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Raphaël Ricaud
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Contexte
Afin de comprendre les modalités du maintien d’une propagande amé-
ricaine après la Seconde Guerre mondiale, et tout particulièrement lors de la
« campagne de vérité » menée par l’administration Truman, commençons par
évoquer les événements internationaux qui précipitèrent la Guerre froide.
RAPHAËL RICAUD
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la propagande soviétique, mais omit de mentionner qu’il avait dès 1947 créé
une agence de renseignement dont ni le financement ni les actions n’avaient
été soumises au Congrès (Prados 29). Cette agence, en prise directe avec
l’exécutif, était encline à pratiquer de la propagande « grise et noire »23. Éma-
neront de la CIA deux radios diffusant leurs programmes en Europe : Radio
Free Europe et Radio Liberation (qui deviendra plus tard Radio Liberty),
toutes deux prétendument financées par de généreux donateurs américains.
Truman omit également de dire qu’il avait créé le Psychological Strategy
Board (PSB), en charge de la coordination de la guerre psychologique que
menaient les différentes agences gouvernementales qu’étaient le département
d’État, le département de la défense et la CIA.
Le paradigme journalistique, en temps de paix, laissait donc place au
paradigme de la vérité comme arme patriotique en temps de crise. Le langage
avait changé, les métaphores s’étaient militarisées (Parry-Giles 64). Cela reflé-
tait une réalité : la propagande était devenue arme. La présidence Truman
transforma donc les techniques au service de la politique étrangère des États-
Unis. Sous Truman, l’État américain incorpora une bureaucratie secrète bien
financée (CIA et PSB) tout en développant une argumentation rhétorique por-
tant sur la transparence et la vérité, donnant ainsi l’impression aux États-Unis
comme à l’étranger que les idéaux démocratiques étaient respectés (Ibid. 186).
Conclusion
Tout au long de cet article, nous avons souligné la spécificité du fonc-
tionnement de la propagande américaine au regard du contexte particulier qu’a
été le début de la Guerre froide. Ainsi, de 1945 à 1947, Truman plaça toute sa
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RAPHAËL RICAUD
OUVRAGES CITÉS
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NOTES
1. Nous utilisons ici le terme propagande dans son sens étymologique, à savoir le fait
de propager. Par ailleurs, bien que le terme soit connoté négativement depuis la Seconde Guerre
mondiale, les membres de la Chambre des représentants l’utilisent aussi. Il est toutefois à noter
que l’Executive Order 9608 du 31 août 1945 n’utilise pas spécifiquement le terme « propa-
gande » : « Those functions of the Office of War Information which are performed abroad or
which consist of or are concerned with informing the people of other nations about any matter
in which the United States has an interest ».
2. Une autre question tout aussi importante taraude les employés du département d’É-
tat : est-il raisonnable de vouloir faire cohabiter propagande et diplomatie au sein d’un même
ministère ? Cette question, bien que primordiale lors de toute tentative de définir ce qu’est la
public diplomacy des États-Unis, n’est toutefois pas l’objet de cet article.
3. La compagnie Gramophone eut pour premier slogan « la voix de son maître », avant
d’adopter le nom His Master’s Voice (HMV).
4. Sur Wharton, voir Blazek 10-22.
5. Dean Acheson fut d’abord le sous-secrétaire d’État de Truman (1945-1947), avant
de devenir son secrétaire d’État (1947-1953).
6. Cela malgré les révélations d’Igor Gouzenko démontrant l’ampleur du réseau d’es-
pionnage soviétique en Angleterre, au Canada et aux États-Unis. Voir Beisner.
7. L’Executive Order 9608 mentionne la création d’un Interim International
Information Service pour l’année civile 1945. En 1946, c’est James Byrnes, le secrétaire d’É-
tat, qui en prolonge la fonction, tout en le rebaptisant State Department Office of International
Information and Cultural Affairs (OIC). Enfin, en 1947, ce furent les membres de la Chambre
des représentants qui le gardèrent à flot en assurant son financement.
8. L’intitulé du poste, en revanche, est une trouvaille de Benton. En bon publicitaire, il
savait que le terme propagande était trop connoté pour être utilisé, tout spécialement au sortir
de la guerre. Voir à ce propos Cull 26 ; Congressional Record, 80th Congress, première session,
du 3 janvier 1947 au 24 février 1947, volume 96, première partie, 937.
9. United States Code, Titre 22, Chapitre 18, Sous-Chapitre 1, paragraphe 1442.
10. Il est difficile d’en estimer la somme exacte car l’IMG faisait partie du plan
Marshall, qui n’en cite pas les détails.
11. « Bill Benton […] had a very good notion […] on how to sell things to Congress [;]
he got the Congress to set up two commissions, one for information and one for cultural ope-
rations. When we had a Republican Congress he got a couple of good Republican names
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