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Dissertation : La notion de police administrative

Il est de certaines activités qui apparaissent comme particulièrement néces-

saires pour un État, celles-ci de par leur nature sont inhérentes à la notion

d'État, rendant viable ce dernier. La police administrative est l'une d'entre

elles. Si elle ne fut pas toujours désignée sous ce vocable, on peut constater que

l'émergence de la notion d'État a eu pour pendante celle de la notion de police

administrative. Ainsi, le Roi par la rédaction de lettre pattentes accomplissait

déjà une opération de police administrative. De même, les philosophes ayant

développé la théorie du contrat social font tous plus ou moins référence de ma-

nière implicite à la police administrative. Parce qu'elle est donc une nécessité

et par conséquent, une entité dont chacun a conscience sans pour autant en

saisir la substance, la police administrative demeure une notion qu'il demeur

bien malaisé de détailler, du moins en prétendant à une certaine exhaustivité et

ce malgré les avancées posées par la jurisprudence et la doctrine au cours tout

au long des XIXe, XXe et XXIe siècles.

La police administrative est dénie traditionnellement comme l'activité vi-

sant à assurer le maintien de l'ordre public. Cette dénition est bien simpliste

voire laconique. En eet elle soure d'un manque de précision considérable.

D'abord, elle fait référence à une notion abstraite, celle de l'ordre public, en-

suite elle ne fait pas apparaître ce qui la spécicité de la police administrative.

C'est à cet égard que l'on doit distinguer la police administrative de la police

judiciaire qui tend elle aussi d'une autre façon à la garantie de l'ordre public.

La précision qui manque donc à la dénition précitée est la suivante : la police

administrative est l'activité qui vise à assurer le maintien de l'ordre public sans

toutefois rechercher et poursuivre les auteurs d'infraction car cela est le lot de

la police judiciaire. La police administrative a donc un but préventif là où la

police judiciaire intervient dans un but répressif. Bien que la distinction entre

police judiciaire et police administrative demeure fondamentale car elle permet

de dénir la police administrative par antonymie ; tout ce qui ne relève pas de la

police judiciaire, relève donc de la police administrative, nous n'évoquerons pas

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plus de détails quant à cette distinction. Nous ne le ferons pas car celle-ci soulève

surtout des enjeux juridiques liés aux conséquences et au régime juridiques de

l'activité. Il nous est donc apparu plus pertinent d'approcher la notion de police

administrative par une distinction qui appartient de manière plus viscérale à

cette notion.

Pour comprendre l'essence de l'activité de police administrative, il faut re-

partir de la distinction posée par Charles Einsenmann entre les fonctions de

l'Administration. Il existe donc une distinction, pour ne pas dire une summa

divisio entre la fonction de prestation à laquelle se rattache le service public

et la fonction normative, à laquelle se rattache la police administrative. Cette

distinction fonctionnelle semble être celle choisie par la doctrine et en eet, on

peut souligner les nombreux cours et manuels qui envisagent séparément police

administrative et service public. Pour autant et ce que nous tenderons à démon-

trer dans nos développements ultérieurs, la police administrative ne peut être

totalement isolée de l'idée de service public car il est possible de lui appliquer les

critères d'identication de celui-ci. En eet, au sens des critères jurisprudentiels

posés par l'arrêt du Conseil d'État en 1963, l'arrêt Narcy, la police adminis-

trative est une activité de service public. Il s'agit-là d'une évidence ; la police

administrative est une activité d'intérêt général, exercée et ici de façon exclusive

par les personnes publiques et dont l'exercice implique par construction néces-

sairement des prérogatives de puissance publique. La police administrative est

donc une activité de service public et il ne s'agit pas là d'un postulat mais bien

d'un constat. Or la diculté principale procède donc de ce constat car ce n'est

pas sans raisons que la police administrative est traditionnnellement isolée de

l'activité de service public. Pour dénir la notion de police administrative dans

ce contexte une question s'impose d'elle-même : existe-t-il des éléments tendant

à faire reconnaître une spécicité particulière à la police administrative en tant

qu'activité de service public ?

Cette question ne peut recevoir qu'une réponse positive au regard plusieurs

éléments. En eet, comme nous l'avons évoqué précédemment, la police est une

activité de service public par application des critères traditionnels d'identi-

cation de celui-ci (I) mais de par ses spécicités, elle demeure une activité de

service public aux caractères tout à fait singuliers (II).

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I./ La police administrative : une activité de ser-

vice public par l'application des critères tradition-

nels

La police administrative s'entend comme une activité de service public si l'on

lui applique naturellement les critères traditionnels d'identication de celui-ci. Il

faut donc naturellement envisager la police administrative comme activité visant

à satisfaire l'intérêt général (A) qui est assurée par des personnes publiques (B)

A./ Une activité visant à satisfaire l'intérêt général


L'activité de police administrative vise nécessairement à satisfaire l'intérêt

général car elle vise à assurer la sauvegarde de l'ordre public (1) qui présente

de par son contenu un lien indiscutable avec la notion d'intérêt général (2).

1./ La notion d'ordre public

 Le triptyque principal fondé sur des éléments légaux (art. L.2212-2 CGCT)

 sécurité,

 tranquillité

 salubrité

 Les éléments secondaires

 la moralité publique (CE, 13 juillet 1979, Ministre de la Communication

c/ SA Le Comptoir français)

 la sauvegarde de l'esthétique des lieux publics (CE, 3 juin 1938, Société

des usines Renault)

2./ L'indiscutable lien entre ordre public et intérêt général

 Parce qu'il vise à protéger les administrés en toutes circonstances, l'ordre

public est en lien étroit avec l'intérêt général ; il tente d'obvier aux acci-

dents, agressions, débordements et autres faits dommageables.

 La visée de l'intérêt général est d'autant plus renforcée que la police est

une activité assurée exclusivement par des personnes publiques.

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B./ Une mission exercée par des personnes publiques
Nous l'avons évoqué en introduction, la police administrative est une activité

exclusivement exercée par les personnes publiques, cela se justie car elle d'abord

et avant-tout une mission inhérente à l'État, une mission régalienne (1) et cela

se manifeste par la nature des autorités exerçant cette activité (2).

1./ Une mission régalienne

 Le maintien de l'ordre public permet la perrenisation de la société, ce qui

est le but principal de tout État. Il chercher à protéger les citoyens des

éaux pouvant les décimer.

 On en trouve une manifestation par la nature des autorités exerçant la

police administrative

2./ Les autorités de police administrative

Il existe une police administrative dite générale qui vise à s'appliquer à toutes

les activités intéressant les administrés. A côté de celle-ci existe de nombreuses

polices spéciales qui régissent une activité spécialisée et s'écarte quelque peu

du triptyque principal de l'ordre public. Toutefois, si les autorités de police

administrative spéciale sont nombreuses, les autorités de police administrative

générale sont les suivantes :

 Le premier ministre (CE, 2 mai 1973, Association culturelle des Israélites

nord-africains de Paris)

 Le maire (art. L.2212-2 CGCT)

 Le Président du Conseil général (art. L.3221-4 du CGCT)

 Le Préfet de département (par substitution au maire)

Étant une activité visant à satisfaire l'intérêt général et exercée par des per-

sonnes publiques, la police administrative demeure donc bien une activité de

service public. Toutefois, si les critères traditonnels d'identication du service

public lui sont applicables, d'autres critères inhérent à la notion de service public

lui sont interdits. Cela a pour eet d'ériger la police administrative en activité

de service public aux caractères singuliers

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II./ Une activité de service public aux caractères

singuliers

Si la police administrative répond aux critères principaux de la notion de

service public, elle présente des traits singuliers qui la diérencie clairement de la

notion traditionnelle de service public. Ainsi contrairement aux services publics

entendus dans le sens traditionnel, la police administrative ne peut jamais être

l'objet d'une délégation (A), de même la police administrative est un service

public qui ne doit pas être nancer par ses bénéciaires (B)

A./ L'impossible délégation de l'activité de police adminis-


trative
Si la plupart des services publics peuvent être délégués, tel n'est pas le cas

de la police administrative. Cette interdiction est un principe posé par le juge

(1) qui en a ensuite expliciter la portée (2)

1./ Le principe

 L'arrêt de principe : (CE, 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary) :

Considérant que le service de la police rurale, par sa nature, ne

saurait être conée qu'à des agents placés sous l'autorité directe de

l'administration

 En outre, l'application des mesures de police ne peut être assurée que par

le biais d'actes administratifs unilatéraux (CE, 8 mars 1985, Association

"Les amis de la terre)

2./ Portée du principe

 Si le juge admet la possibilité de délégation de certaines activités, les

mesures de sécurité qui leur sont aérentes, dès lors que celle-ci relèvent

d'une activité de police, ne peuvent être exercée autrement que par des

agents directement placés sous contrôle de l'autorité publique qui demeure

responsable de la sécurité des activités intéressés.

 Ainsi, si une commune peut concéder l'exploitation d'une plage à une per-

sonne privée, elle reste responsable de la sécurité des baigneurs (CE, Sect.,

23 mai 1958, Consorts Amoudruz). Par ailleurs, un maire peut par contrat

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demander à une société d'assurer le gardiennage d'immeubles communaux

mais il ne peut lui coner la surveillance des voies publiques (CE, 29 dé-

cembre 1997, Commune d'Ostricourt )

 Outre la délégation, le nancement par ses bénéciaires de l'activité de

police administrative est totalement proscrit

B./ L'interdiction du nancement de l'activité de police par


ses bénéciaires
Il faut ici entendre le nancement au moyen d'une redevance car les recettes

scales nancent nécessairement l'activité de police, ne serait-ce que parce que

celles-ci permettent le versement du traitement des agents assurant l'activité.

L'activité de police est donc prédominée par un principe de gratuité (1), toute-

fois, celui-ci admet des dérogations (2).

1./ Le principe

 Le principe trouve son fondement dans l'article 13 de la Déclaration des

Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui dispose que :

 Pour l'entretien de la force publique et les dépenses d'adminis-

tration, une contribution commune est indispensable. 

 C'est donc l'impôt qui doit nancer l'activité de police (CE, 5 décembre

1984, Ville de Versailles). Ce principe doit toutefois être nuancé

2./ Exceptions

 Dès lors que la prestation de police excède le cadre des obligations normales

qui incombent à la puissance publique pour le maintien de l'ordre, le juge

admet que l'Administration puisse demander aux personnes qui bénécient

de ces prestations excédentaires une compensation nancière destinée à

rembourser les coûts supplémentaires engendrés (CE, 20 octobre 2008,

Fédération française de football).

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