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Chapitre 1 - La police administrative

Section 1 - La notion de police administrative

La notion de police administrative a un double sens :


• l’action des forces de l’ordre
• les compétences de certaines autorités publiques

assurent la protection de l’ordre public

La police administrative est la fonction de l’administration qui a pour but de


faire régner l’ordre public en imposant aux membres de la société des
restrictions à leur liberté pour assurer la discipline qu’exige la vie sociale.
• maintient l’ordre public
• prévient les troubles

Paragraphe 1 - La police administrative et la police judiciaire

A) Les critères jurisprudentiels de distinction

Principe de séparation des autorités administratives et judiciaire :

POLICE JUDICAIRE
gardienne de la liberté individuelle

POLICE ADMNISTRATIVE GÉNÉRALE


agit au nom du pouvoir exécutif
SPÉCIALE

La jurisprudence est venue poser 2 critères de distinctions

1) Le critère finaliste

Police administrative : but préventif (prévenir, éviter les troubles)

Police judiciaire : but répressif (contaster les infractions, rassembler les


preuves, arrêter les auteurs)

➜ arrêt Consorts Baud, CE sect., 11 mai 1951

➜ arrêt Dame Noualek, TC, 7 juin 1951


MAIS la distinction prévention/répression ne se suffit pas toujours, il faut
surtout prendre en compte l’intention poursuivie.

➜ arrêt Tayeb, TC, 15 janvier 1968

➜ arrêt Société Frampar, CE ass. 24 juin 1960

2) Le critère précisé

Une opération peut être mixte (cumul de 2 finalités ou une finalité se


transforme en une autre) : le juge se fonde sur le but essentiel de l’action

Exemples de transformation d’une police en une autre :

➜ arrêt Société Le Profil, TC, 12 juin 1978


➜ arrêt Demoiselle Motsch, TC, 5 décembre 1977

Exemples de cumuls des polices :

➜ ordonnance Ministre de l’intérieur contre Société les Productions de la


Plume, CE, 9 janvier 2014

➜ arrêt AGRIF, CE, 9 novembre 2015

B) Les conséquences juridiques de distinction

1) Les conséquences sur les autorités compétentes

Les agents de police administrative et les agents de police judiciaire sont


les mêmes (policiers, gendarmes...)

MAIS les autorités responsables de ces polices sont différentes .

POLICE JUDICIAIRE Article 66 de la Constitution : la police


judiciaire est placée sous la responsabilité
des autorités judiciaires (ministère public,
procureurs)
POLICE ADMINISTRATIVE La police administrative est sous la
responsabilité des autorités
administratives : C’est le principe de
localité

STRUCTURE ÉTABLIE AVEC LA LOI DU 5 AVRIL 1884 :

• maire = commune • préfet = département


Chargé de la police exerce la fonction générale
municipale, représentant de d’animation et de coordination de
la commune et de l’État l’ensemble du dispositif de sécurité
intérieure au nom de l’État

STRUCTURE ÉTABLIE PAR LA JURISPRUDENCE :

• premier ministre = nation

➜ arrêt Labonne, CE, 8 août 1919

➜ arrêt sieur Bouvet de la Maisonneuve, CE, 4 juin 1975

MAIS il existe des exceptions au principe de localité.

• lorsqu’un trouble se trouve dans 2 communes : le préfet est


compétent
• lorsqu’il y a une carence du maire, le préfet est compétent : la
substitution
• lorsqu’une délinquance urbaine sévit dans une commune concernant
la tranquillité publique, le préfet est compétent : la police étatisée
• concernant la dignité humaine toutes les autorités peuvent agir

➜ arrêt Madame A, TA, 3 août 2020

2) Les conséquences sur les juridictions compétentes

En principe, la compétence suit le fond : les activités de police


administratives relèvent du juge administratif et les activités de police
judiciaire relèvent du juge judiciaire.
MAIS un dommage peut se trouver à la fois dans une opération de police
administrative et dans une opération de police judiciaire.

➜ arrêt Société Le Profil, Tc, 12 juin 1978

Il existe une exception au principe de liaison de la compétence et du fond

➜ arrêt Trésor public contre Giry, Cour de cass, 23 novembre 1956

Paragraphe 2 - La police administrative générale et les polices


administratives spéciales

A) L’élément systématiquement distinctif

POLICE ADMINISTRATIVE SPÉCIALE POLICE ADMINISTRATIVE GÉNÉRALE

Elle est organisée par des Elle est susceptible de


textes particuliers s’appliquer à toute personne,
Elle a un champ d’application toute situation, toute activité
restreint car elle concerne que en tout temps et tout lieu
certaines personnes, certains
lieux, certaines situations

Exemple : police administrative spéciale sur l’état


d’urgence sanitaire créée par la loi du 23 mars 2020

B) Les éléments potentiellement distinctifs

La création de police administrative spéciale permet de donner des


pouvoirs de police administrative à des autorités qui n’ont pas de police
administrative générale et de permettre des buts que la police
administrative générale ne permet pas.

3 éléments de distinction :
• les autorités compétentes
• les buts poursuivis
• les procédure d’édiction et d’exécution
1) Les autorités compétentes

POLICE ADMINISTRATIVE GÉNÉRALE POLICE ADMINISTRATIVE SPÉCIALE


= maire, préfet, Premier ministre = maire, préfet, Premier ministre +
habilitation par un texte

Exemples : police des autoroutes par le ministre de l’intérieur et police du


cinéma par le ministre de la culture

2) Les buts poursuivis

• prévenir les troubles à l’ordre public MAIS l’ordre public à protéger


• maintenir l’ordre public n’est pas forcément le même :

POLICE ADMINISTRATIVE GÉNÉRALE : sécurité, salubrité, tranquillité publique

POLICE ADMINISTRATIVE SPÉCIALE : sauvegarde de l’esthétisme (police de


l’affichage, de la publicité et des enseignes), protéger l’environnement
(police de l’eau), lutter contre le dérèglement climatique (police de l’accès
aux espaces protégés)

3) Les procédures d’édiction et d’exécution

Les polices administratives spéciales sont soumises à un régime


procédural différent :
• procédure contradictoire pour décider d’une mesure de police
• exécution d’office ou forcée, sans autorisation préalable du juge

Les sanctions pénales en cas de violation d’une mesure de police


administrative spéciale sont plus sévères
Section 2 - Le régime juridique de la police administrative

Paragraphe 1 - Les buts de la police administrative

La protection de l’ordre public justifie que l’administration porte


atteinte aux droits fondamentaux

A) L’ordre public matériel

• La sécurité publique
Protéger l’intégrité physique des individus et des biens, les
habitants doivent vivre sans menace particulière

= protéger les individus contre les autres mais protéger les individus
contre eux même

➜ arrêt Sieur Bouvet de la Maisonneuve, CE, 4 juin 1975

• La tranquillité publique

éviter les troubles excessifs de la vie en société (nuisances


sonores)
➜ arrêt Couveinhes et Association sortir du fond, TA, 22 novembre 1995

• La salubrité publique

lutter contre les risques sanitaires, veiller à la salubrité


des eaux, des denrées alimentaires, le nettoyage des rues
= garantir l’hygiène et la santé publiques

B) L’ordre public immatériel (la moralité)

Aucun arrêt de principe où le Conseil d’Etat consacre la moralité


publique comme composante de l’ordre public

MAIS consécration d’une partie : le respect de la dignité humaine

+ la jurisprudence accepte des mesures qui ne s’explique que par le


fondement de la moralité publique
1) La consécration du respect de la dignité de la personne humaine

➜ arrêt Morsang-sur-Orge, CE ass., 27 octobre 1995

➜ arrêt AGRIF, CE, 9 novembre 2015


= la composante de dignité humaine se suffit à elle même (pas besoin
de trouble matériel)

➜ ordonnance Ministre de l’intérieur contre Société Les Productions de


la Plume, CE, 9 janvier 2014
= le Conseil d’Etat parle d’atteintes au respect des valeurs et
principes consacrés par la DDCH et à la tradition républicaine

➜ Ordonnance Ligue des droits de l’Homme, CE, 26 août 2016


= pas d’élargissement : la 4ème composante n’est que la dignité
humaine

2) L’absence d’exclusion absolue de la moralité publique

Le Conseil d’Etat n’exclut pas la moralité publique SEULEMENT s’il y a des


circonstances locales particulières (appréciation stricte)

➜ arrêt Ville de Lyon, CE, 11 mai 1977

➜ arrêt Société Les films Lutétia, CE, 18 décembre 1959

➜ arrêt commune d’Aix en provence, CE, 26 juillet 1985

Paragraphe 2 - Les compétences des autorités de police administrative

A) L’obligation d’agir

Les autorités administratives sont obligées d’agir, en cas de carence


(inaction ou action insuffisante) il y a 2 sanctions :

• condamnation à verser des dommages-intérêts

Un administré qui a subit un préjudice peut engager la


responsabilité de l’administration MAIS la sanction ne change
rien à la situation de base

➜ arrêt Association La vie Dejean, CE, 9 novembre 2018


• condamnation à annuler la décision litigieuse

Cette sanction change totalement la situation car


l’administration est obligée d’intervenir par la suite

➜ arrêt Doublet, CE, 23 octobre 1959

La première sanction est systématique envisageable

La seconde sanction n’est possible que dans certains cas :


= évolution de la jurisprudence

À l’époque de l’arrêt Doublet : seulement en cas de péril grave résultant d’une


situation dangereuse pour l’ordre public (atteinte à la dignité humaine,
traitements inhumains et dégradants)

➜ Ordonnance Association Médecins du Monde, CE, 23 novembre 2015

➜Ordonnance Syndicat sud Santé Sociaux Haute-Garonne, TA, 16


décembre 2021

Pas d’arrêt de principe concernant l’élargissement mais décisions


récentes des juridictions du fond : lorsqu’un trouble est suffisamment
grave

➜ arrêt Madame A, TA, 3 août 2020

B) L’interdiction de déléguer

L’activité de police administrative est une activité régalienne donc elle


ne peut être exercée que par des agents et autorités publiques

= ARTICLE 12 DE LA DDCH

➜ arrêt Ville de Castelnaudary, CE, 17 juin 1932

➜ arrêt Commune d’Ostricourt, CE, 29 décembre 1997

➜ décision QPC Société Air France 2, CC, 15 octobre 2021


MAIS application souple de ce principe : les juridictions administratives
se posent 3 questions pour savoir si la délégation des missions de
police administrative est légale :

• mission normative ou mission matérielle ?


normative = illégale matérielle = légale

• mission essentielle ou mission accessoire ?


essentielle = illégale accessoire = légale

• sous le contrôle de l’administration ou pas ?


sans contrôle = illégale avec contrôle = légale

C) La détermination de l’autorité compétente

Plusieurs autorités de police administrative peuvent intervenir pour


un même risque : les concours de police

Une même autorité de police administrative peut intervenir pour


plusieurs risques : la répartition des compétences

1) La répartition des compétences

Principe de localité : les exceptions :


• maire = commune • le respect de la dignité humaine
• Préfet = département • substitution du préfet au maire
• Premier ministre = nation • police étatisée : le préfet
compétent pour la tranquillité
publique
Principe de hiérarchie :
les autorités sont soumises aux décisions des autorités supérieures
les décisions prises au niveau central s’imposent aux autorités locales

MAIS en cas de circonstances locales particulières, une autorité


locale peut aggraver ou préciser une décision supérieure

➜ arrêt Neris-les-Bains, CE, 18 avril 1802

➜ arrêt Labonne, CE, 8 août 1919


2) Les concours de police

• entre 2 autorités spéciales : principe d’indépendance des


législations

chaque police prend des décisions sans tenir compte des actes
d’autres polices = chaque police peut intervenir

• entre une police générale et une police spéciale : principe


d’exclusivité

L’intervention de la police spéciale rend inutile celle de la police


générale car les lois spéciales dérogent aux lois générales. 3 cas de
figure possible :

- existence de la police spéciale exclue l’intervention de la police


générale

➜ arrêt Commune de Valence, CE, 24 septembre 2012

- existence de la police spéciale exclue l’intervention de la police


générale SAUF en cas d’urgence pour prévenir un péril grave et
imminent

➜ arrêt SCI la Pommardière, CE, 28 juin 2019

- existence de la police spéciale exclue l’intervention de la police


générale SAUF en cas de circonstances locales particulières

➜ arrêt Société Les films Lutétia, CE sec., 18 décembre 1959


Section 3 - Le contrôle juridictionnel des mesures de police
administrative

Les mesures de police administrative qui tendent à instaurer une


autorisation préalable sont illégales (sauf exception législative
uniquement).

La France est un État libéral : pas d’autorisation de l’administration pour


agir, on est sanctionné après avoir fait quelque chose d’illégal pas avant.

➜ arrêt Lacanau, TA, 28 octobre 2020

➜ arrêt Daudignac, CE, 22 juin 1951

MAIS une mesure de police qui porte atteinte aux libertés n’est pas
toujours illégale.

Les conditions pour qu’une mesure de police administrative soit légale :

1 - La décision doit être prise sur le fondement de trouble à l’ordre


public (sécurité, salubrité, tranquillité, dignité)

2 - La décision doit faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité


par le juge : nécessaire (but légitime), adaptée (prise par une
autorité compétente) et proportionnée (pas au delà de ce qui est
nécessaire)

• contrôle dit maximum : le plut exigeant, le plus approfondit

• principe de conciliation entre l’ordre public et la liberté = condition


à la légalité

• mesure strictement proportionnée, strictement nécessaire

➜ arrêt Benjamin, CE, 19 mai 1933


Formule du commissaire Louis Corneille qui explique pourquoi Ce contrôle
est si exigeant : « Pour déterminer l’étendue d’un pouvoir de police dans un
cas particulier, il faut tout de suite se rappeler que les pouvoirs de police
sont toujours des restrictions aux libertés des particuliers (...) que la
liberté est la règle et la restriction de police l’exception »

➜ arrêt Baldy,CE, 10 aout 1917

Plus la mesure va être générale et absolue, plus elle est étendue et


permanente (pas de limite de temps , plus il y a de chance qu’elle
soit illégale

➜ arrêt Commune de L’étang Salé, CE, 11 juin 2012

➜ arrêt Monsieur Laurent L, CE, 9 juillet 2003

➜ arrêt Monsieur E, CE, 11 janvier 2022

MAIS des mesures générales et absolues peuvent être légales

➜ arrêt Morsang-sur-Orge, CE sec., 27 octobre 1995

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