et les événements de
la Commune de Paris. En s'inscrivant de l'effort de renouvellement républicain des années 1870 et en vue de réformer la formation des élites
de la France pour donner un nouveau départ au pays, Émile Boutmy, entouré d'un groupe d'hommes de sciences (comme Hippolyte Taine,
Ernest Renan, Albert Sorel, Paul Leroy-Beaulieu ou René Stourm) et d'industriels, crée en février 1872 l'École libre des sciences politiques.
Lors de la première année, quatre-vingt-neuf élèves sont inscrits. Plusieurs innovations pédagogiques caractérisent l'enseignement de l'école :

 L'intervention, très tôt, de praticiens de la politique à côte des universitaires reconnus, avec des ministres, des hauts
fonctionnaires, des membres du Conseil d'État, etc.
 La coopération très précoce avec des universités étrangères.
 La place importante accordée à l'étude des sociétés contemporaines.
 L'éducation physique obligatoire.

En 1879, l'École s'installe à l'hôtel de Mortemart, rue Saint-Guillaume à Paris.L'École concourt à l'apparition de la science politique en tant
que discipline et conserve sur elle un quasi-monopole jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.Elle est nationalisée et intégrée à l'Université de
Paris le 9 octobre 1945 sous le nom d'Institut d'études politiques de l'Université de Paris ; le même jour, une ordonnance1 crée la Fondation
nationale des sciences politiques (FNSP), qui reçoit le patrimoine et la gestion administrative et financière de l'IEP.

Par ailleurs, l’enseignement des sciences financières a commencé en 1872 à l’école libre des sciences politiques. Il ne sera introduit dans les
facultés de droit qu’en 1889. Mais ce n’est qu’en 1924/1925 que le cours de législation financière sera rendu obligatoire. L’institution des
premiers cours annuels est à partir de 1962-1963.

2
Gaudemet et Molinier op cit., p.23
I- L’avènement du cours de sciences et techniques fiscales

En 1954, ce cours est scindé en deux cours semestriels intitulés respectivement « institutions
financières » et « Sciences et techniques fiscales ». Ces deux Cours ont été fusionnés en 1962
en un enseignement annuel unique sous le nom de finances publiques.

Depuis 1968, on assiste résolument à leur dissociation 3 du fait de l’importance croissante


prise par le droit fiscal sans pour autant que l’aspect fiscal ne disparaisse de l’enseignement
des finances publiques 4 . Cette dissociation donne jour à un nouvel intitulé du cours de
fiscalité: «les techniques fiscales ».

Beaucoup d’ouvrages, portant l’intitulé de « sciences et techniques fiscales », ont été édités.
En 1961-1962 on assiste à l’édition d’un cours de sciences et techniques fiscales à partir de la
sténotypie du cours de 3e année de licence du Professeur Georges BERLIA5.

Les professeurs Lucien MEHL et Pierre BELTRAME ont à leur tout écrit un ouvrage portant
le même titre. L’ouvrage comprend deux parties : la première couvre la théorie générale de
l’impôt et aborde la notion, les caractères de l’impôt mais aussi les fondements et
organisations des systèmes d’impôts. La deuxième partie porte sur le régime et les techniques
juridiques de l’impôt mais aussi sur la psychologie et la sociologie de l’impôt.

Bref, le cours de sciences et techniques fiscales renvoie au droit fiscal et à son environnement.
Les ouvrages en la matière arborent de plus en plus le titre de «droit fiscal» et de moins en
moins celui de « sciences et techniques fiscales».

Néanmoins, des instituts de fiscalité porte toujours le nom d’«’institut de sciences et


techniques fiscales», c’est le cas des «instituts internationaux de sciences et techniques
fiscales».

Que recouvrent les termes du cours ?

II- Définition des termes du cours


Définir les termes du cours est intéressant à plus d’un titre ; il permet, au delà de la définition
des termes de l’intitulé, de définir tous les mots liés au terme « fiscalité ».
3
Gaudemet et Molinier op cit., p.23
4
Pratiquement tous les ouvrages de finances publiques traitent, partiellement ou globalement de la science et de la législation fiscale
5
GEORGES BERLIA est né le 18 décembre 1911 à Toulouse. Après des études de droit engagées dans cette même ville et achevées à Paris
avec un doctorat en droit (1937) avec une thèse intitulée Essai sur la portée de la clause de jugement en équité en droit des gens, celui-ci est
agrégé de droit public en 1942. Il oriente ses recherches essentiellement en droit international public ainsi qu’en droit constitutionnel. Il est
décidé en 1977
La science fiscale est plurielle et comporte les aspects suivants:

- la théorie générale de l'impôt : celle-ci saisit le fait fiscal en lui-même, définit le


concept d'impôt, analyse ses éléments constitutifs, procède aux classifications des
différents types d'impôts, examine les caractéristiques de chacun d'eux pour aboutir à
la notion de système fiscal
- des aspects économiques, sociologiques et politiques : dans les finances modernes, la
théorie générale de l'impôt devient ainsi de plus en plus une théorie économique,
socio-psychologique et politique de I ‘impôt ;
- des aspects juridiques: la science fiscale étudie, outre le régime juridique des différents
impôts, les conditions d'élaboration et d'application de la loi fiscale, les organes
compétents en matière fiscale, les prérogatives de l'administration, les garanties
accordées aux contribuables, les rapports entre le fisc et les contribuables, et enfin le
contentieux fiscal.

Par conséquent, la science fiscale étudie les problèmes juridiques, économiques,


sociologiques et politiques relatifs à l'impôt. Mais le phénomène fiscal ne peut être isolé. On
ne peut découvrir sa véritable signification que si on le replace dans son environnement : le
droit fiscal. Ce qui justifie le couplage de la science fiscale et de la technique fiscale.

La technique fiscale est ainsi définie par le Professeur Jean-François PICARD : c’est
« l’ensemble des procédés permettant d’établir et de recouvrer un prélèvement fiscal ; c’est
donc un ensemble de solutions ou presque de recettes au sens culinaire du terme, qui concerne
la matière imposable et la cotisation fiscale 6 ». Elle constitue un ensemble d’instruments
juridicisés mis au service du prélèvement fiscal.

Le terme fiscalité désigne le système d’après lequel sont perçus les impôts et taxes. La
fiscalité peut se définir, alors, comme l’ensemble des règles juridiques permettant aux
collectivités et organismes publics (même aux organismes privés) de se procurer des
ressources financières fiscales.

Ce terme vient du mot fisc qui désigne l’ensemble des administrations chargées de gérer
l’assiette, de répartir les impôts et taxes et de les percevoir. De façon extensive, le terme fisc
symbolise l’Etat, titulaire de prérogatives de puissance publique et de pouvoir de contrainte
sur le contribuable7.

L’adjectif fiscal qualifie une chose relative aux impôts.

6
PICARD Jean-François, finances publiques, 2e édition, Litec, Paris, 1997, p.381.
7
Si exorbitant soit-il, le droit fiscal n’est toutefois pas un droit arbitraire car les contribuables qui se trouvent soumis à ce prélèvement
obligatoire bénéficient de nombreuses garanties qui leur assurent une protection contre des prélèvements irréguliers ou abusifs et violations
de leurs droits et libertés
Le système fiscal est l’ensemble des lois, des mesures relatives au fisc, à l’impôt. Le
Professeur DUVERGER, considère « les systèmes fiscaux des Etats comme des constellations
dont les impôts sont les étoiles ».

Le système fiscal renvoie au droit fiscal, qui est la branche du droit public relative à l’assiette,
à la liquidation et au recouvrement des impôts et taxes de toute nature.

Le droit fiscal8 est aussi considéré comme la branche des finances publiques qui régit cette
activité particulière de l’Etat consistant à procurer aux collectivités publiques, dont lui-même,
des ressources financières définitives, grâce à un prélèvement autoritaire et sans contrepartie.

La première conception du droit fiscal l’autonomise par rapport aux finances publiques et la
deuxième fait de lui une simple composante de ces dernières.

Tous ces mots et concepts découlent du latin « fiscus », qui signifie le panier destiné à
recevoir l’argent. Tous sont relatifs à l’assiette, aux taux, aux tarifs, barèmes et aux
recouvrements des impôts. Toutes choses que l’on ne retrouve que dans cette matière.

III- La mise en exergue des spécificités de la matière


La matière en elle-même constitue une spécificité. De même, tous ces aspects sont
spécifiques, c’est le cas par exemple, de ces procédures, de son objet, de ses objectifs, de sa
finalité de son vocabulaire....

En ce qui concerne le vocabulaire, il est propre aux sciences et techniques fiscales. En


général, pour chaque type d’impôt, les termes y afférant sont définis par le législateur. Par
exemple, pour les concepts de bénéfice imposable9, de bénéfice net et d’actif net, il a donné
les définitions suivantes :

- Le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d’après le résultat d’ensemble des
opérations de toute nature effectuées par les sociétés et personnes morales, y compris

8
Il remplace, dans l’enseignement en troisième année de droit public ou licence III, depuis la réforme LMD, les techniques fiscales. Ces
dernières sont définies comme un ensemble de procédés permettant de recenser la matière imposable, de calculer le montant de l’impôt et de
le recouvrer. En d’autres termes, il s’agit d’un ensemble de procédés permettant l’application individuelle de l’impôt ou la répartition de la
charge fiscale globale entre les différents contribuables d’un impôt. La technique fiscale est importante en ce sens qu’elle considère et
concilie les objectifs de rendement financier, de justice sociale et fiscale et de promotion économique par l’impôt. Elle fait, toutefois, partie
intégrante du droit fiscal.

9
Cf. article 8 du Code Général des Impôts de 2012
notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en fin d’exploitation
dans les conditions prévues à l’article 259, soit en cours d’exploitation.
- Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la
clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt,
diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours
de cette même période par l’exploitant ou les associés.
- L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par
les créances des tiers, les amortissements et les provisions
Même si elles partagent des termes et concepts avec d’autres matières, les sciences et
techniques fiscales peuvent en avoir une définition identique comme elles peuvent en avoir
une définition non identique. Ainsi, le concept de « personne physique » désigne l’être
humain titulaire de droits et d'obligations. Elle est à comparer de la personne morale, c’est à
dire du « groupement » doté de la personnalité juridique. La personne physique désigne 10 en
droit fiscal non seulement les exploitants individuels mais aussi les membres des sociétés de
personnes et assimilées de sociétés de faits, de sociétés de participation, et de groupements
d’intérêts économiques n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés, lorsque ces sociétés
exercent une activité réputée industrielle, commerciale ou artisanale.

La notion centrale des sciences et techniques fiscales c’est l’impôt, par conséquent leur étude
tournera autour de trois thèmes principaux, relatifs à la théorie générale de l’impôt, aux
éléments constitutifs de l’impôt et aux procédures fiscales.

10
Cf. article 66 du Code Général des Impôts de 2012

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