Vous êtes sur la page 1sur 3

¶ 90-60-0062

Chromatographie liquide haute


performance en conditions dénaturantes
V. Maréchal

L’analyse du polymorphisme a rendu nécessaire le développement d’outils performants permettant


d’identifier des variations mineures (jusqu’à un seul nucléotide) dans des régions couvrant plusieurs
centaines de paires de bases. Ce chapitre présente le principe de la chromatographie liquide haute
performance en conditions partiellement ou totalement dénaturantes. Mise en œuvre pour séparer l’ADN
simple ou double brin avec une très haute résolution, cette technique s’avère particulièrement bien
adaptée à l’analyse à haut débit du polymorphisme génétique.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Polymorphisme génétique ; Homoduplexe ; Hétéroduplexe ; Mutation ; Allélisme

Plan ■ Principe
¶ Définition 1 Utilisation de matrices
¶ Principe 1 de poly(styrène-divinylbenzène) alkylé
Utilisation de matrices de poly(styrène-divinylbenzène) alkylé pour pour séparer les acides nucléiques
séparer les acides nucléiques 1
Une étape essentielle dans la mise au point des techniques de
Effet de la température 1
DHPLC a été franchie en 1993 par la synthèse et l’utilisation de
¶ Étapes de la technique de DHPLC 2 phases stationnaires composées de billes non poreuses de
Choix de la température 2 poly(styrène-divinylbenzène) alkylé. Ces billes, d’environ 2 µm
¶ Autres développements 3 de diamètre, sont hydrophobes et électriquement neutres. Le
squelette phosphaté de l’ADN étant chargé négativement, il ne
peut interagir tel quel avec la phase stationnaire (Fig. 1). Il est
donc nécessaire, pour le fixer sur ce support, d’ajouter aux
■ Définition [1-3] phases mobiles des molécules chargées positivement et pourvues
d’un large domaine hydrophobe : le domaine cationique peut
en effet interagir avec les charges négatives portées par l’ADN,
Les techniques d’analyse du polymorphisme génétique ont
alors que la région hydrophobe permet d’établir des interactions
connu un essor nouveau avec le séquençage complet de nom-
avec la phase solide. Le TEAA (triéthylammonium) - un ion
breux génomes, et en particulier avec celui du génome humain. amphiphile - remplit cette double fonction : les ions ammo-
Il est progressivement apparu essentiel de développer des outils niums du TEAA établissent des interactions avec les charges
permettant une analyse rapide, sensible et à haut débit des négatives de l’ADN alors les chaînes alkyl, hydrophobes,
variations génétiques. Ces variations sont le plus souvent des interagissent avec les billes qui composent la phase stationnaire.
modifications qui affectent un seul nucléotide sur des régions Les molécules d’ADN sont éluées par une concentration crois-
pouvant atteindre plusieurs milliers de bases. La DHPLC sante d’un solvant organique, l’acétonitrile, qui provoque la
(denaturing high performance liquid chromatography), ou chroma- désorption des ions amphiphiles et de l’ADN. Cette technique
tographie liquide à haute performance en conditions dénatu- permet une séparation à très haute résolution de fragments
rantes est devenue l’une des techniques les plus puissantes pour d’ADN double brin par chromatographie. Les charges négatives
cribler des variations alléliques naturelles ou des mutations avec de l’ADN étant proportionnelles à la taille des fragments, les
une sensibilité aussi importante que celle du séquençage, tout molécules d’ADN les plus courtes sont éluées les premières. La
en permettant une automatisation qui autorise des criblages à détection s’effectue en sortie de colonne par un détecteur UV
haut débit. (254 nm).
Cette technique reprend les principes généraux de la chroma-
tographie liquide à haute performance en incluant des modifi- Effet de la température
cations majeures qui permettent une séparation efficace des La rétention de l’ADN double brin sur la colonne est dépen-
acides nucléiques en fonction de leur taille et/ou en fonction de dante de la température. Pour une température inférieure à
la structure des duplexes d’ADN. 50 °C, l’ordre de sortie des fragments d’ADN suit précisément

Biologie clinique 1
90-60-0062 ¶ Chromatographie liquide haute performance en conditions dénaturantes

Figure 1. Utilisation de matrices de


poly(styrène-divinylbenzène) alkylé pour sépa-
rer les acides nucléiques.

l’augmentation en taille des fragments d’ADN. Lorsque la


température dépasse 50 °C, l’ADN double brin peut commencer
à se dénaturer (les deux brins se séparent partiellement), ce qui
modifie l’interaction entre l’ADN et la colonne. Les ADN
partiellement dénaturés sont élués avant les ADN double brin
non dénaturés. Cette propriété constitue l’une des bases de la
séparation des hétéroduplexes par la technique de DHPLC.

■ Étapes de la technique de DHPLC


Les ADN à analyser sont obtenus le plus souvent par PCR à
partir de deux régions génomiques qui peuvent présenter une
ou plusieurs différences entre elles. La région d’intérêt est
flanquée de deux amorces qui permettent d’amplifier deux
double brins, dont l’un porte une différence au moins (Fig. 2).
Les produits de PCR (sauvages et mutés) sont d’abord dénaturés
par chauffage, puis refroidis lentement. Au cours du refroidisse-
ment, quatre populations de duplexes se forment (Fig. 2) : deux
homoduplexes présentant un appariement parfait, et deux
hétéroduplexes. Les produits de PCR sont injectés dans une
colonne dont la température est maintenue avec précision. La
température de la colonne est un paramètre essentiel de la
séparation correcte des différents duplexes. Elle doit être choisie
de façon à ce que les mésappariements présents au sein des
hétéroduplexes entraînent un niveau de dénaturation partielle
supérieur pour les hétéroduplexes que pour les homoduplexes.
L’interaction des double-brins avec la phase stationnaire est
d’autant plus faible que le degré de dénaturation est important.
Par conséquent, les hétéroduplexes sont élués en premier lors de
l’injection d’un gradient d’acétonitrile. Ils sont détectés sous la
forme d’un pic (ou éventuellement de deux pics lorsque le
protocole permet la séparation des deux hétéroduplexes). Les
homoduplexes, mieux retenus par la colonne dans ces condi-
tions, sont élués avec retard. Ils apparaissent sous la forme d’un
ou de deux pics selon les conditions expérimentales (Fig. 3).

Choix de la température
La détermination de la température optimale de sépa-
ration peut s’effectuer de façon empirique. Un mélange
hétéroduplexe/homoduplexe est injecté de façon répétée à
une température de colonne augmentant de 3 °C dans chaque
essai, à partir de 50 °C. À 50 °C, les temps d’élution sont Figure 2. Technique de DHPLC.
identiques pour les deux espèces puisque l’élution ne dépend
que de la taille. À une température critique, plusieurs pics
apparaissent qui traduisent une dénaturation partielle plus homoduplexes peuvent se dénaturer. Il existe heureusement
importante des hétéroduplexes mal appariés sur une ou plusieurs programmes, dont l’un est accessible sur le site de
plusieurs positions. Si la température augmente, même les l’université de Stanford (http : //insertion.stanford.edu/

2 Biologie clinique
Chromatographie liquide haute performance en conditions dénaturantes ¶ 90-60-0062

Figure 3. Les homoduplexes


apparaissent sous la forme d’un ou
de deux pics selon les conditions
expérimentales.

melt.html) qui permettent de calculer une température connues avec précision, en générant des simples brins d’ADN
optimale en fonction de la séquence étudiée. par extension d’amorce, l’amorce étant positionnée juste avant
le site polymorphe étudié. La DHPLC peut aussi être combinée
avec des techniques d’électrophorèse capillaire, ce qui permet
■ Autres développements d’accroître la vitesse d’analyse, le nombre d’analyses et la
La technique d’HPLC dénaturante présente une excellente sensibilité de la technique. Par ailleurs, la détection des ADN
sensibilité pour rechercher des mutations ou des variations peut être réalisée par fluorescence, notamment lorsque les PCR
portant sur un seul nucléotide sur des régions allant de 150 à sont générées à l’aide d’amorces marquées par des fluorophores.
750 paires de bases. La qualité des résultats dépend cependant
des conditions expérimentales (choix des colonnes, température
etc.) et de la composition en bases des régions analysées.
Les techniques de DHPLC ont fait l’objet de différentes
■ Références
améliorations et/ou modifications. L’une d’entre elles est la [1] Premstaller A, Oefner P. Denaturing HPLC of nucleic acids. (2002)
technique de « completely DHPLC ». Cette approche est destinée LC-GC Europe. Juillet 2002 (p. 1-10).
à l’analyse de fragments d’ADN d’une taille de 50 à 100 paires [2] Sivakumaran TA, Kucheria K, Oefner PJ. Denaturing high performance
de bases. En conditions dénaturantes, la technique HPLC décrite liquid chromatography in the molecular diagnosis of genetic disorders.
précédemment permet de distinguer deux simples brins d’ADN Curr Sci 2003;84:291-6.
de taille identique présentant une seule base de différence. Cette [3] Bosson G. Denaturing HPLC: the tool of choice for detecting single
modification permet l’analyse de régions polymorphiques nucleotide polymorphisms. Biomed Scientist 2002:1269-74.

V. Maréchal, Professeur des Universités (vincent.marechal@snv.jussieu.fr).


UMR7079, Université Pierre-et-Marie-Curie, Centre de recherches biomédicales des Cordeliers, 15, rue de l’Ecole-de-Médecine, 75270 Paris cedex 06,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Maréchal V. Chromatographie liquide haute performance en conditions dénaturantes. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Biologie clinique, 90-60-0062, 2008.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Biologie clinique 3

Vous aimerez peut-être aussi