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Aram TERZIAN – L2 Droit Sceaux

Droit Administratif
04.01.23

Partie 3 – Les missions de l’administration


Les missions administratives sont les activités prises en charge par l’administration
donc soumises au droit administratif. Toutefois, certaines missions d’intérêt général ne sont
pas soumises au droit administratif. Concrètement, les missions administratives sont la police
administrative et le service public. Elles sont exercées par l’administration à l’aide de
prérogatives, notamment parce qu’elles se concrétisent en des prestations normatives (=
prestations d’actes) mais aussi en des prestations matérielles (la distribution d’eau potable, le
fait de bénéficier de routes et de transports en commun).
On range ces fonctions en deux catégories que l’on considère comme étant
exhaustives : la police administrative (mission exercée par l’État pour assurer l’ordre public)
et le service public (activité d’intérêt général assurée ou assumée par une personne publique).
Jusqu’à très récemment, ces deux catégories étaient présentées par la doctrine comme étant
exhaustives. Puis il y a eu dans cert ains manuels une troisième catégorie : la régulation.
Selon le professeur, on n’en est pas encore là : ce que les auteurs passent sous la notion de
régulation est en réalité un ensemble de police administrative spéciale qui est donc à ranger
dans le tiroir de police administrative.

Chapitre 1 – La police administrative


Parler de police administrative est complexe car il y a plusieurs termes qui sont
employés. La majuscule peut être ou ne pas être convoquée au mot « police ».
Ce qu’il faut retenir est que lorsque l’on emploie « police » avec une minuscule, on
vise une activité et non un organe ; elle est une fonction de l’état dont l’objet est de faire
régner l’ordre public en imposant aux citoyens les restrictions aux droits et libertés qu’exige
la vie en société. C’est ce qui explique que la police n’est qu’une branche de la police en
général à côté de la police judiciaire.
La « Police » avec une majuscule renvoie à l’ensemble des personnels de la police
nationale, de la gendarmerie nationale, des polices municipales et également aux personnels
de la défense nationale ou de la garde nationale lorsque, précisément, les circonstances
exigent de faire appel à eux  le décret du 13 octobre 2013 relatif à la garde nationale décrit
les circonstances qui l’exigent.
La police administrative et la police en général sont différentes de la sécurité
intérieure. La sécurité intérieure est une expression apparue avec l’entrée en vigueur du Code
de la sécurité intérieure de 2012 : il contient une partie législative (créée en 2012) et
règlementaire (créée en 2013). Il ne faut pas les confondre car la sécurité intérieure et le
champ d’application du Code, son objet, dépasse largement l’objet de la police
administrative. Il concerne en effet également le renseignement et les activités de sécurité
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privée. En outre, le Code de la sécurité intérieure ne vise pas toutes les activités de police
administrative mais celles qui concerne la sécurité publique et la sécurité civile : article L111-
1 du Code de la sécurité intérieure. La mission de l’État dans le domaine de la sécurité
intérieure ne s’arrête cependant pas à cette définition car il y a aussi la sécurité civile, définie
à l’article L112-1 du Code de la sécurité intérieure.
Bien que ce sont des notions qui sont restées stables au fil des années, depuis 2010, on
a pu voir des mécanismes, des notions, des règles subir des changements à mesure que des
problèmes nouveaux pouvaient se poser : attentats de 2015, crise sanitaire de 2020.

Section 1 – Les notions clés du droit de la police

§ 1. – La distinction entre la police administrative et la police judicaire


La police en général se distribue de manière exhaustive en deux catégories que sont la
police administrative et la police judiciaire. Toutefois, il y a une difficulté de perception du
critère de distinction. En réalité, cela ne tient qu’à un critère réaliste : l’intention en vue de
laquelle l’autorité de police a agi et non la nature préventive ou répressive de l’action.
L’activité de police peur répondre à la volonté de mettre fin à un trouble qui s’est déjà passé,
pourtant c’est quand même une activité de police administrative. L’opération de police sera
judiciaire ou administrative selon que l ’opération de police est ou non en lien avec une
infraction pénale déterminée : CE, Consorts Baud, 1951 ; TC, Dame Noualek, 1951.
Ce critère exige de prendre en considération l’intention réelle de l’agent et
d’interpréter des données psychologiques de celui-ci, quand bien même il se serait trompé.
En effet, l’important est que l’agent ait pu estimer que le comportement d’une personne
appréhendée était de nature à laisser supposer qu’elle se disposait à commettre une infraction.
Quelques exemples :
- Un agent de police se trouve place des Vosges et voit un individu louche avec un
imperméable beige. Il se met à l’interpeller et l’individu fuit. L’agent tire. Il se trouve
que cet individu louche était un professeur de droit. Il s’agit d’un acte de police
judiciaire, même s’il n’y avait pas d’infraction commise. Ainsi, la seule éventualité de
l’infraction suffit à emporter la qualification de police judiciaire.
- Un agent de police se trouve dans sa voiture de patrouille : c’est de la police
administrative. Ce même agent reçoit un appel donnant le signalement d’individus
venant de commettre un vol à main armé : police administrative car il y a toujours ce
maintien de l’ordre. Cet agent aperçoit au croisement les individus et se lance à leur
poursuite : opération de police judiciaire.
- TC, Morvan, 1990.
- CE, Mouranche, 1987.
- CE, Consorts Ferran, 1981.
- TC, Société le Profil, 1978.

§ 2. – La distinction entre la police administrative générale et la police administrative


spéciale

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A. La police administrative générale


La police administrative générale a pour objectif de prévenir toutes les atteintes à
l’ordre public. On la considère comme étant de droit commun donc elle intervient contre tout
ce qui menace l’ordre public même si aucun texte ne le prévoit. Ainsi, le champ d’application
de la police administrative générale est très large et concerne toutes les activités humaines,
alors que la police administrative spéciale est créée par la loi. Le but de la police
administrative générale est de prévenir toute menace à l’ordre public, qui est l’état dans
lequel s’exerce le mieux les libertés : c’est très large.

1. Définition de l’ordre public


L’ordre public est l’état dans lequel s’exerce au mieux les libertés mais ses contours
s’entendent par une trilogie classique que l’on appelle l’ordre public matériel : la sécurité, la
salubrité et la tranquillité.
On en trouve des exemples très précis au niveau de la police municipale qui a été
définie des 1789, aussi en 1884 et dans le Code des communes, aujourd’hui dans le CGCT :
article L2212-1 = bon ordre, sûreté, sécurité et salubrité publiques. Cette définition vaut
également pour les autorités nationales.
La sûreté et la sécurité ont trait à la liberté individuelle, c’est-à-dire à la protection
physique des personnes mais aussi à l’intégralité matérielle des biens contre des risques
divers.
Le bon ordre est compliqué à définir. La tranquillité est plus simple : le maire doit
réprimer les atteintes prévues à cet article, maintenir « le bon ordre dans les endroits où se
font de grands rassemblements d’hommes  ».
S’agissant de la salubrité publique, celle-ci est liée à l’hygiène, à la santé des
personnes, que l’autorité de police doit donc protéger. Plus précisément, toujours à titre
d’exemple, il faut consulter l’article précité.
À ces trois éléments de la trilogie que l’on peut trouver à l’article L2212-2 du CGCT,
le Conseil d’État est venu ajouter une « quatrième composante » tout à fait singulière : le
respect de la dignité de la personne humaine : CE, Commune de Morsang sur Orge, 1995.
1. Limites de l’ordre public
Le maire de Corbeil-Essonnes prend également un arrêté pour enfreinte à l’ordre
public (tranquillité, sécurité), pourtant les conditions de l’ordre public ne sont pas remplies.
L’ordre public matériel extérieur n’est donc pas en cause mais vise un problème de dignité
humaine. Le tribunal administratif de Versailles annule l’arrêté de police prit par le maire en
considérant qu’il n’existe pas de circonstance locale particulière qui justifierait l’interdiction
du spectacle, quand bien même celui-ci porterait atteinte à la dignité de la personne humaine.
C’est l’application d’une jurisprudence constante dans le cadre de la combinaison de police
qui veut que pour que l’intervention de police générale puisse avoir lieu avant celle de la
police nationale, il faut des circonstances locales particulières.
L’atteinte à la dignité n’est pas une composante de l’ordre public mais le Conseil
d’État, par la jurisprudence, va en faire l’une des composantes de l’ordre public. Il va donc
annuler sur appel l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge en considérant que le respect de la

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dignité de la personne humaine étant l’une des composantes de l’ordre public, l’arrêté est
légal.
Ce qui est intéressant dans cet arrêt est le raisonnement par lequel le Conseil d’État va
passer. Dans l’arrêt, tout se suit et se justifie. Mais les conclusions du commissaire du
Gouvernement Patrick FRYDMAN indique notamment que « sans doute peut-on certes
penser – et cette question n'est pas ici, en soi, indifférente – que le lancer de nains entre
effectivement dans le champ d'application du principe de prohibition des traitements
dégradants ainsi posé  ». Le Conseil d’État avait la conviction d’interpréter le lancer de nain
comme atteinte à la dignité humaine et de l’interdire en passant par l’atteinte à l’ordre public.
Parce qu’il y a atteinte à la dignité humaine, les arrêtés de police ne peuvent pas se fonder
uniquement sur cette atteinte que l’article 3 de la CEDH protège.
Aucune des composantes naturelles permet de motiver une telle décision. Ainsi, pour
qu’un maire puisse interdire le lancer de nain, il va falloir qu’un trouble à l’ordre public et se
livrer donc à une interprétation constructive de la notion d’ordre public comme contentant, à
côté de la trilogie traditionnelle, la composante du respect de la dignité de la personne
humaine.
Si le spectacle du lancer de nain porte atteinte à la dignité humaine, pourquoi
appartient-il à une autorité municipale de l’interdire ? En effet, s’il y a une telle atteinte dans
une commune, il y en a forcément d’autres dans différentes communes. Il y a là un problème
en termes de compétence : le lancer de nain est en soi une atteinte à la dignité humaine et par
principe il appartiendrait à une autorité nationale d’en connaître.
En bref, cet arrêt n’est pas si simple que cela. Notamment, on peut s’interroger : est-il
véritablement normal que dans le cadre des pouvoirs de police, on puisse contester et
interdire une activité ? Est-il normal que dans le cadre des pouvoirs de police, on puisse
remettre en cause quelque chose qui relève du for intérieur de chacun de considérer comme
bien ou mal ? C’est toute la question de la différence entre l’ordre public et la morale. Cette
jurisprudence, sans doute pleine de bonnes intentions, est mal née sur le plan technique  lire
un dossier spécial Les vingt ans de l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, (dir. T.
Leleu), colloque 2015, RFDA, pp. 869-896. Elle est mal née car il y a ce problème de
compétence mais aussi car par le biais du respect de la dignité de la personne humaine, le
Conseil d’État ne saute-t-il pas de plein pied dans la moralité ?
 CE, Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise, 2008
 Affaire Dieudonné : référé liberté ; l’interdiction du spectacle de Dieudonné est
légale par le risque sérieux que de graves atteintes soient portées à des principes notamment
de dignité humaine.
Cette notion de respect de la dignité humaine est réapparue dans la jurisprudence du
Conseil d’État après l’affaire Dieudonné par rapport à l’inaction de l’Administration en
matière de police s’agissant de la jungle de Calais, aux conditions de détention et d’accueil
des prisonniers, au négationnisme…
HAURIOU a fustigé des solutions du Conseil d’État étant venue se fonder sur la
moralité publique. Pour lui, l’ordre public ne peut être qu’un ordre matériel et extérieur : il
existe d’autres institutions de l’État pour se faire la police de la moralité (les religions
notamment). On peut penser ce que l’on veut du lancer de nain, mais à quelle morale doit-on

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se vouer si l’on doit faire la police de la morale ? Le Conseil d’État a rendu des décisions :
CE, Société des usines Renault, 1938 (motifs esthétiques) ; CE, Société des films Lutétia,
1959 (motifs moraux  le film porterait atteinte à la moralité publique même si le film avait
un visa d’exploitation ; recours de la société mais rejet ; circonstance locale justifie
légalement l’interdiction de la projection dudit film).
S’agissant de l’affaire du burkini : interdiction pour trouble à l’ordre public. Contexte
de la loi de 2010 venant interdire de se masquer le visage sur la voie publique pour empêcher
la burka  ordonnance ligue des droits de l’homme venant soutenir que cette interdiction
n’est pas justifiée par l’ordre public, sauf là où il a provoqué des violences graves.
Finalement, en 2016, ce n’est que si le caractère immoral de l’objet risque d’entraîner des
troubles à l’ordre public qu’il peut être interdit.
Dans l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, le Conseil d’État a refusé de faire du
respect de la dignité humaine l’une des composantes de la moralité publique alors même que
le commissaire du Gouvernement l’y avait invité. En faisant du respect de la dignité de la
personne humaine l’une des composantes de la moralité publique, le Conseil d’État n’a-t-il
pas fait entrer une certaine conception de la moralité publique sans en faire le cœur de l’ordre
public ?
La deuxième limite de l’ordre public est formée des considérations économiques.
Lorsque l’autorité de police agit dans un but d’ordre public, il lui est fait obligation de
prendre en compte la liberté du commerce et de l’industrie et les règles de la concurrence. Le
Conseil d’État l’a affirmé dans un avis du 22 novembre 2000, Société L et P Publicité.

A. Les polices administratives spéciales


Le pluriel est ici convoqué car il existe d’innombrables polices administratives
spéciales et dont il est impossible d’en dresser la liste tant elle serait longue. Le Code de la
sécurité intérieur a tenté de le faire, sans pour autant y parvenir. Les polices administratives
spéciales portent sur un objet particulier et sont encadrées par une loi. Le législateur encadre
les divers pouvoirs dont sont titulaires ces autorités et leurs champs d’application. Elles sont
caractérisées par trois traits.
Formellement, les polices administratives spéciales sont toujours créées par le
législateur. Il y a toujours une loi spéciale qui investit au niveau national ou local une autorité
particulière d’un pouvoir de police, qu’il soit étendu (c’est généralement le cas) ou très
restreint, et dont le cadre est précis (conditions et procédures précis).
Matériellement, l’objet de ces polices administratives spéciales est très varié. Il peut
porter sur un aspect particulier de l’ordre public (sécurité  par exemple édifices menaçant
ruine, police des baignades ; salubrité  police des funérailles, police des eaux destinées à
l’alimentation humaine ; tranquillité  police des nuisances sonores…). Ce sont des polices
qui auraient pu être abandonnées à des polices générales, mais elles sont tellement
importantes que le législateur a voulu les remettre à des autorités particulières avec des
pouvoirs particuliers, parfois très poussés. Les polices spéciales ne sont pas seulement dans
les Codes, mais aussi dans les lois, comme celle du 1 er août 2003 pour la rénovation urbaine
qui crée un pouvoir de police spéciale pour les habitations et copropriétés en difficulté. Le but
est d’intérêt général : police d’urbanisme, de l’environnement, de protection des mineurs…

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Organiquement, les polices administratives spéciales se constituent par des autorités.

Section 2 – Les compétences de police

§ 1. – Les autorités de police administrative

A. Les autorités de police administrative générale


Les autorités de police administrative générale sont celles qui peuvent agir dès lors
qu’une menace pèse sur l’ordre public. Elles sont très concentrées, il en existe peu, mais elles
sont cruciales à connaître pour en comprendre la mesure. Elles rattachent l’acte de police au
niveau national ou local car les autorités de police sont soit nationale, soit locales.

1. Les autorités de police administrative nationale


Les autorités de police nationales sont au nombre de deux : le chef de gouvernement–
donc le Premier ministre – a des compétences de principe ; le Président de la République a
des compétences résiduelles, le Premier ministre étant sous réserve du Président.
La compétence de police administrative générale au niveau national est acquise par le
Premier ministre sous investiture du législateur. Cela a été consacré par la jurisprudence dans
un arrêt CE, Labonne, 1919. Le Conseil constitutionnel est venu confirmé cette règle en
considèrent que l’article 34 de la Constitution ne prive pas le chef de gouvernement de ses
attributions de police administrative générale qu’il exerce en vertu de ses pouvoirs propres et
en dehors de toute habilitation législative (CC, Loi sur la chasse, 2000).

2. Les autorités de police administrative locale


Les autorités de police administrative locale n’ont pas besoin d’une attribution
législative. La compétence peut être détenue au niveau communal ou départemental, mais pas
régional. Il y a toutefois des réserves pour Paris.
Au niveau communal, seul le maire peut, par arrêté municipal, au nom de la commune
et sous le contrôle administratif du préfet. Les communes sont civilement responsables de
l’exercice de police administrative, quel que soit le statut des gens qui la composent. Il est à
noter également que le pouvoir du maire est un pouvoir propre : il n’est pas exercé sous le
contrôle du Conseil municipal et il ne peut pas être délégué à celui-ci non plus. À noter : lorsque
la commune fait partie d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), celle-ci pourra avoir
des compétences de police administrative. Aussi, le régime de la police d’État permet de répondre aux besoins
de la collectivité pour les particuliers  ; si elle est instituée, le maire est privé d’une partie de son pouvoir de
police générale au profit du préfet de département.

Au niveau départemental, le préfet de département est l’autorité de police générale.


L’article L2215-1 du CGCT liste ses attributions en la matière. Ce qui est singulier est que
c’est au nom de l’État que le préfet agit. Ce qui l’est encore plus est que précisément, dans
cette hypothèse, en cas de responsabilité ce sera celle de l’État et non du département qui sera
engagée. Enfin, de manière très résiduelle, le président du Conseil général dispose de certains
pouvoirs de police en matière de sécurité notamment en ce qui concerne la circulation.

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S’agissant de Paris, elle a toujours eu un statut particulier du fait de sa nature : on y


trouve les grandes institutions de la République, les ambassades, des institutions
internationales… Les pouvoirs de police ne sont pas confiés au maire de Paris mais au préfet
de police, dont les conditions sont fixées aux articles L131-1 et L131-2 du Code de la sécurité
intérieure. C’est donc l’État sui répond des fautes commises par le préfet de police. Ce
dernier, au fur et à mesure de l’évolution des problèmes d’ordre public, s’est vu remettre des
pouvoirs de plus en plus larges, en sachant que sa compétence territoriale a été augmentée
puisqu’elle dépasse le territoire de Paris pour s’élargir aux trois départements encerclant Paris
(Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). À ces trois départements s’ajoutent les
trois aéroports que sont Orly, Le Bourget et Roissy-Charles-de-Gaulle.

B. Les autorités de police administrative spéciale


Organiquement, le texte qui va venir instituer la police administrative spéciale va
désigner l’autorité à laquelle le législateur a entendu donner compétence pour l’exercer, celle-
ci pouvant être de niveau national ou de niveau local. Rien n’empêche d’ailleurs que
l’autorité de police administrative spéciale soit déjà par ailleurs autorité de police
administrative générale : il y a alors cumul des compétences de police. C’est par exemple le
cas du Premier ministre, qui fixe par décret en Conseil d’État les matières déterminées à
l’article L312-1 du Code de la santé publique.
Le préfet de département a la charge de nombreuses polices spéciales, notamment des
rassemblements festifs à caractère musical.
C’est aussi le cas en matière d’immeubles insalubres (tout comme le maire). Le maire
exerce aussi la police des funérailles et de cimetière (article L2213-15 CGCT).
Les ministres ont également de nombreux pouvoirs de police administrative spéciale.
Les autorités indépendantes également (l’autorité de la concurrence a la charge des polices de
concentration économique, l’ARCEP a la charge de la police des implantations des antennes
de téléphonie mobile). Elle peut aussi être confiée à un établissement public (exemple de
l’ANSM).
Il y a donc des champs d’intervention qui peuvent se regrouper, des autorités qui ne
sont pas les mêmes…

§ 2. – La combinaison des polices


C’est l’une des questions les plus complexes du droit de la police. Même si c’est un
droit très stable, ce point particulier fluctue. D’autres parlent d’ailleurs de «  concours des
polices  ». Pour résoudre un concours de polices, des règles existent. Pendant très longtemps,
on les a limités à l’intervention de deux arrêts : l’arrêt Labonne et l’arrêt Société Les films
Lutétia, mais aussi l’arrêt Commune de Néris-les-Bains. Mais en réalité, beaucoup plus
d’arrêts règlent la question, celle-ci n’ayant pas de présentation parfaite.
Il y a plusieurs points de vue mais selon le professeur, ce qu’il estime exact, est que
pour régler ce problème de combinaison de polices, il faut distinguer cinq cas de figure :
- 1. Combiner les compétences de police générale des autorités nationales et locales.

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- 2. Combiner les compétences de police générale et de police spéciale détenues par une
même autorité.
- 3. Combiner les compétences de police générale et de police spéciale détenues par des
autorités différentes.
- 4. Combiner plusieurs polices spéciales détenues par des autorités différentes.
- 5. Combiner plusieurs polices spéciales détenues par une même autorité.

S’agissant de la combinaison des compétences de police générale des autorités


nationales et locales, c’est à l’autorité sur le territoire de laquelle la cause du trouble réside
d’agir :
- Si le trouble est circonscrit au territoire d’une commune, il appartient à son maire
d’agir ; ce sera le préfet si le trouble est délimité à un même département mais au sein
de plusieurs communes ; ce sera le Premier ministre si le trouble affecte le territoire
national.
- Si une autorité supérieure intervient, cela signifie que l’autorité locale inférieure, par
principe, a interdiction d’agir. Dès lors, si le Premier ministre intervient, ni le maire,
ni le préfet ne peut intervenir.
- Pour autant, rien n’interdit à l’autorité de police inférieure de prendre, sur le même
objet mais pour sa localité par des motifs propres à celle-ci, des mesures plus
rigoureuses que celles qui ont été prises par l’autorité de police supérieure.  fixée
pour l’intervention du maire après intervention du préfet : CE, Commune de Néris-
les-Bains, 1902 ; fixée pour l’intervention du préfet ou du maire après le Premier
ministre : CE, Labonne, 1919.
S’agissant de la combinaison des compétences de police générale et de police spéciale
détenues par une même autorité, la situation est simple. Le Premier ministre, un préfet ou un
maire ont une compétence de police spéciale qui entre en concurrence, eut égard à son objet,
avec la compétence de police générale :
- Dans ce cas de figure, il revient à l’autorité d’exercer ses pouvoirs de police générale
si la situation de fait n’entre pas dans le champ d’application de la police spéciale :
specialia generalibus derogant  CE, Ville de Digne, 1974.
- Mais si la situation de fait entre dans le champ d’application de la police spéciale et de
la police générale, alors l’autorité doit employer sa police spéciale : lex specialis lex
generalis derogant.
- En revanche, dans ce cas, l’autorité de police générale pourra retrouver sa compétence
dans des circonstances singulières  CE, Commune de Badinières, 2005 = en
présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et
imminent, l’autorité de police peut faire légalement usage de ses pouvoirs de police
générale (CE, Commune de Crégols, 2009).
S’agissant de la combinaison des compétences de police générale et de police spéciale
détenues par des autorités différentes, il existe trois cas de figure possibles :
- Dans la première hypothèse, un texte institue la police spéciale et prévoit, même
implicitement, l’exclusivité de la police spéciale. Ici, cela exclue toute intervention de
l’autorité de police générale  CE, Commune de Saint-Denis, 2011.
o Cette règle est appliquée dans une ordonnance Ville de Sceaux du 17 avril
2020 : l’autorité de police spéciale est détenue par le ministre de la Santé et le

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Premier ministre, donc le Conseil d’État affirme que le pouvoir de police


générale ne pouvait pas intervenir (ici le maire).
- Dans la deuxième hypothèse, l’intervention d’une autorité de police spéciale est
possible en cas d’urgence  CE, Sieurs Fichot, 1938.
- Dans la troisième hypothèse, l’autorité de police spéciale agit mais cela n’empêche
pas l’autorité de police générale de durcir la mesure en cas de circonstances
particulières locales  CE, Société des Films Lutétia, 1959.
S’agissant de la combinaison de plusieurs polices spéciales détenues par des autorités
différentes, des textes viennent régir les conflits de compétence. Si le conflit est réglé, alors
on applique les textes. Si les textes fondant les deux polices spéciales ne règlent pas le conflit
de compétences, alors on applique le principe d’indépendance des législations  CE, Société
France Antilles, 2006 : régulation des concentrations économiques (= processus d’absorption
– rachat d’une entreprise par une autre – et de fusion – mise en commun de tous les biens ou
activités de plusieurs sociétés en vue de la création d’une société nouvelle ; pour les pouvoirs
publics, il s’agit d’évaluer si la concentration se fait au détriment des consommateurs en
portant atteinte à la concurrence existante sur le marché, etc.) ; une loi du Code de commerce
et une loi sur la presse viennent réguler ce domaine ; on applique les deux législations
cumulativement = l’opération est soumise aux deux textes, les deux ne pouvant pas se
marcher dessus car ayant un domaine distinct.
S’agissant de la combinaison de plusieurs polices spéciales détenues par une même
autorité, on regarde les textes afin de déterminer s’ils règlent les conflits de compétence :
dans l’affirmative, on applique les textes ; dans la négative, le principe d’indépendance
devrait retrouver son empire, donc l’autorité de police va appliquer le principe
d’indépendance des législations mais doit utiliser le pouvoir de police assurant la meilleure
protection des droits du destinataire de la mesure  CE, Vergereau, 2009.

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