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Dossier d’analyse Réflexive

Présenté par

Antonin FERNANDES

Dirigé par

Cathy Rolland

Année Universitaire 2022-2023


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Table des matières
1. Présentation succincte de l’objet du dossier..................................................................................2
1.1 Définition......................................................................................................................................2
1.2 Les deux processus mentaux..................................................................................................3
1.3 Intérêt et condition de mise en œuvre...................................................................................3
2. Présentation succincte du contexte d’intervention........................................................................4
3. Description de la mise en œuvre d’une analyse réflexive d’une séquence d’intervention.............6
Etape 1 : Description de l’expérience vécue.......................................................................................6
Etape 2 : Problématisation.................................................................................................................7
Etape 3 – Réflexion approfondie sur la problématique......................................................................7
Etape 4 – Conclusion sur sa professionnalité de l’intervention en APAS..........................................10
Bibliographie........................................................................................................................................10

1. Présentation succincte de l’objet du dossier


1.1 Définition

L’objet du dossier est l’analyse réflexive d’une de nos situations de stage. Avant de cibler une
expérience vécue précise, il est primordial de présenter et de définir ce qu’est une analyse réflexive.
Pour cela nous allons commencer par regarder au niveau de l’étymologie. Le terme d’Analyse est un
nom féminin qui vient du grec “analusis”, qui signifie “décomposition” correspondant à l’étude
minutieuse, précise faite pour dégager les éléments qui constituent un ensemble, pour l'expliquer,
l'éclairer. Maintenant le terme réflexive est un adjectif qui lui vient du latin “ reflexivus” qui renvoie à
tout ce qui est relatif au retour sur soi. Si on regarde la définition, réflexive ramène à la notion de
réfléchir plutôt que penser ce qui implique de mettre une certaine distance face à l'urgence qu’exige
l’action. Nous pouvons donc donner une définition étymologique de l’analyse réflexive : l’étude
minutieuse, méthodique et réfléchie d’une situation où notre conscience va être la clé pour dégager,
pour éclairer les divers éléments que compose l’action.

M. Jean Piaget, lui, associe pensée et réflexion et décrit l’analyse réflexive comme une démarche
souvent rattachée à l’activité philosophique. C’est une conduite intellectuelle qui consiste à partir
d’un objet de pensée quelconque pour en dégager la signification, les raisons ou les conditions de
possibilité. Cette conduite met en œuvre l’activation de schèmes mentaux qui se différencient et se
coordonnent de manière à aboutir à la clarification souhaitée. Il se base beaucoup sur la pensée en la
décrivant comme un objet qui construit des structures logiques à partir de ses propres opérations. À
l’inverse D. Schon, “Penser” et “Réfléchir” ne s’opposent pas, pourtant il différencie une “Réflexion”
dans l’action et une “Réflexion” sur l’action. A partir des travaux de Schon, Solveig Fernagu-

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Oudet établit une formule assez parlante : l’analyse réflexive c’est « marcher et se regarder
marcher ».

On remarque qu’il y a tout de même quelques divergences lorsque l’on arrive à une définition
précise. C’est pourquoi M. Perrenoud a décidé d’étudier ce sujet et a pu sortir une explication et une
définition précise. Il se rapproche plutôt de la théorie de Schon en faisant aussi les distinctions
concernant la réflexion sur l’action. Pour lui, la pratique réflexive fait référence à deux processus
mentaux dans la situation des pratiques d’enseignants qui amène à faire face à ces situations et
actions complexes, l’un se déroule plutôt dans l’action et l’autre après l’action, ce qui lui permet de
revenir sur ce qu’il a fait ou voulu faire. Les deux mécanismes sont deux voies différentes d’analyse
de la pratique d’entraînement qui peuvent être interprétrés grâce à deux types d’analyse de
l’activité, intrinsèque et extrinsèque. Perrenoud ramène ici donc deux notions primordiales de
l’analyse réflexive et aborde également des notions connues tel que la réflexion et l’action. Il nous
parle également de la temporalité d’une action et plus précisément du peu de temps à disposition du
pratiquant pour « réfléchir et décider de la marche à suivre ». Toute décision d’action est donc
personnelle en fonction des schèmes propres de la personne sans possibilité de consultation
d’autrui.

1.2 Les deux processus mentaux


Le premier processus mental décrit par Perrenoud consiste en la réflexion hors du feu de l’action,
dans laquelle réfléchir sur l’action est un processus de distanciation critique face à l’action passée.
Elle permet de questionner et de comprendre l’action, mais aussi d’apprendre et d’intégrer de
nouveaux savoirs objectivés qui vont orienter, guider et soutenir de nouvelles manières de faire.
Perrenoud la qualifie souvent de rétrospection et donc de réflexion rétrospective et prospective sur
l’action. Son objectif est d’évaluer l’action, éclairer les motifs qui l'animent et à prendre des décisions
au regard de nouvelles actions. Elle paraît donc nécessaire pour la réflexion dans l’action car elle sert
de référent pour l’action. “Lors de la réflexion hors du feu de l’action, le professeur n’est pas en train
d’interagir avec ses élèves, leurs parents ou des collègues. Il réfléchit à ce qui s’est passé, à ce qu’il a
fait ou essayé de faire, à ce que son action a donné. Il réfléchit aussi pour savoir comment continuer,
reprendre, affronter un problème, répondre à une demande ». Voilà comment il explique son
premier processus mental. Cependant, réfléchir sur l’action passée nécessite de prendre en compte
ce qui s’est passé d’un point de vue visible (extrinsèque) mais également invisible avec tout ce que
l’encadrant a voulu faire mais n’a pas fait (intrinsèque). Ainsi la réflexion sur l’action doit forcément
être l’interprétation de la réflexion dans l’action. La réflexion dans l’action est donc notre deuxième
processus mental. Il surgit pendant les phases d’intervention sur le terrain. C’est une analyse du «
dedans » qui porte son intérêt sur l’expérience que vit l’acteur. Elle consiste en une réflexion dans le
feu de l’action, Réfléchir dans l’action, pendant l’actualisation de la pratique, prendre des décisions
rapidement, dans l’urgence et l’incertitude des interactions avec les élèves vis-à-vis d’une situation,
d’un moyen, d’un problème, d’une activité en cours, d’une intention d’enseignement. C’est une
analyse dite en « 1ère personne », seule l’acteur de la situation va pouvoir nous éclairer sur ses
ressentis et pensée durant l’action. Ainsi le « Je » est au cœur du récit. Lors du processus d’analyse
réflexive, l'enseignant est amené à établir un retour sur ses propres pensées, ses actes. Cela va
permettre le développement de la “pensée analytique” ainsi que de son esprit critique en prenant du
recul sur la situation explicitée. Ce qui entraine normalement des remises en question, seul moyen

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de comprendre les problèmes et d’améliorer sa pratique. Les savoirs développés au cours des
expériences aident dans la prise de décision qui seront plus faciles à prendre et permet de ne pas
douter de ces mêmes décisions. (Boutin, 2004). De plus, lors d’une action d’encadrement ou
d’apprentissage, il y a également les autres interactions à prendre en compte pour comprendre la
situation dans la description de l’expérience vécue. Comme l’a montré Perrenoud en 1998 “nous
interagissons plus que nous n’agissons” c’est à dire qu’avant d’agir, j'interagis avec l’environnement
et les individus qui m’entourent. (Perrenoud - De la réflexion dans le feu de l’action à une pratique
réflexive, s. d.). Cela implique une analyse de l’individu ainsi que de l’environnement afin de trouver
la zone d’interaction à privilégier, c’est la théorie de l’énaction.

1.3 Intérêt et condition de mise en œuvre

Il existe trois principaux objectifs de la pratique réflexive qui sont tout d’abord la compréhension de
sa pratique. Cela implique de prendre conscience sur le plan cognitif des intentions poursuivies, des
choix réalisés, des modalités et des moyens adoptés et de la portée de ses paroles et de ses gestes
dans ses interactions en classe avec les élèves. Le deuxième intérêt est le changement de sa pratique
dans un objectif d’amélioration. Toute activité ne peut être parfaite. Ainsi la modification durable,
consciente, fondée, mûrie et acceptée, de ses pratiques enseignantes sous ses différents aspects
dans une perspective de mieux-être professionnel ne peut être que bénéfique. Enfin, le
développement des compétences professionnelles, ces mêmes compétences qui donnent une
meilleure maîtrise de ses fonctions enseignantes, qui donnent de la confiance en soi-même par les
capacités à analyser son travail sont primordiales pour travailler dans de bonnes conditions et de
manière optimale. L’analyse réflexive peut être possible que si certaines pratiques sont possibles.
Tout d’abord, c’est une pratique langagière, elle passe par la parole et l’interprétation de ses propres
paroles. De plus, elle est dialogique, il est impossible de réfléchir sur quoi que ce soit si il n’y a pas de
dialogue avec autrui ou avec soi-même. Toute fermeture au dialogue entraine une impossibilité
d’interprétation, de compréhension et donc d’amélioration. Et enfin elle est sociale, la réflexion est
issue de l’action qui est établie par les interactions sociales notamment.

2. Présentation succincte du contexte d’intervention

Pour ma troisième et dernière année de licence STAPS en Activité Physique Adaptée et Santé, j’ai
effectué un stage au sein de l'Office Municipal des Sports (O.M.S.) de la ville de Clermont-Ferrand.
Plus précisément, j’ai pu travailler dans l'Espace Sport Santé de la ville. J’ai été accompagné au cours
de ce stage de plus de 160h par mon maître d’apprentissage, Florian Elter, enseignant en activité
physique adapté et salarié de l’Espace Sport Santé, justifiant d’une expérience professionnelle et
d’une qualification suffisantes. L’Espace Sport Santé est basé à la Maison des Sports et depuis cette
année au stade Philippes Marcombes, également dans des locaux dédiés. Nous proposons aux
personnes, sportives ou non, souffrant d'une Affection Longue Durée (ALD), et aux personnes
souhaitant maintenir ou améliorer leur condition physique dans un objectif de santé, sur
recommandation de leur médecin, un espace pour pratiquer une activité physique adaptée. Pour
cela, suite à l’inscription, le patient bénéficie d’un rendez-vous avec l’un des médecins du sport de
l’Espace Sport Santé, une consultation d’une heure, pour une évaluation complète de son état de
santé et de ses limitations éventuelles avec un ECG au repos et une épreuve fonctionnelle
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respiratoire. Des examens complémentaires peuvent être prescrits, notamment une épreuve
d’effort avec VO²max. Puis, le patient est reçu en entretien individuel avec l’enseignant pour mieux le
connaitre et évaluer des composantes plus pratiques sur ses capacités, besoins, motivations,
préférences, sur ses objectifs, ses envies, ses antécédents en termes d’activité physique. À la suite de
cet entretien, un bilan de condition physique évaluant différentes composantes est réalisé. Les tests
de condition physique sont effectués tous les trois mois et sont identiques pour tous les patients de
l’Espace Sport Santé.

Toutes les séances sont organisées de la même manière en général sauf événements spéciaux. En
général, l’objectif de toutes les séances est de travailler en renforcement musculaire sur le corps
complet, en passant par tous les grands groupes musculaires. Les séances ont une durée d’une heure
et sont construites pour des groupes de 5 à 6 personnes afin maintenir un accompagnement
individuel et personnalisé. Elles favorisent la vie de groupe et les relations humaines entre
bénéficiaires. Les patients ont le choix lors de l’inscription de choisir une ou deux séances par
semaine, pas plus. L’objectif des deux enseignants APA est d’individualiser le travail au maximum
même si parfois certaines séances et jeux sont prévues en groupe. Les adhérents/bénéficiaires ont
des profils types très différents. On retrouve notamment des patients atteints de BPCO, des
personnes âgées, des personnes atteintes de cancer, d’obésité, en post AVC, de fibromyalgie, de
diabète de type 1 ou de type 2, de pathologie cardio-vasculaire telles que des insuffisances
cardiaques et d’autres encore avec des maladies plus rares comme la maladie de Crohn ou SAPHO.
Pour revenir sur la structure, L'Office Municipal du Sport de Clermont-Ferrand est une structure
associative indépendante, ouverte par l’intercommunalité de Clermont. L’association est régie par les
dispositions de la " loi de 1901" et affiliée à la Fédération Nationale des Offices Municipaux des
sports regroupant tous les acteurs du sport de son territoire de compétence. L’O.M.S.
fonctionne à travers les associations sportives clermontoises et la Municipalité. Il contribue à la
promotion du sport et de l’activité physique au sein de la ville de Clermont-Ferrand ainsi qu’à
l’élaboration de la politique sportive locale. Son objectif fondamental est le même que celui de la
Fédération des O.M.S. de France (F.N.O.M.S.) : permettre à un maximum de citoyens de bénéficier
des pratiques du sport et de l’activité physique, chacun à son meilleur niveau. L’O.M.S. est composé
d’un comité directeur de 39 membres, représentatifs de l’ensemble des clubs clermontois, élus,
répartis dans plusieurs collèges et d’un bureau exécutif de 10 membres : une Présidente, trois Vices
Présidents, un Trésorier et un Secrétaire, deux Adjoints au Maire, un Président d’honneur et un
Conseiller Municipal délégué. Cette structure reste donc une association, il est donc primordial d’être
accompagné par des partenaires d’un point de vue financier obligatoirement mais aussi humain. Les
partenaires financiers de l’Espace Sport Santé sont la Ville de Clermont-Ferrand, le département du
Puy-de-Dôme, Sport Santé Auvergne Rhône Alpes, le DAHLIR, l’Agence Nationale du Sport et « Le
Petit Auvergnat ». Les partenaires « institutionnels » de l’Espace Sport Santé, nécessaires au bon
déroulement de l’association sont notamment la Ville de Clermont-Ferrand. Son implication est
multiple. Tout d’abord 8 conseillers municipaux siègent au Comité Directeur de l’O.M.S. La ville met à
disposition des locaux de l’Espace Sport Santé et autres équipements sportifs, tels que les bureaux et
une salle de musculation au stade Philippe Marcombes ainsi qu’une autre salle et l’accès à la salle de
musculation à la Maison des sports. De plus, des partenariats sont en cours avec certaines maisons
de quartier pour une plus grande accessibilité.
L’espace sport santé est également engagé dans de nombreux programmes et projets divers et variés
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toujours autour de l’activité physique bien évidemment. Voici les principaux :

Figure 1, différents programme de Clermont sport santé

D’un point de vue matériel, nous disposons de trois salles de musculation, toutes les infrastructures
de la maison des sports sous réservation telles que la salle de judo, les pistes d’athlétismes, les
terrains de basket…. En matériel précis et à temps plein, dans la salle uniquement dédiée à l’espace
sport santé, nous disposons d’un vélo, un skierg, une machine de tirage, un leg curl et extension, un
banc de musculation, des altères, une barre de musculation, un banc de développé couché assisté
puis toute une salle couverte de tapis au sol pour des exercices au sol avec médecineball, swissball,
un espalier, et bien d’autres équipements.
Pour finir, il est important de préciser que parfois, des interventions dans d’autres structures étaient
proposées par l’OMS. J’ai eu l’opportunité d’en animer quelques unes dans des structures proches de
chez moi notamment et c’est lors d’une de ses interventions que j’ai vécu l’expérience remarquable
que je vais vous décrire.

3. Description de la mise en œuvre d’une analyse réflexive d’une


séquence d’intervention

Etape 1 : Description de l’expérience vécue

Je vais donc vous décrire l’expérience que j’ai vécue, une situation dans laquelle j’ai perdu le contrôle
du groupe et me suis retrouvé dans une situation d’inconfort sans savoir quoi faire. La situation se
déroule lors de ma première intervention seul dans la MARPA de Pérignat Es-Allier. Quand je dis seul,
c’est que personne de la structure de l’OMS n’était présent. Même l’animatrice de cette MARPA, qui
devait être présente, était malade. J’étais déjà venu rencontrer les patients la veille mais je ne les
connaissais pas plus que cela. La directrice de la structure m’a tout de même fait confiance pour
animer cette séance et m’a donc laissé travailler et mettre en place l’activité choisie avec l’animatrice
la veille. Lors d’une première séance, nous essayons de rester dans des domaines et activités que les
patients connaissent déjà avant de vite passer à de nouvelles méthodes, objectif de notre
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intervention. Ainsi j’ai choisi un jeu d’adresse relativement similaire à ceux qu’ils pouvaient faire tout
en ajoutant ma touche personnelle afin d’arriver le plus rapidement possible à mes objectifs. Ayant
déjà quelque expérience dans l’animation et l’encadrement, malgré les absences, tout était à ma
portée. Cela ne m’a pas empêché, comme à mon habitude, d’être extrêmement stressé par la
situation pleine d’inconnu et imprévu.
Comme établi avec l’animatrice la veille, 5-10 minutes avant le début de l’activité, je suis parti
proposer l’activité aux patients dans leur appartement. Je fais donc le tour de tous les appartements,
puis retourne dans la salle d’activité et patiente le temps qu’ils arrivent. Je me retrouve donc avec six
patients contre environ dix habituellement. On pourrait le voir comme un échec mais à ce moment
précis je suis, à l’inverse, plutôt content et soulagé d’avoir un petit peu moins de patients à gérer.
Juste avant le début de l’activité, un autre groupe vient à ma rencontre et me demande s’ils peuvent
se mettre sur une table à côté pour jouer à la belote. Après leur avoir proposé mon activité et voyant
qu’ils ne sont pas intéressés, j’accepte de les laisser jouer ne voyant aucun inconvénient à cela. Mon
activité démarre et se déroule à merveille, j’essaye d’animer au maximum, tous les patients semblent
s’amuser et se dépenser en même temps. J’assure les personnes qui présentent un risque de chute
important, j’arbitre, je varie la pratique au maximum tout en restant sur la base du jeu de précision
et d’adresse. Ce jeu, d’ailleurs se déroule grâce à des palets en bois et des boites de conserve, ce qui
entraine une quantité de bruit assez conséquent mais habituelle avec ce matériel qu’ils utilisent
souvent. Au milieu de l’activité, la directrice vient même voir si tout va bien et tous les patients lui
répondent positivement ce qui me donne un peu plus confiance. L’activité se poursuit, toujours
bruyante à cause du bruit des palets mais également avec les encouragements et félicitations que j’ai
réussi à mettre en place au cours de la séance.
Vers la fin de mon intervention, un homme du groupe qui jouait à la belote, se lève et ne pouvant
plus supporter le bruit, se met à crier sur une patiente qui était en train d’encourager une amie. Cet
homme s’énerve assez rapidement et se met à hurler et même injurier la pratiquante et moi-même à
cause de ce bruit. A ce moment, je me retrouve paralysé, ne sachant que faire. Je n’ai donc pas su
réagir à la situation dans l’immédiat, la situation a continué à s’envenimer lorsque la patiente
insultée s’est mise à répondre. Cette situation d’inconfort, de malaise et de honte dans laquelle je me
trouvais a duré une éternité. J’ai enfin eu une réaction à l’activité lorsque la directrice est arrivée
dans la salle. J’ai décidé d’arrêter l’activité immédiatement pour tenter d’apaiser les tensions.
J’ai appris par la suite qu’il existait une relation conflictuelle entre les deux patients et également que
l’animatrice ayant déjà connu ce genre de situation ne laissait jamais deux activités se dérouler en
même temps dans cette pièce.

Etape 2 : Problématisation

La problématique que je vais exposer est ressortie comme une évidence de mon expérience vécue,
elle va me permettre de mettre en lumière les aspects qui ont été significatifs pour moi et d’essayer
d’en tirer des enseignements pour ma future pratique professionnelle. Si l’on reprend la définition
étymologique énoncée précédemment, je vais tenter de pratiquer une étude minutieuse,
méthodique et réfléchie de la situation exposée afin de pouvoir dégager, éclairer les divers éléments
qui composent l’expérience vécue.

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Ainsi j’ai donc choisi la problématique suivante : Je souhaiterai comprendre pourquoi j’ai été dans
l’incapacité de gérer les deux groupes en simultané ?

Etape 3 – Réflexion approfondie sur la problématique

L’expérience vécue que j’ai explicitée précédemment m’a atteint personnellement dans ma pratique
et en tant que personne. Ainsi, il est important d’essayer grâce à la problématique qui en est
ressortie d’effectuer un traitement approfondi en convoquant des appuis théoriques en offrant des
points de vue différents, susceptibles d’encourager des discussions. Pour cela il me semble primordial
d’analyser point par point la problématique. Lorsque que je relie cette question, pour moi il y a trois
termes qui ressortent. Le premier étant incapacité, le second gérer et enfin le dernier simultané. Ces
trois termes sont donc les grands points de la problématique et sont également présents dans le récit
de l’expérience vécue. Il est donc selon moi primordial de les définir et de tenter de comprendre leur
implication dans la situation. Tout d’abord le mot incapacité. Selon le dictionnaire Larousse,
l’incapacité est ; « État, situation de quelqu'un qui n'est pas capable de faire quelque chose » ou
encore « État de quelqu'un qui n'a pas les aptitudes requises pour remplir telles fonctions ». Ces
deux définitions impliquent directement la personne qui tente d’effectuer une tâche mais qui n’y
parvient pas, il n’est pas capable ou n’a pas les aptitudes requises pour effectuer la tâche qu’il
souhaitait faire ou faire faire. Dans notre situation, le mot incapacité dans la problématique n’a pas
été choisi au hasard. Se présentent deux explications selon moi à partir de ces définitions, soit la
personne apprenante s’est mise en difficulté en se mettant dans une situation dans laquelle elle
savait qu’elle n’avait pas les capacités soit elle pensait en être capable mais s’est rendu compte de
son inexpérience. Dans les deux cas, cette incapacité est ressentie comme un échec pour l’encadrant
dans la majorité des cas et nous indique donc l’état psychologique dans lequel s’est retrouvé
l’encadrant pendant cette situation. Les mots ne sont jamais choisis au hasard et donnent de
nombreuses réponses sur les caractéristiques intrinsèques de la personne. Pour aller plus loin sur
cette notion, Jean-Louis Genard a publié en 2015, L’Humain sous l’horizon de l’incapacité. Ce
philosophe et sociologue nous parle d’un point de vue plutôt anthropologique, de la manière dont la
société et la culture influencent la notion de capacité et incapacité. Au XIXème siècle, la distinction
entre les êtres capables et les êtres incapables était importante. Après ce siècle, la vision évolue on
parle maintenait d’un continuum anthropologique, cela impliquerait que l’humain se situe quelque
part entre la capacité et l’incapacité. D’un côté, l’humain fragile et vulnérable et de l’autre l’homme
capable, autonome, qui trouve toujours des ressources et n'est jamais totalement irresponsable.
Ainsi tout homme se situe quelque part entre cette vulnérabilité et sa capacité de trouver les
ressources. Cela nous ramène donc à cette notion de capacité d’exécution de la tache mais dans
l’échec, la fragilité et la vulnérabilité qui ressortent et restent. Et c’est ce que M.Genard nous
explicite par la suite, il utilise les termes de « glissement anthropologie qui tente vers les extrema de
ce continuum ». Et ce qui est étonnant mais qui trouve une explication, c’est que les personnes
tendent d’un coté ou de l’autre du continuum, les répercutions sur ce dernier sont, dans la majorité
des cas, négatives. En effet, il a pu remarquer que d’un coté la fragilité et la vulnérabilité sont très
souvent vues d’un point de vue social et culturel comme négatives. Et de l’autre lorsque la capacité
devient la norme, cette normalité peut être saisie comme déficience car l’augmentation et
l’amélioration des capacités n’est plus ou très peu possible. Ainsi, comme dans de nombreux
domaines, les extrêmes sont négatifs. Et c’est donc le cas dans notre étude, le mot « incapacité » est
plutôt du coté de l’extrema de la fragilité et de la vulnérabilité du continuum qui sont difficiles à vivre
pour l’encadrant.

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Passons au deuxième terme, le mot simultané qui a pour définition selon Le Larousse ; « Qui se
produit en même temps ». Dans notre cas ce qui est simultané ce sont les deux activités qui se
déroulent en même temps. Pour reprendre notre situation plus en détail, ce qu’implique ce terme
simultané c’est également que les deux activités sont au même niveau d’importance pour
l’encadrant, que ce sont deux situations d’enseignement similaires de même valeur. A partir de cela,
si on se base sur ce que nous a présenté M. Jean Houssaye et son triangle cela se schématiserait
comme suit.

savoir Savoir

Activité
Belotte
lancer
Pratiquant Intervenant Pratiquant
Le modèle de Houssaye se présente sous la forme d’un triangle comme ci-dessus (un
seul). Il définit tout acte pédagogique comme l’espace entre trois sommets d’un
triangle : l’enseignant, l’étudiant, le savoir. Derrière le savoir se cache le contenu de la formation par
exemple. L’enseignant ou l’encadrant va être celui qui va transmettre et faire apprendre le savoir.
Pour que cela fonctionne, toutes les branches doivent être « reliées ». Si l’un des relations/ processus
vient à se rompre, la situation d’apprentissage ne peut plus être effectuée. Lorsque qu’une branche
est rompue, l’un des trois sommets prend la place du mort, cela implique qu’il ne peut plus agir dans
le triangle ce qui entraine une incapacité d’apprentissage.

Si l’on reprend donc l’expérience explicité précédemment et le concept de Houssaye, voilà ce que
cela donnerait. La même attention de donner le savoir aux pratiquants des deux groupes avec les
processus d’apprentissage et d’enseignement ainsi que la même relation humaine équivalente entre
les deux. Pour que cela fonctionne, il faudrait donc que toute les relations qui coexistent dans le
triangle soient tout d’abord présentes et ensuite utiles et équivalentes. Si une relation est rompue,
un sommet prend la place du mort. Le premier triangle étant l’activité de lancer, le triangle est
maintenu lors de l’activité et donc la situation d’apprentissage peut être présente. L’encadrant est
impliqué en tant que donneur de savoir, les pratiquants reçoivent et exécutent les consignes et
prennent le savoir, la relation humaine est bien présente également. Personne ne prend la place du
mort et la relation d’apprentissage est possible. Pour le deuxième triangle ce n’est pas la même
histoire. Il n’y a aucune relation entre les trois sommets, l’encadrant n’est jamais intervenu et ne
donne donc aucun savoir, les pratiquants ne reçoivent pas de savoir et aucune relation n’existe entre
les deux. Ainsi il ne peut pas y avoir de triangle et donc de situation d’apprentissage.

Interférence
Pratiquant

Pratiquant Encadrant

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Le réel schéma ressemblerait plutôt à cela avec une situation d’apprentissage unique et réelle qui
vient être perturbée par une interférence induite par un autre pratiquant ce qui entraine l’arrêt de
l’activité. Il ne peut y avoir deux situations d’enseignement en simultané. Dans cette situation il n’y a
donc pas deux groupes en simultané à gérer.

En parlant de gestion, pour le troisième et dernier terme de cette problématique, nous avons donc le
verbe gérer. Que représente ce mot pour l’encadrant dans sa pratique et bien évidement dans cette
situation ? Tout d’abord comme précédemment une définition est nécessaire, il en existe différentes,
certaines transitives, d’autres non. Celle qui va nous intéresser dans cette situation est la suivante :
« S’occuper activement d’un problème, affronter une situation difficile ». En effet, étant à la suite du
mot incapacité pour lequel nous avons vu la négativité, le verbe gérer avec la négation qui
l’accompagne se veut négatif également. Cette définition incluant une difficulté et un problème
rejoint bien le ressenti évoqué précédemment et vient conforter notre hypothèse. Mais est- ce
vraiment la seule raison qui m’a poussé à utiliser ce terme ? Pour cela il faudrait poser la question
suivante : qu’est-ce que gérer ? Dans une situation d’apprentissage et d’encadrement, on associe
très souvent la gestion d’un groupe à la capacité de l’encadrant de susciter et/ou maintenir l’activité.
Pour susciter ou maintenir l’activité, il est donc nécessaire d’avoir une situation d’apprentissage.
Ainsi l’aspect de la gestion ne peut fonctionner que sur le groupe de l’activité de lancer. Arriver à
trouver l’activité sur laquelle l’encadrant, bien que potentiellement engagé sur plusieurs activités, va
agir de manière prioritaire est primordiale. En effet, il est essentiel de définir une activité priorité et
de faire valoir cette priorité sous peine de prendre la place du mort dans la situation d’enseignement.
Pour revenir donc sur notre gestion du groupe, il est donc nécessaire pour gérer d’avoir plusieurs
conditions rassemblées. Tout d’abord, une situation d’enseignement ce qui implique tout ce que
nous avons explicité précédemment, puis susciter l’activité. Pour susciter l’activité, certains mots
sont primordiaux tels que la motivation ou l’adhésion. Si les pratiquants n’adhèrent pas, cela
n’impliquera aucune activité d’apprentissage car le triangle ne pourra être construit puisque les
pratiquants ne seront pas dans leur rôle d’apprenant. Pour cela il est nécessaire de les enrôler, cela
passe par la compréhension de la situation, des apports, bienfaits et conséquences que cela va
impliquer. Plus rapidement dit, il faut que cela fasse sens pour les patients. C’est grâce à ce sens que
les pratiquants vont mettre sur la situation l’intérêt de l’activité et que la situation d’apprentissage
sera suscitée. C’est comme cela que la gestion du groupe sera optimale.

Etape 4 – Conclusion sur sa professionnalité de l’intervention en APAS

Cette analyse réflexive de ma pratique m’a permis de me rendre compte de l’erreur que je faisais lors
de cette situation précise, pas dans la pratique mais dans l’analyse que j’en avais fait de manière
rapide. Ce qui m’était resté était uniquement l’échec de la situation et cet envenimement de la
situation que je n’avais su contrôler. Cela n’était pas forcement négatif mais pas optimal. Le fait
d’avoir retravaillé sur cette situation m’a permis d’apprendre de ma pratique, ce qui me sera utile
pour la suite. Je me suis rendu compte au travers de l’analyse que même ma problématique ne
convenait pas. En effet, j’ai voulu comprendre pourquoi la gestion des deux groupes que j’avais en
charge n’avait pas pu être assurée. Or j’étais très loin de la réalité de la situation. En réalité, il n’y
avait donc qu’un groupe pour lequel j’ai réussi à construire une relation d’apprentissage qui a été
interrompu par l’autre groupe pour lequel je n’avais pas construit de situation d’apprentissage. Pour
cela, le concept d’activité prioritaire est primordial et plus précisément, le fait de faire valoir cette
priorité. De plus, j’ai pu en apprendre un peu plus sur moi-même et sur ma façon de penser en
situation. Bien que connaisseur de mes lacunes de confiance, les mots que j’ai choisi pour cette
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problématique erronée sont révélateurs de ma personnalité et de ma façon de voir les choses. J’ai
probablement de nombreuses choses à changer ou à améliorer de manière personnelle mais au
moins j’ai pu prendre conscience des choses au niveau de ma pratique ce qui me permettra
d’améliorer cela dans le futur pour devenir un professionnel plus expérimenté. Je suis persuadé que
pour améliorer sa pratique et sa façon de faire il est primordial de se remettre en question à tout
point de vue. Ainsi cette méthode qu’est l’analyse réflexive est primordiale dans la vie personnelle et
professionnelle de tout individu.

Bibliographie

Anon. s. d.-a. « COMPETICE ». https://eduscol.education.fr/bd/competice/superieur/competice/libre/


qualification/q3a.php).
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