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Chapitre 2- Les titulaires du droit d’auteur

Le titulaire du droit d’auteur est en principe l’auteur, C.à.d., la personne physique qui crée
l’œuvre. (Article 1er de la loi 2-00). Ce principe est clair lorsque l’auteur est une personne
unique mais se complique lorsque les œuvres accueillent une multiplicité de contributions, on
se retrouve dans ce cas avec une pluralité d’auteurs.

A noter également que les bénéficiaires des droits d’auteur sont non seulement les personnes
sur lesquelles naissent les droits d’auteur, en l’occurrence les auteurs mais aussi leurs ayants
cause. Ne seront traités ici que les auteurs que la loi a entendu spécialement protéger. Les
ayants cause ne bénéficiant de la protection que par transmission. Leur étude revient
logiquement à celle des contrats relatifs aux droits d’auteur et au sort du droit d’auteur à la
mort du créateur1.

Cela dit, en droit marocain comme en droit français, le principe selon lequel le titulaire du
droit est l’auteur personne physique qui a créé l’œuvre est décliné en fonction des différents
types d’œuvres notamment en présence de plusieurs auteurs. La qualité d’auteur est donc
attribuée aux personnes physiques quand il y a pluralité d’intervenants ; mais, une exception
notable existe2.

Avant de nous focaliser sur la qualité d’auteur dans les œuvres intégrant les apports de
plusieurs personnes (Section 2), il est nécessaire d’examiner cette qualité dans les œuvres à
auteur unique (Section 1).

Section 1- La qualité d’auteur dans une œuvre à auteur unique


En principe la personne investie de la qualité d’auteur est le créateur de l’œuvre. Et en
pratique l’auteur n’a pas à prouver sa qualité. Toutefois, il y a des situations qui sont de nature
de remettre en cause ce principe. C’est le cas des auteurs présumés titulaires (Paragraphe 1)
et aussi de l’auteur salarié (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- La présomption de titularité

La loi marocaine a posé une présomption de titularité des auteurs dans 2 cas : il s’agit de
l’auteur sous le nom duquel l’œuvre est éditée (A) et de l’auteur anonyme ou utilisant un
pseudonyme (B).

A- L’indication du nom de l’auteur

Par principe, l'auteur est celui sous le nom duquel l’œuvre est éditée (comme le nom indiqué
sur un livre, un phonogramme, etc.). Mais Il ne s'agit là que d'une présomption simple, dont

1
P. Sirinelli, op.cit., p. 52
2
X. DAVERAT, « Les titulaires du droit d'auteur », Droit de la propriété littéraire et artistique, (RECO.HTM) ;
cours.unjf.fr/course/view.php?id=120 ; consulté le 6 mai 2021
la preuve contraire peut être apportée par tous moyens3. Et la charge de cette preuve pèse
sur la personne qui entendrait contester l’attribution de l’œuvre. Par exemple le véritable
auteur dans le cas d’une œuvre écrite par autrui.

Ainsi, en vertu de l’article 38 de la loi 2-00 telle que modifiée et complétée : « Dans les
procédures civiles, administratives et pénales, la personne dont le nom est indiqué de
manière habituelle comme étant l'auteur, l'interprète, le producteur d'un phonogramme, ou
l'éditeur est, en l'absence de preuve contraire, considéré comme titulaire du droit, et par
conséquent est en droit d'intenter des procès. En l'absence de preuve contraire, le droit
d'auteur ou les droits voisins subsistent pour l'œuvre, l'interprétation, ou le phonogramme ».

B- Cas d’une œuvre anonyme ou d'une œuvre pseudonyme

L’auteur n’est pas obligé de révéler son identité. La loi lui réserve le droit de publier tout en
gardant l’anonymat. C’est du moins ce qui ressort de l’article 9 de la loi 2-00, en vertu duquel
l’auteur a le droit de rester anonyme ou d’utiliser un pseudonyme.

Mais cela ne le prive pas de ses prérogatives d’auteur. Ces dernières sont exercées par
l’intermédiaire d’un tiers4. Dans le cas de la loi marocaine, il s’agit de l’éditeur dont le nom
apparait sur l’œuvre. En effet l’alinéa 2 de l’article 38 précité dispose : « Dans le cas d'une
œuvre anonyme ou d'une œuvre pseudonyme -sauf lorsque le pseudonyme ne laisse aucun
doute sur l'identité de l'auteur- l'éditeur dont le nom apparaît sur l'œuvre est, en l'absence
de preuve contraire, considéré comme représentant l'auteur et, en cette qualité, comme en
droit de protéger et de faire respecter les droits de l'auteur. Le présent alinéa cesse de
s'appliquer lorsque l'auteur révèle son identité et justifie de sa qualité. »

Paragraphe 2- La situation de l’auteur salarié

La qualité de salarié n’influe pas sur la titularité des droits. L’auteur salarié est toujours auteur
et c’est sur sa tête que nait la propriété littéraire et artistique. Si l’employeur peut être titulaire
de droits, ce n’est qu’en vertu d’une cession expresse5.

A cet égard, l’article 35 de la loi 2-00 dispose : « Dans le cas d'une œuvre créée par un auteur
pour le compte d'une personne physique ou morale (ci-après, dénommée « employeur »)
dans le cadre d'un contrat de travail et de son emploi, sauf disposition contraire du contrat,
le premier titulaire des droits moraux et patrimoniaux est l'auteur, mais les droits
patrimoniaux sur cette œuvre sont considérés comme transférés à l'employeur dans la
mesure justifiée par les activités habituelles de l'employeur au moment de la création de
l‘œuvre ».

3
Ibidem
4
P. Tafforeau, op.cit. ; pp. 91-93
5
P. Tafforeau, op.cit. ; p. 92
En effet, dans la pratique, dès lors qu’une œuvre est créée en vertu d’un contrat de travail, il
est d’usage que l’employeur puisse l’exploiter librement. Il a donc besoin de se faire céder les
droits patrimoniaux de l’auteur. Or la cession globale des œuvres futures est interdite par la
loi (dernier alinéa de l’article 39 de la loi précitée).

Section 2- La qualité d’auteur dans les œuvres intégrant les apports de plusieurs personnes

La loi relative aux droits d’auteur et droits voisins prévoit un statut particulier pour certaines
catégories d’œuvre dont l’élaboration implique plusieurs auteurs.

Par ailleurs, la logique du droit d’auteur marocain, octroie toujours la qualité d’auteur aux
personnes physiques quand il y a pluralité d’intervenants (paragraphe 1), sauf lorsqu’il s’agit
d’une œuvre collective (paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les œuvres plurielles dont les auteurs sont de véritables créateurs

Il faut distinguer les œuvres de collaboration, qui supposent un concours des intervenants(A),
de celles qui procèdent à un remploi d’œuvres préexistantes(B).

A. Les œuvres de collaboration

Il s’agit ici de donner le cadre général des œuvres de collaboration (1) avant d’examiner un
cas particulier de collaboration, notamment les œuvres audiovisuelles (2).

1- Cadre général

Une œuvre de collaboration est une : « œuvre à la création de laquelle ont concouru deux ou
plusieurs auteurs ». Article 1er, alinéa 4 de loi 2-00 précitée. Il ne peut s’agir que de personnes
physiques et en aucun cas de personnes morales6.
La collaboration peut relever d’un genre unique. Par exemple, lorsque des auteurs rédigent
ensemble un ouvrage, réalisent un CD, ou procèdent à un réaménagement urbain. Elle peut
aussi réunir des auteurs en mêlant les genres d’interventions : comme dans le cas des paroles
et la musique d’une chanson.

Dans les deux cas, l’œuvre de collaboration est « la propriété commune des coauteurs », qui
sont, aux termes de l’article 32 de la loi 2-00 précitée, les premiers cotitulaires des droits
moraux et patrimoniaux sur cette dernière.

Toutefois, en vertu du même article, si une œuvre de collaboration peut être divisée en
parties indépendantes (c'est- à- dire si les parties de cette œuvre peuvent être reproduites,
exécutées ou représentées ou utilisées autrement d'une manière séparée), les coauteurs

6
En vertu de l’alinéa 1 de l’article 1er de la loi 2-00 précitée : « L’ « auteur » est la personne physique qui a créé
l'œuvre ; toute référence, dans cette loi, aux droits patrimoniaux des auteurs, lorsque le titulaire originaire de
ces droits est une personne physique ou morale autre que l'auteur, doit s'entendre comme visant les droits du
titulaire originaire des droits.
peuvent bénéficier de droits indépendants sur ces parties, tout en étant les cotitulaires des
droits de l'œuvre de collaboration considérée comme un tout.

Autrement dit, lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents,
chacun pourra, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle
sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune7.

2- Cas particulier de collaboration : Les œuvres audio-visuelles

L’œuvre audio-visuelle8 est une œuvre de collaboration. Ainsi, une image extraite d'une
œuvre audio-visuelle n'est pas considérée comme une œuvre photographique, mais comme
une partie de l'œuvre audio-visuelle9.

Par ailleurs, en vertu de l’article 36 de la loi 2-00 précitée, les premiers titulaires des droits
moraux et patrimoniaux dans une œuvre audio-visuelle sont les coauteurs de cette œuvre. La
loi établit donc la qualité de coauteurs de l'œuvre audiovisuelle en donnant une énumération
de ces coauteurs présumés : le metteur en scène, l'auteur du scénario, le compositeur de la
musique.

Le même texte considère les auteurs des œuvres préexistantes adaptées ou utilisées pour les
œuvres audio-visuelles comme assimilés à ces coauteurs. De la sorte, l'auteur d'un roman
adapté au cinéma devient automatiquement coauteur du film réalisé. Il s’agit ici d’une
dérogation au principe selon lequel la collaboration s’entend d’une communauté de travail.

Et c’est de là que provient la particularité de l’œuvre audio-visuelle ; l’auteur d’une œuvre qui
fait l’objet d’une adaptation audiovisuelle étant assimilé aux coauteurs de cette dernière
même en dehors de toute collaboration10.

B. Les œuvres réutilisant des œuvres préexistantes

Il s’agit ici de donner le cadre général des œuvres dérivés (1) avant de nous focaliser sur les
œuvres composites (2).

1- Le cadre général des œuvres dérivées

Par « œuvre dérivée », on entend toute création nouvelle qui a été conçue et produite à partir
d'une ou plusieurs œuvres préexistantes11.

7
X. DAVERAT, « Les titulaires du droit d'auteur », Droit de la propriété littéraire et artistique, (RECO.HTM) ;
cours.unjf.fr/course/view.php?id=120 ; op.cit.
8
Le 7ème alinéa de l’article 1er de la loi 2-00 précitée définit l’œuvre audio-visuelle comme une œuvre qui consiste
en une série d'images liées entre elles qui donnent une impression de mouvement, accompagnée ou non de
sons, susceptible d'être visible et, si elle est accompagnée de sons, susceptible d'être audible. Cette définition
s'applique également aux œuvres cinématographiques
9
Article 1er , point 9, alinéa 2 de la loi 2-00 précitée
10
X. DAVERAT, op.cit.
11
Article 1er, point 5 de la loi précitée
L'auteur d'une œuvre dérivée jouit de droits sur celle-ci. Mais l'activité du créateur de cette
œuvre est encadrée, pour ne pas porter atteinte au droit moral du créateur de l'œuvre
première. De plus, quand l'œuvre d'origine n'est pas tombée dans le domaine public,
l'autorisation de son auteur (ou de ses héritiers) est nécessaire pour réaliser l'œuvre dérivée.
En revanche, aucune autorisation n'est requise pour créer une œuvre dérivée à partir d'une
œuvre tombée dans le domaine public.

2- Les œuvres composites

Une « œuvre composite » est l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre
préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette œuvre12. L'œuvre composite est la
propriété de l'auteur qui l'a réalisée sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre
préexistante13.

Les traductions, les adaptations et autres transformations d’œuvres sont des œuvres
composites caractérisées par l’incorporation d’une œuvre ancienne dans une œuvre nouvelle.
L’autorisation de l’auteur de l’œuvre première est donc obligatoire, sauf si cette dernière n’est
plus protégée par le droit d’auteur.

Est donc considéré comme auteur de l'œuvre composite l'auteur de l'œuvre seconde, mais les
auteurs des œuvres premières conservent leurs droits (droit d'autoriser l'utilisation de leur
œuvre, de s'opposer à une atteinte ou d'obtenir le paiement de droits pour utiliser leurs
œuvres). En pratique, il convient de prévoir par contrat les compensations, notamment
financières, auxquelles ces derniers auront droit, en fonction des conditions d’exploitation de
l’œuvre composite.

Paragraphe 2-Les œuvres plurielles avec transfert des droits d’auteur : Les œuvres
collectives

Une « œuvre collective » est une œuvre créée par plusieurs auteurs à l'initiative d'une
personne physique ou morale qui la publie sous sa responsabilité et sous son nom, et dans
laquelle les contributions personnelles des auteurs qui ont participé à la création de l‘œuvre
se fondent dans l'ensemble de l‘œuvre, sans qu'il soit possible d'identifier les diverses
contributions et leurs auteurs14.

L’œuvre collective est une singularité qu’on retrouve dans le droit d’auteur marocain et
français aussi. Prenant en compte l’importance de l’investissement dans des créations
réunissant un grand nombre d’auteurs, les droits sur l’œuvre sont conférés à ceux qui

12
Article 1, point 6 de la loi 2-00 précitée
13
Article 34 de la loi 2-00 précitée
14
Article 1er, point 3 de la loi 2-00 précitée
financent au lieu d’être octroyés personnellement aux auteurs. La conception personnaliste
de la propriété littéraire et artistique s’en trouve remise en cause15.

Aussi, le premier titulaire des droits moraux et patrimoniaux sur une œuvre collective est la
personne physique ou morale à l'initiative et sous la responsabilité de laquelle l‘œuvre a été
créée sous son nom16.

On peut citer l’exemple d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie qui sont des œuvres
collectives créées sous la direction d’une personne physique ou morale qui va faire appel aux
aptitudes de divers intervenants, et va la publier sous son nom et sa responsabilité, sans qu’il
y ait concertation entre les différents intervenants dont les contributions personnelles de
chacun vont se fondre dans l’ensemble.

15
En fait, nous ne sommes pas très éloignés de la logique du copyright qui attribue le droit d’auteur à
l’investisseur, dans une logique industrielle, même si l’œuvre collective possède sa singularité.
16
Article 33 de la loi 2-00 précitée

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