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Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références

Comptabilité

La nouvelle normalisation pour les


comptes consolidés : IFRS 10, 11 et 12
Sous la pression des autorités politiques, notamment du G20, et des contraintes
ambitieuses qu’il s’était lui-même fixées, l’ IASB a connu une activité intense au
cours des douze derniers mois. Si la plupart des projets n’ont pas encore abouti
et connaissent un retard certain, il en est un qui a connu son aboutissement
et a fait l’objet en mai 2011 de la publication simultanée de trois normes
formant un tout indissociable : IFRS 10 (Etats financiers consolidés), IFRS11
(Accords conjoints) et IFRS 12 (Informations sur les participations). IFRS 10 Par Gilbert Gélard,
est une réponse aux constatations faites durant la crise d’un usage abusif du HEC,
hors bilan par la création de véhicules non consolidés et pourtant porteurs Expert-comptable
de risques pour les entités qui les créaient ou les utilisaient. IFRS 11 modifie Bellot, Mullenbach et Associés
substantiellement la comptabilisation des arrangements conjoints (joint
ventures) et IFRS 12 veille à ce qu’une information claire et suffisante soit
donnée, notamment sur les entités non consolidées.

A l’issue de cette réforme il ne reste plus Rien de nouveau à première vue. Cette Le pouvoir par les droits de vote n’im-
d’IAS 27, rebaptisée “comptes sépa- disposition existait déjà dans IAS 27 et ce plique pas que la majorité absolue de
rés“, qu’une norme croupion traitant de contrôle dans notre loi française est qualifié ceux-ci soit détenue. Une majorité rela-
la comptabilisation des titres dans les d’“exclusif“. Mais cet énoncé de principe tive est suffisante dans de nombreux cas
comptes individuels, et IAS 31 disparaît. est complété dans la norme par des préci- de figure, par exemple lorsque les autres
En revanche, IAS 28 (sociétés associées) sions qui en donnent toute la portée. actionnaires sont très dispersés et qu’il
reste intacte, le Board n’ayant pas eu de Pour entraîner la consolidation, le contrôle est peu vraisemblable qu’ils se coalisent
temps à y consacrer. doit porter sur les “activités pertinentes“ de pour prendre le pouvoir. En outre, les droits
Cet ensemble est applicable aux exer- l’entité considérée. Il est sans importance de vote potentiels sont pris en compte à
cices ouverts à compter du 1er janvier de contrôler des activités accessoires ou condition qu’ils soient actuellement exer-
2013, avec application anticipée possible, purement formelles n’ayant pas d’inci- çables et “substantifs“. Une distinction doit
sous réserve de l’adoption par l’UE. dence significative sur les rendements de être établie entre les droits de vote suscep-
l’entité. Cette notion d’activités pertinentes tibles de donner le pouvoir et ceux quali-
Le contrôle déterminant du permet de rendre le modèle plus “inclusif“ fiés de défensifs ou conservatoires (pro-
périmetre de consolidation et de traiter les entités ad hoc à l’aide du tective rights) qui ne peuvent contribuer
concept de contrôle, et non plus selon le au pouvoir. Les intérêts non contrôlants
Un principe simple : toute entité contrôlée concept (différent) de risques et avantages. sont par définition défensifs : ils consti-
sera consolidée, et sera appelée “filiale“ Ainsi l’interprétation SIC 12 n’a plus de tuent une protection pour une catégorie
(subsidiary). raison d’être et son contenu est désormais d’actionnaires qui n’a pas le pouvoir. Parmi
absorbé par IFRS 10. les exemples de droits défensifs, celui de
Le contrôle comporte trois critères néces- s’opposer dans une AGE à une augmen-
saires caractérisant les liens entre l’entité tation de capital ou à un investissement
Résumé de l’article M (l’investisseur) présentant ses comptes dépassant un certain seuil.
(consolidés) et l’entité S susceptible d’être Le pouvoir peut être obtenu par des
L’IASB a adopté en mai 2011 un incluse dans le périmètre de consolida- moyens autres que les droits de vote, en
ensembles de 3 normes traitant, au tion. Ces trois critères sont le pouvoir, particulier lorsque ceux-ci ne s’exercent
sens large, des comptes consolidés. l’exposition à la variabilité des rende- pas sur les “activités pertinentes“. Il en est
Cette réforme portait sur la partie du ments de l’entité S et la capacité d’utiliser ainsi dans nombre de véhicules ad hoc.
programme de travail suscitée par la le pouvoir pour influencer le montant des
crise financière, les autorités telles rendements. Les activités pertinentes
que le G20 ayant constaté qu’un
grand nombre d’entités porteuses Le pouvoir La notion d’activité pertinente est une notion
de risques majeurs avaient été main- nouvelle qui remplace le critère d’IAS 27,
tenues hors bilan, notamment par Le pouvoir doit être actuel mais n’a pas à savoir “les politiques financières et opé-
les établissements financiers. Les besoin d’être effectivement exercé. Il suf- rationnelles de l’entité“. Exercer un pouvoir
nouvelles normes reposent sur un fit que l’investisseur (M) le possède pour sur les activités pertinentes est un concept
concept unique de contrôle et se pouvoir l’utiliser quand il le juge néces- plus étendu par l’usage du terme “activi-
veulent plus inclusives, tout en fai- saire ; la passivité du détenteur du pouvoir tés“ et demande l’exercice du jugement
sant appel au jugement. Bien qu’il ne détruit pas ce pouvoir. pour distinguer les activités pertinentes des
s’agisse d’un projet essentiel pour Le pouvoir peut être conféré par les droits autres, le pouvoir sur ces dernières, même
la convergence, elles n’ont pas pour de vote ou résulter de circonstances où absolu, ne conférant aucun contrôle. La
l’instant été adoptées par le FASB. les droits de vote ne sont pas détermi- norme donne un exemple particulièrement
nants. éclairant d’une entité ad hoc chargée d’en-

28 // N°446 Septembre 2011 // Revue Française de Comptabilité


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caisser des créances pour le compte d’une pour employer une formule ancienne. Impact de cette réforme
entité et qui possède par contrat séparé un Les parties extérieures à l’accord n’exer- sur les stratégies des
put sur l’entité dès qu’une créance est en cent pas le pouvoir et sont de simples normalisateurs
défaut. L’activité consistant à encaisser des investisseurs, le plus souvent passifs ou
créances saines n’est pas jugée pertinente, dotés de seuls droits défensifs. Jusque Cette réforme des IFRS fait suite à une suc-
elle n’influe pas sur les rendements de l’en- là, et malgré l’alignement des concepts cession de retouches ayant déjà fortement
tité, la seule activité pertinente est celle qui sur IFRS 10, on n’observe pas de diffé- impacté IAS 27 et qui sont maintenues en
consiste à essayer de faire payer les créan- rences sensibles avec IAS 31. l’état : remplacement des intérêts minori-
ciers douteux. Dans ce cas de figure, le put, Cependant, les traitements comptables taires par les intérêts non contrôlants, trai-
même conclu par contrat séparé, fait partie ont changé ; on distinguera deux cas de tement des cession partielles d’intérêts et
de l’arrangement et en conséquence l’en- figure : les activités conjointes et les enti- des acquisitions d’intérêts supplémentaires.
tité consolidante a bien pouvoir sur l’entité tés sous contrôle conjoint ; indépendam- L’apport majeur est le rôle central du pou-
ad hoc. Elle doit donc la consolider, quand ment de la forme juridique sous laquelle voir et du contrôle. A certains, la réforme
bien même elle n’aurait aucun droit de vote. s’exerceront les activités conjointes perti- paraîtra de nature cosmétique ; ils pourront
nentes, on recherchera si les coentrepre- penser que le fait de rassembler sous le
Les droits de vote neurs ont des droits sur tout ou partie des même concept les risques et avantages de
conditionnels actifs et passifs faisant l’objet de l’accord SIC 12 et le contrôle classique des autres
– ainsi que sur les charges et produits filiales relève de l’artifice ; ils auraient tort ;
Si le pouvoir doit être actuel, on ne peut qui en découlent – ou bien s’ils n’ont des cette réforme est si profonde que les Etats-
ignorer l’existence d’options d’acquisi- droits que sur l’actif net résiduel. Unis ne l’ont pas suivie.
tions d’actions conférant des droits de Dans le premier cas , ils comptabiliseront Par ailleurs il n’y a plus grand chose de
vote, dès lors qu’elles sont exerçables et à leur bilan leurs actifs et passifs, produits commun entre le règlement français 99-02
substantives ; un degré de jugement sera et charges, méthode qui sans être iden- et les nouvelles règles IFRS. Cela n’a rien
nécessaire pour apprécier si les options tique à la consolidation proportionnelle d’étonnant. Des référentiels ne peuvent
très en dehors de la monnaie doivent être existant sur option dan IAS 31 n’en est que diverger lorsque l’un est quasiment
ignorées ou prises en compte, en fonction guère éloignée dans ses effets. Ce sera figé et que l’autre évolue vite. A un moment
d’autre éléments de contexte. le cas pour les activités conjointes ne où les sociétés cotées sur Alternext ont le
s’exerçant pas dans le cadre d’une entité choix entre les deux référentiels, l’argu-
juridique séparée, mais cela pourra aussi ment selon lequel les informations fournies
La variabilité être le cas en présence d’une entité juri- au public par l’un et par l’autre seraient
des rendements dique, si l’analyse en substance montre proches, voire équivalentes, est à réexa-
que les coentrepreneurs contrôlent direc- miner fondamentalement.
Le pouvoir doit permettre d’agir sur le tement les actifs et les passifs et les flux Ces nouvelles règles internationales ne
montant des rendements ; le terme “ren- qui en découlent. peuvent laisser indifférents les normalisa-
dements“ s’entend de façon large, il ne Dans le deuxième cas, lorsque les coen- teurs nationaux, parmi lesquels le FASB et
se limite pas aux dividendes ou autres trepreneurs n’ont accès qu’à l’actif net de l’ANC, ainsi que les autorités de marché.
rémunérations monétaires perçues par l’entité, on appliquera une mise en équiva-
le détenteur du pouvoir. Un rendement lence telle qu’elle est prévue dans IAS 28.
peut être positif ou négatif. Il faut que le La différence majeure avec IAS 31 est Bibliographie
pouvoir puisse être utilisé pour influer sur qu’une entité sous contrôle conjoint dans
le montant des rendements. laquelle les coentrepreneurs ne contrôlent Robert OBERT, “De nouvelles normes IFRS sur les
que l’actif net résiduel ne pourra pas être comptes consolidés“, RFC 444, juin 2011, p. 5.
Agent versus “principal“ comptabilisée par intégration proportion- IFRS 10, “Consolidated Financial Statements“, IASB,
nelle. May 2011.
Les agents ou mandataires disposent IFRS 11, “Joint Arrangements“, IASB, May 2011.
souvent de prérogatives étendues, mais L’importance d’IFRS 12, IFRS 12, “Disclosure of interests in other entities“,
pour le compte d’un mandataire (“prin- “Informations sur les IASB, May 2011.
cipal“) qui a le pouvoir réel. Les condi- participations dans
tions de révocation du mandataire par d’autres entités“
le mandant et le mode de rémunération
du mandataire seront déterminants pour Cette norme d’information complète le Abstract
distinguer entre l’agent et le “principal“. dispositif ; sa raison d’être est d’éclairer
l’utilisateur des états financiers sur l’en- The IASB adopted in May 2011 a set
Les accords conjoints semble des participations de l’entreprise of 3 standards about consolidated
(joint arrangements) et le traitement comptable qui leur a été financial statements; this reform was
appliqué. En effet, la décision de conso- part of the response to the financial
IAS 31 est remplacée par IFRS 11 qui lider ou pas une entité impliquera tou- crisis. Authorities such as the G20
emprunte beaucoup à IFRS 10. Elle jours un degré de jugement dans des cas had observed that a lot of high risk
partage avec cette dernière les deux limites où, de bonne foi, la balance peut entities had been kept off balance
notions essentielles de pouvoir et d’ac- pencher d’un côté ou de l’autre. IFRS 12 sheet, especially by financial institu-
tivités pertinentes, ainsi que les liens demande des informations étendues qui, tions. The new standards are based
avec les rendements qui découlent de sans remettre en cause les traitements on the sole concept of control and
ce pouvoir. La différence est que l’exer- choisis, apportent des éclairages utiles are meant to be all-inclusive, while
cice de ce pouvoir sur les activités per- aux lecteurs et complètent leur informa- resorting to professional judgment.
tinentes exige le consentement unanime tion. Pour satisfaire au souci d’autorités Although this project is vital to
des parties signataires de l’accord : les telles que le G 20, suite à la crise, il était achieve convergence, it has not yet
coentrepreneurs ; il s’agit donc d’un nécessaire de renforcer ce volet infor- been approved by the FASB.
“contrôle exclusif exercé à plusieurs“, matif.

Revue Française de Comptabilité // N°446 Septembre 2011 // 29

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