Vous êtes sur la page 1sur 57

COURS DE MACRO MONÉTAIRE 1

Dr DJAHOUE Gérald

1
PREMIÈRE PARTIE
DÉFINITIONS, FORMES ET MESURES DE LA MONNAIE

2
CHAPITRE 1 : LES DÉFINITIONS DE LA MONNAIE

« Point besoin de définir la monnaie, lorsque je la vois, je la reconnais ». Cette maxime résume
très bien la difficulté liée à la définition de la monnaie. Une première définition estime que la
monnaie est un instrument de paiement indéterminé, universel et immédiat. En prolongeant cette
définition essentiellement juridique, nous pouvons en extraire trois approches :
- Une approche historique et Institutionnelle ;
- Une approche fonctionnelle ; -
Une approche essentielle.

Section I : Approche historique et Institutionnelle


Sans chercher à présenter une histoire exhaustive de la monnaie, nous pouvons esquisser
une étude logique des étapes ayant caractérisé l'organisation des échanges et du système
bancaire en parlant d'une évolution plus logique qu'historique.

A- Les étapes dans l'organisation des échanges


Il s'agit de comprendre pourquoi un Instrument nommé « monnaie » devient l'unique
intermédiaire dans les échanges, la seule contrepartie aux offres et aux demandes de tous les
biens et services et sur tous les marchés. Dans une économie n'ayant aucun échange, on n'a pas
besoin de monnaie comme dans une économie d'autosubsistance.
Seules les nécessités de l'échange dans une économie où les décisions sont prises de
façon décentralisée commandent l'intervention d'une monnaie. On pourrait certes concevoir que
l'on puisse s'en passer, mais il nous faut montrer que son introduction rend plus efficace le
fonctionnement d'une économie décentralisée en réduisant les coûts de l'échange,
Les coûts de l'échange sont de trois types :
- des coûts d'attente,;

- des coûts d'information.;


- des coûts de transactions.
Les coûts d'attende CA augmentent logiquement avec le temps t séparant deux échanges. Ces
coûts sont donc une fonction croissante du temps. Quant aux coûts de transaction CT , Ils sont

d'autant moins élevés que l'attente entre les deux expéditions. Ils sont fonction décroissante du
temps séparant deux échanges. Les coûts d'échanges sont donc la somme des deux coûts, C E.
En vue de minimiser les coûts de l'échange, si les agents sont rationnels, ils doivent opter pour

3
une période de temps optimale séparant deux expéditions. Pour minimiser de tels coûts, les
agents se déplaçant et entrant en relation ont le choix entre plusieurs modes d'organisation.
Certains biens choisis, de par leurs qualités Intrinsèques, sont acceptés par tous les
agents comme Instruments d'échange. C'est le stade de monnaie-marchandise résolvant
pleinement le problème de « double coïncidence » des désirs et réduisant les coûts d'échange.
Immuables, identifiables et transportables, certaines marchandises servent de moyen de
paiement et de réserve de valeur.
Mais progressivement, le métal (plomb, cuivre et, très rapidement, or et argent) prend
la première place dans les transactions, à la fois comme monnaie et comme marchandise, en
pensant notamment à l'or ou à l'argent en matière d'orfèvre. Dans ce double usage, II fallait que
ce métal ait une valeur garantie par son émetteur : mettant en évidence la nature judiciaire de
toute monnaie, tant il est vrai qu'une monnaie ne saurait exister sans être investie de la confiance
de celui qui la détient. Ainsi le 19è siècle a été marqué par la primauté de l'or, dont on pouvait
dire qu'il était la première des monnaies fiduciaires (Charles Rist, 1938). On considère qu'il
existe trois grandes étapes de la monnaie métallique.
D'abord la monnaie pesée ;
Ensuite la monnaie comptée :
Enfin la monnaie frappée :
En France, si l'on trouve encore au Moyen Age de nombreuses monnaies locales, frappées par
des seigneurs ou des autorités religieuses, la frappe tend à s'étatiser sous l'autorité du roi jusqu'à
la révolution de 1789. Après celle-ci, est mis en place un nouveau système monétaire, appelé le
bimétallisme or et argent et soumis aux règles suivantes :
- or et argent circulent sous forme de pièces ;
- un rapport légal est établi entre les deux métaux : x grammes d'or valent y grammes
d'argent pour tous ;
- un cours légal leur est donné : chacun se devait de les accepter en règlement d'une
transaction.

B- Les étapes dans l'organisation bancaire


La banque s'est développée logiquement dans le cadre de la réorganisation permanente
des échanges dont elle assurait la fluidité. Dans le cadre d'un système de monnaies métalliques
(or ou argent), la banque a connu un essor grâce à sa double activité de gardienne des métaux
et de change entre ces derniers. En acceptant de conserver les métaux (contre une commission),
elle fonctionnait comme une sorte de coffre-fort.
4
Dans un système où plusieurs agents (roi, seigneur etc.) avalent le droit de battre
monnaie, la banque intervenait comme un agent de change en assurant (contre une commission)
la conversion des différentes monnaies entre elles. Les billets étant convertibles à tout moment
en métaux, les banques allaient bien vite s'apercevoir que, statistiquement, le stock de métaux
nécessaire pour assurer ces conversions était généralement Inférieur au stock de métaux
effectivement déposé par les clients.
C'est ainsi que les banques vont se mettre à créer, par l'octroi de crédits, plus de billets
qu'elles n'avaient de métaux en caisse. Cette généralisation du billet de banque comme moyen
de règlement au détriment des métaux va avoir d'importantes implications. Tout d'abord, avec
le développement de l'usage des billets progressait la tentation de voler. La conception du billet
de banque, en tant que moyen de protection, se détruisait d'elle-même. Il fallait trouver une
protection supplémentaire en demandant à la banque d'effectuer les transferts entre les clients.
Le paiement par chèque, par l'intermédiaire des dépôts bancaires, apparut alors : le chèque
n'étant rien d'autre qu'un document envoyé par le débiteur à son créancier, donnant pour
instruction à ce dernier de collecter les fonds auprès de sa banque. Au lieu de recevoir des billets
en contrepartie d'un apport d'or (ou de crédit accordé), les clients ouvraient des comptes à la
banque et pouvaient tirer sur ceux-ci afin de régler leurs dettes.

Section II : Approche fonctionnelle

Nous devons à présent préciser les fonctions qui vont expliquer son utilisation, son
perfectionnement en vue de rationaliser les échanges.

Depuis Aristote, il est devenu traditionnel d'attribuer trois fonctions à la monnaie :


intermédiaire des échanges, réserve de valeur et unité de compte.

A- La monnaie comme intermédiaire des échanges

L'existence de la monnaie permet une diminution du flux d'information nécessaire au


bon fonctionnement d'un système décentralisé, comme nous l'avons vu précédemment, le
nombre des transactions, dans une économie non monétarisée, est nécessairement milité par la
contrainte de la « double coïncidence ». Imaginons une économie composée de trois agents A,
B et C, et trois biens 1, 2 et 3. Supposons dans un premier temps, que les trois agents détiennent
ou souhaitent détenir les trois biens. Dans ce cas, les échanges bilatéraux sont réalisables. Mais
5
une telle économie semble peu plausible puisqu'elle repose sur une abondance de biens. Les
agents, disposant de tous les biens existants, ont toujours une « monnaie d'échange ».
Supposons à présent, que les agents détiennent les trois biens tout en souhaitant n'en
détenir que deux. Dans ce cas, les échanges bilatéraux sont toujours réalisables mais étant donné
les préférences, II y a bien un gaspillage des ressources puisque certains biens ont été produits
par les trois agents pour ne servir que d'intermédiaire dans les échanges.

Supposons enfin que chaque agent ne souhaite détenir que deux biens parmi les trois
disponibles : A détenant des quantités de biens 1 et 2 mais ne souhaitant pas détenir de biens 3,
B détenant des quantités de 2 et de 3 mais ne souhaitant pas détenir de biens 1 et C détenant des
quantités de 3 et 1 mais ne souhaitant pas détenir de biens 2. En supposant connus les termes
de l'échange, il est aisé de voir qu'aucun échange direct n'est possible.
En revanche, des échanges « triangulaires » sont possibles. Ainsi, A peut accepter du
bien 3 de la part de C afin de pouvoir l'échanger contre du biens 2 avec B. Cependant, ces
échanges impliquent de nombreux coûts (coûts d'attente, d'Information et de transaction). En
pratique, il faudra une « autorité centrale de marché » informant l'agent A de l'intérêt d'accepter
le bien 3 de la part de l'agent C afin de pouvoir l'échanger avec l'agent B contre du bien 2.
L'existence de la monnaie permet de réduire les coûts de l'échange. Dans une économie
monétaire, la monnaie achète les biens et les biens achètent la monnaie ; mais les biens
n'achètent pas les biens (R.W CLOWER, 1967).
Dans une économie de troc, tous les biens sont tour à tour monnaie d'échange. En prenant un
monde à quatre biens A, B, C et D, et en supposant qu'un bien ne s'échange pas contre lui-
même, nous aurons les relations présentées dans le tableau 1.
Tableau 1: Echange de troc
A B C D

A 0 X X X
B X 0 X X
C X X 0 X
D X X X 0
Tableau 2: Echange monétaire
M B C n D

M 0 X X X
B X 0 0 0
C X 0 0 0
D X 0 0 0
6
Dans un monde à quatre biens, il y a donc 12 (soit 4(4-1)) relations potentielles. En
généralisant, une économie à n biens implique n (n-1) relations potentielles.
En revanche, une économie monétaire dans un monde à quatre biens (en prenant le bien
A comme intermédiaire des échanges, comme monnaie : A = M), implique les relations
présentées dans le tableau 2. Nous n'obtenons que 6 relations d'échange soit 2(4-1), et en
généralisant à un monde à n biens : 2(n-1) relations. En définitive, la monnaie réduit bien le
nombre des relations potentielles, mais elle les garantit. Dit autrement, les 2(n-1) relations en
économie monétaire ont toutes les chances d'être supérieures aux relations effectives parmi les
n (n-1) relations potentielles en économie de troc. La monnaie est donc nécessaire pour assurer
des échanges efficaces sur les marchés. Elle permet aussi de réduire les coûts de transaction
sans les éliminer.

B- La monnaie comme réserve de valeur

Dans une économie monétaire, un agent ayant vendu un bien contre de la monnaie peut
ne pas souhaiter dépenser celle-ci immédiatement. En ce sens, la monnaie détenue constitue un
moyen de reporter un pouvoir d'achat dans le futur. C'est donc ici un comportement de détention
d'encaisses monétaires qui se justifie par :
- L'absence de synchronisation entre les recettes et les dépenses : si à chaque fois qu'un
agent voulait dépenser son argent, il bénéficiait d'une rentrée de fonds, il n'aurait pas
besoin de détenir une encaisse, cet argent passerait de mains en mains. Or dans la réalité,
les périodicités des dépenses et des recettes sont généralement différentes.
- L'Incertitude concernant certaines dépenses futures imprévues a priori et certaines
recettes futures dont la valeur n'est pas garantie. Mais a priori, la plupart des biens
durables peuvent constituer une réserve de pouvoir d'achat. Mais la préférence des
réserves monétaires s'explique par au moins deux arguments : la liquidité et le risque.
La liquidité est la propriété qu'ont certains biens d'être immédiatement disponibles sans
coût de transformation ni risque. En termes de risque de perte en capital, la monnaie,
ayant une valeur étable hors marché, conserve le pouvoir d'achat à court terme de
meilleur façon que les actifs financiers (actions, obligations etc.) qui peuvent à tout
moment perdre de leur valeur.

7
En résumé, l'instrument dans lequel les agents acceptent de mettre en réserve du pouvoir
d'achat doit être à la fois liquide et sans risque. Ces deux propriétés étant le mieux vérifiées dans
le cas de la monnaie, cette dernière sera définie comme la liquidité par excellence (J .M.
Keynes, 1936).
Par cette fonction, la monnaie se définit comme un actif financier, elle est immergée
dans le spectre d'une multiplicité d'actifs financiers dont elle constitue un substitut.
C- La monnaie comme unité de compte
La monnaie a une troisième fonction : celle d'unité de compte. Sans monnaie, dans une
économie marchande, il y a autant de prix que de paires de biens, de types d'échanges entre
deux biens. Le rôle d'unité de compte est celui de la monnaie comme instrument de mesure de
la valeur relative de biens hétérogènes. S'il y a n biens, Il y a n (n-1) /2 prix relatifs dans une
économie de troc. Pour opérer ses arbitrages dans un système de troc, chaque consommateur
doit avoir en tête tous ces prix. Si un de ces biens est utilisé comme étalon des valeurs, alors le
système des prix est profondément simplifié. La présence de monnaie permet de ramener le
nombre de n (n-1) /2 à (n-1) : le prix de chaque produit, exprimé en monnaie, moins le prix de
la monnaie par rapport à elle-même (soit 1 nécessairement). Il suffit alors de connaître les n-1
expressions de la valeur des autres biens dans le bien choisi comme monnaie pour connaître
l'ensemble des rapports de valeurs des n biens. La monnaie permet donc d'établir une échelle
de prix simple et unique, exprimée en unités monétaires.

Dans un second temps, on achète au moyen de la monnaie gagnée les produits que l'on désire à
ceux qui le possèdent. [...] La monnaie se présente donc comme un bien intermédiaire qui
facilite l'échange. La monnaie permet alors non seulement de décomposer l'échange, mais aussi
de comparer la valeur de biens entre eux (par exemple, X unités de monnaie = un sanglier = une
hache en bronze).
Mais cette approche n'explique pas la nature de la monnaie. C'est cette dimension
essentielle de la monnaie que nous abordons à présent.

SECTION III. Approche essentielle

Il s'agit ici de dépasser les dimensions traditionnelles de la monnaie restreintes au seul


champ de l'économie, pour appréhender ses dimensions historiques et sociopolitiques.

8
A- Le dépassement des dimensions traditionnelles de la monnaie
La dimension fonctionnelle se contente de dire ce que fait la monnaie et non ce qu'elle
est. Pour certains économistes, pour définir la monnaie, on doit procéder comme le fait l'analyse
microéconomique pour tout bien, en étudiant le marché des services qu'elle rend.
Dans sa dimension institutionnelle, la monnaie serait apparue progressivement à travers
un processus de rationalisation des comportements humains, il y aurait eu le troc, ensuite les
hommes auraient compris l'intérêt des échanges sur des marchés, puis grâce à une monnaie-
marchandise, enfin par le biais d'une monnaie totalement dé matérialisée. Dans sa dimension
purement individuelle, la monnaie offre la liberté de choisir le bien, l'offreur de celui-ci, le
temps et le lieu de toute transaction.
Dans sa dimension temporelle, elle constitue le « lien par excellence entre le présent et
le futur » (Keynes 1936). Elle est un moyen d'apaiser notre inquiétude face à un avenir incertain
et non probabilisable.
B- Les différentes approches essentielles de la monnaie

1) Les origines de la monnaie selon la vision "morphogénètique" ( Cf.J-P DUPUY ).

En effet, l'homme est la créature qui, au-delà, des besoins essentiels, désire intensément mais
sans savoir vraiment quoi : il en vient donc à désirer ce que l'autre désire
Dès lors, la rareté inhérente à la condition humaine fait que chaque bien est susceptible d'être
convoité par plusieurs individus, qui risquent d'utiliser la violence pour en exclure les autres («
rivalité mimétique »).
Par l'avènement du sacré, les sociétés vont parvenir à transformer ce mimétisme d'appropriation
en mimétisme d'exclusion. Le stratagème consiste à trouver une victime émissaire, sur laquelle
sera focalisée la violence, ainsi exclue du champ social quotidien. Cette logique expliquerait
des pratiques extrêmement diverses, telles que les rites sacrificiels (Abraham sacrifiant un bélier
pour épargner son fils, ou les assertions du grand prêtre CAÏPHE dans la passion du Christ "il
vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière"
Évangile selon St Jean), ou la prohibition de l'inceste.
2) La monnaie comme une créance à vue

La monnaie est une créance à vue des agents économiques sur le système bancaire ; c'est
quelque chose que la banque nous doit. Du point de vue des Institutions financières monétaires,
c'est une dette qui circule dans l'économie. De ce point de vue, il est impossible de dissocier la

9
monnaie du système monétaire d'où d'ailleurs l'Importance des banques dans une économie
monétaire de production.
3) La monnaie comme un fait social
La monnaie a une dimension sociale. La monnaie est en effet, le mode spécifique de
socialisation du travail, lorsque ce dernier s'effectue sur la base d'une production privée. La
monnaie est certes une technique mais c'est aussi un phénomène social qui met en jeu des
relations humaines et pas simplement une technique. L'enjeu principal de la monnaie est
toujours l'appartenance à une communauté de valeurs. Or, cette appartenance s'inscrit dans des
formes relativement différentes selon les époques et les sociétés.
4) La dimension conventionnelle de la monnaie
La monnaie apparaît en définitive, comme une convention, dans la mesure où elle
constitue un accord de fait pour l’ensemble des individus, qui se révèle, à l’usage, d’une grande
commodité pratique, mais dont il est impossible d’expliquer de façon expérimentale (donc
scientifique), l’essence (H. POINCARE). Elle est un signe qui est l'émanation du social : "la
valeur de la monnaie n'est autre chose que ce que la société décide d'y voir" (J-B. RUFFINI).
La monnaie est générée par une convention marchande : J'accepte la monnaie car autrui
l'accepte. La qualité d'une monnaie se mesurera, dès lors, à l'aune de son aptitude à conserver
sa valeur d'une période à l'autre et de sa capacité à inspirer confiance à ses utilisateurs. Ce
minimum de cohésion sociale et de confiance, qui est au fondement même de toute monnaie,
émane soit d'un acte de foi (acceptation générale du numéraire par la communauté), soit d'un
édit des autorités qui l'établit comme cours légal dans un territoire donné.

5) Les dimensions historiques et sociopolitiques de la monnaie


Les historiens nous rappellent que les Lydiens auraient été les premiers à frapper et à
mettre en circulation des pièces d'or et d'argent. Par ailleurs, les historiens disent également que,
en Grèce antique, les citoyens libres ne pouvaient ni exercer ni commerce, plus tard, d'activité
d'argent. Ces activités étaient réservées aux esclaves et surtout aux étrangers résidents dans les
cités. Il y avait une segmentation entre le gros et le petit commerce (J.M. Thiveaud, 1999).

10
CHAPITRE 2 : LES FORMES ET LES MESURES DE LA MONNAIE

Parmi les formes monétaires, après avoir distingué les moyens de paiement et les
moyens d'épargne, nous préciserons les différentes mesures de la monnaie en présentant les
agrégats monétaires.

Section I : Les formes de la monnaie

A- Les actifs monétaires ou moyens de paiement

En s'attachant à l'aspect matériel de la monnaie, on constate que celle-ci se présente


actuellement sous deux forme : la monnaie manuelle et la monnaie scripturale.

1) La monnaie manuelle

Durant des siècles, sous la forme de l'or ou de l'argent, la monnaie manuelle a été la
forme prépondérante de la monnaie à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale. La
monnaie manuelle ou fiduciaire correspond aux pièces métalliques et aux billets. Dans le passé,
l'usage simultané de l'or et de l'argent comme monnaie (Le bimétallisme or-argent) a été institué
en France par une loi des 7 et 17 germinal an XI (28 mars et 7 avril 1803). Les deux métaux
circulaient librement et étaient liés par une parité fixe. La loi de Germinal établissait deux
égalités entre le franc F (qui n'était qu'une unité de compte) et les métaux : 1 F = 5 g d'argent
; 1 F = 0,333 g d'or.
Le bimétallisme a été abandonné en 1876 au profit d'un monométallisme, dans le cadre
du système de l'étalon or (gold standard) ou, plus précisément, du système de l'étalon espèce-
or-gold spécial standard) en raison de la circulation effective des pièces d'or ; ce dernier fut le
système monétaire universel jusqu'en 1914.
1.1- Les billets
Les premiers billets apparaissent en Chine, pays où fut inventé le papier (3e siècle avant J.C.) -
Les plus anciens billets sont émis en Chine au début de la dynastie des Song du Nord (960-
1127) et leur emploi va se généraliser entre le 12 et le 14ème siècles. Aujourd'hui le billet,
monnaie « légale » que l'on ne peut pas refuser en paiement, reste important dans les transactions
courantes et son usage est grandement facilité par le développement des cartes bancaires et des
distributeurs automatiques de billets.
11
1.2- Les pièces métalliques

Les pièces s'appellent aussi la « monnaie divisionnaire », puisqu'elles permettent la


division de l'unité de compte. Elles sont faites d'alliage de nickel et de cuivre, sans grande valeur
intrinsèque comme par le passé. Les valeurs réelles et faciales diffèrent grandement. L'histoire
monétaire nous enseigne que lorsqu'une monnaie est préférée à une autre, les agents
économiques ont tendance à la thésauriser et à n'utiliser que la seconde monnaie comme moyen
de règlement. Connue sous le nom de « loi de Gresham », résumée par la célèbre formule, « la
mauvaise monnaie chasse la bonne », cette tendance se retrouve au niveau des pièces
contemporaines.
2) La monnaie scripturale
Elle désigne les dépôts à vue possédés par les agents économiques dans les comptes courants
(dépôts à vue) des banques et de la Poste. Elle circule grâce aux chèques (qui ne sont pas de la
monnaie mais un instrument de paiement), aux virements bancaires et aux cartes de crédits. On
l'appelle scripturale (du latin « scriptus » qui signifie écrit) car elle est créée par de simples Jeux
d'écritures et correspond à des sommes qui sont inscrites dans les registres de banques, La
monnaie scripturale a plusieurs avantages :
La commodité ; on peut payer une certaine somme, juste avec une écriture avec la présentation
de l'un des supports : pas de présentation de monnaie ;
- La sécurité : de vols ;
- La rapidité ;
- Limite le travail au noir ;
- La justification : l'existence de documents écrits qui peuvent servir de preuve devant les
tribunaux.
Mais il faut tout de même éviter de confondre la monnaie scripturale avec ses supports ou
Instruments. Par ordre d'importance décroissante, les supports sont, actuellement en France, les
suivants : le chèque pratiquement à égalité avec la carte bancaire, le virement, l'avis de
prélèvement, le TIP ou titre interbancaire de paiement.
La carte bancaire est une carte délivrée par un établissement de crédit comportant, le
plus souvent, une puce électronique et une piste magnétique permettant, selon le cas, d'effectuer
des retraits dans les distributeurs de billets et/ou des retraits et des paiements auprès des
commerçants.
Un avis de prélèvement est un moyen de paiement automatisé adapté aux règlements
répétitifs dispensant le débiteur de l'envol d'un titre de paiement lors de chaque règlement. C'est
12
essentiellement un double mandat permanent mais révocable donné par le débiteur à son
créancier pour l'autoriser à émettre des avis de prélèvement payable sur son compte ; à sa banque
pour l'autoriser à débiter son compte.
Un virement bancaire est une opération de transfert de fonds d'un compte à un autre. Il
s'effectue électroniquement entre deux comptes bancaires, qui ne sont pas nécessairement tenus
dans la même agence ou la même banque. Depuis 2008, les virements bancaires font l'objet
d'une harmonisation au niveau européen.
Le paiement par TIP (Titre Interbancaire de Paiement) est un moyen de paiement simple.
Il accompagne une facture (société, organisme, etc.) et vous permet de la régler ponctuellement
(loyer, facture de téléphone ou d'électricité) à distance sans avoir besoin d'émettre un chèque.
Il vous suffit de signer le TIP et de le renvoyer, accompagné de votre relevé d'identité bancaire,
à votre créancier.
3) Le paiement électronique et la monnaie électronique
Le développement d'Internet et l'explosion des ordinateurs portables fait qu'il est
désormais peu coûteux de payer électroniquement. Au lieu d'envoyer un chèque on peut se
connecter sur le site internet de sa banque et en quelques secondes transmettre un ordre de
paiement pour régler ses factures. C'est un moyen de paiement qui devient de plus en plus
répandu. Le paiement électronique peut non seulement se substituer au chèque, mais peut aussi
remplacer le numéraire sous forme de monnaie électronique. La première forme de monnaie
électronique est appelée carte de crédit. Il en existe d'autres (cartes prépayées ou portemonnaie
électronique).
B- Les actifs liquides ou moyens de placement
Les actifs non négociables sont constitués de l'ensemble des placements à vue auprès
des intermédiaires financiers, c'est-à-dire des créances émises par les établissements de crédit
et le Trésor remboursables à leur guichet à leur valeur faciale. Il s'agit des comptes sur livret
ordinaires, des comptes sur livret privilégiés et des placements à court terme contractuel.

1) Les actifs liquides négociables


Placements à Court terme en titres négociables sur le marché des capitaux. Ces placements ont
un rendement financier de marché et sont convertibles en moyens de paiement par négociation
sur un marché. Leurs formes actuelles sont les titres de créance négociables (TCN) émis par des
institutions financières, titres d'OPCVM monétaires. OPCVM : organismes de gestion de
portefeuilles investis en titres à + ou - courte échéance de remboursement. On distingue les
SICAV (sociétés d'Investissement à capitaux variables) et les FCP (fonds communs de
13
placements). Pour se financer, ces organismes émettent des parts qui sont souscrites par les
ANF.
Les titres du marché monétaire.
Le marché monétaire consiste en échanges de monnaie contre dette. Il fonctionne largement par
l'échange de titres négociables mais peut comporter des prêts directs, spécialement entre
institutions financières s'il s'agit du compartiment interbancaire. Les titres de créances
négociables ont été créés par les décisions du Conseil des ministres de l'UMOA en date du 21
Décembre 1995 et du Conseil d'administration de la BCEAO en date du 20 Décembre 1995.
Les règlements N° 96-02 et N° 96 - 03 de la BCEAO définissent les modalités d'émission des
bons du Trésor, des certificats de dépôts, des bons des établissements financiers et des bons des
Institutions financières régionales.
Tableau 1 : Instruments échangés sur le marché monétaire de l'UEMOA
Instruments Emetteurs Durée
Bon du Trésor Gouvernement 7 jours- 2 ans

Billets de Trésorerie ou
Entreprises 7jours-2ans
commercial paper
Institutions financières
Bons des établissements financiers 7 jours- 7 ans

Certificats de dépôts Banques 7 jours - 7 ans

Bons des institutions financières


BOAD 7 Jours- 7 ans
internationales
Source: BCEAO

Tableau 2 : Les conditions d'émission sur le marché monétaire


Instruments Conditions Valeur nominale
Bons de Trésor - 1000000 FCFA
Capital au moins de 100 millions,
Billets de trésorerie bénéficié d'un accord de classement ou 1000000 FCFA
une garantie

Bons des établissements L'encours des bons doit être inférieur à


1000000 FCFA
financiers 25% de leur emploiµ
Certificats de dépôts
Respect du dispositif prudentiel 1 000000 FCFA
Bons des institutions L'encours des bons doit
1 000000 FCFA
financières régionales être inférieur à 25% de leur emploi

14
Source : BCEAO

Les principaux titres émis sur le marché monétaire de l'UEMOA sont :


- Les bons du Trésor à taux fixe, ou BTF émis par l'Etat qui font l'objet d'adjudication ;
la durée à l'émission des BTF varie de 7 semaines à 2 ans. Leur valeur nominale est
égale à 1 000000 FCFA. Le taux est fixe, les intérêts sont précomptés et le taux in-fine.
- Les billets de trésorerie sont émis par entreprises. Le taux est in fine, fixe et la durée est
comprise entre 7 jours et 2 ans,
- Les certificats de dépôts sont émis par les banques. Les intérêts sont post ou précomptés
leur durée varie entre 7 jours et 7 ans. Le taux est in fine et fixe. Section II : Les mesures
de la monnaie

A- Les agrégats comptables


Par les regroupements opérés, le principal souci des autorités qui ont en charge la conduite de
la politique monétaire est de savoir si la quantité de monnaie en circulation est d'un volume
suffisant pour financer les transactions de sorte qu'elle ne freine pas la croissance économique
tout en ne relançant pas les tensions inflationnistes. Feront partie de la masse monétaire, les
moyens de paiement au sens strict (pièces, billets, dépôts à vue), mais aussi tous les actifs
susceptibles d'être transformés en moyens de paiement, sans délai important, ni risque de perte
en capital. Les agrégats monétaires sont définis par la banque centrale (approche de la banque
centrale européenne) sur la base d'un critère de classement des instruments et en distinguant les
types d'agents.
1) Les différents agents

On a les secteurs émetteurs et détenteurs de monnaie :


Le secteur émetteur de monnaie regroupe les institutions financières monétaires (IFM)
résidentes de la zone UEMOA dont les exigibilités vis-à-vis des non-IFM situées dans la même
zone (à l'exclusion des administrations centrales) présentent un caractère fortement monétaire.
En général, les IFM englobe la Banque centrale, les établissements de crédit au sens de la loi
bancaire, la Caisse des dépôts et de consignations (le cas de la France), les OPCVM monétaires,
le Trésor public et la Banque postale en tant que collecteurs de dépôts (comptes chèques
postaux, comptes ouverts auprès des caisses nationales d'épargne et compte du Trésor).

15
Le secteur détenteur de monnaie recouvre l'ensemble des non-IFM résidentes de la zone
UEMOA, soit : les ménages, les sociétés non financières, les gouvernements d'Etats fédérés
(s'ils existent), les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale.
2) Le critère de classement
Les autorités ont retenu le critère le plus simple permettant d'harmoniser le classement des
dettes utilisées. Ce critère est celui du degré de liquidité des instruments. Les agrégats
monétaires permettent de classer les différents actifs monétaires. La banque centrale définit trois
agrégats emboîtés, notés de M1 à M3, du plus étroit au plus large. Le degré de liquidité peut se
traduire par la fréquence avec laquelle les agents économiques transforment ces actifs en moyen
de paiement. La banque centrale a défini un agrégat étroit, monnaie au sens strict, (M1), un
agrégat « Intermédiaire », monnaie et quasi monnaie (M2) et un agrégat élargi (M3),

Tableau n 3 : Définition des agrégats


Dettes (actif du plus
liquide au moins liquide) M1 M2 M3

Monnaie fiduciaire X X X
Dépôts à vue X X X
Dépôts à terme jusqu'à 3 ans X X

Dépôts à terme avec préavis


X X
maximum de 3 mois
Rémérés (les pensions) X

Titres d'OPCVM monétaires X

Titres de créance jusqu'à 2 ans X


NB : La Dette ici est constituée de la dette du secteur émetteur de monnaie et des dettes des
gouvernements centraux ayant un caractère monétaire détenues par le secteur détenteur de
monnaie.

M1 = Pièces et billets en circulation + dépôts à vue

M2 = M1+ dépôts avec préavis inférieur à 3 mois (livrets ordinaires, livret A, livret Bleu, livrets
jeunes, livret d’épargne, compte d’épargne logement etc) + dépôts à terme durée inférieure à 2
ans (compte à terme, plan épargne populaire, plan épargne logement, des bons de caisse etc).
M3 = M2 + prises en pensions de titres + titres d’Opcvm monétaires + titres de court terme du

16
marché monétaire d’une durée inférieure à 1 an émis par les IFM + titres de créances de durée
inférieure à 2 ans émis les résidents de la zone.
M4 = M3 + certains avoirs monétaires (Bons du Trésor, billets de Trésorerie) : liquidation assez
rapide des placements mais risque de perte en capital.
Les agrégats monétaires sont utilisés par les autorités monétaires pour suivre l'évolution
de la masse monétaire et, à travers elle, la dépense future et les prix. Mais ce sont des indices
très approximatifs de l'évolution des ressources disponibles des ménages à cause de leur forte
substituabilité avec les actifs non monétaires.

17
DEUXIÈME PARTIE : L'OFFRE DE LA MONNAIE

18
CHAPITRE 3 : LES MÉCANISMES DE LA CRÉATION MONÉTAIRE

Le pouvoir de transformation des créances en moyens de paiement est exclusivement


détenu par les institutions financières, principalement les banques. La création monétaire met
toujours en relation deux catégories d'acteurs ; les agents non financiers et les agents financiers
qui seuls ont pouvoir de création monétaire. Cette création monétaire est assurée par trois types
d'agents : les banques commerciales, la Banque Centrale et le Trésor Public.

Section 1 : Les principes de la création monétaire

À l'origine, les banques ne prêtaient qu'à hauteur du montant de monnaie métallique


détenue à leur actif. Ainsi lorsqu'un dépôt d'or était effectué pour une durée d'un an par exemple,
la banque pouvait prêter cette somme pour une durée inférieure. Les banques s'aperçurent
toutefois que leurs stocks de monnaies métalliques (or, argent) ne descendaient jamais en
dessous d'un certain seuil puisqu'une partie des sommes prêtées revenaient toujours dans leurs
caisses sous forme de dépôts.
Aujourd'hui les banques ne sont plus de simples intermédiaires qui prêtent des fonds à
partir des dépôts reçus. Elles créent de la monnaie lorsqu'elles accordent des crédits. Ce sont
ainsi les crédits qui font les dépôts et non plus l’inverse. Les opérations de crédit réalisées par
les banques représentent donc une source majeure de création monétaire, il s'agit des crédits
accordés aux particuliers, aux entreprises mais également à l'État.

A- Cas d'une économie simplifiée avec une seule banque

Dans ce monde imaginaire, il n'existe qu'une seule banque émettant la monnaie unique
auprès des agents non financiers qui n'ont pas la possibilité d'émettre des titres (actions,
obligations ou « papier commercial » à court terme) pour se financer. Le circuit monétaire que
forment la banque, l'ensemble de ses clients et la monnaie utilisée, est donc unique.
La banque unique peut être un établissement privé, dont le capital appartient à des
actionnaires privés, ou un établissement public détenu par l'État. Comme nous l'avons déjà
mentionné, la forme de la monnaie importe peu maïs, pour simplifier l'exposé, nous supposerons
ici qu'il s'agit d'une monnaie scripturale. Chaque agent détient un compte auprès de la banque
unique et toutes les transactions donnent lieu à un paiement se déroulant nécessairement à l'aide

19
de la monnaie de cet établissement. La monnaie étant une dette à vue de la banque (son
possesseur peut la mobiliser à tout moment pour procéder à un paiement), voyons comment se
déroule un paiement de l'agent (X) auprès de l'agent (Y) qui se fait avec un crédit de la banque
de 1000 : dans ce cas, le compte courant de (X) à la banque est débité, celui de (Y) est crédité
de la même somme. Dans le bilan très simplifié ci-dessous, nous ne porterons que les opérations
décrites ici : le bilan sera donc tenu en termes de variations d'actif et de passif.

1) Bilan de la banque lors d'un paiement de (X) à (Y)

∆Actif ∆Passif

Dépôt à vue agent (X) -1000


Dépôt à vue agent (Y) +1000

Supposons maintenant qu'un agent non financier, par exemple une entreprise, ait besoin
de monnaie pour régler un fournisseur, sa trésorerie étant insuffisante. L'entreprise en question
sollicite un crédit (de 100000 FCFA dans l'exemple ci-dessous) à la banque et elle est disposée à
payer le taux d'Intérêt en vigueur. Le banquier étudie le dossier de l'emprunteur (II s'assure de
l'honorabilité de l'entreprise, de sa solvabilité...) et, s'il donne son accord à l'octroi du crédit, il
crédite le compte de l'emprunteur. Les comptes en T (toujours tenus en termes de variations
d'actif et de passif) des deux protagonistes s'établissent donc ainsi :
2) Bilan de la banque après création monétaire

∆Actif ∆Passif

Prêt à Dépôt à vue (compte


100000 100000
l'entreprise courant de l'entreprise)
3) Bilan de l'entreprise emprunteuse

∆Actif ∆Passif

Compte courant à la Dette envers la


100000 100000
banque banque

La lecture des comptes montre que, d'un seul trait de plume, ou par une pression sur la
touche d'un ordinateur, la banque a inscrit un montant de 100000 FCFA au compte courant du
bénéficiaire (montant qui figure au passif de son bilan, parmi ses engagements) et,
simultanément, à figurer à l'actif de son bilan l'origine ou, comme on la désigne parfois la «
contrepartie » de cette monnaie nouvelle, c'est-à-dire l'acquisition d'une créance (par exemple
20
un effet commercial) sur l'entreprise. Les deux écritures qui figurent dans le compte de la
banque (de même que les deux écritures symétriques qui figurent dans le compte de l'entreprise)
ne sont pas disjointes dans le temps, car elles représentent une seule et même opération : la
monétisation d'une créance par la banque. Dans cette mécanique, peu importe l'identité de
l'emprunteur : il pourrait aussi bien s'agir d'un ménage ou de l'État (auquel cas, l'actif immobilisé
par la banque pourrait être un bon du Trésor) : on parlera donc généralement d'un agent non
bancaire (ANB). Peu importe également la nature de l'actif acquis par la banque : la création
monétaire est initiée par le crédit dès lors que l'emprunteur est jugé solvable. Les Inscriptions
portées dans les deux comptes en T (de la banque et de l'emprunteur) appellent plusieurs
remarques :
En conséquence, et contrairement à une idée reçue, les banques fonctionnent à l'envers.
Elles ne collectent pas les dépôts pour les prêter, mais ce sont les crédits qu'elles accordent qui
constituent les dépôts dont use le public comme monnaie. L'adage de Withers « les prêts font
les dépôts » témoigne du caractère indissociable de la monnaie et du crédit : ils apparaissent en
même temps.
B- Cas d'une économie à banque multiples

Lorsque l'environnement financier se compose de 2, 3, ..., n banques commerciales non


hiérarchisées, c'est-à-dire concurrentes les unes des autres, chacune d'elles crée, selon le
principe vu dans le paragraphe précédent, « sa » monnaie, qui figure au passif de son bilan (en
même temps qui figure à l'actif l'opération génératrice de la monnaie). Ainsi, cohabitent dans la
même économie, des monnaies portant la marque du réseau de leur émetteur : de la monnaie «
SIB », de la monnaie « Société générale », de la monnaie « ECOBANK », etc.
La présence de plusieurs banques soulève pour chacune d'elles un problème nouveau
puisqu'il est probable qu'une partie des dépôts créés risque d'être convertie, à l'occasion des
paiements effectués par leur titulaire, en dépôts d'un autre établissement. Les établissements
sont alors confrontés à la présence de « fuites » hors de leur circuit. Ainsi, si la banque (A) crée,
par le crédit, un dépôt de 100000 FCFA à l'un de ses clients (un ANB), elle peut s'attendre à ce
que ce client ne laisse pas cet avoir, en contrepartie duquel il paye un intérêt, à l'état oisif sur
son compte. Il va probablement procéder à des dépenses auprès de (Y), de (Z)... dépenses qu'il
va régler en émettant des chèques (ou d'autres moyens de règlement) tirés sur la banque (A).
Deux scénarios sont alors possibles :
- (Y), le créancier de (X), peut, tout comme (X) lui-même, être client de la banque (A). Au
moment de l'encaissement du chèque (dans l'exemple ci-dessous, de l'intégralité des 100000
21
FCFA), la banque n'aura à effectuer qu'un jeu d'écriture (débit de (X), crédit de (Y)), exactement
comme dans l'hypothèse de la banque unique. La monnaie, désormais détenue par l'agent (Y),
reste la monnaie de la banque (A) et celle- ci n'est alors confrontée à aucune difficulté de
liquidité (bilan 4) puisque la quantité de monnaie (A) est inchangée après le paiement de (X) à
(Y);
- (Y) peut être client d'un autre établissement, par exemple de la banque (B), En remettant
son chèque, ii sera crédité dans les comptes de la banque (B), c'est-à-dire payé en monnaie (B),
Mais, naturellement, la banque (B) ne peut créditer son client (Y) qu'en contrepartie d'un
engagement à son endroit de la banque (A) : la séance de compensation, à l'issue de laquelle
sont dégagés les soldes Interbancaires, fait apparaître, dans notre exemple, une créance de
100000 FCFA de la banque (B) (oui a encaissé le chèque remis par son client (Y)) sur sa
consœur (A) (bilan 5).
4) X et Y sont clients de la banque A

Situation de la banque A

∆Actif ∆Passif
Prêt 100000 FCFA D.V.X -100000 FCFA
D.V.Y 100000 FCFA

5) X est client de A et Y est client de B

Situation de la banque A

∆Actif ∆Passif
Prêt 100000 FCFA D.V.X -100000 FCFA
Dette vis-
à-vis de B 100000 FCFA

Situation de la banque B

∆Actif ∆Passif

Créance sur
A 100000 CFA D.V.Y 100000 FCFA

22
Il reste donc à comprendre comment sont effectués les paiements interbancaires, c'est-à-dire ici
le règlement entre (A) (l'établissement débiteur) et (B) (le créancier). On pourrait imaginer que
la banque créancière accepte d'être payée dans la monnaie de la banque débitrice. Dans notre
exemple, la banque (B) ouvrirait un compte auprès de la banque (A), compte qui serait crédité
du montant dû par (A) à (B) (bilan 6).
6) A paye B à l'aide de sa propre monnaie

Situation de la banque A

∆Actif ∆Passif

Prêt 100000 FCFA D.V.X D.V.


banque B
-100000 FCFA
100000 FCFA

On mesure le caractère irréaliste de cette situation qui reviendrait en effet à faire de la


banque (B) le client volontaire d'un autre établissement, avec lequel elle est pourtant en
concurrence sur le marché des dépôts et du crédit. Mais surtout, le paiement par (A) de sa dette
à l'aide de sa propre monnaie est totalement avorté : l'observation des comptes montre en effet
qu'après ce prétendu paiement, (A) reste engagée vis-à-vis de (B) pour le montant du dépôt
constitué par (B), puisque la monnaie de (A) est la dette de (A). Pas plus qu'un agent non bancaire
ne se libère de ses engagements financiers en remettant à ses créanciers des reconnaissances de
dettes (il diffère alors son paiement), une banque ne peut acquitter ses dettes en remettant sa
propre monnaie.
Il faut naturellement noter que les fuites sont compensées au sein de l'ensemble des
établissements de crédit, c'est-à-dire que les demandes de conversion d'une monnaie (A) en une
monnaie (B) (ou d'une monnaie (B) en monnaie (A)) n'accroissent ni ne diminuent la circulation
monétaire et restent neutres sur la liquidité globale du système bancaire. Considérons un autre
exemple aussi intéressant : les transactions économiques de deux agents non financiers X et Y,
dans une économie à deux banques, A et B, qui leur ont accordé des crédits.

23
Bilan de la banque A

Actif Passif

Créances sur X: + 100 FCFA Dépôts de X : + 100 FCFA

Bilan de la banque B

Actif Passif

Créances sur Y: +200 FCFA Dépôts de Y: +200 FCFA

Supposons que Y tire un chèque de 30 FCFA à l'ordre de X, et qu'à la suite d'une autre
transaction, X tire un chèque de 20 FCFA à l'ordre de Y. Des opérations de règlement vont
devoir être effectuées entre les deux banques. Après compensation (c'est à dire annulation des
créances et des dettes), la banque B doit 10 FCFA à la banque A. Au terme des transactions,
l'agent X possède un dépôt de 110 FCFA à la banque A et l'agent Y dispose d'un dépôt de 190
FCFA à la banque

B. Les bilans des deux banques apparaissent de la manière suivante :


Bilan de la banque A

Actif Passif

Créances sur X : +100 FCFA Dépôts de X: + 110 FCFA


Créances sur B : + 10 FCFA
Bilan de la banque B

Actif Passif

Créances sur Y: +200 FCFA Dépôts de Y : +190 FCFA


Dette envers A : +10 FCFA

Dans le cas d'un système à banques multiples, on constatera généralement une certaine
inégalité des parts de marché dans la distribution des crédits comme la collecte des dépôts.
Dans notre exemple, le marché de la banque B en matière de crédits est de 66% (200/
300) alors sa part dans la collecte des dépôts n'est que de 63% (190 /300). Il y a donc une fuite
de 10 FCFA dans le retour des dépôts de la banque B, le respect de la contrainte de l'équilibre
du bilan obligera la banque B à se refinancer, c'est à dire à l'emprunt auprès de la banque A des
10 FCFA de ressources financières nécessaires à l'équilibre de son bilan.
En généralisant, un système à banques multiples peut être composé par trois sortes de
banques : (I) Des banques qui équilibrent leurs opérations de crédits et de dépôts. Une banque
24
C distribuerait 1000 FCFA de crédits et capterait 1000 FCFA de dépôt, (II) Des banques qui
distribuent beaucoup plus de crédits que de dépôts. L'équilibre du bilan leur Impose un
endettement (donc une obligation de se refinancer). (III) Des banques qui captent plus de dépôts
qu'elles n'accordent de crédits. Elles peuvent assurer le bouclage financier du système en
permettant aux autres banques de se refinancer. Elles procéderont à l'acquisition de créances sur
celles-ci. De cet exemple, nous pouvons tirer deux enseignements. D'une part, chaque banque
commerciale crée sa propre monnaie scripturale en accordant des crédits aux titulaires de
comptes. D'autre part, les banques sont tenues d'assurer la circulation de la monnaie scripturale
entre les comptes de leur client. Dès lors toute banque qui crée et fait circuler de la monnaie
scripturale, se trouve confronter à des fuites hors de son circuit monétaire. Si les fuites du réseau
bancaire A vers le réseau bancaire B sont juste compensées par les fuites du réseau bancaire 8
vers le réseau bancaire A. Il y a une parfaite compensation des dettes que les banques ont l'une
envers l'autre et nulle opération de refinancement n'est nécessaire. Ce résultat est mis en
évidence par le principe de croissance équilibrée du système bancaire. Pour assurer une
croissance équilibrée du secteur bancaire, c'est à dire que les parts de marché sur les dépôts et
les crédits restent inchangées, il est nécessaire que le montant des crédits accordé par B à sa
clientèle vienne compenser les fuites que A enregistre lorsqu'elle a distribué ses propres crédits.
En d'autres termes, il convient de respecter l'égalité suivante :
Fuites bancaires de A vers B = Fuites bancaires de B vers A
FA=FB (1)
Le montant des fuites pour chacune des banques s'écrit :
FA = CA (1 – dA) (2)
FB=CB (l – dB) (3)
Avec dB + dA = 1

FA, FB représentent les fuîtes des banques A et B, CA, CB les crédits ;


dA et dB les parts de marchés ;

Compte tenu des équations (1), (2) et (3), on peut calculer le que la banque B devra accordée à
ses clients :
Soit FA = CB (l – dB) => CB = FA/ (l – dB)

Supposons le bilan initial pour chacune des banques suivantes :

25
Bilan de la banque A
Actif Passif
Crédits 6000 Dépôts 6000

Bilan de la banque B
Actif Passif
Crédits 4000 Dépôts 4000

La banque A octroie un crédit de 1200 FCFA et la banque B 800 FCFA. Sur les 1200
FCFA de la banque A, une proportion (1200 x (1-60%) soit 480 FCFA fuit hors du réseau de
A. Et sur les 800 FCFA de crédit de B, une proportion (800 x (1 – 40%) soit 480 fuit hors du
réseau B. En fait, sur ces 800 FCFA, une proportion égale à 40%, soit 320 FCFA resteront dans
le réseau bancaire de B, le reste (soit 480 FCFA) se retrouvera dans le réseau bancaire de A,
compensant exactement les fuites qui ont eu lieu lors de l'octroi des 1200 FCFA de crédits par
A.
À terme, aucune banque n'est créancière ou débitrice de l'autre. La masse monétaire est
passée de 10 000 FCFA à 12 000 FCFA (la hausse de 2000 FCFA correspondant aux crédits
accordés par le banques A et B). Les parts de marché sur les crédits (et les dépôts) n'ont pas
changé.

Bilan de la banque A

Actif Passif

Crédits: 7200 FCFA Dépôts : 7200 FCFA

Bilan de la banque B

Actif Passif

Crédits: 4800 FCFA Dépôts: 4800 FCFA

dA= 7200 : (7200 + 4800) = 60% dB = 4800 : (4800 + 7200) = 40%

En généralisant, on peut déduire des équations (1) (2) et (3), une règle simple qui exprime les
conditions de croissance équilibrée du secteur bancaire.

CA / CB = dA/dB

26
La création monétaire des deux banques doit être proportionne à leur part de marché
respective. Dans le cas d'un système bancaire généralisé, cette règle rappelle que la croissance
de ce dernier sera équilibrée si chaque banque crée de la monnaie proportionnellement à sa part
de marché. Ajoutons que les banques ont intérêt à respecter cette règle. Une banque ne cherchera
pas à limiter sa création monétaire en deçà de sa part de marché (raréfaction du crédit), elle se
priverait en effet de la rémunération des opérations de crédits (Intérêt) et risquerait de perdre
des clients (qui iraient obtenir des crédits chez les concurrents). De la même façon, une banque
ne cherchera pas à accorder davantage de crédits (stratégie agressive pour déstabiliser les autres
banques) que sa part de marché ne lui permet, ses concurrents réagiraient aussitôt en accordant
à leur tour des crédits (or les stratégies de course aux clients détériorent le bilan des banques et
accroissent les risques vis à vis des emprunteurs. N'en concluons pas pour autant que la règle
de croissance équilibrée limite la concurrence entre les banques. Ces dernières ont d'autres
armes à leur actif (différenciation des produits, tarification des services, stratégies de
régionalisation, de diversification, ...).
C- La création monétaire en présence de la banque centrale
Ce qui caractérise principalement la banque centrale est qu'elle n'a plus aujourd'hui de clientèle
particulière, qu'elle ne répond donc à aucune demande de crédit de la part des ANB, et qu'elle
émet la monnaie centrale, sous forme de billets utilisés par les ANB et de monnaie interbancaire
(sous forme scripturale), utilisée par les banques et l'ensemble des Institutions financières (y
compris le Trésor public) pour leurs paiements réciproques. La présence de la banque centrale
pèse sur le pouvoir de création monétaire des banques commerciales pour plusieurs raisons :
- elle alimente le système bancaire en liquidités Interbancaires et en règle le coût
puisqu'elle fixe unilatéralement les taux directeurs de ses refinancements;
- elle fournit seule les billets demandés par les ANB. Les demandes de billets constituent
une fuite hors du circuit bancaire commercial, exactement comme la conversion de la
monnaie (A) en monnaie (B) constitue une fuite pour la banque (A);
- elle peut contraindre les banques commerciales à détenir des réserves obligatoires" en
monnaie centrale.

Lorsque le refinancement est accordé par la banque centrale (10 millions d'euros dans
l'exemple ci-dessous), celle-ci crédite dans ses livres la banque commerciale à hauteur du
refinancement accordé. De la monnaie interbancaire a été créée. Les sommes prêtées figurent
donc au passif du bilan de la banque centrale et le crédit qu'elle a consenti figure à l'actif dans
l'une des rubriques « concours aux établissements de crédit ». En ce qui concerne la banque de
27
second rang, le passif de son bilan retrace le montant de ses engagements à l'égard de la banque
centrale et l'actif les sommes que cette dernière a porter au crédit de son compte.

(7) Opération de refinancement d'une banque commerciale auprès de la banque centrale


Situation de la banque centrale Situation de la banque commerciale

∆Actif ∆Passif ∆Actif ∆Passif

Concours à la Dépôt Engagements


Avoir en
envers la
banque 10 M banque 10 M banque 10 M 10 M
banque
commerciale. commerciale centrale
centrale

Cette présentation permet de répondre à quatre importantes interrogations.


1) contrairement aux banques commerciales ou de second rang, la banque centrale ne peut
connaître des problèmes de liquidité, puisqu'elle émet la monnaie Interbancaire qui ne peut être
convertie, au sein d'un même espace monétaire, en autre chose qu'en elle-même. La banque
centrale possède les mêmes privilèges que ceux de la banque unique de notre premier
paragraphe. Il en va différemment en économie ouverte lorsque la monnaie d'un pays peut être
convertie en devises mais, en économie fermée, tous les paiements effectués par la banque
centrale s'effectuent en monnaie interbancaire que l'on peut ainsi qualifier de monnaie « ultime
»
2) contrairement à une croyance très répandue, la banque centrale n'a ni l'initiative de la
création monétaire (celle-ci est effectuée par les banques commerciales, dès lors qu'il existe une
demande d'emprunts de la part des ANB et que les banques ont la volonté d'y répondre), ni le
pouvoir d'ajouter (ou de retirer) au stock des moyens de paiement circulant dans l'économie.
Ainsi, lorsqu'un agent demande des billets au guichet de sa banque, son compte à vue est
immédiatement débité de telle sorte que si davantage de billets circulent, l'agent considéré
détient, en contrepartie, moins de monnaie scripturale (cf. opération 8).

Enfin, II apparaît que la banque centrale n'intervient qu'après coup, une fois la création de
monnaie scripturale réalisée par les banques de second rang, et sans avoir elle-même la
possibilité d'exercer une influence directe sur le montant des agrégats monétaires. C'est donc de
manière très abusive que l'on parle du pouvoir de création monétaire de la banque centrale.
(8) retrait de 1000 FCFA en billets de l'ANB (X) au guichet de sa banque (A)

28
Situation de la banque A
∆Actîf ∆Passif
Avoir en compte à la banque centrale Dépôt à vue de X - 1000 FCFA
- 1000 FCFA

Situation de l'agent X
∆Actif ∆Passif
Avoir en billets 1000 FCFA
Avoir à la banque centrale - 1000 FCFA

3) la moindre propension manifestée par le public, depuis plusieurs décennies, à utiliser des
billets dans ses règlements réduit les besoins de refinancement des banques commerciales
auprès de la banque centrale. Celle-ci est-elle donc condamnée à l'impuissance puisque les
banques paraissent, grâce à la baisse des fuites en billets, en mesure de s'affranchir de sa tutelle?
4) puisque la création monétaire émane des banques commerciales, et non de la banque
centrale, le rôle exercé par cette dernière sur le pouvoir bancaire ne peut être qu'indirect. Il n'en
demeure pas moins essentiel et fera l'objet d'un exposé approfondi dans le chapitre 6 relatif à la
politique monétaire.
La banque centrale peut se montrer plus ou moins restrictive dans ses opérations de
refinancement :
- soit en contingentant le volume des effets pris en portefeuille. Tel est le principe des
plafonds de réescompte appliqués jadis par la Banque de France ou la politique de base
monétaire fugitivement mise en œuvre par le Fédéral Reserve System en 1979'- Dans ce cas,
les banques commerciales vont anticiper les difficultés de leur approvisionnement en liquidités
et peuvent faire dépendre le volume de leur création monétaire du montant de liquidités en
monnaie interbancaire qu'elles sont susceptibles d'obtenir;
Section II : Les facteurs de la liquidité bancaire

A. Les besoins en billets de banque

Au-delà des fluctuations saisonnières, la circulation des billets constitue un facteur


permanent de pression sur la liquidité. Supposons que le système bancaire B, après avoir
accordé un crédit de 1000 FCFA à sa clientèle X, volt celle-ci demander 150 FCFA en billets.
Initialement, les bilans de B et de X se présentent de la façon suivante :

29
Bilans 1

Bilan de B

Actif Passif

Créances sur X : +1000 FCFA Dépôts de X: +1000 FCFA

Bilan de X

Actif Passif

Dépôts de X : + 1000 FCFA Créances surX:+ 1000 FCFA

Contraint de remettre 150 FCFA de billets à sa clientèle, le système bancaire doit s'adresser à
l'organisme qui émet ces billets, c'est-à-dire la banque centrale BC.. Ce qui suppose que B ait
un compte auprès de BC (DB) et maintenir sur celle-d une provision suffisante en monnaie
centrale. Dans notre cas de figure, nous Ignorons les taux d'intérêt, ce qui veut dire que
l'alimentation de ce compte ne peut se faire que par emprunt auprès de BC. Deux solutions au
moins s'offrent au système bancaire.
La première consiste à céder à BC (réescompter) 150 FCFA de créances détenues sur
X, ce qui modifierait les bilans comme il suit :
Bilans 2
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : + 850 FCFA Dépôts de X :+ 1000 FCFA
Dépôts de B : +150 FCFA
Bilan de BC

Actif Passif

Créances sur X: + 150 FCFA Dépôts de B : +150 FCFA


La seconde consiste, pour le système bancaire, à émettre des titres (Ce) acquis par la
banque centrale. Les bilans se modifient de la façon suivante :

Bilans 3
Bilan de B

Actif Passif

Créances sur X: + 1000 FCFA Dépôts de X: +850 FCFA


Dépôts de B : 150 FCFA Créances sur B : +150 FCFA

30
Bilan de BC

Actif Passif

Créances sur B :+ 150 FCFA Dépôts de B : +150 FCFA


En raison des besoins en billets des agents non financiers et par les concours apportés
aux banques, la banque centrale a créé de la monnaie centrale (les dépôts des banques DB) ayant
une forme scripturale. Le système bancaire peut alors utiliser ses fonds pour retirer 150 FCFA
de billets (notées Bi) émis par la banque centrale. B solde ainsi son compte, de la façon qu'un
agent économique solderait le sien en faisant un retrait de billets correspondant à l'intégralité de
son dépôt en B, Dans ce second temps, la monnaie centrale scripturale se transforme en monnaie
centrale fiduciaire (les billets).
Au terme de l'opération, les bilans de B, de BC et des agents économiques X se
présentent de la façon suivante :
Bilans 4
Bilan de B

Actif Passif
Créances sur X : + 1000 FCFA Dépôts de X: +1000 FCFA
Dépôts de B: + 150 FCFA Créances sur B :-150 FCFA
Bilan de BC

Actif . Passif

Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B : + 0 FCFA


B1 :1+150 FCFA
Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X : + 850 FCFA Créances sur X: + 1000 FCFA
B,: +150 FCFA
Cette opération illustre la pression exercée sur la liquidité bancaire par la circulation des
billets. Le système bancaire qui, initialement, pouvait gagner des Intérêts sur les crédits
accordés (CX) doit déduire de ceux-ci les intérêts qu'il doit régler, à son tour à la banque centrale
en raison de sa dette (CB). Par ailleurs, si la banque centrale refusait d'acheter des titres (CB)
aux banques, celle-ci, n'ayant pas de dépôts (DB), ne pourraient pas répondre aux besoins de
billets de leur clientèle. Cette impossibilité les contraindrait à ne pas pouvoir leur accorder des
crédits
(CX).

31
Il en découle que les banques n'ayant pas de réserves (de dépôts) à la banque centrale,
peuvent ne pas pouvoir accorder de crédits. En fait, la circulation des billets fait l'objet de cycles
relativement bien connus :
- sur la longue période, le public manifeste une moindre préférence pour le billet du fait de
son accoutumance à la monnaie scripturale et à la commodité (et la sûreté) des paiements par
chèques, cartes, prélèvements, etc. Cette évolution rend la progression de la circulation
fiduciaire plus lente que celle de !a monnaie scripturale et réduit tendanciellement le besoin de
liquidité,
- il existe par ailleurs des cycles infra-annuels, saisonniers, d'Intensification ou de
raréfaction de l'usage des billets : les vacances sont généralement propices à une plus forte
utilisation des billets, ceux-ci refluent vers les banques en fin de mois...

B. Les besoins en devises

Ces besoins sont liés aux mouvements internationaux de marchandises et de capitaux.


Contrairement aux mouvements de billets, ils pèsent sur la liquidité des banques de façon
aléatoire; l'améliorant en cas d'excédent extérieur, et donc d'entrée de devises, et la détériorant
dans le cas inverse. Partant des bilans 4, considérons le cas d'un exportateur X qui, par la vente
de marchandises, obtient des devises (noté De) représentant la contre-valeur de 50 FCFA. Celle-
ci Initialement à l'actif de X, nous supposerons que ce dernier les cède à B (son dépôt est alors
crédité de 50 FCFA) qui, à son tour, les offre sur le marché des changes où, en raison de son
objectif de défense de la valeur externe de la monnaie, la banque centrale ne manquera pas de
les acheter. Au terme de ces opérations, les bilans de B, de BC et de X se présentent de la façon
suivante :
Bilans 5
Bilan de B

Actif Passif

CréancessurX: + 1000 FCFA Dépôts de X: +900 FCFA


Dépôts de B :+ 50 FCFA Créances sur B : +150 FCFA
Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B: + 50 FCFA
De : +50 FCFA B,: +150 FCFA
n

32
Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X: + 900 FCFA Créances sur X: + 1000 FCFA
B1 : +150 FCFA
De : - 50 FCFA

Or que gagne le système bancaire à conserver de la monnaie centrale oisive (ici 50 FCFA) et
payer des intérêts sur les emprunts déjà contractés auprès de la banque centrale (ici 150 FCFA),
Le système bancaire peut gagner en se désendettant en partie, en soldant son compte à la banque
centrale (sa dette cb baissant à 100 FCFA).
La position de X restant inchangée, les bilans se présentent de la façon suivante Bilans
6
Bilan de B

Actif Passif
Créances sur X : +1000 FCFA Dépôts de X : + 900 FCFA
DB : 0 FCFA Créances sur B : +100 FCFA
Bilan de BC

Actif Passif

Créances sur B : +100 FCFA Dépôts de B : + 0 FCFA


De : +50 FCFA B1: 150 FCFA
Bilan de X

Actif Passif

Dépôts de X : + 900 FCFA Créances sur X : + 1000 FCFA


B1: +150 FCFA

Reprenons l'exemple du bilan 5 et ajoutons le compte du TP (initialement nul) au passif du bilan


de la banque centrale BC. Nous ignorons le bilan de X puisque ses actifs et passifs peuvent être
lus dans les bilans de B et de BC.
Supposons également que les banques achètent 30 FCFA de bon de Trésor (BT) nouvellement
émis. Dans un premier temps, cette opération se traduit par un débit sur le compte des banques
et un crédit équivalent sur celui du TP.

33
Bilans 7
Bilann de B
Actif Passif
Créances sur X: +1000 FCFA Dépôts de X: +900 FCFA
DB: + 20FCFA Créances sur B : +150 FCFA
BT : 30 FCFA
Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B: +150 FCFA Dépôts de B : +20 FCFA
De : +50 FCFA DTP: +30 FCFA
B1: +150 FCFA
Bilan de TP
Actif Passif
DTP: + 30 FCFA BT: +30 FCFA
Il se trouve que le TP ayant emprunté 30 FCFA dans le but, par exemple, de régler les
fonctionnaires de l'Etat (noté X), eux-mêmes clients du système bancaire B, cette opération se
traduira par un débit de 30 FCFA du compte du Trésor et par un crédit d'un montant équivalent
du compte de X et de celui des banques B ; soit la situation suivante :
Bilans 8
Bilann de B

Actif Passif
Créances sur X : + 1000 FCFA Dépôts de X: +930 FCFA
Dépôts de B : +50 FCFA Créances sur B : +150 FCFA
BT : +30 FCFA
Bilan de BC

Actif Passif
Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B: +50 FCFA
De : +50 FCFA DTP: 0 FCFA
B1 : +150 FCFA
Bilan de TP

Actif Passif

DTP: + OFCFA BT: +30 FCFA

34
Il y a bien eu une création monétaire de 30 FCFA. La masse monétaire, somme des
billets et des dépôts, passe ainsi de 1050 FCFA à 1080 FCFA. La liquidité des banques est
revenue à sa position Initiale. Toutefois, celles-ci disposent alors d'une double possibilité :
- Solder leur compte à la banque centrale dans le but de se désendetter pour un montant de
50 FCFA;
- Vendre leurs bons du Trésor à la banque centrale ; leur compte étant à nouveau crédité de
30 FCFA, elles peuvent se désendetter pour un montant équivalent.
Au terme de ces opérations, les bilans se présentent ainsi :
Bilans 9
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X: +1000 FCFA Dépôts de X: +930 FCFA
Dépôts de B : o FCFA Créances sur B:70 FCFA
BT : 0 FCFA
Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +70 FCFA Dépôts de B: +OFCFA
BT : +30 FCFA B1 : +150 FCFA
De : +50 FCFA DTP: 0 FCFA
Bilan de TP
Actif Passif
DTP: 0 FCFA BT: +30 FCFA

Dans le cas inverse où le Trésor public encaisse plus qu'il ne dépense (au moment par
exemple du recouvrement de l'Impôt), que la liquidité bancaire se détériore puisque le compte
des banques à la banque centrale est alors débité du montant des impôts prélevés, au profit du
compte du Trésor public. A partir des bilans 8, si X payait 30 FCFA d'Impôts, son dépôt
baisserait à 900 FCFA, et les comptes de B et du TP passeraient respectivement à 20 FCFA et
30 FCFA et on retrouverait ainsi les bilans 7.
- lorsqu'au contraire le Trésor effectue un paiement au bénéfice d'un ANB (par exemple,
quand il verse une subvention), le compte du Trésor à la Banque de France et débité et
celui de la banque gérant les avoirs de l'ANB est crédité. L'opération améliore la liquidité
de l'établissement considéré.

35
D. Les coûts de la liquidité bancaire

Le bilan de la banque centrale peut être généralisé de la façon suivante :

BC

De B
T R
RF
MC MC
La monnaie centrale (MC) a deux composantes :
- Les billets B ;
- Les comptes créditeurs (ou réserves R) des établissements de crédits et du Trésor
public (dont les réserves obligatoires RO).
-
Cette monnaie centrale créée a essentiellement trois contreparties inscrites à l'actif:
- Les devises acquises par la banque centrale De ;
- Les concours apportés au Trésor public T ;
- Les créances sur te système bancaire résultant d'opérations de refinancement RF.
On sait que la liquidité bancaire L se compose des billets en caisse dans les banques, des
avoirs de celles-ci en monnaie du Trésor et de leurs réserves R à la banque centrale. Comme
les banques détiennent peu de billets en caisse et que leur compte au Trésor, toujours
créditeur, n'est jamais imposant, on peut déduire que la liquidité bancaire se compose
essentiellement de réserves, soit: L = R.
Par ailleurs, l'égalité comptable tirée du bilan de la banque centrale nous permet d'écrire
:
B + R = De + T + RF
Il en découle que:
L = De + T + RF – B
Ainsi, la liquidité bancaire qui conditionne la capacité des banques en matière de
création monétaire, s'améliore :
- Lorsque la banque centrale acquiert des devises ;
- Lorsque le Trésor public s'endette ;
- Lorsque les concours aux banques, au titre des opérations de refinancement, s'élèvent ;
- Lorsque les demandes de billets de la clientèle des banques diminuent

36
CHAPITRE 4 : LES RELATIONS ENTRE LA BANQUE CENTRALE ET LE
SYSTÈME BANCAIRE

Il s'agit de voir qui des banques centrales et des banques commerciales détient le rôle
moteur en matière de création monétaire et quels en sont en définitive les déterminants majeurs
de l'offre de monnaie. Deux réponses sont le plus souvent données. Dans l'optique dite du
multiplicateur, c'est la banque centrale qui a un rôle premier. Dans l'optique dite du diviseur,
l'accent est mis sur la relative autonomie des banques en matière d'octroi de crédit et donc de la
création monétaire.

Section I : Le comportement de la banque centrale

A. La banque centrale et la création monétaire


La Banque Centrale peut créer deux sortes de monnaie :
- Il s'agit d'abord de la monnaie fiduciaire (monopole d'émission des billets). La Banque
Centrale crée de la monnaie fiduciaire lorsque les agents économiques non financiers souhaitent
détenir une partie de leurs avoirs sous formes de billets: on parle de préférence pour la liquidité.
Comme la création de monnaie scripturale par les banques commerciales s'accompagne toujours
d'une demande de billets (fuite bancaire), elles sont obligées de s'en procurer auprès de la
Banque Centrale. Exemple : lorsqu'un étudiant retire au distributeur de sa banque 40 FCFA, il
oblige cette dernière à se procurer de la monnaie Banque Centrale (une monnaie que les banques
commerciales ne peuvent pas émettre).
Il s'agit ensuite de la monnaie scripturale qu'elle peut créer selon les mêmes mécanismes
que la création monétaire des banques, c'est à dire lorsqu'elle transforme une créance (sur tes
particuliers, sur l'extérieur ou sur le trésor public) en moyens de paiement. Il convient cependant
de discerner deux formes de monnaie.
Lorsque la Banque Centrale consent à acheter des actifs réels, financiers, des devises
(ou encore à accorder des crédits à l'Etat), elle crée ce que l'on appelle de la monnaie externe
ou libre (la création de la monnaie est définitive). Cette monnaie a pour principale
caractéristique de ne pas augmenter l'actif global du système non bancaire. En effet, ces
opérations ne concernent que la banque centrale, les banques commerciales et le Trésor Public.
SI une banque commerciale cède des devises à la Banque Centrale pour un montant de 1000
euro (nous considérerons une parité 1 euro = 1 FCFA), la Banque Centrale va créer de la
Monnaie Banque
37
Centrale en créditant le compte courant de la banque commerciale de 1000 FCFA. Le stock de
devises de la Banque Centrale va s'accroître de 1000 euro. On s'aperçoit Ici que la monnaie
créée est de type scriptural (elle n'est pas convertie en billets). En outre, cette monnaie est dite
externe ou libre dans la mesure où elle est créée définitivement par la Banque Centrale. La base
monétaire (Monnaie Banque Centrale) se sera accrue de 1000 FCFA.

Bilan de la banque commerciale A


Actif Passif
Devises: -1000 euro
CC à la BC: + 1000 FCFA
Bilan de la banque centrale
Actif Passif
Devises: + 1000 euro CC de A : + 1000 FCFA
Lorsque la Banque Centrale crée de la monnaie scripturale au titre du refinancement des
banques commerciales (octroi de crédit, opérations de réescompte d'un effet de commerce), la
monnaie créée est dite Interne dans la mesure où sa création n'est pas définitive. Si la Banque
Centrale refinance les banques commerciales et le Trésor Public, elle crée de Sa monnaie
scripturale qui circule entre les différents comptes. Cette monnaie est appelée Monnaie Banque
Centrale (MBC) ou également base monétaire. Elle apparaît au passif du bilan et ses
contreparties à l'actif. La Monnaie Banque Centrale assure ainsi une forme de communication
entre les diverses banques (et le Trésor).
Dans le cas où le montant de Monnaie Banque Centrale détenu par une banque
commerciale devient Insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie
Banque Centrale en cédant par exemple des effets représentatifs de crédits, soit à d'autres
banques commerciales, soit à la Banque Centrale (opération de refinancement).
Bilan de la banque commerciale A
Actif Passif
CC à la BC : + 1000 FCFA Refinancement auprès de la BC : + 1000
FCFA
Bilan de la banque centrale
Actif Passif
Refinancement de A : + 1000 FCFA CC de A : + 1000 FCFA

Par contre, si le montant de monnaie Banque centrale détenu par une banque
commerciale est supérieur à ce qui lui est nécessaire pour satisfaire la demande de ses clients et

38
pour constituer d'éventuelles réserves obligatoires, elle a la possibilité d'accroître le volume de
crédits qu'elle accorde.
L'opération de réescompte d'un effet de commerce peut être introduite de la manière
suivante : la société X doit une somme d'argent à une société Y, X signe donc une
reconnaissance de dettes, si Y a besoin de cette somme avant l'échéance, elle peut porter ce
papier (traite, effet de commerce) à sa banque qui lui échangera contre des moyens de paiement
disponibles immédiatement, moyennant un coût qui est le taux d'escompte. La banque peut à
son tour escompter ce papier auprès de la Banque centrale; par le réescompte, la Banque centrale
crée de la monnaie au profit de la banque. La dette de la société X est ainsi transférée à l'actif
de la Banque centrale. Nous voyons ici que la création monétaire de la Banque Centrale n'est
que transitoire dans la mesure où le remboursement du refinancement (effet de commerce)
donne lieu à une destruction de monnaie identique.

B. La création monétaire dans un système hiérarchisé


Supposons que pour une raison quelconque, les banques disposent de réserves excédentaires
RE de 100 auprès de la banque centrale. Elles ont intérêt à utiliser ces réserves afin d'obtenir
des revenus supplémentaires, plutôt que de les conserver en monnaie centrale, ce qui ne rapporte
rien ou très peu. On suppose que la préférence pour les billets (b = 20%). De plus, les banques
commerciales doivent respecter un taux de réserves obligatoires r = 10%. Elles décident donc
d'accorder 100 de crédits, ce qui va mettre en route des vagues successives de fuites et de
nouveaux crédits :
Vagues de Réserves Crédits Demande Retour de Constitution Total des
crédits excédentaires nouveaux de billets dépôts de réserves fuites
(1) = monnaie (3) = 0,2. (4) = 0,8. obligatoires (6) = (3) +
créée (2) (2) (5) = 0,1. (5)
(2) = (1) (4)

1ère 100 100 20 80 8 28


2ème 72 72 14,4 57,7 5,8 20,2
3ème 51,9 51,9 10,4 41,5 4,2 14,6
4ème 37,3 37,3 7,5 29,8 3,0 10,5
5ème 26,8 26,8 5,4 21,4 2,1 7,5
…. ..... …. …. …. ….
nième 0 0 0 0 0 0
Total 0 357 7%4 285,6 28,6 100
Ce tableau appelle au moins cinq commentaires :
39
1) On retrouve le privilège des banques: l'expansion de leur actif entraîne celle de leur
passif ;
2) A chaque vague successive de crédit, 28% de la monnaie créée fuît hors du circuit
monétaire des banques commerciales : 20% en billets (6) et 8% (r (l - 6)) en réserves
obligatoires, soit 10% (r) des 80% (1 - b) des retours de dépôts. A chaque période, les
réserves excédentaires représentent donc 72% (1 – b – r (1 - b)) de celles de la période
antérieure.
3) Le total des crédits accordés (C), et donc la monnaie créée (M) c'est-à-dire les 357, est
un multiple des réserves excédentaires initiales (100). Ce total s'obtient en effectuant
la somme des vagues successives de crédits :
M  C  100  72  519
100  (0, 72  100)  (0, 72  (0, 72  100))  ... 
 100  0, 72  100  (0, 72) 2  100  (0, 72)3  100  ...
Soit la somme d'une progression géométrique de raison 0,72 <1 qui quand n tend vers l’infini
devient,
1 1
M  C   100   100  3,57  100
1  0, 72 2,8
4) Sur ces 357 de monnaie supplémentaire, 285,6 sont de nature scripturale et 71,4 ont
pris la forme de billets;
5) Pour les banques commerciales, la somme des deux besoins supplémentaires de
monnaie centrale (billets + réserves obligatoires) est égale à 100, soit te montant des
réserves excédentaires initiales. De la monnaie a été créée jusqu'à disparition des
réserves excédentaires initiales.

En termes de variations de bilans, la situation à la fin du processus est la suivante:

Bilan des banques commerciales


Actif Passif
Créances sur ANF : + 357 Dépôts à vue : + 285,6
Réserves : - 71, 4
Dont RO:+28,6
RE : - 100

40
Bilan de la banque centrale
Actif Passif
Billets : + 71,4
Comptes créditeurs des banques : - 71,4
Dont RO : +28,6
RE : - 100
En généralisant cet exemple, on obtient :

C  RE  1  b  r (1  b)  RE  1  b  r (1  b)   ...
2

Qui admet comme limite :


1
M  C   RE  kRE.
b  r (1  b)
La proportion k entre la monnaie nouvelle et le montant des réserves excédentaires
Initiales dépend des coefficients b et r. Elle augmente (diminue) lorsque :
- Les habitudes de paiement en monnaie fiduciaire s'affaiblissent (se renforcent) ;
- La banque centrale diminue (augmente) le coefficient de réserves obligatoires.
Les résultats que nous venons de présenter sont ceux du système bancaire pris dans son
ensemble. Une banque, prise Isolément, peut créer de la monnaie pour un montant supérieur
aux liquidités qu'elle a reçues, ce montant variant en fonction :
- du coefficient de réserves obligatoires,
- et de la part de marché de l'établissement.
Pour le système bancaire dans son ensemble, la contrainte « part de marché » disparaît
-puisque les fuites entre les différentes banques se compensent - et seule subsiste (en l'absence
de monnaie fiduciaire) le rôle des réserves obligatoires.
En considérant le cas d'une banque A dans le système bancaire, on peut dire que f est la
part de marché des autres banques que A. dans ce cas, en suivant le raisonnement précédent, on
obtient :
C  1  b  f (1  b)  r (1  b)  RE
1 1
et C    RE
1  a b  f (1  b)  r (1  b  f (1  b)

Avec a  1  b  f (1  b)  r (1  b  f (1  b)

C. La relation entre la monnaie centrale et la monnaie de banque


Pour établir cette relation, nous simplifions l'analyse en supposant que les réserves du Trésor
public (c'est-à-dire son dépôt) à la banque centrale sont nulles. Auprès de cette dernière, les

41
banques ont des réserves R. elles sont composées pour partie de réserves obligatoires R0, liées
via le taux r aux dépôts de leur clientèle, et pour partie, elles peuvent être excédentaires RE.
On sait par ailleurs que la masse monétaire M est la somme des billets B et des dépôts
D, et la monnaie centrale étant la somme des billets et des réserves R, la relation entre les
différentes formes de monnaie peut être établie de deux manières.
1. Présentation du modèle
La première consiste à préciser les comportements en référence aux dépôts. En notant h
le rapport que les agents non financiers souhaitent maintenir entre les billets détenus et leurs
dépôts en banque (h = R/D), nous pouvons écrire :
MC = B + R = hD + rD = (h+r) D avec r et h compris entre 0 et 1.
M = B+D = hD + D = (h+1) D
M h 1
De ces deux relations, nous déduisons que : 
MC h  r
(h  1)
Soit enfin M   MC  mMC
(h  r )
Compte tenu de la valeur des paramètres h et r, le terme en crochets (le multiplicateur) est
supérieur à l'unité. La masse monétaire est un multiple de la monnaie centrale.
La seconde façon d'établir cette relation consiste à reprendre la décomposition de la
masse monétaire et, en raison des préférences de la clientèle, à supposer un rapport b entre les
billets détenus et la masse monétaire (b = B/M) et B = b.M.
RO le montant des réserves obligatoires ; g le coefficient de réserves obligatoires ;
D = d.M = (1 - b).M, d la fraction des dépôts dans la masse monétaire.
La base monétaire H= RO + B = gD + bM = g (1- b).M + bM

H = (g - gb + b).M

1
M  H
g  gb  b

La masse monétaire est donc un multiple de la base monétaire. On dira également que
la Banque Centrale est capable de contrôler la masse monétaire en circulation et que l'offre de
monnaie est exogène (La Banque centrale peut imposer la masse monétaire de son choix).

42
2. Les conditions de mise en œuvre du multiplicateur de crédit

L'idée qui domine dans la théorie du multiplicateur est que la monnaie centrale constitue la base
d'une pyramide qui correspond à l'ensemble des moyens de paiement détenus par les ANB. Les
théoriciens établissent un lien de cause à effet entre ces deux grandeurs (monnaie centrale
monnaie bancaire), la monnaie centrale disponible (au-delà du montant immobilisé par les
réserves obligatoires) étant le facteur permissif de la création monétaire des banques. Sans
critiquer dès à présent le fondement même de cette conception, Il convient déjà de préciser les
conditions du fonctionnement du multiplicateur de crédit.
i) L'existence des réserves excédentaires
La présence de réserves excédentaires, d'avoirs en monnaie centrale dépassant les réserves
obligatoires est essentielle puisqu'elle est la condition même de toute création monétaire. C'est
en ce sens que la monnaie centrale est qualifiée de « base monétaire » ou de « monnaie à haute
puissance » (highpowered money).
Ces réserves excédentaires peuvent avoir plusieurs origines : apport de devises, moindre
utilisation des billets, drainage de liquidités aux dépens du circuit du Trésor. La banque centrale
peut également « libérer » des réserves bancaires en réduisant le taux, ou l'assiette, des réserves
obligatoires qu'elle exige des établissements de crédit. Une fraction des liquidités en compte à
ta banque centrale alimente ainsi le contingent de réserves « libres » que les banques de second
rang utiliseraient pour consentir de nouveaux crédits.
La conclusion est donc que, dès le départ, le processus de multiplication est entravé par
l'absence de « matière première » (les réserves libres), c'est-à-dire de multiplicande.

ii) L'emploi des réserves excédentaires


Pour que le multiplicateur de crédit puisse jouer, II faut encore que les banques réservent leurs
encaisses excédentaires en monnaie centrale aux fuites qui, inévitablement, résultent des
nouveaux crédits qu'elles consentent. Or, lorsque la liquidité des banques augmente, celles-ci
n'ont que l'embarras du choix en matière d'utilisation et toutes les utilisations possibles de ces
réserves n'alimentent pas la création
iii) L'existence d'une demande de crédits
La monnaie moderne est une monnaie de crédit puisque l'essentiel de sa création s'effectue par
les crédits aux ANB. En conséquence, pour qu'une impulsion exogène donnée à la liquidité des
banques entraîne un accroissement de la monnaie bancaire, II faut que la demande de crédit y
pousse. La théorie du multiplicateur de crédit suppose Implicitement qu'il existe en permanence
43
une demande de crédit insatisfaite au taux d'intérêt pratiqué par les banques. Si la volonté
d'endettement de la clientèle n'existe pas, il ne peut y avoir de création monétaire, en présence
ou non de réserves excédentaires.
Or, la demande de crédit ne dépend pas que des capacités de l'offre ; elle peut être limitée
par beaucoup d'autres facteurs : atonie de la conjoncture, attentisme des entreprises, coût jugé
excessif de l'endettement, etc. Il existe par ailleurs d'autres moyens concurrents de financement,
par les marchés.
Au total, le multiplicateur de crédit décrit un mécanisme potentiel d'expansion de la
masse monétaire, où la quantité de monnaie en circulation est réglée par l'offre de crédit des
banques, cette offre étant limitée par la monnaie centrale disponible. Les conditions de la
demande de monnaie sont négligées. À partir d'un accroissement de la liquidité des banques en
monnaie centrale, il permet de calculer les limites.
La création monétalre.et l'offre de monnaie théorique maxima à l'émission de monnaie
bancaire nouvelle. Mais il ne permet pas de prévoir précisément la création de monnaie qui sera
réalisée.
iv) La stabilité des coefficients b et r.
Si le coefficient des réserves obligatoires est contrôlé par la Banque Centrale (et donc stable),
II n'en va pas de même pour le taux de préférence pour les billets (très variable). En modifiant
leur préférence pour les billets, les agents non financiers peuvent entraîner une variabilité du
multiplicateur.
D. La remise en cause de la causalité du « multiplicateur monétaire »
Il est peu réaliste de considérer que l'activité de crédit n'est qu'une résultante automatique de la
situation de trésorerie des banques. Dans la réalité, celles-ci répondent à la demande de la
clientèle et disposent d'une certaine marge de manœuvre pour se procurer des liquidités. Dans
de nombreux cas, c'est la monnaie créée par les banques qui déclenche le recours à la monnaie
centrale et non l'inverse.
1. Le principe du « diviseur de crédit »
Le principe du diviseur de crédit peut être déduit de la relation suivante :
1
M  H
g  gb  b
H  (g  gb b)  M
1 1
si on appelle m  alors H  ( )  M
g  gb  b m
La problématique du diviseur de crédit met l'accent sur le rôle moteur des banques
dans le processus de création monétaire, et inverse la causalité entre M et H, La
44
banque centrale entérinerait, par un refinancement (H) quasi automatique, l'offre
de crédits des banques à leur clientèle. Dans cette optique, à la suite d'un crédit C
accordé par les banques, la monnaie créée (M = C) est porté au crédit des agents
non financiers. Ces derniers demandant une conversion en billets (B = bM) et
conservant des dépôts (D = (1 - b) M) sur lesquels les banques constituent des
réserves (R = g D = g (1 - b) M), les banques devront assurer un volume de
refinancement RF égal à : bM + g (1 - b) M. A la suite de la création monétaire des
banques (M), les besoins de refinancement conduisent à une création de monnaie
de la banque centrale égale à :
MC = RF = bM + g (1 - b) M = (b + g (1 - b)).M
Alors que le multiplicateur monétaire nous enseigne que les banques se contentent de
consentir des crédits à partir de ressources préalables, le diviseur de crédit nous indique que la
quantité de monnaie centrale que les banques peuvent obtenir est une fraction du crédit dont
elles ont pris l'initiative.

2- Les freins à la « mécanique monétaire »

Le phénomène d'expansion des crédits ne se déroule pas sans Interruption. Les banques
conservent parfois volontairement des réserves excédentaires auprès de la banque centrale, ou
peuvent avoir l'assurance d'être refinancées sans être amenées à utiliser pleinement cette facilité.
La première raison évoquée est que la création monétaire ne peut se faire qu'en réponse
à des demandes de crédits. C'est toujours la volonté d'endettement des agents non financiers qui
est à la base de la création monétaire : le multiplicateur indique seulement le maximum de
monnaie qui peut être créée par les banques ; de même le diviseur ne trouve sa valeur que si !a
demande de crédit est suffisamment importante pour que le processus aille jusqu'à son terme.
La seconde raison tient au fait que les banques sont des entreprises presque comme les
autres. De ce point de vue elles sont soumises par leurs actionnaires à une contrainte de
rentabilité. Elles cherchent à maximiser leur taux de marge, c'est-à-dire l'écart entre la
rémunération des crédits accordés et le coût résultant des opérations de refinancement. En
conséquence, leur création monétaire sera bornée d'un côté par les risques de défaillance des
emprunteurs et de l'autre côté par le coût des fuites hors de leur circuit monétaire : fuites nettes
vers les autres banques commerciales et fuites en monnaie centrale. Il en résulte un partage des
bénéfices qui vient grever le taux de marge de la banque : les intérêts versés par la clientèle sont
diminués des intérêts versés pour refinancement auprès d'autres banques et/ou de la banque
centrale.

45
Section II : Le contrôle de la monnaie et les limites de la création monétaire A. Le
contrôle de la monnaie par la banque centrale
La somme des postes figurant au passif constitue la monnaie banque centrale : MBC= B + R
Avec MC la monnaie banque centrale, B les billets et pièces (monnaies divisionnaires) en
circulation, et R les réserves des banques. Dans ce cadre, la banque centrale peut contrôler
parfaitement le montant de la monnaie banque centrale par ses opérations d'open market.

1- Les achats à l'open market à une banque


Soit le cas où la banque centrale achète des titres d'une valeur de 100 millions de francs à une
banque. Celle-ci va soit déposer la somme reçue sur son compte à la banque centrale, soit la
conserver directement dans ses caisses sous la forme de billets. Voyons comment les bilans de
la banque centrale et de l'établissement de crédit sont modifiés par cette opération.
Variation du bilan du système bancaire
Actif Passif
Titres d'Etat: -100
Réserves (monnaie Centrale) : - 100
Simultanément, la banque centrale voit ses engagements augmenter de 100 (hausse des
réserves), et ses avoirs enregistrer une augmentation identique (hausses de la détention
d'obligations d'Etat). Le bilan varie comme suit :
Variation du bilan de la banque centrale

Actif Passif

Titres d'Etat : + 100 Réserves (monnaie centrale) : + 100


Le résultat net de ['opération est le suivant : l'achat à l'open market provoque une augmentation
des réserves des banques c'est-à-dire de la liquidité bancaire ou de la monnaie centrale égale à
100.
2- Les achats à l'open market au secteur privé non bancaire
Supposons que le ménage ou l'entreprise vend les titres à la banque centrale et dépose la
contrepartie à la banque. La modification du bilan du secteur privé non bancaire est donnée par
:
Variation du bilan du secteur privé non bancaire

Actif Passif

Titres d'Etat: -100


Dépôts à vue : + 100
La banque qui reçoit le chèque crédite le compte du déposant de 100 et dépose le chèque sur
son compte à !a banque centrale, ce qui augmente d'autant ses réserves. La modification du
bilan du système bancaire est donnée par :
Variation du bilan du système bancaire

46
Actif Passif
Réserves (monnaie centrale) : +100 Dépôts à vue : + 100
L'effet sur le bilan de la banque centrale est le suivant : à l'actif, la détention d'obligations d'Etat
augmente de 100; au passif, les réserves des banques augmentent du même montant :
Variation du bilan de la banque centrale

Actif Passif

Titres d'Etat : +100 Réserves (monnaie centrale) : + 100


Supposons maintenant que le vendeur de titres encaisse le chèque sous forme de billets. L'effet
sur les réserves est différent :
Variation du bilan du secteur privé non bancaire
Actif Passif

Titres d'Etat: -100


Billets: + 100
Variation du bilan de la banque centrale

Actif Passif
Titres d'Etat: + 100 Billets en circulation : + 100
Cette analyse montre que l'effet d'un achat à l'open market sur la monnaie centrale, la liquidité
bancaire dépend de la forme (billets ou dépôts bancaires) de détention du produit de la vente du
titre par le vendeur. L'effet d'un achat à l'open market sur la monnaie centrale n'est pas aussi sûr
que son effet sur la monnaie banque centrale.
3- Les ventes à l'open market
Si la banque centrale vend des obligations d'Etat d'une valeur de 100 à une banque ou à
un agent privé non bancaire, la monnaie banque centrale diminue du même montant.

B. Les limites de la création monétaire


Si un banquier n'a besoin que de son stylo pour créer de la monnaie, on peut se demander ce
qui empêche une création infinie de monnaie. En fait, la création monétaire est limitée par la
demande de monnaie, par les besoins des banques en billets et par les interventions de la Banque
Centrale.
1- La contrainte de la demande de monnaie

Les banques ne créent pas de la monnaie pour le plaisir, mais en réponse à une demande de
monnaie. La création monétaire est donc bornée par les besoins de liquidités des agents non

47
financiers, et ces besoins eux-mêmes sont élevés durant les périodes de forte activité, mais
réduits dans les périodes de ralentissement de l'activité.
La contrepartie «créances sur l'économie» est source de création monétaire si la consommation
des ménages, l'investissement des entreprises et des ménages jouent un rôle moteur dans
l'économie (demande de crédit pour la consommation, pour l'Investissement). La contrepartie «
créances sur l'extérieur » pèse sur la liquidité des banques commerciales, elle l'améliore en cas
d'excédent commercial et donc entrée de devises (apports de. celles-ci à la Banque Centrale),
elle la détériore dans le cas inverse. La contrepartie « créance sur le Trésor Public » détériore la
liquidité bancaire lorsque le budget de l'Etat est excédentaire (notamment au moment du
recouvrement de l'impôt), le compte des banques à la Banque Centrale est en effet débité du
montant des impôts prélevés, au profit du compte du Trésor public.

TROISIÈME PARTIE : LA DEMANDE DE MONNAIE

48
CHAPITRE 5: LA DEMANDE DE MONNAIE

SECTION I : LES FONCTIONS DE DEMANDE DE MONNAIE


A. La détention de monnaie dans une optique transactionnelle
1. La théorie quantitative de la monnaie
Pour les classiques (David Ricardo, John Stuart Mill), la monnaie n’est détenue que parce
qu’elle facilité les échanges, et la monnaie dépensée sera strictement égale aux marchandises
qu’elle permet d’acheter. Une même unité de monnaie pouvant financer plusieurs transactions
au cours d’une période donnée, la quantité de monnaie en circulation dans une économie sera
égale au total de la dépense de la période divisée par sa vitesse de circulation. Cette théorie
quantitative de la monnaie est formulée par Irving Fisher sous la forme suivante : M V = P T
M = la quantité de monnaie en circulation dans l’économie ;
V = la vitesse de transaction, c’est-à-dire le nombre de fois où une unité monétaire est utilisée
dans les transactions au cours d’un période donnée ;
P = le niveau général des prix ;
T = le volume des transactions
Cette équation des échanges n’est pas une fonction de demande de monnaie. Elle ne traduit pas
une encaisse monétaire désirée, mais une encaisse nécessaire pour effectuer les transactions. La
monnaie est seulement ici un intermédiaire des échanges. En supposant que la vitesse de
transactions est exogène (car déterminée par les habitudes de paiement des agents), que le
niveau de transaction est exogène (fixé dans la sphère réelle), un accroissement de la quantité
de monnaie dans l’économie va provoquer un accroissement proportionnel du niveau général
des prix.
2. L’analyse de l’école de Cambridge
L’analyse de l’école de Cambridge (A. Marshall, A. Pigou) est différente de celle de Fisher.
Leur analyse est toujours macroéconomique mais elle a des fondements microéconomiques :
elle s’intéresse aux comportements des agents pris individuellement et le passage de l’individu
au global se fait par l’agrégation des comportements des agents. Ces auteurs mettent en avant,
le comportement de choix des individus, notamment en matière d’encaisses monétaires désirées
et le problème est défini en termes de quantité de monnaie désirée par les agents économiques.
Selon ces auteurs, les individus désirent détenir de la monnaie sous forme d’encaisses en raison
de son côté pratique pour les transactions et au sens où elle est universellement acceptée contre
des biens et des services, en échange. Comme chez Fisher, la fonction principale de la monnaie
est d’être un intermédiaire des échanges : plus l’individu effectue des transactions, plus il
49
désirera détenir de la monnaie. Dans cette approche, on met l’accent sur la volonté de détenir
de la monnaie plutôt que sur la nécessité de la détenir comme c’était le cas chez Fisher. Un
individu ne peut pas détenir toute la monnaie qu’il voudrait dans la mesure où sa richesse est
limitée : les encaisses désirées sont limitées par la contrainte de richesse. L’individu désirera
diversifier sa richesse en détenant des actifs monétaires mais aussi financiers et réels. La plupart
du temps, ces individus ont une activité de travail donc, il faut rajouter le fait que l’agent
économique perçoit des revenus ou des recettes et à partir de là, il effectue des dépenses qui ont
pour particularité de ne pas être synchronisées dans le temps c’est-à-dire, il existe un décalage
temporel entre les revenus perçus et les dépenses effectuées et cette non-synchronisation
temporelle entre revenus et dépenses ; Cela va conduire l’individu à détenir des actifs liquides,
des actifs monétaires dont le montant va dépendre du volume des transactions qu’il projette de
réaliser. Ce montant peut varier avec le montant de son patrimoine mais il peut aussi varier en
fonction du coût d’opportunité de la détention de monnaie, donc, du manque à gagner qu’il
aurait à détenir de la monnaie.
B. La détention de monnaie comme composante d’un portefeuille 1. La demande
de monnaie keynésienne
La démarche de Keynes a consisté à définir une attitude générale des agents
économiques à l'égard de la monnaie marquée par ce qu'il appelle la préférence pour la liquidité.
Keynes estime que la monnaie se distingue des actifs financiers par le fait qu'elle ne rapporte
pas de revenu ; II faut donc expliquer pour quelles raisons les agents économiques persistent
néanmoins à demander de la monnaie.
a) La préférence pour la liquidité
Elle découle tout naturellement de deux éléments, l'avenir n'est pas connu avec certitude,
la monnaie à des propriétés particulières qui la font désirer par les agents de l'économie.
i) L'incertitude du futur
L'avenir n'est pas connu avec certitude et « la monnaie est un lien entre le présent et le futur ».
La quantité de monnaie que l'agent reçoit sous forme de revenu monétaire et qu'il conserve sous
forme de pouvoir d'achat immédiatement utilisable, a une valeur parfaitement définie. Il n'en va
pas de même pour les titres boursiers dont les cours fluctuent parfois très fortement, ni pour les
autres formes d'actifs qui sont sujettes à des détériorations et exigent des frais de conservation
importants. La monnaie est une forme de détention de la richesse non risquée et sans coûts de
conservation : II est donc normal que les agents lui consacrent une place privilégiée dans leurs
actifs. La préférence pour la liquidité traduit la méfiance que l'agent restait à l'égard d'un futur

50
incertain, elle l'incite à conserver un pouvoir d'achat liquide supérieur à ses besoins normaux
d'encaisses de transaction.
ii) Les propriétés de la monnaie
La préférence pour la liquidité, en entendant par ce terme la préférence pour la détention de
monnaie, découle également des propriétés propres à la monnaie telles que Keynes les définit
dans le chapitre XVII de la Théorie générale. La monnaie a une élasticité de production et de
substitution nulle et, des coûts de conservation négligeables par rapport aux services qu'elle
rend à l'économie. La demande de monnaie est donc toujours suffisamment élevée pour que sa
valeur soit stable. En fait comme nous allons le voir il existe un mécanisme qui adapte la
demande à l'offre et évite à la monnaie de perdre de sa valeur.
b) Les motifs de détention de la monnaie
Keynes distingue trois motifs de détention de la monnaie qui déterminent à leur tour
trois types d’encaisses.
Le premier est le motif de transactions, qu'il subdivise en deux, le motif de revenu pour
les particuliers et le motif d'affaires pour les entreprises. L'encaisse demandée par les
particuliers dépendra de l'importance et de la périodicité de leur revenu, l'encaisse des
entreprises, des dépenses de la production, des besoins d'Investissement et des décalages entre
recettes et dépenses. Quoique le taux d'intérêt joue un rôle dans la constitution de cette encaisse,
le facteur déterminant en est le revenu.
Le deuxième motif est un motif de précaution, qui est le désir de se constituer une
réserve de pouvoir d'achat d'une valeur immuable. Il est clair que le taux d'intérêt peut ici encore
Jouer un rôle, mais Keynes considère finalement que l'agent détermine son encaisse de
précaution en fonction de sa dépense habituelle. Le revenu sera donc ici encore une variable
déterminante.
La troisième encaisse, l'encaisse de spéculation, déjà analysée, dépendra du désir de
faire des gains (ou d'éviter des pertes) sur la valeur patrimoniale des actifs, principalement de
ceux qui s'échangent sur le marché boursier. Dans ce cas le taux d'intérêt jouera un rôle
déterminant.
A ces trois motifs Keynes s'ajoute un élément de décision supplémentaire, le degré de
préférence pour la liquidité. Celui-ci dépend de « l'état de la confiance ». Ces termes
s'appliquent au degré de certitude avec lequel les agents prévoient l'avenir. Certains
phénomènes qui se produiront dans l'avenir sont probabilisables et la prévision qui les concerne
peut être appréhendée avec un degré suffisant de certitude. Par contre, il existe des phénomènes
qui d'après Keynes sont totalement incertains : leur degré de certitude est insuffisant pour fonder
51
une décision rationnelle. Il établit alors un lien entre le degré de certitude et la préférence pour
la liquidité. Celle-ci sera d'autant plus forte que le degré de certitude est faible et
réciproquement.
c) La fonction keynésienne de demande de monnaie
La fonction de demande de monnaie établit une relation entre l'offre M et la demande
correspondant à la fonction de préférence pour la liquidité L. On peut regrouper les deux
premiers motifs (transaction, précaution) dépendant du niveau du revenu et isoler le troisième
(spéculation) dépendant du taux d'intérêt.
On obtient la relation suivante :
M = M1 + M2 = L1(Y) + L2 (r)

Le graphique ci-dessus représente la fonction de demande de monnaie. L'encaisse de

spéculation (1.II) est une fonction décroissante du taux d'intérêt Le taux est le taux au-
dessous duquel aucun agent ne place plus ses disponibilités. L'encaisse de transaction-
précaution est considérée comme indépendante du taux d'intérêt.

52
La somme des deux encaisses nous donne la fonction de demande de monnaie (1-III),
dont nous allons analyser les différentes composantes,

Influence du revenu sur la courbe L


Si les agents ont défini pour un revenu Y et un taux d'intérêt r une demande de monnaie L, et si
le revenu s'accroît de Y1 à Y2. Les agents ne changent pas leur demande d'encaisse de
spéculation qui ne dépend que du taux d'intérêt, mais ils sont obligés d'accroître leur encaisse
de transactions.
Pour un taux d'intérêt donné et une encaisse de spéculation donnée, la demande de
monnaie totale qui inclut l'encaisse de transaction et l'encaisse de précaution s'accroît. La courbe
L se décale vers la droite (graphique ci-dessous)

L0  L 0 Facteur exogène correspond au degré de préférence pour la liquidité

Supposons maintenant que les anticipations des agents deviennent plus pessimistes et
que leur crainte de l'avenir augmente entraînant avec elle le facteur exogène lo. Désormais pour
un taux d'intérêt donné et pour un niveau de dépense donné, les agents désirent augmenter leurs
encaisses de thésaurisation. La demande de monnaie s'accroît globalement sous l'influence de
ce facteur exogène (alors même que le revenu et le taux d'intérêt restent Inchangés).

On considère que U est toujours positif, le degré de confiance n'étant Jamais total. Ainsi, d'après
l'analyse de Keynes, un même taux d'intérêt r1 peut être associé à des demandes de monnaie

53
différentes selon le revenu Y et selon le degré de préférence pour la liquidité, propension
psychologique qui constitue un facteur exogène de détermination de la demande de monnaie
(L0). Par ailleurs un même revenu Y peut être associé à des demandes de monnaie différentes
selon le taux d'Intérêt et le degré de préférence pour la liquidité. La demande de monnaie est
donc un phénomène instable.
On distingue trois parties dans cette courbe ;
- La partie haute : anticipation unanime par les agents d'une baisse des taux. Personne ne
veut céder ses actifs et la demande de monnaie pour le motif de spéculation est nulle.
- La partie centrale : diversité d'opinions à l'égard des niveaux futurs des taux. Les
transactions sur les marchés financiers sont donc Importantes.
- La partie inélastique : anticipation unanime d'une hausse des cours. Tout le monde se
débarrasse des titres actuels pour obtenir de la monnaie afin d'acheter dans le futur des
titres émis à des taux plus attrayants, c'est la trappe à liquidité.
La forme de la courbe peut s'expliquer par l'influence de plusieurs phénomènes :
- La baisse du taux d'intérêt réduit le coût d'opportunité de détention des liquidités, donc
accroît la demande de monnaie ;
- Une politique monétaire laxiste de la banque centrale et une forte croissance de la
quantité de monnaie peuvent provoquer une telle incertitude à l'égard du futur que le
motif de précaution soit considérablement renforcé. En outre, les agents peuvent
également redouter la hausse des taux d'intérêt et accroître leur demande d'encaisses
spéculative.

- Enfin, si le taux d'intérêt diminue, un surcroît de monnaie sera nécessaire pour satisfaire
le motif de transaction car la baisse du taux d'intérêt doit favoriser l'accroissement du
revenu national et donc les transactions.

d) Le taux d’intérêt et la demande d’encaisse de spéculation


La préférence pour la liquidité explique que les agents se constituent des encaisses
supérieures à l'encaisse de transaction des classiques. C'est ce supplément d'encaisse qui sera
influencé par le taux d'intérêt. Dans l'utilisation de leurs revenus, les agents effectuent deux
choix successifs : le premier concerne leur consommation qui est déterminée par leur
propension à consommer. L'épargne est résiduelle. Le taux d'Intérêt ne joue qu'un rôle
secondaire dans ce premier choix. C'est l'hypothèse keynésienne de la stabilité de la fonction de
consommation.

54
Le second choix consistera à déterminer la part de cette épargne qui sera conservée sous
forme monétaire, et la part qui sera consacrée aux achats de titres. Ici le taux d'intérêt jouera un
rôle déterminant.
Nous avons vu que tout titre ancien procurant un revenu a une valeur qui dépend du taux
d'intérêt courant. Lorsque l'agent fait un placement et qu'il s'intéresse à la valeur patrimoniale
des actifs qu'il acquiert il tient compte à la fois du rendement du placement déterminé par le
taux courant, et de la variation ultérieure de la valeur capitalisée de ce placement qui dépend du
taux d'intérêt qu'il anticipe. En période de bas taux d'intérêt, l'agent anticipe une hausse
ultérieure de ce taux et une baisse du cours des titres, par contre lorsque les taux d'intérêt sont
élevés, placer son argent devient avantageux car on ne peut qu'anticiper une hausse du cours
des titres.
Dans le premier cas, l'agent sera tenté de conserver de la monnaie, dans le second cas il
préférera acquérir des titres.
e) Le taux d’intérêt, phénomène monétaire
Pour Keynes, le taux d'intérêt est un phénomène de nature monétaire car, contrairement à ce
qu'affirmé la théorie «classique», l'intérêt ne récompense pas l'épargne en soi; l'Intérêt
récompense la renonciation à la liquidité, c'est-à-dire le passage d'une épargne liquide à une
épargne placée et donc temporairement Immobilisée. Selon la théorie traditionnelle, le taux
d'intérêt est le prix qui équilibre l'offre d'épargne et la demande d'investissement: il est donc un
phénomène réel puisqu'il dépend des préférences inter temporelles des consommateurs et de la
fonction d'investissement des entreprises.
Pour Keynes, les agents économiques Individuels sont amenés à prendre deux décisions
concernant l'utilisation de leurs revenus :
- Tout d'abord ils doivent décider quelle part de leur revenu sera consacrée à la
consommation Immédiate et quelle part sera conservée pour une consommation
ultérieure.
- Puis, pour la part du revenu qui n'est pas consommée, Keynes explique qu'une nouvelle
décision doit être prise; sous quelle forme les droits sur une consommation future seront-
ils conservés ? deux possibilités sont envisageables : conserver des droits utilisables à tout
moment (la détention de monnaie) ou renoncer à ces droits immédiats en laissant le soin
au marché de fixer les conditions dans lesquelles on pourra ultérieurement accéder aux
droits immédiats.
- 2. La théorie friedmanienne de la demande de monnaie

55
Milton Friedman publie, en 1956, un article fondamental, la théorie quantitative de la monnaie,
une nouvelle présentation. C'est le fondement du renouveau libéral en t économie. C'est la base
de l'école de Chicago. C'est la base du monétarisme traditionnel qu'on oppose aux
ultramonétaristes.
a) La fonction de la demande de monnaie i) La présentation générale du cadre
d’analyse
On va appliquer la théorie pure du consommateur, on considère donc la monnaie comme un
actif dont on va mesurer l'utilité. Cette utilité est fonction d'un service rendu par la monnaie
(possibilité de dépenser, d'échanger). On applique la théorie néo-classique de base, la monnaie
est substituable aux autres biens et la décision de sa demande va provenir de la confrontation
entre l'utilité de la dernière unité de monnaie détenue et le rendement marginal des actifs
concurrents. Friedman réunifie les motifs d'encaisse : Il ne considère que le seul motif de
transaction. La monnaie est avant tout un Intermédiaire des échanges. En même temps, II
reprend les apports keynésiens notamment il va accepter l'Idée que le taux d'intérêt peut
Influencer la demande de monnaie mais en restant dans le cadre de l'encaisse de transaction.
ii) La formulation de la demande de monnaie
Friedman raisonne surtout sur une demande de monnaie des ménages. Trots ensembles de
facteurs influencent la demande de monnaie, la richesse totale, le prix et les rendements des
actifs alternatifs à la monnaie, les goûts et préférences des individus.
C'est un revenu stable donc cela n'a rien à voir avec le Y de court terme keynésien qui est
susceptible d'évoluer.
- Les prix et rendements de la monnaie et des placements alternatifs. On a un portefeuille
où se mêlent monnaie et autres actifs. Ce choix va être lié au rendement anticipé des différents
actifs alternatifs. Friedman considère qu'il y a cinq actifs envisageables, monnaie, obligations,
actions, biens physiques, capital humain. A partir de là, il va Introduire une nouvelle variable
dans la demande de monnaie, le niveau général des prix P. Quand on a une augmentation du
niveau général des prix, on va réduire le pouvoir d'achat de la monnaie. On retrouve aussi le
taux d'intérêt sur le marché des obligations rb, le taux d'intérêt sur les actions (dividendes) rc, le
capital humain et son rendement w. Il prend en compte cette variable car il considère que les
agents n'ont pas le même comportement si on tire son revenu du capital ou du travail. Cela
permet de prendre en compte la proportion respective des deux formes de revenu. Le rendement

anticipé des actifs physiques est représentatif de la plus ou molns-value des actifs
immobiliers.

56
- Les goûts et préférences de l'agent type. Les individus détiennent de la monnaie car cela

procure un service, parce qu'elle a une utilité. Le montant de l'encaisse monétaire va être

fonction de l'attitude de l'agent par rapport à ce service. Il va prendre en compte un paramètre

// qui correspondre à l'attitude de la monnaie à rendre un service.= ,

C'est la demande de monnaie de l'Individu, et par agrégation la demande de monnaie au niveau


macroéconomique.
b) La reformulation de la théorie quantitative
C'est à partir de cette demande de monnaie que Friedman va essayer de reformuler la théorie
quantitative. Il va d'abord chercher à simplifier cette formule pour diminuer le nombre de
variables. W et p sont assez difficilement quantifiables. Par agrégation, on va penser que les
choses vont se compenser. On va faire l'hypothèse qu'ils seront assez stables et n'influenceront
pas les demandes de monnaie, rb et re sont les taux d'intérêt dans l'économie. Or, sur le long
terme, ils reviennent à leur niveau naturel. Donc les taux d'intérêt sont stables. La variable sur
les actifs monétaires peut être enlevée car elle contient le niveau général des prix. On retrouve

57

Vous aimerez peut-être aussi