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Girard Alain. Adolphe Landry et la démographie. In: Revue française de sociologie, 1982, 23-1. pp. 111-126;
doi : 10.2307/3320853
https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1982_num_23_1_3545
L'Institut national d'études démographiques réédite un livre d'Adolphe Landry, "La révolution
démographique", paru en 1934. Une présentation, que reproduit cet article, était nécessaire pour
marquer son importance et faire connaître aux nouveaux lecteurs la personnalité et l'œuvre de son
auteur. De formation littéraire et philosophique, Adolphe Landry (1874-1956) enseigne d'abord l'histoire
des faits et des doctrines économiques, puis poursuit une double carrière de savant et de
parlementaire. Il est ministre du Travail en 1932. Très tôt préoccupé par les questions de population, et
inquiet de la dénatalité française, il n'a cessé d'œuvrer à la fois pour le développement de la science et
des connaissances démographiques, et sur le plan législatif, pour l'extension des assurances sociales
et la protection des familles. Il est sans doute le premier à avoir dégagé les principales étapes de
l'évolution démographique, en identifiant des « régimes » successifs. Le passage du régime primitif ou
ancien au régime moderne constitue une véritable révolution. Le mot n'est pas trop fort et la théorie de
la « transition démographique », élaborée et affinée depuis, est déjà formulée pour l'essentiel dans
l'essai de Landry. Les idées qu'il développe demeurent d'autre part de la plus grande actualité.
Abstract
Alain Girard : Adolphe Landry and demography.
The Institut national d'études démographiques re-publishes a book by Adolphe Landry, "La révolution
démographique", first issued in 1 934. A presentation, reproduced in this article, seemed necessary so
as to mark its importance and introduce its new readers to its author's personnality and work. Having
been trained in Arts and Philosophy, Adolphe Landry (1874-1956) first teached economic facts and
doctrines history ; afterwards he followed a double carreer of scholar and Member of Parliament. He
was appointed Ministre du Travail in 1932. Very soon he became preoccupied by population issues,
and worried by the fall in the French birth-rate. He never stopped working for both the developpment of
demography as a science and, at the legislative level, for the extention of social insurances and family-
welfare programs. Adolphe Landry has, no doubt, been the first to describe the main stages of
demographic evolution, by identifying its sequences of order. The transition form the primitive or
ancient order to the modern one is a true revolution. The word is not too strong. The essential of the
theory of "demographic transition", though improved since then, is in Adolphe Landry 's book and his
ideas remain of present interest.
Zusammenfassung
Alain Girard : Adolphe Landry und die Demographie.
Das Institut National d'Etudes Démographiques (Nationalinstitut demographischer Studien) bringt ein
1934 erschienenes Buch von Adolphe Landry : "La révolution démographique" (die demographische
Revolution) wieder heraus. Die in diesem Artikel wiedergegebene Vorstellung war notwendig, um seine
Bedeutung zu unterstreichen und neue Leser mit der Persönlichkeit und dem Werk seines Verfassers
bekanntzumachen. Nach literarischen und philosophischen Studien, unterrichtete A. Landry (1874-
1956) zuerst die Geschichte der wirtschaftlichen Doktrinen und Tatsachen und schlug dann eine
doppelte Laufbahn als Gelehrter und Parlamentsabgeordneter ein. 1932 wurde er Arbeitsminister. Sehr
früh war er um die Bevölkerungsfragen und den Geburtenrückgang in Frankreich besorgt und
unablässig tatig sowohl für die Entwicklung der demographischen Wissenschaft und Kenntnisse, als
auch, auf der legislativen Ebene, für die Ausdehnung der Sozialversicherungunddes Familienschutzes.
Als erste hat er zweifellos die hauptsächlichen Stufen der demographischen Entwicklung festgehalten,
wobei er aufeinanderfolgende « Regime » festlegte. Der Uebergang vom alten oder Ursprungsregime
zum modernen Regime ist eine echte Revolution. Der Ausdruck ist nicht übertrieben und die Theorie
der « demographischen Transition », die seither ausgearbeitet und verfeinert wurde, liegt bereits in
ihren Hauptlinien in Landrys Essay. Die von ihm entwickelten Ideen sind auch heute hoch aktuell.
Resumen
Alain Girard : Adolphe Landry y la demografïa.
Vuelve a editar el Institut national d'études démographiques un libro de Adolphe Landry, "La révolution
démographique", que pareció en 1934. Era necesaria una presentación para marcar su importancia y dar a
conocer a los nuevos lectores la personalidad y la obra de su autor. Con su formación literaria y filosófica
enseňa primero Adolphe Landry (1874-1956) la historia de los hechos y de las doctrinas económicas, y
luego lleva doble carrera de erudito y de parlamentario. En 1932 es ministro del Trabajo. Preocupado
pronto por los problemas de populación e inquieto por la desnatalidad francesa, no dejó de obrar
juntamente para el desarollo de la ciencia y de los conocimientos demográficos, y en lo legislativo para la
extension de los seguros sociales y la protección de las familias. Sin dudo es el primero que desprendió las
principales etapas de la evolución demográfica al identificar « régimenes » sucesivos. El paso del régimen
primitivo o antiguo al régimen moderno constituye una verdadera revolución. No es demasiado fuerte el
vocablo y la teoria de la « transición demográfica » elaborada y afinada desde entonces se halla formulada
en su mayor parte en el ensayo de Landry. Permanecen las ideas que desarrolla en la actualidad presente.
резюме
Alain Girard : Адольф Ландри и демография.
Национальный институт демографических наук переиздаёт книгу Адольфа Ландри
"Демографическая революция", изданную в 1934 г. Оценка, данная в этой статье, была необходима
для отмечания ее важности и для познания новым читателям личность и труд её автора.
Адольф Ландри (1874-1956), обладая литературным и философским образованием, преподаёт
сначала историю фактов и экономические доктрины, затем продолжает двойную карьеру ученого и
члена парламента. В 1932 г. он министр по работе. Занимающийся очень рано вопросами населения
и волнующийся о понижении рождаемости во Франции, он не покидал трудиться одновременно и
для развития науки, демографических познаний, и на законодательном поприще для расширения
социальных обеспечений и защиты семей.
Он, без сомнения, первым подчеркнул основные этапы демографического развития, определив
последовательные "режимы". Переход от примитивного режима или прошлого к современному
режиму представляет настоящую революцию. Слово не очень сильное, и теория "демографического
переходного периода", развитая и утончённая с того времени, уже в основном формулировалась в
произведении Ландри. Идеи, которые он развивает, являются, с другой стороны, наиболее важной
актуальностью.
R. franc, sociol., XXIII, 1982, 111-126
Alain GIRARD
Adolphe Landry
et la démographie
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Revue française de sociologie
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Alain Girard
Le premier ouvrage qui a attiré l'attention sur Landry est sa thèse de doctorat
de 1 90 1 , L 'utilité sociale de la propriété individuelle (2). « On a dessein d'étudier
dans ce livre, est-il dit à la première page, les déperditions de richesse qui résultent
nécessairement, pour la société, du régime présent de la propriété, en d'autres
termes, de montrer par où et dans quelle mesure ce régime est contraire à l'intérêt
général ». La démonstration s'articule autour de deux grands pôles, la production
et la distribution des richesses. S'appuyant sur des distinctions proposées par
Sismondi, Cournot ou Otto Effertz, entre productivité et rentabilité d'une part, et
entre produit brut et produit net d'autre part, il s'attache à montrer comment le
propriétaire d'une terre ou d'une entreprise peut avoir intérêt à réduire le produit
brut, c'est-à-dire la quantité de biens profitables à tous, pour accroître le produit
net, c'est-à-dire son profit. L'inégalité des revenus entre la classe dirigeante et la
classe la plus nombreuse est préjudiciable à la richesse totale et ne permet pas
d'élever le niveau de vie général. Mais elle a aussi une autre conséquence qu'il
importe de souligner, c'est de diminuer la population.
Un chapitre, entièrement consacré à cette question, l'avant-dernier du livre vers
lequel semblent tendre tous les développements précédents, « L'inégalité et la
population » (pp. 344-389) s'ouvre ainsi : « II n'est pas de problème que les
économistes aient abordé plus souvent, ni discuté avec plus de passion que le
problème de la population. Ce problème est en effet parmi les plus graves de ceux
que l'économie politique soulève ; celui qui s'intéresse aux destinées d'une nation
attachera une très grande importance au nombre des individus dont elle sera
composée ; celui qui s'intéresse aux destinées de l'humanité donnera son attention,
de même, aux variations numériques auxquelles elle est sujette, à la fois parce que
ces variations ont un prix en elles-mêmes, et parce qu'à première vue il apparaît
comme fort probable qu'elles exercent une influence sur la condition de ceux qui
vivent ».
Ainsi, dès ses premières réflexions sur le régime économique et social, Landry
attache une importance primordiale à la population. Or, le vice essentiel du régime
capitalistique, selon son expression, ou encore individualiste et libéral, est qu'il ne
favorise pas l'augmentation du nombre des hommes, mais exerce au contraire une
action déprimante sur le peuplement. Le propriétaire fait des économies de
main-d'œuvre qui réduisent la production au détriment des consommateurs, « et
souvent en même temps ôtent à des travailleurs la possibilité de vivre » (p. 405).
« La direction de l'intérêt général ne coïncide pas nécessairement avec celle de la
résultante des intérêts particuliers » (p. X). Ainsi, va jusqu'à écrire Landry,
« aujourd'hui, si la liberté est reconnue comme un droit naturel imprescriptible, on
ne reconnaît pas encore le droit à la vie » (p. 358). Néanmoins, les avancées
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réalisées grâce aux progrès techniques, qui ne sauraient être niées, contribuent
d'une autre manière encore à limiter la population. Si difficile que demeure sa
condition, l'ouvrier ne se contente plus du strict nécessaire, et il sera encore « plus
exigeant quand il sera persuadé qu'il a droit à autant de bien-être que son
employeur ». On trouve déjà dans les lignes suivantes un des thèmes centraux de
La Révolution démographique .- « II est très certain que l'affaiblissement du
sentiment religieux, lequel commande à chacun l'acceptation du sort que la
naissance lui a fait dans ce bas monde, que la diffusion des idées politiques dont
procède la Révolution, que les progrès du socialisme, que l'instruction publique et
le suffrage universel sont pour beaucoup dans l'amélioration qu'ont obtenue pour
leur condition les ouvriers de France, au cours du XIX e siècle; et qu'ainsi ces faits
ont ralenti la croissance de la population dans notre pays... D'une manière
générale, tout ce qui augmente, comme on dit, les besoins des ouvriers tend à élever
les salaires, et à diminuer la population » (p. 383).
Le problème est alors de définir les moyens susceptibles d'empêcher la baisse
de la natalité. Landry admet que « sans bouleverser le régime de la propriété, on
peut par de certaines mesures législatives déterminer une augmentation de la
population... Les mesures cependant que l'on pourrait préconiser n'auraient jamais
des résultats très considérables ». Au contraire, et l'on dirait ici quelque écho
lointain des anticipations de Godwin ou de Condorcet qui déclenchèrent, comme
on sait, la passion inverse de Malthus, « dans la société socialiste, il sera possible
d'accélérer ou de ralentir l'accroissement ou la diminution de la population : il
suffira de décharger les parents de l'entretien de leurs enfants, ou au contraire de
leur en laisser le soin ; et si cela ne devait pas suffire pour donner les résultats
cherchés, on pourrait faire dépendre la rémunération du travail de chaque individu
du nombre d'enfants qu'il aurait donné à la société » (pp. 388-389).
Il ajoute en note à ces derniers mots : « II pourrait se faire aussi, contrairement
à ce que pensent MM. Effertz et Hertzka (et que nous inclinons nous-mêmes à
croire), que l'amélioration de la condition des travailleurs diminuât la natalité, au
lieu de l'accroître ».
N'y a-t-il pas ici un pressentiment de ce qui se poursuit encore aujourd'hui
même, à la fin du XXe siècle, et n'assistons-nous pas à un débat toujours ouvert et
toujours actuel sur les avantages et les inconvénients de la croissance
démographique ? En tout cas, l'intérêt général doit servir de guide, et c'est pourquoi Landry
cherche à définir le régime susceptible de le mieux assurer. Il croit l'apercevoir dans
le socialisme et la suppression de la propriété privée, mais l'orientation très concrète
de son esprit le détourne de croire possible l'égalité totale à laquelle il aspire. Aussi
bien s'efforcera-t-il pendant toute sa vie politique, de promouvoir des mesures qui,
sans bouleverser l'ordre social, ni supprimer la propriété privée, peuvent permettre
de maintenir la population au niveau désirable, en assurant à ceux qui les
assument, c'est-à-dire aux familles nombreuses, une compensation de leurs
charges.
Un régime économique, si parfait qu'il puisse paraître, n'est pas forcément apte
à résoudre le grave problème de la population. Tout ne se joue pas pour l'homme
sur le plan du bien-être. Voici les derniers mots du livre : « A côté des fins
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(3) L'intérêt du capital. Paris, Giard et Brière, (4) Paris, Alcan, 1906, 278 p.
1904, 368 p.
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(5) Un article important de 1 909, « Les idées Quesnay et la physiocratie. T. I : Préface, études,
de Quesnay sur la population », {Revue d'histoire biographie, bibliographie. Paris, ined, 1958,
des doctrines économiques et sociale) n'a pas été pp. 1 1-50.
repris par Landry. Il a été réédité dans François
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Suivant de près les discussions des économistes vers les années 30, Landry
insiste sur le rôle essentiel joué par les deux idées du maximum et de l'optimum de
population. Sa réflexion antérieure le portait naturellement de ce côté. Il fait
abstraction des visées nationales, fréquentes à ce moment où plusieurs pays en mal
d'expansion identifient la puissance et le nombre des hommes, et exaltent la
fécondité. Indépendamment de considérations de cette nature, on s'en est tenu trop
longtemps à envisager le problème d'une manière pour ainsi dire statique. Or, « le
maximum de la population n'est pas un point fixe », mais peut varier dans des
proportions considérables, selon le volume de la production que permet l'état des
techniques. Il n'y a pas lieu de rechercher la population pour la population, mais
de tendre à un équilibre entre richesse et population, qui garantisse à tous les
hommes dans un territoire donné « la plus grande somme de bonheur », selon
l'expression de Sismondi, ou en un langage qui convient mieux, le plus de
« bien-être ». En cela consiste l'optimum de population, difficile à chiffrer, mais
qui n'est pas non plus un point fixe. Dans bien des domaines, les progrès de la
technique augmentent le nombre des emplois, et, par suite, tendent à accroître la
population. Cependant, tous les progrès de la technique ne favorisent pas
l'accroissement de la population. L'optimum, par sa nature même, varie au cours du temps.
De telles considérations ouvrent la voie à des recherches futures et à des discussions
qui sont encore en cours.
Une science progresse par les progrès de ses méthodes. Non statisticien
lui-même, Landry se tient très au courant des travaux des spécialistes, et en discerne
la portée. Sa pensée intègre les résultats de leurs recherches. C'est dans cette optique
qu'il convient de relire aujourd'hui l'article de 1933, « Méthodes nouvelles pour
étudier le mouvement de la population ».
Ces méthodes sont trop connues pour qu'il soit utile d'insister. Outre celle de
la « population-type », il s'agit essentiellement des notions de durée moyenne de
vie, de reproduction, reproduction brute et reproduction nette, de population
stable. On pourrait s'étonner qu'il ait fallu attendre les travaux « particulièrement
remarquables » de Lotka et de Kuczynski pour s'aviser que la seule considération
des taux bruts de mortalité et de natalité « ne permettaient pas d'apprécier
justement les situations démographiques, ni de faire de justes comparaisons entre
ces situations ». Les méthodes « nouvelles » en tout cas reposent sur les données
fondamentales de répartition par âges de la mortalité et de la fécondité, que les
premiers recensements ne précisaient pas, et qui permettent seules de mesurer
l'aptitude au renouvellement, le dynamisme des populations, ou leur degré de
vieillissement.
La période de l'entre-deux guerres apparaît comme un moment privilégié dans
l'histoire de la démographie. Elle est aussi l'époque où furent calculées, pour la
première fois avec quelque rigueur, des perspectives de population (6). Longtemps
contestées, eu égard à leur caractère hypothétique, elles n'en ont pas moins acquis
droit universel de cité, et Landry en conçoit la signification et toute l'importance,
(6) Voir GLASS (D.V.). - Population Poli- Estimates of Future Populations or Discussions of
des and Movements in Europe. London, 1 940 such Estimates, pp. 468-472).
(Selected List of Articles and Books containing
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comme signal pour guider la politique. « Ce qu'il faut voir, note-t-il, c'est que la
méthode nouvelle écarte du présent l'adventice, constitué par ce qui résulte des
contingences du passé, pour dégager le fondamental. N'est-on pas, en effet, en droit
de penser que le présent est moins bien exprimé par la réalité qu'il montre que par
les virtualités qu'il contient ? »
Les recherches patientes de démographes de plus en plus nombreux et qualifiés
ont certes affiné l'analyse et démultiplié les moyens d'investigation. L'informatique
permet de prendre en compte une multitude de variables et de réaliser des calculs
impensables autrement, mais les principes de base ont été posés et les notions
essentielles découvertes et précisées pendant la période de l'entre-deux guerres. En
tout état de cause, l'examen de la situation présente, résultat de l'évolution passée,
l'observation des tendances de la mortalité et de la fécondité, et les projections pour
l'avenir issues des « méthodes nouvelles » ont fourni à Landry les données positives
qui forment le substrat de l'essai sur la révolution démographique.
« La rationalisation de la vie
La première partie, qui porte seule le titre général du livre, s'ouvre sur une
description de l'évolution du régime démographique depuis deux siècles. Notre
connaissance actuelle, appuyée sur des recherches récentes d'historiens et de
démographes conjuguant leurs efforts, est déjà là tout entière. Il n'y a pratiquement
rien à changer au tableau présenté pour la France et pour les autres pays : baisse
de la mortalité, suivie d'une baisse encore plus accusée de la natalité ; caractère
général du déclin de la natalité, partout en Europe; rapidité et accélération de la
baisse là où elle est plus récente.
La disparition des mortalités extraordinaires, les « magnifiques progrès qu'ont
réalisés la médecine et l'hygiène », « un accroissement du bien-être véritablement
énorme », parallèle à l'accroissement de la population, expliquent suffisamment la
baisse de la mortalité. La misère a disparu, « même dans les pays qui comptent des
millions de chômeurs ». Des inégalités subsistent, l'une d'entre elles
particulièrement choquante, « l'inégalité devant la mort », dénoncée notamment par Hersch,
qui, lui aussi, appartient au courant de pensée socialiste (7). Landry voit bien que
ces inégalités ont été creusées au XIX e siècle, parce que les progrès réalisés ont
profité d'abord aux « gens riches ou aisés ». Depuis, dit-il, « l'écart a dû
sensiblement diminuer ». Sans doute, « il ne pourra jamais être supprimé totalement »,
mais « le nivellement de la mortalité entre les classes sociales pourra aller assez
loin ». La situation d'aujourd'hui semble bien confirmer cette vue des choses.
(7) HERSCH (L). - L'inégalité devant la 109p. Dans cette deuxième étude, Hersch
mort, d'après les statistiques de la ville de Paris. constate un recul de l'inégalité devant la mort, la
Effets de la situation sociale sur la mortalité. mortalité ayant baissé plus vite dans les quartiers
Paris, 1920, 54 p. (extrait de la Revue d économie pauvres que dans les quartiers riches. «Je me
politique, 1 920, n° 3 et 4); et Pauvreté et mortalité trompe peut-être, écrit-il ; mais à moi, un tel fait
selon les principales causes de décès d'après les m'annonce l'avènement d'une ère nouvelle ».
statistiques de la ville de Paris. Roma. 1932,
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(8) Consulter notamment Causes et consé- ques, n° 17) 1 re partie, chap. Ill, « Histoire des
quences de l'évolution démographique. Nations théories démographiques », pp. 22-50 et idem.
Unies, New-York, 1953 (Études démographi- 1978, vol. I, chap. III, pp. 37-68.
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Progrès et décadence
Le livre aurait pu s'arrêter sur cette question, mais Landry y ajoute des
réflexions de philosphie morale inspirées par l'histoire, pour mieux saisir
l'enchaînement des faits et des causes, et montrer la pente fatale où conduit la
dépopulation, car « la dépopulation est une décadence ».
Au témoignage des anciens, comme d'après les reconstitutions des historiens,
la Grèce et Rome ont vu leur civilisation s'écrouler, parce qu'à l'essor
démographique qui avait fait leur grandeur a succédé une longue période de fléchissement
des naissances et de dépeuplement. L'oliganthropie n'a pas été le fruit du hasard,
mais « la conséquence d'un système de vie », fondé dans les deux cas sur un même
état d'esprit. Ce système de vie se retrouve dans le monde contemporain, et
pourrait bien être un signe précurseur de déclin.
Le paradoxe apparent, mais aussi la grande difficulté, c'est que ses racines sont
ancrées dans le succès des efforts antérieurs, et qu'il en est en quelque sorte une
future
(13)deNOTESTEIN(F.)e/a/.
l Europe et de l'Union -soviétique.
La population
Per- spectives
sdn, 1944.démographiques 1940-1970 Genève
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celle-ci ». C'est donc « devant un problème moral que nous sommes placés ». En
même temps qu'il est bon d'apporter une aide à ceux qui acceptent la charge
d'élever des enfants, c'est sur les causes psychologiques et morales qu'il convient
d'agir. D'une manière très générale, c'est le sens de l'effort qu'il faut maintenir en
faisant appel, s'il le faut, au mobile de l'intérêt personnel.
N'y a-t-il pas au moment présent quelque profit à tirer d'une lecture de Landry,
l'auteur de L'utilité sociale de la propriété individuelle, et qui fit tant pour
promouvoir des lois sur les assurances sociales et les allocations familiales ?
Ayant rappelé à quel point dans un pays comme la France, les programmes
« dits avancés » bénéficient d'un préjugé favorable, il ajoute dans L 'idée de progrès
(p. 200) : « II est d'une excellente intention de vouloir améliorer les conditions de
vie du travailleur; mais si l'on abrège trop la durée de la journée de travail, par
exemple, ou si encore, en voulant introduire une organisation sociale qui ne fasse
pas une part suffisante au mobile de l'intérêt personnel, on aboutit à réduire la
production, ne risque-t-on pas de causer un dommage supérieur au bien réalisé ? »
II faut revenir à La Révolution démographique, à sa conclusion. Évoquant une
dernière fois la décadence d'Athènes et de Rome, et la menace qui pèse sur le
monde moderne, si « la perpétuation de l'espèce » n'est plus assurée, Landry en
voit le principe unique dans l'émancipation qui a débarrassé les hommes des
« lisières anciennes », « fondées sur la religion, ou simplement sur la tradition, la
coutume ». C'est fort bien peut-être. Mais aucun principe n'étant venu remplacer
les croyances ou les coutumes d'hier, les hommes se trouvent en présence d'une
sorte de vide que ni la raison ni la science ne sont à même de combler. Le problème
« consiste à trouver un principe qui soit, dans le domaine moral, vraiment actif,
et qui le soit par rapport à la masse des hommes. C'est, en somme, d'une foi
nouvelle que l'on a besoin ».
Il n'y a pas grand risque d'être contredit, si l'on avance que cette foi nouvelle,
un demi-siècle plus tard, n'a pas encore été trouvée.
Sociologie et démographie
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(16) Le mot est de A. SAUVY, op. cit. op. cit., chap. XXI. « Démographie et sociologie,
(17) LANDRY (A.). - « La statistique en la thèse de Durkheim, la sociologie formelle de
démographie ». 7 e semaine internationale de Tónnies ».
synthèse. Paris, 1944. Cité par J. VIALATOUX,
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Institut national
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