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Revue du Rhumatisme 78 (2011) S42-S47

Revue
du rhumatisme

Supplément
Le kaléidoscope des lombalgies
21es Entretiens du Carla
Sorèze (Tarn) – 16 et 17 décembre 2010
À l’initiative de l’Observatoire
du Mouvement

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des Laboratoires Pierre Fabre

67059
Vol. 78
Supplément n°2
ISSN 1169-8330

La colonne lombaire :
de l’idéal mécanique à la faillite fonctionnelle
François Bonnela, *, Jean-Marie Privatb, Pascal Kouyoumdjianc
a Laboratoire Anatomie, 2, rue École de Médecine, 34000 Montpellier, France
b Service de neuro-chirurgie, unité de chirurgie du rachis, Hôpital Guy-de-Chauliac, 34295 Montpellier, France
c Service orthopédie, CHU Caremeau, 30000 Nîmes, France

RÉSUMÉ

Mots clés : La notion de courbure est l’élément essentiel du comportement mécanique de la colonne vertébrale
Vertèbre avec la participation de toutes les articulations du membre pelvien. Après la croissance, la morphologie
Biomécanique
de la colonne vertébrale est considérée comme équilibrée. Il existe plusieurs types de courbures qui
Disque intervertébral
sont propres à chaque individu. La colonne vertébrale s’organise en un trépied : colonne corporéo-
Zygapophyses
Aponévroses discale en avant, les 2 colonnes des zygapophyses en arrière. Le disque intervertébral constitue un
amortisseur et un transmetteur de forces d’une très grande laxité quand il est sain. Le nucleus pulposus
se conduit comme dans un milieu hydrostatique : il répartit les forces dans toutes les directions de
l’espace. Peu ou pas compressible, il traduit les forces de compression reçues de vertèbres adjacentes en
forces centrifuges de distension des lamelles de l’annulus, dont la disposition et l’élasticité favorisent
la dissipation. La résistance du disque articulaire aux forces agissant dans un plan frontal, ainsi qu’aux
tractions verticales est considérable ; par contre, elle autorise des mouvements d’inflexion latérale
modérés. Ainsi, sont conciliées stabilité et flexibilité de la colonne.
Le rôle des aponévroses et des muscles intrinsèques et extrinsèques est d’approche diagnostique et
thérapeutique difficile. La prise en charge thérapeutique d’une lombalgie est complexe et nécessite
une analyse tridimensionnelle permise par les moyens informatiques modernes.
© 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Transition entre la colonne cervico-thoracique et le socle musculaires. Prévention et traitement passent par le maintien
des membres pelviens, la colonne lombaire occupe une position de l’idéal mécanique face à toutes les agressions dont la faillite
stratégique. Sa morphologie est la résultante d’une organisation fonctionnelle induit la lombalgie.
globale des courbures. Le carrefour musculaire fondamental
dans la statique globale du corps se modifie en position assise
prolongée. La sédentarité et le vieillissement perturbent son 1. Les courbures :
fonctionnement entraînant des difficultés posturales pour le fondamentaux anatomiques et biomécaniques
tronc (instabilité vertébrale), des troubles neurologiques sous-
jacents aux lésions disco-vertébrales (radiculalgies, claudication, La colonne vertébrale de l’homme a subi une double
déficit sensitivo-moteur). La modification des courbures induit évolution avec l’adaptation à la station bipède et à la séden-
des contraintes mécaniques à l’origine de dysfonctions articu- tarité. L’approche rhumatologique de la pathologie lombaire
laires discales, zygapophysaires postérieures, ligamentaires et doit élargir la vision segmentaire de l’unité fonctionnelle

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : profbonnel@free.fr (F. Bonnel).
© 2011 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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vertèbre-disque-zygapophyse au concept global lombo-sacro- de repos (≈ 20 °). Donc incidence pelvienne, pente sacrée, et
pelvien. Dans le plan frontal l’axe mécanique passe par le milieu lordose lombaire varient dans le même sens : plus l’incidence
de la symphyse mentonnière (axe crânio-facial) à l’aplomb de la est forte, plus le sacrum est incliné sur l’horizontale, plus l’angle
symphyse pubienne (axe du bassin). Lors de la station érigée, sur de lordose nécessaire pour redresser la colonne vertébrale est
toute sa hauteur, la colonne vertébrale est en instabilité dans les forte. L’étude de sujets asymptomatiques a permis de définir
trois plans de l’espace dont la régulation est assurée par toutes des corrélations entre les paramètres pelviens et vertébraux [3,
les structures constitutives. Dans le plan sagittal, l’objectif est de 4]. En classant la population générale en faible, moyenne
maintenir l’aplomb de C7 en regard du milieu du plateau sacré. et forte incidence pelvienne, on sépare 4 formes de dos au
Deux principes mécaniques sont essentiels avec les courbures comportement mécanique différent [3]. Dans les types 2, 3
et le trépied articulaire. La constitution de la ceinture pelvienne et 4, les courbures sont dites « harmonieuses », la lordose se
(spécialement articulations sacro-iliaques et coxo-fémorales), répartit sur 4-6 vertèbres, avec un apex autour de L3. La pente
dépend à la fois du rôle de ces articulations dans la mécanique sacrée et l’angle de lordose sont croissants selon que l’on va
du bassin (statique et cinématique) et de la colonne lombaire du type 2 au type 4. Dans le type 1, la pente sacrée est faible
qui adapte sa structure à celle de la pièce iliaque intermédiaire. comme dans le type 2, mais la lordose se répartit sur une zone
courte (2-3 vertèbres). Le déjettement postérieur de la colonne
1.1. Bipédie et variétés de courbures vertébrale doit être compensé par une longue cyphose « type
disharmonieux » (Fig. 1).
La notion de courbure est ancienne : Fick [1] intégrait la hanche
et le membre pelvien en totalité. L’observation des courbures fait 1.2. Constituants anatomiques de la vertèbre lombale
s’interroger sur les conséquences fonctionnelles d’autres types de
courbure. Au terme de la croissance, on peut considérer que la La connaissance de l’anatomie normale est indispensable
morphologie de la colonne vertébrale est équilibrée. pour identifier un dysfonctionnement générateur de lombalgie.
Les courbures (absentes chez le nouveau-né) se développent La difficulté réside dans l’individualisation stricto sensu de la
avec l’acquisition de la station bipède et la marche. La hanche étant structure responsable dans la mesure où la réaction des struc-
fortement fléchie sur le bassin, cette posture se retrouve chez tures avoisinantes est immédiate. Le comportement mécanique
l’enfant avant l’acquisition de la posture debout. Les courbures des articulations sacro-iliaques et coxo-fémorales est souvent
sont définies géométriquement par des points (inflexion, apex), oublié dans cette analyse.
une longueur (nombre de vertèbres incluses dans la courbure),
un angle, et l’orientation de celui-ci vers l’avant/l’arrière. Chez 1.2.1. Corps vertébral
l’adulte, selon le morphotype, la hanche se trouve en extension
maximale sur le bassin qui reste légèrement basculé en avant Les 5 vertèbres lombales se distinguent par leur caractère
provoquant une lordose lombaire et une cyphose thoracique. La massif signe de l’importance des charges et contraintes qui s’y
courbure lombaire est propre à l’homme et à la station debout. exercent. Le calcul de l’indice vertébral pondéro-rachidien de
Cette courbure qui travaille le plus a pour conséquences des Delmas montre la croissance de la courbe, en fonction du niveau
vertèbres plus volumineuses que les autres. Selon l’importance de la vertèbre. Le corps est très volumineux, réniforme à grand
de la courbure lombaire, il peut se produire une dégénérescence axe transversal. Les plateaux vertébraux augmentent de taille de
précoce du disque intervertébral.
Il existe des courbures dites physiologiques dont il faut jus-
tifier le rôle en leur appliquant les lois qui régissent les colonnes
élastiques à courbures alternées d’Euler. Si la colonne vertébrale
était droite et rigide, nous aurions grand-peine à maintenir
notre équilibre. L’existence des courbures et la souplesse des
articulations intervertébrales contribuent à la stabilité en station
debout. Le rôle essentiel dans le maintien de cette attitude est
dévolu aux aponévroses et au tonus musculaire de posture, en
particulier à de petites contractions permanentes des muscles
para vertébraux et de la ceinture pelvienne. Certaines vertèbres
ont une position spéciale par rapport à ces courbures ; clés de
voûte de la colonne vertébrale, ce sont des vertèbres neutres,
passives lors des mouvements.
Duval-Beaupère [2] avait défini les angles princeps de la
morphologie et de la posture du bassin. L’orientation sagittale
du plateau sacré (pente sacrée) est corrélée à l’angle de lordose
lombaire. Cette orientation dépend de la morphologie du bassin
(angle d’incidence pelvienne), et de son inclinaison par rapport
à la verticale en position de repos (version pelvienne mesurée
en position de référence). Ces trois paramètres sont liés par la
relation : incidence = pente sacrée + version pelvienne. On sait
que la version pelvienne est quasiment constante en position Figure 1. Variétés de courbures considérées comme physiologiques d’après Fick [1].
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crânial en caudal, bordés par un bourrelet marginal. La face péri- très hydrophile et en partie étanche, grâce à la présence d’un
phérique est creusée en gouttière plus marquée sur les parties anneau périphérique dense : l’annulus fibrosus. Cet ensemble
latérales. La forme du corps permet des déductions mécaniques accepte les déformations tridirectionnelles, les canalise pour per-
importantes. Dans les mouvements d’un corps vertébral sur un mettre la stabilité. Les zygapophyses constituent des limitateurs
autre il ne peut pas y avoir de glissement par suite de l’existence de déplacement. Le trépied articulaire vertébral évite le risque
du disque intervertébral dont l’élasticité permet le début d’un d’instabilité qu’entraînerait la seule jonction discale, la majeure
mouvement analogue au roulement. Ce mouvement s’effectue partie de la charge empruntant la colonne des corps vertébraux.
perpendiculairement (à l’un des axes transversaux) ou sagittal, Le disque intervertébral est ainsi divisé en trois parties.
facilité par le plus petit diamètre.
1.3. Les plaques cartilagineuses : zone de diffusion
1.2.2. Arc neural
La fixation élastique de la chambre centrale et de ses parois
L’arc neural est constitué par 2 pédicules, 2 zygapophyses, fibreuses se fait par l’intermédiaire d’un tissu avasculaire : le
2 lames, un processus épineux et 2 processus transverses. cartilage. Les phénomènes de compression auxquels le disque
L’ablation de l’arc neural augmente la pression discale de 18-20 %. est soumis en station verticale, excluent la possibilité d’un sys-
Le pédicule présente un grand axe antéropostérieur dirigé en tème vascularisé directement par des canaux qui ne sauraient
avant dans le plan horizontal et sagittal perpendiculaire. maintenir, même avec des valvules, un coussin liquide étanche.
Les zygapophyses, structures massives situées entre les La présence d’une assise cartilagineuse périphérique permet une
pédicules et les lames, constituent les éléments postérieurs du fixation des éléments fibreux et un système semi-perméable
trépied articulaire. Les zygapophyses supérieures verticales et autorisant des échanges entre la zone centrale et le système
sagittales présentent sur leur face médiale, une surface articulaire vasculaire corporéal, le cartilage hyalin du plateau est bien
quadrilatère, concave en forme de cylindre, caractéristique des distinct du tissu gélatineux du nucleus.
articulations trochoïdes (rotation). Leur rôle dans l’apparition de
lombalgies (facet syndrome) est souvent évoqué. La contention 1.4. Nucleus pulposus : chambre incompressible
se fait par la capsule et le ligament jaune disposés à la convexité
de l’articulation. Le nucleus pulposus est une structure molle, sphérique de
L’innervation est assurée par des collatérales de la branche 1,5-2 cm de diamètre, de consistance semi-gélatineuse chez le
postérieure d’émergence du nerf rachidien qui contourne la face sujet jeune qui se comporte comme un liquide incompressible,
antéro-externe de la zygapophyse supérieure. maintenu à volume constant. En coupe, il apparaît comme une
Les lames défont la jonction entre les processus transverses, masse amorphe, blanche, un peu brillante, entourée d’une petite
les pédicules et le processus épineux. Celui-ci est conçu comme cavité virtuelle la séparant de l’annulus fibrosus et au sein de
un levier dont le point d’appui est l’articulation inter-apophy- prolongements villeux. Il est situé entre le tiers central et le tiers
saire sur lequel s’exercent muscles et ligaments. Le ligament postérieur du disque. La pression interne dans le nucleus varie
inter-épineux s’étend du tubercule inférieur de l’épineuse à la de façon linéaire avec l’importance de la compression axiale.
base de l’épineuse sous-jacente et du bord supérieur de la lame.
1.5. Annulus fibrosus : stabilisateur passif tridimensionnel
1.2.3. Disque articulaire (intervertébral)
Il constitue une véritable capsule, limitant le nucleus. Il
Le disque articulaire est l’élément essentiel de l’amphiarth- est formé de lamelles concentriques, plus nombreuses à la
rose inter-corporéale. C’est un fibrocartilage en forme de lentille partie antérieure (une vingtaine) qu’à la partie postérieure (une
biconvexe interposée entre 2 corps vertébraux. La hauteur des dizaine). La partie antérieure de l’anneau est plus épaisse et,
disques conditionne la grandeur des mouvements, il s’agit de la par conséquent, plus solide. Les lamelles ont une disposition
hauteur relative à la hauteur vertébrale. Les disques lombaires tridimensionnelle avec trois types de fibres : verticales, obliques
sont plus épais en avant qu’en arrière. Les courbures sont dues et horizontales qui s’opposent aux contraintes mécaniques.
en partie à ces différences de forme. L’annulus a un module d’élasticité qui varie du centre à la
Les disques représentent 25 % de la longueur de la colonne périphérie.
vertébrale mais 33 % à l’étage lombaire. La hauteur des disques
varie suivant la région et diminue légèrement de la colonne
cervicale, où elle est à peu près uniforme, jusqu’à la 5e ou 2. Propriétés mécaniques du disque articulaire
6e vertèbre thoracique et augmente graduellement vers le bas
pour atteindre ses plus grandes dimensions entre les vertèbres L’élasticité et la résistance sont les qualités principales du
lombales. La structure fibrillaire est conçue pour s’opposer à des disque intervertébral. Il paraît logique de rattacher ces deux
sollicitations tridimensionnelles. Leur finalité mécanique est qualités à la structure même de l’organe.
de maintenir entre les corps vertébraux un espace déformable
permettant leur déplacement et de jouer le rôle d’un amortisseur 2.1. Résistance et élasticité
dynamique. La présence à l’intérieur du disque d’une chambre
hydraulique résout ce problème, en introduisant au centre du À la souplesse des différentes structures vertébrales
système, un dispositif indéformable, répartiteur de pression sur s’opposent la résistance et l’élasticité qu’offrent les divers
les parois fibreuses de la chambre. Il s’agit d’une zone centrale éléments actifs ou passifs de la colonne. Les disques dégénérés
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subissent des déformations plus importantes que les disques escalier, 15 % dans la marche à pas lents, 40 % dans la toux. Ces
sains, lors de la compression. Ils se comportent comme des notions donnent un éclairage nouveau à la pathologie discale
corps élastiques avec un certain degré d’hystérésis avec et ouvrent en outre à la prévention ou la prévision des atteintes
un retard à reprendre leur dimension d’origine à la fi n de mécaniques du disque. On peut se demander si l’emploi des
la compression, particulièrement marquée chez le petit corsets orthopédiques trouve dans ce genre d’études un fonde-
enfant, mais surtout en cas de dégénérescence. Le disque ment scientifique. L’annulus est considéré comme un matériel
intervertébral peut supporter, avant rupture, une charge de composite renforcé, avec deux orientations de fibres et des pro-
500 kg (≈ 20 kg/ cm2). En cas de dégénérescence discale, les priétés élastiques non linéaires. Lors de charges asymétriques,
deux vertèbres peuvent subir des déplacements réciproques, les valeurs de pression et l’activité myoélectrique augmentent.
en rotation ou en cisaillement, susceptibles d’entraîner des L’augmentation de l’activité myoélectrique est comparativement
subluxations vertébrales avec ou sans rupture du processus plus grande du côté controlatéral à la charge. La pression intra-
ligamentaire. D’une façon générale, les dislocations sont pro- discale, la pression intra-abdominale et l’activité myoélectrique
duites par des forces de rotation, les efforts de compression sont plus élevées quand le tronc supporte une charge en rotation
déterminant plutôt des fractures corporéales. que quand il est chargé en flexion latérale.

2.2. Charge du disque dans diverses positions physiologiques


3. Le trépied articulaire : triangulation orthogonale
La charge sur le disque est liée au poids du corps situé
au-dessus. La proportion du poids, par rapport au niveau Dans le trépied articulaire vertébral le corps vertébral est
discal est de 59 % au-dessus du disque L4, 57 % au-dessus de préposé à la transmission des pressions et doit avant tout être
L3, 55 % au-dessus de L2. En position assise, la charge sur le solide. L’arc neural forme à la fois un étui protecteur de la moelle
disque lombaire passe de 100 à 180 kg, la charge est égale à et la partie mobile de la colonne vertébrale, par l’existence de ses
environ 3 fois le poids du corps au-dessus du disque considéré. facettes articulaires et des insertions musculaires. Prétendre que
En position debout, la charge est diminuée d’environ 30 % par le corps vertébral représente l’élément statique alors que l’arc
rapport à la position assise, les valeurs vont jusqu’à 150 kg et neural est l’élément dynamique est excessif car le corps vertébral
sont approximativement liées au poids du corps au-dessus du permet les mouvements et même conditionne leur étendue. L’arc
disque considéré. En décubitus latéral, la charge est diminuée neural dirige et oriente ces mouvements.
d’environ 50 % par rapport à la position assise (entre 35-85 kg).
En décubitus dorsal la charge est d’environ 20 kg. En position
penchée en avant (maximum 20), sujet assis, la charge augmente 4. Stabilité de la colonne lombaire
d’environ 50 kg.
Pour résister aux forces de compression, cisaillement, torsion
2.2.1. Pression interne dans le disque normal et flexion, la colonne lombaire possède une stabilité intrinsèque
et extrinsèque. Outre les facteurs osseux, la stabilisation du
La pression interne augmente parallèlement à la charge rachis est assurée par des structures ligamentaires passives et
appliquée axialement et cette pression est environ 50 % plus musculaires actives.
élevée que la force verticale externe appliquée par unité de
surface. La force de tension tangentielle sur la partie postérieure 4.1. Stabilité intrinsèque passive
plus étroite de l’annulus est égale à 4-5 fois la charge externe
appliquée par unité de surface. Dans un disque sain, les forces La stabilité intrinsèque passive est le fait des éléments
verticales agissant sur l’annulus sont relativement faibles disco-ligamentaires, résultante d’une pression permanente à
(≈ 9 kg cm2), alors que les forces tangentielles dans la partie l’intérieur des disques et d’une tension permanente des liga-
postérieure de l’annulus sont plus élevées : jusqu’à 73 kg/cm2 ments. Les ligaments vertébraux se répartissent en 2 groupes.
(sujet assis, penché en avant, soulevant un poids). Les ligaments longitudinaux ventral et dorsal, sont satellites du
système disco-corporéal.
2.2.2. Pression interne dans le disque dégénéré Les autres ligaments, amarrés à l’arc neural, sont nom-
breux : ligaments jaunes, inter-épineux, sur-épineux, inter-
Lorsqu’elle est possible à obtenir, elle montre des chiffres transversaires, ainsi que le fascia thoraco-lombaire. Le ligament
globalement plus faibles d’environ 30 %. Dans un disque dégé- jaune, très épais dans la région lombaire, est tendu entre le
néré, il existe une augmentation de 100 % de la charge verticale bord inférieur et le bord supérieur de 2 lames adjacentes. Il
sur l’annulus et aussi, une diminution de pression de 50 % de la s’étend en dehors et en avant jusqu’au foramen intervertébral et
force tangentielle dans la partie postérieure de l’annulus. Ces renforce la portion médiale des articulations zygapophysaires.
modifications sont propres à accélérer, une involution chon- En arrière, il s’étend jusqu’à celui du côté opposé et au ligament
droïde de l’annulus, interépineux.
Colonne et ligaments peuvent être assimilés à une tige
2.2.3. Pression interne dans les conditions de la vie courante élastique obéissant aux lois physiques qui régissent de tels
systèmes. La colonne lombaire mobile possède un important
La pression interne varie dans la vie courante : 45 % d’aug- degré de flexibilité dépendant des caractères physiques (taille
mentation dans la rotation du tronc, 40 % dans la montée d’un et de la forme) du disque et de la tension des ligaments.
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4.2. Impératifs mécaniques statiques et dynamiques : Les ligaments jaunes lombaires, à l’étage lombaire, s’étendent
musculo-aponévrotiquess latéralement en direction du foramen dont ils délimitent la partie
postérieure en renforçant la capsule des zygapophyses. À la sortie
Les éléments musculo-aponévrotiques assurent la stabilisa- du foramen se tendent des ligaments qui vont réduire son calibre
tion extrinsèque du rachis. Chaque pièce vertébrale est position- responsable d’une compression.
née statiquement et dynamiquement, par rapport à ses voisines,
par le jeu des muscles inter-segmentaires courts placés dans la 6.1. Transmission lombo-sacro-pelvienne
profondeur de la gouttière vertébrale, et par rapport à l’ensemble
de la colonne par l’action des muscles longs superficiels, ce qui L’angle sacro-vertébral antérieur (formé par la face anté-
suppose des attaches musculaires complexes. rieure du corps de L5 et par celle du corps de S1-S2) peut se
présenter selon trois types. Le type disco-discal (32 %) où la face
4.3. Muscles spinaux (M. erector spinae) latéro-vertébraux
antérieure du disque est convexe en avant, dont la direction
est intermédiaire entre celle des corps de L5 et S1. Le type
Les muscles spinaux (M. erector spinae) latéro-vertébraux
sacro-discal (52 %) oblique en bas et en avant prolongeant la
forment deux colonnes musculaires puissantes à la partie latérale
face antérieure du corps vertébral de L5. Le type disco lombaire
de la colonne lombaire : le carré des lombes et l’ilio-psoas.
(16 %) où la face antérieure du disque se continue avec celle de
S1. L’angle sacro-vertébral postérieur a un aspect morphologique
4.4. Haubans musculaires antérieurs abdominaux
généralement univoque. Quant à l’angle sacro-vertébral moyen
Les haubans musculaires antérieurs abdominaux contreba- en position debout, il est de 136° chez l’homme et 131° chez la
lancent l’action des muscles rachidiens postérieurs. Parmi ces femme et augmente en position couchée à 138° chez l’homme
muscles (caisson abdominal) on distingue un muscle vertical, et 132° chez la femme.
(droit de l’abdomen), et 3 muscles obliques latéraux de l’abdo-
men (de la superficie à la profondeur : oblique externe, oblique
interne et transverse). Le fascia thoraco-lombaire solidarisant 7. Mouvements
la colonne vertébrale à la ceinture pelvienne, aux extenseurs
de hanche et aux muscles abdominaux, est topographiquement Au niveau de la colonne lombaire, la flexion est de 60°,
très éloigné du centre du mouvement intervertébral. Sa mise en l’extension de 45°. C’est en L4 que l’amplitude est maximale et
tension active, sous l’effet de stimuli divers, lui confère un rôle explique la surcharge fonctionnelle du disque L4-L5.
actif de frein de la flexion rachidienne. L’inclinaison latérale a une amplitude totale de 130-140° dont
Le disque intervertébral constitue donc un amortisseur et un 35-40° au niveau lombaire.
transmetteur de forces d’une très grande laxité quand il est sain. L’amplitude de la rotation est de 10° au niveau lombaire.
La résistance du disque intervertébral est considérable pour les Le centre de rotation de chaque vertèbre thoraco-lombaire
contraintes agissant dans un plan frontal, ainsi qu’à la traction peut être déterminé théoriquement à l’intersection des deux
verticale ; par contre, elle autorise des mouvements d’inflexion lignes passant à travers le centre des surfaces articulaires et une
latérale modérés. Ainsi, sont conciliées stabilité et flexibilité perpendiculaire dans le sens antéropostérieur. Dans la colonne
du rachis. lombaire, le centre de rotation est postérieur au disque et dans
ce cas, la rotation axiale est diminuée. Le centre de rotation est
variable selon le niveau. L’effet d’immobilisation d’un corset
5. Canal vertébral
lombo-sacré est variable et imprévisible. Dans certains cas, il
augmente l’amplitude de rotation du rachis.
Ce canal assure la protection des éléments nerveux et peut
devenir dans certaines circonstances un facteur de compression.

8. Conclusions
6. Foramen intervertébral (canal de conjugaison)
L’anatomie et le comportement mécanique du rachis
lombaire permettent d’expliquer l’origine de la lombalgie. Les
Il se projette au bord latéral du canal vertébral dont il est
le prolongement. Chaque foramen est limité en haut et en bas troubles biochimiques induisent des lésions principalement sur
par les pédicules, en avant par la portion postéro-externe de le disque dont les répercussions mécaniques sont progressives.
la vertèbre et le bord circonférentiel du disque, en arrière par La prise en charge thérapeutique est complexe et nécessite
l’articulation zygapophysaire. Le nerf rachidien n’occupe que une analyse tridimensionnelle que les moyens informatiques
35-50 % de la surface totale du foramen, qui est occupé par un modernes avec fusion d’image permettent.
tissu graisseux, des veines radiculaires, des artères spinales,
branches des artères lombaires et sacrées latérales et le nerf
sinu-vertébral. C’est au niveau du récessus latéral du canal ver- Déclaration d’intérêts
tébral, « défilé inter-disco-ligamentaire », que le nerf rachidien,
avant sa pénétration dans le foramen, risque d’être comprimé F. Bonnel, J.-M. Privat, P. Kouyoumdjian : aucun conflit
par le disque dégénéré ou l’hypertrophie des zygapophyses. d’intérêts.
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Références [3] Guigui P, Levassor N, Pillardon L, et al. Valeurs physiologiques


des paramètres pelviens et rachidiens de l’équilibre sagittal du
[1] Fick R. Handbuch der anatomie und mechank der gelenke. Jena rachis. Rev Chir Orthop 2003;89:496-506.
Verlag, Von Gustav Fischer, 1910. [4] Roussouly P, Berthonnaud E, Dimnet J. Analyse géométrique
[2] Duval-Beaupère G. Pelvic incidence a fundamental pelvic et mécanique de la lordose lombaire dans une population de
parameter for 3D regulation of spinal sagittal curves. Eur Spine 160 adultes asymptomatiques ; essai de classification. Rev Chir
J 1998;7:99-103 Orthop 2003;89:632-9.

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