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Obstétrique, par J. Lansac, G. Magnin, L. Sentilhes, 6e édition, collection « Pour le praticien ». 2013. 584 pages.
Gynécologie, par J. Lansac, P. Lecomte, 8e édition, collection « Pour le praticien ». 2014. 592 pages.
Surveillance fœtale pendant le travail, par C. Vayssière, O. Parant. 2016. 288 pages.
La contraception en pratique, par B. Raccah-tebeka, G. Plu-Bureau. 2013. 272 pages.
Médicaments et grossesse. Prescrire et évaluer le risque, coordonné par A.-P. Jonville-Bera, T. Vial. 2012. 296 pages.
Manuel de sexologie, par P. Lopès, F.-X. Poudat, 2e édition. 2013. 376 pages.
Conduites pratiques en médecine fœtale, coordonné par A. Benachi, 2e édition. 2013. 368 pages.
Pathologies maternelles et grossesse, par A. Benachi, D. Luton, L. Mandelbrot, O. Picone. 2014. 488 pages.
Le diagnostic prénatal en pratique, L. Sentilhes, D. Bonneau, P. Descamps. 2011. 528 pages.
Traité d'obstétrique, coordonné par L. Marpeau, avec la collaboration du Collège national des sages-femmes et de l'Associa-
tion française des sages-femmes enseignantes. 2010. 700 pages.
Le retard de croissance intra-utérin, par V. Tsatsaris. 2012. 320 pages.
Endocrinologie en gynécologie et obstétrique, coordonné par B. Letombe, S. Catteau-Jonard, G. Robin. 2012. 296 pages.
Cancers gynécologiques pelviens, par X. Carcopino, J. Levêque, D. Riethmuller. 2013. 460 pages.
Maladies du sein, coordonné par H. Mignotte, 2e édition. 2011. 216 pages.
105 fiches pour le suivi post-natal mère-enfant, par A. Battut, T. Harvey, P. Lapillonne. 2015. 344 pages.
Chirurgie en obstétrique, par P. Deruelle, G. Kayem, L. Sentilhes. 2015. 168 pages.
Chirurgie des cancers gynécologiques, par D. Querleu, E. Leblanc, P. Morice, G. Ferron, 2e édition. 2014. 216 pages.
La pratique chirurgicale en gynécologie et obstétrique, coordonné par J. Lansac, G. Body, G. Magnin (compléments vidéo),
3e édition. 2011. 560 pages.
Guide pratique de l'échographie obstétricale et gynécologique, par G. Grangé, 2e édition. 2016. 416 pages.
Echocardiographie fœtale, par F. Boussion, P. Pézard. 2013. 464 pages.
La colposcopie, par J. Marchetta, P. Descamps, 3e édition. 2012. 184 pages.
Pratique
de l'accouchement
Coordonné par
Jacques Lansac, Philippe Descamps, François Goffinet
Avec la collaboration de :
A. Benachi, G. Benoist, G. Beucher, F. Biquard, I. Boidron-Balligan,
S. Brun, B. Carbonne, M.-P. Debord, P. Deruelle, R. Desprats, P. Dolley,
M. Doret, J.-F. Doussin, M. Dreyfus, A. Fournié, P. Gaucherand,
P. Gillard, F. Gold, C. Lionnet, L. Marcellin, H. Madar, C. Monrigal,
C. Ouédraogo, J. F. Oury, J-P. Renner, J. Saada, E. Saliba, T. Schmitz,
L. Sentilhes, O. Sibony, F. Tourrel, D. Vardon, E. Verspyck
Vidéos de :
Jean-Paul Renner
Dessins de :
J. Bertrand, G. Blanchet, L. Dorn, C. Fumat, A. Péron
6e édition
Crédit iconographie EMC
Figure 4.12 : Figures 71 A-B-C. Extrait de JP Schaal, D Riethmuller, A Martin, A Lemouel, C Quéreux, R Maillet. Conduite à tenir au cours du travail et de
l'accouchement. 5-049-D-27. Copyright © 1998 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.3 : Figures 13 A-B-C. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-L-
15. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.5 : Figure 4. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-L-15.
Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.6 : Figures 3 A-B-C-d. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-
L-15. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.9 : Figures 1 A-B et 3. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright
© 2011 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.10 : Figure 6. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright © 2011
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 9.1 : Figures 3 et 4. Extrait de D.-E. Broche, R. Maillet, V. Curie, R. Ramanah, J.-P. Schaal, D. Riethmuller. Accouchement en présentation du siège.
5-049-L-40. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 9.5 : Figure 31. Extrait de D.-E. Broche, R. Maillet, V. Curie, R. Ramanah, J.-P. Schaal, D. Riethmuller. Accouchement en présentation du siège. 5-049-
L-40. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 15.4 : Figure 5. Extrait de R. Gabriel, G. Harika, A. Bertrand. Dystocie des épaules et paralysie obstétricale du plexus brachial. 5-067-A-10. Copyright
© 2014 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 15.5 : Figure 7. Extrait de R. Gabriel, G. Harika, A. Bertrand. Dystocie des épaules et paralysie obstétricale du plexus brachial. 5-067-A-10. Copyright
© 2014 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 19.2 : Figure 7. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright © 2011
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 23.4 : Figure 2. Extrait de G. Boog, P. Merviel. Placenta accreta. 5-069-A-30. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
Figure 26.5 : Figure 2. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.6 : iconosup 10. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.7 : Figure 5. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.8 : Figure 7. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.14 : Figure 6. Extrait de M. Durier, M. Grynberg, C. Charles, R. Gabriel. Délivrance normale et pathologique. 5-108-M-10. Copyright © 2010
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.6 : Figure 1. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.7 : Figure 2. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.9 Figure 4. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.10 Figure 5. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
DANGER
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le
développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une
baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est
LE aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de
PHOTOCOPILLAGE photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél.
TUE LE LIVRE 01 44 07 47 70.
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et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans
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© 2006, 2011, 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-294-74776-2
e-ISBN : 978-2-294-74883-7
Pour cette 6e édition de la Pratique de l'accouchement, tous on regardera l'animation, la séquence correspondante étant
les chapitres ont été revus par leurs auteurs ou de nouveaux signalée dans le texte par le logo . Le sommaire vidéo
collaborateurs, et pour certains entièrement réécrits. comporte sept parties : anatomie fonctionnelle, présentation
Nous avons intégré les recommandations la Haute céphalique, dystocie des épaules, présentation du siège, deu-
Autorité de santé (HAS) et du Collège national des gynéco- xième jumeau, extraction instrumentale, délivrance.
logues-obstétriciens français. Nous avons également, quand Ce mini-site constitue un outil pédagogique très impor-
il n'y avait pas de recommandations françaises, cité celles du tant qui permet de voir et de revoir un geste autant qu'il est
Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG), nécessaire.
de l'American College of Obstetrics and Gynaecology Il est souhaitable, après avoir visionné l'animation, de
(ACOG) ou Société des Obstétriciens et Gynécologues du regarder à nouveau les illustrations pour bien s'imprégner
Canada (CNGOF). Enfin, nous avons essayé, sur tous les des temps.
sujets de controverse, d'apporter les résultats des conférences
de consensus qui se sont tenues en France ou à l'étranger,
ou de donner les références bibliographiques nécessaires. Le Qualité des résultats
niveau de preuve a été donné en fonction de la qualité des 1. Résultats obtenus dans le cadre d'au moins un essai com-
résultats disponibles dans la littérature, dont on trouvera ci- paratif convenablement randomisé.
dessous la classification. 2. Résultats obtenus dans le cadre d'essais comparatifs non
Enfin, nous adjoignons à ce livre des vidéos, que nous randomisés bien conçus.
devons à nos collègues de l'équipe du professeur Jean- 3. Résultats obtenus dans le cas d'études de cohortes ou
François Oury de l'hôpital Robert-Debré, permettant de d'études analytiques, cas témoins bien conçus, réalisés de
visualiser en 3D la mécanique obstétricale de l'accouche- préférence dans plus d'un centre ou par plus d'un groupe
ment du sommet, de la face, du siège, des jumeaux, ainsi que de recherche.
différentes manœuvres obstétricales (dystocie des épaules, 4. R ésultats découlant de comparaisons entre différents
pose de forceps, de ventouse, versions, etc.). Grâce à leur moments ou différents lieux, ou selon que l'on a ou non
talent et à celui de Jean-Paul Renner, obstétricien et infor- recours à une intervention. Des résultats de première
maticien, ces vidéos et la 3D apportent une vision dyna- importance obtenus dans le cadre d'études non compa-
mique exceptionnellement pédagogique qui complète le ratives pourraient, en outre, figurer dans cette catégorie.
texte et les dessins. Les séquences que l'on trouvera sur le 5. Opinions exprimées par des sommités dans le domaine,
mini-site sont signalées dans le texte par un logo : . fondées sur l'expérience clinique, études descriptives ou
Nous remercions tous ceux qui, par leurs critiques ou rapports d'experts.
suggestions, nous ont permis d'améliorer le contenu péda- Le niveau de preuve sera indiqué dans le texte, quand cela
gogique de ce livre. est possible, sous la forme : ([niveau de preuve] NP1 à 3).
Jacques Lansac, Philippe Descamps,
François Goffinet
Septembre 2016 Classification des recommandations
A. O n dispose de données suffisantes pour appuyer la
recommandation.
Animations 3D B. On dispose de données acceptables pour appuyer la
Cet ouvrage est accompagné d'un accès personnel sécurisé recommandation.
qui permet de visionner des séquences vidéo de mécanique C. On dispose de données insuffisantes pour appuyer ou
obstétricale en trois dimensions. Leur utilisation ne doit pas récuser une recommandation.
être dissociée, mais est au contraire complémentaire. D. O n dispose de données acceptables pour ne pas
Nous pensons qu'il vaut mieux d'abord lire le livre et regar- recommander.
der les dessins. Ensuite, une fois les principes et les temps E. O n dispose de données suffisantes pour ne pas
bien compris, les dangers des complications bien visualisés, recommander.
VI
En France, où peut-on accoucher ?
En 1981, il y avait en France 1 128 maternités. En 1997, il façon, là encore, à orienter la femme vers un établissement
n'en restait plus que 815 dont 90 faisaient moins de 300 offrant un plateau technique adapté ;
accouchements. Avec une mortalité périnatale de 7 ‰, la – l'organisation de réseau entre les maternités des trois
France se situait au 10e rang des pays d'Europe (Eurostat niveaux qui seront liées entre elles par une charte de fonc-
1995) derrière la Suède (5,4), l'Autriche (6,2), l'Allemagne tionnement, des dossiers et des protocoles communs et dont
(6,4) ou l'Espagne (6,5). le fonctionnement sera régulièrement évalué ;
Pour améliorer ces chiffres, les décrets n ° 98–899 et – le développement des transferts in utero de façon à ce
98–900 du 9 octobre 1998 ont classé les maternités en trois que l'accouchement se fasse dans un établissement dont le
niveaux : niveau correspond aux besoins de prise en charge de la mère
– maternité de type I sans unité de néonatalogie associée. et/ou de l'enfant.
Un gynécologue-obstétricien, un anesthésiste et un pédiatre Du fait de ces décisions, il n'y avait plus en l'an 2000
sont présents ou d'astreinte 24 heures sur 24 ; en France métropolitaine que 700 maternités dont 443 de
– maternité de type II où l'unité d'obstétrique est associée niveau I, 202 de niveau II et 55 de niveau III. Cinquante et
à une unité de néonatologie ou de soins périnataux située à un pour cent des établissements publics ou privés faisaient
proximité ; entre 300 et 1 000 accouchements. Les maternités privées
– maternité de type III où l'unité d'obstétrique est associée à étaient au nombre de 217 (y compris les DOM), assurant
une unité de réanimation néonatale, destinée à des nouveau- 36 % des accouchements français. Cent soixante-huit étaient
nés présentant des détresses graves ou des risques vitaux et de niveau I, 40 de niveau IIA et 9 de niveau IIB. Quarante
située à proximité, c'est-à-dire pour lequel le transfert du pour cent des maternités privées faisaient moins de 1 000
nouveau-né se fait sans le recours à un véhicule sanitaire. accouchements par an. Tous les enfants hypotrophes nais-
Un accoucheur, un anesthésiste et un pédiatre doivent saient dans des établissements de niveau II ou III ainsi
être de garde sur place 24 heures sur 24 dès que le service que 75 % des grossesses multiples et 70 % des prématurés
réalise plus de 1 500 accouchements par an. Ces décrets éta- (DRESS 2003).
blissent un niveau d'activité minimal fixé à 300 accouche- Le plan périnatal 2005–2007, doté d'un budget de
ments annuels et définissent des normes minimales quant 274 millions d'euros, avait pour but d'améliorer la sécu-
aux locaux et au personnel du bloc obstétrical et des unités rité de la naissance en perfectionnant le fonctionnement
d'hospitalisation. Le texte des décrets peut être consulté sur des services, le fonctionnement des réseaux, les modalités
Internet dans le Journal officiel : http : //www.legifrance.fr. de transfert, l'aide aux personnes en situation précaire. De
La conférence de consensus du Collège national des nombreux postes de médecins, sages-femmes, puéricul-
gynécologue-obstétriciens français (CNGOF), des 2 et trices, psychologues ont été créés.
3 décembre 1998, concernant la prise en charge de la femme En 2012, un rapport de la cour des comptes a évalué
enceinte, de l'accouchement et du nouveau-né selon leur l'organisation périnatale française. À cette date, il ne res-
niveau de risque, recommande : tait plus que 505 maternités (358 publiques et 147 privées)
– de réhabiliter l'idée que la grossesse et l'accouchement dont 255 de type I, 223 de type II et 66 de type III. 74 %
sont des événements naturels qu'il ne faut pas médicaliser des naissances se font dans des établissements qui font entre
de façon excessive ; 1 000 et 3 999 accouchements, 17 % dans établissements qui
– une consultation médicale précoce de la femme enceinte font moins de 1000 accouchements et 9 % se font dans des
qui aura pour but de dépister les facteurs de risque médi- établissements de plus de 4 000 naissances. Le secteur privé
caux, sociaux et psychologiques. Cette consultation aura assure seulement 25 % des naissances. 78 centres périna-
aussi pour but d'informer les femmes sur les modalités taux de proximité ou les femmes peuvent être suivies avant
de surveillance de la grossesse, l'hygiène de vie et l'exis- ou après leur accouchement ont été créés dans des établis-
tence de réseau d'hospitalisation. Elle permettra d'orien- sements fermés en raison d'un nombre d'accouchements
ter les femmes à bas risque vers un accompagnement qui inférieurs à 300 par an. Notons que si en France 23 % des
respecte le caractère physiologique de la grossesse et les accouchements se font dans des maternités de plus de 3 000
patientes chez lesquelles un risque est dépisté vers une naissances annuelle, ce taux est de 51 % en Suède et de 69 %
prise en charge dans un établissement de niveau adapté ; en Grande Bretagne.
– une consultation au début du 3e trimestre orientée vers la Le décret du 30 juillet 2015 a fixé les conditions de
recherche d'une pathologie de fin de grossesse et le repérage l'expérimentation des maisons de naissance, qui doivent
de certains risques d'accouchement (en particulier le risque permettre de tester une prise en charge moins technicisée
hémorragique, première cause de mortalité en France) de de la grossesse et de l'accouchement, hors établissement de
VII
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VIII En France, où peut-on accoucher ?
santé, et de créer des maisons de naissance dans lesquelles la maison de naissance est membre, en lien avec l'établisse-
des sages-femmes assureront en totalité le suivi de grossesse ment de santé partenaire.
et les accouchements. 9 maisons de naissances sont autorisées à fonctionner à
La « maison de naissance » est une structure qui se titre expérimental (JORF 26 novembre 2015)
trouve à proximité immédiate d'une maternité partenaire. En France en 40 ans, les deux tiers des maternités ont
Elle dispose d'un accès direct avec le service de gynécologie- fermé alors que le nombre de naissances est stable et voi-
obstétrique de l'établissement de santé permettant d'assurer sin de 810 000 par an. On observe une forte augmentation
dans des conditions compatibles avec l'urgence le transport des maternités de plus de 1 000 naissances avec un temps
non motorisé et allongé des parturientes et des nouveau- moyen d'accès de 17 minutes mais supérieur à 30 minutes
nés, sans voie publique à traverser. pour 10 % des cas. Malgré cette importante restructuration,
Elle est tenue par des sages-femmes qui doivent pouvoir la France reste à un rang moyen en Europe en matière de
intervenir à tout moment, tous les jours de l'année, dans périnatalité et n'est jamais dans les 5 premiers. 70 % seu-
un délai compatible avec l'impératif de sécurité. Lors des lement des enfants de moins de 32SA naissent dans un
accouchements, l'organisation de la maison de naissance établissement type III, la mortalité maternelle à 8,2/100
doit garantir la présence dans les locaux d'une seconde sage- 000 supérieure à la moyenne européenne (6,2) La morta-
femme. Celle-ci a pour mission d'assister la sage-femme lité néonatale après 24SA est de 2,3/1 000 nous classant au
réalisant l'accouchement, notamment lorsqu'une situation 17ème rang. La cour des comptes souligne l'augmentation
d'urgence survient et que le transfert de la parturiente ou de la précarité de certaines populations, les difficultés de
de son enfant doit être organisé. Les sages-femmes assurent recrutement en personnel médical (obstétriciens, pédiatres,
la préparation à la naissance et à la parentalité, le suivi de la anesthésistes, sages-femmes) dans certaines régions, le non
grossesse, l'accouchement et le suivi de celui-ci ainsi que les respect de décrets de 98, l'absence de normes de fonction-
soins postnataux de la mère et du bébé. nement pour les établissements de plus de 4 000 naissances,
Elles effectuent les dépistages obligatoires pour les nou- le sous-financement des établissements poussant à la fer-
veau-nés pour les 5 maladies rares : la drépanocytose, meture des établissements privés et à la surcharge d'activité
l'hyperplasie congénitale des Surrénales, l'hypothyroïdie pour les établissements publics restant . Des progrès restent
congénitale, la mucoviscidose, la phénylcétonurie. donc à faire…
Elles informent également les parents sur le dépistage On peut trouver sur le site de la Caisse d'Assurance
précoce de la surdité permanente néonatale. Maladie (http : //ameli-direct.ameli.fr), les établissements
Pour quelles grossesses ? où l'on peut accoucher, leur type, le nombre d'accouche-
Pour accoucher dans une maison de naissance, il faut ments réalisés par voie haute ou par césarienne, ainsi que
présenter une grossesse sans pathologie particulière, ne pré- les tarifs pratiqués par les praticiens, les établissements et le
sentant aucun risque materno-fœtal identifié La femme doit montant de ce qui reste à la charge des familles.
être informée de l'absence d'hébergement et de la nécessité Le classement des types d'établissement et l'organisation
d'un transfert vers la maternité si elle souhaite une péridu- des réseaux périnataux régionaux permettent en fonction de
rale. Les présentations non céphaliques, grossesses gémel- la pathologie de faire accoucher la femme dans le lieu le plus
laires, les femmes avec un utérus cicatriciel, ne sont pas approprié pour la prise en charge néonatale de l'enfant. Les
acceptées. D'autre part les futures mamans doivent habiter accouchements inopinés à domicile sont rares entre 2 000
à 40 minutes de la maison de naissance au grand maximum. et 2 500 naissances par an soit 0,5 % des naissances (Jouan
Les professionnels de santé de la maison de naissance 1999).
doivent participer chaque année à des formations, notam- Nous donnons ci-après, à titre d'exemple, les indications
ment des mises en situation d'urgence maternelle, fœtale ou retenues pour les transferts in utero par les praticiens gyné-
pédiatrique néonatale. Ces formations doivent être organi- cologues-obstétriciens et pédiatres du réseau périnatal de la
sées, notamment par le réseau de santé en périnatalité dont région Centre.
Indications d'un transfert in utero du
réseau périnatal de la région Centre
IX
Informations sur internet
Un certain nombre de recommandations pour la pratique – American College of Obstetrics and Gynaecology : www.
clinique, de guides de bonnes pratiques ou de conférences acog.org/
de consensus sont en ligne sur certains sites. Nous recom- – Société des gynécologues et obstétriciens du Canada :
mandons au lecteur de les consulter pour mettre régulière- www.sogc.org/index_f.asp
ment à jour ses connaissances. – base de données Cochrane : www.cochrane.co.uk. La
Nous recommandons particulièrement les sites suivants : collaboration Cochrane offre de nombreux résultats d’essais
– Collège national des gynécologues-obstétriciens f rançais : randomisés et de méta-analyses dans la spécialité
www.cngof.asso.fr/ – le ministère de l'Emploi et de la Solidarité publie les
– Collège français d’échographie fœtale : www.cfef.org enquêtes sur la situation périnatale en France : www.sante.
– Société française de médecine périnatale : www.sfmp.net/ gouv.fr/dress
– Haute Autorité de santé (HAS) : www.has.fr – réseau sentinelle AUDIPOG : www.audipog.inserm.fr
– Royal College of Obstetrics and Gynaecology : www. – Assurance maladie : www.ameli.fr/
rcog.org.uk – textes législatifs : www.legifrance.fr
X
Avertissement
Les objectifs de cet ouvrage sont de permettre au spécialiste authentiques, parfois fautives car les erreurs ont une valeur
(DES, DIS) ou à la sage-femme en formation d’adopter une pédagogique. Ils sont regroupés en fin d'ouvrage et consul-
conduite pratique pour la prise en charge de l'accouche- tables sur le minisite.
ment, que celui-ci soit normal ou pathologique. D'aucuns diront que l'obstétrique ne s'apprend pas dans
Cet ouvrage est complémentaire de l'Obstétrique pour le les livres, mais par compagnonnage, en salle de travail au fil
praticien qui est surtout utile pour la consultation au cours des gardes.
de la grossesse. Certes, rien ne remplace l'exercice quotidien. Encore faut-il
Le lecteur trouvera dans chaque chapitre : avoir des bases théoriques et des schémas de conduite à
– l'objectif à atteindre, conforme aux suggestions du tenir fondés sur des preuves scientifiques.
Collège national des gynécologues-obstétriciens français ; Nous remercions tous les collègues qui ont accepté de
– un rappel physiologique ; remettre à jour les chapitres mais aussi accepté que nous réé-
– un exposé de la conduite pratique aussi précis que crivions leur texte pour donner à l'ensemble du volume une
possible. homogénéité indispensable. Merci aussi à Jacques Bertrand,
Dans chaque chapitre, l'auteur indique les règles de obstétricien et dessinateur, qui a conçu les illustrations
bonnes pratiques définies par la Haute Autorité de santé ou originales.
le Collège des gynécologues-obstétriciens français. Parfois, Nous serons reconnaissants à tous ceux qui relève-
faute de recommandations françaises, l'auteur s'appuie sur raient des lacunes ou des erreurs dans ce livre de nous
les recommandations anglaises, canadiennes ou améri- le faire savoir.
caines, voire sa propre pratique.
Enfin, un certain nombre de cas cliniques sont pro- Jacques Lansac, Philippe Descamps, François Goffinet
posés à titre d'« exercices » pour vérifier l'acquisition des Nous remercions MM. L. Dorn et G. Blanchet, dessinateurs
connaissances. Les cas cliniques sont tirés d'observations médicaux, qui ont repris les dessins de J. Bertrand.
XI
w
Sommaire des vidéos
XV
Abréviations
XVI
Abréviations XVII
La Société française d'anesthésie-réanimation a, en 2005, dité très variable et exercent un rôle aggravant mineur (âge,
revu les indications de la prophylaxie de la maladie throm- tabagisme, obésité, groupe sanguin non O), important
boembolique veineuse en obstétrique. (antécédent cardiaque) ou imprécis (antécédents de phlébite
superficielle).
Les antécédents personnels de MTEV augmentent le
Incidence naturelle des événements risque de récidive avec une incidence d'événements cli-
thromboemboliques niques estimés entre 0 et 20 %. De même, des antécédents
Au cours de la grossesse familiaux de MTEV augmenteraient le risque dans une
et en post-partum proportion similaire. Cette incidence très variable pour-
rait être influencée par au moins deux facteurs intriqués :
La fréquence de la maladie thromboembolique veineuse l'existence d'anomalies biologiques thrombophiliques et le
(MTEV) en obstétrique est difficile à déterminer et les inci- caractère temporaire (ou non) de la présence d'un facteur
dences suggérées ci-dessous restent demeurent à caution. de risque lors d'un premier événement thromboembolique.
En France, on recense cinq à dix décès maternels par an Il est admis qu'en cas de présence d'un facteur temporaire
(6 à 12/1 000 000 naissances) liés à une embolie pulmonaire de risque thromboembolique lors de l'épisode antérieur, le
et, dans un tiers des cas, les soins sont non optimaux. risque de récidive est moins important qu'en présence d'un
L'incidence globale de la MTEV en obstétrique semble facteur de risque permanent.
avoir diminué au cours des dernières décennies. Les études Les relations entre la thrombophilie constitutionnelle ou
récentes suggèrent globalement une incidence inférieure ou acquise et la grossesse ont donné lieu à une conférence de
égale à 1/1 000. Les thromboses veineuses profondes (TVP) consensus française récente. Schématiquement, la prévalence
surviennent plutôt en pré-partum alors que la période du de la MTEV et l'excès de risques associés à ces pathologies
post-partum est plutôt associée à la survenue d'embolie pul- constitutionnelles sont résumés dans les tableaux ci-dessous.
monaire. En cours de grossesse, la survenue prédominante
de la MTEV pendant le troisième trimestre est incertaine,
plusieurs travaux indiquant une répartition homogène au
cours des trois trimestres, d'autres encore suggérant une Thrombophilies biologiques identifiées, incidence
incidence supérieure en début de grossesse. Les TVP des et risque de thrombose veineuse profonde.
membres inférieurs surviennent environ six à sept fois plus Facteurs Prévalence Prévalence chez Risque
souvent à gauche qu'à droite. de risque dans la les patientes relatif
population ayant thrombosé
générale (%) (%)
Après césarienne Déficit en 0,01 à 0,02 1à3 25 à 80
Globalement, la césarienne multiplie le risque de surve- antithrombine
nue de MTEV par un facteur de 2 à 5. La césarienne élec- Déficit 0,2 à 0,5 3 à 22 3 à 10
tive représente cependant une intervention à faible risque hétérozygote en
thromboembolique. protéine C
Déficit 0,14 à 0,8* 5 à 8* 7
Facteurs de risque et classification hétérozygote en
en niveaux de risque protéine S
La grossesse représente par elle-même un facteur de risque Facteur V Leiden 2à9 30 à 60 3à8
hétérozygote**
de telle sorte que le risque de MTEV en obstétrique est cinq
fois plus important que dans la population générale. Mutation 20210A 2 à 3 4à6 1,2 à 4
hétérozygote de
la prothrombine**
Facteurs individuels antérieurs
* L'incidence du déficit en protéine S est difficile à établir en raison
à la grossesse des discordances entre les méthodes de dosage.
De nombreux facteurs de risque cliniques ou biologiques ** Il existe peu de données concernant la forme homozygote
ont été identifiés selon des méthodologies ayant une vali- de ces deux mutations.
XVIII
Prévention des accidents thromboemboliques en obstétrique XIX
Catégories de risque de MTEV maternelle au Les séries n'ont pas montré de relation entre la survenue
cours de la grossesse et du post-partum, et après de MTEV obstétricale et le taux de D-dimères ou de com-
césarienne (modifié à partir de la conférence de plexes thrombine-antithrombine.
consensus « Thrombophilie et grossesse 2003 »).
Risque Antécédent de MTEV multiples Quelle est l'efficacité et quels sont les
majeur Patientes traitées au long cours par anticoagulants
avant la grossesse pour un épisode de MTEV en
risques des stratégies de prévention ?
rapport avec une thrombophilie Moyens mécaniques
Risque Antécédent de MTEV, sans facteur de risque retrouvé Bas de contention. Ils peuvent être employés seuls dans les
élevé Antécédent de MTEV associé à l'un des facteurs groupes à risque faible et en association en cas de risque plus
biologiques de risque suivants :
– déficit en AT*, SAPL*
élevé (grade D).
– mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V Filtres caves temporaires. Ils ont été proposés en cours
Leiden de grossesse en cas de thrombose veineuse profonde avec
– anomalies hétérozygotes combinées* (surtout contre-indication aux anticoagulants ou de thrombose
mutation 20210A + Leiden hétérozygote) étendue récente à haut risque emboligène en péripartum
Antécédent de MTEV lors d'une grossesse antérieure (grade D).
ou au cours d'un traitement œstrogénique
Risque Antécédent de MTEV, avec facteur déclenchant
modéré temporaire lors de l'épisode antérieur Héparine non fractionnée (HNF)
Antécédent de MTEV avec facteur biologique de et héparines de bas poids moléculaire
risque (autre que ceux cités ci-dessus)
Présence d'un des facteurs biologiques de risque,
(HBPM)
asymptomatique et dépisté dans le cadre d'une MTEV Peu d'études ont comparé HNF et HBPM et suggèrent une
familiale, surtout si : efficacité identique (niveau 2). L'HNF ne passe pas la bar-
– déficit en AT*, SAPL* rière placentaire et peut donc être utilisée à tous les termes
– mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V de la grossesse (niveau 2). Les HBPM qui ont été étudiées
Leiden
– anomalies hétérozygotes combinées* (surtout
(daltéparine et énoxaparine) ne traversent pas la barrière
mutation 20210A + Leiden hétérozygote) placentaire aux deuxième et troisième trimestres et n'aug-
Césarienne en urgence mentent pas le risque de malformations ou d'hémorragie
Césarienne et chirurgie pelvienne majeure associée néonatale (niveau 2). L'HNF et les HBPM ne modifient pas
Présence de trois ou plus facteurs de risque faible le cours de la grossesse et la fréquence accrue de prématurité
Risque Aucun facteur de risque semble plutôt liée au terrain sur lequel elles sont prescrites
faible Ou présence de de moins de trois facteurs suivants : (niveau 2). Les accidents hémorragiques maternels sont plus
– âge > 35 ans, obésité (IMC > 30 ou poids > 80 kg), fréquents qu'en l'absence de traitement (niveau 2) et l'HNF
varices, HTA semble plus fréquemment responsable d'hémorragie que les
– facteurs obstétricaux : césarienne, multiparité > 4,
HBPM (niveau 3). De même, le risque d'ostéoporose associé
prééclampsie, alitement strict prolongé, hémorragie
du post-partum, etc.)
à un traitement prolongé est plus fréquent et plus sévère lors
– maladie thrombogène sous-jacente (syndrome d'un traitement par HNF lors d'études comparatives avec les
néphrotique, MICI en poussée, infection HBPM (niveau 2). Au cours de la grossesse, l'incidence de
intercurrente systémique, etc.) la thrombopénie induite par héparine (TIH) serait plus éle-
IMC : indice de masse corporelle ; MICI : maladie inflammatoire chronique vée avec l'HNF (niveau 2) et le risque serait inférieur à 1 %
de l'intestin. avec les HBPM (niveau 4). La posologie des HBPM doit être
* Pour les formes asymptomatiques de SAPL (syndrome des anticorps adaptée au poids et/ou à l'activité anti-Xa (grade D).
antiphospholipides) et de déficit en antithrombine, l'évaluation du risque est
établie au cas par cas selon notamment l'importance des antécédents familiaux.
Antivitamine K (AVK)
La mutation homozygote MTHFR n'est pas associée à un Ils passent la barrière placentaire et produisent une
risque significatif de MTEV en cours de grossesse, notam- embryopathie typique lorsqu'ils sont administrés entre 6 et
ment en cas de supplémentation en acide folique. 12 semaines d'aménorrhée (niveau 2). Un risque hémorra-
Parmi les déficits acquis, le plus fréquent est le SAPL gique fœtal accru existe lorsque les AVK sont utilisées plus
dont la prévalence est de l'ordre de 0,5 à 1/1 000. Le risque tardivement au cours de la grossesse (niveau 2) (RPC –
relatif de MTEV maternelle est élevé, probablement proche SFAR 2005). La warfarine ne passe pas dans le lait maternel
de celui associé au déficit en antithrombine, et justifie une et peut être utilisée en post-partum (niveau 2). Le risque
attitude thérapeutique similaire. hémorragique maternel est également accru (niveau 2).
Quand et combien de temps ces de risque (grade D). Toutes ces recommandations sont
stratégies prophylactiques doivent-elles basées sur de faibles niveaux de preuve (niveau 4).
être prescrites ?
Les indications et les durées de traitement sont décrites dans
le tableau en fonction des situations cliniques et des niveaux
PLAN DU CHAPITRE
Physiologie du fœtus in utero en fin Physiologie des contractions utérines et des
de grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 modifications du col au cours du travail . . . . . 11
Mécanisme de déclenchement spontané Adaptation du nouveau-né à la vie
du travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 extra-utérine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Chorion
Septum inter-cotylédonaire
Villosités placentaires
Chambre intervilleuse
5 à 10 mm Caduque placentaire
< 5 mmHg
Artère utéro-placentaire
70 à 80 mm
Veines utéro-placentaires
Fig. 1.1. Schéma du placenta et du système tambour et circulation fœtoplacentaire. Le sang maternel pénètre dans l'espace intervilleux,
sous forme d'un jet, et baigne l'espace intervilleux ; les échanges se font entre le sang maternel et les villosités choriales. Le sang maternel repart
ensuite dans les veines de l'endomètre.
Les échographies réalisées aux deux derniers trimestres per- rieure (figure 1.2). Le débit est de 120 ml/min/kg à 20 SA et
mettent la mise en évidence d'un réseau sous-placentaire intra- de 65 ml/min/kg à terme. Le spectre des vitesses de circu-
myométrial fait d'anastomoses nombreuses et larges. C'est de lation du sang est plat, non pulsatile dans les deux derniers
ce réseau que partent les vaisseaux qui entrent dans la chambre trimestres, car le calibre de la veine ombilicale est quatre fois
intervilleuse. En cas de restriction de croissance in utero, on peut supérieur à celui du canal d'Arantius. Toute augmentation
mettre en évidence une réduction sensible de ces vaisseaux [13]. de la pression dans l'oreille droite induit une augmentation
de pression dans le canal d'Arantius qui, transmise à la veine
Du côté fœtal ombilicale, favorise l'apparition de phénomènes de pulsatilité.
Les deux artères ombilicales, nées indirectement de l'aorte Le canal d'Arantius permet à 20 à 30 % du sang oxygéné
abdominale, cheminent dans le cordon et se divisent en artères de la veine ombilicale de court-circuiter le passage hépa-
de plus en plus petites qui se résolvent en un lit capillaire à tique et de rejoindre directement le cœur gauche au travers
l'intérieur des villosités choriales (figure 1.1). La vélocimétrie du foramen ovale. Cette proportion peut augmenter jusqu’à
de l'artère ombilicale a permis de définir un index directement 70 % en cas d'hypoxie fœtale. En effet, il existe un flux pré-
lié à la notion de « résistance vasculaire placentaire ». La valeur férentiel du sang oxygéné provenant du canal d'Arantius et
de cet index (qui augmente dans les grossesses normales à par- de la veine hépatique gauche vers le foramen ovale car la
tir de la 18e SA) traduit une baisse progressive jusqu'au terme vitesse de circulation dans le canal d'Arantius (60 à 85 cm/s
de la résistance vasculaire fœtoplacentaire, permettant ainsi en fin de grossesse) est très supérieure au flux sanguin de la
de répondre aux besoins croissants du fœtus. Des résistances veine cave. Le sang le moins oxygéné, provenant de la veine
vasculaires placentaires anormalement élevées sont observées cave inférieure et de la veine hépatique droite dont la vitesse
en cas de prééclampsie ou de retard de croissance intra-utérin. circulatoire est plus faible, poursuit son trajet vers le ventri-
La réduction du flux sanguin fœtoplacentaire est alors associée cule droit. Les deux contingents veineux se mélangent peu.
à une situation à risque d'hypoxie [5]. Le sang issu du canal d'Arantius provient à 98 % de la veine
La veine ombilicale unique draine l'ensemble du réseau ombilicale et seulement à 2 % de sang de la veine porte [2].
capillaire et des veines ombilicales pour se jeter en grande La majorité du débit du sang de la veine ombilicale (70 %)
partie à travers le canal d'Arantius dans la veine cave infé- passe cependant par le foie mais l'extraction d'oxygène est
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 5
■ le double effet Bohr ; La bilirubine non conjuguée, les acides gras, les corps céto-
■ la fixation de CO2 (oxyde de carbone) par le sang mater- niques et les stéroïdes passent aussi la barrière placentaire.
nel, ce qui diminue la capacité de fixation de l'oxygène et On comprend donc que toute circonstance affectant
favorise son transfert vers le fœtus ; le développement et la vascularisation du placenta a des
■ le transfert d'oxygène est facilité par un transporteur, conséquences sur les transferts et la physiologie du fœtus
le cytochrome P450. Une diminution de 50 % du débit qui peut être victime d'une restriction de croissance, être
sanguin utéroplacentaire s'accompagne d'une réduction hypotrophe, voire mourir in utero.
de 25 à 75 % des transferts d'oxygène, mais la capacité
d'extraction par le sang fœtal peut se trouver doublée lors
d'une réduction de 75 % du flux ombilical [9]. Endocrinologie placentaire : l'unité
De même, le transfert du CO2 du fœtus vers la mère est fœtoplacentaire
facilité par : Après la nidation, le trophoblaste se différencie en tro-
■ la très bonne diffusion du CO2, plus rapide que celle de phoblaste villeux, site des échanges fœtomaternels et
l'oxygène ; tissu endocrinien du placenta, et trophoblaste extravil-
■ le gradient de PCO2 ; leux, ancré dans l'endomètre. Les villosités flottantes sont
■ la dissolution du CO2 en bicarbonate ; constituées d'un axe mésenchymateux contenant les vais-
■ la fixation du CO2 sur l'hémoglobine fœtale ; seaux fœtaux et sont recouvertes d'une couche externe, le
■ l'effet Aldane. syncytiotrophoblaste, qui baigne dans le sang maternel et
Les paramètres les plus importants de l'oxygénation constitue la principale source de la synthèse hormonale :
fœtale sont les pressions partielles maternelle et fœtale d'O2, il sécrète les hormones polypeptidiques, que l'on trouve
les affinités sanguines de l'O2, les débits sanguins placen- dans le sang de la mère, mais aussi des hormones stéroïdes
taires maternel et fœtal, et la quantité de CO2 échangée. (œstradiol et progestérone) et des hormones protéiques
L'efficacité des échanges gazeux placentaires est tout à (HCG et HPL). Cependant, le cytotrophoblaste a égale-
fait comparable à celle du poumon [10]. ment une activité endocrine.
Ces hormones jouent un rôle dans le maintien de la ges-
Échanges d'eau et d'électrolytes tation, dans la croissance et le développement fœtal, ainsi
Le débit horaire moyen d'échanges hydriques entre la mère que dans le déclenchement du travail.
et le fœtus peut atteindre 3,5 l/h. C'est le gradient osmotique
qui règle la diffusion de l'eau. Les électrolytes diffusent paral- Sécrétion des hormones stéroïdes
lèlement à l'eau et les échanges se font par diffusion simple,
sauf pour le fer et le calcium dont l'échange se fait par trans- Au début de la grossesse, le corps jaune synthétise les hormones
fert actif uniquement vers le fœtus, qui a de gros besoins. Les stéroïdes à partir du cholestérol maternel mais, dès la sixième
concentrations en phosphates et potassium sont plus élevées semaine de grossesse, le placenta humain est le siège d'une
dans le compartiment fœtal, alors que celles du sodium et importante production d'hormones stéroïdes qui sont princi-
chlorures sont identiques entre les deux compartiments. palement la progestérone et les œstrogènes : œstriol, œstradiol
et œstrone. En fin de grossesse, la production d'œstrogènes est
Hydrates de carbone de l'ordre de 40 mg et celle de progestérone de 300 mg par jour.
Le placenta est un organe endocrinien incomplet car il ne peut
Ils sont essentiels au fœtus : il s'agit d'un transfert facilité, la effectuer la synthèse du cholestérol. Il est obligé d'utiliser celui
glycémie maternelle étant plus élevée que celle du fœtus. Ce de la mère. Il ne peut fabriquer ni androgène ni œstradiol par
transfert est dépendant de la PO2. Cependant, le placenta a la défaut enzymatique ; en revanche, il possède une aromatase
capacité de synthétiser et de stocker du glycogène. L'hypoxie pour transformer les androgènes en œstrogènes.
entraîne une utilisation accélérée du glucose et du glycogène
(par glycogénolyse) par le placenta et le fœtus.
Si la glycémie maternelle augmente, celle du fœtus aug- Progestérone
mente parallèlement, entraînant une hyperinsulinémie réac- Durant les six premières semaines de grossesse, la pro-
tionnelle, potentiellement responsable de la survenue d'une duction de progestérone est essentiellement effectuée par
macrosomie fœtale. L'augmentation de la glycémie fœtale le corps jaune gravidique. Elle est associée à une sécrétion
augmente le taux de lactates avec une baisse du pH en cas de la 17-α-hydroxyprogestérone d'origine exclusivement
d'hypoxie ; il y a alors un risque d'anoxie fœtale. ovarienne. La production placentaire prend le relais pro-
Dans les conditions physiologiques, il n'y a pas de trans- gressivement avec la mise en place dans le syncytiotropho-
fert de lactates de la mère vers le fœtus. blaste des différents systèmes enzymatiques. Le précurseur
de la progestérone est le cholestérol véhiculé par les LDL
Acides aminés (low density lipoprotein) plasmatiques maternelles. La sur-
Le fœtus ne peut synthétiser les acides aminés essentiels. face microvillositaire du syncytiotrophoblaste en contact
Les systèmes de transport des acides aminés requièrent de direct avec le sang maternel possède des récepteurs spéci-
l'énergie pour assurer leur capture depuis le placenta mater- fiques à haute affinité pour les LDL. Ils sont présents dès la
nel et les concentrer dans la matrice intracellulaire, d'où le sixième semaine de grossesse. Le complexe LDL-récepteurs
transfert vers le compartiment fœtal qui suit un gradient est ensuite internalisé et dégradé dans les lysosomes pour
décroissant. L'hypo-amino-acidémie des retards de crois- libérer du cholestérol qui est utilisé non seulement pour la
sance intra-utérin pourrait être due à une incapacité du pla- stéroïdogenèse mais aussi pour d'autres besoins cellulaires
centa à synthétiser les transporteurs. comme la synthèse des membranes cellulaires.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 7
Deux systèmes enzymatiques permettent la biosynthèse rone en androgènes indispensables à la synthèse des œstro-
de la progestérone. Le premier, localisé dans la membrane gènes. De ce fait, la production d'œstrogènes placentaires est
interne des mitochondries, convertit le cholestérol en pré- tributaire d'un précurseur : le sulfate de déhydroépiandrosté-
gnénolone. Le second intervient dans la conversion de la rone (SDHEA) produit par la surrénale maternelle et fœtale.
prégnénolone en progestérone. Le SDHEA est hydrolysé, puis aromatisé en œstrogènes par
le cytochrome P450 aromatase du syncytiotrophoblaste.
Œstrogènes Une diminution de l'expression de la 11β-hydroxystéroïde
Étant donné l'absence du cytochrome P450 17α-hydroxylase, déshydrogénase peut être à l'origine d'un retard de crois-
le placenta ne peut convertir la prégnénolone et la progesté- sance intra-utérin, soulignant l'importance de cette enzyme
dans la croissance fœtale. Un déficit en stérol sulfatase pla-
centaire par délétion d'un gène du chromosome X entraîne
une diminution importante de la sécrétion d'œstrogènes et
est associé chez le garçon à une ichtyose [3].
Le foie fœtal, lui, peut synthétiser le cholestérol à partir de
son acétate et permet la formation de corticoïde et d'œstradiol.
La complémentarité des équipements enzymatiques pré-
sents dans les deux compartiments est donc à la base du
concept de l'unité fœtoplacentaire, ensemble fonctionnel
dont les activités s'additionnent (figure 1.4).
La biosynthèse et le métabolisme de la progestérone et
des œstrogènes sont résumés dans la figure 1.5.
La progestérone joue un rôle essentiel dans l'établissement et
le maintien de la gestation par la mise au repos du muscle uté-
Fig. 1.4. Représentation schématique des différentes voies pos- rin, et aurait un rôle tocolytique. Il n'existe pas chez la femme
sibles pour le transfert des stéroïdes au cours de la grossesse. de chute de la progestéronémie avant l'accouchement.
Fig. 1.5. Biosynthèse et métabolisme des œstrogènes, de la progestérone et des androgènes au cours de la grossesse. D'après Cedard L.
In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
8 Partie I. Accouchement normal
Le rôle des œstrogènes, surtout de l'œstradiol, est impor- grossesse. Lors du pic de sécrétion, l'HCG est capable de se
tant dans l'implantation, le maintien de la gestation, le déve- lier aux récepteurs de la TSH et peut conduire à l'apparition
loppement fœtal et le développement mammaire. d'un goitre, plus fréquent dans les grossesses gémellaires où
Une régulation de la stéroïdogenèse permet une synthèse les taux d'HCG sont plus élevés. Sa détection dans les urines
harmonieuse et équilibrée des stéroïdes nécessaires à un ou le sang maternel est possible dès le dixième jour après la
maintien de la gestation. Elle se fait par l'HCG, le LRF du fécondation et permet d'affirmer le diagnostic de grossesse.
trophoblaste, ou par rétro-inhibition des produits formés La glycosylation de l'HCG varie pendant la grossesse et
par le placenta. est modifiée dans les choriocarcinomes et dans la trisomie
21. L'élévation de l'HCG maternelle est utilisée en clinique
Sécrétion des hormones polypeptidiques pour le dépistage de l'aneuploïdie.
Le placenta synthétise les homologues de toutes les hor- L'HCG fait sécréter précocement la testostérone par le
mones hypophysaires. Certaines hormones ont plusieurs testicule fœtal, intervient dans la migration des gonades
activités biologiques : embryonnaires, stimule également la sécrétion d'œstrogènes
■ l'HCG a une activité LH et TSH ; du placenta à partir des androgènes et joue sans doute un
■ l'HPL (hormone placentaire lactogène) ou l'HCS a une rôle dans la suppression partielle des réactions immunitaires
activité somatotrope et lactogénique. de rejet de la greffe fœtale.
La présence d'activités ACTH (adrénocorticotrophine),
MSH, LH-RH, endomorphinique, relaxine et vasopressine Hormone lactogène placentaire (HPL ou HCS)
est probable dans le placenta. C'est une hormone peptidique, synthétisée et sécrétée par le
syncytiotrophoblaste sans aucune participation fœtale. Elle
Hormone gonadotrophine chorionique comporte une chaîne polypeptidique et sa structure est voi-
sine de l'hormone de croissance et de la prolactine. Elle est
C'est une glycoprotéine formée de deux sous-unités α et
sécrétée dès la sixième semaine ; son taux augmente jusqu'au
d'une sous-unité β. Sécrétée dès la fécondation, son taux
neuvième mois. Sa durée de vie est courte (de 3 à 30 min) et
augmente jusqu’à dix semaines, puis baisse jusqu'au début
sa production élevée : 1 g par jour. Il n'y a pas de mécanisme
du quatrième mois, pour se maintenir en plateau jusqu’à
régulateur et sa production semble liée à la masse placen-
l'accouchement (figure 1.6). Cette glycoprotéine se com-
taire biologiquement active.
porte comme un superagoniste de la LH, permettant la
L’HPL est responsable du développement mammaire.
transformation du corps jaune cyclique en corps jaune gra-
Elle est lactogénique mais moins que la prolactine. Elle aug-
vidique, lequel assure le maintien de la sécrétion de la pro-
mente la synthèse protéique, la lipogenèse et la lipolyse avec
gestérone ovarienne durant les six premières semaines de la
libération d'acides gras. Cela crée une insulinorésistance et
épargne le glucose maternel. Elle jouerait un rôle dans la
croissance fœtale [7]. Son taux dans le sang maternel est un
bon indice du fonctionnement placentaire.
Endocrinologie du fœtus
Surrénale fœtale
Elle a un double rôle : elle fournit les hormones au fœtus et
apporte des stéroïdes précurseurs au placenta qui les trans-
forme en métabolites actifs. Elle synthétise donc la DHEA et
le SDHEA qui donneront les androgènes et les œstrogènes
Fig. 1.6. Évolution du taux moyen (± une déviation standard de dans le placenta (voir figure 1.5). Elle synthétise également
la moyenne) de l'HCG et de ses deux sous-unités α et β au cours du cortisol et de l'aldostérone à partir de la progestérone for-
de la grossesse. D'après Franchimont P, Gaspard U. In : Tournaire M., mée par le placenta. Elle est stimulée en début de grossesse
Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991. par l'HCG.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 9
Système nerveux
Il se développe également pendant la vie fœtale ; sa matu-
ration est indépendante des conditions de vie puisqu'on
l'observe chez le prématuré en incubateur. Elle est égale-
ment indépendante de la pathologie maternelle ou fœtale
et des facteurs nutritionnels. Ce processus est inné, isolé,
programmé, inéluctable en fonction de l'âge gestationnel.
Le fœtus perçoit des sons, son œil est sensible aux stimu-
lations lumineuses, il peut tourner sa tête avec ses mains,
mettre le pouce dans sa bouche. Le stress maternel entraîne
une augmentation des mouvements fœtaux. Le fœtus aug-
mente sa fréquence cardiaque, ainsi que ses mouvements en
cas de ponction in utero, suggérant qu'il perçoit une dou-
leur. Le passage d'un espace restreint mais chaud, dans la
pénombre, rempli de bruits sourds, à un espace vaste, froid,
dans une vive lumière, au milieu de bruits directs et soumis
à des manipulations désagréables est donc préparé par de
nombreux mois d'évolution. Lors de la naissance à terme,
l'enfant est prêt à vivre de façon autonome.
Fig. 1.7. Activation de la synthèse des prostaglandines. D'après
Mécanisme de déclenchement Lopes P, Lerat MF. In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd.
spontané du travail Paris : Masson ; 1991.
peut cependant se dérouler avec un taux de progestérone Essai de synthèse (figure 1.8)
normal. Il n'y a pas de chute de la progestérone avant l'entrée Dans l'espèce humaine, aucun des mécanismes évoqués
en travail chez la femme. ci-dessus ne semble à lui seul être le primum movens du
On pense que le taux de progestérone pourrait baisser au déclenchement du travail. Ce dernier serait d'origine mul-
niveau local et qu'il y aurait des variations de la progestérone tifactorielle. C'est la maturation d'un ensemble de systèmes
libre et conjuguée, ou qu'il y aurait une baisse d'activité sur la qui aboutit au travail. Tous ces mécanismes entretiennent
fibre musculaire par modifications des récepteurs utérins [4]. et renforcent progressivement les contractions du muscle
utérin en fréquence et intensité. Pour que le travail soit pos-
Récepteurs hormonaux sible, l'utérus doit être capable de se contracter de manière
Les modifications des récepteurs hormonaux jouent un rôle synchrone et le col doit être assez élastique pour se dilater.
dans le déclenchement du travail. Il existe deux récepteurs à La formation de gap jonctions (dont le nombre est plus élevé
la progestérone dans le myomètre : PRA qui inhibe l'action en fin de grossesse) entre les fibres musculaires transforme
de la progestérone et PRB qui l'augmente. Le taux de PRA le myomètre en une unité cohérente sur le plan électrique et
et le rapport PRA/PRB est augmenté lors du travail. La pro- métabolique. La maturation cervicale, sous l'influence des
gestérone inhibe les récepteurs α aux œstrogènes (ERα) prostaglandines, est mal connue [14].
qui sont augmentés dans le myomètre en travail. Il y a une Les contractions sont dues aux prostaglandines issues des
corrélation positive entre PRA/PRB et ERα. La réponse à membranes, du liquide amniotique et de la déciduale dont
l'action de la progestérone diminue donc à terme. Le ERα la sécrétion augmente avec la distension utérine.
est corrélé avec COX2 et les récepteurs à l'ocytocine présents Le travail se déclencherait du fait d'une diminution de la
dans le myomètre en dehors du travail [11]. réponse à la progestérone liée à l'augmentation de PRA et à une
meilleure réponse aux œstrogènes liés à l'augmentation de l’ERα.
Facteurs maternels Parallèlement, les hormones surrénaliennes d'origine
La distension progressive de l'utérus étire les fibres muscu- fœtale et hypophysaire (ocytocine, cortisol maternel et
laires lisses et favorise ainsi leur excitabilité. La déciduale fœtal) augmentent la synthèse et l'action des prostaglan-
synthétise des prostaglandines. L'ocytocine libérée par l'hy- dines. Les prostaglandines augmentent la formation des gap
pophyse maternelle joue un rôle discuté. jonctions dans le myomètre et activent les récepteurs à l'ocy-
On observe cependant des pics successifs d'ocyto- tocine du myomètre, d'où les contractions utérines [11].
cine dont la fréquence augmente au cours du travail pour Les modifications cervicales résultent de l'activité
atteindre un maximum pendant la phase d'expulsion. Elle ne contractile du myomètre, mais surtout de l'action directe
semble cependant pas avoir de rôle dans le déclenchement sur les systèmes enzymatiques du conjonctif cervical, d'hor-
du travail, mais augmente le travail en cours : la sollicitation mones qui agissent également sur le corps utérin (œstradiol,
du col utérin par le mobile fœtal déclenche une sécrétion progestérone, relaxine).
réflexe d'ocytocine par la posthypophyse qui permet d'aug- Ces différents systèmes sont interactifs, avec de nombreux
menter la durée, l'amplitude et la fréquence des contractions rétrocontrôles, si bien qu'il est actuellement difficile d'indi-
utérines, ainsi que la sécrétion de prostaglandines. quer un schéma simplifié du déclenchement de la parturition
Les catécholamines règlent les modifications nycthémé- mais, à partir d'un certain stade, les modifications surtout
rales de l'activité utérine mais n'induisent pas la parturition. des prostaglandines seraient telles que les contractions uté-
La relaxine sécrétée en début de grossesse par le corps rines s'entretiendraient d'elles-mêmes, provoquant le travail.
jaune puis par l'utérus a un rôle myorelaxant et modifie le
conjonctif cervical. Son rôle dans le déclenchement du tra-
vail est hypothétique dans l'espèce humaine. Physiologie des contractions
utérines et des modifications
Facteurs fœtaux du col au cours du travail
On sait que si le fœtus est anencéphale ou porteur d'une Contraction utérine
hypoplasie surrénale, la grossesse se prolonge.
À l'inverse, s'il y a hyperplasie des surrénales, l'accouche- C'est la force motrice qui permet au cours de l'accouche-
ment est prématuré. Le fœtus sécrète de l'ocytocine, dont ment la dilatation du col utérin et la progression du mobile
le rôle est difficile à préciser dans le déclenchement du tra- fœtal dans la filière génitale.
vail. La pathologie suggère un rôle de la surrénale dans le La connaissance de son mécanisme de fonctionnement
déclenchement du travail, elle-même stimulée par l'ACTH est indispensable pour apprécier et traiter les anomalies
hypophysaire. Le poumon fœtal est aussi une source de de la contraction utérine et de la dilatation qui constituent
prostaglandines et de PAF qui induit des contractions uté- l'essentiel des dystocies dynamiques.
rines. Ces produits se retrouvent aussi dans les membranes.
Physiologie de la fibre musculaire lisse
Certains stimuli La contraction de la fibre musculaire lisse utérine résulte
L'amniotomie spontanée ou artificielle, l'infection, le décol- du glissement, les uns par rapport aux autres, des filaments
lement du pôle inférieur de l'œuf et les métrorragies peuvent d'actine et de myosine. La formation de liaisons actine-myo-
provoquer en fin de grossesse une brutale augmentation de sine nécessite de l'énergie, fournie par l'hydrolyse de l'ATP
la synthèse des prostaglandines. (figure 1.9). La concentration en calcium ionisé à l'intérieur
12 Partie I. Accouchement normal
Fig. 1.8. Facteurs de déclenchement du travail. D'après Norwitz ER, Robinson Challis JRG. The control of labor. N Engl J Med 1999 ; 341 : 660–6.
Fig. 1.9. Physiologie de la contraction utérine. Sous l'effet du potentiel d'action, la concentration intracellulaire de calcium libre
permet l'activation de l'ATPase de la myosine. D'après Lopes P. In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 13
mmHg
Période
50
40
30 Intensité Intensité
20 vraie totale
10
a b Tonus de base
0
1 2 3 4 5 6 7 8 mn
Fig. 1.11. Mode d'action de certaines substances myorelaxantes
Fig. 1.10. Paramètres de la contraction utérine. D'après ou myocontractantes du muscle utérin. D'après Lopes P. In :
Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991. Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris: Masson ; 1991.
14 Partie I. Accouchement normal
Orifice
amniotique
Isthme
Partie
Orifice
Col
supérieure
histologique
supra- du corps
Endocol vaginal
Col
intra-
Exocol
vaginal
Utérus non gravide Après le cinquième mois, les mouvements entre les
couches musculaires entraînent la formation d'un segment
isthmique mince, ou segment inférieur. En effet, le cône
musculaire plexiforme au niveau de la région isthmique
ascensionne après la 20e semaine et il existe un anneau mus-
1 culaire marquant la limite entre la partie supérieure épaisse
2 du corps utérin et le segment inférieur isthmique mince
3
(figure 1.12 et figure 1.13).
On retrouve l'ascension du noyau musculaire sous le
terme d'anneau physiologique de rétraction au cours du
Utérus gravide dans les 5 premiers mois travail. Lorsque la dilatation est suffisante, la présenta-
tion pénètre le segment isthmique qui se moule sur elle
1 (figure 1.14). Cette ampliation du segment inférieur se pro-
duit en fin de grossesse chez la primipare, en début de tra-
2
vail chez la multipare. Le segment inférieur ne comporte pas
de couche musculaire plexiforme, mais simplement le
péritoine, la couche musculaire externe longitudinale, une
couche musculaire intermédiaire et l'endomètre.
3
Maturation du col
Elle se produit quelques jours avant le début du travail ;
Utérus gravide après 5 mois de gestation le col devient mou, court, centré. La maturation est due
aux changements du tissu conjonctif du stroma cervical,
Fig. 1.13. Modifications du col et du segment inférieur pendant indépendamment des contractions utérines. La trame col-
la grossesse. 1. Ligne de solide attache du péritoine. 2. Orifice anato- lagénique du col est devenue lâche et clairsemée en fin de
mique. 3. Orifice histologique. gestation.
Les facteurs de maturation du col sont :
La portion inférieure du canal cervical s’éverse. Il y a éversion ■ la relaxine (son rôle est important chez l'animal et il est
de la muqueuse endocervicale et constitution d'un ectropion. discuté chez l'homme) ;
Durant la seconde moitié de la gestation, le col devient ■ les œstrogènes et les prostaglandines (PGE2, PGF 2α
plus souple et s'hypertrophie, sa position et sa direction ne jouent un rôle dans la synthèse des constituants du tissu
changent qu’à la fin de la gestation. Les glandes fabriquent conjonctif ; l'inhibiteur de synthèse des prostaglandines
un mucus abondant formant le bouchon muqueux. bloque la parturition).
Formation du segment inférieur
Pendant les cinq premiers mois de la gestation, le segment Dilatation du col au cours du travail
isthmique s'allonge du fait de la croissance musculaire qui Le segment inférieur recueille les forces développées par le
affecte davantage la couche musculaire plexiforme interne corps utérin qui sont transmises par l'œuf ou le fœtus après
que la couche externe. rupture des membranes et se dirigent sur le col. Le segment
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 15
inférieur devient plus mince et le corps utérin plus épais. Il est Les différents temps du travail
le siège de peu de contractions utérines car il possède peu de (figure 1.16)
fibres plexiformes. Les phénomènes de maturation du col se
poursuivent au début du travail, puis le col se dilate sous l'effet Le premier temps comprend :
des contractions utérines et de la pression de la présentation ■ une phase de prétravail où se fait la maturation cervicale ;
(figure 1.15). ■ une phase préparatoire latente dont la durée moyenne
est de huit heures avec installation et coordination des
contractions utérines et effacement cervical ;
Chez la primipare
■ une phase d'accélération avec le début de la dilatation
L'effacement du col marque l'entrée en travail. L'orifice (A).
interne s'ouvre, puis le col se raccourcit en s'incorporant Le deuxième temps est celui de la dilatation, comprenant
au segment inférieur dont il ne représente plus que le une phase active précoce et une phase tardive (M).
pôle inférieur. La dilatation suit l'effacement de 1 à 10 cm Le troisième temps, pelvien, comprend :
en trois phases : initiale ou d'accélération, décélération, ■ la phase de décélération de la dilatation (D) ;
expulsion. ■ la descente fœtale active dans la filière génitale, en sachant
que ces deux phases sont souvent concomitantes (E) ;
Chez la multipare ■ la phase périnéale.
L'effacement et la dilatation sont simultanés. La dilatation peut Aujourd'hui, de nombreux auteurs ont simplifié cette
même précéder le travail. La durée est beaucoup plus brève classification pour ne retenir essentiellement que trois
que chez la nullipare, la vitesse maximale est de 5,7 cm/h. phases, comme les Anglo-Saxons :
■ la phase de latence (latent phase) : du début du travail à
6 cm pour la primipare, et du début de travail à 5 cm pour
la multipare, la dilatation est lente et progressive, infé-
rieure à 1,2 cm/h ;
■ la phase active (active labor) : de 6 cm à dilatation
complète pour la primipare et de 5 cm à dilatation
complète pour la multipare ; la dilatation est plus
rapide (> 1,2 cm/h pour les nullipares et 1,5 cm/h
pour les multipares). Cette phase inclut les efforts
expulsifs. Les Anglo-Saxons divisent la phase active
a en deux périodes : le first stage of labor qui corres-
pond à la première partie de la phase active jusqu’à
dilatation complète ; et le second stage of labor s’éten-
dant de la dilatation complète à la naissance. La phase
correspond donc au délai plus ou moins nécessaire à
l'engagement de la présentation fœtale après dilatation
complète, à la descente dans l'excavation pelvienne du
mobile fœtal et à son expulsion ;
b ■ la délivrance.
Adaptation du fœtus au travail qu'elle ne diminuait pas le taux de césariennes réalisé pour
anomalies du rythme cardiaque fœtal.
Éléments de l'agression
Au cours du travail, le fœtus est soumis à différents types Influence de la mère sur le fœtus
d'agression :
■ les contractions utérines qui sont une menace pour la cir- Efforts musculaires
culation placentaire ; Ils entraînent une acidose qui est transmise au fœtus.
■ les forces mécaniques qui s'exercent sur le fœtus et le En effet, au-delà d'une certaine intensité, après épuise-
cordon ; ment de l'oxygène, l'effort musculaire entraîne une glycolyse
■ les modifications métaboliques de la mère. anaérobie avec acidose lactique. Le pH maternel baisse à 7,40
et le déficit base passe à −4, −7 mmol/l. Le jeûne augmente
Contractions utérines l'acidose. La douleur, qui libère des catécholamines, et les
efforts expulsifs longs et prolongés concourent également à
Le débit dans l'artère utérine diminue de 30 % pendant les
l'augmentation de l'acidose qui est transmise au fœtus.
contractions mais le flux myométrial change peu. C'est à
l'acmé de la contraction, quand la pression intra-amniotique
Efforts respiratoires
dépasse la pression de la chambre intervilleuse (30 mmHg)
que la circulation s'interrompt pendant 15 à 60 secondes L'hyperventilation pendant les contractions provoque une
par compression des veines de retour. Cependant, le sang alcalose respiratoire. La PCO2 baisse et cette alcalose abaisse
de l'espace intervillositaire contient assez de réserve en oxy- le débit sanguin utéroplacentaire.
gène pour approvisionner le fœtus et la PO2 reste stable à Pendant l'expulsion, les efforts de poussée à glotte fermée
40 mmHg. Pendant le travail, l'homéostasie fœtale (PO2, pH augmentent la PCO2 et l'acidose respiratoire s'ajoute à l'aci-
sanguin) ne bouge pas plus que la pression artérielle ou le dose métabolique.
débit funiculaire. L'administration d'oxygène à la mère n'est pas toujours
Lors de l'expulsion, le rythme et l'intensité des contrac- bénéfique car l'alcalose et l'hyperoxie entraînent une baisse
tions augmentent, et la poussée abdominale s'ajoute aux du débit placentaire. Elle est, en revanche, indispensable en
contractions. La pression amniotique augmente à 100 ou cas de désaturation maternelle.
120 mmHg. La circulation artérielle utérine est interrom-
pue, ainsi que la circulation intervilleuse. Il peut donc y Perturbations hémodynamiques
avoir une baisse de la PO2 et une augmentation de la PCO2. Le décubitus dorsal avec un utérus gravide en dextrorotation
En pratique : comprime la veine cave inférieure et entraîne une chute de la
■ la répétition de contractions utérines de 45 secondes tension artérielle et un désamorçage du cœur droit, avec réduc-
toutes les trois minutes n'affecte pas le fœtus normal ; tion du flux placentaire et risque d'hypoxie fœtale. La mise de
■ les contractions utérines trop fréquentes ou trop longues la femme en décubitus latéral gauche supprime cet effet néfaste.
peuvent menacer un fœtus sain ; Les contractions utérines fortes ou les efforts expulsifs com-
■ si le placenta est insuffisant ou mal vascularisé, il peut priment l'aorte sous-rénale et les pouls fémoraux deviennent
y avoir une hypoxie lors de contractions parfaitement à peine perceptibles ; cela entraîne une chute du débit dans
normales ; les artères utérines et expose à un risque d'hypoxie fœtale.
■ un fœtus fragile, en restriction de croissance, sans réserve L'hypotension maternelle, du fait d'une vasoplégie due à
de glucose ou d'oxygène, ne supportera qu'un très faible une analgésie péridurale, peut également entraîner des ano-
niveau de contractions ; malies du rythme cardiaque fœtal faisant craindre la surve-
■ la normalité du travail dépend donc des contractions uté- nue d'une acidose fœtale.
rines mais aussi du fœtus et du placenta. L'hémorragie maternelle peut entraîner une hypovolémie
avec vasoconstriction et baisse du débit placentaire.
Forces mécaniques Ces faits soulignent la nécessité de la surveillance de la
fréquence cardiaque et de la pression artérielle de la mère au
■ Les membranes sont intactes : l'œuf est un volume incom- cours du travail.
pressible et la tension de la paroi utérine est transmise à
l'ensemble du contenu de l'œuf ; ni le fœtus ni le cordon Douleur et anxiété
ne peuvent être écrasés si le volume du liquide amnio-
tique est normal. Pendant le travail, elles augmentent la sécrétion de cortisol
■ Après la rupture des membranes : les pressions qui s'ap- et de catécholamines, qui ont un effet vasoconstricteur uté-
pliquent sur la tête fœtale peuvent atteindre deux à trois rin et aggravent les effets de l'acidose lactique. Il est donc
fois la pression intra-utérine, le cordon peut se trouver souhaitable de calmer la douleur et l'anxiété.
comprimé entre utérus et fœtus. Il peut en être de même
si le volume du liquide amniotique est très faible (oligoam- Médicaments
nios sévère). En cas de rupture des membranes et d'anoma- Les barbituriques, le protoxyde d'azote et les analgésies péri-
lies du rythme cardiaque fœtal évoquant une compression durales à la bupivacaïne atténuent les conséquences mater-
funiculaire, il a été proposé de réaliser une amnio-infusion nelles et fœtales du stress ; cependant, administrés trop près
en cours de travail pour rétablir un volume liquidien de l'accouchement, ils peuvent déprimer les centres respi-
suffisant afin de protéger le fœtus. Cette technique a été ratoires (barbituriques) ou avoir un effet dépresseur sur le
aujourd’hui globalement abandonnée car elle a montré myocarde (anesthésiques locaux) s'ils atteignent le fœtus.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail 17
Le glucose est, chez le fœtus, le substrat énergétique domi- PCO2 35 mmHg 40 mmHg 45 mmHg
nant. Seuls le sucre et l'oxygène sont porteurs d'assez d'éner- Déficit basique 4 mEq 5 mEq 7 mEq
gie pour permettre le fonctionnement correct des cellules. Bicarbonate 43 mEq 40 mEq 37 mEq
En hypoxie, le glycogène hépatique est mobilisé et méta-
bolisé. Le glycogène est transformé en énergie et en pyru-
vate. Ce dernier, toujours en anaérobie, est transformé en Adaptation du nouveau-né
lactate et en CO2, d'où l'acidose métabolique et la chute de
pH. Pour un niveau donné de défaut en oxygène, le fœtus
à la vie extra-utérine
de poids normal peut réagir à l'hypoxie en utilisant son gly- Le fœtus in utero se trouve dans des conditions privilégiées :
cogène ; au contraire, un fœtus hypotrophique ne possédant ■ certains organes sont au repos ou en semi-repos comme
pas ces réserves supportera plus difficilement l'hypoxie. le système pulmonaire, l'appareil digestif et les reins (les
échanges gazeux et métaboliques se faisant au niveau du
Réponse cardiovasculaire placenta) ;
Chez le fœtus en hypoxie, on observe : ■ le maintien de la température est assuré par les échanges
■ l'apparition d'une hypertension artérielle attribuée à l'ef- thermiques qui se font par le placenta ;
fet vasoconstricteur de la réponse adrénergique ; ■ le circuit cardiovasculaire fonctionne de façon privilégiée
■ une diminution de la fréquence cardiaque ; le ralentisse- puisque les résistances périphériques sont basses du fait
ment est d'autant plus précoce et profond que l'hypoxie du placenta et que chaque ventricule n'est responsable
est rapide. Ce ralentissement est interprété comme la que d'une fraction du débit cardiaque total grâce aux trois
réponse à la stimulation des chémorécepteurs par l'hy- shunts propres à la vie fœtale : canal d'Arantius, foramen
poxie. Il est supprimé par l'atropine ; ovale et canal artériel.
■ une redistribution des flux locaux régionaux avec aug- À la naissance, le fœtus doit donc s'adapter à une nou-
mentation des flux placentaire, coronaire, cérébral velle vie.
(surtout le réseau destiné au bulbe, plus sensible que le Certaines adaptations (pulmonaire et cardiovasculaire)
cortex à l'anoxie) et surrénal. D'autres flux diminuent : doivent être immédiates pour assurer la survie ; d'autres
flux intestinal (d'où l'émission du méconium), splénique, adaptations (digestive, thermique, énergétique, rénale) s’éta-
squelettique, cutané, musculaire et pulmonaire. Cette bliront plus lentement, en quelques jours.
redistribution protège les organes vitaux du fœtus : cœur et
cerveau. Adaptations obligatoires pour la survie
Cependant l'hypercapnie, associée à l'hypoxie, entraîne immédiate
une vasodilatation cérébrale et un œdème qui, à son tour,
peut gêner la circulation et aggraver l'ischémie cérébrale. Système pulmonaire
Celle-ci peut provoquer la libération de thromboplastines Circuit aérien
tissulaires qui entraînent un syndrome hémorragique. Lors de l'expulsion, le thorax fœtal est comprimé, ce qui éli-
mine une partie du liquide pulmonaire (20 ml environ).
Au cours du travail Arrivé à l'air libre, le thorax reprend son volume, ce qui
Pendant toute la période de dilatation, le rythme cardiaque fait entrer une première goulée d'air, déclenchant un réflexe
fœtal demeure autour de 140 bpm. Il peut s'accélérer sur respiratoire à point de départ pharyngé. L'entrée brutale
quelques dizaines de secondes, mais il ne ralentit jamais sans de l'air dans les poumons pleins de liquide produit un effet
raison. Sa constance au cours du travail témoigne de l'absence de mousse. Ces bulles tapissent les alvéoles et favorisent le
d'agression sévère. Le pH demeure autour de 7,35 (tableau 1.1). maintien d'un volume gazeux intra-alvéolaire. La forte sur-
Pendant l'expulsion, des ralentissements surviennent pression expiratoire chasse le liquide pulmonaire vers les
dans un tiers des cas : le pH et la PO2 baissent, la PCO2 et le espaces interstitiels et les canaux lymphatiques. La sécrétion
déficit basique augmentent. d'adrénaline fœtale pendant l'accouchement contribue à
À la naissance : arrêter la sécrétion de liquide pulmonaire et à favoriser sa
■ le pH est à 7,25, la PO2 est à 10 mmHg, la PCO2 est à résorption.
45 mmHg ;
■ on observe aussi, dans le sang fœtal, une élévation des Cycles respiratoires
catécholamines, du cortisol, de l'ACTH, de la TSH, de Ils succèdent à ce premier cycle et vont s'effectuer dans
l'angiotensine, de la rénine et de la vasopressine. Cet des conditions plus aisées et avec une économie de tra-
« orage endocrinien » semble bénéfique pour l'adaptation vail grâce au film de surfactant du liquide pulmonaire
à la vie extra-utérine. qui tapisse la paroi alvéolaire et les maintient ouvertes
18 Partie I. Accouchement normal
par effet tensioactif. L'arrivée de l'air permet les échanges Conséquences cardiovasculaires de la suppression
gazeux à travers la paroi alvéolaire. Les premières res- du placenta et de l'aération pulmonaire (figure 1.17)
pirations de l'enfant développent dans les poumons une La suppression du placenta entraîne une augmentation des
pression passant de −40 à + 100 cm d'eau ; ce seul élément résistances systémiques sans élévation de la pression artérielle.
peut provoquer une rupture alvéolaire pulmonaire ou un La pression dans l'artère pulmonaire devenant inférieure à celle
pneumothorax. de l'aorte, le canal artériel s'inverse et devient gauche-droit ; le
Le maintien des mouvements respiratoires, qui ne surve- sang passe de l'aorte dans l'artère pulmonaire (figure 1.18).
naient que par séquences chez le fœtus, repose sur la mise
en jeu des contrôles nerveux et des chémorécepteurs.
Autres adaptations à la vie extra-utérine
Elles ne sont pas aussi immédiates et dramatiques mais sont
Circuit vasculaire indispensables à la survie.
Pendant la vie fœtale, la circulation pulmonaire constitue
un circuit à haute résistance. La PO2 très basse maintient la
vasoconstriction.
Première respiration entraînant une vasodilatation
L'effet mécanique de la ventilation entretient la vasodi-
latation car il lève la compression qu'exerçait le liquide
pulmonaire et crée une interface dont la tension superfi-
cielle fait fermer partiellement les alvéoles, ce qui détend
les parois alvéolaires, et les capillaires peuvent alors s'y
étaler.
Le stimulus chimique, que créent la baisse de PCO 2
et l'augmentation de PO 2, supprime l'effet vasocons-
tricteur de PCO 2 . L'augmentation du CO 2 a un effet
vasodilatateur.
La chute des résistances vasculaires pulmonaires
entraîne une augmentation considérable du débit sanguin
pulmonaire. Fig. 1.18. Circulation fœtale après la naissance.
[12] Schaaps JP, Thoumsin H, Hustin J, Foidart JM. Physiologie placen- [15] Thoulon JM. Les mouvements respiratoires du fœtus. JOBGYN 1993 ;
taire. EMC 1998. 20-5-005-A-10. 1 : 249–53.
[13] Schaaps JP, Tsatsaris V. La vascularisation utéroplacentaire. Gynecol [16] Tournaire M. Physiologie de la grossesse. 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
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vical changes, endocrine changes. In : Chard T, Grudzinskas JG,
editors. The uterus Cambridge Reviews in Human Reproduction.
Cambridge : Cambridge University Press ; 1994.
Chapitre
2
Examen clinique à l'entrée
en salle de naissance
J. Lansac, P. Gillard, F.I. Biquard
PLAN DU CHAPITRE
Y a-t-il urgence ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Bilan et établissement d'une conduite . . . . . . 37
En dehors de l'urgence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Tableau 2.2. Liste des éléments de l'interrogatoire recherche du pôle céphalique et du plan du dos (planche 2.2).
d'une femme entrant en salle de naissance. Enfin, on apprécie la quantité de liquide amniotique.
Renseignements concernant la patiente :
– âge, ethnie, situation familiale, lieu de résidence Examen du périnée
– profession (chômage éventuel), transport Il recherche :
– mode de logement, conditions socioéconomiques ■ des lésions vésiculaires d'herpès ou des condylomes ;
Antécédents familiaux :
■ la trophicité des tissus, en sachant que l'hypoplasie ne se
– maladies héréditaires (hémophilie, etc.) juge bien qu'au premier trimestre ;
– malformations ■ une cicatrice d'une déchirure ou d'une épisiotomie dont
– retard mental on appréciera la souplesse et la sensibilité ;
– consanguinité ■ une mutilation sexuelle qui peut poser problèmes lors de
– hypertension artérielle l'expulsion.
– diabète, obésité, thrombose
– cancers gynécologiques
Antécédents médicaux : Examen du col utérin
– hypertension artérielle, diabète, thrombose Il nécessite la pose d'un spéculum à larges valves. On
– infections urinaires note l'existence de leucorrhées, d'un ectropion banal, de
– allergies, autres affections (traitement, séquelles, etc.) vésicules ou d'une cervicite. Toutes les pertes vaginales
Antécédents chirurgicaux : suspectes doivent être prélevées pour étude bactério
– chirurgie traumatologique (bassin) logique. Toute lésion cervicale impose un contrôle à la
– chirurgie osseuse (rachis) visite postnatale.
– chirurgie abdominale (appendicite) L'absence d'un cul-de-sac latéral doit faire évoquer une
– chirurgie gynécologique malformation et vérifier l'existence ou non d'une cloison
Antécédents gynécologiques : vaginale ou d'un diaphragme.
– puberté, régularité des cycles, infertilité (étiologie,
traitement) Toucher vaginal
– contraception et sa tolérance
– date du dernier frottis cervicovaginal
Il apporte des renseignements sur :
– herpès génital y compris chez le conjoint ■ le conduit cervicosegmentaire : ampliation, minceur et
sensibilité du segment inférieur – position, maturité,
Antécédents obstétricaux :
– nombre de fausses couches, IVG
degré d'effacement et de dilatation du col (planche 2.3).
– nombre et modalités des accouchements Le score de Bishop est établi (tableau 2.3) ;
■ la présentation : hauteur et diamètre d'engagement, degré
de flexion (planche 2.4) ;
■ l'intégrité des membranes ;
à la procréation médicalement assistée (insémination intra- ■ la filière pelvipérinéale : qualité des parties molles ; mesure
utérine, FIV, ICSI). clinique des diamètres du bassin osseux (planche 2.5) :
La qualité du suivi de la grossesse est capitale : nombre de recherche du promontoire, en suivant la concavité sacrée,
consultations et qualification du consultant, gestes prati- suivi des lignes innominées, et palpation des épines scia-
qués, examens paracliniques de surveillance prescrits, écho- tiques et de l'arche pubienne.
graphies obstétricales (dont la fiabilité compte plus que le
nombre). État fœtal
On recherche l'une des pathologies suivantes : menace
d'accouchement prématuré, hypertension artérielle, prise de Il tient compte du nombre de fœtus, de leur vitalité, de leur
poids anormale, métrorragies, infections. développement, du type de présentation et de l'état des
On précise les traitements prescrits : nom du médica- annexes (placenta, membranes).
ment, dose, durée, terme de la grossesse au moment de la
prescription. Nombre de fœtus
Tous ces renseignements sont essentiels pour le pronos- Il faut commencer par s'assurer du nombre de fœtus. En
tic. Ils sont consignés dans un dossier (souvent préimprimé). faveur d'une grossesse multiple, on retiendra : un volume
abdominal trop important pour le terme, objectivé par la
Examen physique hauteur utérine, la palpation de plus de deux pôles fœtaux,
l'impression de plusieurs foyers de bruits du cœur.
Il fait suite à l'interrogatoire qui oriente en fonction des La certitude vient d'une échographie que l'obstétricien ou
pathologies éventuelles. la sage-femme peuvent faire en salle de naissance.
Examen obstétrical Vitalité fœtale
Examen de l'utérus gravide Elle s'apprécie :
Celui-ci débute par l'examen obstétrical. On apprécie l'axe ■ par l'auscultation des bruits du cœur au stéthoscope de
fœtal par rapport à l'axe utérin, puis on mesure la hauteur Pinard ou avec un appareil à effet Doppler ;
utérine en dehors d'une contraction utérine (planche 2.1), ■ par le comptage des mouvements actifs ;
voire le périmètre ombilical que l'on rapporte au terme ■ et surtout par l'enregistrement cardiotocographique du
(planche 2.1). On fait le diagnostic de présentation par la rythme cardiaque fœtal (RCF).
24 Partie I. Accouchement normal
a
a. et b. La mesure se prend avec un mètre ruban.
c
d
c. Deux erreurs à ne pas faire : 1. L'extrémité du mètre n'est pas
contre la symphyse pubienne. 2. L'opérateur mesure au-delà du d. L'erreur par défaut : mesure dans l'axe ombilicosymphysaire au
fond utérin. lieu de l'axe utérin.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 25
Semaines
36
40
28
24-26
20-22
16
12
e
e. Variations de la hauteur utérine en fonction du terme Face Profil
H.U.(cm)
Percentile
40
90°
38
36
50°
34
10°
32
30
28
26
24
22
20
18
16
f 20 24 28 32 36 40 Semaines
D'après Villar J, Belizan J.M. The evaluation of the methods used in the diagnosis of intrauterine growth retardation. Obstet Gynecol Surv 1986 ; 41:187–99
et Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien. 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 27
Col de primipare avant le travail. Schéma de l'incorporation du col au Effacement complet du col.
segment inférieur.
Chez la multipare
Col de multipare avant le travail. Effacement et dilatation simultanés du col. Dilatation presque complète.
D'après Merger R, Levy J, Melchior J. Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris: Masson ; 1996.
28 Partie I. Accouchement normal
Niveau 0 Épine
sciatique
a c
a. Estimation de la descente de la tête fœtale dans le pelvis. Lorsque c. Toucher vaginal, tête non engagée : on peut suivre la concavité
le sommet a atteint le niveau des épines sciatiques, la tête est dite sacrée au-delà de S2 sans rencontrer la présentation.
engagée.
d
d. Toucher vaginal, tête engagée : Les deux doigts dirigés vers S2
rencontrent la tête fœtale (signe de Farabeuf).
Niveau 0
D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien. 6 éd. Paris: Masson ; 2013.
e
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 29
Ds
Dm
Di
Détroit supérieur
Ds
Dm
Di
D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 31
et le bilan de coagulation lors de la consultation préanes- – la réactivité en fonction des mouvements actifs et des
thésique si la patiente souhaite une péridurale ; contractions utérines ;
■ le dépistage du diabète gestationnel en cas de facteurs – le rythme de base ;
de risques (âge maternel ≥ 35 ans, IMC ≥ 25, antécé- – la variabilité ;
dent familial au premier degré de diabète, antécédent de – les ralentissements et leur type par rapport aux
macrosomie fœtale ou diabète gestationnel, macrosomie contractions utérines ;
fœtale) ; ■ on analyse le tracé de l'activité utérine avec la même
■ les sérologies de la rubéole, de la toxoplasmose, de l'hé- rigueur :
patite B et de la syphilis doivent être à jour. En cas de – en tenant compte de la paroi abdominale ;
négativité, le contrôle d'une sérologie de la toxoplasmose – en chiffrant le tonus de base, la fréquence des contrac-
est mensuel ; tions utérines et leur intensité. Toutefois, les valeurs
■ les sérologies VIH et VHC, si elles se sont révélées posi- d'intensité et du tonus de base ne sont fiables qu'avec
tives, nécessite la mise en place de précautions d'hygiène une tocométrie interne.
spécifique et d'une prise en charge adaptée ;
■ la recherche d'une protéinurie par bandelettes réac- Analyse informatisée du rythme cardiaque fœtal
tives (Labstix®, Albustix®) est indissociable de l'examen
Les variations du rythme cardiaque donnent lieu à des dif-
clinique ;
■ la présence ou non de streptocoques ß dans les prélève- ficultés d'interprétation entre les obstétriciens. Pour pallier
cette subjectivité, il a été proposé une analyse automatisée du
ments vaginaux faits entre 34 et 38 SA ; la positivité jus-
RCF en utilisant un cardiotocographe relié à un ordinateur
tifiant une prescription d'antibiotiques pendant le travail
(les deux capteurs sont placés sur l'abdomen de la patiente : le
(voir chapitre 4, « Antibioprophylaxie »).
dynamomètre recueille les variations de la tonicité utéroab-
dominale, le capteur Doppler enregistre les mouvements des
Examens de dépistage
valves cardiaques). Le cardiotocographe transmet les infor-
En fonction du contexte, on peut demander :
mations qu'il recueille à l'ordinateur. Celui-ci enregistre les
■ un examen cytobactériologique des urines (ECBU) ;
données, réalise les calculs et affiche les résultats à l'écran en
■ un prélèvement bactériologique de l'endocol, une CRP
même temps que le tracé. En fin d'enregistrement, il imprime
en cas de signes infectieux et de rupture prématurée des
le tracé ainsi que les résultats des derniers calculs : variations
membranes ; une recherche d'excrétion virale asympto-
à long terme (VLT) variations à court terme (VCT). La VCT
matique du virus herpès en cas d'antécédent connu ;
a été introduite dans l'algorithme du logiciel du fait de l'im-
■ les sérologies virales : VHB, VHC et VIH avec l'accord de
possibilité de repérer les tracés plats avec larges sinusoïdes
la patiente si la femme n'a pas été suivie et présente des
par la simple mesure de la VLT. Mathématiquement, il s'agit
facteurs de risque (ressortissante d'un pays à forte inci-
de la moyenne – divisée par deux – des différences succes-
dence, toxicomane).
sives entre époques de 3,75 secondes adjacentes. Sa valeur
moyenne est d'environ 7,8 ± –3,0 ms.
Bilan d'hémostase
Les valeurs normales de la VCT ont été définies à
On pratique un bilan d'hémostase (TP, TCA, fibrinogène) et partir de populations à haut risque (retard de croissance
de numération de plaquettes si cela n'a pas été fait à la consul- intra-utérin (RCIU), prééclampsie, VLT < 30 ms). La
tation d'anesthésie dans les trois semaines précédentes. limite au-dessus de laquelle la VCT devrait être considé-
rée comme « normale » n'est pas définie avec précision.
Enregistrement du rythme cardiaque fœtal La plupart des auteurs considèrent comme normales des
L'utilisation des appareils actuels permet l'enregistrement valeurs au-dessus de 3,0 ms, 80 % des fœtus ayant une
sur papier par signal ultrasonore du rythme cardiaque VCT supérieure ou égale à 3,5 ms n'ont pas d'acidose à la
fœtal et simultanément de l'activité utérine par tocographie naissance [7].
externe. Dawes et Redman [3] ont défini des critères de normalité.
L'analyse du RCF est détaillée plus loin (voir Chapitre 3 Une fois réunis, le tracé est jugé satisfaisant et l'ordinateur
« Auscultation du RCF intermittente » et Chapitre 14 « Rythme propose d'arrêter l'enregistrement du rythme cardiaque
cardiaque fœtal »). Rappelons seulement quelques principes : fœtal (RCF) :
■ l'enregistrement du RCF est recommandé à l'entrée en ■ il existe au moins un épisode de haute variation ;
salle de naissance pour toutes les femmes arrivant en début ■ la fréquence de base moyenne est comprise entre 115
de travail ou en cas de signes d'appel à l'interrogatoire ou et 160 bpm mais, si les autres paramètres sont nor-
à l'examen obstétrical : diminution des mouvements actifs maux, une fréquence de base légèrement supérieure ou
fœtaux, saignements d'origine endo-utérine [5] ; légèrement inférieure est acceptable après 30 minutes
■ il est poursuivi assez longtemps (20 minutes et plus en cas d'enregistrement ;
d'anomalie) ; ■ il n'y a pas de large décélération (avec plus de 20 batte-
■ il faut le répéter en modifiant la position de la femme et en ments perdus) sur un enregistrement d'une durée de plus
stimulant l'enfant si l'enregistrement spontané est aréactif ; de 30 minutes ;
■ son analyse doit être rigoureuse et systématisée. Les ano- ■ la VLT moyenne est supérieure à 22 millisecondes et la
malies doivent être classées en fonction de leurs critères VCT moyenne supérieure à 3 millisecondes ;
de gravité et du risque d'acidose fœtale associée. Les élé- ■ tous les épisodes à haute variation ont une variabilité à
ments pris en compte sont les suivants : long terme supérieure à 32 millisecondes ;
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 33
■ la VCT est supérieure au troisième percentile ; dossier obstétrical. Toutefois, une vérification systématique
■ il n'y a aucun argument en faveur d'un rythme cardiaque de la présentation fœtale peut être utile en début de travail.
fœtal sinusoïdal ; Les buts d'un examen échographique à l'arrivée en salle
■ il existe au moins un mouvement fœtal ou trois de naissance sont :
accélérations. ■ de confirmer le type de présentation, le côté du dos en cas
Après avoir enregistré un RCF conforme aux critères de de doute ;
Dawes et Redman pendant 30 minutes, on considère que ■ d'apprécier la flexion de la tête en cas de présentation du
l'état de l'enfant est bon et on ne refait d'enregistrement que siège ;
24 heures après. ■ de réaliser une biométrie fœtale : diamètre bipariétal,
périmètre céphalique, périmètre abdominal, longueur
Indications du fémur et estimation de poids fœtal rapportés à l'âge
Cette étude informatisée du RCF peut être utilisée en cas gestationnel selon les courbes du CFEF (figure 2.1 et
de : figure 2.2) ;
■ dépassement de terme ; ■ d'examiner le placenta pour vérifier son type d'insertion,
■ diminution des mouvements fœtaux ressentie par la son degré de maturité ou l'existence d'un décollement ;
maman ; ■ d'apprécier la quantité de liquide amniotique.
■ retard de croissance intra-utérin ; L'analyse morphologique fœtale n'a plus grand intérêt à
■ prématurité car chez les fœtus d'âge gestationnel faible ce terme. Toutefois, dans de rares cas, elle peut s'imposer
(28 à 34 SA), le rythme cardiaque fœtal présente de quand la voie d'extraction est discutée et s'il y a des signes
manière tout à fait physiologique des particularités qui d'appel en faveur d'une anomalie fœtale (contexte familial,
peuvent gêner considérablement l'interprétation : hydramnios, rupture prématurée des membranes, etc.).
– la perte de signal est augmentée, ce qui gêne l'interpré- Ce bilan morphologique est réalisé par un échographiste
tation des tracés. Il existe presque une fois sur deux un entraîné. La mise en évidence d'une anomalie impose un
doute entre perte de signal et décélération fœtale ; second examen, par un opérateur différent, réalisant des
– la variabilité du tracé est très amoindrie par rapport à échographies de référence ; la prise de décision dans ces
ce qu'elle est à terme. Elle augmente en effet progressi- situations difficiles est collégiale à chaque fois que cela est
vement au cours du troisième trimestre ; possible, en concertation avec les parents dûment informés.
– le nombre d'accélérations est physiologiquement
doublé entre 28 et 41 SA, et c'est surtout pendant la
période 28–34 SA que l'augmentation se réalise ;
– la fréquence du rythme cardiaque de base est physio-
logiquement plus élevée aux âges gestationnels les plus
faibles [7].
L'injection de corticoïdes recommandés en cas de pré-
maturité modifie le rythme cardiaque fœtal, entraînant très
rapidement après la première injection de glucocorticoïdes
des passages peu ou pas réactifs du RCF à j0 – ou j1 après
l'injection. Le retour à la normale du tracé se fait se fait au
plus tard le quatrième jour. Des diminutions des mouve-
ments fœtaux ont aussi été observés [8].
Valeur
L'intérêt de l'analyse informatisée du RCF et de l'utilisa-
tion de la VCT n'est pas démontrée, comme le souligne
la Cochrane [4]. Ce que confirme le Collège national des
gynécologues et obstétriciens français, indiquant qu'il n'y a
pas pour l'instant d'arguments suffisants pour recomman-
der la surveillance en routine ou la surveillance systéma-
tique des fœtus en retard de croissance ou en terme dépassé
par la VCT [1, 2].
En cas de retard de croissance intra-utérin, le Doppler de
l'artère ombilicale ou de la cérébrale antérieure est mieux
corrélé à l'état fœtal que la VCT.
Échographie obstétricale
Tout bloc obstétrical doit actuellement être équipé d'un
appareil d'échographie. Bien entendu, l'échographie ne
supplante pas l'examen clinique et ne fait que le compléter.
L'examen échographique n'est pas systématique si les exa- Fig. 2.1. Évolution des diamètres bipariétal, abdominal
mens échographiques recommandés sont colligés dans le et du fémur. Courbes du CFEF.
34 Partie I. Accouchement normal
a. Mesure du transverse médian au scanner héli- c. Pelvimétrie de profil. Au scanner hélicoïdal, re-
coïdal : reconstruction 2D multiplanaire. construction 2D multiplanaire.
cm
,5
10
12,5 cm
10 cm
10,8 cm
Confrontation céphalopelvienne
8 cm
Eutocie ail D2
u trav
ed
220 r euv
Ép
de
er titu
Inc
210 1 Dystocie césarienne
Épreuve prophylactique
du travail
2 si clinique
favorable
200
80 85 90 95 100 mm
Diamètre bipariétal
D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 37
Bilan et établissement Dans les autres cas, la patiente est hospitalisée. La préven-
tion de l'infection ovulaire repose sur le port de garnitures
d'une conduite stériles, la limitation des touchers vaginaux et une éventuelle
À la fin de cet examen d'entrée, l'obstétricien ou la sage-femme antibiothérapie en fonction de la durée d'ouverture de l'œuf.
doit faire un bilan et proposer une conduite qui va tenir compte La surveillance comporte la prise de température toutes les
du pronostic maternel et fœtal et des possibilités d'accouche- 12 heures, l'examen de la couleur du liquide amniotique, la
ment par voie basse : il faut répondre à trois questions : palpation utérine à la recherche d'une sensibilité anormale et
■ la patiente est-elle en travail ? l'enregistrement trois fois par jour du rythme cardiaque fœtal.
■ l'accouchement peut-il avoir lieu par voie basse ? Suivant les conditions obstétricales, le terme, et en l'absence
■ l'accouchement peut-il avoir lieu sur place ou la femme d'une entrée spontanée en travail, un déclenchement est pro-
doit-elle être transférée dans une autre maternité ? grammé dans les 48 heures après la rupture (voir chapitre 28).
Les conditions en sont la présentation céphalique. Les Les principales circonstances d'acceptation de l'épreuve
modalités du déclenchement dépendront du score de Bishop, du travail sont les suivantes :
de l'existence ou non d'une cicatrice utérine, du degré de ■ utérus non cicatriciel, grossesse monofœtale avec présen-
l'urgence. Les moyens disponibles sont la rupture artificielle tation céphalique ou présentation du siège sous condition
de la poche des eaux, la perfusion d'ocytocine, l'utilisation d'acceptation préalable de la voie basse par un médecin
des prostaglandines vaginales ou un ballonnet intracervical. senior et accord de la patiente après information claire et
comprise ;
Dans la majorité des cas, l'épreuve du travail est ■ utérus cicatriciel, cicatrice utérine segmentaire, motif de
proposée après avoir établi un pronostic la césarienne précédente non reproductible, grossesse
Pronostic maternel monofœtale avec présentation céphalique, travail spon-
tané, grossesse gémellaire d'évolution normale, utérus
Il repose sur : sain, j1 en présentation céphalique.
■ l'âge (les complications obstétricales sont plus fréquentes Les autres situations sont discutées au cas par cas.
après 35 ans) ;
■ la parité : l'existence d'un ou de plusieurs accouchements
spontanés et normaux est de bon pronostic ; Acceptation de l'accouchement
■ l'existence d'une pathologie préexistante ou concomi- ou transfert
tante de la grossesse, dont le retentissement est variable ; Si l'accouchement n'est pas imminent et en dehors de
■ l'assiduité à une méthode de préparation à l'accouchement. l'urgence vitale, il faut se poser la question de l'opportunité
d'accepter l'accouchement ou de transférer la parturiente
Pronostic fœtal dans un établissement du réseau régional plus adapté pour
Il est fonction : la prise en charge de la mère et/ou de l'enfant. Si l'on est
■ du développement fœtal : mortalité et morbidité néona- dans un établissement de niveau I, on ferait une faute en
tales augmentent lorsque le poids de naissance est infé- acceptant l'accouchement en cas de :
rieur au dixième percentile pour l'âge gestationnel ; ■ pathologie maternelle sévère : toxémie gravidique sévère,
■ du terme de la grossesse : la limite de la prématurité étant HELLP syndrome, placenta praevia à risque hémorragique
de 36 semaines d'aménorrhée ; ou toute autre pathologie aggravée par la grossesse ;
■ du type de présentation : la présentation du siège est gre- ■ pathologie fœtale à risque vital néonatal : malformations,
vée d'une morbidité plus lourde. retard de croissance sévère, prématurité inférieure à
34 SA, grossesses multiples.
Pronostic obstétrical Les protocoles élaborés par les praticiens du réseau
Il a trois composantes : doivent prévoir les indications et les modalités du transfert
■ une composante mécanique, en fonction du type de bas- in utero. L'obstétricien ou la sage-femme prendront contact
sin osseux et du volume fœtal ; avec l'équipe de l'établissement de référence pour organiser
■ une composante dynamique dont l'appréciation repose le transfert avec le SAMU. Le dossier de transfert in utero
sur l'intégrité anatomique et fonctionnelle du muscle uté- commun au réseau sera préparé.
rin, les caractéristiques des contractions lorsqu'elles sont
présentes, l'existence d'une rupture des membranes ;
■ une composante périnéale qui dépend de la qualité des Conclusion
parties molles, de l'existence de cicatrice périnéale, de
L'examen d'une patiente à l'entrée en salle de naissance peut
l'intégration du périnée dans le schéma corporel.
se résumer en quelques idées claires :
Ces facteurs pronostiques sont résumés dans le
■ examen clinique et paraclinique complet, sans inflation
tableau 2.6.
d'examens complémentaires coûteux et stressants ;
Tableau 2.6. Éléments du pronostic ■ jugement serein de la situation présente : début ou non
de l'accouchement. du travail, voie basse possible ou non ; accouchement
possible ou non dans l'établissement en fonction des
Favorable À surveiller Défavorable risques ;
Âge ■ accueil attentif, calme et confiant envers la femme et son
Parité compagnon.
Pathologie La conduite à tenir varie en fonction de chaque cas :
Préparation
■ l'examen est normal, la femme n'est pas en travail et elle
à l'accouchement
repart, rassurée ;
Poids fœtal estimé ■ certains éléments imposent une hospitalisation avec sur-
Terme
veillance (rupture prématurée des membranes), d'autres
Présentation
nécessitent une attitude active (dystocie de démarrage) ;
Bassin ■ une pathologie maternelle et/ou fœtale grave nécessite un
Utérus transfert dans un autre établissement : il faut l'organiser ;
Membranes
Parties molles
■ enfin, quand le pronostic maternel et/ou fœtal est en jeu,
une décision de césarienne peut être prise en urgence. Tout
Conclusion doit être prêt et vérifié quotidiennement pour la réaliser.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance 39
PLAN DU CHAPITRE
Surveillance de la progression du travail. . . . . 41 Surveillance maternelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Surveillance de la dilatation . . . . . . . . . . . . . . . 44 Partogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Surveillance de la progression Hygiène et prévention des infections
de la présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 en salle de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Surveillance de la vitalité fœtale . . . . . . . . . . . 49
Pratique de l'accouchement
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42 Partie I. Accouchement normal
Fig. 3.1. a. Monitorage à l'aide de deux capteurs. Le capteur enregistrant les contractions utérines est placé dans la région p
ériombilicale.
Le capteur à ultrasons est placé dans le foyer maximal des bruits du cœur (épaule fœtale). b. vue en coupe de la position des capteurs.
D'après Thoulon JM, Le monitorage électronique fœtal. Paris: Masson ; 1991.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail 43
Inconvénients
La mise en place d'une tocographie interne ne peut être faite
qu'après la rupture des membranes. La technique de mise
en place est un peu plus complexe que le simple capteur
externe. Il existe un risque théorique d'infection intra-uté-
rine (de l'ordre de 1/1 000 tocographies internes) ; ce risque
se voit surtout en cas d'infection vaginale préexistante ou de
travail prolongé [15].
Avantages
La tocographie interne mesure l'intensité réelle des contrac-
tions. Les capteurs de pression actuels ne permettent pas
de mesurer précisément le tonus de base, depuis l'abandon
des cathéters « ouverts ». Les tracés sont comparables d'une Fig. 3.4. Paramètres de la contraction utérine évalués par la
patiente à l'autre, et les mesures ne sont pas modifiées par tocographie interne : intensité, durée en secondes, fréquence
une obésité éventuelle. Elle permet de connaître l'activité théorique, surface ou activité utérine.
44 Partie I. Accouchement normal
Surveillance de la dilatation l'on peut distinguer une partie passive qui correspond à la
descente spontanée et à l'engagement de la présentation et
Elle reste essentiellement clinique et repose sur le toucher une phase active d'efforts expulsifs permettant le dégage-
vaginal. ment de la présentation.
Classiquement, pendant la phase active, la dilatation
attendue est de 1 cm par heure en moyenne. Une dystocie
Durée de la dilatation (mécanique ou dynamique) doit être suspectée soit lorsque
La première phase du travail est la phase de dilatation du la phase active se prolonge au-delà des délais préalablement
col. Sous l'influence de la contraction utérine qui pousse le cités, soit face à un arrêt de la dilatation classiquement défini
mobile fœtal vers le bas, le col s'efface d'abord puis se dilate par une stagnation pendant deux heures. En fait, il existe des
(figure 3.5). Lorsque la présentation est bien accommodée, variations importantes selon les patientes, l'âge maternel et
le segment inférieur coiffe la tête fœtale (figure 3.6). l'ethnie. Il est actuellement admis que des vitesses de dilata-
Le travail se déroule en plusieurs phases bien décrites par tion plus lentes peuvent être observées en dehors de toute
Friedman (figures 3.7). pathologie.
■ elle débute par la phase de latence qui correspond à l'effa- Kilpatrick et al. [12] ont étudié la longueur de la phase
cement du col et à sa dilatation jusqu'à 3 cm. Elle est mar- de dilatation chez 6 991 femmes enceintes de 37 à 42 SA en
quée par sa longueur et dure en moyenne huit à dix heures travail spontané sans ocytociques, avec un fœtus unique en
chez la primipare et cinq à six heures chez la multipare ; présentation du sommet. Les chiffres montrent que la durée
■ elle se poursuit par la phase active (ou première phase de dilatation est plus importante en cas d'anesthésie péridu-
du travail selon les Anglo-Saxons), plus rapide, condui- rale, essentiellement aux dépens de la deuxième phase du
sant à la dilatation complète. Elle dure cinq heures ± trois travail.
heures chez la primipare et 2 h 30 ± 1 h 30 chez la multi- De même, Henry et al. [11] ont démontré qu'un arrêt de
pare. Au départ, elle se caractérise par une phase d'accé- la dilatation de deux heures était fréquemment observé chez
lération où la vitesse de dilatation est maximale, suivie en des femmes qui accouchent finalement par voie basse. Cet
fin de dilatation chez certaines patientes d'une phase de arrêt de dilatation s'accompagne d'un taux d'hémorragie de
décélération qui précède la dilatation complète. la délivrance et d'endométrite dans les suites plus élevé que
Enfin, de la dilatation complète du col jusqu'à la nais- le taux observé dans la population générale, mais est sans
sance (ou deuxième phase du travail des Anglo-Saxons), où conséquence sur l'enfant.
Fig. 3.5. Effacement et dilatation du col. a. Col long fermé postérieur. b. Col centré long fermé. c. Col dilaté à 1 cm. d. Col effacé. e. Col
effacé à 8 cm.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail 45
Primipare
A M D E –1
12
Descente
10 0
Degré d’engagement
8 1
6 2
4 3
Dilatation
2 4
0 5
2 4 6 8 10 12 14
Durée du travail (heures)
Degré d’engagement
8 1
Ces travaux ont été actualisés récemment par Zhang
[27–29] et ont permis de décrire de façon précise le travail 6 2
chez la nullipare et chez la multipare. Le travail est défini par
trois phases :
4 3
La première phase (figure 3.8) qui s'étend du début du tra-
vail jusqu'à dilatation complète, qui se scinde en deux parties : Dilatation
■ une phase de latence pendant laquelle le col se raccour- 2 4
cit, s'efface et se dilate modérément jusqu'aux alentours
de 2 à 3 cm. Cette phase de latence peut durer jusqu'à 0 5
20 heures chez la nullipare et 14 heures chez la multipare ; 2 4 6 8
■ une phase active qui lui succède, elle-même divisée en Durée du travail (heures)
trois parties :
– une phase d'accélération jusqu'à 5 cm ; Fig. 3.7. Courbe de dilatation (tirets), de descente (trait continu),
– puis une phase de pente maximale jusqu'à 9 cm ; de la présentation en fonction du temps chez la primipare et la
– puis une phase de décélération jusqu'à la dilatation multipare. A : accélération ; M : accélération maximale ; D : décéléra-
tion ; E : expulsion. D'après Friedman EA. The functional divisions of
complète.
labor. Am J Obstret Gynecol 1971 ; 15 ; 109(2):274-80.
La deuxième phase correspond à la période allant de la
dilatation complète à la naissance de l'enfant.
Évolution du col (cm) Cette deuxième phase du travail sans péridurale dure de
La durée de dilatation du col chez une nullipare en tra- 54 à 132 minutes et avec péridurale de 79 à 185 minutes.
vail spontané a été analysée. Le tableau 3.1 en rapporte les Les études de Zhang montrent que, en tenant compte
durées moyennes. du 95e percentile, la dilatation est plus lente que ne le disait
Ainsi, une dilatation normale de 1 cm durera entre 1,3 et Friedmann et se situe chez la nullipare entre 0,5 et 0,7 cm/h
1,8 heure, 1 heure entre 3 et 5 cm, et moins d'une heure et chez la multipare entre 0,5 à 1,3 cm/h.
entre 5 cm et dilatation complète. Entre 4 et 6 cm, les cols de la nullipare et la multipare
La première phase du travail dure donc sans péridurale se dilatent à la même vitesse. Après 6 cm, les cols des mul-
de 8,4 à 16,6 heures, et avec péridurale de 10,2 à 19 heures. tipares se dilatent plus rapidement. De ce fait, un travail
La deuxième phase du travail, entre la dilatation complète prolongé avec une phase de latence supérieure à 20 heures
et la naissance, se subdivise là encore en deux phases : une chez la multipare et 14 heures chez la multipare ne serait
phase passive et une phase active correspondant aux efforts pas en soi une indication de césarienne. Nous le reverrons
expulsifs. au chapitre 13.
46 Partie I. Accouchement normal
Ces repères statistiques sont utiles pour définir les limites Modalités de la surveillance
acceptables de la durée du travail, un travail anormalement La surveillance s'effectue par le toucher vaginal. Le médecin
prolongé, nécessitant une intervention. Le suivi régulier ou la sage-femme doit noter à chaque examen :
et l'inscription de la dilatation dans un partogramme per- ■ l'heure de l'examen ;
mettent d'apprécier visuellement la vitesse de dilatation. ■ la position du col, postérieur ou centré ;
Une lenteur excessive n'a pas la même valeur en phase de ■ le degré de raccourcissement du col ;
latence ou en phase active. ■ la consistance et le comportement du col pendant la
contraction utérine (assouplissement ou durcissement) ;
■ le degré de dilatation évalué en centimètres (figure 3.9).
Tableau 3.1. Durée (en heure) de la dilatation
du col chez une nullipare en travail spontané.
Dilatation Parité = 0 Parité 1 Parité 2 + 10
cervicale (cm) Durée Durée Durée Friedman, 1955
moyenne en moyenne en moyenne en
heure heure heure Friedman, 1978
(95e percen- (95e percen- (95e percen- 8 Zhang et al.
tile) tile) tile )
Fig. 3.9. Appréciation de la dilatation du col au toucher vaginal. a. Dilatation à un doigt = 1,5 cm. b. Dilatation à deux doigts = 2 cm.
c. Dilatation presque complète, persistance d'un bourrelet du col et des culs-de-sac vaginaux. d. Dilatation complète = 10 cm, continuité parfaite
entre le segment inférieur et le vagin.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail 47
Les touchers sont effectués avec des précautions d'asepsie : tue trois mouvements : descente, flexion et rotation. Elle
port du masque, lavage des mains ou friction hydroalcoolique s'engage dans un axe ombilicococcygien (figure 3.11). Le
(avant tout examen), utilisation de doigtiers ou gants stériles. grand diamètre de la tête s'oriente au départ dans un des
Le nombre de touchers vaginaux doit être limité. Il est deux diamètres obliques du détroit supérieur du bassin.
habituellement recommandé de faire un toucher vaginal : L'engagement nécessite la flexion de la tête, transformant
■ en moyenne toutes les deux heures avant la rupture des le diamètre occipitofrontal (11,5–12 cm) en diamètre sous-
membranes et avant 5 cm ; occipito-bregmatique (9,5 cm). Plus la tête est fléchie, plus le
■ ensuite, toutes les heures après 5 cm. diamètre d'engagement est réduit [21].
Chaque examen doit être rapporté sur le partogramme
(figure 3.10).
L'informatique peut permettre d'effectuer automati-
quement la courbe de dilatation et de l'évolution de la Moyens de la surveillance
présentation. Toucher vaginal
La surveillance s'effectue essentiellement à l'aide du toucher
Surveillance de la progression vaginal. Quand le col est au-delà de 2 cm, les repères de la
présentation sont accessibles (occiput dans la présentation
de la présentation du sommet). Au-delà de 5 cm, quand les membranes sont
La présentation est céphalique dans 95 % des cas. Les autres rompues, le diagnostic exact de la présentation est plus
présentations posent des problèmes spécifiques et seront facile. Les touchers successifs permettent de suivre les diffé-
traitées séparément. Pendant le travail, la tête fœtale effec- rents paramètres et leur progression :
■ le degré d'engagement : le toucher vaginal apprécie la la présentation fœtale simultanément. Une surestima-
position du point déclive de la présentation par rapport tion du degré d'engagement est possible en cas de bosse
aux épines sciatiques, qui, par convention, est défini sérosanguine ;
comme étant le niveau 0 (figure 3.12). L'engagement ■ l'orientation de la tête et sa flexion : elles sont appréciées
constitue une étape essentielle. Le diagnostic n'est par la palpation de la petite fontanelle qui permet de
pas toujours aisé. Le signe le plus utilisé est le signe de repérer la position de l'occiput.
Farabeuf : la tête n'est pas engagée lorsque les doigts de Quatre variétés de positions sont possibles :
l'examinateur remontant le long de la concavité sacrée, ■ occipito-iliaque gauche antérieure ;
perdent le contact avec celle-ci avant d'entrer en contact ■ occipito-iliaque droite postérieure ;
avec la présentation. La tête est dite engagée lorsque les ■ occipito-iliaque gauche postérieure ;
doigts de l'examinateur sont au contact du sacrum et de ■ occipito-iliaque droite antérieure.
L'existence ou non d'un asynclitisme : dans les bassins
normaux, l'engagement de la tête est synclite (figure 3.13).
Dans les bassins rétrécis, la tête peut engager d'abord une
bosse pariétale, puis l'autre par un mouvement dit d'asyn-
clitisme (figure 3.14). Le degré est apprécié par la position
de la suture médiane par rapport au centre de l'excavation.
Le diagnostic clinique de type de présentation et d'enga-
gement peut être difficile, en particulier s'il existe une bosse
sérosanguine. L'utilisation de l'échographe en salle de nais-
sance peut permettre de faciliter le diagnostic d'orientation
de la tête fœtale, voire celui de l'engagement.
Axe
d’engagement
Échographie en salle de travail
Axe de Elle peut être très utile pour, en cas de doute, apprécier :
dégagement
■ le type de présentation car elle permet de repérer le
côté du dos et de visualiser les orbites (en particulier
Fig. 3.11. Schéma montrant le cylindre de descente, l'axe d'en-
lorsqu'elles sont situées en avant dans la présentation
gagement (axe ombilic-coccyx) et l'axe de dégagement.
occipito-iliaque postérieure) [17] ;
■ l'engagement : en mesurant la distance périnée-
présentation. Si elle est inférieure à 60 mm, on est sûr
de l'engagement avec une valeur prédictive de 95,6 %. Si
la distance est de 38 mm, la tête est engagée à sa partie
moyenne [19].
Modalités de la surveillance
Pendant la première phase du travail
En début de travail, la hauteur de la présentation est variable
selon les patientes. Classiquement, chez les nullipares, la
tête est fixée ou même parfois engagée. En fait, il ne s'agit
pas d'une règle absolue. Chez les multipares plus souvent,
0
+1
+2
b +3
Fig. 3.12. Appréciation de l'engagement. a. Coupe sagittale, la tête
est au niveau 0 ; en bleu, plan et aire d'engagement. b. Coupe trans- Fig. 3.13. Tête synclite. L'axe de la tête fœtale est perpendiculaire
versale, la tête est au niveau 0 ; en bleu, plan et aire d'engagement. au plan d'engagement.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail 49
Partogramme (figure 3.10) ■ les observations concernant la poche des eaux (intacte,
rompue) et après rupture, l'aspect du liquide amniotique
Tous les éléments de la surveillance sont regroupés dans (clair, méconial, fluide ou épais) ;
le partogramme qui doit être tenu avec soin, même en cas ■ les observations concernant le RCF : normal ou anormal,
d'urgence. avec descriptions des anomalies ;
Le partogramme est l'enregistrement graphique de ■ les événements majeurs : hémorragies, procidence, choc
l'évolution du travail, de l'accouchement et des données de maternel, présentation dystocique ;
surveillance maternelle et fœtale qui s'y rapportent. Il est ■ les thérapeutiques prescrites avec leurs caractéristiques :
indispensable d'identifier avec précision les différents inter- heures, voies d'administration, posologies, durées, nom
venants, les repères chronologiques, les données cliniques du prescripteur ;
et les prescriptions thérapeutiques [2]. C'est une méthode ■ les heures des décisions et réalisation des interventions.
simple, objective, reproductible et peu coûteuse qui permet Le graphique se termine à dilatation complète mais il est
d'avoir une vue synthétique de la marche du travail et amé- logique que la deuxième phase du travail figure aussi sur le
liore la qualité des soins. partogramme, ainsi que le mode d'accouchement, la déli-
vrance, les complications éventuelles et les interventions.
Schéma de la progression du travail Le compte rendu de l'accouchement est obligatoire. Celui-ci
sera d'autant plus détaillé qu'il y aura eu une complication.
La mise en route du partogramme implique que le dia-
gnostic du travail soit établi. Au départ, le diagnostic entre
faux travail et phase de latence n'est pas toujours évident. Outil d'aide à la communication
Ce diagnostic est pourtant primordial car il conditionne les et à la décision
prises de décisions ultérieures. Dans le travail spontané, la Le travail se déroule dans le temps. De nombreux profes-
majorité des auteurs s'accorde pour ne pas inclure la phase sionnels interviennent et se succèdent en salle de naissance.
de latence mais recommande l'utilisation du partogramme Le partogramme est le témoin objectif de l'évolution du
dès le début de la phase active. L'OMS [14] et l'ANAES [2] travail. Il est le support de transmission entre les différents
recommandent de commencer le partogramme : acteurs.
■ à partir de 3 cm en cas de travail spontané (phase active) ; Le partogramme permet de vérifier la normalité du tra-
■ ou dès le début du déclenchement artificiel du travail ; vail et d'attirer l'attention précocement en cas d'anomalie.
■ ou au début de l'analgésie péridurale, si elle est placée Le travail normal est caractérisé par des délais normaux de
avant 3 cm. la durée de dilatation, la régularité dans la courbe de dila-
Le partogramme nécessite un document préimprimé (ou tation, la descente régulière de la tête, l'absence de signe
informatique) avec en abscisse le temps (en heure) et en d'anoxie fœtale. En cas d'anomalie dans la progression ou
ordonnée la dilatation du col (en centimètre), et la descente d'anomalies du RCF, la situation doit être réévaluée.
de la tête par rapport aux épines sciatiques (en centimètre). Il C'est une aide dans la prise de décision qui permet d'évi-
se compose de deux courbes : l'une ascendante décrit la dila- ter certaines prolongations excessives du travail ou des
tation cervicale, l'autre descendante représente le niveau de interventions intempestives.
la présentation dans la filière génitale en fonction de l'heure.
Les intervalles de graduation de l'axe des abscisses (heures)
doivent être égaux à ceux de l'axe des ordonnées (centimètres). Document médicolégal
La construction de ce graphique impose de la rigueur L'obstétrique est une discipline à haut risque médicolégal.
afin que son interprétation ne soit pas faussée [16]. Le partogramme bien tenu fournit des informations sur le
déroulement et la surveillance du travail. Il permet, a pos-
Synthèse des éléments de surveillance teriori, d'évaluer la qualité de la prise en charge, de l'apport
des soins attentifs et consciencieux. C'est un document
maternelle et fœtale essentiel, avec l'enregistrement du RCF, en cas de complica-
La synthèse varie considérablement dans la forme et dans tion ou d'accident dans l'analyse du dossier.
le fond selon les équipes. Elle doit être remplie pendant le
travail. L'identification de la patiente et les différents inter-
venants (sages-femmes, obstétriciens, anesthésistes) doivent Hygiène et prévention
être notés, ainsi que les heures d'appel et d'arrivée, et les des infections en salle de naissance
heures précises des interventions. Il n'existe pas de texte
réglementaire fixant les informations médicales obligatoires Rappelons que les règles d'asepsie s'imposent à tous en salle
qui devraient y figurer, mais les avis professionnels per- de naissance : port d'un calot, d'une bavette, d'un pyjama et
mettent d'identifier les éléments qui doivent être notés : de chaussures réservées à la salle de naissance. Ces règles
■ les observations concernant la mère : pouls, tension sont fondamentales pour la prévention des exceptionnelles
artérielle toutes les heures, température toutes les trois infections à streptocoque A. Le lavage chirurgical des mains
heures, état général, comportement, perception de la avant l'examen d'une parturiente ou de son nouveau-né et,
douleur, etc. ; a fortiori, avant tout accouchement est une nécessité pour
■ les observations concernant le déroulement du travail : prévenir la transmission des infections nosocomiales. Le
dilatation du col et consistance, présentation, hauteur, port d'une casaque stérile et de gants est indispensable pour
orientation et flexion de la tête fœtale ; les accouchements et les manœuvres obstétricales.
54 Partie I. Accouchement normal
Antibioprohylaxie
Recommandations
Si les prélèvements vaginaux à la recherche du streptocoque
B faits entre 34 et 38 SA ont été positifs, il faut faire une injec- En raison de la possibilité de survenue d'événements indési-
tion de pénicilline G en tout début de travail (5 millions d'UI rables au cours du travail, même sans facteur de risque, une sur-
puis 2,5 millions d'UI toutes les 4 h jusqu'à l'expulsion) ou veillance attentive est indispensable pour toutes les patientes.
d'amoxicilline en intraveineux (2 g puis 1 g toutes les 4 h). Il À l'admission, il faut s'assurer de l'absence ou de l'existence de
en sera de même si on a découvert du streptocoque B dans les facteurs de risque ou d'une pathologie nécessitant une prise
urines en cours de grossesse ou en cas d'antécédents d'infec- en charge spécifique, et vérifier la date du terme. Il faut faire
tion néonatale à streptocoque B. En cas d'allergie à la pénicil- un examen clinique et un enregistrement continu du RCF pen-
line, l'érythromycine ou une céphalosporine seront utilisées. dant au moins 30 minutes. En l'absence d'anomalie, pendant la
En l'absence de prélèvement, une antibioprophylaxie doit phase de latence, la surveillance peut être discontinue.
être administrée en cas de prématurité, de rupture des mem- Une surveillance clinique régulière doit être effectuée et, à
branes supérieure à 12 heures ou de température maternelle partir du début de la phase active, un enregistrement continu
supérieure à 38 °C [3]. du RCF est fortement recommandé jusqu'à l'accouchement.
La tenue du dossier doit être irréprochable. L'élaboration d'un
partogramme est indispensable.
VIH, hépatites B et C
Une progression normale du travail (dilatation régulière du col,
En France, environ une femme qui accouche sur mille est engagement de la présentation) et un tracé du RCF normal sont
séropositive pour le VIH (soit 700 à 900 accouchements par des éléments rassurants.
an), mais ce chiffre peut atteindre 10 à 30 % dans certains La constatation d'une anomalie de la progression ou du RCF
pays d'Afrique. Si la femme est sous traitement a ntirétroviral doit être analysée avec rigueur, en tenant compte de la gravité
avec obtention d'une charge virale indétectable, l'accouche- de l'anomalie constatée mais aussi du contexte obstétrical et de
ment par les voies naturelles peut être autorisé. Dans ce cas, la possibilité d'intervention rapide en cas d'aggravation.
il faut rappeler que la pose d'une électrode de scalp ou une La difficulté majeure est, dans les situations intermédiaires, la
microanalyse de sang fœtal au scalp sont contre-indiquées. décision d'intervention. Le risque est double : intervenir trop
La contamination du personnel soignant par les virus des tard et laisser s'aggraver une asphyxie ou, au contraire, inter-
hépatites B et surtout C reste plus fréquente. venir trop tôt et augmenter les interventions inutiles. En cas de
Les mesures d'hygiène doivent être renforcées par le décision d'expectative, une vigilance accrue est indispensable
port de deux paires de gants lors des actes chirurgicaux et, en cas d'événement nouveau, la décision doit être revue.
et le port de lunettes. Il faut mettre des gants lors de tout Cette surveillance attentive doit s'accompagner d'une attitude
acte impliquant un contact éventuel avec des substances chaleureuse et empathique vis-à-vis de la femme et de son
contaminantes : sang, délivre, fœtus. Il ne faut pas recapu- compagnon, et l'humanisation des soins ne dispense pas du
chonner les aiguilles ni les dégager à la main des systèmes respect des règles d'hygiène.
de Vacutainer®. Enfin, il faut aussi se relaver les mains après
chaque acte de soin.
En cas de contamination accidentelle, le risque de trans-
mission est faible et estimé à moins de 1 %. Cependant, il Références
faut : [1] ACOG. Practice Bulletin, 2005 Intra-partum fetal heart monitoring,
■ rincer abondamment la plaie ; n° 70. Obstet Gynecol 2005 ; 106 : 1653–60.
■ désinfecter à l'alcool à 70° ; [2] ANAES. Évaluation de la qualité de la tenue du partogramme ; janvier
■ faire un prélèvement de sang pour une sérologie VIH le 2000.
jour même de l'accident ; elle sera renouvelée à 3 mois, [3] ANAES. Prévention anténatale du risque infectieux bactérien néonatal
6 mois et 1 an ; précoce ; 2001.
[4] ANAES. Intérêt et indications des modes de surveillance du rythme
■ faire une déclaration d'accident au service de médecine
cardiaque fœtal au cours de l'accouchement normal ; 2002.
du travail ; [5] Alfirevic Z, Devane D, Gyte GM. Continuous cardiotocography
■ envisager avec le médecin référent des accidents d'expo- (CTG) as forum of electronic fetal monitoring (EFM) for fetal assess-
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thérapie préventive selon la gravité de la contamination [6] Bakker PCAM, Kuver PHJ, Kuik DJ, et al. Elevated uterine activity
et l'état viral du patient contaminant. Le risque est estimé increase the risk of fetal acidosis at birth. Am J Obstet Gynecol 2007 ;
à quatre pour 1 000 et le traitement réduit de 80 % le 196 : 1–6.313e.
risque. On conseille souvent l'association de Combivir® [7] Bakker JJ, Verhoeven CJ, Janssen PF, et al. Outcomes after internal
(1 comprimé matin et soir) et de Viracept® (5 comprimés versus external tocodynamometry for monitoring labor. N Engl J Med
matin et soir). 2010 ; 362 : 306–13.
[8] Chua S, Kurup A, Arulkumaran S, et al. Augmentation of labor : does
■ une sérovaccination de l'hépatite B sera mise en route si
internal tocography result in better obstetric outcome than external
le sujet n'était pas vacciné. tocography ? Obstet Gynecol 1990 ; 76 : 164–70.
Il existe dans tous les CHU de France un centre d'in- [9] CNGOF. Modalités de la surveillance fœtale pendant le travail.
formations et de soins de l'immunodéficience humaine J Gynecol Obstet Biol Reprod 2008 ; 37 : S1S103.
(CISIH) qui proposent des protocoles et, la nuit, les services [10] Graham EM, Petersen SM, Christo DK, et al. Intra-partum electro-
d'urgences peuvent répondre aux appels des personnels en nic fetal heart rate monitoring and the prevention of perinatal brain
cas d'accident d'exposition au sang (AES). injury. Obstet Gynecol 2006 ; 108 : 656–66.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail 55
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RCOG Press ; 2001.
Chapitre
4
Accouchement normal
en présentation du sommet
J. Lansac, C. Ouédraogo
PLAN DU CHAPITRE
Éléments de la définition de la présentation Accouchement en présentation
du sommet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 du sommet – variétés postérieures . . . . . . . . . 72
Diagnostic de la présentation du sommet . . . 59 Conduite pratique de l'accouchement
Accouchement en présentation du en présentation du sommet . . . . . . . . . . . . . . . 74
sommet – variétés antérieures . . . . . . . . . . . . . 60 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
OBJECTIFS
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• de reconnaître une présentation du sommet en précisant
sa variété de position ;
• de faire le diagnostic d'engagement ;
• d'expliquer le mécanisme de la descente et de la rotation
de la tête dans la présentation du sommet ;
• d'expliquer le mécanisme du dégagement dans la
présentation du sommet ;
• de surveiller le travail et de faire un accouchement en
présentation du sommet, et d'être capable de décider de
la nécessité de faire une épisiotomie ou non.
Éléments de la définition Fig. 4.1. Flexion de la tête. a. Sommet bien fléchi. b. Sommet mal
de la présentation du sommet fléchi. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris :
Masson ; 1983.
Le sommet est la présentation
de la tête fléchie (figure 4.1) importante, le sommet restant la partie de la présenta-
La partie du fœtus qui se présente la première au tion plongeant vers le détroit moyen : il s'agit toujours
détroit supérieur pour pénétrer dans le détroit moyen d'une présentation du sommet mais mal fléchie.
lorsque débute l'accouchement est le pôle céphalique ;
au moment où celui-ci prend contact avec le détroit
supérieur, la tête fœtale se fléchit sur le tronc de telle L'occiput est le repère de la présentation
sorte que le menton vient au contact du tronc : c'est la C'est sa partie la plus déclive, facilement repérable par la
présentation du sommet. Parfois, cette flexion est moins fontanelle postérieure (ou lambda), formée par les sutures
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 57
58 Partie I. Accouchement normal
Symphyse
Symphyse
pubienne
pubienne
Occiput
Occiput
Coccyx
Coccyx
Variétés postérieures
Occiput Occiput
Diagnostic de la présentation
du sommet
Il repose sur l'examen abdominal et le toucher vaginal.
1. Palpation du pôle supérieur. 2. Détermination du pôle 3. Le sommet est mobilisable 4. Repérage du front et de
inférieur. alors que le siège bouge l'occiput.
avec le corps fœtal.
Planche 4.3. M
écanisme de l'accouchement dans la présentation du sommet,
variétés antérieures
Dégagement en OP
Engagement en OIGA
Diamètre
d’engagement
Diamètre
de dégagement
Détroit moyen
Descente en
rotation Dégagement Tête mobile en transverse
de la tête
Engagement au détroit
supérieur en OIGA
Descente
et rotation
Périnée
au grand
couronnement
Détroit inférieur
Détroit supérieur
Représentation de l'évolution de la tête fœtale au cours Même représentation schématique du lieu géométrique
de l'accouchement en présentation du sommet, variété de l'oreille antérieure.
en OIGA avec évolution de l'oreille antérieure.
62 Partie I. Accouchement normal
soit vers l'arrière, par un mouvement de bascule latérale. La région frontale de la tête fœtale se loge dans l'un des sinus
La poussée utérine engage une bosse pariétale puis l'autre sacro-iliaques, alors que sa partie la plus large, la région
(planche 4.4). occipitale, correspond à la partie la plus large du détroit
La présentation, orientée et présentant des diamètres supérieur.
facilement acceptables par le détroit supérieur, permet alors
l'engagement. Clinique (planche 4.5)
Avant l'engagement
Engagement
■ À la palpation abdominale, on perçoit bien l'occiput ; le
Le diamètre sous-occipito-bregmatique (9,5 cm) se super- front reste à distance du bord supérieur de la symphyse,
pose à l'un des deux diamètres obliques du bassin (12 cm), le la tête est mobile, et la saillie acromiale de l'épaule anté-
diamètre bipariétal s'orientant dans l'autre diamètre oblique. rieure est située à quatre travers de doigt au-dessus de la
symphyse.
■ Au toucher vaginal, l'excavation est vide, la tête est haute,
parfois mobile.
Fig. 4.4. Flexion de la tête permettant la réduction du diamètre d'engagement de la tête fœtale. 1 et 3 : position indifférente ; 2 et 4 :
flexion ; 5 : accommodation et ampliation du segment inférieur. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris : Masson ; 1983.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet 63
Clinique
Le toucher vaginal suit la descente par la position du som-
met par rapport aux épines sciatiques et au périnée.
Il suit également la rotation par la position des sutures
Fig. 4.5. Représentation schématique de la flexion de la tête. et de la petite fontanelle, s'assurant que la rotation de l'occi-
put se fait vers l'avant, habituellement au niveau de la par-
■ l'orientation et détermine ainsi les variétés de position de tie moyenne et surtout de la partie basse de l'excavation. Il
la présentation selon la position de l'occiput par rapport arrive qu'au niveau de l'excavation on constate un certain
au bassin maternel : OIGA (la plus fréquente, environ degré de déflexion de la tête (celle-ci ayant une mobilité plus
60 % des cas) ou, rarement, OIDA (planche 4.1) ; grande à ce niveau) pouvant ralentir la descente et retarder
■ la flexion : la présentation est bien fléchie et synclite la rotation.
lorsque la petite fontanelle est au centre du détroit supé- La présentation entre alors dans le bassin « mou » pour
rieur et la suture sagittale superposable à l'un des deux permettre le dégagement.
axes obliques du détroit supérieur (voir figure 4.4 et ).
La grande fontanelle n'est pas perçue : moins la présenta- Dégagement et expulsion
tion est bien fléchie et plus la petite fontanelle se rap- au détroit inférieur
proche de l'éminence iliopectinée correspondante.
S'il existe un asynclitisme, celui-ci est dit : À ce niveau, la tête fœtale puis le reste du corps sont expul-
■ antérieur : engagement de la bosse pariétale antérieure sés hors des voies génitales.
(planche 4.4) ;
■ postérieur, le plus souvent, si celle-ci est au contraire Mécanique obstétricale
proche du pubis : engagement de la bosse pariétale posté- Expulsion de la tête
rieure (planche 4.4). La présentation bien fléchie et orientée selon l'axe antéro-
La flexion est fixée lorsqu'elle est non mobilisable au postérieur (pubococcygien) du détroit inférieur franchit le
palper abdominal et non refoulable au toucher vaginal. Elle plan du détroit inférieur. L'expulsion proprement dite com-
est dite engagée lorsque l'on ne peut plus passer deux doigts mence et comporte plusieurs étapes.
entre le sommet et la concavité sacrée (signe de Farabeuf)
ou encore lorsque l'on bute largement sur le sommet, les
Les efforts de poussée
doigts passant au bord inférieur du pubis et étant introduits
Les efforts de poussée volontaires de la femme se font si pos-
selon un plan parallèle à celui du détroit supérieur.
sibles à glotte fermée. Ils associent la contraction des muscles
abdominaux et du diaphragme aux contractions utérines
Descente et rotation au détroit moyen pour propulser la tête fœtale sur le périnée .
Mécanique obstétricale
Ampliation périnéale (figures 4.9 et 4.10)
La présentation rencontre dans l'excavation pelvienne des Sous la poussée des contractions utérines et des efforts
diamètres largement suffisants lui permettant de descendre expulsifs, la présentation refoule le coccyx vers l'arrière et les
au contact du plancher pelvien qui détermine sa rotation. fibres musculoaponévrotiques périnéales.
La fourchette vulvaire est repoussée en haut et en avant,
Descente (planche 4.3, figure 4.6) l'orifice vulvaire tend à devenir horizontal.
La présentation progresse selon l'axe d'engagement (oblique La mise en tension du faisceau interne (figure 4.9) du
gauche surtout). Sa direction évolue progressivement au releveur de l'anus ouvre l'orifice anal.
64 Partie I. Accouchement normal
a. Engagement synclite.
a b
b. Engagement avec asynclitisme.
b Pariétal
postérieur
b (PP)
a. Coupe sagittale. b
b. Toucher vaginal. a. Coupe sagittale.
b. Toucher vaginal. a. Coupe sagittale.
b. Toucher vaginal.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet 65
Niveau 0 Épine
sciatique
c
a
c. Toucher vaginal, tête non engagée : on peut suivre la conca-
a. Estimation de la descente de la tête fœtale dans le pelvis. Lorsque
vité sacrée au-delà de S2 sans rencontrer la présentation.
le sommet a atteint le niveau des épines sciatiques, la tête est dite
engagée.
d
d. Toucher vaginal, tête engagée : les deux doigts dirigés vers
S2 rencontrent la tête fœtale (signe de Farabeuf).
Niveau 0
a b c
Fig. 4.6. Descente de la tête (voir aussi vidéo 1). a. Engagement synclite et descente. b. Asynclitisme postérieur au moment de l'engagement.
c. Asynclitisme antérieur. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris : Masson ; 1983.
Fig. 4.7. Descente et rotation de la tête lors de l'accouchement du sommet, variété OIGA, vue d'en haut. 1. Engagement de la tête fléchie
OIGA. 2. Rotation et descente de la tête dans l'excavation. 3. Descente de la tête. Après rotation le front suit la concavité sacrée.
Fig. 4.8. Rotation de la tête au cours du travail dans les variétés du sommet antérieur. D'après Benson, Obstetric and gynaecologic
diagnosis and treatment. Los Altos : Lange Medical Publications ; 1978.
■ dégagement des épaules : les épaules s'engagent, lorsque présentation descende et soit dans la partie moyenne ou
la tête se dégage, dans un diamètre oblique perpendi- basse pour démarrer les efforts expulsifs. Des anomalies
culaire à celui où s'est engagé le sommet. Les diamètres du rythme cardiaque fœtal peuvent faire débuter les efforts
transversal (biacromial : 12,5 à 13 cm, mais se réduisant expulsifs plus précocement.
facilement à 9,5 cm) et antéropostérieur (sternodorsal : Les efforts expulsifs, synchrones, des contractions uté-
9 cm) sont tout à fait compatibles avec ceux du détroit rines doivent être dirigés et débutés quand la femme a envie
supérieur. Au détroit inférieur, les épaules se dégagent de pousser :
de telle sorte que le diamètre biacromial se superpose au ■ soit avec la technique à glotte fermée en inspiration blo-
diamètre pubococcygien. L'épaule antérieure se dégage la quée (réalisant la classique séquence : inspirez, bloquez,
première, puis l'épaule postérieure ; poussez) ;
■ le dégagement du siège ne pose quant à lui aucun pro- ■ soit par une poussée soufflante ou naturelle permettant
blème en raison des dimensions réduites (diamètre bitro- une poussée efficace, non traumatisante pour la mère et
chantérien = 9 cm ; pubosacré = 6 cm). plus douce pour l'enfant. Après inspiration, l'expiration est
freinée, la contraction des muscles abdominaux refoule le
Clinique diaphragme vers le haut, le bassin bascule, l'enfant est bien
dans le bon axe de dégagement, et le périnée se distend.
Préparation à l'expulsion La technique à glotte fermée permet de diminuer la durée
Le massage périnéal avec une solution hydrosoluble ou l'ap- moyenne de l'expulsion de 18 minutes en moyenne sans
plication de compresses chaudes sur le périnée au cours du cependant présenter d'autres bénéfices maternels ou néona-
travail pourrait diminuer le taux de déchirures du troisième tal [20].
et quatrième degrés [1]. Le matériel nécessaire pour l'accouchement (tableau 4.2)
doit être préparé et vérifié. L'asepsie doit être observée au cours
Toilette périnéale des différents gestes. L'opérateur est muni de gants stériles,
Le rasage de la vulve est déconseillé car il entraîne de mul- d'un bonnet et d'un masque, la vulve est badigeonnée avec
tiples escoriations cutanées, des brûlures et ne protège pas un antiseptique non alcoolique (Bétadine® gynécologique,
contre les infections maternelles ou fœtales. Le plus simple Hibitane®, Cétavlon®) et isolée par quatre champs stériles.
est de couper au ciseau les poils les plus longs. Il n'y a pas La vessie doit au préalable avoir été vidée par miction
lieu non plus de pratiquer un lavement ou une irrigation spontanée, sinon par sondage vésical, car une vessie pleine
vaginale à la chlorhéxidine [6]. constitue un obstacle à la descente de la tête.
La femme est installée en position obstétricale, les fesses
au ras du bord de la table ou dans la position choisie (plus
loin). Dégagement de la tête
La présentation doit être engagée et son niveau connu : Il faut contrôler au doigt que, en avant, le sous-occiput s'est
partie haute, moyenne ou basse. Il faut en principe que la calé sous la symphyse pubienne ; la déflexion doit alors être
68 Partie I. Accouchement normal
Fig. 4.9. Dégagement de la tête. Ampliation du périnée . a. Fixation de l'occiput sous la symphyse. b. Déflexion de la tête sur la symphyse,
ampliation du périnée. c. Dégagement de la tête. d. Rotation de restitution de la tête pour permettre le dégagement de l'épaule.
contrôlée, une main posée à plat sur le sommet évitant une Latéralement, les bosses pariétales apparaissent, le péri-
expulsion trop brutale, l'autre accrochant le menton en née se déplisse seul ou en l'abaissant prudemment entre
arrière de l'anus (manœuvre de Ritgen). Cet appui est pro- pouce et index, faisant apparaître successivement le front,
tégé par l'interposition d'une compresse et défléchit la tête les yeux, le nez, la bouche et le menton. L'expulsion de la tête
vers le haut ; lors de cette manœuvre, les efforts expulsifs nécessite parfois une épisiotomie (voir Chapitre 30) lorsqu'il
doivent être interrompus. existe un risque périnéal. Ce dégagement contrôlé de la tête
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet 69
très pratiqué n'a cependant pas fait la preuve de son efficacité Dégagement des épaules
pour la prévention des déchirures du troisième et quatrième L'épaule antérieure est progressivement dégagée, en
degré [20] en comparaison avec l'expulsion spontanée, sans s'aidant volontiers d'un effort expulsif maternel, par une
mettre les mains mais nous en conseillons la pratique. traction dirigée vers le bas ; cette traction est exercée par
Une fois sortie, la tête subit un mouvement de rotation les deux mains par l'intermédiaire de l'index et du médius,
de restitution, qu'il faut le plus souvent aider en saisissant prenant appui uniquement sur des structures osseuses en
la tête à deux mains et en amenant l'occiput du côté du dos. avant, branches horizontales du maxillaire inférieur et
Parfois, un circulaire du cordon doit être libéré, voire sec- occiput en arrière. La traction est ensuite progressivement
tionné, entre deux pinces lorsqu'il est trop serré. portée vers le haut pour dégager l'épaule postérieure ; le
périnée s'emplit de nouveau et doit être constamment
surveillé alors que les efforts expulsifs sont interdits : c'est
le deuxième temps comportant un risque périnéal. Pour
limiter ce risque, il est possible de dégager au préalable le
bras antérieur, deux doigts étant glissés le long du bras et
prenant appui sur toute la face antérieure de celui-ci. Les
épaules dégagées, on exerce une traction directement vers
soi pour dégager sans difficulté le tronc et les membres.
L'enfant est alors posé sur le ventre de sa mère, recouvert
d'un champ stérile ; le cordon est coupé entre deux pinces.
Les premiers soins peuvent être donnés au nouveau-né
avant que la délivrance ne soit effectuée. Il est nécessaire
que l'accoucheur ne soit pas seul, une aide est très souvent
nécessaire.
Fig. 4.10. Schéma de l'ampliation du périnée au cours du dégage- Il n'est pas souhaitable qu'en l'absence de souffrance
ment de la tête. fœtale la durée des efforts expulsifs excède 30 à 45 minutes. Il
Fig. 4.11. Dégagement de la tête (mécanique obstétricale) . a. Tête au détroit inférieur. b. Début de la flexion et ampliation
périnéale. c. Le diamètre sous-occipito-bregmatique est à la vulve. d. Tête dégagée. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II).
Paris : Masson ; 1983.
70 Partie I. Accouchement normal
a b
a. Avec l'index de la main gauche, la sage-femme, l'interne b. La main gauche maintient la flexion de la tête, et le pouce,
ou le médecin accentue la flexion de la tête pour qu'elle se fixe soutenant le périnée, refoule à travers lui le front.
sous la symphyse. La main droite cherche le front à travers le
périnée.
d
d. La grande circonférence céphalique franchit l'anneau
c
vulvaire. C'est avec la main droite qui tient le menton que l'on
c. La main droite a saisi le menton à travers le périnée et fait fait sortir la tête, la main gauche retient l'occiput pour éviter
remonter la tête. La main gauche exerce une contre-pression de une expulsion brutale et la déchirure du périnée. La femme ne
façon à contrôler l'expulsion. doit pas pousser pendant cette période.
f
f. La tête après le dégagement : la tête, qui vient de se dégager,
e
l'occiput en avant, accomplit un mouvement de restitution qui
e. Dégagement : les doigts au travers du périnée accrochent le l'oriente en transverse, l'occiput du côté du dos. Si le cordon fait
front, la face et le menton et défléchissent la tête, tandis que la un circulaire autour du cou, on l'attire au-dehors pour former une
main gauche retient une déflexion trop rapide et régularise le anse que l'on passera autour de la tête. Si le circulaire est trop
mouvement. serré, il faut couper le cordon entre deux pinces de Kocher.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet 71
g h
g. Réduction d'un circulaire du cordon après le dégagement de h. Dégagement des épaules : pour dégager l'épaule antérieure,
la tête. On fait passer le cordon autour de la tête de l'enfant, le la tête est saisie à deux mains, sous le menton et l'occiput, et
dégagement des épaules va alors pouvoir se faire. abaissée fortement dans le sens de la flèche, sur le plan du lit.
i j
i. Dégagement de l'épaule antérieure (vue de profil) : la tête j. Dégagement de l'épaule et du bras antérieur : l'épaule
est abaissée vers le plan du lit pour fixer l'épaule antérieure étant abaissée à la vulve, le bras est extrait à son tour.
sous la symphyse.
k
k. Dégagement de l'épaule postérieure : le bras antérieur étant
dégagé, la tête, toujours saisie à deux mains, est ramenée vers l
le haut. On surveille le périnée pour éviter une déchirure du fait
du dégagement trop brutal de l'épaule postérieure. l. Dégagement de l'épaule postérieure vu de profil.
D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G, Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Elsevier-Masson ; 2013.
72 Partie I. Accouchement normal
Planche 4.7. D
escente et rotation de la tête dans l'accouchement
du sommet
1. Variété OIGA.
2. Variété OIDA.
1 2
3. Variété OIDP.
4. Variété OIGP.
3 4
74 Partie I. Accouchement normal
Alimentation
L'ingestion d'aliments solides est habituellement inter-
dite aux femmes en travail en raison du risque de vomis-
sements et de complications anesthésiques (syndrome de
Mendelson). Les sociétés américaines et européenne d'anes-
thésie recommande actuellement les liquides clairs à volonté
(eau, jus de fruits, thé, etc.) [6].
d'accouchement, accroupie, en suspension, à quatre-pattes, doivent donc pas être employés de façon systématique et
etc. Le retour à la position gynécologique est de rigueur en l'être uniquement sur indication médicale : hypocinésie de
cas d'extraction instrumentale. fréquence ou d'intensité associée à une stagnation de la dila-
Plusieurs études randomisées ont montré que la déam- tation (dilatation inférieure à 1,2 cm/h chez la nullipare et à
bulation pendant la phase active de la dilatation n'entraîne 1,5 chez la multipare), ou une non-descente de la tête après
ni bénéfice ni conséquence délétère. On peut donc auto- une heure à dilatation complète [20].
riser les femmes à déambuler pendant le travail si elles le Si le travail fonctionne bien, on peut se contenter de
souhaitent [8, 20]. D'autres préfèrent se relaxer dans une n'utiliser les ocytociques que dans le cadre de la délivrance
baignoire prévue à cet effet, utilisable avant la rupture de la dirigée (voir chapitre 6).
poche des eaux. L'immersion dans l'eau réduit le recours à
l'analgésie quelle qu'elle soit (OR : 0,82) mais ne change pas
le taux de césariennes, de déchirures périnéales ou l'état de Position de la mère lors
l'enfant [12]. de l'accouchement
La position de la femme pour l'accouchement est largement
Lutte contre la douleur influencée par les normes culturelles ou sociales. Dans
Le changement de position et la déambulation en sont un les sociétés non européennes, les positions accroupies, à
moyen. Dans certaines maternités, des salles de travail ont genoux, sont utilisées. Dans les pays occidentaux, la position
été adaptées, et des ballons permettent de trouver les posi- couchée ne s'est répandue qu'au XXe siècle pour des raisons
tions les moins douloureuses. Surtout entre les contractions, de surveillance du périnée. Pour l'accouchement, la position
quand l'utérus se relâche, il faut se détendre, respirer len- sur le dos n'est pas la seule qui permette une bonne surveil-
tement, essayer de dormir. Certaines mères écoutent de la lance du périnée : on peut proposer la position en décubitus
musique que le couple a choisie, aidant la détente. Bien des latéral, cuisses fléchies, la position assise dans un fauteuil
femmes préparées préféreront les techniques de relaxation, spécialement conçu ou accroupie si on utilise une table
le yoga, la sophrologie, l'acupuncture, les injections d'eau adaptée [26]. Il n'est pas démontré que ces postures amé-
stérile, l'aromathérapie. Ces méthodes n'ont pas montré liorent le taux d'accouchement par voie basse. La position à
une efficacité démontrée scientifiquement [20]. Il est donc quatre-pattes est peu utilisée en France car difficile à obtenir
souhaitable de laisser les femmes en décider et de ne rien sous péridurale, elle rend difficile l'enregistrement du RCF
imposer en dehors d'indications médicales. et est peu confortable pour la femme et culturellement mal
De nombreuses techniques d'analgésie obstétricale sont acceptée [20].
disponibles et peuvent convenir à des femmes différentes
(voir chapitre 12). Certes, l'anesthésie péridurale est la plus Épisiotomie
efficace et la plus répandue en France (75 % des naissances),
mais elle n'est pas la seule. Là encore, l'intérêt de l'épisiotomie n'a jamais été démontré
pour diminuer le risque de déchirure périnéale ou de pro-
lapsus (voir chapitre 30). Il n'y a donc aucune indication à
Accélération du travail faire une épisiotomie systématique ; celle-ci n'est utile que
lorsqu'un accouchement très rapide est nécessaire ou qu'il y
L'amniotomie a un risque majeur de déchirure.
En France, 51 % des femmes en travail spontané ont une En définitive, il faut savoir respecter la physiologie d'un
amniotomie en cours de travail [7]. L'amniotomie précoce accouchement normal, laisser une certaine liberté de choix
(< 6 cm) réduit la durée du travail, la consommation d'ocy- aux parturientes et les accompagner avec discrétion mais
tociques et les douleurs du travail, et améliore les scores chaleureusement.
d'Apgar à cinq minutes [9]. Cependant, elle est associée à
une augmentation des taux horaires de bradycardie fœtale,
précoce, tardive, variable ou sévère. La fréquence des césa- Antibioprohylaxie
riennes n'est pas diminuée, et est même augmentée pour Si les prélèvements vaginaux à la recherche du streptocoque
certains (OR : 2,3) [14]. Si le travail évolue bien (dilatation B faits entre 34 et 38 SA ont été positifs, il faut faire une
de 1 à 1,5 cm/h), il n'y a aucun argument scientifique pour injection de pénicilline G en tout début de travail (5 millions
réaliser systématiquement une amniotomie [20, 21]. d'UI puis 2,5 millions d'UI toutes les 4 h jusqu'à l'expulsion)
ou d'amoxicilline en intraveineux (2 g puis 1 g toutes les
4 h). Il en sera de même si l'on a découvert du streptocoque
Ocytociques B dans les urines en cours de grossesse ou en cas d'antécé-
En France, 71 % des femmes reçoivent des ocytociques en dents d'infection néonatale à streptocoque β. En cas d'aller-
cours de travail [7]. Pourtant, leur utilisation est associée à gie à la pénicilline, l'érythromycine ou une céphalosporine
une augmentation du risque d'hémorragie du post-partum seront utilisées.
avec un effet dose-dépendant et un surrisque d'hémorra- En l'absence de prélèvement, une antibioprophylaxie doit
gie grave, même avec des doses modérées d'ocytocine [5], être administrée en cas de prématurité, de rupture des mem-
ainsi qu'un risque d'hyperstimulation utérine avec risque branes supérieure à 12 heures ou de température maternelle
d'hypoxie fœtale et de césarienne [31]. Les ocytociques ne supérieure à 38 °C [3].
76 Partie I. Accouchement normal
Conclusion [15] Haddad B., Abirached F., Calvez F., et al. La rotation manuelle des
présentations du sommet en occipito-iliaque postérieur ou transverse.
L'accouchement en présentation du sommet est simple, J Gynecol Obstet Biol Reprod 1995 ; 24 : 181–8.
physiologique. La patiente doit être bien entourée, bien [16] Hutton E.K., Hassan E.S.. Late vs early clamping of the umbilical
installée et bénéficier d'une analgésie adaptée pour bien cord in full-term neonates : systematic review and meta-analysis of
coopérer. La sage-femme, l'interne ou le médecin doivent la controlled trials. JAMA 2007 ; 297 : 1241–52.
[17] Lansac J., Body G., Magnin G.. La pratique chirurgicale en gynécolo-
rassurer, bien évaluer le type de présentation, la variété de
gie obstétrique. Paris : Masson ; 2011. p. 78.
position, sa hauteur et son engagement pour la faire pous- [18] Le Ray C., Winer N., Dreyfus M., et al. État néonatal et durée des
ser au bon moment. Ils doivent bien connaître la méca- efforts expulsifs chez les primipares à bas risques : données obser-
nique de l'expulsion pour guider les efforts de poussée de vationnelles dans 138 maternités françaises. J Gynecol Obstet Biol
façon à éviter une épisiotomie inutile, mais aussi à protéger Reprod (Paris) 2010 ; 39 : 297–304.
son périnée d'une déchirure complète ou compliquée. Le [19] Le Ray C., Deneux-Tharaux C., Khireddine I., et al. Manual rotation
recours à l'extraction instrumentale doit respecter les indi- to decrease operative delivery in posterior or transverse positions.
cations médicales. Obstet Gynecol 2013 ; 122 : 634–40.
Avant de faire son « premier accouchement, « il est [20] Le Ray C., Theau A., Menard S., et al. Quoi de neuf concernant les
recommandé d'aller en salle de travaux pratiques pour faire accouchements normaux ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris)
2014 ; 43 : 413–23.
sur mannequin plusieurs accouchements simulés. On trou-
[21] Les bonnes pratiques pour l'accouchement normal. Prescrire Int
vera ci-après une grille permettant à l'étudiant médecin ou 1994 ; 142 : 425–8.
maïeuticien de s'évaluer et de progresser. [22] McDonald S.J., Middleton P.. Effect of timing of umbilical cord clam-
ping of term infants on maternal and neonatal outcomes. Cochrane
Database Syst Rev. 2008. CD004074.
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104 : 548–53. come. Lancet 2006 ; 263 : 1835–41.
Chapitre
5
Accueil du nouveau-né
normal
E. Saliba, C. Lionnet, F. Gold
PLAN DU CHAPITRE
Adaptation cardiorespiratoire à la vie Autres éléments de l'accueil en salle
extra-utérine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Score d'Apgar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Premier examen pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . 83
Gestes systématiques des premières
minutes de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 79
80 Partie I. Accouchement normal
L'évacuation du liquide pulmonaire s'accompagne d'un (en 2 à 3 semaines au moins), les deux shunts qui les reliaient,
d'arrêt de sa production sous l'action de l'adrénaline (rôle du le trou de Botal (ou foramen ovale) et le canal artériel, et
« stress » néonatal physiologique). place désormais les deux ventricules cardiaques en série (cir-
culation de type adulte). Ces phénomènes se réalisent pro-
gressivement pendant une période dite transitionnelle qui
Phénomènes circulatoires (Figure 5.1) précède l'établissement définitif de la circulation sanguine
À la naissance se produisent deux faits essentiels : de type adulte. Pendant cette période, il est important d'éva-
■ le démarrage de la circulation pulmonaire fonctionnelle, luer en salle de naissance la saturation en oxygène par les
phénomène principalement mécanique, secondaire à mesures de la SpO2 (saturation du sang mesurée par oxymé-
l'aération alvéolaire ; trie pulsée) posée à la main droite du nouveau-né (position
■ le clampage du cordon ombilical dans la minute qui suit préductale avant le canal artériel qui reflète l'oxygénation du
l'expulsion, qui sépare définitivement l'enfant du placenta sang vascularisant le cerveau. Les valeurs de la SpO2 recon-
(avant la naissance, le placenta reçoit 50 % du débit car- nues actuellement comme acceptables dans les dix minutes
diaque fœtal) ; il provoque directement la fermeture du suivant la naissance chez les nouveau-nés s'adaptant norma-
canal d'Arantius, fonctionnelle en quelques heures, puis lement à l'air ambiant sont de 60 % à deux minutes de vie et
anatomique en trois semaines environ. n'atteignent 90 % qu'à dix minutes de vie [7].
Ces deux phénomènes ont des conséquences concor-
dantes au niveau cardiaque : diminution des pressions dans
les cavités droites (oreillette droite, ventricule droit, artère
pulmonaire), élévation des pressions dans les cavités gauches
Score d'Apgar
(oreillette gauche, ventricule gauche, aorte). La création de En pratique courante, on vérifie dans les dix premières minutes
ces deux systèmes à basse et haute pressions ferme, physiolo- de vie la bonne adaptation de l'enfant à la vie extra-utérine par
giquement (en 6 à 12 heures environ) puis anatomiquement la cotation du score proposé par Virginia Apgar en 1953 [4].
naissance
Canal d’Arantius
a Veine ombilicale
SaO2 = 80 %
Après la poumon
naissance Oxygénation du sang au
niveau pulmonaire
Résistances vasculaires
pilmonaires faibles
Canal artériel fermeture
progressive
Canal d’Arantius
non perfusé
b Clampage du cordon
ombilical
Fig. 5.1. Phénomène circulatoire (a, b). À la naissance, le déclenchement de la respiration et le clampage du cordon aboutissent à des modifi-
cations des shunts physiologiques et à l'établissement progressive de la circulation postnatale définitive.
Chapitre 5. Accueil du nouveau-né normal 81
Tableau 5.3. Critères anamnestiques de risque 1 ampoule = 0,2 ml = 2 mg) en cas d'allaitement maternel
d'infection maternofœtale selon l'ANAES [1]. exclusif, une troisième dose est recommandée un mois après
Critères anamnestiques majeurs la naissance [3].
Tableau de chorioamniotite
Infection maternofœtale chez le jumeau Prélèvements périphériques
Température maternelle avant ou en début de travail ≥ 38 °C Ils seront effectués :
■ chez tout nouveau-né asymptomatique ayant un critère
Prématurité spontanée < 35 SA
anamnestique de suspicion d'IMF (tableau 5.3) ;
Durée d'ouverture de la poche des eaux ≥ 18 heures ■ chez tout nouveau-né symptomatique : aucun signe cli-
Rupture prématurée des membranes avant 37 SA nique n'est spécifique de l'IMF ni n'exclut une IMF ;
■ chez tout nouveau-né qui va mal, surtout sans raison appa-
En dehors d'une antibioprophylaxie maternelle complète :
– antécédent d'infection maternofœtale à streptocoque du
rente, et qui est de ce fait a priori suspect d'infection [2].
groupe B (SGB) De telles indications conduisent à prélever en moyenne
– portage vaginal de SGB chez la mère 40 % des nouveau-nés. L'indication des autres prélèvements
– bactériurie à SGB chez la mère pendant la grossesse (frottis et culture placentaire, hémoculture, ponction lom-
Critères anamnestiques mineurs (peu liés à une infection baire, etc.) et la stratégie thérapeutique doivent suivre les
néonatale mais relativement fréquents et pour lesquels recommandations de l'ANAES [1].
une surveillance rapprochée du nouveau-né est nécessaire
pendant les 24–48 premières heures)
Établissement du carnet de santé
Durée prolongée d'ouverture de la poche des eaux supérieure à
12 heures mais inférieure à 18 heures L'ensemble des constatations effectuées dans les premières
minutes de vie et les gestes pratiqués doivent être consignés
Prématurité spontanée < 37 SA mais ≥ 35 SA
dans le carnet de santé qui est attribué à l'enfant, pour ne
Anomalies du rythme cardiaque fœtal plus le quitter ultérieurement (figure 5.2).
Asphyxie fœtale non expliquée
Liquide amniotique teinté ou méconial Premier examen pédiatrique
Le nouveau-né bénéficie de deux examens à la maternité :
■ un examen dans les deux heures suivant sa naissance,
Lorsqu'il existe au moins un critère anamnestique de
réalisé par une sage-femme ou un pédiatre ;
risque d'infection bactérienne par contamination materno-
■ un examen avant toute sortie de la maternité : il est recom-
fœtale (tableau 5.3), un prélèvement du liquide gastrique
mandé que le nouveau-né soit examiné par un pédiatre et
et du placenta doit être fait : il n'y a pas lieu de prélever
que cet examen soit réalisé impérativement avant la sor-
les oreilles. Ce sont des éléments importants pour une
tie et après 48 heures, voire le jour de la sortie en cas de
éventuelle décision précoce d'antibiothérapie chez un
sortie précoce. Compte tenu du raccourcissement de la
nouveau-né asymptomatique (voir chapitre 18, p. 283).
durée des séjours en maternité, il est recommandé qu'un
nouvel examen soit réalisé entre le sixième et le dixième
Désinfection oculaire jour postnatal, de préférence par un pédiatre ou par un
■ D'une manière générale, il n'existe pas de donnée mon- médecin généraliste ayant l'expérience des pathologies
trant l'efficacité d'une antibioprophylaxie conjonctivale du nouveau-né. Cet examen correspond généralement à
néonatale systématique. Cependant, par mesure de pré- la visite à faire dans les huit premiers jours de vie : il est
caution, une antibioprophylaxie conjonctivale néonatale rappelé que le premier certificat de santé « à établir obli-
est recommandée en cas d'antécédents et/ou de facteurs gatoirement dans les huit premiers jours de vie » ne peut
de risque d'infections sexuellement transmissibles (IST) être rempli que par un médecin (généraliste ou pédiatre).
chez les parents. Si celui-ci est rempli à la sortie de maternité (donc avant
■ Dans ces situations, il est recommandé d'instiller une le 6e jour), l'examen du nouveau-né recommandé entre j6
goutte de collyre à base de rifamycine dans chaque œil du et j10 reste nécessaire. Au cours de la deuxième semaine
nouveau-né à la naissance. de vie, l'examen du nouveau-né peut être complété par
Il est à noter que les grossesses non ou mal suivies sont la visite du professionnel référent du suivi (sage-femme
considérées comme un facteur de risque d'IST [2]. libérale ou de PMI, puéricultrice) [8].
Effectué en présence de la mère, cet examen pédiatrique
s'assurera de l'absence de tout symptôme anormal, pouvant
Administration de vitamine K1 correspondre :
Elle est destinée à prévenir la forme classique de la maladie ■ à une anomalie retardée de l'adaptation à la vie
hémorragique du nouveau-né due à une hypovitaminose K extra-utérine ;
qui se manifeste par des hémorragies (surtout digestives) ■ au début d'une pathologie postnatale, notamment
vers la 36e–48e heure de vie. On doit administrer au nou- infectieuse ;
veau-né 2 mg de vitamine K1 par voie orale à la naissance et ■ à la révélation précoce d'une malformation congénitale
entre j4 et j7, ou avant la sortie en cas de sortie précoce (au non spectaculairement apparente dans les premières
moment du dépistage au buvard par exemple) (vitamine K1 : minutes.
84 Partie I. Accouchement normal
On doit profiter de cet examen pour apprécier la qualité [5] Casey BM, McIntire DD, Leveno KJ. The continuing value of the
de l'attachement naissant entre la mère et son enfant : une Apgar score for the assessment of the new born infant. N Engl J Med
mère indifférente ou au contraire angoissée de façon exces- 2001 ; 344 : 467–71.
[6] Cornblath M, Ichor R. Hypoglycemia in neonate. Semin Perinatol
sive et inappropriée peut probablement bénéficier d'un sou-
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Références e1340–7.
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Curr Res Anesth Analg 1953 ; 32 : 260–7.
Chapitre
6
Délivrance et examen
du placenta
J. Lansac
PLAN DU CHAPITRE
Comment s'effectue la délivrance ? . . . . . . . . . 85 Surveillance de l'accouchée après
Examen du placenta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 la délivrance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Rétraction utérine
Il s'agit d'un phénomène passif, marqué par la diminution
du volume de l'utérus après expulsion du fœtus et carac-
Comment s'effectue la délivrance ? térisé par l'augmentation d’épaisseur de ses parois. Mais
On appelle période de la délivrance les deux heures qui l’épaississement respecte la zone placentaire qui reste mince.
suivent la naissance. C’est la troisième phase de l’accouche- Il en résulte un enchatonnement physiologique du placenta
ment. La femme reste en salle de travail sous étroite surveil- (figure 6.1).
lance de peur d'une hémorragie de la délivrance, principale
complication de cette période. Contraction utérine
On distingue : C'est un phénomène actif qui va provoquer le décollement.
■ la délivrance normale lorsque le placenta et les annexes Les procédés d'enregistrement montrent, après l'accouche-
fœtales se décollent de l'utérus sous l'effet de contractions ment, l'existence d'ondes contractiles non perçues par la
Pratique de l'accouchement
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86 Partie I. Accouchement normal
Clivage de la muqueuse
En ouvrant le sinus veineux, la contraction détermine
des foyers hémorragiques qui forment l'hématome rétro-
placentaire physiologique qui, à son tour, aide à parfaire
le décollement. Celui-ci terminé, la zone pariétale mus-
culaire amincie a disparu, et le corps utérin a partout la
même épaisseur.
Phase d'expulsion
Sous l'influence des contractions utérines puis de son propre
poids, le placenta tombe dans le segment inférieur qui se
déplisse, faisant remonter le fond utérin.
Hémostase
Elle est assurée par :
■ la rétraction utérine : les vaisseaux sont étreints et obturés
par la contraction active des fibres myométriales. La rétrac-
tion n'est possible qu'après évacuation totale de l'utérus ;
■ la thrombose vasculaire secondaire à l'oblitération méca-
nique des vaisseaux. En fin de grossesse, les facteurs de
la coagulation (fibrinogène, facteurs VII, VIII et IX) sont
augmentés. La thromboplastine placentaire et tissulaire
est libérée massivement lors de la délivrance, accélérant
la thrombinoformation. Les processus fibrinolytiques
sont modifiés par la libération massive de thromboplas-
tine tissulaire et placentaire, ce qui permet une coagula-
tion rapide.
a. Après l'accouchement, le cordon pend hors de la vulve ; le placenta n'est pas décollé.
b. Manœuvre pour la recherche du décollement du placenta : on déprime l'hypogastre au-dessus du pubis, on remonte le corps utérin au-
dessus de l'ombilic et on constate que le cordon suit le mouvement. Le placenta n'est pas encore décollé.
d. On s'est assuré que le placenta est décollé. La main droite appuie sur le fond utérin et réduit l'antéversion par une pression d'avant en arrière.
e. L'antéflexion utérine corrigée, la main droite refoule la masse utérine franchement vers le bas, faisant du même coup pression sur le délivre
qui est recueilli à la vulve par la main gauche.
la période de délivrance. Son but est également de limiter délivrance et, d'autre part, des effets bénéfiques de la déli-
les pertes sanguines en renforçant la contraction utérine par vrance dirigée sur la durée de la période de la délivrance [8].
des ocytociques. Il existe actuellement des arguments scien- Plusieurs études ont analysé l'effet d'une délivrance dirigée
tifiques indiscutables pour recommander la réalisation sys- systématique sur la morbidité maternelle du post-partum
tématique d'une délivrance dirigée chez toutes les patientes immédiat [5].
accouchant par voie basse (recommandation grade A). Une méta-analyse des cinq principales études prospectives
randomisées ayant comparé délivrance dirigée systématique
Pourquoi faire systématiquement une délivrance à expectative montre clairement qu'il existe des avantages à
dirigée ? une politique systématique de délivrance dirigée chez toute
La délivrance dirigée était autrefois limitée aux seules patiente accouchant par voie basse. Dans cette méta-analyse,
patientes présentant des facteurs de risque hémorragique les patientes du groupe « délivrance dirigée » présentaient des
ou d'atonie utérine : grossesse multiple, hydramnios, pertes sanguines totales 80 ml plus faibles, une délivrance
macrosomie, grande multiparité, antécédents d'hémorra- raccourcie de dix minutes et un risque d'hémorragie du post-
gie du post-partum, césarienne. Les indications ont toute- partum trois fois moindre que les patientes chez lesquelles
fois progressivement été étendues en raison, d'une part, de le processus physiologique de la délivrance avait été entiè-
la multiplicité des facteurs de risque de l'hémorragie de la rement respecté [9]. La méta-analyse montre toutefois que
90 Partie I. Accouchement normal
la délivrance dirigée s'accompagne plus fréquemment de Des comparaisons ont été faites avec le misoprostol intra-
symptômes maternels considérés comme « inconfortables » : rectal (2 cp de 200 μg) donné après le clampage du cordon.
céphalées, nausées, vomissements et, dans certains cas, élé- Cette prescription n'est pas plus efficace que l'ocytocine [3].
vation tensionnelle. En France, en 2010, seulement 85 % des L'avantage est que le misoprostol est bon marché et se
femmes ont eu une délivrance dirigée [13]. conserve à la température ambiante, ce qui recommande
son utilisation dans les pays en voie de développement [7].
Comment faire une délivrance dirigée ? Délivrance artificielle
Il existe schématiquement deux types de méthode : Son indication principale est la rétention placentaire
■ les méthodes mécaniques, parmi lesquelles on trouve la complète. Il semble raisonnable de se donner un délai de
mise en tension (sans traction intempestive) du cordon 30 minutes entre l'accouchement et la délivrance, délai au-
après expulsion ou encore le drainage du sang placen- delà duquel il faudra réaliser une délivrance artificielle en
taire par déclampage du cordon ombilical. Bien qu'elles l'absence de délivrance spontanée. Il a en effet été montré
réduisent la durée de la période d'expulsion, aucune de qu'au-delà de ce délai, le risque d'hémorragie du post-
ces méthodes n'a fait la preuve de son efficacité pour partum était multiplié par un facteur 6.
réduire le risque la perte sanguine maternelle ou le risque L'autre indication est l'hémorragie de la délivrance avant
d'hémorragie de la délivrance (NP1) [12] ; même que le placenta ne soit expulsé. La technique de la
■ des méthodes médicamenteuses consistant à renforcer les délivrance artificielle est décrite p. 382 . Elle augmente le
contractions utérines par des ocytociques. risque d'endométrite (OR : 2,9) [2]. Il n'y a pas de recom-
Actuellement, l'ocytocine synthétique (Syntocinon®), une ou mandations, cependant, pour faire une antibioprophylaxie
deux ampoules de cinq unités injectées en intraveineux direct lors [1] : nous n'en faisons pas.
du dégagement de l’épaule fœtale antérieure, semble être la solu-
tion de choix. Les autres voies d'administration du Syntocinon®
proposées (intramusculaire ou dans la veine ombilicale au cor- Examen du placenta
don) n'ont pas la même efficacité immédiate. L'efficacité de l'aug-
mentation du débit d'une perfusion de Syntocinon® déjà en place Pourquoi examiner le placenta
n'a pas, quant à elle, été clairement évaluée (NP2). et ses annexes ?
L'utilisation de la méthylergométrine (Méthergin®) doit L'examen du délivre est indispensable pour :
être bannie du fait de ses effets secondaires et des accidents ■ s'assurer que le placenta et les membranes sont expulsés
décrits (poussée hypertensive sévère, accidents vasculaires en totalité ; en cas de rétention partielle, une révision uté-
cérébraux) (NP1). rine évitera l'hémorragie ;
Une méta-analyse et de nombreux essais randomisés contrô- ■ assurer une surveillance particulière : un petit côté des
lés ont montré que l'injection intraveineuse de Syntocinon® membranes, inférieur à 10 cm, laisse prévoir une inser-
accélère la délivrance et diminue le risque hémorragique de tion basse du placenta et la possibilité d'hémorragies que
40 %, sans augmentation des délivrances artificielles [10]. l'on saura rattacher à leur cause ;
Notre préférence va à l'injection d'une ampoule de 5 uni- ■ expliquer un retard de croissance intra-utérin : petit pla-
tés de Syntocinon® en intraveineux direct au moment du centa, hématomes anciens ;
dégagement de l’épaule antérieure. Il faut insister tout parti- ■ expliquer un certain nombre d'accidents comme :
culièrement sur une technique très rigoureuse, qui évite les – les morts per-partum : rupture d'un vaisseau (syn-
principales complications reprochées à celle-ci (enchaton- drome de Benkiser), insertion vélamenteuse ;
nement et incarcération placentaire) : – les morts in utero en rapport avec un nœud du cordon
■ la seringue doit avoir été préparée avant que la femme ne ou une sénescence placentaire précoce ;
commence à pousser ; ■ confirmer le type de chorionicité en cas de grossesse mul-
■ l'embol doit être effectué au moment du dégagement de tiple afin d'expliquer certaines complications spécifiques
l’épaule antérieure par une tierce personne ne participant des grossesses monochoriales (syndrome transfuseur-
pas à l'expulsion fœtale ; transfusé, jumeau acardiaque, enchevêtrement des cor-
■ il faut veiller à ce que la femme ait le coude en extension, dons) mais également d'apporter des renseignements sur
afin d’éviter un clampage anatomique de la voie veineuse le caractère génétiquement identique ou non des enfants ;
et en accélérant le débit de la perfusion immédiatement, ■ identifier un germe permettant de rattacher une souf-
afin que l'ensemble du produit diffuse rapidement dans la france fœtale à une infection ; cela peut être fait par la
circulation sanguine et ne remonte pas dans la perfusion. découverte de microabcès placentaires.
Cette technique permet de diminuer par trois le nombre L'examen du placenta permet donc parfois d'expliquer
d'hémorragies de la délivrance tant modérée (> 500 ml) que une pathologie du fœtus ou de prévoir une pathologie néo-
grave (> 1 l). Enfin, elle raccourcit le délai de la délivrance et on natale, et de prévoir les possibilités de récidive [4–6].
ne trouve plus que 3 % de délivrances non faites à 30 minutes.
Toutes les études prospectives réalisées sur le sujet ne
retrouvent pas de différence significative quant au nombre Comment examiner le délivre ?
de délivrances artificielles ou de révisions utérines réalisées. (planche 6.2)
Ainsi, même s'il existe quelques incarcérations placentaires Le placenta, débarrassé de ses caillots avec une compresse,
supplémentaires, elles sont largement contrebalancées par le est examiné systématiquement sur ses faces maternelle et
gain obtenu sur le délai de délivrance [8]. fœtale sous un bon éclairage.
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta 91
Fœtus unique.
Jumeaux.
Membranes Cordon
Nœud du cordon.
Le poids du délivre (placenta plus cordon et membranes) de chorionicité a été établi lors de l’échographie du premier
est en moyenne à terme de 700 g. La relation entre le poids du trimestre. L'examen de la masse placentaire, tout d'abord,
placenta et le poids du nouveau-né est très étroite. On consi- permet, lorsqu'il existe deux masses séparées, de porter
dère que le poids du placenta représente environ un sixième le diagnostic de grossesse dichoriale. Toutefois, il n’existe
du poids du nouveau-né. À un poids faible de placenta cor- le plus souvent qu'une seule masse placentaire (les deux
respond un petit poids de naissance, et inversement. masses étant accolées entre elles). C'est alors l'examen de la
membrane interamniotique qui va permettre de distinguer
Examen de la face maternelle les grossesses dichoriales où la membrane comporte trois
feuillets (les deux amnios étant séparés par une couche de
On recherche un cotylédon manquant : normalement, les chorion) et les grossesses monochoriales biamniotiques
cotylédons se juxtaposent sans solution de continuité sur où la membrane ne comporte que deux feuillets (les deux
tout le placenta. La rétention d'un cotylédon est suspectée amnios étant accolés). La distinction peut, dans certains
en cas de solution de continuité ou de zone irrégulière man- cas, s'avérer difficile par le seul examen macroscopique, le
quante. L'absence d'un cotylédon impose la révision utérine. chorion séparant les deux amnios n’étant parfois retrouvé
Un hématome rétroplacentaire se signale par la présence qu’à l'examen histologique de la membrane. Dans de rares
de caillots noirâtres sur la face maternelle. Ils peuvent être cas (1 % des grossesses monochoriales), la membrane inte-
frais ou anciens, entraînant alors une dépression sur la face ramniotique est absente, permettant de parler de grossesse
maternelle. monochoriale monoamniotique. L'enchevêtrement des cor-
Une rupture dusinus marginal est recherchée devant la dons en est une complication fréquente pouvant expliquer
présence de caillots sur le bas du placenta, si la femme a sai- une souffrance fœtale aiguë en cours de travail ou d'expul-
gné au troisième trimestre ou présentait un tableau clinique sion, voire une mort fœtale in utero.
d'hématome rétroplacentaire de faible gravité. L'examen de la face fœtale et de l'insertion des cordons
Des dépôts intervilleux et des calcifications peuvent être est également important, à la recherche d'anastomoses vas-
identifiés sous forme de lésions nombreuses, irrégulières, culaires en cas de grossesse monochoriale compliquée de
tachetées. Il s'agit de lésions blanchâtres qui, à la palpation, syndrome transfuseur-transfusé ou de mort fœtale in utero
donnent une sensation granuleuse. Ces modifications sont d'un ou des deux jumeaux. La visualisation de ces anasto-
vues sur les placentas matures et ne semblent pas avoir de moses peut être aidée par l'injection, dans les vaisseaux
signification clinique. du cordon, de lait – « test au lait » (planche 6.2) – ou de
Un infarctus est suspect lorsque l'on observe une zone colorants.
rouge brun localisée, ferme, sur la face maternelle. Les L’amnios nodosum est constitué par des petits nodules gris
infarctus sont fréquents sur le bord du placenta et peuvent blanc de 2 à 3 mm situés sur la face fœtale près de l'insertion
se voir dans les grossesses normales. Les infarctus frais sont du cordon. Ce sont des amas de vernix avec des dépôts de
pourpres et sombres, les infarctus anciens sont jaune pâle, cellules squameuses fœtales qui se détachent facilement. Ils
voire blanc gris, et plus fermes. se voient surtout en cas d'oligoamnios. Il faut informer le
pédiatre pour qu'il recherche une anomalie du système uri-
Examen de la face fœtale naire (syndrome de Potter, kystes rénaux, obstruction des
La face fœtale est ensuite explorée en introduisant la main voies urinaires).
dans l'ouverture des membranes et en les déplissant. Les métaplasies squameuses ont le même aspect clinique
Les membranes, dont on mesure le côté qui doit être supé- mais ne se laissent pas retirer facilement et sont sans signi-
rieur à 10 cm, sont normalement translucides ou bleu acier fication connue.
sur la face fœtale. On vérifie si elles sont complètes ; sinon, Un cotylédon aberrant peut se voir. Normalement, il n'y
il faut faire une révision utérine, en particulier si elles sont a pas de vaisseaux sur les membranes. S'il y en a, il faut les
totalement manquantes (placenta découronné) ou absentes suivre car ils doivent conduire à un cotylédon accessoire. La
sur leur plus grande partie. présence de vaisseaux rompus sur le bord placentaire per-
On recherche : met le diagnostic de rétention de cotylédon accessoire et
■ une coloration méconiale ; impose la révision utérine.
■ une chorioamniotite : les membranes sont épaissies, Le placenta circumvallata : la présence de tissu placentaire
blanchâtres, couvrant la face fœtale d'un placenta qui au-delà du pli de réflexion des membranes sur la plaque
peut avoir une odeur nauséabonde. choriale est caractéristique du placenta circumvallata. Sa
Le chorion est situé sous l'amnios. Il peut présenter : découverte permet d'expliquer des hémorragies des deux
■ un dépôt fibrineux sous forme de nodules gris blanc res- derniers trimestres de la grossesse ainsi que des hydrorrhées
semblant à de la fibrine. Ces nodules sont observés dans ou des accouchements prématurés.
les placentas matures et n'ont pas de signification patho- Le chorangiome est une tumeur placentaire bénigne dont
logique connue ; la fréquence est estimée à 1 %. Les macrochorangiomes, de
■ des kystes de 4 à 5 cm de diamètre qui peuvent exister taille supérieure à 2 cm, peuvent être découverts à l’écho-
sur la face fœtale du placenta et contiennent un liquide graphie. Le chorangiome placentaire crée un shunt arté-
clair ou gélatineux, parfois hémorragique ; ils sont sans rioveineux aux dépens de la circulation fœtale, entraînant
signification clinique. une insuffisance cardiaque par hyperdébit, souvent associé
En cas de grossesse multiple, l'examen du placenta revêt à un hydramnios, une anémie fœtale, un retard de crois-
une importance considérable, même lorsque le diagnostic sance et, dans les formes majeures, un tableau d’anasarque
94 Partie I. Accouchement normal
fœtoplacentaire. Ces conséquences sont surtout observées est égal au sixième ou au septième du poids fœtal. L'examen
avec les tumeurs de plus de 4 cm qui justifient une prise en du délivre est essentiel pour :
charge spécialisée au sein d'un centre de médecine fœtale ■ prévenir une hémorragie ;
en raison du pronostic naturellement défavorable. Ces ■ expliquer une pathologie de la grossesse ou de
dernières années ont été proposés des traitements in utero l'accouchement ;
par embolisation in situ ou laser. Ces traitements agressifs ■ orienter l'examen et la surveillance de l'enfant ;
semblent justifiés car ce sont des grossesses qui évoluent ■ faire des prélèvements complémentaires.
rarement au-delà de 33 SA et pour lesquelles la mortalité
périnatale est de l'ordre de 30 % [11].
Prélèvements sur le délivre
Examen du cordon Prélèvements sanguins
Le cordon mesure normalement 50 à 70 cm et comporte On prélèvera systématiquement du sang au cordon pour :
deux artères et une veine. Il peut présenter des anomalies. ■ réaliser un pH fœtal avec dosage des lactates. Ce prélè-
Anomalie de longueur vement doit être effectué préférentiellement au niveau
■ Longueur < 40 cm. Dans ce cas, le cordon peut gêner un de l'artère ombilicale car la veine ombilicale (plus facile
accouchement par voie basse et, en cas de cordon très à prélever) n'est pas le témoin de l’équilibre acidoba-
court (moins de 20 cm), être le témoin d'un syndrome sique du fœtus mais de la fonction d’échange gazeux du
polymalformatif complexe : le limb body wall complexe placenta. Cette analyse du pH fœtal est actuellement
ou « maladie des brides amniotiques » comportant, réalisée dans la majorité des maternités en raison de la
outre les brides amniotiques, des malformations fœtales mauvaise spécificité du tracé du RCF et parce qu'un pH
à type d'amputation, de constriction d'un membre ou normal est un critère majeur permettant de ne pas attri-
du tronc, de fentes faciales ou de défaut de fermeture buer des séquelles neurologiques à une asphyxie pendant
(tube neural, paroi abdominale ou thoracique). le travail ;
■ Longueur > 70 cm. Le cordon favorise les circulaires ■ déterminer le groupe et le Rhésus. Si la mère est Rh– ou
observés dans 20 à 25 % des accouchements. Serré au présente la moindre immunisation on ajoutera : NFS,
cou ou autour d'un membre, voire du thorax, il peut au bilirubine ;
cours du travail entraîner un ralentissement du rythme ■ faire les sérologies, en cas de risque infectieux : TPHA,
cardiaque fœtal, source de souffrance fœtale aiguë. toxoplasmose, hépatite, VIH ;
Anomalie d'insertion ■ vérifier, en cas de grossesse gémellaire : groupe, Rhésus,
■ En raquette : le cordon est inséré sur un bord placentaire. NFS, hématocrite, hémoglobine chez chaque jumeau.
■ Vélamenteuse : le cordon s'insère alors sur les membranes. En cas de prise de médicaments par la mère (tranquilli-
La partie des membranes sur lesquelles courent les vais- sants, barbituriques), on pourra demander leur dosage dans
seaux peut se trouver entre l'orifice du col et la présentation ; le sang du cordon.
c'est alors un vasa praevia. Les vaisseaux peuvent se rompre Ces prélèvements sont faits de préférence avant la déli-
lors de la rupture des membranes pendant le travail. Le vrance ; en cas d'oubli, on peut les faire en trayant le sang
liquide est alors sanglant et l'enfant anémique (syndrome du cordon.
de Benkiser). Il faut intervenir pour sauver l'enfant qui
risque de mourir d'hémorragie. Ce type d'insertion est fré- Prélèvements bactériologiques
quent dans les grossesses gémellaires (nous le reverrons) et Il n'est pas nécessaire de recourir à une asepsie très stricte.
se rencontre dans 1 % des grossesses uniques. Il faut savoir Il faut cependant bien nettoyer le périnée avant la délivrance
que 25 % des enfants peuvent présenter des anomalies non pour ne pas souiller le délivre par les selles.
chromosomiques. Il faut donc prévenir le pédiatre et bien
examiner l'enfant qui peut être soit anémié, soit malformé. Frottis de membranes
Anomalie de structure : l'artère ombilicale unique Dans
Il est réalisé sur la face maternelle : après avoir épongé le
1 % environ des grossesses uniques, il n'existe qu'une artère
sang avec une compresse, on tend les membranes et on
ombilicale. Ce chiffre augmente en cas de grossesse multiple frotte celles-ci avec le bord d'une lame de verre sur 5 cm
(7 à 14 % des grossesses gémellaires, c'est le jumeau le plus environ. Le prélèvement ainsi obtenu est recueilli et étalé
petit qui porte l'anomalie) ou de grossesse pathologique sur une autre lame. Une seconde lame sera préparée
(diabète, hypertension). Il faut suspecter une anomalie de à partir d'un frottis prélevé sur la face fœtale. Ces deux
l'enfant qui sera retrouvée dans 20 à 30 % des cas. Il peut lames sont séchées à l'air et adressées en bactériologie
s'agir, par ordre de fréquence décroissante, d'anomalies (planche 6.3).
génito-urinaires, cardiovasculaires, de fentes palatines,
d'anomalies musculosquelettiques ou de retard de crois- Placentoculture
sance intra-utérin (7 à 15 %). Un examen approfondi du On expose la face fœtale du placenta et on découpe avec un
nouveau-né est donc indispensable. En l'absence de décou- bistouri stérile un cube de tissu de 1 cm de côté environ près
verte de malformations, l’évolution des enfants est parfaite- de l'insertion placentaire. Ce fragment est déposé dans un
ment normale. tube stérile et adressé en bactériologie immédiatement ou
À la fin de l'examen du délivre, on n'oubliera pas de le conservé au réfrigérateur à 4 °C jusqu'au lendemain matin
peser : normalement, le poids du placenta et des membranes (planche 6.3).
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta 95
couple d'une nouvelle vie et non un acte à visée thérapeu- La sage-femme surveillera :
tique surmédicalisé détournant l'attention des soins qui ■ le pouls ;
doivent être prodigués à l'enfant et à sa mère. ■ la tension artérielle ;
Le CNGOF, suivant en cela l'avis du Comité consultatif ■ la coloration de la patiente ;
national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ■ les saignements vulvaires qui doivent rester inférieurs à
et l'Académie nationale de médecine, l'Agence de biomé- 500 cm3.
decine et de nombreux collèges professionnels (American L'abdomen doit être surveillé et l'utérus doit rester
College of Obstetricians and Gynaecologists, Royal College rétracté et sous l'ombilic.
of Obstetricians and Gynaecologists, Société canadienne de L'examen de ces paramètres est fait tous les quarts d'heure
gynécologie obstétrique) : et noté sur la feuille d'observations. On note ensuite les pres-
■ déconseille aux professionnels de la naissance (médecins criptions de suites de couches :
et sages-femmes) d'accepter de faire des prélèvements ■ type d'allaitement ;
de sang de cordon en vue d'une conservation autologue ■ éventuellement des ocytociques, parfois des antibiotiques.
(c'est-à-dire pour l'enfant lui-même) dans une banque Prévention des accidents thromboemboliques En l'ab-
privée à la demande des parents ; sence de facteurs de risque ou en présence de moins de
■ encourage le don gratuit et bénévole de sang de cordon trois facteurs suivants – âge > 35 ans, obésité (IMC > 30
pour alimenter les banques publiques présentant toutes ou poids > 80 kg), varices, HTA ; facteurs obstétricaux :
les garanties techniques et scientifiques pour la conser- césarienne, multiparité > 4, prééclampsie, alitement strict
vation, le typage HLA, la traçabilité et l'utilisation de ces
prolongé, hémorragie du post-partum, etc. ; maladie
cellules souches pour des greffes allogéniques (c'est-à-
dire à une autre personne), seules utiles actuellement. thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI
Ces banques publiques, qui existent actuellement en poussée, infection intercurrente systémique, etc.) –, la
en France dans plusieurs grandes villes (Paris, Créteil, patiente est considérée comme à faible risque et on ne lui
Bordeaux, Besançon, Marseille, Lyon, Grenoble, Poitiers, prescrira que des bas de contention. Dans les autres cas, la
Montpellier, Rennes), sous l’égide de l’Établissement fran- prescription d'anticoagulants suivra les recommandations
çais du sang, de centres hospitalo-universitaires, avec le sou- de la SFAR (voir « Prévention des accidents thromboembo-
tien de l'Agence de biomédecine, sont en nombre suffisant liques en obstétrique »).
compte tenu des besoins. Elles travaillent en collaboration
avec les maternités publiques et privées proches de leur lieu Références
d'implantation et recueillent du sang de cordon après infor-
[1] ACOG Practice Bulletin. Prophylactic antibiotics in labor and deli-
mation et consentement éclairé des parents, en respectant
very. Obstet Gynecol 2003 ; 102 : 875–82.
les contre-indications à ce don et une technique de prélè- [2] Ely J, Rijhsinghani A, Abowdler N, et al. The association between
vement et de conservation validée. Elles sont les seules à manual removal of the placenta and post partum endometritis fol-
assurer la solidarité entre bien-portants et donneurs, ainsi lowing vaginal delivery. Obstet Gynecol 1995 ; 86 : 1002–6.
que la recherche fondamentale et clinique qui doit profiter [3] Gerstenfeld T, Wing D. Rectal misoprostol versus intravenous oxyto-
à tous dans l'avenir. En décembre 2012, le nombre d'unités cin for the prevention of post partum hemorrhage after vaginal deli-
de sang placentaire disponibles en France s’élevait à 30 000, very. Am J Obset Gynecol 2001 ; 185 : 878–82.
ce qui est suffisant pour permettre les 250 greffes annuelles [4] L'Herminé-Coulomb A. Examen du placenta. EMC. 2005 15-5-070-C-20.
françaises, même si, pour des raisons de compatibilité HLA, [5] Magann EF, Evans S, Chauhan SP, et al. The length of the third stage
des importations sont nécessaires. Elles sont accessibles of labour and the risk of postpartum hemorrhage. Obstet Gynecol
2005 ; 105 : 290–3.
à l'ensemble des greffeurs mondiaux (1 250 greffes par an
[6] Nessman C, Larroche JC. Atlas de pathologie placentaire. Paris :
dans le monde), la France étant le deuxième exportateur Masson ; 2001. p. 168.
mondial. Les greffons français sont reconnus pour leur qua- [7] OMS. Recommandations pour la pratique clinique des soins obstétri-
lité, les critères de conservation étant très rigoureux dans les caux et néonataux d'urgence en Afrique. 2010.
banques publiques : un tiers seulement des sangs de cordon [8] Pierre F, Mesnard L, Body G. For a systematic policy of IV oxytocin
prélevés est conservé. induced placenta deliveries in a unit where a fairly active manage-
La liste des maternités qui participent à la collecte de sang ment of third stage of labour is yet applied. Results of a controled trial.
placentaire est sur le site de l'Agence de biomédecine : www. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1992 ; 43 : 131–5.
agence-biomedecine.fr/article/496. Le document destiné [9] Prindiville WJ, Elbourne D, McDonald S. Active versus expectant
aux professionnels sera trouvé sur : www.agence-biomede- management in the third stage of labour. Cochrane Database Syst Rev
2005 ; 19 : CD004665.
cine.fr/IMG/pdf/docpro-sang-placentaire.pdf.
[10] Prendiville WJ. The prevention of post partum haemorrhage : opti-
mizing routine management of the third stage of labour. Eur J Obstet
Gynecol Reprod Biol 1996 ; 69 : 19–24.
Surveillance de l'accouchée [11] Sepulveda W, Alcade JL, Schnapp C, et al. Perinatal outcome after prenatal
après la délivrance diagnosis of placental chorioangioma. Obstet Gynecol 2003 ; 102 : 1028–33.
[12] Soltani H, Dickinson F, Symonds I. Placental cord drainage after
En l'absence de toute pathologie, la surveillance sera atten- spontaneous vaginal delivery as part of the management of the third
tive pendant au moins deux heures en salle de travail. Elle stage of labour. Cochrane Database Syst Rev. 2005 CD004665.
peut être prolongée dans certaines circonstances patholo- [13] DRESS, Blondel B, Kermarrec M. La situation périnatale en France en
giques comme les césariennes, les antécédents hémorra- 2010. DRESS études et résultats 2011 ; 775 : . www.sante.gouv.fr/IMG/
giques et les délivrances artificielles. pdf/er775.pdf.
Chapitre
7
Déclaration de naissance
I. Boidron-Balligand
PLAN DU CHAPITRE
Quand faire la déclaration de naissance ? . . . . 99 Cas particuliers en fonction du statut
Qui doit faire la déclaration ? . . . . . . . . . . . . . 99 matrimonial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Comment doit être faite la déclaration
de naissance ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Nom de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Certificat d’accouchement
Mairie Acte de naissance Acte d’enfant sans vie Acte de naissance + Acte de décès
Article 55 du Code civil
Si le père est empêché pour des raisons de force majeure, faite et invitée à lire l'acte, a signé avec nous, I. B.,
la sage-femme ou le médecin qui a fait l'accouchement doit officier d'état civil par délégation du maire. »
faire la déclaration à la mairie ou à l'officier d'état civil dési-
gné à l'hôpital.
Depuis la loi du 8 janvier 1993, les parents ont libre choix Nom de l'enfant
dans les prénoms qu'ils donnent à leur enfant, ainsi que La loi du 4 mars 2002 modifiée permet aux parents de
pour l'orthographe de ces prénoms. L'officier d'état civil ne choisir d'un commun accord le nom de famille de leur
dispose plus de droit d'appréciation. Il subsiste cependant premier enfant commun. Ce nom peut être soit le nom
quelques restrictions mais l'officier d'état civil se doit d'éta- du père, soit le nom de la mère, soit le nom du père suivi
blir l'acte en l'état et secondairement de demander l'avis au de celui de la mère, soit le nom de la mère suivi de celui
parquet. du père.
Exemple Mme Durand vient d'accoucher. Son mari est Le nom choisi devra être mentionné dans une déclaration
en déplacement professionnel et ne peut faire la décla- sur l'honneur conjointe qui sera remise à l'officier d'état civil
ration dans les délais légaux. La sage-femme qui a fait au moment de la déclaration de naissance.
l'accouchement fera un certificat d'accouchement comme Sans déclaration de choix de nom, l'enfant portera le nom
ci-dessous : du père pour un couple marié et le nom du premier parent
« Je soussignée, Juliette RICHARD, sage-femme, qui l'a reconnu pour un couple non marié.
certifie avoir assisté, au 2, boulevard Tonnellé, Le choix du nom ne peut se faire qu'une seule fois et sera
à Tours, à l'accouchement de Mme Cécile Anne attribué d'office aux autres enfants communs à venir.
POIRIER, née le 28/01/1970 pour la naissance
d'un enfant vivant de sexe masculin, prénommé Cas particuliers en fonction
Pierre, le 17 avril 1999, à 5 h 30. Fait à Tours le
17 avril 1999. » du statut matrimonial
Ce certificat permettra l'établissement de la déclaration La femme est seule
de naissance comme ci-dessous :
Elle désire reconnaître son enfant
« Le 17 avril 1999 à 5 h 30 est né, 2, boulevard La déclaration ne portera que le nom patronymique de la
Tonnellé, à Tours, Pierre Paul DURAND, de sexe mère.
masculin, de Jean-Paul DURAND, ingénieur, né Elle n'est plus tenue de reconnaître son enfant après la
à Paris (5e arrondissement) le 2 avril 1968, et de naissance, dès lors qu'elle est désignée dans l'acte de nais-
Cécile Anne POIRIER, ingénieure, née à Tours le sance de celui-ci.
28 janvier 1970, mariés le 10 juin 1998, domiciliés Toutefois, il est toujours possible, surtout en cas de
à Tours (Indre-et-Loire), 15, rue des Oranges. mésentente avec le père, de lui conseiller au cours de la
Dressé le 18 avril 1999 à 10 h 58 sur déclaration grossesse de faire une reconnaissance anticipée à la mairie
de la sage-femme, Juliette RICHARD, qui, lecture de son choix. En effet, l'enfant acquiert le nom de celui de
Chapitre 7. Déclaration de naissance 101
ses deux parents à l'égard de qui sa filiation a été établie La loi du 5 juillet 1996 donne la possibilité à la mère, des
en premier. années après son accouchement, de revenir sur sa décision
d'anonymat et de confier son identité au cas où son enfant
Exemple de déclaration de naissance souhaiterait connaître ses origines. Si la transcription de
la reconnaissance paternelle n'a pas été possible du fait du
« Le 19 avril 2006, à 11 h 20, est né 2, boulevard secret de son identité imposé par la génitrice, le géniteur qui
Tonnellé, à Tours, Léo Pascal DURAND, de sexe aurait reconnu l'enfant avant sa naissance peut entreprendre
masculin, de Julie Durand née à Tours (Indre-et- des démarches auprès du procureur de la République.
Loire) le 27 juin 1980, postière, qui l'a reconnu L'enfant pourra, à sa majorité ou avec la demande de
à la mairie de La Rochelle (Charente-Maritime) son représentant légal s'il est mineur, s'adresser au CNAOP
le 20 février 2006, domiciliée à Tours, 5, rue des (10–16, rue Brancion, 75005 Paris) pour obtenir la levée de
Ursulines. » l'anonymat si la génitrice y a consenti. L'accès de la personne
à ses origines reste cependant sans effet sur l'état civil (nom,
La femme veut confier son enfant
prénoms) et sur la filiation si elle a été adoptée. Cette levée
en vue d'une adoption de l'anonymat n'entraîne ni droit ni obligations au profit ou
La femme peut demander l'anonymat (article 341-1 du à la charge de qui que ce soit (loi du 22 janvier 2002).
code civil). Aucune pièce d'identité n'est exigée ; il n'est La sage-femme prendra en charge la parturiente en
procédé à aucune enquête. Il peut lui être attribué un nom étroite collaboration avec l'assistante sociale et la psycho-
d'emprunt afin de faciliter les enregistrements administra- logue de façon à l'entourer au mieux dans cette difficile prise
tifs dans les établissements hospitaliers. Tout le dossier de de décision. Cette disposition de la loi française, ancienne-
la mère, y compris les examens complémentaires, est alors ment appelée « accouchement sous X », est contestée au nom
sous ce patronyme qui lui a été attribué dès la décision de des droits de l'enfant à connaître ses origines. En Europe,
consentement à l'adoption qui peut être prise tout au long cette disposition n'existe qu'au Luxembourg, en Italie et en
de la grossesse. La femme peut donner un ou deux pré- Espagne pour les femmes célibataires uniquement. Dans les
noms à l'enfant si elle le désire, elle est invitée à laisser une autres pays, l'enfant est déclaré sous le nom de sa mère et
lettre ou un quelconque objet adressés à son enfant, pou- c'est le jugement d'adoption qui rompt le lien de filiation
vant lui donner des informations sur ses origines, sa santé, antérieur, l'enfant adopté étant censé être né alors de ses
les motivations de sa décision, voire son identité, sous le parents adoptifs.
sceau du secret. Ce courrier sera joint au procès-verbal
de consentement à l'adoption de l'enfant. Celui-ci pourra,
s'il le souhaite, le consulter à sa majorité en s'adressant au La femme vit en couple
Conseil national pour l'accès aux origines personnelles Les deux parents sont célibataires
(CNAOP) créé par la loi du 22 janvier 2002 qui conserve Le certificat d'accouchement ne comporte que l'identité de
ces documents. Une autorisation de levée du secret doit la mère ; c'est au père d'aller faire la déclaration et recon-
être établie par la génitrice ou le cas échéant par le géni- naître l'enfant à la mairie sauf s'il y a eu reconnaissance du
teur, chacun pour sa propre identité. Cette démarche pour père ou des deux parents avant la naissance.
laisser des éléments consultables par l'enfant peut aussi Dans les deux cas, le couple disposera du choix du nom
être faite bien après la naissance ou complétée. L'enfant, de famille pour son enfant.
à la sortie de la maternité, est pris en charge par l'aide
sociale à l'enfance, de même que les frais d'hospitalisation La femme est mariée et vit avec un autre homme
de la mère. La femme a deux mois pour se rétracter dans qui est le père de l'enfant
sa décision d'abandon. Si elle change d'avis, elle peut le Si elle ne dit rien, la déclaration est établie au nom de la femme
reconnaître dans ce délai. et de son mari ; en effet, l'enfant conçu pendant le mariage a
La femme peut aussi conserver sa véritable identité pour pour père le mari (article 312 du code civil), celui-ci ne pou-
l'accouchement et son séjour hospitalier. vant que désavouer, s'il le souhaite, cette paternité.
Dans tous les cas, la déclaration de naissance ne donnera La femme peut le déclarer sous son nom de jeune fille.
aucune indication de l'identité de la mère. Le certificat d'ac- Cet enfant porte alors le nom de sa mère. Le père bio-
couchement pourra être rédigé comme suit : logique de l'enfant peut le reconnaître ; là encore, il faut
« Je soussignée, Juliette RICHARD, sage-femme, conseiller à la femme de faire pendant sa grossesse une
certifie avoir assisté à la naissance d'un enfant reconnaissance anticipée et éventuellement conjointe
vivant de sexe masculin, se prénommant Arnaud, avec le père de l'enfant, ce qui leur assure la filiation sur
Antoine, le 2 avril 2005 à 3 h 10, 2, boulevard leur enfant.
Tonnellé à Tours. »
Un ou deux prénoms sont donnés à l'enfant par la mère Prévoir la filiation de l'enfant
si elle le souhaite, ou à défaut par la sage-femme, ou à défaut Pour tout cas particulier, femme célibataire, couple séparé,
par l'officier d'état civil qui, lui, donnera aussi le troisième instance de divorce, etc., il est important que le profession-
prénom qui servira de patronyme à l'enfant jusqu'à son nel qui suit la femme enceinte l'oriente vers un service social
éventuelle adoption plénière après deux mois (article 24, loi ou la mairie de son domicile pour qu'elle puisse anticiper
du 5 juillet 1996). sur l'établissement de la filiation de l'enfant à naître.
102 Partie I. Accouchement normal
Enfant de sexe indéterminé Si l'enfant naît vivant et meurt dans les heures qui suivent,
Il ne faut pas indiquer le sexe sur la déclaration. Le parquet il faut faire une déclaration de naissance d'enfant né vivant
le fera par la suite en fonction des certificats médicaux éta- et viable puis un certificat de décès (loi du 8 janvier 1993,
blis et présentés par les parents. article 79-1 du code civil). En l'absence de certificat médical
On conseillera aux parents de donner un prénom mixte attestant que l'enfant est né vivant et viable, l'officier d'état
comme Camille, Sacha, Alix ou Morgan. civil établit un acte d'enfant sans vie.
En cas d'acte de naissance et de décès, l'inhumation ou
la crémation du corps est indispensable. Elle s'effectue à la
Enfant décédé à la naissance (figure 7.2) charge de la famille. La commune est tenue d'aider à la prise
Le décès périnatal touche en France environ 5 000 familles en charge des frais pour les personnes dépourvues de res-
par an. Que le décès soit « naturel » ou dû à une interruption sources suffisantes.
médicale de grossesse, la réaction à la perte est d'intensité S'il y a naissance d'un enfant décédé, un certificat d'ac-
comparable à celle de la mort d'un enfant plus âgé. couchement est établi en vue de la rédaction d'un acte d'en-
On proposera aux parents de voir l'enfant nu ou après fant sans vie.
l'avoir habillé, et de le prendre dans les bras. Des photo- Ce certificat est remis systématiquement aux parents
graphies de l'enfant pourront être prises et seront conser- quelle que soit leur intention d'enregistrement ou non à
vées dans le dossier médical de la mère, car, ainsi, les l'état civil. La déclaration éventuelle de l'enfant sans vie
parents qui n'ont pas souhaité ou pas pu voir leur enfant à l'état civil repose sur une démarche volontaire et n'est
lors de la naissance pourront plus tard demander à voir contrainte à aucun délai.
ces photographies. Ces photos, qui resteront les seules L'établissement de l'acte d'état civil permet et astreint les
images disponibles, les seuls témoins, nécessiteront beau- parents à la prise en charge du corps de leur enfant.
coup d'attention pour être correctement prises, nettes, et L'acte d'enfant sans vie est enregistré sur le registre des
belles à regarder, ainsi qu'être représentative d'un nou- décès, et comporte le jour, l'heure et le lieu de naissance, les
veau-né, pour ne pas créer un nouveau choc à ces parents. renseignements d'état civil des parents, et le prénom éven-
Une aide et un suivi psychologique doivent être proposés tuellement donné. L'enfant sans vie n'a pas de patronyme,
immédiatement à ces derniers et dans le temps qui suit la en conséquence l'éventuelle reconnaissance anticipée tombe
sortie de la maternité. de droit.
Pour les déclarations à l'état civil, les notions antérieures L'inscription sur le livret de famille est possible à la demande
de terme à 22 SA ou de poids à 500 g (définition OMS) ont des parents, et la délivrance d'un livret de famille s'il s'agit d'un
été supprimées par les décrets et arrêtés du 20 août 2008. Un premier enfant d'un couple non marié est aussi possible.
seuil de viabilité à 15 SA a été réintégré par la circulaire du L'organisation des funérailles par les parents se trouve
19 juin 2009. en général facilitée par une procédure mise en place entre
Enfant décédé
à la naissance
l'établissement d'accouchement et la commune. La famille Circulaire DGS, Circulaire DGS n° 50 du 22 juillet 1993.
dispose de dix jours pour s'occuper du devenir du corps. Circulaire DHO/DGS/DACS/DGCL n° 2001-576 relative à l'enregistre-
Au-delà de ce délai et en l'absence de récupération du corps ment à l'état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés
avant la déclaration de naissance.
par la famille, l'établissement a deux jours supplémentaires
Circulaire interministérielle DGL/DACS/DHOS/DGS/2009/182 du 19 juin
pour procéder, à sa charge, à la crémation du corps ou à son 2009.
inhumation si une convention avec la commune existe. Si Décès périnatal. Prescrire ; 23. 2003. p. 515–21.
des prélèvements fœtopathologiques sont nécessaires sur L'accouchement sous X. Dossiers de l'obstétrique. 2000. p. 280.
l'enfant, ce délai est prolongé jusqu'à quatre semaines à Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil,
compter de la naissance. à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires
À la suite de la naissance d'un enfant sans vie, la femme familiales (JO du 9 mars 1993).
peut bénéficier des indemnités journalières du congé post- Loi n° 96-604 du 5 juillet 1996.
natal ainsi que son conjoint, comme après l'accouchement Loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des per-
d'un enfant vivant. sonnes adoptées et pupilles de l'État.
Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille modifiée.
Loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du
4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant
Références
diverses dispositions relatives à la filiation.
Arrêté du 20 août 2008 et décrets 2008-800 et 2008-798. Nés sous X : un accès limité aux origines personnelles. Prescrire 2005 ; 25 :
Articles R. 1112-7, R. 1112-75, R. 1112-76 du code de la santé publique, 134–5.
1993. Ordonnance du 4 juillet 2005.
Chapitre
8
Présentations de la face,
du front, du bregma et de l'épaule
J. Lansac, C. Ouedraogo
PLAN DU CHAPITRE
Présentation du front . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Présentation de la face . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Présentation du bregma . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Présentation de l'épaule . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Présentation du front
À l'inverse des présentations du sommet dans lesquelles
la tête est bien fléchie sur le tronc, les présentations de la Rare (environ 1/1 000), elle a été décrite par Lacomme
face, du front et du bregma sont des présentations défléchies comme une « présentation où la déflexion partielle du pôle
(seuls les diamètres sagittaux changent) (planche 8.1) : céphalique fixe de façon définitive et fait pénétrer dans le
■ soit partiellement : bregma (1er tiers de la déflexion) et détroit supérieur une partie plus ou moins voisine du front ».
front (2e tiers) ; La présentation du front persistante entraîne une dysto-
■ soit totalement : face (3e tiers). cie mécanique et conduit le plus souvent à une césarienne.
Elles sont la conséquence d'une mauvaise accommoda- Cependant, cette présentation, si elle n'est pas fixée, peut
tion fœtopelvienne, du fait : aussi évoluer vers un sommet ou une face, permettant une
■ d'un bassin anormal (bassin aplati), d'un utérus atone évolution du travail et un accouchement par voie basse dans
(grandes multipares) ou surdistendu (hydramnios) ; un tiers des cas [13].
■ d'un placenta ou d'un obstacle praevia (fibrome), d'un
circulaire du cordon ; Mécanique obstétricale
■ d'une malformation fœtale, en particulier de la région
Deux situations doivent être bien séparées.
cervicale (goitre, kyste branchial, tératome), de la char-
nière cervico-occipitale ou, rarement, d'une anencéphalie
non diagnostiquée en prénatal. Accouchement à terme d'un enfant
On ne saurait trop répéter l'importance de leur diagnos- de poids normal
tic précoce au cours du travail : les présentations de la face La tête, initialement haute et en position indifférente, se
et du bregma autorisent le plus souvent l'accouchement par défléchit au lieu de se fléchir, évoluant vers une présentation
voie basse, alors que celle du front (sauf situations excep- du front.
Pratique de l'accouchement
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108 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
TRAVAIL
FLEXION DÉFLEXION
b
a. Coupe sagittale. b. Coupe transversale.
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule 109
Position de la tête
Diamètre
d'engagement 9,5 cm 11 cm
Sous-occipito-bregmatique Sous-occipito frontal
Accouchement Eutocie : voie basse. Dystocie ± : voie basse Face
Front
Bregma
Bregma
Front Synciput
Occiput
Menton Sous-occiputput
Présterno-syncipital 13,5 cm
Bip
9,5
cm
9,5 cm
12 cm
Sous-mento-bregmatique
Occipito frontal
13 cm
Syncipito-mentonnier Eutocie (si menton antérieur) : voie
basse Dystocie (si menton postérieur) :
Dystocie + : voie base ou césarienne. Dystocie+++ : césarienne césarienne.
110 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Diamètre d'engagement
La fontanelle antérieure
Les orbites, le nez
9,5 cm
11 cm
9,5
Ce que l'on ne sent pas cm 9,5
cm
Dimensions
Sous-occipito-bregmatique
Sous-occipito frontal
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule 111
Bregma Front
Face
9,5 9,5
cm 9,5 cm
cm
Occipito frontal
La petite fontanelle, la
Syncipito mentonnier Sous-mento-bregmatique
pyramide nasale
112 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Sus-occiput 9,5 cm
9,5 cm
12 cm FRONT
Occiput
13,5 cm
Sous-occiput
MENTON
Fixée dans cette position, elle présente au détroit supé- L'engagement est en conséquence impossible ; toutefois,
rieur (DS) son plus grand diamètre sagittal, allant du syn- quelques très rares cas d'accouchement par voie basse ont été
ciput (point le plus saillant de l'occiput), à la pointe du rapportés avec des enfants de poids normal : cela n'est pos-
menton, c'est-à-dire le diamètre syncipitomentionnier sible qu'avec un bassin exceptionnellement grand, compor-
(environ 13,5 cm), supérieur aux plus grands diamètres du tant un diamètre antéropostérieur supérieur à 12,5 cm ; dans
bassin (les diamètres obliques et transverses n'excèdent pas les cas exceptionnels où la tête fœtale, ayant terminé sa des-
12,5 à 13 cm) (figure 8.1 et planche 8.1). cente, est arrivée au détroit inférieur (DI) en nasoantérieure.
Fig. 8.1. Rotation manuelle. a. Présentation du front en gauche antérieur. b. Présentation du front en nasotransverse après rotation manuelle.
c. Présentation du front en naso gauche postérieur. d. Occipitoantérieur gauche après flexion et rotation de la tête.
114 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
1 2 3
a b
Fig. 8.3. Dégagement du bregma en nasopubien. a. Le sillon nasofrontal se fixe sous la symphyse. b. Le sillon nasofrontal sert de point de
rotation. c. Le dégagement de la tête se fait en occipitosacré.
Clinique
Les constatations de l'examen abdominal sont celles de la
présentation du front, seules celles traduisant la déflexion de
la tête étant moins marquées.
Le toucher vaginal membranes rompues est capital :
■ il perçoit la grande fontanelle, repère de la présentation ;
au centre de celle-ci : signe de la croix (figure 8.4) ; la
racine du nez peut être perçue mais en périphérie et non
au centre comme pour la présentation du front ; on ne
sent pas la petite fontanelle ou lambda ;
■ c'est la région frontale qui détermine les variétés de pré-
sentation, fronto-iliaque droite ou gauche, antérieure ou
postérieure (les variétés antérieures sont de loin les plus
fréquentes : plus de 80 %).
L'évolution de cette présentation peut être :
■ soit favorable (dans la grande majorité des cas) si le bas-
sin est normal et l'enfant de poids normal. Le travail et
l'expulsion sont généralement plus longs, l'engagement se
fait difficilement grâce à l'asynclitisme et si possible une Fig. 8.4. Présentation du bregma en naso-iliaque gauche
flexion de la tête. On aura intérêt à mettre la femme en transverse au toucher vaginal : le « signe de la croix ».
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule 117
Présentation de l'épaule
Il s'agit d'une présentation rare (environ 3/10 000), anormale
et incompatible avec l'accouchement par les voies naturelles.
c d La présentation est oblique, la tête siégeant dans l'une des
deux fosses iliaques, le moignon de l'épaule répondant au
Fig. 8.6. Les variétés de présentation de la face. DS (figure 8.9). Elle doit être distinguée des présentations :
a. En mento-iliaque droite postérieure : 30 %. ■ oblique avec le siège dans l'une des deux fosses iliaques, le
b. En mento-iliaque droite antérieure : 27 %. flanc du fœtus répondant au plan du DS ;
c. En mento-iliaque gauche antérieure : 20 %. ■ transversale, le fœtus étant selon un axe perpendiculaire
d. En mento-iliaque gauche postérieure : 10 %.
à celui du bassin [4].
Seules les variétés antérieures sont compatibles avec l'accouchement
par voie basse (mento-iliaque droite antérieure, mento-iliaque gauche
Tout ce qui laisse un excès de mobilité au fœtus ou au
antérieure). contraire empêche sa rotation peut être cause de présenta-
tion de l'épaule, qu'il s'agisse :
Sous-mento-
bregmatique
Variéte mento-postérieure
enclavement
Pré-sterno-
Pré-sterno-
Bi-malaire syncipital
syncipital
d
Fig. 8.8. Dégagement de la face en mentopubienne. Apparition à la vulve du menton (a), de la bouche (b), du nez puis du front (c), et enfin
de l'occiput (d). Lors du dégagement, il faut surveiller le périnée de près et avoir l'épisiotomie facile.
a b c
Fig. 8.9. Position transversale.
a. Dorsoantérieure.
b. Dorsopostérieure.
c. Position transverse sur malformation utérine. 1. Éperon.
iliaque, l'autre (le siège) dans l'hypochondre opposé ; entre mie segmentaire peut être insuffisante et il est parfois néces-
les deux, le plan arrondi et dur du dos est sous la paroi abdo- saire de pratiquer un trait de refend pour pouvoir extraire
minale antérieure (le dos est toujours antérieur, répondant l'enfant par le siège.
à la saillie du rachis ; c'est seulement avec un enfant mort in En l'absence d'extraction, l'évolution se fait vers l'épaule
utero que la position du dos en arrière peut être rencontrée). méconnue avec apparition de troubles de la dynamique utérine
et, au stade ultime, vers l'épaule négligée (figure 8.10). Pour
Toucher vaginal que l'épaule soit négligée, il faut trois conditions formelles :
Il perçoit une présentation très haute, de taille beaucoup ■ la femme doit être en travail ;
plus réduite et de nature différente de celle d'une tête ou ■ les membranes doivent être rompues ;
d'un siège. Il s'agit de l'acromion, repère de la présentation. ■ l'utérus doit être plus ou moins rétracté, ce qui implique la
Selon sa position, on distingue quasi exclusivement deux notion d'un certain temps passé depuis le début du travail.
variétés (antérieures) : De ces conditions en découlent d'autres, peut-être moins
■ acromio-iliaque droite ; absolues :
■ acromio-iliaque gauche. ■ la présentation qui a tenté de s'engager, s'est immobilisée ;
■ l'infection ovulaire existe, déclarée ou latente ;
Échographie ■ le fœtus est mort ;
Elle peut lever les doutes diagnostiques et contribuer au ■ la version est devenue impossible, ou pour le moins
choix de la conduite à tenir. dangereuse.
a
Fig. 8.10. Présentation de l'épaule négligée (dos antérieur) avec procidence du bras. a. Schéma. b. Cliché du Professeur Kruy Leung Sim.
Version par manœuvre interne [5] Chaoui A, Achour M, El-Bakali A. La présentation de la face.
Elle n'est possible qu'à dilatation complète, avec un utérus J Gynecol Obstet Biol Reprod 1982 ; 11 : 731–8.
relâché non cicatriciel, membranes rompues. Elle est sui- [6] Chaoui A. La présentation de la face. EMC 1985. 5023-A-10.
[7] Cruikshank D, Cruikshank J. Face and brow presentation a review.
vie d'une grande extraction du siège. Actuellement, cette
Clin Obstet Gynaecol 1981 ; 24 : 333–51.
manœuvre n'est pratiquée que sur le deuxième jumeau. Elle [8] Duff P. Diagnosis and management of face presentation. Obstet
ne doit pas être faite sur un fœtus unique en raison de la Gynaecol 1981 ; 57 : 105–12.
morbidité fœtale et maternelle qu'elle comporte. [9] Dumont M. Comment définir la présentation du bregma ? J Med
Lyon 1985 ; 66 : 87–90.
Références [10] Gernez L. La présentation du bregma, cette méconnue. Rev
Fr Gynecol 1978 ; 73 : 757–65.
[1] Audra P, Jacquot F. Les présentations céphaliques défléchies. Rev Fr [11] Le Ray C, Goffinet F. Technique et intérêt de la rotation manuelle en
Gynecol Obstet 1988 ; 83 : 355–7. cas de variété postérieure. Gynecol Obstet Fertil 2011 ; 39 : 775–8.
[2] Audra P, Thoulon JM, Balsan M. Présentation de la face. EMC 1997. [12] Pierre F, Forveille F. Présentation du front et du bregma. EMC 1994.
5-049-L-20. 5-049-L-15.
[3] Benedetti T, Lowensohn R, Truscott A. Face presentation at term. [13] Verspyck E, Bisson V, Gomez A, et al. Prophylactic attempt at manual
Obstet Gynaecol 1980 ; 55 : 199–202. rotation in brow presentation at full dilatation. Acta Obstet Gynecol
[4] Brun G. Les présentations transversales. Rev Fr Gynecol 1972 ; 67 : Scand 2012 ; 91 : 1–4.
35–43.
Chapitre
9
Présentation du siège
F. Goffinet, L. Marcellin, T. Schmitz
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Accouchement eutocique du siège :
Diagnostic, surveillance et prise en charge mécanique obstétricale . . . . . . . . . . . . . . . . 128
pendant la grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Expulsion spontanée (méthode de
Complications périnatales associées à un Vermelin) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
accouchement du siège . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Manœuvres obstétricales à l'expulsion :
L'accouchement par voie basse est-il accompagnement ou intervention
une option raisonnable et quelle information en cas de dystocie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
délivrer aux femmes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Conduite à tenir en cas de dystocie . . . . . . 138
Choisir le mode d'accouchement . . . . . . . . . . . 126 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Conduite pratique pendant le travail et
l'expulsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Tableau 9.1. Facteurs favorisant la présentation Tableau 9.2. Critères optimaux de l'accouchement
du siège. par voie basse dans la présentation du siège.
Prépaturité Causes maternelles Causes ovulaires Critère Voie basse aceptée si :
Anomalie de Radiopelvimétrie Normale
l'insertion
Échographie Pas de déflexion de la tête
placentaire
Poids estimé de l'enfant 2 500–3 800 g
Malformations Hydramnios
utérines Type de siège Siège décomplété mode des
40 % des sièges sont fesses
Fibrome Oligamios
prématurés
Avis de la patiente Accepte la voie basse
Kyste ovaire Jumeaux CNGOF, 2000.
le début du travail (43 % des femmes sont en travail au C'est le cas de l'étude prospective franco-belge
moment de la randomisation le TBT et donc au moment PREMODA [4]. La décision de ne pas réaliser un nouvel
de la vérification des critères d'inclusion et d'exclusion, ce essai randomisé était essentiellement liée à un choix métho-
qui empêche une certaine réflexion et une certaine plani- dologique et pas seulement à des contraintes de faisabilité.
fication pour le groupe voie basse). Cette étude prospective non interventionnelle avait pour
Parmi les règles de conduite du travail en cas de présenta- objectif principal de comparer la morbidité et la mortalité
tion du siège, on recommande, en général de : néonatales dans le groupe « tentative d'accouchement par
■ ne pas déclencher le travail, sauf si le col est très favorable voie basse » à celles du groupe « césarienne programmée »
(déclenchement de 14,9 % des femmes et pratique de dans les conditions de pratiques en France et en Belgique
déclenchements pour terme dépassé acceptée dans le TBT) ; pour toutes les femmes avec une présentation du siège à
■ faire un enregistrement continu du RCF (possibilité terme pendant la période de l'étude. Le recueil prospectif
d'écouter les bruits du cœur toutes les 15 min dans le des données a eu lieu dans 135 maternités volontaires en
TBT) ; France, représentant 225 999 naissances annuelles, et dans
■ ne pas utiliser d'ocytociques ou ne pas réaliser de rup- 36 maternités volontaires en Belgique, représentant 37 195
ture artificielle des membranes, sauf s'il y a stagnation de naissances annuelles. Au total, 8 105 cas de présentation du
la dilatation prouvée et dynamique utérine insuffisante, siège à terme ont été inclus dans cette étude, permettant de
certains contre-indiquant même l'utilisation d'ocyto- comparer 5 579 césariennes programmées (68,8 %) à 2 526
ciques (utilisation d'ocytociques dans 50 % des cas dans tentatives de voie basse (31,2 %). On ne retrouvait pas de
le TBT) ; différence significative entre les groupes « tentative de voie
■ fixer une vitesse optimale de dilatation du col de 1 cm/h, basse » et « césarienne programmée » (1,6 % versus 1,45 % ;
et non de 0,5 cm/h comme dans le TBT ; p = 0,62), même après ajustement sur les principaux fac-
■ ne faire pousser la femme qu'au maximum 15 à teurs de confusion comme l'indication de la césarienne ou le
20 minutes avec une présentation du siège partie basse poids de naissance (OR ajusté : 1,40 ; IC à 95 % [0,89–2,23]).
(1 h d'efforts expulsifs dans le TBT). La conclusion est qu'il existe peut-être un excès de risque lié
Enfin, les résultats à deux ans de vie des enfants de cet à la tentative de voie basse en cas de présentation du siège à
essai sont très rassurants dans une étude publiée quatre terme mais que cet excès de risque est très différent de celui
ans plus tard [15]. D'autres études, souvent réalisées dans rapporté par le TBT (risque relatif de 14 dans les pays déve-
des conditions de pratiques obstétricales homogènes, n'ont loppés dans le TBT contre 1,40 dans PREMODA) et que le
retrouvé ni l'excès de risque ni le niveau de risque néona- niveau du risque de décès ou de morbidité sévère est beau-
tal rapportés dans le TBT dans le groupe « tentative de voie coup plus faible dans le groupe « tentative de voie basse »
basse » (tableau 9.3). dans PREMODA que dans le TBT (1,6 % versus 5,7 %).
Tableau 9.3. Études sur les risques néonatals de la voie basse en cas de présentation du siège à terme.
Auteurs (année) Risque dans le groupe Critère de santé considéré Type d'étude
Nombre de femmes voie basse par rapport à la
incluses césarienne*
Cheng (1993) 3,9 [2, 2–7]* Mortalité périnatale Méta-analyse de 24 études
rétrospectives et prospectives.
Kayem (2002) 0,90 [0,4-2,2] Morbidité sévère néonatale Étude rétrospective dans un
n = 501 centre
Roman (1998) 9,0 [5–14, 5]* Score d'Apgar < 7 à 5 min Registre suédois
n = 15 818
Gilbert (2003) 9,2 [3,3–25,6]* Mortalité néonatale Registre californien
n = 100 730 (nullipares)
Hannah (2000) 3,03 [1, 5, 2] Décès néonatal ou morbidité sévère Essai randomisé
n = 2 088 14 [5, 2–14, 6]
Pays développés
n = 1 027
Hannah (2004) 0,91 [0,42–1,97] Décès ou retard psychomoteur à 2 ans Essai randomisé
n = 923
AUDIPOG (2002) 1,33 [0,63-2,8] Décès néonatal ou morbidité sévère Étude rétrospective
n = 2 136 multicentrique
Krupitz (2005) 0,5 % versus 0 % Décès néonatal ou Morbidité sévère Étude rétrospective dans un
n = 882 centre
PREMODA (2005) 1,4 [0,89-2,23] Décès néonatal ou morbidité sévère Étude prospective
n = 8 106 multicentrique observationnelle
* Comparaison non en intention de « traiter » : en général voie basse versus césarienne ou versus césarienne programmée en excluant les césariennes pendant le travail.
126 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Les décisions médicales pour un patient donné se Tableau 9.4. Critères utilisés pour décider du mode
prennent, d'une part, en prenant en compte les données de d'accouchement en cas de présentation du siège.
la littérature et, d'autre part, en essayant de confronter ces
Critères de décision de césa- Critères moins favorables
données aux caractéristiques de l'individu et aux conditions rienne avant travail mais ne contre-indiquant pas
médicales dans lesquelles il est pris en charge. L'ensemble un accouchement par voie
des caractéristiques (individuelles, environnement et pra- basse
tiques médicales) d'un individu donné est souvent différent – Dossier systématiquement – Utérus uni-cicatriciel
de la moyenne d'un groupe étudié dans une étude. C'est discuté au staff – Prématurité
toute la difficulté d'extrapoler les résultats de l'evidence- – Bassin anormal : – Présentation du siège
based medicine. Cette extrapolation est encore plus difficile diamètre promonto-rétro- complet
pubien < 10,5 cm, ou diamètre – Nulliparité
dans une situation obstétricale comme la présentation du
transverse médian < 12,0 cm ou – Indication médicale de
siège, compte tenu de tous les éléments à prendre en compte. diamètre biépineux < 9,5 cm déclenchement du travail
Elle est beaucoup plus difficile par exemple que l'extrapola- – Diamètre bipariétal fœtal et col favorable
tion des résultats d'un essai randomisé montrant l'efficacité supérieur au diamètre – Grossesse multiple
biologique d'une molécule. biépineux – Placenta bas inséré
Les résultats du TBT ont entraîné, dans les pays dévelop- – Suspicion de macrosomie : – Rupture prématurée des
pés qui avaient encore une pratique large de la voie basse, estimation de poids fœtal membranes
supérieur à 4 000 g ou
un « bond » important du taux de césarienne programmée BIP > 98 mm
comme cela a été montré en Hollande ou en France [3, 13]. – Retard de croissance
L'information complète qui doit être faite au couple ne nous intra-utérin
semble pas être la conclusion sans appel des auteurs du TBT.
Dans une maternité où existe une pratique large de la ten-
tative de voie basse avec des obstétriciens qui en ont l'expé- La décision de la voie d'accouchement est discutée en réu-
rience, il paraît raisonnable de proposer une attitude plus nion, au regard des données objectives qui tiennent compte
nuancée aux femmes. Les conditions d'acceptation de la voie des éléments cliniques et paracliniques réunis. La décision
basse ainsi que celles de la surveillance du travail doivent finale est alors proposée au couple, en consultation, afin de
bien sûr être rigoureuses. Sous ces conditions, il semble qu'il réexpliquer à nouveau les modalités de l'accouchement par
n'existe pas d'excès de risque néonatal important entre les le siège et connaître le souhait de la femme et son adhésion à
deux voies d'accouchement et que le niveau du risque néo- la stratégie choisie. S'il est préférable que le travail soit spon-
natal est faible. L'information donnée au couple doit être la tané en cas de présentation du siège, le déclenchement pour
plus complète possible mais surtout bien comprise. des raisons médicales est envisageable, si le col est favorable.
Le taux de césarienne en cas de présentation du siège est
élevé dans l'ensemble des pays développés. En Europe, la
Norvège, la Finlande, la France et les Pays-Bas gardent une Conduite pratique pendant
pratique de la voie basse avec un taux global de césarienne le travail et l'expulsion
(programmée + en travail) aux environs de 70–75 % [9].
Dans les autres pays, ce taux va de 85 à 100 % des naissances L'équipe complète (sage femme, obstétricien, pédiatre et
par le siège. anesthésiste) doit être présente au sein de la maternité
lorsqu'une femme entre en travail avec une présentation du
siège. Les éléments cliniques et paracliniques qui ont permis
Choisir le mode d'accouchement la planification d'un accouchement par voie vaginale doivent
être clairement recensés dans le dossier médical. Toutes les
L'échographie fœtale réalisée en fin de grossesse avant tra- données maternelles, obstétricales et fœtales seront consi-
vail précise le type de présentation fœtale, recherche une gnées de façon horaire sur le partogramme. Le tableau 9.5
rare déflexion permanente de la tête qui contre-indique la reprend les principes de surveillance et les éléments de déci-
tentative de voie basse et permet de réaliser une biométrie sion pendant le travail en cas de présentation du siège.
fœtale afin d'identifier les fœtus macrosomes ou, à l'inverse,
hypotrophes. La mesure des dimensions du bassin par
scannopelvimétrie, plus précises que l'examen clinique du Surveillance maternelle
bassin, permet, en tenant compte des données de l'écho- En cas de présentation du siège, en début de travail, la
graphie, une confrontation fœtopelvienne, et en particulier patiente est perfusée et l'anesthésie péridurale est réalisée
céphalopelvienne. selon le souhait de la patiente ; elle est néanmoins conseillée,
Aucun niveau de preuve élevé ne peut être tiré des don- d'une part, car il existe un risque de césarienne en urgence
nées scientifiques concernant les critères de décision de pendant le travail plus élevé que lorsque la présentation est
la voie d'accouchement du siège ; le CNGOF a établi des céphalique et, d'autre part, car l'analgésie de la femme doit
critères optimaux repris dans le tableau 9.2 mais chaque être obtenue au moment de l'accouchement. Cette analgésie
maternité a ses propres critères décisionnels [11]. À titre efficace doit permettre de garantir une parfaite synchronisa-
indicatif, les critères de décision de césarienne avant tra- tion entre la femme et l'équipe, primordiale afin de prévenir
vail utilisés à la maternité Port-Royal sont rapportés dans la réalisation des manœuvres obstétricales rendues difficiles
le tableau 9.4 [2]. à l'accouchement si la femme était hyperalgique.
Chapitre 9. Présentation du siège 127
Tableau 9.5. Principes de surveillance sans stagnation. Ce critère serait prédictif d'une issue favo-
et éléments de décision pendant le travail rable d'un accouchement par les voies naturelles.
en cas de présentation du siège. La dilatation doit se dérouler, dans la mesure du possible,
Première phase du travail
à membranes intactes, surtout dans les situations de présen-
tation du siège complet ou semi-décomplété pour permettre
Surveillance du RCF et de la dilatation du col comme pour tout une meilleure ampliation du segment inférieur et du col, et
travail
assurer sa dilatation harmonieuse. Il peut être nécessaire
Péridurale installée lorsque la dynamique utérine est bien avancée d'avoir recours à une rupture artificielle des membranes pen-
Rupture artificielle des membranes la plus tardive possible, dant le travail pour faciliter la dilatation du col, en cas de sta-
possible en cas de stagnation de la dilatation gnation de la dilatation pendant une heure. Celle-ci doit être
En cas de stagnation de la dilatation, perfusion d'ocytocine réalisée idéalement lorsque le siège applique correctement sur
autorisée à deux conditions : anomalie de dilatation secondaire le segment inférieur, surtout en cas de présentation du siège
à une hypocinésie d'intensité ou de fréquence ; dans l'heure qui complet, afin d'éviter une procidence du cordon. Dans le cas
suit le début de la perfusion, la dilatation progresse d'au moins contraire, il peut être opportun de commencer par une ponc-
1 cm/h. Dans le cas contraire, une césarienne est décidée tion à l'aiguille en position de Trendelenburg. En cas de proci-
Perfusion d'ocytocine systématique à dilatation complète dence du cordon, il paraît légitime de poser l'indication d'une
Indications de césarienne en cours de travail césarienne en urgence. Néanmoins, dans certaines situations,
en cas de présentation du siège : notamment en cas de siège complet chez une femme mul-
– Défaut de progression de la présentation jusqu'à la partie basse tipare, et si la tolérance fœtale reste parfaite (RCF normal),
– Stagnation 1 h à dilatation complète sans descente de la il est envisageable de sursoir à la pratique d'une césarienne
présentation d'emblée si un accouchement rapide est prévisible.
– Non-correction de la dilatation après 1 h de perfusion
L'enregistrement continu des contractions utérines par toco-
d'ocytocine
métrie externe permet de mettre en évidence précocement une
Phase d'expulsion dystocie dynamique relative à une hypocinésie de fréquence.
– Équipe obstétricopédiatrique au complet : obstétricien, sage- Celle-ci pourra être corrigée par l'administration d'ocytocique
femme, pédiatre, anesthésiste. en cours de travail s'il existe une stagnation de la dilatation.
– Forceps placés sur la table d'accouchement Enfin, il est classique d'utiliser systématiquement l'ocytocine
– Installation de la patiente pour le début des efforts expulsifs à dilatation complète pour garantir une bonne progression
lorsque la présentation est descendue en partie basse
– Épisiotomie non systématique
fœtale pendant les périodes d'engagement et d'expulsion.
– Dégagement du siège spontané ; les manœuvres de Lovset Pour autant, alors que toutes les conditions nécessaires
pour l'accouchement des épaules puis de Bracht pour celui de la à une bonne dilatation sont réunies, et en particulier que la
tête sont utilisées comme aide à l'accouchement dynamique utérine est de bonne qualité, lorsqu'une stagna-
tion de la dilatation cervicale est authentifiée à une heure
d'intervalle, et en particulier dans l'heure qui suit le moment
Surveillance obstétricale où le traitement par ocytocique est initié, la réalisation d'une
Le toucher vaginal horaire permet de juger de l'avancement césarienne est indiquée.
de la dilatation cervicale et de la hauteur de la présentation.
Il n'existe pas actuellement d'examen de seconde ligne Lorsqu'ils sont décidés, seuls les efforts expulsifs contem-
pouvant être utilisé ou ayant fait la preuve de son utilité. La porains des contractions utérines doivent permettre le déga-
réalisation de pH in utero a fait l'objet de quelques études, gement du pôle pelvien fœtal jusqu'à l'apparition de l'angle
portant sur huit à dix cas, mais insuffisantes pour recom- inférieur des omoplates fœtales à la vulve : à tout moment
mander son utilisation. Il n'existe pas à notre connaissance une césarienne peut être envisagée pour arrêt de la progres-
de données publiées ayant évalué l'utilisation de l'oxymétrie sion ou une mauvaise tolérance fœtale. L'épisiotomie n'est
fœtale ou de l'ECG fœtal en cas de présentation du siège. pas systématique mais peut se justifier si la progression du
pôle pelvien fœtal semble « buter » sur le périnée alors que
Deuxième stade du travail : phases les efforts expulsifs sont de bonne qualité.
passive et active La deuxième phase du dégagement du siège, qui corres-
pond au dégagement des épaules et de la tête dernière, est
Dès la dilatation complète, une perfusion d'ocytocine est une phase critique pour le fœtus. Lorsque l'ombilic en pos-
instaurée. Pendant la phase dite « passive », il est possible térieur et l'angle des omoplates en antérieur sont à la vulve,
d'attendre deux voire trois heures à condition que la des- la compression cordonale est majeure dans le canal génital
cente du fœtus progresse après dilatation complète. entre le torse puis la tête et le bassin. D'ailleurs, l'enregistre-
L'accouchement doit se dérouler en présence de l'obstétri- ment du RCF n'est plus possible à ce stade puisque le cœur
cien, de la sage-femme, de l'anesthésiste et du pédiatre mobi- est au niveau de la vulve. Cette compression est responsable
lisés sur place. Il convient de vérifier, avant de débuter les d'une diminution des échanges fœtoplacentaires, justifiant
efforts expulsifs, d'avoir à portée de mains des champs sté- une durée la plus courte possible de cette phase. Même en
riles dépliés en prévision d'une réalisation de la manœuvre cas de politique de manœuvres d'accompagnement, il faut
de Lovset pour l'accouchement des épaules, des dérivés éviter toute traction précoce et respecter le plus longtemps
nitrés en cas de rétraction du col et d'un marche-pied pour possible la progression du mobile fœtal assurée par les
pouvoir réaliser une éventuelle pression sus-pubienne. Il est contractions utérines et les efforts expulsifs.
nécessaire aussi de disposer dans la salle d'accouchement de
forceps et/ou spatules, valves vaginales et ciseaux pour pallier
une éventuelle rétention de la tête dernière. À tout moment, Accouchement eutocique
même après le début des efforts expulsifs, y compris lorsque
le siège est dégagé du périnée, la réalisation d'une césarienne
du siège : mécanique obstétricale
en urgence doit être possible dans les plus brefs délais en cas (planche 9.1, )
d'anomalie, en particulier en cas d'arrêt de la progression ou L'accouchement physiologique du siège se compose de trois
de mauvaise tolérance fœtale. accouchements successifs [8, 10]: le siège, les épaules puis
Au moment de l'accouchement, la patiente doit être coo- la tête, que l'on doit considérer comme solidaires de l'entité
pérante et correctement soulagée. Pour autant, il faut, si « mobile fœtal ». Le moment du dégagement du siège est
possible, éviter de réinjecter la péridurale au moment des concomitant de l'engagement des épaules, le dégagement des
efforts expulsifs pour ne pas entraver un ressenti acceptable épaules est concomitant à l'engagement de la tête. Ainsi, le
des contractions par la femme, et ce afin de garantir sa par- déroulement de l'accouchement d'un siège se fait selon une
ticipation la plus efficiente au cours des efforts de poussée. phase continue sans à-coups, sans arrêt, ni retour en arrière.
La décision de débuter les efforts expulsifs est un moment Il est indispensable de respecter cette « entité fœtale » et évi-
crucial pour le succès d'un accouchement par les voies natu- ter toute traction, en particulier en dehors d'une contraction
relles. Cette décision est conditionnée par une appréciation utérine, qui risquerait de désolidariser les différents élé-
adéquate de la hauteur d'engagement du sacrum fœtal. Cette ments et entraîner un relèvement des bras.
appréciation est délicate et la hauteur d'engagement est faci- Comme l'écrit Lacomme, les risques de cet accouche-
lement surestimée, notamment en cas de siège complet. La ment sont liés à une progression du mobile fœtale avec sa
décision de débuter les efforts expulsifs doit être prise par « petite extrémité première » (passage de la tête mal préparée
l'obstétricien senior, à dilatation complète, lorsque la pré- par le passage du siège) et à « rebrousse-poil » (tout accroche
sentation, c'est-à-dire le sacrum fœtal, est idéalement enga- et se relève : pieds, bras et menton) [8].
gée à la partie basse du bassin maternel, parfois seulement à
la partie moyenne si les conditions semblent très favorables
lors d'un effort de poussée. Accouchement du siège
Décider de débuter les efforts expulsifs alors que la pré- Le diamètre bitrochantérien (9,5 cm) est le diamètre princi-
sentation n'est pas suffisamment descendue expose à deux pal, les diamètres sacrotibial (siège complet) et sacropubien
risques. D'une part, celui de « forcer » une situation dysto- (siège décomplété) sont plus modulables par tassement des
cique et se retrouver à faire des manœuvres difficiles avec membres inférieurs contre le bassin fœtal. L'engagement du
des risques néonatals. D'autre part, celui de prolonger exces- bitrochantérien s'opère dans un axe oblique du détroit supé-
sivement la phase d'expulsion avec, comme conséquences, rieur (diamètre droit le plus fréquent, en SIGA ou SIDP).
un épuisement maternel, un arrêt de la progression, voire Une fois engagé, la progression du siège s'accompagne d'une
une mauvaise tolérance fœtale. Cette situation peut conduire descente-rotation (1/8e de cercle) amenant le diamètre bitro-
l'opérateur à intervenir de façon inappropriée pour per- chantérien orienté suivant le diamètre antéropostérieur du
mettre une aide à l'expulsion qui pourra être à l'origine de bassin de la femme, le sacrum à droite ou à gauche (SIDT ou
complications mécaniques, en particulier du relèvement des SIGT) (figure 9.1). La hanche antérieure fœtale se cale alors
bras ou de la rétention de tête dernière. sous la symphyse. Le dégagement du siège s'effectue ensuite
Chapitre 9. Présentation du siège 129
b c
d e
a. Diamètre bitrochantérien.
b. Variété sacro-iliaque gauche antérieure (SIGA).
c. Variété sacro-iliaque droite postérieure (SIDP). c
d. Variété sacro-iliaque gauche postérieure (SIGP).
e. Variété sacro-iliaque droite antérieure (SIDA). SIDA SIGA
SIDP SIGP
d
a. Siège décomplété en sacro-iliaque
gauche postérieur.
b. Descente et rotation en sacrotrans-
verse.
c. Vue périnéale du siège en sacrotrans-
verse.
d. Rotation du siège en transverse à
partir des différentes positions initiales.
a b
Ballottement Ballottement
céphalique céphalique
Silion du cou Silion du cou
a b c
Fig. 9.3. Éléments du diagnostic de la présentation du siège au palper abdominal. a. Présentation sacro-iliaque gauche postérieure.
b. Présentation sacro-iliaque droite antérieure. c. Présentation sacro-iliaque droite postérieure.
Fig. 9.4. Conduite à tenir devant une présentation du siège au troisième trimestre.
132 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Expulsion spontanée fœtus soit dégagé jusqu'à la pointe des omoplates puis l'opé-
rateur enchaîne avec une manœuvre de Lovset, suivie d'une
(méthode de Vermelin) (planche 9.2) manœuvre de Bracht ou de Mauriceau. Ces manœuvres
Cette attitude reproduit la physiologie, et l'expulsion du d'accompagnement ou d'assistance sont conçues pour assurer
mobile fœtal résulte des seules forces des contractions uté- le dégagement des épaules et de la tête dans un minimum de
rines renforcées par les efforts expulsifs. Lorsque l'expulsion temps. Elles sont plus directives qu'extractives, car adaptées à
est progressive, l'obstétricien ne touche pas au siège. Après une situation eutocique. Dans ce cas-là, elles ne sont pas cura-
le dégagement du siège, le dos tourne de façon spontanée tives d'une dystocie. Exercées dans le respect mécanique des
vers l'avant et les pieds fœtaux doivent reposer sur une axes de progression, les manœuvres s'effectuent avec le mini-
table placée à l'aplomb de la vulve de la femme. Les bras du mum de contrainte physique.
fœtus se dégagent ensuite successivement dans le diamètre
transversal, et le fœtus est à genoux sur la table. Un dernier Relèvement des bras, dégagement
effort de poussée permet le dégagement de la tête en orien-
tation occipitopubienne, éventuellement aidé par une main des bras (planche 9.3)
sus-pubienne pour fléchir la tête. Le dégagement jusqu'à Cette manœuvre est la première étape de la petite extrac-
l'ombilic fœtal représente le temps le plus long mais avec tion de siège. L'indication dystocique est le relèvement des
peu de risque de compression du cordon. En revanche, dès bras et un non-engagement des épaules associé à un arrêt
l'apparition de l'ombilic à la vulve, le cordon ombilical est de la progression du siège au niveau de l'ombilic. Les deux
comprimé, entraînant une diminution des échanges fœto- techniques les plus utilisées sont l'abaissement des bras et
placentaires. La deuxième phase du dégagement (épaules et la manœuvre de Lovset. Cette dernière est la manœuvre
tête dernière) doit donc être rapide (2 à 7 min en général), d'accompagnement utilisée et ne doit pas être débutée avant
où le fœtus effectue généralement quelques inspirations. II l'apparition de la pointe des omoplates à la vulve.
faut être prêt à intervenir durant cette dernière période si
l'expulsion tarde (manœuvres décrites ci-dessous). Manœuvre de Lovset
II s'agit d'une double conversion successive de l'épaule posté-
Manœuvres obstétricales à rieure en une épaule antérieure (rotation d'environ 180°) tout
en exerçant une traction douce vers le bas dans l'axe ombili-
l'expulsion : accompagnement cococcygien. Ces deux rotations se font toujours le dos du
ou intervention en cas de dystocie fœtus en avant. La réalisation de cette manœuvre est facilitée
[8, 10] en empoignant le fœtus au niveau de son bassin à l'aide d'un
champ stérile. La première rotation-traction amène le bras pos-
Dans les conditions obstétricales des années 1950 où les térieur sous la symphyse et le dégage. En effet, le bras posté-
conditions d'acceptation de la voie basse étaient beaucoup rieur, qui était au-dessus du promontoire, effectue une rotation
plus large, Lacomme retrouve une mortalité de 20 % en cas en avant en suivant la ligne innominée du détroit supérieur.
de petite extraction du siège sur singleton, ce qui montre Compte tenu de l'orientation du plan du détroit supérieur,
les risques en cas de dystocie et la nécessité de connaître les l'épaule se visse sur le « pas de vis » pelvien et va se retrouver
manœuvres qui la réduisent [8]. La grande extraction ne sous la symphyse pubienne en avant pour se dégager. Pour
devrait plus être réalisée sur un singleton vivant, elle est à compléter son dégagement, il peut être nécessaire de compléter
réserver à l'accouchement du deuxième jumeau. par un abaissement du bras en attelle. La deuxième rotation-
Il est admis que le dégagement du siège doit se dérou- traction s'effectue en sens inverse, afin de ramener l'autre bras
ler sans intervention. En effet, la grande extraction du siège devenu provisoirement postérieur dans sa position initiale
chez un singleton n'est pas recommandée. C'est pour le antérieure. Le dégagement complet du bras se fait de la même
dégagement des épaules et de la tête que les avis divergent façon.
entre « l'expectative » et des manœuvres dites d'accompa- Cette manœuvre doit être exécutée en souplesse et sans
gnement. Il n'y a pas de données comparant une attitude à-coups. Elle ne présente pas de danger si elle est correcte-
d'expectative ou interventionniste, et les données de l'étude ment exécutée, sans précipitation.
PREMODA rapportent 35 % de l'une et 30 % de l'autre.
Toute traction inopinée, tout incident rompant l'attitude du
fœtus en flexion et désolidarisant les parties fœtales expose à Abaissement des bras
l'accrochement et au relèvement des membres. L'extension des Le tronc est dégagé et le creux axillaire apparaît sous la
bras et la déflexion de la tête rendent l'accouchement sans inter- symphyse mais ne progresse plus. On débutera par l'abais-
vention impossible et nécessitent des manœuvres appropriées. sement du bras postérieur, plus facile. On glisse la main le
La plupart des manœuvres ont donc été décrites pour long du dos du fœtus, on remonte derrière l'épaule pour la
résoudre une dystocie. Cependant, à condition de les réali- contourner et pousser l'index et le médius le long de l'humé-
ser avec prudence, sans précipitation, beaucoup d'équipes rus jusqu'au pli du coude. On appuie sur toute la longueur
réalisent des manœuvres dites « d'accompagnement » afin de de l'os (« en attelle ») pour ne pas le fracturer et on abaisse
raccourcir et de diriger l'expulsion (source d'asphyxie per-par- le bras qui balaie la face du fœtus comme pour le moucher
tum par compression cordonale) mais aussi dans les services [8]. Il faut ensuite répéter la même manœuvre avec le bras
universitaires de faire faire ces manœuvres par les internes à antérieur en passant la main sous la symphyse. Parfois, il est
des fins de formation. Dans ce dernier cas, on attend que le difficile, par manque de place, d'abaisser le bras antérieur. II
Chapitre 9. Présentation du siège 133
1 2
3
5 6
4
7
134 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
3
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7 8
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1. Engagement du siège en transverse.
2. Descente du siège sur le périnée.
3. Début de l'expulsion du siège.
4. Le siège se dégage verticalement.
5. Le siège apparaît à la vulve, dos en avant, les membres inférieurs redressés
sur le ventre du fœtus forment une « attelle ».
6. Dégagement du membre inférieur antérieur.
7. Dégagement du membre inférieur postérieur et du bras antérieur.
8. Dégagement des deux épaules.
9. Expulsion spontanée de la tête.
Chapitre 9. Présentation du siège 135
a b
e f
a. 1er temps : saisir le fœtus à deux mains ; les pouces sont de chaque
côté du rachis, les quatre autres doigts saisissent les hanches et
l'abdomen.
b. 2e temps : tourner le fœtus de 90°, pour amener le plan du dos
fœtal à gauche.
c. Même manœuvre qu'en b, vue en coupe.
d. Même manœuvre qu'en b, vue supérieure [1] ; l'épaule postérieure
passe sous le promontoire.
e. 3e temps : tourner le fœtus dos à droite ; l'épaule antérieure se
dégage.
f. Même manœuvre qu'en e, vue en coupe.
g. 4e temps : on ramène le dos en avant, le second bras s'engage et
g descend dans l'excavation
136 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
faut alors effectuer une rotation du fœtus de façon à ce que le Manœuvre de Mauriceau (figure 9.6)
bras antérieur inaccessible devienne postérieur et renouve-
Cette manœuvre se décompose en trois temps : flexion de
ler l'opération d'abaissement du bras postérieur. Lacomme
la tête, rotation de la tête et dégagement. Dès l'apparition
proposait de réaliser cette manœuvre assez tôt dans la petite
de la pointe des omoplates, on place le fœtus à cheval sur
extraction, c'est-à-dire avant d'avoir trop descendu la tête
l'avant-bras. On laisse alors pendre un peu le fœtus pour
fœtale dans le bassin qui, alors, peut empêcher le passage
voir sortir le bras antérieur, puis on le relève pour aider
de la main de l'opérateur. Si c'est le cas, on peut tenter de
l'expulsion du bras postérieur. Alors, et alors seulement,
remonter la tête fœtale afin de réaliser la manœuvre.
l'opérateur intervient pour dégager la tête dernière : deux
doigts sont introduits dans la bouche du fœtus sur la base
Dégagement de la tête dernière de la langue et on place ensuite l'autre main en « bretelle »
avec l'index et le médius de chaque côté du cou du fœtus.
Manœuvre de Bracht (figure 9.5) La manœuvre débute en appuyant sur la base de la langue
Bracht aide à l'expulsion de la tête dernière une fois que comme pour amener le menton sur le sternum du fœtus
la pointe des omoplates du fœtus apparaît au niveau de la (flexion de la tête). Dans le même temps de la flexion, il faut
vulve. On empoigne le siège des deux mains en appliquant tourner la tête afin de l'orienter en occipitopubien (rota-
les pouces à la face interne des cuisses, qu'elles soient flé- tion de la tête). La traction est effectuée très en bas, dans
chies sur l'abdomen ou non. Les autres doigts de l'opérateur l'axe ombilicococcygien. La traction est assurée par la main
s'appliquent sur les fesses et la région lombosacrée du fœtus. droite qui maintient également la tête en flexion, la main
Le siège est alors relevé doucement sans aucune traction sur gauche n'ayant pour rôle que de solidariser la tête et le cou.
le ventre de sa mère, en faisant pivoter le fœtus autour de la Le dégagement de la tête commence en tirant vers le bas au
symphyse pubienne. Dès que les bras sont dégagés, un aide niveau de la base de la langue et au niveau des épaules pour
exerce une légère pression abdominale pour aider au déga- caler l'occiput sous la symphyse. Lorsque l'occiput est calé
gement de la tête. Dans cette manœuvre, l'accoucheur ne sous la symphyse, le fœtus alors est progressivement relevé
fait que guider l'expulsion qui doit rester spontanée. Aucune vers le ventre de la mère, ce qui permet le dégagement de la
traction sur le fœtus ne doit être exercée, y compris pour tête en faisant pivoter la nuque fœtale autour du bord infé-
l'extraction de la tête dernière. rieur de la symphyse.
Chapitre 9. Présentation du siège 137
a b
Fig. 9.5. Manœuvre de Bracht. a. Coupe sagittale. b. Vue de face.
a b
c d
Fig. 9.6. Manœuvre de Mauriceau . a. Premier temps : abaissement de la tête, occiput contre la symphyse. b. La main droite soutient le fœtus,
l'index et le médius de la main gauche appuient sur les épaules pour fixer l'occiput sous la symphyse. c. Deuxième temps : les doigts de la main
droite sont introduits dans la bouche et, en prenant appui sur le plancher buccal avec la main droite, on relève le fœtus ; l'occiput est appuyé sur
la symphyse. d. La main d'un aide peut exercer une pression sur le fond utérin pour favoriser la sortie de la tête.
138 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
La traction au niveau des épaules ne doit pas être bru- La pose des cuillères s'effectue selon une orientation occi-
tale sous peine de lésion du bulbe (traction violente globale pitopubienne, la tête étant la plus fléchie possible, obtenue
vers le bas) ou du plexus brachial (traction latéralisée pour par le début de la manœuvre de Mauriceau. La réalisation
faire passer une bosse pariétale). Le relèvement progressif du forceps doit se faire avec calme et sans utiliser de force
du fœtus vers le haut permet de voir sortir le menton, le nez, de traction importante. La tête doit être guidée et facilement
le front et le crâne. Le relèvement du fœtus peut également dégagée des parties molles génitales.
s'effectuer en le levant par les pieds.
Le risque principal de cette manœuvre est la paralysie du
plexus brachial par compression ou élongation. Initialement Conduite à tenir en cas de dystocie
décrite en cas de rétention de la tête au-dessus du détroit supé-
rieur, cette manœuvre est actuellement réalisée plus tardive- Au moment du dégagement du bitrochantérien en antéro-
ment dans la phase d'expulsion de la tête afin d'accompagner postérieur, le rachis doit tourner en avant pour que la tête
son dégagement et d'éviter toute traction au niveau des épaules. puisse finalement se dégager. Si cette rotation se produisait
occiput en arrière, la tête se défléchirait dans l'excavation,
le menton accrocherait le bord supérieur de la symphyse,
Forceps sur tête dernière (figure 9.7)
rendant tout dégagement impossible. Il n'existe pas de
En cas d'échec de la manœuvre de Mauriceau, un forceps manœuvre préventive hormis la surveillance attentive de la
sur tête dernière est nécessaire. Un aide lève au zénith le progression de la présentation. En cas de rotation en arrière,
corps du fœtus, pendant que l'opérateur applique le forceps. il faut exercer une contrainte en sens inverse (les mains pre-
nant appui sur les ailes iliaques fœtales) sans traction, tout en
laissant les contractions utérines générer la rotation en avant.
En cas d'arrêt de progression à l'ombilic, on réalise une
manœuvre de Lovset puis une aide à l'expulsion de la tête
(manœuvre de Bracht ou de Mauriceau). Le relèvement
des bras sera traité par l'abaissement des bras ou par la
manœuvre de Lovset.
En cas d'accrochage du menton sur le bord supérieur
de la symphyse, la tête se défléchit et l'occiput est arrêté en
arrière par le promontoire. Cette situation hautement péril-
leuse ne peut être résolue qu'en faisant pivoter le menton
vers le sacrum en arrière. La rotation doit se faire dans la
direction inverse de celle qui a amené le dos en arrière. Elle
peut être réalisée en introduisant la main opposée à la struc-
ture choisie soit par pression directe sur le malaire antérieur
associée à une pression sur la partie postérolatérale de la tête
exercée à travers la paroi abdominale maternelle, soit par
traction sur la commissure latérale postérieure de la bouche
associée à une pression sur la partie antérieure de la tête
exercée à travers la paroi abdominale maternelle. Le menton
dégagé de son obstacle, le mieux est d'utiliser la manœuvre
de Mauriceau. En cas d'échec, on réalisera un forceps sur
tête dernière.
La rétention de la tête dernière par non-engagement ne
devrait plus se voir compte tenu des critères très stricts de
la décision du mode d'accouchement, et de la conduite du
travail et de l'expulsion. Elle entraîne presque toujours des
lésions graves pour le fœtus. La manœuvre de Champetier
de Ribes représente l'ultime manœuvre décrite et néces-
site deux aides. L'orientation de la tête au-dessus se fait
naturellement en transverse, et commence à se défléchir,
bloquant ainsi toute progression de l'expulsion du siège.
La réduction débute par une rotation manuelle sur place
de la tête fœtale vers l'arrière, afin de supprimer l'appui
de l'os malaire antérieur fœtal. Le deuxième temps est
une flexion de la tête qui permettra d'engager la face et la
partie temporofrontale du crâne. II faut également pous-
ser la tête fœtale vers son arrière, afin de dégager la bosse
pariétale postérieure du promontoire et d'orienter la tête
Fig. 9.7. Le forceps sur tête dernière. a. Coupe sagittale prise en fœtale obliquement. L'engagement s'effectue par traction
position mentopubienne. b. Vue de face. D'après Merger R, Levy J, vers le bas. L'extraction par cette manœuvre doit être aidée
Melchior J, Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris: Masson ; 2001. par une expression abdominale. Sa réalisation nécessite de
Chapitre 9. Présentation du siège 139
mettre deux doigts dans la bouche fœtale à la base de la [3] Carayol M, Blondel B, Zeitlin J, et al. Changes in the rates of caesa-
langue pour accrocher solidement le maxillaire. rean delivery before labour for breech presentation at term in France :
Dans certains cas, en particulier en cas de prématurité ou 1972–2003. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2007 ; 132(1) : 20–6.
[4] Goffinet F, Carayol M, Foidart JM, et al. Is planned vaginal delivery
d'hypotrophie fœtale, la tête peut parfois être retenue par le
for breech presentation at term still an option ? Results of an obser-
col de l'utérus qui n'est pas tout à fait à dilatation complète. vational prospective survey in France and Belgium. Am J Obstet
Dans cette situation, il peut être nécessaire de sectionner à Gynecol 2006 ; 194(4) : 1002–11.
l'aide de ciseaux droits la lèvre antérieure du col après expo- [5] Golfier F, Vaudoyer F, Ecochard R, et al. Planned vaginal delivery ver-
sition par un aide muni d'une valve vaginale. sus elective caesarean section in singleton term breech presentation :
a study of 1116 cases. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2001 ; 98(2) :
186–92.
Conclusion [6] Hannah ME, Hannah WJ, Hewson SA, et al. Planned caesarean sec-
tion versus planned vaginal birth for breech presentation at term :
À condition de bien poser l'indication de la tentative de voie a randomised multicentre trial. Term Breech Trial Collaborative
basse et de bien surveiller le travail, l'accouchement par les Group. Lancet 2000 ; 21 : 1375–83 356(9239).
voies naturelles d'un fœtus en présentation siège n'augmente [7] Kayem G, Goffinet F, Clement D, et al. Breech presentation at term :
pas la morbidité et mortalité périnatales de façon significa- morbidity and mortality according to the type of delivery at Port
tive. Une tentative de voie basse ne sera autorisée qu'après Royal Maternity hospital from 1993 through 1999. Eur J Obstet
Gynecol Reprod Biol 2002 ; 102(2) : 137–42.
avoir pris connaissance de l'anatomie du bassin, des biomé-
[8] Lacomme M. Pratique obstétricale. Paris : Masson ; 1960.
tries et de la position du fœtus, et de certains paramètres [9] Macfarlane A, Blondel B, Mohangoo A, et al. Wide differences in
maternels déterminants (préparation, coopération, situation mode of delivery within Europe : risk-stratified analyses of aggregated
obstétricale et médicale). routine data from the Euro-Peristat study. BJOG 2015 ; 9.
Une parfaite connaissance de la conduite du travail et de [10] Merger RLJ, Melchior J. Précis d'obstétrique. Paris : Masson ; 1985.
l'expulsion ainsi que des manœuvres obstétricales est indis- [11] Michel S, Drain A, Closset E, et al. Evaluation of decisional elements
pensable. En particulier, l'opérateur doit avoir à l'esprit les of vaginal delivery in case of breech presentation in 19 university hos-
principes suivants lors de l'expulsion : pitals in France. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2009 ; 38(5) : 411–20.
■ pas de traction s'il y a progression ; [12] Sibony O, Luton D, Oury JF, et al. Six hundred and ten breech versus
■ pas de traction avant que la pointe des omoplates ne soit 12,405 cephalic deliveries at term : is there any difference in the neo-
natal outcome ? Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2003 ; 25(2) : 140–4
visible à la vulve, pas de traction en dehors des contrac-
107.
tions utérines ; [13] Vandenbussche FP, Oepkes D. The effect of the Term Breech Trial
■ des manœuvres d'accompagnement sont possibles. on medical intervention behaviour and neonatal outcome in The
Netherlands : an analysis of 35,453 term breech infants. BJOG 2005 ;
112(8) : 1163.
Références [14] Taylor S. Is cesarean section indicated for breach presentation ?
[1] Benifla J, Venditelli F, Pons J. Présentation du siège. In : Cabrol D, J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29(2 Suppl) : 30–9.
Pons JC, Goffinet F, editors. Traité d'obstétrique. Paris : Médecine- [15] Whyte H, Hannah ME, Saigal S, et al. Outcomes of children at 2 years
Sciences F ; 2003. p. 821–36. after planned cesarean birth versus planned vaginal birth for breech
[2] Cabrol D, Goffinet F. Protocoles cliniques en obstétrique. Paris : presentation at term : the International Randomized Term Breech
Masson ; 2009. Trial. Am J Obstet Gynecol 2004 ; 191(3) : 864–71.
Chapitre
10
Accouchement des grossesses
multiples
T. Schmitz, F. Goffinet
PLAN DU CHAPITRE
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Quel intervalle de temps entre la naissance
Suivi de la grossesse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 de J1 et celle de J2 ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Risques maternels et fœtaux Prise en charge de l'accouchement du second
de l'accouchement des jumeaux. . . . . . . . . . . . 143 jumeau : différentes options . . . . . . . . . . . . . . 146
Choix de la voie d'accouchement en cas Prise en charge active de l'accouchement
de grossesse gémellaire : en pratique . . . . . . . 144 du second jumeau : en pratique. . . . . . . . . . . . 147
Prématurés et risque de rétraction du col. . . . 144 Cas particuliers : grossesses monochoriales
Terme d'accouchement des grossesses monoamniotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
gémellaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Accouchement des grossesses multiples
Travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 de haut rang. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Lieu de l'accouchement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Accouchement du premier jumeau . . . . . . . . . 146
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 141
142 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Nidation
distante
Zygote
Blastomère
Nidation
rapprochée
4j
Blastocyste
7j
Mono-amniotique 1−2 %
13 j
Monstres doubles
Fig. 10.1. Embryogenèse et placentation des jumeaux monozygotes. D'après F. Le Roy. In: Vokaer R. Traité d'obstétrique (tome I). Paris:
Masson ; 1983.
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples 143
Choix de la voie d'accouchement Dans toutes les autres situations, la tentative de voie basse
peut être une solution acceptable.
en cas de grossesse gémellaire : La présentation du second jumeau ne devrait pas influen-
en pratique cer le choix de la voie d'accouchement (tableau 10.2).
Il existe des indications absolues à la césarienne
programmée :
■ placenta praevia recouvrant ; Prématurés et risque de rétraction
■ J1 en présentation transverse ; du col
■ utérus pluricicatriciel ;
■ pathologie gravidique sévère et instable ; En cas de prématurité sévère (< 32 SA) ou de poids fœtaux
■ grossesse gémellaire monochoriale monoamniotique, J1 estimés inférieurs à 1 500 g, la tentative de voie basse est pos-
en siège, J2 en tête, pour laquelle le risque d'accrochage sible, l'impact de la voie d'accouchement sur l'état de santé
des mentons est théoriquement plus élevé qu'en cas de des enfants étant négligeable [24] ou même inexistant dans
grossesse gémellaire biamniotique. une récente série rétrospective française multicentrique [23]
La plupart des équipes proposent également une césa- en comparaison à celui de la prématurité.
rienne programmée en cas :
■ de RCIU sévère avec anomalies Doppler ; Rétraction du col
■ d'estimation de poids fœtal de J2 supérieur de 30 % au
Un accident peu étudié car rare est la rétraction du col sur
poids fœtal de J1.
la tête fœtale en cas d'accouchement du siège pour J2 (après
L'utérus cicatriciel est pour certains une indication de
ou non des manœuvres). En effet, compte tenu des poids des
césarienne mais la tentative de voie basse est possible et pra-
fœtus, il n'est pas rare que l'accouchement de J1 se déroule
tiquée car le risque de rupture utérine ne semble pas supé-
alors que la dilatation du col n'est pas complète.
rieur à celui observé en cas de tentative de voie basse pour
En présence de cet accident, il est nécessaire de pouvoir
les grossesses uniques [4].
intervenir sans délai :
La présentation du siège du premier jumeau est pour beau-
■ l'anesthésiste administrera des dérivés nitrés (spray ou
coup d'équipes une indication de césarienne programmée
voie intraveineuse lente) ;
en raison des risques théoriques d'accrochage des fœtus.
■ une manœuvre de Mauriceau ou une extraction par for-
Cependant, lorsque sont respectés les critères d'acceptation
ceps sera réalisée, ce qui permet dans la majorité des cas
de la voie basse des présentations du siège, et qu'en parti-
de résoudre cet accident.
culier l'équipe s'est assurée de la normalité du bassin par la
Si cette manœuvre échoue, une section de la lèvre anté-
réalisation d'une pelvimétrie, il ne semble pas qu'en France
rieure du col sur 2 à 3 cm aux ciseaux droits sera réalisée, un
cette pratique soit associée avec une augmentation de la
aide exposant l'opérateur avec une valve vaginale.
morbidité et de la mortalité néonatale [22] (tableau 10.1).
Normalité du bassin
Dans l'accouchement des jumeaux, il y a peu de problèmes
Tableau 10.1. Indications de la césarienne dans les de disproportion fœtopelvienne, le poids des enfants étant
grossesses gémellaires. inférieur à la moyenne des enfants uniques et l'accouche-
ment souvent prématuré. Cependant, en cas de présentation
Indications Indications liées à Indications
absolues l'état fœtal discutables
d'un des jumeaux en siège ou de version par manœuvre
interne et de grande extraction d'un second jumeau en som-
Placenta praevia RCIU sévère Utérus cicatriciel
met, certains posent la question d'un pelviscanner avant
recouvrant anomalies Doppler J1 en siège
J1 en présentation Poids de J2 > 30 %
l'accouchement pour s'assurer de la normalité du bassin.
transverse poids de J1 Il n'y a pas, dans la littérature, d'argument pour recom-
Utérus mander un pelviscanner pour l'accouchement des jumeaux,
pluricicatriciel quelle que soit la situation des jumeaux.
Pathologie Le RCOG ou l'ACOG ne la recommandent pas non plus.
gravidique sévère On peut donc dire que, si l'examen clinique du bassin est
et instable
Gémellaire
normal :
monochoriale ■ avant 37 SA : il n'y a pas d'indication à faire un pelviscanner ;
monoamniotique, J1 ■ après 37 SA : il n'y a pas de recommandation en faveur
en siège, J2 en tête d'un pelviscanner sauf en cas de J1 en siège.
Tableau 10.2. Répartition des présentations dans les grossesses gémellaires (d’après [6]).
J1 céphalique : 80 % J1 siège : 18 % Autres (J1 oblique ou
transverse quel que soit
J2 céphalique : 43 % J2 siège : 25 % J2 autre : 12 % J2 sommet : 7 %
J2) : 2 %
J2 siège et autres : 11 %
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples 145
Terme d'accouchement indiqué alors que les conditions locales sont encore défa-
vorables. Les protocoles de maturation cervicale utilisés en
des grossesses gémellaires cas de grossesse unique s'appliquent aussi aux grossesses
En cas de grossesse gémellaire bichoriale, le nadir de la mor- gémellaires, le pronostic de ces déclenchements du travail
talité et de la morbidité néonatales se situe à 38 SA [14]. n'étant pas plus péjoratifs que ceux des grossesses uniques
Au-delà de 40 SA, la mortalité néonatale augmente pour aux États-Unis [28] ou en France [10]. En cas de conditions
les deux jumeaux : J1 (OR : 3,5 ; IC : 2,3-5,4) ; J2 (OR : 2,5 ; locales favorables, le déclenchement se fait par perfusion
IC : 1,8-3,7) [16]. C'est la raison pour laquelle le CNGOF d'ocytocine comme pour les grossesses uniques.
a recommandé, en l'absence de travail spontané, que le
déclenchement du travail soit envisagé entre 38 SA et 40 Complications du travail
SA pour ces grossesses [7]. Une attitude fréquente en cas de
grossesse gémellaire bichoriale non compliquée est de pro- Une fois le travail débuté, les patientes enceintes de jumeaux
grammer un déclenchement à 38 SA en cas de col favorable, sont exposées à un risque de dystocie.
à 39 SA si le col est défavorable.
En cas de grossesse gémellaire monochoriale, et en l'ab- Dystocie dynamique
sence de complications, la difficulté de prédire la morta- La dystocie dynamique est plus fréquente, liée à la surdis-
lité néonatale et le risque de morbidité neurologique en tension utérine. L'indication de la mise en place d'une per-
raison de la possible survenue d'accidents aigus liés à la fusion d'ocytociques répond aux mêmes critères que les
présence d'anastomoses sont en faveur d'un accouche- grossesses uniques.
ment planifié. Le terme optimal d'accouchement d'une
grossesse monochoriale non compliquée est inférieur au
terme optimal d'accouchement d'une grossesse bicho- Dystocies mécaniques de la grossesse
riale. Le CNGOF propose d'envisager l'accouchement à gémellaire hors accouchement de J2
partir de 36 SA sans dépasser 38 SA + 6 jours avec une (planche 10.1)
surveillance rapprochée [7]. En cas de syndrome trans- Des dystocies spécifiques de la grossesse gémellaire
fuseur-transfusé traité et stable, l'accouchement peut être peuvent s'observer même si elles sont très rares [15].
envisagé entre 34 SA et 36 SA. Aucun argument scien- Ces complications s'observent essentiellement en cas
tifique ne justifie dans ce cas précis la réalisation d'une d'accouchement très prématurés avec de petits fœtus. Il
césarienne programmée. s'agit de :
■ la collision qui empêche l'engagement puisque les deux
fœtus abordent ensemble le détroit supérieur ; la seule
Travail issue est la césarienne ;
Du fait de la surdistension utérine, le travail des grossesses ■ la compaction qui s'observe exceptionnellement lorsque
gémellaires est le plus souvent spontané. Toutefois, dans les deux jumeaux se sont engagés ensemble mais ne
certaines situations cliniques, un déclenchement peut être peuvent progresser plus loin ;
■ l'impaction s'observe lorsque J2 s'engage alors que l'ex- Accouchement du premier jumeau
pulsion de J1 n'est pas terminée. Le seul traitement est la
césarienne. Qu'il s'agisse d'une présentation céphalique ou podalique,
on procédera comme lors d'un accouchement single-
ton : la rupture de la poche des eaux est réalisée dans les
Surveillance du travail mêmes conditions, en ayant à l'esprit la plus grande fré-
Il est recommandé d'utiliser un appareil prévu pour enregis- quence des procidences du cordon sur le premier jumeau.
trer simultanément les deux fœtus sur le même support, ce Il faut attendre l'engagement et la descente sur le périnée
qui permet d'identifier plus facilement la situation dange- de J1 avant de faire pousser la parturiente, afin d'écour-
reuse. Le dépistage d'une aphyxie per-partum est plus diffi- ter la phase d'expulsion qui se fait souvent sans problème.
cile pour les deux jumeaux mais surtout pour le second (pas Finalement, le point essentiel est de ne faire accoucher
de possibilité d'apprécier la couleur du liquide amniotique, J1 que lorsque la dilatation est complète : dans le cas
accès parfois difficile pour l'enregistrement de la fréquence contraire, l'accoucheur s'expose à de grandes difficultés en
cardiaque, pH impossible). Devant une anomalie de la dila- cas de manœuvres sur J2.
tation, la mise en route d'une perfusion d'ocytociques paraît
tout à fait justifiée.
Même si elle n'est pas obligatoire, l'analgésie péridu-
Quel intervalle de temps entre
rale est souhaitable compte tenu du recours fréquent aux la naissance de J1 et celle de J2 ?
manœuvres obstétricales et du risque élevé de césarienne Plusieurs études ont montré que l'intervalle de temps écoulé
pendant le travail. Elle permettra de plus, juste après la nais- entre la naissance de J1 et celle de J2 influençait le pronostic
sance de J1, à l'anesthésiste d'obtenir rapidement une anal- néonatal de J2. C'est en effet après la naissance de J1 que J2
gésie profonde permettant des manœuvres endo-utérines est particulièrement exposé à la survenue d'un décollement
sur J2. placentaire, d'une procidence du cordon ou d'une hyperto-
nie utérine, se traduisant fréquemment par une bradycardie
fœtale, voire une asphyxie fœtale. Il a été montré que, plus ce
Lieu de l'accouchement délai était long, plus le pH artériel à la naissance de J2 était
bas [13] (NP3). De même, plus l'intervalle entre la naissance
Il doit tenir compte des besoins spécifiques des gros-
des jumeaux s'allonge, plus le risque de césarienne sur J2 aug-
sesses gémellaires et de la chorionicité. L'augmentation
mente. Cela est retrouvé dans les études rétrospectives hospi-
du risque de complications maternelles ainsi que le taux
talières [19] aussi bien qu'à partir des données en population
élevé d'intervention médicale (césarienne, extractions
de l'état de Washington aux États-Unis [12] et de la Nouvelle-
instrumentales et manœuvres) justifient la présence d'un
Écosse au Canada [17]. Or, il apparaît de plus que la morbidité
gynécologue-obstétricien expérimenté et formé à la réali-
et la mortalité de J2, et en particulier par asphyxie, sont for-
sation de ces manœuvres. Le choix de réaliser l'accouche-
tement corrélées au risque de césarienne sur J2 [24,25,29,30].
ment en salle de travail ou en salle de césarienne est laissé
Le CNGOF a recommandé en 2009 une prise en charge
à l'appréciation de l'équipe obstétricoanesthésique. Pour
active de l'accouchement de J2 afin de réduire l'intervalle de
ces mêmes raisons, les patientes doivent pouvoir béné-
temps écoulé entre les naissances de J1 et J2, le nombre de
ficier de façon large d'une analgésie péridurale et, ainsi,
césariennes sur J2 et ainsi la morbimortalité de J2.
de la présence d'un anesthésiste, en particulier lors de la
phase d'expulsion et de la délivrance, en raison du risque
accru d'hémorragie. Il est recommandé que le centre où Prise en charge de l'accouchement
a lieu l'accouchement ait un accès rapide à des produits du second jumeau : différentes
dérivés du sang. La disponibilité immédiate d'un pédiatre,
voire d'une équipe pédiatrique, est recommandée pour
options
la prise en charge des nouveau-nés. La femme doit y être Les modalités de cette prise en charge active de l'accou-
dirigée pendant la grossesse ou en tout début de travail. chement de J2 varient considérablement selon les pays, les
Dans l'établissement, il est indispensable de bien prépa- centres, les auteurs et le type de présentation (tableau 10.2).
rer le matériel de réanimation pour les enfants et de bien En cas de présentation céphalique haute et mobile, deux
répartir les rôles entre les différents membres de l'équipe, solutions sont possibles :
surtout s'il s'agit de prématurés. Les modalités de l'accou- ■ une version par manœuvre interne suivie d'une grande
chement doivent être précocement déterminées compte extraction de siège ;
tenu du terme optimal physiologique avancé. À partir de ■ une reprise des efforts expulsifs, une accélération du
38 SA, la surveillance doit être celle d'un terme dépassé débit de la perfusion d'ocytocine associée à une rupture
de grossesse monofœtale en raison de l'accroissement artificielle des membranes une fois la présentation pro-
démontré de la mortalité périnatale. En cas de conditions fondément engagée.
obstétricales favorables, un déclenchement peut être envi- En cas de présentation non céphalique, on peut proposer :
sagé après 38 SA. La surveillance par un double monito- ■ une version par manœuvre externe afin d'obtenir une
rage cardio-toco-graphique continu est indispensable. Le présentation céphalique ;
CNGOF [7] recommande donc que l'accouchement ait ■ une grande extraction de siège, précédée d'une version
lieu dans un établissement ou l'on puisse suivre ce cahier par manœuvre interne en cas de présentation transverse
des charges. ou oblique .
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples 147
Aucune étude n'a directement comparé ces différents Le premier jumeau est né. Il faut immédiatement :
types de prise en charge. Il ressort de la comparaison des ■ arrêter l'ocytocine si cela n'a pas été fait au moment du
taux de césarienne sur J2 associés à ces différentes prises en dégagement de la tête de J1 ;
charge que la version par manœuvre interne suivie d'une ■ poursuivre l'enregistrement du RCF jusqu'aux
grande extraction de siège en cas de présentation cépha- manœuvres éventuelles ;
lique haute et mobile [21,27] serait bénéfique par rapport à ■ demander à l'anesthésiste d'injecter 10 ml de xylocaïne
la reprise des efforts expulsifs, de la perfusion d'ocytocine dans le cathéter de péridurale ;
et de la rupture artificielle des membranes systématique ■ apprécier le type et la hauteur de la présentation au tou-
comme cela est pratiqué dans les pays anglo-saxons [1,3 cher vaginal .
11,24,25,29,30]. En cas de présentation du siège, les taux
de césarienne sur J2 sont très élevés (de 24 à 48 %) en cas
de tentative de version par manœuvre externe pour obte-
Faut-il faire une échographie
nir une présentation céphalique [5,26] alors qu'ils sont nuls après l'accouchement de J1 ?
dans les séries françaises pour lesquelles la grande extrac- L'échographie est utilisée par certaines équipes afin d'identi-
tion de siège est systématique [11,18,27]. Ces comparaisons fier la présentation de J2 et de guider les manœuvres. Nous
des taux de césariennes sur J2 expliquent les recommanda- pensons qu'elle n'est pas utile pour plusieurs raisons :
tions émises par le CNGOF en 2009. Celles-ci sont résu- ■ le repérage des pieds par échographie n'est pas toujours
mées dans la figure 10.3. aisé dans un contexte relativement urgent ;
■ cet examen ne renseigne pas sur le « chemin » que devra
emprunter la main de l'accoucheur pour réaliser ses
manœuvres ;
Prise en charge active ■ elle allonge l'intervalle de temps entre les deux naissances
de l'accouchement qui risque d'entraîner une reprise des contractions uté-
du second jumeau : en pratique rines, rendant très difficile les manœuvres ;
■ enfin, l'échographie ne renseigne pas sur la hauteur de la
Les risques associés à la réalisation de manœuvres seront présentation.
faibles à condition que l'équipe soit entraînée et qu'une atti- Ainsi, il nous semble que l'accoucheur, sans l'aide de
tude standardisée ait été mise en place au sein de l'équipe l'échographie et sans respecter d'intervalle libre après la
afin d'éviter toute improvisation. naissance de J1, doit rapidement :
J1 au grand couronnement
Naissance de J1
■ examiner la femme juste après la naissance de J1 afin vulve dos en avant, il n'y a plus qu'à faire une petite extrac-
d'apprécier le type et la hauteur de la présentation ; tion du siège (voir chapitre sur le siège).
■ décider de réaliser des manœuvres si elles sont indiquées ;
■ faire confiance à son expertise clinique pour prendre les
bonnes décisions et repérer les pieds car seule la clinique J2 est en présentation céphalique
permettra de réaliser les manœuvres dans de bonnes Si la présentation est engagée ou en voie d'engagement, l'ac-
conditions. couchement pourra avoir lieu immédiatement. On réalise
Il ne faut pas faire : une rupture artificielle des membranes, on reprend l'ocyto-
■ de versions par manœuvres externes pour verticaliser cine et les efforts expulsifs.
une présentation ; Si la présentation est mobile et, a fortiori, haute, une
■ d'expression utérine ; manœuvre de version par manœuvre interne puis de
■ de manœuvres intra-utérines en cas de contraction uté- grande extraction de siège sera réalisée. L'accoucheur
rine ou de col restant ou rétracté. introduit sa main dans la cavité utérine et tente à mem-
L'important est de ne respecter aucun intervalle libre branes intactes de saisir les deux pieds après avoir suivi le
après l'accouchement de J1. Cette notion est fondamentale dos, les fesses puis les cuisses du fœtus. En cas de succès,
car elle permet d'intervenir alors que l'utérus est encore la version par manœuvres internes sera alors facile et, sou-
souple et la cavité utérine facilement accessible. vent, les membranes se rompent au cours de la version. En
même temps que l'opérateur exerce une traction des deux
pieds dans l'axe ombilicococcygien, sa main abdominale
controlatérale repousse vers le haut la tête fœtale douce-
J2 est en présentation non céphalique ment mais fermement. L'accouchement se termine alors
par une grande extraction du siège avec en général une
Les manœuvres appropriées – version par manœuvre interne manœuvre de Lovset et une manœuvre de Bracht, voire de
puis grande extraction de siège si présentation transverse/ Mauriceau si nécessaire. En cas de difficulté à identifier les
grande extraction de siège si présentation du siège – doivent pieds, une rupture artificielle des membranes est réalisée
être faites sans tarder. Les manœuvres d'extraction sont en pour saisir les deux pieds. Cette recherche des deux pieds
général faciles car le fœtus est dans un utérus à moitié vide, est importante pour le succès sans effort de la version. En
la dilatation est complète, la filière génitale prête pour laisser effet, il est préférable de perdre deux ou trois minutes dans
passer le second jumeau. cette recherche plutôt que de tirer sur un seul pied, même
Pour ce faire, les voies génitales de la patiente sont l'antérieur, car, parfois, la version est alors difficile, entraî-
désinfectées, et l'opérateur est habillé de façon stérile. Si nant une hypertonie utérine. Si l'accoucheur a la sensation
l'on intervient très rapidement après la naissance de J1, d'un début d'hypertonie utérine ou de rétraction du seg-
les contractions utérines n'ont pas repris et l'utérus est en ment inférieur, il doit sans délai demander à l'anesthésiste
général souple et la cavité vaste. En respectant les mem- d'administrer les dérivés nitrés.
branes, on introduit la main dans l'utérus pour repérer la
position du fœtus qui se présente dans l'aire de la dilatation.
En cas de siège décomplété ou de présentation transverse Délivrance
(en cas de siège complet, les deux pieds sont aisément sai- Le risque hémorragique est élevé, lié à la distension utérine
sis au détroit supérieur), le passage du détroit supérieur est et l'insertion basse du(des) placenta(s). La délivrance doit
généralement facile dans l'accouchement de J2 (au contraire être dirigée (5 UI d'ocytocine). Nous préconisons une déli-
de la grande extraction sur singleton) puis le repérage de vrance artificielle rapidement si la délivrance naturelle n'a
la cuisse antérieure permet d'accéder au pied antérieur. Si pas eu lieu dans les minutes qui suivent la naissance de J2.
celui-ci est très haut, il faut atteindre le creux poplité et un Une perfusion d'ocytocine pour prévenir une atonie utérine
doigt sur le tibia fléchira le genou et attirera le pied vers le est systématique et l'utilisation de la sulprostone est d'indi-
bas qui sera saisi. cation large.
Il peut être parfois difficile de différencier une main d'un L'examen du placenta est surtout intéressant pour vérifier
pied. L'identification du talon permet de les distinguer. Il son caractère complet, mais il est souvent décevant pour le
faut donc chercher à saisir le pied antérieur. En effet, une diagnostic de mono- ou bizygotisme. La délivrance est une
traction sur le pied postérieur uniquement risque d'enclaver phase dangereuse pour la mère ; elle doit donc être surveillée
la hanche antérieure au-dessus de la symphyse pubienne et de façon rapprochée durant les deux heures au moins sui-
d'empêcher la progression. vant la délivrance (voir chapitre sur la délivrance).
L'idéal est de saisir les deux pieds car la confusion
entre pied antérieur et postérieur est fréquente. Lorsque
les deux pieds sont saisis, on verticalise le fœtus, siège en Cas particuliers : grossesses
bas. La traction vers le bas par les pieds permet d'engager
le siège en oblique, puis le trochanter antérieur se place
monochoriales monoamniotiques
sous la symphyse pubienne. La traction ne nécessite pas de Il s'agit d'une éventualité rare, représentant environ 1 % des
force mais plutôt de la vélocité et une action continue . grossesses gémellaires. La principale complication redoutée
L'efficacité de l'action est immédiate, rompant de ce fait est l'enroulement et les nœuds des cordons ombilicaux, avec
la poche des eaux et amenant le fœtus dos en avant au anomalies du rythme cardiaque, souffrance fœtale et décès
moment du dégagement du siège. Le siège se présente à la éventuel. Par ailleurs, les manœuvres sur J2 sont rendues
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples 149
plus difficiles puisque les membranes sont déjà rompues. Enfin, la délivrance doit être particulièrement surveillée du fait
Les recommandations pour la pratique clinique du CNGOF du risque élevé d'hémorragie du post-partum.
conseillent la réalisation d'une césarienne prophylactique
dans cette situation, même si quelques travaux montrent
qu'un accouchement par voie basse est possible sans aug- Références
mentation de la morbidité [8]. Le terme de naissance ne [1] Adam C, Allen AC, Baskett TF. Twin delivery : influence of the pre-
devrait pas dépasser 36 SA. sentation and method of delivery on the second twin. Am J Obstet
Gynecol 1991 ; 165 : 23–7.
[2] Barrett JF, Hannah ME, Hutton EK, et al. A randomized trial of plan-
Accouchement des grossesses ned cesarean or vaginal delivery for twin pregnancy. N Engl J Med
2013 ; 369 : 1295–305.
multiples de haut rang [3] Blickstein I, Schwartz-Shoham Z, Lancet M, et al. Vaginal delivery of the
L'accouchement des grossesses multiples de haut rang second twin in breech presentation. Obstet Gynecol 1987 ; 69 : 774–6.
[4] Cahill A, Stamilio DM, Paré E, et al. Vaginal birth after cesarean
(grossesses triples, quadruples et plus) est à très haut risque
(VBAC) attempt in twin pregnancies : is it safe ? Am J Obstet Gynecol
en raison des pathologies maternelles (diabète, HTA) et 2005 ; 193 : 1050–5.
fœtales (prématurité, hypotrophie) fréquemment associées. [5] Chauhan SP, Roberts WE, McLaren RA, et al. Delivery of the nonver-
Ces pathologies conduisent dans bien des cas à la césarienne tex second twin : breech extraction versus external cephalic version.
prophylactique, d'autant plus qu'il s'agit le plus souvent de Am J Obstet Gynecol 1995 ; 173 : 1015–20.
grossesses obtenues dans le cadre de l'aide médicale à la pro- [6] Chevernak F.A., Johnson R.E., Youcha S.. Intra partum of twin mana-
création chez des femmes stériles ou peu fécondes. gement Obst. Gynecol 1985;65:119–24.
Néanmoins, l'accouchement par voie basse est le plus [7] CNGOF (College national des gynecologues et obstetriciens francais).
souvent possible mais requiert la présence, en salle de nais- Recommandations pour la pratique clinique. Grossesses gemellaires. J
sance, de l'anesthésiste, de l'obstétricien et du pédiatre. Le Gynecol Obstet Biol Reprod 2009;38: S28S31.
[8] Demaria F., Goffinet F., Kayem G., et al. Monoamniotic twin pregnan-
suivi et l'accouchement de ces grossesses doivent se faire
cies : antenatal management and perinatal results of 19 consecutive
dans un établissement de type III [9]. cases. BJOG 2004;111:22–6.
Pour les grossesses triples (2/10 000 naissances), il est [9] Dommergues M., Mahieu-Caputo D., Dumez Y.. 1998 Is the route of
important de faire le diagnostic de placentation car les tri- delivery a meaningful issue in triplets and higher order multiples ?
plés bichoriaux ont un risque huit fois plus important de Clin Obstet Gynecol 1998;41:25–9.
mortalité périnatale que les triplés trichoriaux. [10] Ghassani A., Ghiduci M.C., Voglimaci M., et al. Induction of labor in
La majorité des équipes privilégie la césarienne vers twin pregnancies compared to singleton pregnancies; risk factors for
35 ou 36 SA avec une équipe d'accueil au grand complet. On failure. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015;44:237–45.
peut cependant accepter la voie basse en cas de grossesses [11] Grisaru D., Fuchs S., Kupferminc M.J., et al. Outcome of 306 twin
triples en dehors de la grande prématurité, des RCIU, de la deliveries according to first twin presentation and method of delivery.
Am J Perinatol 2000;17:303–7.
présentation transverse d'un des enfants ou d'un utérus cica-
[12] Hartley R.S., Hitti J.. Birth order and delivery interval : analy-
triciel [9]. Une évaluation de la biométrie fœtale doit être sis of twin pair perinatal outcomes. J Matern Fetal Neonatal Med
particulièrement rigoureuse compte tenu de la fréquence 2005;17:375–80.
d'observer une hypotrophie pour l'un des triplés. [13] Leung T.Y., Tam W.H., Leung T.N., et al. Effect of twin-to-twin deli-
L'attitude est une stratégie pour T2 et T3 comparable à very interval on umbilical cord blood gas in the second twins. BJOG
celle de J2 dans la grossesse gémellaire. Il faut, après la nais- 2002;109:63–7.
sance du premier enfant, interrompre la perfusion d'ocyto- [14] Minakami H., Sato I.. Reestimating date of delivery in multifetal pre-
ciques et raccourcir le plus possible les délais pour les fœtus gnancies. JAMA 1996;275:1432–4.
restants, en pratiquant si besoin une version grande extrac- [15] Nissen E.D.. Twins : collision XE "Collision", impaction XE
tion sur le deuxième et le troisième enfant. "Impaction", compaction XE "Compaction" and interlocking. Obstet
Gynecol 1958;11:514–26.
[16] Ong S., Lim M.N., Fitzmaurice A., et al. The creation of twin centile
curves for size. BJOG 2003;109:753–8.
Conclusion [17] Persad V.L., Baskett T.F., O'Connell C.M., et al. Combined vagi-
nal-cesarean delivery of twin pregnancies. Obstet Gynecol
Les grossesses multiples représentent des situations à risque 2001;98:1032–7.
pendant la grossesse et au cours de l'accouchement. La sur- [18] Pons J.C., Dommergues M., Ayoubi J.M., et al. Delivery of the second
veillance du travail sous anesthésie péridurale doit se faire de twin : comparison of two approaches. Eur J Obstet Gynecol Reprod
façon continue et rigoureuse, avec un enregistrement simul- Biol 2002;104:32–9.
tané des rythmes cardiaques des deux fœtus. La voie d'accou- [19] Rayburn W.F., Lavin Jr. J.P., Miodovnik M., et al. Multiple gestation :
chement dépend de multiples paramètres, mais une tentative time interval between delivery of the first and second twins. Obstet
Gynecol 1984;63:502–6.
de voie basse devrait être proposée dans la majorité des cas. La
[20] Riethmuller D., Schaal J.P.. Grossesse multiple, le role de l'echographie.
présence d'un anesthésiste et d'un néonatologiste au moment Apport de l'echographie dans l'appreciation du pronostic obstetrical
du travail est indispensable pour la sécurité maternelle et et interet en salle de travail CD-ROM des Journees d'echographie du
fœtale. Pour l'accouchement de J2, une attitude intervention- College national des gynecologues-obstetriciens francais. 2004.
niste avec d'éventuelles manœuvres endo-utérines est recom- [21] Schmitz T., de Carne Carnavalet C., Azria E., et al. Neonatal outcomes
mandée afin de réduire l'intervalle de temps entre J1 et J2, le in twin pregnancy according to the planned mode of delivery. Obstet
risque d'asphyxie néonatale et le risque de césarienne sur J2. Gynecol 2008;111:695–703.
150 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
[22] Sentilhes L., Goffinet F., Talbot A., et al. Attempted vaginal versus [27] Sibony O, Touitou S, Luton D, et al. A comparison of the neona-
planned cesarean delivery in 195 breech first twin pregnancies. Acta tal morbidity of second twins to that of a low-risk population. Eur
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Chapitre
11
Direction du travail
C. Monrigal, J. Lansac
PLAN DU CHAPITRE
Moyens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Moyens
OBJECTIFS
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : Rupture artificielle des membranes
• d'énumérer les indications, les contre-indications de la La rupture artificielle des membranes a deux effets : un effet
rupture artificielle des membranes et de la réaliser ; mécanique (elle permet un meilleur contact entre le col et la
• de prescrire les principaux ocytociques, en expliquant présentation) et un effet pharmacologique (elle occasionne
leurs effets généraux, utérins, fœtaux, leurs indications, une libération de prostaglandines endogènes).
leurs contre-indications, leur posologie ; Elle peut être faite au début du travail, et notamment en
• de prescrire les principaux tocolytiques, en expliquant début de déclenchement. Elle peut être réalisée de principe
leurs effets généraux, utérins, fœtaux, leurs indications, à 3–4 cm de dilatation, pour faciliter l'entrée dans la phase
leurs contre-indications et la posologie ; active du travail comme le recommandent les partisans
• de prescrire les principaux antalgiques utilisés pendant d'une conduite active systématique du travail. Une rupture
l'accouchement, en expliquant leurs effets généraux, réalisée tôt, parfois dès 2 cm, est ainsi un des éléments de
utérins, fœtaux, leurs indications, leurs contre-indications la direction active du travail selon l'équipe du National
et la posologie. Maternity Hospital de Dublin [12].
Elle est également réalisée pour corriger une anomalie du
travail. Dans ces cas, la rupture permet si nécessaire la mise
en place d'une tocographie interne et la réalisation d'un exa-
La direction du travail est l'ensemble des mesures mises en men de deuxième ligne comme un prélèvement sur le scalp
œuvre pour modifier le déroulement de l'accouchement. fœtal pour étudier le pH ou les lactates, éventuellement le
On peut rechercher, en dirigeant un travail : STAN (ECG fœtal).
■ soit le traitement des anomalies du travail et la norma-
lisation d'un accouchement dont le déroulement n'est Avantages et inconvénients
pas physiologique, car un travail trop long, mal toléré, Il est très difficile d'isoler les seuls effets de l'amniotomie
entraîne un surmenage maternel, par le biais de troubles du reste de la prise en charge de l'accouchement. De nom-
acidobasiques et une souffrance fœtale ; breuses études confirment [2–7] :
■ soit une direction « systématique » du travail dont l'ob- ■ un raccourcissement du travail, sans incidence sur l'état
jectif est de diminuer la durée du travail et de réduire fœtal ;
le risque de césarienne (active management of labour ■ une diminution des doses de Syntocinon® nécessaires ;
[AML]) des Anglo-Saxons. ■ une augmentation de troubles du rythme cardiaque fœtal
Quoi qu'il en soit : (6) , sans effets sur l'état fœtal, mais à l'origine, dans cer-
■ la direction du travail ne doit nuire ni au fœtus ni à la taines études, d'une augmentation plus ou moins signi-
mère ; ficative du taux des césariennes. Il est évident que si l'on
■ la direction du travail engage la responsabilité de l'équipe ne pratique pas de contrôle de l'état fœtal par étude de
obstétricale : obstétriciens, sages-femmes, anesthé- l'oxygénation ou de l'équilibre acidobasique du fœtus, le
sistes, etc. L'abstention pourrait aussi parfois engager leur taux de césarienne risque d'augmenter ;
responsabilité [2–14]. ■ une réduction de la fréquence des dystocies fonction-
Nous limiterons notre propos aux grossesses uniques et nelles définie comme une stagnation d'au moins quatre
en présentation céphalique. heures, avec une dilatation inférieure à 0,5 cm/h.
Pratique de l'accouchement
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152 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
La rupture artificielle des membranes a plusieurs incon- (utilisation dans les cas où le travail est long, avec une
vénients supplémentaires : bosse sérosanguine ou un céphalhématome).
■ elle ouvre la cavité amniotique aux germes pathogènes
vaginaux ; Préparation, voie d'administration
■ elle peut favoriser une procidence du cordon ; On peut diluer l'ocytocine dans du sérum physiologique ou
■ elle interdit de « faire marche arrière » en raison du risque dans du sérum glucosé à 5 %. Une ampoule contient cinq
infectieux. unités. On peut mettre une ampoule dans 500 ml ou dans
Finalement, après plusieurs années de débats sur les avan- 250 ml de sérum. L'administration est contrôlée obligatoi-
tages et les inconvénients de la direction systématique du rement par un perfuseur comptant les gouttes (une goutte
travail dont la rupture artificielle, si le travail évolue bien (dila- représentant alors une demi à 1 milli-unité selon la dilution).
tation de 1 à 1,5 cm/h), il n'y a aucun argument scientifique Actuellement, le plus souvent, le médicament est administré
pour réaliser systématiquement une amniotomie précoce [11]. à la seringue électrique ; si une seringue électrique n'est pas
disponible, le dispositif de perfusion doit être sécurisé. Une
Technique voie veineuse spécifique devrait être dédiée exclusivement à
La technique est précise : elle est précédée d'un bon badi- la perfusion d'ocytocine car toute variation du débit, même
geonnage vaginal avec un antiseptique (chlorhexidine). Elle minime, peut déclencher une phase d'hypertonie utérine
est en général réalisée au cours d'un toucher vaginal avec la potentiellement dangereuse pour le fœtus
branche d'une pince de Kocher, ou avec un dispositif dédié,
qui va perforer les membranes saillantes lors de la contrac- Modalités d'emploi
tion. Il faut toujours tempérer le flux du liquide avec les Le Syntocinon® est utilisé en général après rupture des
doigts vaginaux lorsque l'on rompt avec la pince de Kocher membranes, même dans certains cas comme une présenta-
en raison du risque de procidence, et toujours enregistrer le tion encore haute avec une hypocinésie de fréquence.
RCF au décours de l'acte. La direction du travail pourra être représentée par la
L'amniotomie peut aussi, lorsque la présentation est séquence Syntocinon® suivie ultérieurement de RAM.
haute, être réalisée au cours d'une amnioscopie, une aiguille Schématiquement, trois schémas d'utilisation sont
intramusculaire étant portée au bout d'une pince longuette. décrits : les fortes posologies, les posologies moyennes et les
Dans ce cas, des mains abdominales appliqueront bien faibles posologies. Chaque publication détaille son proto-
la présentation et on réalisera l'amniotomie entre deux cole et chaque service a ses modalités d'emploi, notamment
contractions. la manière d'augmenter la posologie. La posologie doit être
exprimée en mU/minute.
Médicaments agissant sur la contraction Tous les auteurs s'accordent pour prescrire de façon à
utérine(8) éviter une hyperstimulation. La définition de l'hyperstimu-
lation varie : plus de 5 ou 6 CU/ 10 min, voire 7, ou plus
Ocytociques
de 7 CU /15 min (voir chapitre 13, p. 176). Elle est donnée
Ocytocine par le monitorage externe, et ne tient donc pas compte de
C'est une hormone naturelle, de neuf acides aminés, commer- l'intensité des contractions ni du tonus de base mieux appré-
cialisée sous le nom de Syntocinon®. Elle diffère de l'hormone ciés par la tocographie interne. Un début d'hyperstimula-
antidiurétique (ou vasopressine) par deux acides aminés. tion conduit à réduire la dose de Syntocinon®, en général
en revenant à la posologie précédente ; il ne faut pas arrêter
Propriétés le Syntocinon® mais simplement ralentir le débit. L'arrêt de
Effets généraux la perfusion entraîne une diminution de l'effet du produit
Ils ne s'observent qu'à des doses très importantes. Ce sont d'abord rapide ; une quarantaine de minutes sont toutefois
une hypotension et une tachycardie, suivies d'une hyperten- nécessaires pour revenir à la contractilité utérine antérieure
sion, d'une bradycardie et d'une augmentation de la pres- observée avant son utilisation :
sion veineuse centrale, et surtout d'un effet antidiurétique ■ les protocoles utilisant de « fortes doses » commencent
(on a décrit des cas d'intoxication par l'eau pour des doses avec des doses de 5 mU/min, avec des paliers de 5 mU
massives, supérieure à 50 UI). Cet effet doit rendre son utili- toutes les 15 minutes et une dose maximale de 30 ou
sation prudente en cas d'hypertension artérielle. 35 mU/min ;
■ un protocole intermédiaire : débute avec 4 mU, puis avec
Effets utérins des paliers de 4 mU par 15 minutes ; et une dose maxi-
L'ocytocine augmente l'intensité et la fréquence des contrac- male 30 à 40 mU. Ce protocole diffère surtout du précé-
tions, puis, si les doses augmentent, le tonus de base (tonus dent par la dose de départ ;
de repos). Son administration demande donc à être contrô- ■ les protocoles « faibles doses » commencent à 1 mU ou
lée par un monitorage des contractions utérines, ce d'autant 2 mU/min. Beaucoup commencent à 2 mU/min et aug-
plus qu'une même dose a des effets variables d'une personne mentent de 2 mU toutes les 20 ou 30 minutes. La dose
à l'autre. maximale autorisée est de 32 mU/min, mais elle est
longue à atteindre. On peut aussi commencer à 2 mU/
Effets fœtaux min, puis réaliser des paliers de 20 minutes, à 4 mU,
On a rendu le Syntocinon® responsable d'hyperbilirubi- 6 mU, puis 9 mU, 14 mU, 20 mU et 30 mU. Cette posolo-
némie néonatale. Cette responsabilité semble indirecte gie est atteinte si nécessaire après 120 minutes.
Chapitre 11. Direction du travail 153
Lors de l'administration d'une perfusion à débit constant, gnation de la dilatation (dilatation inférieure à 1/2 cm/h chez
l'activité utérine augmente progressivement pendant 20 à la nullipare et à 1,5 chez la multipare), ou une non-descente
30 minutes, puis reste constante. Il faut donc respecter un de la tête après une heure à dilatation complète [11].
délai d'au moins 20 minutes avant d'augmenter à nouveau
les doses. Prostaglandines
Peu d'études sont conduites en tenant compte de l'inten- On ne les utilise plus par voie intraveineuse pour augmenter
sité des contractions mesurée par monitorage interne. Avec l'activité utérine.
la tocométrie interne, l'activité utérine est mesurée en unités En revanche, elles sont assez largement utilisées pour
Montevideo (ou en kilopascal), et elle est normalement com- préparer le col au déclenchement du travail, ou pour déclen-
prise entre 200 et 300 unités Montevideo (somme de l'inten- cher celui-ci (voir chapitre 28).
sité des contractions, en mmHg, par 10 min). Le but est de
maintenir une activité d'au moins 200 unités Montevideo. Tocolytiques
La comparaison des doses fortes avec les doses modérées
montre que des doses fortes s'accompagneraient de moins Les tocolytiques peuvent être utilisés pour diminuer les
d'applications instrumentales, de césariennes, de chorioam- contractions ou les supprimer en cas d'hypertonie ou d'hy-
niotites, et que le travail serait plus court. percinésie de fréquence associées à des anomalies du RCF.
Les plus utilisés sont les dérivés nitrés d'utilisation plus
Contre-indications simples et plus efficace que les bêtamimétiques. Leurs contre-
L'utilisation de l'oxytocine est associée à une augmentation indications générales sont détaillées dans le chapitre 25.
du risque :
■ d'hémorragie du post-partum avec un effet dose dépen- Dérivés nitrés
dant et un surrisque d'hémorragie grave, même avec des On utilise actuellement la trinitrine (Nitronal®) : on dilue
doses modérés d'ocytocine [1] ; 1 mg, soit un cinquième de l'ampoule, dans 10 ml de ClNa
■ d'hyperstimulation utérine avec risque d'hypoxie fœtale 0,9 (soit 100 μg/ml) ; injection de 1 à 2 ml en intraveineuse
et de césarienne [13]. directe, renouvelé au besoin deux à trois minutes après. Une
Elles sont indiquées dans le tableau 11.1. hypotension modérée peut survenir et répond bien à une
Les ocytociques ne doivent donc pas être employés de dose modérée (4,5 à 6 mg) d'éphédrine.(10)
façon systématique et uniquement sur indication médicale, En cas d'hypertonie et d'hypercinésie induites par une
c'est-à-dire en cas d'anomalie du déroulement du travail : erreur thérapeutique (administration inappropriée d'ocyto-
hypocinésie de fréquence ou d'intensité associée à une sta- ciques), administrer la trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/
ml, à diluer 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine
à 50 μg/ml) peut être injectée en intraveineuse directe à la
Tableau 11.1. Contre-indications de l'ocytocine. dose de 100 à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une à
deux minutes.
Contre-indicationsabsolues Contre-indicationsrelatives
Disproportion fœtopelvienne Utérus cicatriciel
Bêtamimétiques
Obstacle praevia
Présentation dystocique : Multiparité Les principaux bêtamimétiques sont répertoriés dans le
– front tableau 11.2.
– transverse Rappelons que les contre-indications absolues sont les cardio-
pathies décompensées, les coronaropathies, les myocardiopathies
Tableau 11.3. Contre-indications des Les nouveau-nés exposés à des doses modérées de péthi-
bêtamimétiques. dine et jugés cliniquement normaux à la naissance (scores
d'Apgar normaux) peuvent présenter, lors d'une surveil-
Contre-indications générales Contre-indications
obstétricales lance respiratoire de longue durée, des épisodes d'apnée et
d'hypoxie (SaO2 < 90 %). À côté de cette dépression néo-
Absolues Infections ovulaire
natale existe un risque de dépression neurologique prolon-
Placenta praevia hémorragique
Cardiopathie gée : somnolence, diminution des réflexes, notamment de
Coronaropathie succion.
Myocardiopathie obstructive
La posologie et les modalités d'administration varient : on
Relatives utilise en général la voie intramusculaire ; la dose initiale est
Hypotension < 9 de 50 à 100 mg environ. Avec une dose de 50 mg, l'effet s'ob-
HTA sévère serve à 30 minutes, et dure trois heures environ. Les réinjec-
Diabète tions sont de 50 à 75 mg toutes les trois ou quatre heures. Le
Hyperthyroïdie Dolosal® n'est plus commercialisé en France depuis 2002 ;
seule existe la forme générique (Péthidine Renaudin®).
obstructives (tableau 11.3). L'ensemble des contre-indications
sont développées p. 294. Les bêtamimétiques sont peu utilisés Nalbuphine
actuellement en raison de leurs effets secondaires. La nalbuphine (Nubain®) est en France préférée à la péthi-
dine. Elle est théoriquement sans effet sur les récepteurs μ
Antispasmodiques et analgésiques des morphiniques, récepteurs responsables de la dépression
Les antispasmodiques ont théoriquement pour but de dimi- respiratoire, mais aussi d'une partie de l'effet analgésiant.
nuer les résistances segmentaires ou cervicosegmentaires. On Elle serait moins dépressive respiratoire que la péthidine,
doute de plus en plus de leurs actions, d'autant qu'il n'existe mais diminuerait davantage la réactivité fœtale à l'enregis-
quasiment pas de données scientifiques et les plus efficaces trement du RCF. On l'utilise par voie intramusculaire, à la
sont les produits qui possèdent une action analgésique, laquelle posologie de 20 mg. En principe, l'injection n'est pas renou-
peut suffire à expliquer les effets bénéfiques observés. Les pro- velée. En raison d'un effet plafond obtenu pour la posologie
duits à action analgésiante sont des dérivés morphiniques. de 0,5 mg/kg, il est inutile d'augmenter cette posologie.
posologies restent encore à évaluer ; néanmoins, actuelle- Tableau 11.4. Diagnostic différentiel entre le début
ment, la posologie la plus recommandée est de l'ordre de du travail (phase de latence) et le faux travail.
0,5 μg/kg en bolus. La présence de périodes réfractaires de
Phase de latence Faux travail
deux minutes fait que l'on n'emploie pas de débit continu. Début du travail
Aucun effet fœtal n'a été rapporté pour cette posologie. Pour
Contractions À intervalle régulier À intervalle régulier
des posologies plus importantes existe une sédation mater-
utérines Tendant à se rapprocher, Espacées
nelle non négligeable. Tendant à devenir plus Intensité irrégulière
intenses ou constante
Naloxone Augmentées par la marche Pas d'augmentation
La naloxone (Narcan®), antagoniste spécifique des récep- à la marche.
teurs μ, est l'antidote de choix des dépressions néonatales Col Non modifié Non modifié
dues aux injections de morphiniques à la mère. Seule la voie
intramusculaire à dose élevée (200 μg) est efficace.
L'emploi de naloxone ne dispense pas de la surveillance
respiratoire du nouveau-né exposé aux morphiniques. maturée des membranes varie d'une équipe à l'autre. Si les
contractions utérines persistent, on est en présence d'une
Analgésie péridurale et anesthésiques généraux phase de latence, prolongée, c'est-à-dire d'une dystocie de
(voir chapitre 12) démarrage. Si les contractions s'arrêtent, on est devant un
Indications faux travail.
Quelques règles générales doivent être rappelées : Pour dire que la phase de latence est prolongée, il faut
■ chaque service doit avoir des protocoles définissant les que la durée maximale autorisée de la phase de latence soit
drogues, leurs posologies et leurs indications, élabo- dépassée. La durée maximale de la phase de latence tolérée
rés et discutés en équipe par les obstétriciens, les anes- par les différents auteurs varie : 20 heures chez la nullipare
thésistes, les néonatologues et les sages-femmes ; les pour Friedman, moins de dix heures pour O'Driscoll).
drogues employées, leur posologie et le nom du pres- Attendre plus de 6 à 10 heures détériore le moral des
cripteur doivent être notés sur le partogramme et sur patientes les plus coopérantes. Un environnement correct
l'observation ; (présence attentive des personnels, présence de l'époux ou
■ l'accumulation des drogues n'est jamais bonne : les effets d'un proche) est nécessaire. Mais si les contractions sont mal
dépresseurs observés alors chez les fœtus peuvent être supportées, ou si le délai devient vraiment long, plusieurs
plus importants que ceux dus à l'addition des effets des alternatives sont possibles, après avoir réévalué les condi-
produits isolés [17]. tions obstétricales, et avoir revu le dossier.
Il faut donc anticiper si possible, en choisissant une ligne Si les conditions sont favorables, on peut déclencher le
d'action qui tienne compte des évolutions possibles, ce qui travail, par perfusion d'ocytocine avec amniotomie plus ou
sous-entend une évaluation aussi précise que possible de la moins précoce, avec ou sans anesthésie péridurale précoce
situation qui impose une direction du travail. Il faut que l'on (on donne « un coup de pouce »).
ait évalué la présentation, le bassin, le poids de l'enfant. Il Si les conditions sont médiocres, on peut dans un pre-
faut que l'on surveille attentivement le fœtus, par un monito- mier temps avoir recours à une sédation, ou reprendre une
rage et, si besoin, par une étude de l'équilibre acidobasique. tocolyse pendant deux heures, par exemple, en perfusion.
Puis, si les conditions locales sont meilleures, on pourra
enchaîner sur un déclenchement avec l'ocytocine. Mais si
Au début du travail
cela n'est pas le cas, se posera le problème soit de poursuivre
Phase de latence ou faux travail la sédation, soit de déclencher avec l'ocytocine dans des
On ne sait si l'on est en présence d'une phase de latence ou conditions moyennes.
d'un faux travail. La distinction est difficile. La phase de Toujours s'imposent des explications, des encourage-
latence peut être longue et réalise alors ce que l'on appelle ments répétés. La déambulation, les variations de position
une dystocie de démarrage. Le faux travail est un état où les maternelle, la balnéation qui peuvent être des adjuvants
contractions bien régulières s'estompent au bout de deux à précieux.
trois heures ; le travail reprendra plus tard et le faux travail S'il y a rupture des membranes, il faut être très vigilant.
peut se répéter ; si deux ou trois heures de contractions sont L'infection débutante peut se traduire par des contractions
ressenties douloureusement par la femme, se pose le pro- utérines régulières, sans effet sur le col si celui-ci n'est pas
blème d'une action thérapeutique. Les signes du vrai et du mûr ; l'emploi, dans ces cas-là, de sédatifs ou de tocolytiques
faux travail sont rapportés dans le tableau 11.4. Aucun des peut être dangereux. Il faut donc attacher la plus grande
critères n'est absolu. importance :
Un test thérapeutique peut être utilisé en injectant de ■ à une modification de l'aspect du liquide amniotique ;
la naléphine ou Nubain®, une demi-ampoule (= 10 mg) en ■ à un rythme cardiaque qui s'accélère, voire montre les
sous-cutané, qui pourra être renouvelé une seule fois après anomalies classées jaune ou orange ;
quatre heures sans dépasser 20 mg. ■ à un utérus, qui se relâche mal, ou reste douloureux dans
Ce test thérapeutique est en principe réservé aux cas où l'intervalle des contractions ;
les membranes sont intactes, où le rythme cardiaque fœtal ■ à des modifications du pouls maternel ou à un état
est normal. L'indication de ce test lorsqu'il y a rupture pré- subfébrile.
156 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Globalement, une attitude interventionniste paraît rai- Declan Meagher, introduit le concept de direction active du
sonnable s'il y a rupture des membranes. Il va de soi que travail (AML). Le point de départ de O'Driscoll était le refus
si le liquide est teinté, cette attitude interventionniste est de très longues durées du travail (« le soleil ne devait pas se
doublement de mise. Les prostaglandines par voie vaginale lever deux fois sur une femme en travail »), durées qui favo-
peuvent être utilisées. risaient les complications maternelles et fœtales, et dont le
vécu psychologique était souvent désastreux.
En cours de phase active L'AML concerne uniquement les primigestes, en présen-
Les agents modifiant l'activité utérine, les analgésiques ou tation céphalique, dont la grossesse n'a pas été compliquée,
l'analgésie péridurale doivent être utilisés en fonction du entrées spontanément en travail et dont le liquide amnio-
partogramme et du comportement de la femme. La conduite tique est clair. Avec l'AML, la plus longue durée de travail
à tenir devant une dystocie fonctionnelle ou devant une dys- tolérée est de 12 heures : dix pour la phase de dilatation,
tocie mécanique est étudiée au chapitre 13, p. 173. deux pour la seconde phase. La direction du travail a ensuite
Trois points sont à discuter : pour but d'obtenir une vitesse de dilation chez la nullipare
■ l'intérêt d'un monitorage des contractions et de l'effet du d'au moins 1 cm par heure.(9)
Syntocinon® par tocométrie interne, qui permet un enre- Les bases de cet AML réalisent « a package of care »(4).
gistrement beaucoup plus précis de la durée des contrac- Ce sont :
tions, de leur intensité et du le tonus de base. L'activité ■ une préparation à la naissance, avec des informations
utérine peut être calculée en unités Montevideo, et le précises sur le déroulement du travail : le travail ne durera
Syntocinon® peut être réglé pour obtenir une activité pas plus de 12 heures, et les parturientes ne seront jamais
utérine d'au moins 200 unités. Cette tocographie interne laissées seules ;
qui nécessite la rupture des membranes peut être utilisée ■ un accompagnement (one-to-one) par une même sage-
surtout en cas d'utérus cicatriciel, chez les femmes obèses femme en charge de la patiente ;
ou si on utilise de fortes doses d'ocytocine ; ■ un diagnostic précis du début du travail, porté par la
■ on considérait que la prescription d'une analgésie médi- sage-femme référente de la patiente, et une rupture artifi-
camenteuse parentérale n'était pas raisonnable si on cielle des membranes, si le diagnostic du travail est posé ;
n'avait pas une idée de l'issue de l'accouchement ou au ■ un examen vaginal est fait deux heures après ; si la dilata-
moins sans avoir défini la conduite à tenir pour la suite tion a progressé de 2 cm ou plus, un autre examen est fait
du travail. Actuellement, avec l'analgésie péridurale, on deux heures après le précédent ;
a davantage de souplesse. Cependant, il ne faut pas que ■ si cela n'est pas le cas, la ligne d'alerte du partogramme,
le confort de l'analgésie permette d'accepter un travail de 1 cm de dilatation par heure, est franchie, et l'emploi
dystocique trop prolongé, source d'asphyxie fœtale. de Syntocinon® est requis ;
L'avantage essentiel de l'anesthésie péridurale est de ■ une analgésie si jugée nécessaire par la femme.
pouvoir permettre d'utiliser toutes les techniques obs- Les résultats de cette direction active sont examinés régu-
tétricales adaptées à la situation fœtale et maternelle, y lièrement, et les cas sont revus régulièrement par un senior.
compris en urgence, en assurant le confort absolu de la Quelques points particuliers à ce protocole peuvent être
mère et en sauvegardant sa participation active à l'accueil soulignés :
du nouveau-né ; ■ le rôle de l'accompagnement est essentiel ;
■ une direction active est indiquée dans les anomalies de la ■ le rôle de la préparation à la naissance est important.
dilatation cervicale ou de progression de la présentation L'emploi systématique de la rupture artificielle des mem-
(NP4 RPC) [5]. branes et du Syntocinon® sont contestés car :
Dans l'accouchement normal, le bénéfice de la direction ■ il n'y a pas d'arguments scientifiques pour dire que la
du travail systématique reste toujours discuté. Cependant, rupture précoce et systématique des membranes rac-
l'analyse réalisée en 2008 par la Cochrane Library montre courcit la durée de la première phase du travail ou dimi-
que la direction active diminue le taux des césariennes. Mais nue le taux de césarienne en l'absence de stagnation du
si les partisans et les adversaires continuent de s'opposer, travail [15] ;
tous reconnaissent que l'environnement psychologique et ■ l'utilisation systématique de la RAM suivie d'une perfu-
que la qualité de l'accueil et de la prise en charge sont essen- sion de Syntocinon®, si elle diminue de 1 h 28 la durée
tiels. L'information sur les pratiques du service dans lequel du travail et baisse le taux de césariennes (RR : 0,87) [16],
on travaille devrait être donnée aux femmes, pour les aider à augmente le risque d'hémorragies du post-partum avec
« préparer leur projet de naissance ». Les cessions de prépa- un effet dépendant et expose aussi aux risque d'hypersti-
ration à la naissance sont un moment privilégié pour don- mulations et d'hypoxie fœtale ;
ner cette information. Malheureusement, la préparation ne ■ en France, en 2010, 64 % des femmes ont reçu des ocy-
peut pas toujours être assurée par la même équipe que celle tociques et 51 % ont eu une RAM dont le bénéfice n'est
qui prendra en charge la naissance. donc pas démontré pour une bonne partie d'entre elles.
La rupture artificielle des membranes et les ocytociques [8] Hamza J. Médicaments utilisés en cours de travail : conséquences
ne devraient être administrés que sur indication médicale : pour le fœtus et le nouveau-né. In : Francoual C, Hureaux-rendu C,
hypocinésie de fréquence ou d'intensité associée à une sta- Bouillie J, editors. Pédiatrie en maternité. Paris : Médecine-Sciences
Flammarion ; 1999. p. 200–8.
gnation de la dilatation ou à une non-descente de la présen-
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Chapitre
12
Douleur
et analgésie obstétricale
R. Desprats
PLAN DU CHAPITRE
Analgésie locorégionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Autres méthodes d'analgésie . . . . . . . . . . . . . . 169
Autres techniques d'anesthésie locorégionale . . . 167 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Analgésie inhalatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Rappel anatomique
L'espace péridural est une formation anatomique virtuelle
fermée à ses deux extrémités. En haut, au niveau du trou
occipital, en bas, au niveau du canal sacré. La dure-mère
Anesthésie L1
tapisse sa face interne ; le ligament jaune et les corps ver péridurale Plexus
tébraux sa face externe. Cet espace est formé d'un tissu ovarien
cellulograisseux dense dans lequel cheminent racines ner
Rachi-
veuses, réseaux veineux et lymphatiques, et de rares forma anesthésie
tions artérielles (figures 12.1, 12.2 et 12.3).
Plexus
Techniques d'abord de l'espace Nerf
hypogastrique
péridural (figure 12.2) parasympathique
supérieur
L'accès à l'espace péridural se fait par voie lombaire au Anesthésie
niveau des espaces intervertébraux L2-L3, L3-L4 ou L4-L5. caudale
Chez l'adulte, la moelle épinière se termine en L1. Le point Bloc paracervical
de repère le plus classique est celui de l'apophyse épineuse Nerf Bloc du nerf honteux
de L4 qui se trouve à l'horizontale des deux crêtes iliaques. honteux interne
Elle n'est pas toujours facile à repérer par la simple palpation
Fig. 12.3. Techniques d'anesthésie locorégionale. D'après Vokaer
R. Traité d'obstétrique (tome II). Paris: Masson ; 1983.
progression de l'aiguille car on arrive au contact de la dure- ■ mettre en place une voie veineuse de bon calibre
mère qui n'est pas reconnaissable par une résistance parti (18 gauges) sur laquelle on branche une perfusion pour
culière, mais qui se laisse refouler sur une profondeur de 3 à administrer un soluté de remplissage et des médicaments
5 mm. Il ne faut surtout pas la perforer car on ne serait plus vasopresseurs en urgence ;
dans l'espace péridural, mais dans le liquide cérébrospinal, ■ installer la patiente en décubitus latéral gauche pour libé
ce qu'il faut surtout éviter. À travers l'aiguille de Thuohy, on rer la veine cave dès les premiers stigmates cliniques ou
introduit un cathéter qui permet d'entretenir l'anesthésie manométriques d'hypotension artérielle ;
sans contrainte de durée. On termine par le branchement ■ surélever les membres inférieurs de façon à assurer
d'un filtre antibactérien à l'extrémité libre du cathéter. Avant un meilleur retour veineux tout en maintenant la tête
d'injecter l'anesthésique local, il faut toujours s'assurer par en position légèrement surélevé en raison du risque de
aspiration qu'il n'y a aucun reflux par l'aiguille ou par le rachianesthésie totale non diagnostiqué ;
cathéter, soit de sang, soit de liquide cérébrospinal. Par sécu ■ avoir toujours prête à l'emploi une seringue d'éphédrine
rité, on commence par injecter une dose test de 3 ml d'anes diluée (3 mg/ml) pour traiter une chute brutale de la ten
thésique local et on attend cinq minutes avant de compléter sion artérielle maternelle. Ce médicament agit comme
l'injection. Cette dose test est suffisante pour dépister un vasoconstricteur, mais aussi comme tonicardiaque. C'est
passage dans le LCS (anesthésie rapide et totale de l'hémi une drogue maniable, sans effet secondaire sur la conduc
corps inférieur) ou en intravasculaire (saveur métallique tion intracardiaque et qui doit être facilement utilisée en
dans la bouche, tintements dans les oreilles et modification première intention en bolus de 3 à 6 mg renouvelables si
de la conscience). nécessaire [22].
De la qualité du geste dépendra la qualité de l'anesthé La surveillance de la tension artérielle doit être rappro
sie. La ponction doit être strictement médiane pour que chée. Toutes les trois à cinq minutes pendant 15 minutes
l'anesthésie soit parfaitement symétrique. C'est l'un des après l'injection d'anesthésique local. Elle pourra ensuite
problèmes de la péridurale qui requiert une expertise par être espacée tous les quarts d'heure pendant 30 minutes,
ticulièrement élaborée, faute de quoi elle n'est plus satis puis adaptée à la symptomatologie maternelle et fœtale. Il
faisante ni pour la patiente ni pour son environnement est souhaitable d'associer à la surveillance tensionnelle le
médical, ce qui est rapporté dans plusieurs études dans monitorage de l'électrocardiogramme et de la SAO2[28].
10 à 15 % des cas environ. D'où l'adage bien répandu :
« La péridurale c'est bien… quand ça marche ! » Actions respiratoires
La musculature abdominale est plus ou moins relâchée sous
l'effet de l'anesthésie péridurale lombaire. Cela facilite la
Effets physiologiques
course diaphragmatique et, par voie de conséquence, amé
Action sur les racines et les nerfs rachidiens liore la mécanique respiratoire. Du fait de la grossesse, cette
En fonction de la concentration de l'anesthésique local uti course diaphragmatique est limitée et les muscles inter
lisé, la progression de l'effet anesthésique sur les trois types costaux jouent alors un rôle non négligeable. Lors d'une
de fibres nerveuses se fait dans l'ordre suivant : anesthésie péridurale pour césarienne, la paralysie pharma
■ les fibres neurovégétatives qui sont les plus fines et les cologique des muscles intercostaux peut remonter jusqu'en
moins myélinisées sont les premières atteintes. Elles D4 et entraîner une sensation de dyspnée avec pâleur sans
gèrent essentiellement le tonus vasomoteur, effet non préjudice majeur pour la patiente en dehors de générer par
souhaité mais inévitable ; fois un peu d'angoisse. Un apport momentané d'oxygène par
■ ensuite, les fibres sensitives : thermiques, puis celles sonde nasale suffit à restaurer une SAO2 normale.
conduisant la douleur et ensuite celles du tact et de la
pression. C'est le niveau d'action à atteindre ; Action sur l'utérus
■ enfin, les plus grosses et les plus myélinisées sont les La contraction utérine est sous déterminisme hormonal.
fibres motrices. Leur anesthésie entraîne un bloc moteur S'il en avait été du muscle utérin comme de tous les muscles
nécessaire pour un acte chirurgical mais pas toujours striés de l'organisme, l'anesthésie locorégionale interrom
désiré pour la seule analgésie obstétricale. prait les contractions. Quand on utilise un anesthésique local
adrénaliné (effet systémique β+), l'intensité des contractions
Effets cardiovasculaires est légèrement diminuée [2].
Lorsqu'on pratique une anesthésie péridurale lombaire, on On observe parfois dans les dix à 15 minutes qui suivent
anesthésie essentiellement les fibres orthosympathiques l'administration d'une injection d'anesthésiques locaux dans
qui gèrent le tonus vasomoteur de tout l'hémicorps infé l'espace péridural une souffrance fœtale transitoire se tra
rieur. En raison des faibles concentrations et des faibles duisant par une bradycardie fœtale plus ou moins intense et
volumes d'anesthésique local utilisés pour l'accouchement plus ou moins prolongée, [6] que l'on a longtemps attribuée
par voie basse, l'incidence de cet effet vasodilatateur sur les à l'hypotension artérielle maternelle initiée par le blocage du
constantes vitales maternelles et fœtales est en général très système orthosympathique décrit au chapitre 11. Quand un
discrète.(6) Mais elles peuvent être importantes en cas de monitorage de la pression intra-utérine est mis en place, on
nécessité d'anesthésie pour intervention obstétricale chirur constate que cet événement s'inscrit le plus souvent en symé
gicale et entraîner une hypotension artérielle sévère.(29) trie d'une hypertonie utérine, sans variations notoires de la
Pour prévenir et traiter les conséquences de ce risque tension artérielle maternelle. La douleur augmente la sécrétion
d'hypotension artérielle, il faut : endogène d'adrénaline [27] qui a des effets bêtamimétiques.
162 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Cet effet modérément tocolytique joue probablement un rôle décuplées. Il y a donc des effets synergiques positifs sans
non négligeable comme régulateur du tonus utérin pendant effets antagonistes délétères. Seul le risque d'hypertonie
l'accouchement. Cela expliquerait en partie le fait que l'événe utérine semble augmenter, ce qui accrédite l'imputation
ment survient surtout après l'injection initiale quand la dou de la diminution de la sécrétion d'adrénaline endogène
leur est souvent intense [4]. maternelle d'autant plus soudaine que la douleur disparait
vite et mieux.
Actions sur les autres organes Le sufentanil est le seul morphinique à posséder l'AMM
Les fonctions endocriniennes, hépatiques, rénales ne sont pour administration en anesthésie péridurale obstétricale.
pas affectées par ce mode d'analgésie. On l'utilise en bolus à la dose de 2,5 à 5 μg et en entretien à
Le péristaltisme intestinal peut être augmenté. Cette la dose de 0,25 μg/ml de solution en PCEA (patient control-
accélération du transit est favorable dans les suites led epidural analgesia). Leur inconvénient principal est d'en
postopératoires. traîner fréquemment du prurit.
La morphine, peu utilisée pour l'accouchement par voie
Pharmacologie basse, est un médicament très apprécié en association avec
les anesthésiques locaux pour l'accouchement par césa
Anesthésiques locaux rienne car il permet d'obtenir une excellente analgésie pos
Les anesthésiques locaux utilisés en anesthésie péridurale topératoire de 12 à 24 heures. À la très faible dose de 100 μg
sont de la famille des amides. en intrarachidien, la morphine n'a pas d'effet dépresseur
La ropivacaïne (Naropéine®) est devenue le gold standard respiratoire chez le fœtus ni d'incidence sur l'allaitement
des anesthésiques locaux utilisés pour l'accouchement. Elle a maternel [12-7].
supplanté la bupivacaïne car, à puissance analgésique égale, D'autres molécules ont été proposées : pour l'instant,
elle a l'avantage de donner un bloc moteur plus faible [7-30]. seule la clonidine reste rarement associée aux anesthésiques
De ce fait, la patiente obtient un meilleur confort avec moins locaux en anesthésie péridurale. Elle potentialise modéré
de sensation de jambes lourdes et conserve un bon niveau ment leur action analgésique. Elle est moins maniable que
de tonus musculaire en phase expulsive. les morphiniques et peut majorer l'effet hypotenseur des
Un autre avantage est le seuil de toxicité cardiaque qui est anesthésiques locaux et générer un état de somnolence.
plus élevé que pour la bupivacaïne.
Cet anesthésique se présente en ampoules à 2 %, 7,5 %
et 10 %. Pour l'accouchement par voie basse, on utilise des Mode d'administration
concentrations de 0,125 % à 0,5 %. Pour la césarienne, la Les sensations douloureuses correspondant à l'étirement
ropivacaïne à 7,5 % peut aussi être associée en parties égales des fibres musculaires du corps et du col utérin se pro
avec de la xylocaïne à 2 %. Cela permet d'obtenir une à trois jettent au niveau de la moelle en D10-D12 avec des rameaux
heures d'analgésie en postopératoire. accessoires pouvant aller de D9 à L1 (figure 12.3). Il suffit
d'administrer de faibles volumes (6 à 8 ml) et de faibles
Lidocaïne (Xylocaïne®) concentrations (0,25 à 1 %) de Naropéine® associée à des
Ses avantages sont la rapidité d'action (5 min) et son effi morphiniques pour obtenir une bonne analgésie. Une anes
cacité analgésique. En revanche, la lidocaïne donne un bloc thésie aussi légère et aussi peu étendue n'a que de faibles
moteur important qui peut être considéré comme délétère répercussions neurovégétatives et motrices (tableau 12.1).
dans un accouchement normal, mais qui peut aussi faciliter Les douleurs provoquées par la compression des muscles
une terminaison instrumentale ou un acte chirurgical tel du petit bassin (psoas et releveurs du périnée) se projettent
que la césarienne. Pour ces mêmes raisons, elle peut s'avé dans les racines sacrées de S1 à S4.
rer précieuse lorsqu'il faut faire une extraction chirurgicale Dès que la tête est engagée, il faut réaliser une analgé
en urgence devant une amorce de souffrance fœtale aiguë à sie étendue de D9-D10 en haut à S4 en bas, ce qui néces
dilatation complète. site un volume d'anesthésique local plus important (8 à
12 ml). Théoriquement, chaque injection devrait se faire
en variant les volumes et les concentrations en fonction
Adjuvants des paramètres obstétricaux. C'est surement la meilleure
Morphiniques méthode mais cela exige la présence de l'anesthésiste exclu
Initialement contre-indiqués dans l'accouchement, en rai sivement dédié à l'obstétrique, ce qui est rarement le cas.
son de leur passage transplacentaire rapide et du risque de
dépression respiratoire sévère chez le fœtus, ils sont désor
mais devenus quasiment indissociables des anesthésiques Tableau 12.1. Voies nerveuses intervenant dans
locaux en analgésie obstétricale, et cela pour deux raisons : la transmission de la douleur pendant les deux
■ ils agissent sur la douleur par des mécanismes complè premières périodes du travail.
tement différents. Les morphiniques se fixent sur les Stades du travail Voies nerveuses
récepteurs μ de la moelle épinière et n'ont aucune action
sur la conduction neuronale. Ils n'ont donc pas d'effets Première période Fibres C empruntant le système
sympathique (D10-D11-D12-L1)
vasomoteurs indésirables ;
■ ils potentialisent fortement l'effet analgésique des anesthé Deuxième période Idem + afférences somatiques
siques locaux dont on peut alors diminuer les doses. La fibres A, nerfs honteux
internes S2 S3 S4
puissance et la rapidité d'installation de l'anesthésie en sont
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale 163
Actuellement, le mode d'administration des anesthésiques qui engendrait des maux de tête, le plus souvent modérés,
locaux par pompes déclenchées par les patientes (PCEA) dans au moins 30 % des cas ;
a supplanté les réinjections itératives [10, 11]. Cela a pour ■ durée d'action limitée en raison de la réticence (toujours
avantage de diminuer la contrainte de disponibilité perma vraie) à accepter de positionner un cathéter à ce niveau ;
nente de l'anesthésiste en salle de travail et de permettre à ■ risque d'hypotension brutale secondaire au bloc neurové
la patiente d'adapter le moment de l'injection à celui de la gétatif étendu et immédiat [21].
réapparition de la douleur. Ce mode d'injection qui donne Elle connaît actuellement un regain de popularité en rai
une satisfaction globale à tout l'environnement obstétrical son de ses avantages :
nous a permis de nous rendre compte du fait que, malgré ■ sa facilité de réalisation technique. Il s'agit d'une simple
l'administration de doses standardisées que l'on croyait peu ponction lombaire ;
adaptées aux ajustements variables de la situation obstétri ■ sa rapidité d'action (inférieure à 5 min) contre 15 à
cale, cela n'avait que très peu d'incidence sur le déroulement 20 minutes pour la péridurale ;
du travail. De nombreuses variantes du mode de réglage du ■ la qualité d'analgésie obtenue. On apporte l'anesthésique
mode de perfusion par la PCEA ont été publiées, allant de local au contact du cône médullaire. Avec la péridurale,
la perfusion continue en passant par des systèmes hybrides on anesthésie les racines nerveuses pendant leur traver
de bolus de base complétés par une perfusion continue sée de l'espace péridural. C'est la raison pour laquelle le
sans dépasser un volume de 10 à 12 mg/h. Logiquement, la risque d'échecs ou d'imperfections est de moins de 2 %
nécessité d'atteindre plusieurs métamères vertébraux pour versus 10 à 12 % pour la péridurale.
couvrir la zone à analgésier justifierait le fait de privilégier La rachianesthésie a été réhabilitée depuis la mise à
les injections par bolus qui permettent la diffusion rapide disposition d'aiguilles « pointe crayon » type Sprotte® ou
et étendue de la solution administrée, alors que la perfusion Whitacre® qui ont fait disparaître presque totalement la
très lente en continue se résorbe essentiellement autour du survenue des céphalées. Elle est choisie à titre quasi sys
point de perfusion et l'extension est beaucoup plus limitée. tématique en chirurgie réglée pour l'opération césarienne.
En pratique, il est souhaitable, pour des raisons de sécu Dans cette indication, on associe 10 mg de bupivacaïne à
rité et pour adapter l'injection à la situation obstétricale, que des morphiniques. L'adjonction de 2,5 μg de Sufentanyl®
la parturiente informe l'équipe médicale avant de s'adminis plus 100 μg de morphine, ce qui permet une prise de bloc
trer un bolus. très rapide et une analgésie postopératoire prolongée de
La meilleure analgésie obstétricale est celle qui donne la 12 à 24 heures en moyenne [5-8]. Elle est aussi utilisée en
plus grande satisfaction à la mère et permet à l'équipe obsté fin de travail pour des souffrances intolérables. C'est très
tricale de travailler dans le confort la sécurité et la sérénité. prisé par les parturientes mais il faut que le travail ne se
prolonge au-delà des 60 à 90 minutes, durée d'action de
Rachianesthésie (figure 12.4) l'effet du produit administré, et l'accouchement reste un
Elle a été pendant longtemps marginalisée comme tech événement capricieux.
nique d'anesthésie locorégionale en obstétrique en raison de Elle est désormais de plus en plus utilisée en début ou
trois inconvénients majeurs : en cours de travail dans la technique dite de « rachi-péri-
■ céphalées secondaires à la brèche dure-mérienne faite au combinée » où la ponction rachidienne est couplée avec
moment de la ponction (avec les aiguilles de Quinke) et la mise en place d'un cathéter dans l'espace péridural pour
Ligament
Inter-épineux
Moelle épinière
L2 Ligament
sus-épineux
2e, 3e et 4e
vertébres L3
lombaires Dure-Mère
Ligament jaune
L4
Queue de cheval
Pathologies neurologiques évolutives (piqûre de la moelle épinière, risque de paraplégie, dangers pour
Les pathologies médullaires évolutives de type sclérose en le fœtus, etc.) sont autant de craintes pour ne pas oser deman
plaques ou syndrome de Guillain-Barré ne sont pas modifiées der une péridurale. Il n'y a pas de choix sans connaissances et
dans leur évolution par la réalisation d'une anesthésie péridu pour les guider dans leur choix on doit, en consultation d'anes
rale mais, dans cette indication, il faut être sûr que, après une thésie, bien expliquer la réalité du déroulement de l'acte. Quand
information détaillée, on a obtenu l'accord de la patiente. Il est cela est matériellement possible, il est extrêmement important
souhaitable de les adresser, pendant la grossesse, en consul d'organiser des réunions d'information collectives de groupes
tation auprès du neurologue. La décision étant collégiale, le de femmes enceintes vers le huitième mois de grossesse et de
choix de la patiente en sera d'autant plus éclairé. s'aider de la présentation de films médicaux qui ont l'avantage
d'illustrer la réalité du vécu de l'accouchement sous péridurale.
Refus de la patiente Le dernier en date est actuellement diffusé aux acteurs médi
Il est exceptionnel qu'une patiente qui souffre et à qui l'on a caux de l'accouchement par les laboratoires Vygon.
fourni des explications précises sur la péridurale en consulta On doit aussi leur distribuer la plaquette éditée par la
tion d'anesthésie refuse d'y recourir. Les messages angoissants SFAR (encadré 12.1).
Complications possibles
Les complications possibles sont :
■ le risque de ponction de la tête fœtale ;
■ le risque de souffrance fœtale aiguë car il y a une forte
résorption sanguine de l'anesthésique local dans cet
espace très vascularisé. Cela se traduit chez le fœtus par
une acidose et bradycardie sévère qui peuvent survenir
dans 15 à 20 % des cas. a b
Le bloc paracervical peut cependant être une alternative à
la péridurale lorsqu'un anesthésiste n'est pas disponible [22]. Fig. 12.6. Deux sortes d'aiguilles utilisables. a. Aiguille de Kobak.
b. Trompette d'lowa. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J.
La petite chirurgie obstétricale. Paris : Masson ; 1977.
Analgésie inhalatoire
On donne à respirer un mélange de protoxyde d'azote et
oxygène. C'est la technique du MEOPA délivrée à l'aide d'un
appareil appelé Entonox®.
Cette technique n'assure pas une analgésie complète.
Elle ne devient vraiment efficace que lorsqu'on obtient des
Fig. 12.5. Anesthésie paracervicale. D'après Dumont M, Thoulon concentrations subanesthésiques, donc des modifications de
JM, Lansac J. La petite chirurgie obstétricale. Paris: Masson ; 1977. la conscience.
168 Partie II. Variantes de l'accouchement normal
Anesthésie générale
Elle reste l'apanage exclusif de l'anesthésiste. Elle fait appel à la
séquence des hypnotiques, morphiniques, curares, et nécessite
le plus souvent une ventilation artificielle sous intubation oro
trachéale. Seuls les curares ne passent pas la barrière placentaire.
Très facile et très rapide à mettre en œuvre, elle est encore
très utilisée en obstétrique dans le monde entier. En France, elle
n'est plus guère utilisée que pour l'urgence obstétricale absolue,
soit 1,7 % des analgésies hors anesthésie locorégionale [9].
Les risques maternels sont évalués à 17,8 fois plus fré
quents et plus graves par rapport à l'anesthésie locorégio
nale par Nordstrom. Lorsqu'elle est réalisée en urgence, le
risque majeur de l'anesthésie est celui de la survenue, rare
mais toujours redoutée, d'un syndrome de Mendelson qui
se traduit par l'inhalation de sucs gastriques acides pouvant
entraîner des lésions pulmonaires irréversibles. Dans cette
complication, la mortalité reste évaluée aux alentours de
50 % malgré les progrès de la réanimation. On peut essayer
d'administrer préalablement des médicaments antiacides
(par exemple citrate trisodique) pour diminuer ce risque.
Tous les médicaments anesthésiques administrés à la
mère par voie générale, sauf les curares, traversent la barrière
placentaire. La prise en charge du fœtus doit tenir compte de
1 leurs effets pharmacologiques.
Plusieurs produits sont utilisés.
2
Hypnotiques
Thiopental (Penthotal®)
Fig. 12.7. Anesthésie du nerf honteux. 1. À l'épine sciatique. 2. Au
Ses avantages sont la rapidité et la qualité de l'anesthésie.
canal d'Alcock. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J. La petite
chirurgie obstétricale. Paris : Masson ; 1977.
Bien que le produit traverse rapidement le placenta (3 min
en moyenne), les effets dépresseurs respiratoires sur le fœtus
sont de courte durée mais nécessitent la prise en charge du
fœtus par le pédiatre réanimateur à la naissance.
Propofol (Diprivan®)
Ce dérivé énolique est actuellement le plus employé des
anesthésiques intraveineux. On avait fondé de grands
espoirs sur cet anesthésique pour l'obstétrique car la qualité
du réveil est incomparablement meilleure qu'avec les barbi
turiques. Malheureusement, cela ne s'applique pas au fœtus
en raison de son immaturité hépatique et le métabolisme du
propofol est exclusivement hépatique.
Kétamine (Kétalar®)
On peut l'utiliser en anesthésie obstétricale comme agent
d'induction à la dose de 1 mg/kg. Il serait analgésique à de plus
faibles doses : 0,25 mg/kg. Faible dépresseur respiratoire, il a
la particularité d'élever la tension artérielle, il est donc indi
qué chez les patientes hypotendues et en cas d'hypovolémie. Il
est très peu dépresseur respiratoire et utilisé pour cette raison
dans des situations où la ventilation artificielle est difficile à
administrer. Il augmenterait aussi parfois le tonus utérin.
Curares
On a dit pendant longtemps qu'ils ne passaient pas la bar
Fig. 12.8. Anesthésie du nerf honteux au canal d'Alcock, trajet rière placentaire, des travaux récents ont remis en cause
de l'aiguille. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J. La petite cette affirmation. Cependant, il n'y a pas d'effets néonataux
chirurgie obstétricale. Paris: Masson ; 1977. cliniquement décelables.
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale 169
Morphiniques Anesthésiste
Ils sont théoriquement toujours contre-indiqués avant L'anesthésie péridurale a révolutionné les conditions de
l'extraction du fœtus en raison de leur passage transpla l'accouchement pour aboutir à ce « miracle » de permettre à
centaire important et rapide. Dans un environnement la femme de vivre, accompagnée de son partenaire et dans le
obstétrical et pédiatrique performant, l'administration de confort qu'elle souhaite, le bonheur d'accueillir son enfant.
faibles doses de morphiniques intraveineux à la mère peut Cela implique que la péridurale soit parfaite techniquement
être envisagé. lors de la ponction et rigoureuse dans sa surveillance et son
adaptation au déroulement de l'accouchement.
Réussir la ponction est déjà un challenge car une péridu
Benzodiazépines rale parfaite, c'est merveilleux, une péridurale latéralisée ou
Elles passent la barrière placentaire. À très fortes doses, insuffisante, c'est décevant et même parfois un échec si la
elles peuvent être responsables d'ictère nucléaire et même terminaison est chirurgicale et doit se faire sous anesthésie
à faibles doses elles peuvent entraîner des retards d'adapta générale.
tion prolongés chez le fœtus. Il est conseillé de ne les utiliser Le plein succès de l'analgésie ne sera parfait que si le cathé
qu'après extraction de l'enfant. ter est placé strictement médian dans l'espace péridural.
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Chapitre
13
Accouchement dystocique
P. Gaucherand
PLAN DU CHAPITRE
La dystocie, l'indication la plus fréquente de Diagnostic de dystocie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
césarienne pendant le travail . . . . . . . . . . . . . . 175 Conduite à tenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Le travail normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Causes des dystocies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
plus rare actuellement), d'un gros enfant, d'une anomalie fémur supérieur à 77 mm fait suspecter une macrosomie.
des contractions utérines ou de la dilatation du col. La valeur prédictive de l'échographie est toutefois médiocre
pour l'évaluation du poids fœtal que l'on apprécie qu'à 15 %
près en plus ou en moins, dans 50 à 70 % des cas, quelles que
Disproportions fœtopelviennes soient les formules mathématiques proposées (voir chapitre
Anomalies du bassin 15, p. 191)
Ces anomalies du bassin peuvent être connues :
■ avant l'entrée en travail ; une radio aura été réalisée avant Anomalies de présentation
l'accouchement ;
■ en cours de grossesse ou elle peut être suspectée en fin de Nous avons vu dans les chapitres 4 et 8 qu'une présentaion
grossesse ; mal fléchie antérieure ou postérieure (bregma, front, face)
■ en début de travail. peuvent entraîner des dystocies et des difficultées pour l'ac-
L'examen clinique de fin de grossesse ou à l'entrée en couchement par voie basse d'un fœtus de poids normal chez
salle de naissance est essentiel. On tiendra compte : une maman dont le bassin est normal. Le modelage physio-
■ de la taille maternelle si elle est inférieure à 1,50 mètre ; logique de la tête fœtale (figure 13.2) combine ses effets à
■ de la hauteur utérine qui peut être trop élevée si le fœtus l'asynclitisme pour permettre l'accouchement. Toutefois, si
est « posé » sur le détroit supérieur en raison d'un bassin un décalage de quelques millimètres des os du crâne fœtal
anormal ; est acceptable, la constatation d'un chevauchement est une
■ du résultat du palper introducteur ; indication formelle d'arrêt de l'épreuve du travail.
■ du résultat du toucher vaginal avec recherche du pro- Il faudra donc tenir compte du type de présentation et
montoire ou suivi de la ligne innominée (voir chapitre 2, s'aider éventuellement de l'échographie en salle de naissance
p. 27) ; pour la préciser.
■ du débord symphysaire du mobile fœtal.
Les pelvimétries ou pelviscanner sont de plus en plus rare- Anomalies de la dynamique utérine
ment demandées en raison : Comment les reconnaître ?
■ de la rareté des rétrécissements pelviens importants dans
nos pays occidentaux, en dehors des fractures du bassin ; En dehors des situations très caractéristiques (hypercinésies
■ de la pertinence de l'examen clinique lors de la consulta- et hypocinésies de fréquence, hypertonie), les anomalies de
tion du neuvième mois de la grossesse ; la dynamique ne sont pas faciles à reconnaître cliniquement.
■ de l'absence d'utilité démontrée de la connaissance des Les informations données par la tocographie externe
mesures du bassin dans la conduite du travail ; sont le plus souvent insuffisantes car elles ne permettent que
■ du risque lié à l'irradiation du fœtus. de définir la durée et la périodicité des contractions, mais
On réserve l'indication du pelviscanner aux anomalies ne permettent pas de quantifier leur intensité. La tocogra-
cliniques du bassin, aux accouchements par le siège et aux phie interne peut être utile si l'entregistrement externe est
accouchements avec utérus cicatriciel. difficile, en particulier chez les obèses ou en cas d'utérus
Il importe de connaître les dimentions des principaux cicatriciel.
diamètres radiologiques normaux : La tocographie évalue la durée des contractions, l'inten-
■ le diamètre promonto-rétro-pubien supérieur ou égal à sité, le tonus de base (tableau 13.3).
10 ,5 cm ; L'activité utérine est exprimée en unités Montevideo
■ le diamètre transverse médian supérieur ou égal à (voir Chapitre 3, « Surveillance électronique »). Des inté-
12,5 cm ; grateurs expérimentaux calculent sur 15 minutes la surface
■ le diamètre bisciatique supérieur ou égal à 10 cm. des contractions exprimées en kPa/15 min et permettent de
Lorsque l'indice du détroit supérieur (encore appelé constater que l'activité utérine au cours de l'accouchement
indice de Magnin), qui correspond à la somme du diamètre
promonto-rétro-pubien et du diamètre transverse médian,
est inférieur à 20 cm, le bassin est qualifié de chirurgical.
Seule cette situation pelvimétrique doit conduire à la pra-
tique d'une césarienne prophylactique. Dans tous les autres
cas, l'épreuve du travail doit être tentée.
Poids de l'enfant
On peut avoir un petit bassin et accoucher par voie basse
d'un enfant de petit poids sans difficulté. À l'inverse, l'ac-
couchement peut se révéler dystocique bien que le bassin
soit normal car l'enfant est gros et pèse plus de 4 kg. La bio-
métrie échographique près du terme permet d'apprécier le
poids fœtal même si elle doit être interprétée avec prudence
compte tenu de son imprécision. La constatation d'un dia-
mètre bipariétal supérieur à 100 mm, d'une circonférence Fig. 13.2. Modelage du crâne fœtal en présentation transverse
abdominale supérieure à 380 mm ou d'une longueur du dans un bassin aplati.
178 Partie III. Accouchements pathologiques
Tableau 13.5. Tentative de classification des péridurale, de 1,1 heure pour une nullipare, de 0,4 heure
patientes à l'entrée en salle d'accouchement [19]. pour une primipare et de 0,3 heure pour une multipare.
Ainsi, une dilatation est considérée comme stagnante à
1 Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail
spontané
partir de 6 cm, avec des membranes rompues et l'absence
de modification du col pendant quatre heures en cas de
1 Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, contractions régulières et adaptées, et pendant six heures
déclenchement ou césarienne programmée
lorsque les contractions sont irrégulières et insuffisantes.
2 Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail À dilatation complète, la non-progression (ni descente
spontané ni rotation) de la présentation sera admise chez la nullipare
3 Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, après trois heures sans péridurale et quatre heures avec
déclenchement ou césarienne programmée péridurale.
4 Antécédents de césarienne, unique céphalique, ≥ Chez la multipare, le passage de 4 à 6 cm est en moyenne
37 semaines de 2,2 heures et celui de 6 cm à complète de 1 heure. À dila-
5 Toutes les présentations du siège chez une nullipare tation complète, la non-progression (ni descente ni rotation)
de la présentation sera admise chez la multipare après après
6 Toutes les présentations du siège chez une multipare (y
deux heures sans péridurale et trois heures avec péridurale.
compris antécédents de césarienne)
Sous réserve d'un rythme cardiaque fœtal normal, il n'y
7 Toutes les grossesses multiples (y compris antécédents de a pas d'effet délétère de la durée de la deuxième phase (des-
césarienne)
cente et rotation à dilatation complète) sur l'état néonatal
8 Toutes les présentations anormales (y compris les apprécié par un score d'Apgar inférieur à 4 à cinq minutes,
antécédents de césarienne, mais en excluant les ou un pH au cordon inférieur à 7, ou d'intubation, voire
présentations du siège
d'admission en Unité de réanimation et de sepsis [14].
9 Toutes les grossesses uniques en présentation Ces constatations sont de nature à autoriser une prolonga-
céphalique, ≤ 36 semaines (y compris les antécédents de tion de l'attente à dilatation complète, avec un rythme cardiaque
césarienne) fœtal normal, certainement au-delà des deux heures classique-
ment admises, surtout si la femme est sous péridurale [20].
Sans aller jusqu'aux propositions de Zhang qui ne
reposent que sur des études de données de longueur des
■ enregistrement du RCF continu ou auscultation différentes périodes du travail et ne permettent pas d'affir-
intermittente ; mer qu'attendre autant n'est pas nocif pour l'enfant, il paraît
■ déambulation maternelle ; donc licite, dans la surveillance de la première et de la deu-
■ direction active du travail adapté ; xième phase du travail, d'avoir une attitude d'expectative
■ espacement des touchers vaginaux (toutes les 4 h recom- plus prolongée avant de prendre une décision de césarienne
mandées par l'OMS). pour échec de l'épreuve du travail, surtout si la femme a une
péridurale.
Il paraît raisonnable d'attendre jusqu'à :
Diagnostic pendant le travail ■ quatre heures si la dilatation stagne après 6 cm, mem-
Stagnation du travail branes rompues ;
Cette situation obstétricale constitue une des principales ■ trois heures à dilation complète.
occasions du diagnostic de dystocie en cours de travail.
Elle associe une stagnation de la dilatation en première
phase du travail et une absence de descente de la présentation Anomalies des contractions
à dilatation complète en deuxième phase de travail. Le rythme La stagnation du col en première phase du travail ou la non-
cardiaque fœtal est normal. progression de la présentation en deuxième phase du travail
peut être en relation avec des anomalies de la dynamique
Savoir attendre utérine. Elles ne sont pas toujours très faciles à reconnaître.
Les informations données par la tocographie externe sont
Dans ces conditions, il faut se garder de décisions obsté-
d'ailleurs souvent insuffisantes car elles ne permettent de
tricales hâtives de façon à prévenir la première césarienne
définir que la durée et la fréquence des contractions, mais en
[21]. Nous avons vu que Zhang [25] et l'American college
aucune façon de quantifier leur intensité.
of obstetricians and Gynaecologists [5] proposent des
Les hyspocinésies doivent être traitées par perfusion
seuils d'interventions différents de ceux proposés il y a plu-
d'ocytocique. Le but du traitement ocytocique est d'obtenir
sieurs décennies par les équipes utilisant le partogramme
une dynamique normale, mais en aucun cas on ne doit pro-
de Friedmann. Ainsi, cette équipe rapporte des durées
voquer une hypercinésie qui conduirait peut-être à la dilata-
moyennes ou maximales qu'il convient de retenir avant de
tion complète, mais au prix d'une asphyxie fœtale aggravée
définir une stagnation en cours de première phase du travail
par un probable forceps laborieux.
et l'absence de progression en deuxième phase.
Chez la nullipare, le passage de 2 à 6 cm prend en moyenne
six heures, et de 6 cm à dilatation complète 2,1 heures. Hypercinésies de fréquence et/ou d'intensité
La dilatation complète atteinte, une augmentation de la Ce sont les plus fréquentes, qu'il s'agisse de contractions
deuxième phase du travail est possible en cas d'anesthésie très intenses ou au contraire de faible intensité mais très
Chapitre 13. Accouchement dystocique 181
rapprochées, avec un tonus de base qui reste élevé. Parfois, ne donnant que des informations intermittentes et induisant
les contractions sont très rapprochées, elles prennent un un certain nombre d'actions iatrogènes ;
aspect bigéminé avec une contraction intense et l'autre ■ l'oxymétrie de pouls fœtal, et surtout l'enregistrement de
plus faible. Ces situations se retrouvent volontiers chez une l'électrocardiogramme fœtal (STAN), semblent promet-
patiente agitée en travail depuis plusieurs heures avec une teurs mais les effets sur une réduction du taux d'extrac-
progression médiocre de la dilatation malgré l'utilisation tion instrumentale ou de césarienne en cours de travail
des ocytociques. Le col est œdématié et rigide. Une dispro- n'ont pas été démontrés par les essais randomisés publiés
portion fœtopelvienne et une présentation défléchie doivent (voir chapitre 14).
toujours être recherchées. En l'absence de preuve évidente
en faveur de l'un de ces deux diagnostics, l'arrêt des ocyto-
ciques et la mise en place d'une analgésie péridurale per- Conduite à tenir
mettent souvent de corriger l'hypercinésie.
Une fois la péridurale installée, la perfusion de Indications de la césarienne
Syntocinon® doit souvent être remise en route pour réta- prophylactique
blir une dynamique suffisante. Le résultat de ce traitement Il persiste bien sûr des indications incontournables de césa-
doit être positif dans les deux heures qui suivent et, en cas rienne prophylactique et, de fait, des contre-indications
d'échec, la césarienne s'impose (voir chapitre 11, « Direction absolues à l'épreuve du travail :
du travail », p. 151). ■ obstacle praevia : placenta recouvrant fibrome ou kyste
paraevia ;
Anomalies du rythme cardiaque fœtal ■ présentation fœtale dystocique: transverse ;
■ macromie > 5 000 g ou > 4 250 + diabète ;
Elles peuvent être la conséquence de la dystocie. Leur ■ pathologie maternelle bassin chirurgical ;
apparition doit faire rechercher la cause, en particulier une ■ pathologie fœtale : kyste sacrococcygien, volumineux
hypercinésie liée a une disproportion fœtopelvienne. omphalocèle.
Nous avons vu (voir Chapitre 1, « Physiologie du fœtus in
utero en fin de grossesse ») qu'une pression intra-utérine de
plus de 80 mmHg interrompt la circulation dans les artères Épreuve du travail
utéroplacentaires et, dès que la pression atteint ou dépasse Dans toutes les autres situations à risque de dystocie,
30 mmHg, la circulation dans la chambre intervilleuse diminue. l'épreuve du travail peut être tentée.
Des contractions trop rapprochées, trop intenses, ou un tonus L'épreuve du travail est une tentative raisonnable d'ac-
de base trop élevé, modifient l'apport d'oxygène ou de glucose couchement par voie basse en présentation céphalique.
au fœtus, la persistance de l'hypercinésie va entraîner une Elle débute lorsque la patiente est dans la phase active du
asphyxie fœtale qui se traduira par une altération du rythme travail (c'est-à-dire à 3 cm, col effacé) et membranes rom-
cardiaque fœtal. Il faut donc diagnostiquer ces hypercinésies et pues (rupture spontanée ou rupture artificielle).
les traiter avant que n'apparaissent les signes de souffrance. L'indication a, en principe, été posée à la dernière visite.
Le monitorage du rythme cardiaque fœtal est très sen- L'obstétricien de garde et la sage-femme qui ont en charge
sible (car être très sensible est très bénéfique) mais peu spé- la parturiente reverront eux cette indication en début de
cifique ; cela signifie un taux très faible de faux négatifs avec, travail. Ils examineraont le bassin, reverront le palper intro-
en revanche, un taux important de faux positifs. Il enregistre ducteur, referont éventuellement une mesure du bipariétal
ainsi des anomalies du rythme qui ne sont pas obligatoire- ou de la corconférence abdominale.
ment significatives et cela conduit à des extractions instru- Les éléments du pronostic sont consignés dans le dos-
mentales ou des césariennes abusives par une application sier obstétrical, de même que les recommandations pour la
excessive du principe de précaution. durée de l'épreuve et la réalisation d'une éventuelle extrac-
Le rythme cardiaque fœtal normal met à l'abri, a priori, tion instrumentale (tableau 13.6).
d'une hypoxie ou d'une acidose. En revanche, l'interpréta-
tion des anomalies du rythme cardiaque fœtal est beaucoup
plus délicate (voir chapitres 3 et 14). Toute analyse reposant
sur l'interprétation reste subjective avec ce taux de faux posi- Tableau 13.6. Éléments du pronostic à noter
tifs très importants. au début d'une épreuve du travail.
Si le rythme cardiaque fœtal est normal ou franchement Âge
pathologique, il n'y a pas de place au doute quant à la prise Parité et poids du dernier enfant
en charge. Poids
Si le rythme cardiaque fœtal est intermédiaire, la décision Taille
est difficile. Des propositions de stimulation du scalp, de Prise de poids pendant la grossesse
Terme
changement de position, d'amnio-infusion, d'arrêt de per- Données du palper introducteur
fusion de l'ocytocine ont été faites mais les données dispo- Diamètre promonto-rétro-pubien
nibles n'ont pas démontré leur utilité pour réduire le risque Diamètre transverse médian
d'asphyxie per-partum. Diamètre bisciatique
D'autres alternatives peuvent également être envisagées : Indice du DS
■ le pH ou les lactates au scalp reste pour beaucoup la Diamètre bipariétal
Circonférence abdominale
méthode de référence mais constitue une méthode invasive,
182 Partie III. Accouchements pathologiques
– une diminution des déchirures périnéales graves ; La conduite à tenir doit faire une large part à l'expecta-
– l'absence d'aggravation de l'état néonatal ; tive dans les dystocies survenant au cours du travail. Cette
– mais une augmentation des hémorragies du attitude est rendue possible par la péridurale qui permet
post-partum de prolonger le travail sans inconfort pour la mère et sans
Dans un travail analytique rétrospectif effectué dans le risque pour le fœtus si le RCF est normal. Cette attitude
service [1], il semble que l'augmentation de la durée des d'expectative doit permettre d'éviter un certain nombre de
efforts expulsifs diminue le nombre d'extractions instru- césariennes au cours du travail. Cet avantage ne doit pas être
mentales, en particulier par forceps, sans aggravation de acquis au détriment de l'enfant.
l'état néonatal (liquide amniotique méconial, score d'apgar Il convient pour cela de disposer en permanence d'un
inférieur à 7 à 5 min, pH inférieur à 7,05) ni d'aggravation partogramme bien tenu et de respecter les délais que l'on
de l'état maternel (en termes d'hémorragie du post-partum). doit se fixer à l'avance, chaque fois qu'une décision théra-
L'analyse des données indique que ces résultats sont obtenus peutique est prise.
jusqu'à trois heures d'expectative à dilatation complète et Au cours du travail (y compris à dilatation complète), la
jusqu'à 40 minutes d'efforts expulsifs. Aucune amélioration réalisation systématique d'une césarienne après deux heures
n'est rapportée au-delà de ces délais. de stagnation de la dilatation doit être reconsidérée du fait
Il faut faire une extraction instrumentale (ventouse, spa- d'une diminution des césariennes en cas d'expectative pro-
tules ou forceps) si la présentation est engagée au détroit longée (NP2, RPC) [6].
moyen et stagne dans l'excavation depuis une à deux heures. À l'instar de nombreuses recommandations, il paraît
Il faut s'assurer de : possible de proposer des commandements pour changer les
■ la dilatation complète ; mentalités obstétricales :
■ la rupture des membranes ; ■ connaître les non-indications de césarienne ;
■ l'engagement effectif de la présentation ; ■ limiter l'induction du travail aux indications médicales,
■ l'absence d'une volumineuse bosse sérosanguine ; maternelles ou fœtales ;
■ l'orientation de la présentation (présentation antérieure, ■ revoir les définitions :
postérieure, transverse). – d'échec d'épreuve du travail ;
L'échographie de salle de travail a toute sa place en com- – de stagnation de la dilatation ;
plément de l'examen clinique pour préciser le type de pré- – de durée du travail (les différentes phases, la dilatation
sentation et son engagement si on a un doute du fait d'une complète, les efforts expulsifs) ;
bosse sérosanguine : – tenir un partogramme précis en continu ;
■ une échographie sus-pubienne repérera le côté du dos – être critique sur le rythme cardiaque fœtal ;
fœtal et les orbites répondent assez fidèlement à la ques- – former sans relâche à la voie basse instrumentale ;
tion de la présentation postérieure ou non ; – changer les mentalités sur la césarienne ;
■ une échographie périnéale avec mesure de la distance – informer les femmes et la population des consé-
périnée-boîte crânienne fœtale jugera de l'existence et quences de la première césarienne ;
de l'importance de la bosse sérosanguine et appréciera – revaloriser l'accouchement par voie basse ;
le caractère « possible » de l'extraction instrumentale. La – ne pas craindre les aspects médicolégaux.
distance périnée-boîte crânienne inférieure à 6 cm per- Enfin, les équipes médicales de « débriefing » devraient
met de penser que la tête est engagée [16] ; être plus précis :
■ toute extraction instrumentale au tiers supérieur de l'ex- ■ taux de voie haute sans indication médicale vraie ;
cavation doit être exceptionnelle. ■ taux d'induction du travail sans indication médicale ;
■ taux de stagnation ou d'échec de déclenchement ne
répondant aux critères ;
Cas particulier des présentations ■ taux de césarienne pour anomalies du rythme cardiaque fœtal ;
postérieures ■ taux de césarienne par groupe à risque de patientes.
Les présentations OIDP ou OIGP sont souvent mal fléchies
et sont la cause de dystocie, en particulier lors de la descente
de la tête dans l'excavation (voir chapitre 4). La rotation Références
manuelle après avoir vidé la vessie peut permettre de déblo-
quer la situation. La technique est décrite au chapitre 29. Le [1] Atallah A, Battie C, Gaucherand P. Conséquences néonatales et taux
d'extraction après prolongation de la 2e phase du travail XE "Travail".
taux d'échec est de 11 à 25 % [15].
A paraître.
Devant une présentation du front, la flexion suivie de [2] AUDIPOG. La santé périnatale en 2002-2003.Résultats du réseau sen-
rotation manuelle a aussi été proposée [22]. tinelle. Gynécologie Obstétrique Fertilité 2004 ; 32 : 1–22.
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nécessaire et/ou l'application d'un instrument est impos- et leur évolution depuis 2003. 2010. www.perinat-france.org.
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La dystocie est un problème quotidien dans les salles de [6] CNGOF. Rommandations pour la pratique clinique : la césarienne. J
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Chapitre
14
Asphyxie fœtale
au cours du travail
B. Carbonne
PLAN DU CHAPITRE
Définition de l'asphyxie fœtale . . . . . . . . . . . . 185 Conduite à tenir devant une suspicion
Causes des altérations des échanges d'asphyxie fœtale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
maternofœtaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 Prise en charge néonatale de l'asphyxie . . . . . 191
Diagnostic de l'asphyxie : surveillance fœtale au Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
cours du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 185
186 Partie III. Accouchements pathologiques
il faut la convergence de cinq critères qui, chacun pris Causes des altérations
séparément, sont insuffisants :
– événement hypoxique pendant le travail : hypertonie
des échanges maternofœtaux
utérine, procidence du cordon ; De nombreuses circonstances peuvent être responsables
– altération brusque et prolongée du RCF jusque-là d'une altération des échanges gazeux maternofœtaux, et
normal ; donc de l'asphyxie fœtale.
– score d'Apgar entre 0 et 3 au-delà de 5 minutes ; ou Certaines sont directement responsables de l'altération
– altérations multiviscérales précoces du nouveau-né à des échanges :
début précoce inférieures à 72 heures ; ■ hypercinésie ou hypertonie utérine ;
– imagerie néonatale précoce (scanner, IRM, écho- ■ compression du cordon (circulaire, procidence du cor-
graphie transfontanellaire) révélant une lésion aiguë don, oligoamnios, etc.) ;
(hémorragie cérébrale, intraventriculaire ou ménin- ■ syndrome compression cave ou aortique en décubitus
gée, hématome). dorsal ;
Alors que des encéphalopathies néonatales peuvent ■ hypotension maternelle (remplissage insuffisant avant
être fréquemment rapportées à une asphyxie per-partum, une analgésie péridurale, etc.) ;
la paralysie cérébrale ne semble liée à l'asphyxie que dans ■ hématome rétroplacentaire ;
moins de 10 % des cas si l'on applique les critères très stricts ■ insuffisance placentaire (contexte de pathologie vascu-
de l'International Cerebral Palsy Task Force. La grande laire placentaire, prééclampsie, RCIU, etc.).
majorité des paralysies cérébrales est vraisemblablement D'autres peuvent limiter la capacité d'adaptation et de
d'origine anténatale et leur incidence n'a pas diminué mal- tolérance du fœtus à l'agression hypoxique liée aux contrac-
gré les efforts de surveillance fœtale. tions du travail normal (tableau 14.2) :
■ prématurité ;
■ retard de croissance intra-utérin ;
Acidose métabolique ■ oligoamnios ;
Lors de la survenue d'une hypoxie fœtale au cours du ■ diabète maternel ;
travail, la réponse cardiovasculaire fœtale se fait vers une ■ infection ;
redistribution de la circulation, préférentiellement orien- ■ liquide amniotique méconial (source d'inhalation
tée vers le cerveau, le cœur, les glandes surrénales et le méconiale).
placenta. C'est la phase de compensation des phénomènes
hypoxiques, permettant de préserver l'intégrité du système
nerveux central. En revanche, la vasoconstriction périphé-
rique s'accompagne d'un métabolisme anaérobie dans les
territoires concernés et à la constitution progressive d'une Tableau 14.1. Valeurs moyennes et valeurs limites
acidose métabolique. Lorsque l'adaptation du fœtus à ces du pH et des gaz du sang artériel du cordon à la
phénomènes est dépassée, l'association de l'hypoxie et de naissance.
l'ischémie, due à la chute de la pression artérielle, conduit à Moyenne ± DS Valeurs limite
une diminution extrême des apports d'oxygène du cerveau, (± 2 DS)
à l'installation de lésions cérébrales et éventuellement à la pH 7,26 ± 0,07 < 7,12-7,15
mort fœtale.
PCO2 (mmHg) 54,5 ± 10,0 > 68,0-74,5
L'acidose métabolique traduit une dette d'oxygène pro-
longée entraînant un métabolisme cellulaire anaérobie. Des PO2 (mmHg) 15,1 ± 5,3 < 4,5-9,0
séquelles sont possibles en cas d'acidose métabolique pro- Déficit de base 2,7 ± 2,8 > 8,1-12,0
fonde à l'artère du cordon avec pH inférieur à 7 et déficit (mmol/l)
de base supérieur à 12 mmol/l. En revanche, en cas d'aci- Lactates (mmol/l) 2,5 ± 1,3 > 5,0-6,1
dose gazeuse pure (pCO2 élevée au cordon et déficit de
base normal), le pH se normalise très rapidement après la
naissance grâce à l'élimination rapide du CO2 par la voie Tableau 14.2. Causes de l'asphyxie fœtale.
respiratoire, ramenant à l'équilibre l'équation : CO2 + H2O
⇔ H+ + HCO3−. Causes directes : Causes indirectes :
Cette situation ne s'accompagne pratiquement d'aucune altération des échanges Foetus fragile s'adaptant mal
gazeux à l'hypoxie du travail normal
morbidité à long terme, notamment neurologique.
L'augmentation de la lactacidémie est également un Hypercinésie utérine Prématuré
bon marqueur de l'acidose métabolique. Néanmoins, Hypertonie utérine Retard de croissance intra
Compression du cordon : utérin
il n'existe pas de corrélation stricte entre le taux de lac- circulaire, procidence, Diabète maternel
tates et le risque de séquelles neurologiques. Un taux oligoamnios Infection fœtale
supérieur à 6 mmol/l est considéré comme anormal. Un Compression de la veine cave
taux de plus de 10 mmol/l est associé à un risque accru ou de l'aorte en décubitus
d'encéphalopathie. dorsal
Les valeurs habituelles des paramètres gazométriques à Hématome rétroplacentaire
Insuffisance placentaire
l'artère du cordon sont indiquées dans le tableau 14.1.
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail 187
Quasi normal : faible 160–180 bpm 3–5 bpm < 40min Présentes ou Précoces Variables (< 60 s et
risque d'acidose 100–110 bpm absentes < 60 bpm d'amplitude)
Prolongé iolé < 3min
Intermédiaire : risque > 180 bpm isole 3–5 bpm Présentes ou Tardifs non répétés Variables
d'acidose 90–100 bpm > 40 min absentes (< 60 s et ≥ 60 bpm d'amplitude)
> 25 min Prolongé > 3min
Pathologique : risque > 180bpm isolé si 3–5 bpm > 60 min Présentes ou Tardifs répétés Variables > 60 s ou
important d'acidose associé à autre Sinusoïdal absentes sévères Prolongés > 3 min répétés
critère < 90 bpm
Préterminal : risque Absence totale de variabilité (< 3pm) et de réactivité avec ou sans ralentissements ou bradycardie
majeur d'acidose
* La présence d'accélérations a un caractère rassurant. L'absence isolée d'accélération n'est pas considérée en soi comme pathologique.
■ les contractions utérines : la dynamique utérine normale Une fois décrites les caractéristiques du RCF, l'interpréta-
varie de trois contractions par dix minutes en début de tion doit permettre d'évaluer la sévérité du risque d'acidose
travail à cinq contractions par dix minutes en cours de néonatale. On parlera ainsi de RCF normal, à faible risque
travail et à la fin de celui-ci. Au-delà, on parle d'hyperci- d'acidose, à risque, à risque élevé ou à risque majeur d'aci-
nésie de fréquence. Il peut y avoir aussi une hypertonie dose, et donc d'asphyxie au cours du travail.
utérine avec des contractions dépassant 60–80 mmHg Afin de faciliter cette interprétation, la figure 14.5 pro-
(8 kPa), ou avec un mauvais relâchement entre deux pose la conduite à tenir en complément des RPC [4] :
contractions et un tonus de base restant au-dessus de ■ en cas de RCF normal ou à faible risque d'acidose, la
20 mmHg. Ces anomalies doivent être repérées car elles poursuite de la surveillance est préconisée ;
précèdent les anomalies du RCF et sont souvent iatro- ■ en cas de RCF à risque d'acidose, le recours à une tech-
gènes, liées à une mauvaise utilisation des ocytociques. nique d'évaluation fœtale de deuxième ligne (pH ou lac-
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail 189
tates au scalp ou ECG fœtal) est recommandé. Lorsqu'elle La mesure des lactates au scalp peut être réalisée
n'est pas disponible, une extraction fœtale est souhaitable ; aujourd'hui par microméthode, avec un résultat obtenu en
■ en cas de RCF à risque important d'acidose, l'extraction 15 à 60 secondes selon les équipements et en n'utilisant que
fœtale est la règle sauf si une technique de deuxième ligne 5 μl de sang contre plus de 50 μl habituellement nécessaires
(pH ou lactates au scalp ou ECG fœtal) peut être réalisée pour la réalisation d'un pH au scalp [5]. Cette méthode a
dans des délais brefs ; également l'avantage théorique d'évaluer directement la part
■ le RCF à risque majeur représente une indication d'ex- métabolique d'une éventuelle acidose dont l'importance a
traction immédiate. été mentionnée précédemment.
On retient comme pathologique un taux de lactates
pH au scalp supérieurs à 6 mmol/l et une acidose sévère si supérieure à
Décrite par Saling en 1962 [10], l'analyse du pH fœtal par 7,5 mmol/l [9].
microponction du scalp est considérée comme la méthode de
référence pour diagnostiquer une asphyxie pendant le travail Valeur prédictive des lactates au scalp
en cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal [5]. Elle per- La principale étude randomisée, portant sur plus de 1 500
met une évaluation ponctuelle de l'équilibre acidobasique. patientes dans chaque bras, et comparant les lactates au
scalp au pH au scalp, montre que la valeur prédictive de ces
Technique deux tests est pratiquement superposable [11]. Il n'existait
Le prélèvement nécessite que les membranes soient rompues aucune différence entre les deux groupes concernant le taux
et que le col soit suffisamment dilaté (3–4 cm). La goutte de d'acidose métabolique sévère, de score d'Apgar inférieur
sang est recueillie à l'aide d'un tube capillaire hépariné. Pour à 7 à 5 minutes, de transfert en réanimation néonatale, de
la mesure du pH, une quantité sanguine de 25–35 μl est césarienne ou d'extraction instrumentale.
nécessaire, voire plus de 50 μl avec les pH mètres modernes.
Faisabilité
Indication
La technique de mesure des lactates au scalp garde l'incon-
Le prélèvement de sang au scalp est indiqué chaque fois qu'il y a vénient d'être discontinue, mais le très faible volume du
une anomalie du RCF faisant suspecter une asphyxie (figure 14.3, prélèvement par rapport au pH facilite les mesures itératives
risque important d'acidose). Il peut être réalisé à partir de 34 SA. au cours du travail. Toujours dans le même grand essai ran-
domisé, le risque relatif d'échec de prélèvement était dix fois
Contre-indication plus faible pour les lactates par rapport au pH [11].
Le pH au scalp est contre-indiqué chez les mères porteuses Au total, la valeur prédictive des lactates au scalp semble
du VIH, VHB ou VHC, mais pas en cas d'antécédent d'her- comparable à celle du pH au scalp et la réalisation pratique
pès en l'absence de lésion, ni de portage vaginal du strepto- d'une mesure de lactates s'avère techniquement beaucoup
coque B si la mère est sous antibiotiques. plus aisée et à moindre risque d'échec que celle du pH au
scalp. La méthode reste cependant invasive et discontinue.
Résultat
Un pH au scalp supérieur à 7,25 semble éliminer une aci-
dose fœtale sévère et autorise la poursuite du travail. Oxymétrie de pouls fœtal
Un pH compris entre 7,20 et 7,25 doit être considéré Le principe de l'oxymétrie fœtale est similaire à celui des
comme prépathologique et inciter à la répétition du prélève- oxymètres utilisés en néonatologie ; cependant, le niveau
ment dans les 30 minutes suivantes. moyen de saturation en oxygène du fœtus peut varier de 30 à
L'existence d'un pH au scalp inférieur à 7,20 correspon- 70 % dans les conditions normales, du fait de la faible pO2
drait à une acidose, justifiant l'extraction fœtale. fœtale à l'état normal, de l'ordre de 20 à 30 mmHg, ce qui
Malgré ces recommandations précises, l'analyse de l'en- correspond à la zone de pente maximale de la courbe de dis-
semble des naissances d'une maternité montre que près de la sociation de l'hémoglobine.
moitié (47,3 %) des acidoses néonatales ne sont pas correc- La valeur diagnostique de l'oxymétrie pour la prédiction
tement diagnostiquées en anténatal. d'un mauvais état néonatal est très proche de celle du pH au
La réalisation d'un prélèvement capillaire au scalp fœtal scalp [2]. En revanche, aucune étude n'a permis de mettre en
est une technique invasive, discontinue et techniquement évidence de bénéfice fœtal ou maternel en termes de réduc-
peu aisée si l'on tient compte des multiples écueils rencontrés tion des interventions ou d'amélioration de l'état néonatal,
en pratique (sang coagulé, volume insuffisant, présence d'une et l'oxymétrie a actuellement disparu de l'arsenal disponible
bosse sérosanguine, appareil en cours de calibration, etc.) et pour la surveillance fœtale.
qui expliquent sans doute la relative rareté de son utilisation.
Cependant, le pH au scalp est la seule méthode ayant fait
la preuve de son efficacité pour limiter l'augmentation des ECG fœtal
césariennes pour anomalies du RCF. Cette technique est basée sur l'extraction du signal ECG
fœtal à l'aide d'une électrode de scalp. En cas d'agression
Lactates au scalp hypoxique, le fœtus s'adapte initialement par une redistri-
La technique de prélèvement est la même que pour le pH bution sanguine vers les organes vitaux, cerveau et cœur
au scalp mais la quantité de sang nécessaire est plus faible et notamment, ce qui permet de préserver l'oxygénation myo-
l'appareil de mesure plus facile à utiliser. cardique et la normalité de l'ECG.
190 Partie III. Accouchements pathologiques
Lorsque la capacité d'adaptation fœtale à l'hypoxie est ■ césarienne en urgence vitale immédiate (figure 14.3,
surpassée, des modifications de la repolarisation sur- risque majeur d'acidose) en cas de procidence du cordon,
viennent : augmentation d'amplitude de l'onde T ou surve- d'HRP ou de rupture utérine.
nue d'un segment ST biphasique. L'analyse automatisée de À noter : l'administration d'oxygène à la mère qui a
ces paramètres semble pouvoir distinguer, de manière plus longtemps fait partie des mesures systématiques n'a plus
spécifique que le rythme cardiaque fœtal seul, les fœtus ne aujourd'hui d'indication en l'absence de bénéfice démontré
faisant plus face à l'agression hypoxique, permettant ainsi et du fait d'effets délétères possibles sur l'état néonatal.
une diminution des interventions injustifiées.
Pendant le travail, le STAN®-CTG permet une analyse
automatique de la morphologie des complexes, du segment Décision d'extraction fœtale
ST et le calcul du rapport T/QRS. En l'absence d'hypoxie, en cas d'altération du RCF
le rapport T/QRS reste stable, et le segment ST et l'onde T Dans tous les cas où les mesures immédiates ne permettent
sont normaux. En cas d'hypoxie, apparaissent une éléva- pas de corriger les anomalies du RCF, une évaluation com-
tion de l'onde T, une augmentation du rapport T/QRS et plémentaire du fœtus (pH au scalp, lactates, ECG) et/ou une
des ondes T biphasiques. L'appareil délivre de façon conti- extraction fœtale doivent être réalisées dans les meilleurs
nue les valeurs de l'amplitude de l'onde T ; le rapport T/ délais.
QRS est reporté sur le tracé sous forme de croix avec une Les décisions à prendre dépendent de facteurs multiples
échelle allant de 0,125 à 0,50. Il signale la présence des et parfois complexes, incluant notamment :
deux types d'anomalie sous forme d'un « ST-EVENT ». ■ la sévérité intrinsèque des anomalies du RCF ;
La sensibilité du STAN®-CTG n'est pas parfaite. Plusieurs ■ le stade d'évolution du travail et la rapidité de progression ;
études rapportent des cas d'acidose à la naissance alors que ■ les critères éventuels de fragilité du fœtus : prématurité,
le STAN® n'avait pas « parlé ». Le taux de faux négatifs est de retard de croissance intra-utérin, etc. ;
1,6 pour 1 000. En cas d'hypoxie fœtale précédant la pose, ■ l'ensemble du contexte obstétrical : grossesse prolongée,
des modifications de ST peuvent ne pas apparaître. Enfin, liquide méconial, fièvre au cours du travail, etc.
dans de rares cas, le RCF peut se dégrader sans l'apparition Lorsque les anomalies du RCF sont à risque majeur d'aci-
de ST-EVENT. dose, une extraction immédiate doit être réalisée :
Aussi, en cas d'anomalie majeure du RCF, le STAN®-CTG ■ une extraction instrumentale par voie basse si la dilata-
n'est pas indiqué et un STAN® normal ne doit pas retarder la tion cervicale est complète et la présentation engagée ;
prise de décision. ■ par césarienne immédiate dans tous les autres cas.
Après un premier grand essai randomisé montrant une
réduction des acidoses profondes à la naissance avec l'ad-
jonction de cette technique, cinq autres essais randomisés Cas particuliers
n'ont pas retrouvé de bénéfice maternel ou fœtal à l'utilisa- Fœtus prématuré et/ou en retard
tion de l'ECG fœtal.
Le seul bénéfice aujourd'hui admis de l'ECG fœtal (STAN® de croissance intra-utérin
CTG) est une réduction de l'utilisation du pH au scalp pour Les prématurés et les fœtus ayant un RCIU sont pourvus
les équipes qui font également appel à cette technique [8]. de réserves limitées pour faire face au stress du travail et
ont des mortalité et morbidité per-partum augmentées.
Ces fœtus développent plus rapidement que d'autres une
Conduite à tenir devant acidose métabolique car les phénomènes d'adaptation à
une suspicion d'asphyxie fœtale l'hypoxie sont souvent déjà sollicités, et le fœtus ne dispose
pas de marge de sécurité en cas de majoration de l'hypoxie.
Mesures thérapeutiques immédiates L'extraction fœtale doit avoir de plus larges indications,
en cas d'altération du RCF avant l'apparition de critères patents, trop tardifs, d'asphyxie
fœtale.
Des étiologies précédemment décrites découlent des
mesures correctrices immédiates qui peuvent permettre la
normalisation rapide du RCF dans certains cas : Liquide méconial
■ mise en décubitus latéral gauche ; On le trouve très souvent classé trop rapidement dans les
■ arrêt de la perfusion d'ocytocine en cas d'hypercinésie de signes d'asphyxie fœtale alors qu'il n'existe pas de différence
fréquence ou d'intensité et ou d'hypertonie ; dans le pH ou la saturation en oxygène des fœtus ayant un
■ perfusion de solutés cristalloïdes, voire de substances liquide méconial par rapport à ceux ayant un liquide amnio-
vasoactives en cas d'hypotension artérielle ; tique clair. La majorité des fœtus issus d'un liquide méconial
■ éventuelle tocolyse d'urgence (réanimation in utero) en ont un état normal à la naissance. Cette situation doit tou-
cas d'hypertonie utérine, reposant notamment sur les tefois être considérée comme à risque pour le fœtus car elle
dérivés nitrés : La trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/ survient surtout en cas de grossesse prolongée et/ou d'oli-
ml, à diluer 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine goamnios. Enfin, elle expose à une complication rare mais
à 50 μg/ml) peut être injectée en intraveineuse directe à parfois gravissime : l'inhalation méconiale. En cas d'appari-
la dose de 100 à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une tion d'anomalies du rythme cardiaque fœtal, les indications
à deux minutes ; d'extraction doivent être larges.
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail 191
PLAN DU CHAPITRE
Dépistage des gros enfants . . . . . . . . . . . . . . . 193 Accouchement des gros enfants . . . . . . . . . . . 194
Pronostic obstétrical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Dystocie des épaules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 193
194 Partie III. Accouchements pathologiques
Tableau 15.2. Facteurs de risque ■ par ailleurs, l'évaluation clinique des dimensions du bas-
de dystocie des épaules [20]. sin est souvent difficile chez la femme obèse ; il est pré-
férable, lorsque l'examen n'est pas strictement normal,
Facteurs de risque Odds ratio Intervalle
de confiance de faire un pelviscanner et éventuellement une confron-
tation aux mensurations échographiques du fœtus (voir
Poids > 4 500 g 39,5 19,1–81,4
Chapitre 2, « Examens radiologiques »).
Poids 4 000–4 999 g 9 6,5–12,6
Macrosomie lors 3,8 1,0–13,9
de précédentes Accouchement des gros enfants
naissances (figure 15.1)
Extraction 4,1 2,6–6,4
instrumentale partie Consultation préanesthésique
moyenne Une consultation avec les anesthésistes est indispensable car
Diabète 3,5 1,7–6,9 les mères sont souvent obèses, hypertendues ou diabétiques.
Extraction 1,7 1,1–1,25
Les consignes anesthésiques en cas de césarienne au cours
instrumentale partie du travail ou de césarienne prophylactique sont jointes au
basse dossier obstétrical.
Obésité maternelle 0,9 0,5–1,6
Césarienne prophylactique
abdominale supérieure à 380 mm ou d'une longueur du Indication
fémur supérieur à 77 mm fait suspecter une macrosomie. Elle est fréquente en raison :
L'estimation de poids fœtal rapportée à l'âge gestationnel ■ d'une pathologie maternelle associée : diabète,
selon les courbes du CFEF (formule d'Hadlock 3 paramètres) hypertension ;
avec expression écrite de la marge d'erreur est recommandée. ■ d'une présentation du siège ;
Cependant, la valeur prédictive de l'échographie est médiocre ■ d'une dystocie des épaules avec ou sans paralysie du
pour l'évaluation du poids fœtal que l'on apprécie qu'à 15 % plexus brachial lors d'un précédent accouchement ;
près en plus ou en moins, dans 50 à 70 % des cas, quelles que ■ d'un utérus cicatriciel ;
soient les formules mathématiques proposées [10]. Cette esti- ■ d'un rétrécissement pelvien qui ferait poser l'indication
mation ne vaut guère mieux que la clinique [14]. d'épreuve du travail avec un enfant normal.
Cependant, en pratique, la mesure d'un périmètre abdo- L'indication de césarienne prophylactique pour prévenir
minal supérieur à 350 mm à l'entrée en salle de naissance une dystocie des épaules ne se discute pas dans les situations
permet de dépister 100 % des nouveau-nés de plus de extrêmes comme un poids fœtal estimé supérieur à 5 000 g
4 250 g (VPP 27,7 %) et donc de sélectionner une population ou supérieur à 4 500 g chez une diabétique insulinodépen-
à risque de dystocie des épaules pour que l'équipe obsté- dante (recommandation A [7]). En dehors de ces cas, la plu-
tricale et le pédiatre soient sensibilisés et prêts à intervenir part des auteurs et le CNGOF recommandent une épreuve
immédiatement à l'expulsion [21]. du travail car il faudrait faire entre 300 et 500 césariennes
La prédiction de la dystocie des épaules est également prophylactiques pour éviter une dystocie des épaules [28,
difficile, même en utilisant l'échographie ou la mesure du 29], et ces chiffres doivent être multipliés par cinq à dix pour
diamètre biacromial par l'IRM [16]. La différence entre le éviter une élongation du plexus brachial [26].
diamètre abdominal et le diamètre bipariétal a été propo-
sée, montrant un risque de dystocie des épaules important Réalisation
si cette différence est supérieure à 2,6 cm [9]. Cependant, La césarienne peut poser des problèmes car il s'agit la plupart
la valeur prédictive de ces méthodes est insuffisante et 50 à du temps d'une femme obèse, souvent difficile à intuber et
75 % des dystocies des épaules surviennent sans qu'aucun à ventiler du fait de l'insuffisance respiratoire fonctionnelle.
facteur prédictif ne soit connu. Il n'existe donc pas de cri- La péridurale est recommandée chaque fois que possible.
tères fiables de prédiction de poids fœtal ou de dystocie des L'opérateur lui-même doit être expérimenté, avoir prévu
épaules (NP3-RPC [7]). Aussi, tout accoucheur ou sage- une aide supplémentaire et des écarteurs adaptés. L'incision
femme se doit de connaître les manœuvres à effectuer en cas transversale dans une zone où le pannicule adipeux est
de dystocie des épaules. moins épais est préférable. Les suites opératoires doivent
être surveillées attentivement car les infections pariétales ne
sont pas rares et le risque thromboembolique est élevé.
Pronostic obstétrical
Une radiopelvimétrie (pelviscanner) s'impose chaque fois
qu'il existe un doute sur la qualité du bassin ou si le palper Déclenchement artificiel du travail
introducteur n'est pas franchement normal : Le déclenchement du travail peut être justifié par une patholo-
■ en effet, si un rétrécissement léger du détroit supérieur ne gie associée (hypertension, diabète gestationnel). L'indication
constitue pas un obstacle majeur pour un enfant de poids ne doit être acceptée que si les conditions sont favorables. La
normal, il risque d'être difficile à franchir pour un enfant maturation cervicale par les prostaglandines peut être utile
de 4 500 g ; (voir Chapitre 28, « Prostaglandines »), et la surveillance du
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant 195
travail doit être rigoureuse en raison du risque de dystocie Des anomalies de la dilatation s'observent dans 20 % des
due à la macrosomie. cas. Elles sont d'autant plus fréquentes que l'enfant est plus
Le déclenchement prématuré du travail 15 jours à trois gros. Elles peuvent être dues à :
semaines avant le terme, destiné à éviter une aggrava- ■ une disproportion céphalopelvienne qui peut s'observer
tion de la macrosomie, ne peut être discuté que chez une même sur un bassin normal si l'enfant dépasse 4 500 g.
multipare avec un bassin vaste, un col déjà suffisamment C'est pourquoi les indications de la radiopelvimétrie
dilaté et une date de terme certaine. Les différentes études doivent être larges lorsque l'on suspecte une macrosomie,
concernant le déclenchement systématique des suspicions car c'est en fonction de la confrontation radioéchogra-
de macrosomie isolée n'ont pas permis de démontrer une phique que l'on décide de poursuivre le travail ; clinique-
diminution du taux de césarienne (au contraire) ou de dys- ment, un débord de la présentation sur le bord supérieur
tocie des épaules (NP1 [15, 27]) de lésions périnéales [30]. de la symphyse pubienne, membranes rompues, signe la
En l'absence de diabète maternel, la suspicion de macro- disproportion fœtopelvienne et indique le recours à la
somie n'est pas une indication à réaliser un déclenchement césarienne ;
du travail (NP2-RPC [7]). Cependant, une étude randomi- ■ une dystocie dynamique dont le diagnostic, ici encore,
sée française [4] est en faveur du déclenchement à 38 SA plus que chez les enfants de poids normal, ne doit être
pour les simples suspicions de macrosomie, car cela éviterait retenu qu'après avoir éliminé une disproportion. Il peut
des dystocies et des lésions du plexus brachial sans aug- s'agir d'une hypercinésie due à la lutte de l'utérus contre
menter le taux de césarienne. Le CNGOF recommande de un obstacle avec l'apparition d'un anneau de Bandl étape,
proposer déclenchement d'autant plus facilement que les ultime avant la rupture utérine. En l'absence d'amélio-
conditions locales sont favorables et le terme proche de 39 ration rapide, une césarienne s'impose. Seules les ano-
SA [28]. malies de la dilatation par hypocinésie de fréquence ou
d'intensité justifient un traitement ocytocique.
La constatation d'une anomalie de la dilatation doit
Évolution du travail rendre très prudent pour la suite de l'accouchement car des
Surveillance du fœtus études rétrospectives ont montré que le taux de dystocie des
épaules doublait avec des enfants de plus de 4 500 g et un
Elle doit être vigilante grâce au monitorage, surtout si la arrêt ou une lenteur anormale de la dilatation.
patiente est diabétique, hypertendue ou en cas de grossesse L'absence d'engagement doit conduire à la césarienne.
prolongée. Le diagnostic d'engagement peut être rendu difficile par
La prise en charge par le pédiatre doit être prévue, même une bosse sérosanguine parfois volumineuse. La situation
si le travail se déroule sans incidents. du moignon de l'épaule au-dessus de la symphyse à plus de
trois travers de doigt témoigne du non-engagement et doit
Surveillance du travail faire sursoir à la voie basse (signe de Fabre).
Le travail est normal dans 80 % des cas si le bassin est correct Les indications de la césarienne prophylactique, ou
et le fœtus d'un poids inférieur à 4 500 g. Lorsque le poids au cours du travail, doivent être larges en présence d'une
dépasse ce chiffre, il faut avoir un bassin avec des dimen- macrosomie et l'on admet comme raisonnable un taux de
sions au-dessus des normes pour que l'accouchement se 20 % dans cette situation. C'est à ce prix que l'on évite un
déroule spontanément. certain nombre de dystocie des épaules.
196 Partie III. Accouchements pathologiques
L'accouchement à 70 % des cas, elle s'observe chez des enfants pesant plus de
L'accoucheur, l'anesthésiste et le pédiatre doivent être pré- 4 000 g. La fréquence de la dystocie augmente avec le poids
sents lors de la naissance d'un enfant suspect de macrosomie des enfants. Elle double au-delà de 4 500 g. Elle est multi-
(mieux vaut se déplacer inutilement 5 min que de passer des pliée par deux à quatre chez les enfants de mère diabétique
heures dans l'antichambre d'un juge d'instruction). dont le diamètre biacromial fait 2 à 3 cm de plus que celui
Le personnel présent à la naissance doit être formé et en des enfants de même poids de mère non diabétique [14].
quantité suffisante pour aider aux manœuvres nécessaires Si l'on a la notion d'une anomalie du travail ou d'une
de façon efficace et sans perte de temps. extraction instrumentale, ce risque est encore multiplié par
Le dégagement de la tête n'a pas de particularité (voir deux. La fréquence est en augmentation du fait de l'élévation
Chapitre 4, « Dégagement de la tête » et « Dégagement des de l'âge maternel, de la baisse de la prématurité et de l'aug-
épaules »). En revanche, le dégagement des épaules (en dehors mentation du nombre de femmes obèses, bien que ce facteur
de la dystocie que nous verrons plus bas) peut être cause de soit discuté [25] (tableau 15.3).
déchirure du périnée puisque, chez le gros enfant, le diamètre La dystocie des épaules se complique dans 10 % des cas
biacromial est augmenté et mesure 12 à 14 cm. La pratique de la d'une souffrance fœtale et dans 10 % des cas d'une atteinte
du plexus brachial.
manœuvre de Couderc a pour but de réduire le diamètre
biacromial en abaissant le bras antérieur. Cette manœuvre, qui
réduit le diamètre de dégagement des épaules de 2 à 3 cm en Mécanique obstétricale
substituant le diamètre acromiothoracique au diamètre Accouchement normal des épaules (figure 15.2)
biacromial lors du franchissement du périnée, évite la déchi-
rure du périnée due au relief aigu de l'épaule postérieure. Le fœtus ne descend que s'il est poussé vers le bas, la résis-
La manœuvre de Couderc se pratique une fois la tête tance que la tête rencontre au niveau du bassin et des rele-
dégagée, la rotation de restitution effectuée et le plan du dos veurs solidarise la tête et le tronc, la progression de la tête ne
latéralisé. L'épaule antérieure glissant derrière la symphyse se fait donc aisément qu'en respectant cette solidarité entre
apparaît à la vulve dans l'espace libéré par l'abaissement de la tête et tronc.
tête. L'opérateur peut alors introduire l'index et le médius de Au moment où la tête se dégage, les épaules s'engagent
la main qui fait face au ventre du fœtus, le long de l'humérus dans un diamètre oblique (donc oppose à celui de l'engage-
jusqu'au coude fœtal. Les doigts en attelle le long de l'humé- ment de la tête).
rus, l'opérateur refoule le bras fœtal vers le dos du fœtus. Le diamètre biacromial, qui est de 120 mm, se réduit par
Dans ce mouvement, l'avant-bras se replie sur le bras et, tassement à 95 mm (rotation interne des épaules) de telle
lorsque le coude se dégage, l'avant-bras et la main s'extraient. sorte que l'épaule postérieure franchit en premier le détroit
Cette manœuvre ne s'adresse pas au traitement de la dys- supérieur en raison de la profondeur du sinus sacro-iliaque
tocie des épaules puisque l'épaule antérieure s'engage sous qui s'offre à elle alors que l'épaule antérieure est retenue par
la symphyse, mais elle est très efficace pour éviter les lésions la symphyse et ne s'engagera qu'ultéreurement.
du périnée au passage de l'épaule postérieure. Elle doit être Cette progression du mobile fœtal permet le dégagement
réalisée avec douceur sans faire d'appui perpendiculaire à complet de la tête.
l'humérus pour en éviter la fracture. Celle-ci, une fois dégagée, va accomplir spontanément
son mouvement de restitution mettant le cou en position
latérale pour que les épaules situées dans un diamètre
oblique se retrouvent dans un diamètre antéropostérieur au
Dystocie des épaules niveau du détroit inférieur.
La dystocie des épaules est définie par le recours a des L'épaule antérieure devra donc attendre le dégagement
manœuvres obstétricales autres que la traction douce sur la tête complet de la tête pour effectuer son engagement-dégage-
et/ou la manœuvre de restitution pour dégager les épaules [28]. ment sous l'effet des efforts expulsifs.
Le mouvement de restitution peut être complété, voire
exagéré, en accompagnant la rotation (sans traction) du
Fréquence même côté que la variété d'engagement jusqu'en transverse,
Elle varie de 0,5 à 1 % des accouchements par voie basse. Elle voire en postérieur, pour amener le diamètre biacromial
double chez les enfants naissant après 42 semaines. Dans 60 dans un axe antéropostérieur. La tête est alors rendue à sa
Fig. 15.2. Principes de l'accouchement en cas de dystocie des épaules. a. Dystocie des épaules : l'accouchement est impossible, le diamètre
biacromial supérieur à 120 mm ne peut s'engager dans le diamètre antéropostérieur. b. Abaissement du bras postérieur, ce qui réduit le dia-
mètre biacromial qui devient inférieur à 120 mm. c. Abaissement du deuxième bras pour réduire encore le diamètre biacromial. D'après Morin P.
L'accouchement. Paris: Flammarion ; 1965.
position spontanée et c'est à ce moment que l'on peut aider d'éviter des manœuvres inappropriées en cas de la survenue
au dégagement en exerçant une traction douce vers le bas d'une dystocie des épaules.
(axe ombilicococcygien) qui permet à l'épaule antérieure de
glisser derrière la symphyse et d'apparaître à la vulve. Diagnostic
Dans un bassin de dimensions normales, une dystocie des L'expulsion de la tête ayant été spontanée ou souvent instru-
épaules chez un enfant de poids normal peut se produire si mentale, la tête reste « ventousée » à la vulve, immobile sans
l'on ne respecte pas la progression dans les axes appropriés : tendance à faire son mouvement de restitution. Le moignon
■ se précipiter dès la tête dégagée, sans lui donner le temps de l'épaule antérieure n'apparaît pas à la vulve malgré une
de sa restitution, et tirer dans un plan parallèle au plan- traction douce vers le bas et peut être palpé au-dessus de la
cher ont pour effet d'entraver la rotation de l'épaule et symphyse.
son glissement sous la symphyse pubienne et au contraire
la bloque derrière cette symphyse ;
■ s'obstiner à tirer sur la tête alors que l'épaule antérieure est Conduite à tenir
bloquée fait pivoter le fœtus autour de ce point d'appui, En cas de dystocie des épaules, il ne faut pas perdre de temps
l'épaule postérieure continue de progresser et s'enclave. mais savoir agir sans précipitation.
Cet enclavement refoule encore le cou sous la symphyse Wood et al. [32] ont montré que le pH artériel chutait
aboutissant à un cercle vicieux interdisant tout engagement de 0,2 unité toutes les cinq minutes entre le dégagement de
de l'épaule antérieure. Toute traction inadéquate va alors la tête et celui du tronc. Pendant ce laps de temps, l'enfant
entraîner un étirement, voire une rupture, du plexus bra- est plus exposé aux lésions traumatiques iatrogènes qu'à
chial ou du bulbe rachidien. l'anoxie.
Lorsque l'enfant est macrosome (ou que le bassin est Il est donc important de :
rétréci), l'amoindrissement du diamètre biacromial peut ■ rester calme ;
être insuffisant pour permettre aux épaules de franchir le ■ ne pas être seul ;
détroit supérieur (≥ 120 mm) : c'est la dystocie vraie. ■ éviter les manœuvres inappropriées de traction et de
Cependant, si l'épaule postérieure s'engage, elle reste rotation (dans un sens puis dans l'autre) de la tête fœtale.
immobilisée dans l'excavation, l'épaule antérieure étant blo- L'analgésie péridurale ou l'anesthésie générale facilitent
quée sur la symphyse : c'est la dystocie dite fonctionnelle ou les manœuvres et évitent l'agitation de la patiente ; l'épisio-
modérée [18]. tomie élimine les obstacles surajoutés des parties molles et
Certes, la dystocie des épaules est en principe imprévi- évite les lésions du sphincter anal. Enfin, le pédiatre néona-
sible. Cependant, les antécédents et les facteurs de risque tologue devra être présent pour réanimer l'enfant si néces-
observés avant et pendant le travail (figure 15.1) doivent saire.(3-23)
attirer l'attention et faire prévoir l'éventualité de difficul-
tés : ce risque doit être mentionné dans le dossier obsté-
trical de façon à alerter l'obstétricien senior, le pédiatre et Manœuvre de Mac Roberts (figure 15.3 )
l'anesthésiste de garde dès que la patiente entre en salle de C'est la première manœuvre à effectuer.
naissance [22]. Elle consiste à exercer une flexion extrême des cuisses de
Leur présence à proximité de la salle de naissance lors de la mère en abduction sur le thorax (ramener les genoux au
l'expulsion doit permettre de gagner un temps précieux et niveau des épaules). Cela a pour effet :
198 Partie III. Accouchements pathologiques
Fig. 15.3. Dégagement de l'épaule antérieure par la manœuvre de Mac Roberts . 1. Le siège déborde du lit et les cuisses sont hyperflé-
chies, l'épisiotomie est faite ou agrandie. 2, 3. Un aide fait une pression modérée sur le moignon de l'épaule antérieure de façon à la faire passer
sous la symphyse. 4. La tête est abaissée, l'occiput tourné vers le bas. La traction est modérée.
Si échec
Si échec
Si échec
Dans tous les cas, faire examiner l’enfant par un pédiatre et donner à distance des
explications claires à la patiente et au conjoint sur les circonstances de
l’accouchement.
Fig. 15.6. Proposition d'algorithme de prise en charge immédiate de dystocie des épaules [28].
manœuvres sur des mannequins améliore les résultats [13]. peuvent laisser des séquelles définitives dans 10 à 20 % des
Ces complications doivent être recherchées avec attention par cas [6, 11] qui feront immanquablement l'objet d'une plainte
le néonatologue. Elles seront clairement consignées dans le médicolégale pour coups et blessures involontaires.
dossier ainsi que la conduite à tenir dictée par le chirurgien Enfin, le fœtus macrosome, même en l'absence de trau-
orthopédiste pédiatrique. La kinésie précoce doit être instaurée matisme, doit être bien surveillé car il est exposé à l'hypogly-
et une consultation orthopédique doit être réalisée à un mois cémie, surtout si la mère est diabétique.
afin de déterminer la nécessité ou non d'un traitement chirur- Compte tenu de la morbidité néonatale associée à la
gical à partir de trois mois en cas de persistance de la paraly- dystocie des épaules et de l'importance d'un diagnostic pré-
sie [28]. Une continuité des soins parfaite et une surveillance coce d'éventuelles lésions traumatiques, le pédiatre doit être
étroite sont indispensables car si les fractures consolident sans immédiatement informé de la survenue de la dystocie, des
problème en quatre semaines, les atteintes du plexus brachial manœuvres pratiquées de leurs difficultés.
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant 201
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Chapitre
16
Accouchement sur utérus
cicatriciel
L. Sentilhes, S. Brun, H. Madar, J. Lansac
PLAN DU CHAPITRE
L'utérus césarisé : un problème fréquent . . . . 203 Cicatrices utérines autres que la césarienne . . 211
Césarienne programmée . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
Surveillance du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 203
204 Partie III. Accouchements pathologiques
Les scores et nomogrammes (incluant dans des modèles le risque de rupture utérine augmente avec la réduction
mathématiques différents paramètres prédictifs d'échec et de de l'intervalle écoulé entre l'accouchement par césarienne
réussite d'une tentative de voie basse) sont d'une utilité cli- et la date de conception de la grossesse suivante (NP3).
nique limitée pour identifier le groupe de patientes à risque Une tentative de voie basse est autorisée même en cas de
de césarienne en cours de travail (accord professionnel). délai inférieur à six mois uniquement si les conditions
Les patientes qui multiplient les facteurs de risque obstétricales sont très favorables (voir modalités pra-
d'échec de césarienne (patiente de 40 ans, ayant un IMC à tiques infra) (accord professionnel).
35, à 41 SA, avec une suspicion de macrosomie fœtale et un ■ Antécédent de césarienne avant 37 SA avec cicatrice
antécédent de césarienne pour stagnation de la dilatation) segmentaire : acceptation d'une tentative de voie basse
ont des chances de succès d'accouchement par voie basse (accord professionnel).
supérieures à 50 % mais inférieures à 70 %. ■ Échographie pour estimer l'épaisseur de la cicatrice uté-
En conclusion, la multiplication des facteurs de risque rine : aucune utilité clinique. Elle n'est donc pas recom-
d'échec de voie basse n'est pas en soi une indication à propo- mandée au cours de la grossesse pour décider de la voie
ser ou à orienter la patiente vers une césarienne. d'accouchement (accord professionnel).
La réalisation d'une radiopelvimétrie pour accepter ou En conclusion, une tentative de voie basse est possible
non une voie basse est associée à une augmentation du taux dans toutes les situations étudiées, à l'exception de l'inci-
de césarienne itérative sans diminution du taux de rup- sion corporéale lors de la césarienne précédente (grade B)
ture utérine (NP2). Si le bassin est cliniquement normal, et d'un antécédent d'au moins trois césariennes (accord
le pelviscanner n'est pas nécessaire pour décider de la voie professionnel) [10]
d'accouchement ni pour la conduite du travail en cas de ten-
tative de voie basse (grade C). Situations cliniques particulières,
Si le bassin est cliniquement normal et la présentation en
sommet, la radiopelvimétrie ou le pelviscanner ne doit pas maternelles ou fœtales, influençant
être prescrit pour déterminer les modalités d'accouchement le choix du mode d'accouchement
en cas d'utérus cicatriciel. En revanche, il faut le faire dans en cas d'antécédent de césarienne
les accouchements du siège. ■ Grande multiparité : elle est associée à une réduction
significative des échecs de la tentative de voie basse et
Critères d'acceptation de la voie vaginale du risque de rupture utérine (NP3). La tentative de voie
basse devrait être encouragée pour les grandes multipares
selon les caractéristiques de la cicatrice (grade C).
utérine [8, 9] ■ Diabète préexistant à la grossesse : les diabètes
■ Utérus malformé : acceptation d'une tentative de voie gestationnels équilibrés sous régime ne constituent
basse en cas de présentation céphalique. pas un facteur de risque d'échec de la tentative de voie
■ Absence du compte rendu opératoire de la césarienne basse (NP3). Le diabète, gestationnel ou antérieur à la
précédente : acceptation d'une tentative de voie basse grossesse, n'est pas en lui-même un facteur de risque
(accord professionnel), sauf si des éléments du dossier de rupture utérine (NP3). En l'absence de macrosomie
font suspecter la possibilité d'une cicatrice corporéale fœtale, une t entative d'accouchement par voie basse est
(naissance d'un enfant de 700 g par exemple). possible pour les patientes diabétiques quelles que soient
■ Antécédent de cicatrice corporéale : une césarienne ité- la nature et l'ancienneté du diabète (grade C). La prise en
rative est recommandée en cas d'incision corporéale en charge d'une patiente ayant un diabète gestationnel avec
raison du risque de rupture utérine élevé (grade B). un u térus cicatriciel est la même que celle des patientes
■ Antécédent de fièvre du post-partum : le surrisque de ayant diabète gestationnel sans utérus cicatriciel.
rupture utérine en cas d'antécédent n'est pas démontré. ■ Obésité maternelle morbide (IMC > 40) : elle est associée
Cet antécédent n'est donc pas une indication de césa- à une réduction des taux de succès de la tentative de voie
rienne itérative (accord professionnel). basse mais pas à une augmentation significative des rup-
■ Utérus bicicatriciel : la tentative de voie basse après deux tures utérines (NP3). La tentative de voie basse est pos-
césariennes pourrait augmenter le risque de rupture uté- sible pour ces patientes (grade C). Une césarienne avant
rine par comparaison aux patientes n'ayant eu qu'une travail est préférable à une tentative de voie basse en cas
seule césarienne (NP3). La tentative de voie basse en cas d'IMC supérieur à 50 en raison des taux d'échec très éle-
d'utérus bicicatriciel demeure cependant possible lors de vés de la voie basse (87 %) (grade C) et des difficultés de
situations obstétricales favorables (accord professionnel) mobilisation rapide de ces patientes dans le contexte de
car l'augmentation du risque de rupture utérine est faible l'urgence (accord professionnel).
(risque absolue : 1–2 %) et le taux d'accouchement vagi- ■ Version par manœuvre externe (VME) et siège : le
nal élevé (70 %) (voir modalités pratiques infra). taux de succès de la VME pour présentation du siège
■ Utérus tricicatriciel : une césarienne est recommandée ne semble pas être affecté par le caractère cicatriciel de
à partir de trois antécédents de césarienne en dehors du l'utérus (NP3). Il n'a pas été rapporté d'augmentation du
contexte de la mort fœtale in utero et de l'interruption risque de rupture utérine (NP4). Une VME devrait être
médicale de grossesse (accord professionnel). proposée aux patientes éligibles à une tentative de voie
■ Intervalle entre l'accouchement par césarienne et la date basse (grade C). En cas de confrontation favorable entre
de conception de la grossesse suivante inférieur à un an : la pelvimétrie et les biométries fœtales, et d'absence de
206 Partie III. Accouchements pathologiques
déflexion persistante de la tête fœtale, une tentative de une décision influencée par des intervenants extérieurs) ;
voie basse est possible pour les patientes avec un fœtus en ■ de faire valider par un obstétricien senior au cours du
présentation du siège (accord professionnel) et doit être huitième mois (accord professionnel) la décision de voie
encouragée comme pour les sièges sans utérus cicatriciel d'accouchement ;
(voir modalités pratiques infra). ■ de motiver et de noter dans le dossier médical, avec la
■ Grossesse gémellaire : le taux de succès de la tentative de date et le nom de l'obstétricien (accord professionnel),
voie basse en cas de grossesse gémellaire semble compa- l'option retenue, en particulier l'accord de la patiente avec
rable à celui rapporté en cas de grossesse unique (NP3), l'option choisie qui doit apparaître dans le dossier ;
sans qu'y soit associée dans le même temps d'augmenta- ■ d'expliciter dans le dossier l'attitude à adopter en cas
tion cliniquement significative du taux de rupture utérine d'entrée en travail inopinée avant la date d'une césarienne
(NP3)(1). Une tentative de voie basse est possible pour programmée (accord professionnel). En particulier, il
les patientes enceintes de jumeaux) (grade C) et doit être faut expliquer aux patientes que si un travail spontané
encouragée comme pour les sièges sans utérus cicatriciel survenait avant la date de la césarienne programmée, il
(voir modalités pratiques infra). est possible que l'équipe rediscute avec la patiente des
■ La macrosomie fœtale : elle est définie a posteriori par modalités de l'accouchement et d'une tentative de voie
un poids de naissance supérieur à 4 000 g, est associée à basse ;
une augmentation du risque d'échec de la tentative ■ de privilégier l'avis de la patiente, après une information
de voie basse (NP3) et à un taux de rupture utérine dou- éclairée et un délai de réflexion.
blé (NP3). Cependant, les taux de succès de la voie basse
restent suffisamment élevés (> 60 %) et l'augmentation
des taux de rupture utérine minime pour ne pas justifier Conduite de l'accouchement sur utérus
la pratique d'une césarienne avant travail en cas de sus- cicatriciel
picion de macrosomie (grade C). Néanmoins, en cas de La conduite de l'accouchement sur utérus cicatriciel
suspicion de macrosomie supérieure à 4 500 g, particu- expose au risque de rupture utérine avec ses conséquences
lièrement chez les patientes n'ayant jamais accouché par fœtales (anoxie aiguë, mort) et maternelles (hémorra-
voie vaginale, les chances de succès de la voie basse sont gie, hystérectomie). Grâce à une sélection correcte des
assez faibles (< 40 %) (NP3) et l'augmentation des taux patientes et à une surveillance rigoureuse de la tenta-
de rupture utérine assez élevée (× 3) (NP3) pour qu'une tive de voie basse, le taux de rupture de l'utérus varie en
césarienne soit recommandée (grade C). moyenne entre 0,3 et 1 %.
■ Accouchement prématuré : la tentative de voie basse doit
être encouragée pour les patientes accouchant prématu-
rément (grade C).
■ Grossesse prolongée : elle est associée à une réduction des Césarienne programmée
taux de succès de la voie basse mais pas à une augmen-
tation du risque de rupture utérine (NP3). Une tentative Indications (tableau 16.2)
de voie basse est possible pour les patientes dépassant le Elles sont liées au bassin, à l'obésité maternelle, à la cicatrice
terme de 41 SA (grade C). Ce n'est pas une situation en utérine et à la grossesse en cours.
soi justifiant une césarienne avant travail.
■ Retard de croissance intra-utérin : acceptation d'une Rétrécissements pelviens
tentative de voie basse. Aucune étude n'a traité spécifi-
quement de l'effet sur le risque de rupture utérine et sur Les bassins chirurgicaux (voir Chapitre 13, « Anomalies du
l'échec de la tentative de voie basse du fœtus en retard de bassin ») sont bien sûr une indication de césarienne itérative.
croissance intra-utérin. Dans les rétrécissements pelviens modérés, l'indication
de la première césarienne est souvent mixte et liée certes
Prise de décision au rétrécissement mais aussi à une présentation défléchie
ou à une dystocie dynamique. Il faut donc revoir dans le
Après information éclairée loyale et compréhensible de compte rendu de l'accouchement la variété de la présenta-
la patiente, une décision doit être prise en accord avec le tion, son degré de flexion, les tracés cardiotocographiques,
couple. le partogramme, et vérifier la réalité du rétrécissement par
Il est recommandé : l'examen clinique et, dans de rares cas, par une pelvimétrie
■ d'informer les patientes sur les particularités d'une qui sera confrontée au diamètre bipariétal de la grossesse
naissance avec utérus cicatriciel au décours de toute en cours. Les rétrécissements pelviens modérés ne sont pas
césarienne dès la période du post-partum, et notam- une indication de césarienne prophylactique itérative de
ment lors de la visite postnatale (accord professionnel). principe si la confrontation céphalopelvienne clinique est
L'information dispensée doit préciser qu'il est recom- favorable.
mandé d'attendre un an avant une nouvelle conception
(accord professionnel). Une information sera de nouveau
dispensée lors de la consultation préconceptionnelle ; Obésité maternelle avec un IMC supérieur à 50
■ d'aborder les modalités de l'accouchement le plus tôt pos- Une césarienne est préférable en raison du taux élevé d'échec
sible au cours de la grossesse (afin d'éviter d'aborder cette de la voie basse (87 %) et des difficultés de mobilisation de la
question au dernier moment quand la patiente a déjà pris patiente en cas de césarienne urgente.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel 207
Tableau 16.2. Indications formelles de césarienne programmée chez une femme antérieurement
césarisée.
Indications liées à la mère Indications liées à la cicatrice utérine Indications liées à la grossesse actuelle
– Bassin chirurgical – Cicatrice corporéale – Estimation de poids fœtal ≥ 4 500 g sans
– Rétrécissements avec – Utérus tricicatriciel antécédent d'accouchement par voie basse
disproportion fœtopelvienne – Utérus malformé, césarisé + présentation – Placenta praevia recouvrant
– Obésité morbide : IMC > 50 non céphalique – Suspicion d'acidose fœtale
– Délai césarienne : grossesse inférieur
à 3 mois
Tableau 16.3. Facteurs influençant le risque de rupture utérine lors d'une tentative d'accouchement par
voie basse sur utérus cicatriciel [4].
Critère Risque de rupture utérine Conséquences pratiques
Cicatrice corporéale Augmentation majeure (NP3) Césarienne programmée recommandée
(grade B)
Utérus multicicatriciel Augmentation modérée (NP3) Tentative de voie basse possible avec prudence
– utérus bicicatriciel Données insuffisantes (accord professionnel)
– utérus tricicatriciel et + Césarienne programmée recommandée (accord
professionnel)
Antécédent de rupture utérine Augmentation majeure (NP4) Césarienne programmée recommandée (accord
professionnel)
Antécédent de césarienne < 37 SA Augmentation minime (NP3) Tentative de voie basse possible (accord
professionnel)
Mesure échographique du segment Données insuffisantes Utilité clinique non démontrée. Examen
inférieur complémentaire non recommandé en routine
(accord professionnel)
Fièvre en post-partum Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Malformation utérine associée Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Myomectomie (laparotomie, cœlioscopie, Données insuffisantes Tentative voie basse possible en fonction des
hystéroscopie) données du compte rendu opératoire (accord
professionnel)
Suture utérine en 1 plan versus 2 plans Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Intervalle entre la césarienne et début de Augmentation modérée (NP3) Tentative voie basse possible avec prudence
la grossesse suivante < 6 mois (accord professionnel)
Déclenchement versus travail spontané : Données insuffisantes Utilisation possible avec prudence (accord
– ballon transcervical Augmentation minime à modérée professionnel)
– ocytocine (NP2) Utilisation possible avec prudence (grade C)
– PGE2 Augmentation modérée à majeure À n'utiliser qu'au cas par cas (accord professionnel)
– misoprostol aux doses étudiées (NP2) Utilisation non recommandée
Augmentation majeure (NP4) (accord professionnel)
Antécédent(s) d'accouchement(s) par voie Réduction minime à modérée (NP3) Tentative d'accouchement par voie basse
vaginale encouragée (grade C)
Macrosomie : Aucune donnée Utilité de l'EPF échographique systématique non
– estimation échographique du poids Augmentation minime à modérée démontrée (accord professionnel)
fœtal > 4 000 g (NP3) Tentative de voie basse possible (accord
– poids de naissance > 4 000 g Augmentation modérée (NP3) professionnel)
– poids de naissance > 4 500 g Césarienne programmée recommandée si évaluation
du poids fœtal > 4 500 g (accord professionnel)
particulièrement chez les patientes n'ayant pas
accouché par voie vaginale
Gémellaire Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Siège Données insuffisantes Tentative de voie basse possible (accord
professionnel)
Grossesse prolongée Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Prématurité Réduction minime (NP3) Tentative de voie basse encouragée (grade C)
Diabète Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Obésité maternelle Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (Grade C)
Césarienne programmée encouragée si IMC > 50a
(accord professionnel)
La décision du mode d'accouchement doit tenir compte de l'association éventuelle de plusieurs facteurs de risque et/ou protecteurs de
rupture utérine, ainsi que des facteurs influençant le taux de succès de la tentative de voie basse (accord professionnel).
EPF : estimation du poids fœtal ; IMC : indice de masse corporelle ; NP : niveau de preuve ; OR : odds ratio ; RU : rupture utérine ; TVBAC : tentative de voie basse
après césarienne ; CPAC : césarienne programmée après césarienne.
a
Cette recommandation a été élaborée en tenant également compte du taux de succès de la tentative de voie basse dans cette situation particulière.
Nous avons arbitrairement considéré dans ce tableau, les correspondances suivantes : OR = 1–2 : « augmentation minime » du risque de RU ; OR > 2–5 :
« augmentation modérée » du risque de RU ; OR > 5 : « augmentation majeure » du risque de RU.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel 209
■ un score de Bishop favorable ou un col considéré comme ils augmentent les chances d'accoucher par voie vaginale
favorable à l'entrée en salle de travail (NP2) ; (NP2).
■ un travail spontané (NP2). L'ocytocine peut être utilisée prudemment pour le
Lorsque tous ces éléments sont favorables, la tentative d'ac- déclenchement du travail (grade C) mais elle est associée à
couchement par voie basse est encouragée et l'accouchement une augmentation minime à modérée du risque de rupture
a toutes les chances de se faire par les voies naturelles [2]. utérine par comparaison au travail spontané (NP2). Le débit
de l'ocytocine doit être réglé de façon à ne pas avoir plus de
quatre contractions pendant une période de dix minutes.
Cas limites
Les prostaglandines E2 (PGE2) n'ont pas d'AMM en cas
Plusieurs facteurs diminuent le taux de succès de la tentative d'utérus cicatriciel et sont associées à une augmentation
d'accouchement par voie basse : significative du risque de rupture utérine (NP2). Il est
■ antécédent de césarienne pour non-progression du tra- observé une réduction du taux de succès de la tentative de
vail ou non-descente de la présentation fœtale à dilata- voie basse dans les situations pour lesquelles les prostaglan-
tion complète (NP3) ; dines sont utilisées (conditions cervicales défavorables).
■ antécédent de deux césariennes (NP3) ; Pour le CNGOF, « la décision de les utiliser comme méthode
■ âge maternel supérieur à 40 ans (NP3) ; de déclenchement doit tenir compte des facteurs obstétri-
■ indice de masse corporelle supérieur à 30 (NP3) ; caux et maternels pouvant influencer le succès d'une tenta-
■ grossesse prolongée au-delà de 41 SA (NP3) ; tive de voie basse. Leur utilisation doit être associée à la plus
■ poids de naissance estimé supérieur à 4 000 g ; grande prudence (accord professionnel) » [9]. Pour nous, les
■ recours au déclenchement du travail, quelle que soit la PGE2 sont contre-indiquées en cas d'utérus cicatriciel.
méthode utilisée (NP2). Le misoprostol semble augmenter de façon impor-
Comme pour tous les dossiers en cas d'antécédent de tante le risque de rupture utérine en cas d'utérus cicatri-
césarienne, il est nécessaire de noter sur le dossier l'accord ciel avec les protocoles étudiés (NP4). Son utilisation en
du médecin et de la patiente pour le choix décidé : tenta- l'état des connaissances n'est pas recommandée (accord
tive de voie basse ou césarienne programmée et modalités professionnel).
de prise en charge si un travail spontané survient avant la L'utilisation d'un ballon transcervical est possible avec
date de programmation de la césarienne programmée (césa- prudence car l'étude la plus robuste rapporte une augmen-
rienne en cours de travail ou possibilité de tentative de voie tation modérée de ce risque (NP4). Les modalités de la pose
basse du fait du travail spontané). sont décrites au chapitre 28 (p. 335). L'ablation de la sonde
se fait au bout de 24 heures avec réévaluation :
Déclenchement et utérus cicatriciel ■ si score de Bishop supérieur ou égal 6 : rupture des mem-
branes et perfusion d'ocytocine ;
Le déclenchement dans ce cas n'est pas contre-indiqué ■ si score de Bishop entre 4 et 5 : possibilité de déclenche-
(RPC) [3, 4]. ment par rupture des membranes et perfusion d'ocy-
En cas de déclenchement sur un utérus cicatriciel, le tocine en fonction des antécédents obstétricaux et des
risque de césarienne en cours de travail est modérément données obstétricales ;
augmenté tandis que celui de rupture utérine est environ ■ si score de Bishop inférieur ou égal à 3 : décision de césa-
doublé par rapport au travail spontané (NP2). rienne programmée.
Le déclenchement du travail sur utérus cicatriciel doit Les modalités de déclenchement chez une patiente ayant
donc : un utérus cicatriciel sont résumées dans le tableau 16.4.
■ être motivé par une indication médicale, et le déclen-
chement de convenance doit être évité (accord
professionnel) ; Conduite de la tentative
■ respecter les contre-indications : d'accouchement par voie basse
– utérus bicicatriciel ; La surveillance de l'accouchement, en particulier de la dila-
– intervalle entre l'accouchement par césarienne et la tation, devra être suivie dans la mesure du possible par le
date de conception de la grossesse suivante inférieur à même obstétricien.
six mois.
Dans certaines situations (terme dépassé, 41 SA + 5 jours, Éléments de surveillance
RPM > 48 h), il peut être préférable d'adopter une attitude
expectative pour permettre un déclenchement spontané Contractions utérines
ou un déclenchement sur des conditions locales plus favo- La dynamique utérine est surveillée par une tocométrie
rables, plutôt que de décider un déclenchement (ou une externe permanente tant que les membranes ne sont pas
césarienne itérative) sur des conditions locales défavorables, rompues (rupture artificielle ou spontanée au début du
la balance avantages/inconvénients n'étant alors pas en travail).
faveur d'un déclenchement. Cette attitude sera à discuter Tocométrie interne : il n'y a pas d'intérêt à la mise en
avec la patiente [7]. place systématique d'une tocométrie interne pour la sur-
En cas de déclenchement, un accouchement antérieur veillance du tonus et de l'activité utérine durant le travail
par voie vaginale et l'examen du col favorable sont des élé- chez des patientes avec antécédent de césarienne (accord
ments importants à intégrer dans la prise de décision car professionnel). La tocométrie interne peut être un outil
210 Partie III. Accouchements pathologiques
Tableau 16.4. Accouchement avec utérus cicatriciel. il est souhaitable d'éviter l'anesthésie générale (accord
Conduite de la tentative d'accouchement par voie professionnel), la réalisation d'une péridurale est encou-
basse. ragée (accord professionnel) [4]. Elle ne masque pas les
signes de rupture utérine. Selon les circonstances et en
Score de Bishop Modalités de déclenchement fonction du souhait de la parturiente, un cathéter péridu-
Bishop ≥ 6 Amniotomie + oxytocine ral peut être placé en attente en début de travail (accord
Bishop < 6 Expectative si possible ou professionnel).
déclenchement par ballon ■ Lorsqu'elle est possible, l'anesthésie locorégionale est la
intracervical technique de choix pour la césarienne même si l'antécé-
Bishop = 0-2 et naissance Déclenchement par ballon dent de césarienne est associé à une insertion anormale
souhaitée dans un délai court intracervical ou du placenta (accord professionnel) [6].
césarienne programmée en
fonction des antécédents Évolution du travail dans la tentative
obstétricaux et des données
obstétricales
d'accouchement par voie basse
■ En cas de stagnation et en l'absence d'anomalies du
rythme cardiaque fœtal :
utile pour enregistrer les contractions si la qualité d'enre- – en phase de latence (jusqu'à 5 cm chez la multipare et
gistrement en tocométrie externe est insuffisante mais jusqu'à 6 cm chez la primipare), il est conseillé d'at-
elle ne permet pas de prédire ou diagnostiquer la rupture tendre six heures après la rupture de la poche des eaux
utérine (accord professionnel). Elle est particulièrement avant de décider d'une césarienne ;
utile : – en phase active du travail, l'hypocinésie en est la cause
■ chez les femmes obèses ; la plus habituelle ; il est recommandé de pratiquer
■ devant une anomalie de la dilatation, la tocographie per- une amniotomie en première intention (accord pro-
mettant le diagnostic et le traitement de l'hypocinésie qui fessionnel) et de poser une perfusion d'ocytociques.
est la cause la plus fréquente de ce type d'anomalie ; Après deux heures de stagnation de la dilatation, on se
■ en cas de modification brutale de l'activité utérine (hyper- résoudra à pratiquer une césarienne.
ou hypocinésie) qui doit immédiatement faire penser à ■ La rotation manuelle n'est pas contre-indiquée en cas
une rupture utérine. d'utérus cicatriciel. Elle est conseillée en cas de présenta-
L'utilisation de l'ocytocine ne doit pas être systématique tion postérieure, surtout en deuxième partie de la phase
(accord professionnel). Il faut employer la dose d'ocytocine active et en cas de stagnation de la dilatation ou de non-
la plus faible possible, nécessaire à l'obtention d'une dyna- engagement du mobile fœtal.
mique utérine satisfaisante (accord professionnel). Il est
conseillé de diminuer les doses d'ocytocine en cas de dyna- Signes cliniques de prérupture utérine
mique efficace si ces doses sont supérieures à 10 mUI/min.
La perfusion doit être surveillée avec attention car le risque La rupture utérine survient dans 0,1 à 0,5 % des utérus cica-
de rupture utérine associée à l'utilisation de l'ocytocine est triciel et 0,2 à 0,8 % des tentatives de voie basse (NP2). Elle
dose-dépendante (NP3). est associée à une morbidité maternelle sévère de l'ordre de
15 % (hystérectomie, transfert en réanimation, lésions viscé-
Rythme cardiaque fœtal rales associées, transfusions sanguines) (NP2) ; la réalisation
d'un déclenchement artificiel du travail et l'utilisation des
Il doit être surveillé de façon encore plus précise que dans ocytociques en augmentent le risque (NP3).
l'accouchement normal, et donc en continu dès l'entrée en Les signes de prérupture sont inconstants mais peuvent
travail (NP3) [4]. survenir brutalement ou progressivement. Ils doivent être
Si le tracé n'est pas de qualité parfaite, la mise en place régulièrement recherchés. Il s'agit :
d'une électrode de scalp est nécessaire car les premiers ■ des anomalies du rythme cardiaque fœtal ;
signes de la rupture utérine peuvent n'être qu'une modifi- ■ de la douleur au niveau de la cicatrice pendant la contrac-
cation du rythme cardiaque fœtal [11]. Les anomalies du tion et persistant en dehors d'elle, qui est évocatrice, sur-
rythme cardiaque fœtal sont retrouvées dans 55 à 87 % des tout si elle apparaît sous analgésie péridurale ;
ruptures et sont donc un signe important [14]. ■ une hypocinésie avec stagnation de la dilatation, alors
que les contractions étaient régulières, sont un signe
Analgésie d'alarme, de même qu'une hypercinésie de fréquence ou
■ Une communication efficace entre l'équipe obstétricale et une élévation du tonus de base ; un arrêt des contractions
l'anesthésiste réanimateur est un prérequis pour la prise utérines ;
en charge optimale d'une femme ayant un antécédent de ■ un saignement vaginal même inconstant est évocateur ;
césarienne (accord professionnel). ■ un utérus en sablier avec anneau de Bandl est un signe
■ L'administration de la nabulphine est possible en cas tardif qu'il ne faut pas attendre ; il précède de peu la
d'utérus cicatriciel après avis du gynécologue-obstétricien rupture ;
senior. ■ l'acidose fœtale aiguë, la tachycardie maternelle, l'état de
■ Dans cette circonstance marquée par un risque accru choc avec hématurie réalisent des tableaux de rupture
d'interventions obstétricales urgentes pour lesquelles évidents.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel 211
PLAN DU CHAPITRE
Accouchement de l'enfant malformé. . . . . . . . 213 Accouchement d'un enfant mort in utero. . . . 220
Accouchement de l'enfant
OBJECTIFS
malformé
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• d'expliquer les grands principes de la prise en charge La présence d'une malformation ou d'une maladie géné-
obstétricopédiatrique d'un enfant présentant une tique fœtale concerne environ 2 à 3 % des grossesses selon
malformation mise en évidence in utero ; que sont prises en compte ou non les anomalies mineures
• de préciser les modalités d'accouchement (terme et voie) (pyélectasies, dilatations ventriculaires modérées et isolées,
des principales pathologies fœtales pouvant faire l'objet kystes de l'ovaire fœtal, etc.), soit entre 15 000 et 20 000
d'un diagnostic prénatal ; enfants par an en France. Les progrès du dépistage écho-
• d'affirmer la survenue d'une mort fœtale in utero (MFIU) graphique et des techniques de laboratoire font qu'actuel-
et d'en énumérer les étiologies possibles ; lement un nombre croissant d'anomalies est découvert au
• d'expliquer les grandes lignes de la prise en charge d'une
cours des premier et deuxième trimestres de la grossesse
patiente après mise en évidence d'une mort fœtale in
[2]. Ce diagnostic précoce permet, dans les cas d'une par-
utero dans une grossesse unique ou multiple.
ticulière gravité, de discuter une interruption médicale de
la grossesse. Il permet également de laisser du temps pour
l'évaluation du pronostic et d'organiser la prise en charge
périnatale. La naissance d'un enfant porteur d'une malfor-
mation nécessite une planification concertée entre l'obsté-
L'objectif principal dans l'accouchement d'un enfant mal- tricien, le pédiatre et, si nécessaire, le chirurgien pédiatre.
formé ou mort est de privilégier l'avenir obstétrical de la Cette organisation doit se faire au sein d'un centre pluri-
patiente en évitant, si possible, de réaliser une césarienne. disciplinaire de diagnostic prénatal agréé par l'Agence de la
Ainsi : biomédecine ou au sein du réseau développé à partir d'un
■ dans le cas d'un enfant malformé, l'attitude va dépendre tel centre (après avis du centre). Une fois la prise en charge
du pronostic établi de la malformation après un bilan le organisée, l'accouchement ne devra pas systématiquement
plus précis possible et du choix des parents. Les cas pour avoir lieu dans une maternité de type III. Si la malforma-
lesquels l'incertitude pronostique persiste malgré un tel tion ne met pas en jeu le pronostic vital et ne nécessite pas
bilan ou pour lesquels l'anomalie n'est découverte qu'au une prise en charge immédiate, la patiente pourra accou-
moment de l'entrée en travail peuvent poser de délicats cher dans sa maternité d'origine. Toutefois, la nécessité
problèmes de prise en charge ; d'un traitement in utero ou d'un geste chirurgical dès les
■ dans le cas d'un fœtus mort in utero, l'expulsion sera premières heures de vie peut faire préférer le transfert in
organisée dans les jours qui suivent le diagnostic. Dans utero auprès d'une équipe chirurgicale compétente, parfois
le même temps, le bilan étiologique sera débuté afin de loin du domicile parental si l'on veut donner les meilleures
rassembler le plus d'éléments possibles pour permettre chances à l'enfant.
un conseil génétique et obstétrical en vue des grossesses Deux situations peuvent être individualisées selon que la
ultérieures. malformation est connue ou non avant l'entrée en travail.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 213
214 Partie III. Accouchements pathologiques
Malformation inconnue avant l'entrée liquidienne sous contrôle échographique (ascite, kyste rénal,
en travail (tableau 17.1) etc.) peut être nécessaire si le périmètre abdominal est supé-
rieur à 400 mm.
C'est une circonstance maintenant rare en raison de la dif- Une césarienne est, dans certains cas, préférable en cas de
fusion de l'échographie prénatale et de l'amélioration de la volumineuse tumeur ou lorsque la ponction est impossible.
surveillance obstétricale. Trois tableaux cliniques doivent Il ne faut pas hésiter à réaliser une incision utérine verticale
toutefois faire suspecter la présence d'une anomalie fœtale. afin de ne pas traumatiser la malformation et de préserver le
pronostic obstétrical.
Accouchement prématuré inexpliqué Une hydrocéphalie volumineuse et de très mauvais pro-
La survenue d'un accouchement prématuré en dehors nostic peut, si le fœtus est en présentation céphalique et
de tout contexte infectieux ou de menace d'accouche- après accord des parents, faire l'objet d'une ponction trans-
ment prématuré connue doit faire envisager la possibilité fontanellaire (par voie basse) à dilatation complète.
d'une malformation fœtale. Cette hypothèse est d'autant
plus probable qu'il existe un excès de liquide amniotique Apparition d'un trouble inexpliqué du rythme
ou un hydramnios, ou encore un retard de croissance cardiaque fœtal
intra-utérin sans perturbation des Doppler ombilicaux et
Certains vont d'emblée orienter vers un trouble de la
cérébraux.
conduction qui peut, ou non, être associé à une malforma-
tion cardiaque. Il peut s'agir :
Apparition d'une dystocie inexpliquée ■ d'une bradycardie permanente, mise en évidence dès le
La survenue d'une dystocie imprévue doit aussi faire pen- début de l'enregistrement (60-80 bpm) et pouvant tra-
ser à la possibilité d'une malformation fœtale. La réalisation duire l'existence d'un bloc auriculoventriculaire (BAV).
d'une échographie en salle de naissance peut permettre de Le problème est alors d'éliminer une souffrance fœtale
clarifier la situation en mettant en évidence l'origine de cette aiguë qui justifierait une extraction en urgence. La mise
dystocie qui peut être liée : en évidence, à l'échographie, d'une dissociation des fré-
■ à un excès de volume de la tête fœtale ( hydrocéphalie, quences auriculaires et ventriculaires permet de confir-
œdème sous-cutané majeur d'une anasarque sévère) ; mer le diagnostic et d'éviter une césarienne en urgence ;
■ à une déflexion de la tête fœtale (goitre ou tumeur cervi- ■ d'une tachycardie (> 200 bpm) pouvant évoquer, en
cale) ou un défaut d'accommodation (anencéphalie) ; dehors d'un contexte fébrile, une tachycardie supraven-
■ à un excès de volume abdominal (ascite, uropathie obs- triculaire ou un flutter.
tructive majeure, syndrome de Prune-Belly, gros rein Dans ces deux cas, la surveillance du RCF est difficile.
dysplasique ou polykystose rénale, kyste ovarien fœtal En cas de doute sur des décélérations, une césarienne est
volumineux) ; préférable.
■ à une tumeur fœtale de gros volume (tératome sacrococ-
cygien, omphalocèle volumineuse) ;
■ à d'exceptionnels jumeaux conjoints. Malformation connue avant l'entrée
La voie basse est préférable, surtout si le pronostic n'est en travail (tableau 17.2)
pas bon. Dans de rares cas, une ponction d'une collection C'est actuellement la circonstance la plus fréquente. Le dia-
gnostic est fait avant la naissance et le couple est préparé. Le
pronostic a été évalué le plus précisément possible et une
consultation avec le pédiatre, le réanimateur ou le chirur-
Tableau 17.1. Accouchement des enfants avec gien pédiatre qui suivent les enfants porteurs de malfor-
malformations inconnues avant le travail. mations a permis de discuter des modalités de la naissance
et de la prise en charge néonatale de l'enfant [3]. De façon
Circonstances du diagnostic Conduite à tenir
générale, il faut respecter une certaine asepsie verbale en
Accouchement prématuré : – Privilégier la voie basse salle de naissance et éviter de parler du « laparoschisis », ou
hydramnios, RCIU surtout si mauvais pronostic de « la transposition des gros vaisseaux », mais du bébé por-
Dystocie : teur d'un laparoschisis ou de la patiente dont le fœtus est
– hydrocéphale – Césarienne si bon pronostic porteur d'un laparoschisis.
– anasarque et dystocie mécanique ou
– déflexion de la tête : goitre, anomalies du RCF
tumeur cervicale, anencéphale Principes généraux de la prise
– excès de volume abdomen : – Ponction transfontanellaire en charge périnatale
omphalocèle à dilatation complète si
– tératome sacrococcygien hydrocéphalie volumineuse en
Les éléments déterminants dans le choix de la conduite à
– jumeaux conjoints présentation céphalique après tenir sont le pronostic postnatal de la malformation et le
accord des parents choix des parents.
Troubles du rythme cardiaque :
– bradycardie par bloc Lorsque le pronostic est favorable ou incertain
auriculoventriculaire Une concertation préalable entre l'obstétricien, le réanima-
– tachycardie supraventriculaire
teur et le chirurgien pédiatre est indispensable afin de pré-
voir les modalités et le terme de l'accouchement. Lorsqu'une
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort 215
Tableau 17.2. Accouchements des enfants avec (prématurité induite, nécessité de réaliser une césarienne)
malformations connues avant le travail. et des bénéfices (meilleur pronostic fonctionnel de l'organe
atteint en cas d'intervention plus précoce, réduction de la
Type de malformations Conduite à tenir
durée d'exposition au risque). Cette difficulté justifie pleine-
Omphalocèle ≥ 7 cm Césarienne ment que de telles extractions prématurées soient décidées
Laparoschisis Voie basse ou césarienne (à au sein des équipes pluridisciplinaires de médecine fœtale.
discuter si RCIU) Lorsqu'il s'agit d'une grossesse pour laquelle une thérapeu-
Hernie diaphragmatique Privilégier la voie basse tique in utero a été instaurée (transfusion in utero, ponction
d'une collection ou d'un épanchement), il est parfois préfé-
Sténoses digestives : Voie basse (si le périmètre
œsophage, duodénum, abdominal le permet)
rable de faire naître l'enfant plus tôt (vers 34-35 SA) que de
jéjunale, iléale, anorectale l'exposer une nouvelle fois au risque du traitement.
Dans la mesure du possible, on évitera de faire naître un
Anomalies rénales : ectopie, Voie basse si périmètre
reins polykystiques, uropathies adominal < 400 mm
enfant en anasarque quel que soit le terme. L'œdème rend
obstructives difficile l'intubation et la ventilation ainsi que l'obtention
d'un équilibre hémodynamique. Chaque fois que cela sera
Malformations neurologiques : Voie basse si pas de dystocie
hydrocéphalie, spina bifida mécanique
possible, un traitement devra être mis en place avant la
naissance pour réduire l'œdème (pose de drain thoracique,
Malformations cardiaques Voie basse dans un réduction d'un trouble du rythme, etc.).
établissement avec centre
de cardiopédiatrie ou
cardiopédiatre Comment accoucher ?
En dehors des malformations dystociques (tératome sac-
crococcygien, omphalocèle ≥ à 7 cm de diamètre), il
intervention chirurgicale est nécessaire, le lieu et le délai n'y a pas d'indication à réaliser une césarienne élective.
avec lequel elle sera réalisée devront être précisés puisque L'accouchement doit être conduit comme en l'absence de
ceux-ci conditionnent la stratégie obstétricale. Une prise en malformation.
charge optimale nécessite de répondre à trois types de ques- Pour certaines anomalies, il est bien démontré que la
tions : où, quand et comment faire naître l'enfant malformé ? survie est corrélée à la qualité de la prise en charge néona-
tale immédiate. Les fœtus porteurs de hernie de coupole
Où accoucher ? diaphragmatique doivent bénéficier d'une réanimation
Le lieu de l'accouchement doit être déterminé à l'avance par une équipe rompue à ce type de ventilation. Encore
pour éviter toute rupture dans la continuité de la prise en aujourd'hui, en France, certaines structures, même de type
charge obstétricopédiatrique. Seules les pathologies fœtales III, ne peuvent pas assurer une prise en charge optimale
pouvant mettre en jeu le pronostic vital dans les premières 24 heures sur 24. Dans ces cas, une césarienne peut être dis-
heures de vie, soit par elles-mêmes, soit par la prématurité cutée. Certains enfants, de par la particularité de leur mal-
qu'elles peuvent induire, justifient formellement un trans- formation, seront plus sensibles à l'hypoxie (transposition
fert dans un centre de type III. Dans le cas où une inter- simple des gros vaisseaux par exemple) [7], par conséquent
vention chirurgicale est nécessaire dans les premiers jours des anomalies du RCF conduiront plus facilement à une
de vie, une naissance dans le même centre que celui où sera césarienne.
pris en charge l'enfant évite une séparation mère-enfant. En dehors de ces situations, un accouchement par les
Certaines pathologies fœtales peuvent nécessiter une théra- voies naturelles bien conduit et atraumatique ne modifie pas
peutique anténatale spécifique afin d'améliorer la qualité de le pronostic néonatal. Cependant, comme toujours en obs-
la prise en charge à la naissance. Par exemple, un hydrotho- tétrique, la décision ne doit être prise qu'après un examen
rax bilatéral peut nécessiter un drainage de l'épanchement obstétrical soigneux (mesure clinique du bassin, hauteur
juste avant la naissance afin de faciliter la ventilation. Pour utérine) et l'étude des antécédents de la mère (médicaux,
les pathologies ne nécessitant pas une prise en charge immé- chirurgicaux et obstétricaux).
diate, l'accouchement pourra avoir lieu dans la maternité Dans tous les cas, il faudra éviter la séparation mère-
choisie par la patiente si et seulement si les pédiatres de l'éta- enfant. Si le transfert de l'enfant est nécessaire, il est essentiel
blissement sont compétents pour ce type de prise en charge. de présenter au préalable l'enfant aux parents et de favoriser
les premiers contacts à la naissance.
Quand accoucher ? L'allaitement maternel n'est que rarement contre-indiqué,
La deuxième préoccupation est celle du terme de l'accouche- il devra être privilégié à chaque fois que cela est possible.
ment. Pour la majorité des pathologies fœtales, l'extraction Lorsque le pronostic est incertain ou mauvais (mais
prématurée est inutile et surajoute une morbidité propre. En non létale) (trisomie 21 par exemple), l'accouchement doit
effet, il est toujours préférable pour la prise en charge néo- être organisé et mené comme si l'enfant était porteur d'une
natale que l'enfant ait atteint un poids et une maturité pul- anomalie de bon pronostic afin de ne pas surajouter des
monaire suffisantes. Lors d'une extraction avant terme, le séquelles liées à l'accouchement lui-même.
facteur « prématurité » vient s'ajouter aux difficultés liées à la
prise en charge de l'anomalie elle-même. Dans ces circons- Lorsque la pathologie est létale
tances, la décision parfois difficile à prendre d'une extrac- Cette situation peut survenir lorsque le couple n'a pas
tion prématurée résulte d'une mise en balance des risques souhaité d'interruption médicale de grossesse. L'équipe
216 Partie III. Accouchements pathologiques
Laparoschisis
premier trimestre
Laparoschisis en post-natal
3 à 5 ml d'air, aucun bruit n'est perçu lors de l'auscultation Les hydronéphroses par syndrome de jonction et les
simultanée de la région épigastrique gauche. valves de l'urètre postérieur nécessitent rapidement l'avis du
Le nouveau-né doit être installé en position demi-assise chirurgien pédiatre.
avec une aspiration du cul-de-sac œsophagien supérieur
(pour éviter encombrement et fausses routes trachéobron- Malformations neurologiques (planche 17.2)
chiques, facteurs d'injection et d'atélectasie, sources de Elles posent essentiellement le problème des hydrocépha-
détresse respiratoire) avec une sonde à double courant. lies, parfois associées à d'autres malformations (spina bifida
Les atrésies de l'œsophage avec fistule (le type 3 est le plus en particulier) ou à des anomalies chromosomiques (sur-
fréquent) sont rarement diagnostiquées en prénatal en rai- tout trisomie 18 et trisomie 13).
son de l'absence d'excès de liquide amniotique. En postnatal, une hydrocéphalie pose dans des délais
variables le problème d'une éventuelle dérivation. Un
Malformations néphro-urologiques (figure 17.1) spina bifida avec myéloméningocèle implique que l'enfant
Anomalies rénales soit installé en décubitus ventral, la lésion recouverte d'un
Elles peuvent être de deux types : champ stérile sec.
■ unilatérales (agénésie ou ectopie rénale unilatérale, rein
multikystique unilatéral) : la malformation n'intervient Troubles cardiaques
en rien dans l'attitude obstétricale tant que le ou les kystes Deux types de problèmes cardiaques peuvent être détectés in
ne sont pas de volume important, que le périmètre abdo- utero par l'échographie et l'analyse du rythme cardiaque fœtal.
minal est inférieur à 400 mm et qu'aucun drainage n'est
nécessaire ; Anomalies du rythme cardiaque fœtal
■ bilatérales (polykystose, agénésie rénale bilatérale) : le Trois situations peuvent se présenter : rythme cardiaque
pronostic dépend de la fonction rénale qui peut être éva- irrégulier, rythme trop lent, rythme trop rapide.
luée par l'échographie et des dosages biochimiques. Une Arythmie
agénésie rénale bilatérale, ainsi qu'un oligoamnios sévère Il s'agit le plus souvent d'extrasystoles supraventriculaires
lié à une altération importante de la fonction rénale pou- ou ventriculaires, suivies d'une pause compensatrice qui
vant être responsable d'une hypoplasie pulmonaire et donne l'impression d'un battement cardiaque manquant.
de déformations plastiques des membres (syndrome de Cette anomalie rythmique est habituellement bénigne, tran-
Potter). L'accouchement par voie basse doit être privilé- sitoire et bien tolérée. Elle nécessite cependant une surveil-
gié lorsque le pronostic est mauvais. lance hebdomadaire en raison du risque de survenue d'une
tachycardie. Aucune précaution spéciale n'est nécessaire à
Uropathies obstructives l'accouchement.
Il peut s'agir d'une anomalie de la jonction pyélo-urétérale, Après la naissance, un électrocardiogramme permet de
de la jonction urétérovésicale, d'un urétérocèle ou de valves préciser la variété d'extrasystoles ; l'évolution se fait en prin-
de l'urètre postérieur. cipe avec leur disparition spontanée.
Les uropathies obstructives uni- ou bilatérales autorisent Bradycardie (rythme constamment inférieur à 100 bpm)
l'accouchement par voie basse. Le pronostic dépend de l'as- Il s'agit d'un bloc auriculoventriculaire (BAV) 2/1 ou bien
pect échographique du parenchyme rénal, de la biochimie d'un BAV complet. Si la fréquence cardiaque est inférieure
urinaire et sanguine et de la quantité de liquide amniotique. à 50 bpm, des signes de mauvaise tolérance peuvent appa-
En postnatal, les anomalies rénales unilatérales isolées raître : hypotrophie fœtale, insuffisance cardiaque fœtale
doivent être signalées au pédiatre et confirmées par une (ascite, épanchement pleural ou péricardique). L'absence
échographie. de possibilité de surveillance du RCF rend la césarienne
nécessaire. Un bloc peut être une complication d'une mala-
die auto-immune maternelle (lupus par exemple), souvent
cliniquement latente et qui doit être recherchée. Une corti-
cothérapie est parfois discutée en cas de découverte précoce.
Après la naissance, une stimulation cardiaque par pace-
maker est nécessaire si le BAV est complet et mal toléré.
Tachycardie (rythme en permanence au-dessus de
180 bpm)
Il s'agit le plus souvent d'une tachycardie supraventricu-
laire (flutter, tachycardie atriale polymorphe, etc.) ou jonc-
tionnelle. L'augmentation de la fréquence cardiaque peut
conduire à une insuffisance cardiaque fœtale avec anasarque
fœtoplacentaire. La conduite à tenir dépend du terme, du
type de trouble du rythme, de la tolérance, et passe par la
mise en place d'un traitement médicamenteux par l'inter-
médiaire de la mère (digoxine, flécaïne, cordarone, etc.).
Dans tous les cas, on évitera de faire naître un enfant en
Fig. 17.1. Malformations néphro-urologiques. Polykystose rénale anasarque. Le traitement et la surveillance sont poursuivis
autosomique réussie. après la naissance.
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort 219
Dilatation ventriculaire
(échographie de J. Saada)
Malformations cardiaques vail, il s'agit d'une mort per-partum. La mort fœtale in utero est le
Elles sont, quelle que soit leur gravité, souvent bien tolérées in plus souvent inopinée et psychologiquement lourde à supporter
utero grâce à la circulation fœtale qui permet de contourner pour un couple habituellement non préparé. La prévalence est
les obstacles. Les malformations les plus graves comportent entre 0,5 et 2 % des grossesses. Les complications maternelles sont
soit des défauts de cloisonnement du cœur, soit des anoma- aujourd'hui devenues exceptionnelles et le principal problème est
lies de position des vaisseaux, soit des cavités mal développées d'en préciser l'étiologie par un bilan le plus complet et précis pos-
ou dilatées, soit des valves auriculoventriculaires imperforées sible. En effet, des renseignements apportés par ce bilan pourront
ou uniques (ventricule unique, hypoplasie du cœur gauche, être dégagés des mesures préventives pour les grossesses ulté-
forme complète de canal atrioventriculaire, etc.). Des associa- rieures. Il faut informer le couple que, malgré les investigations,
tions de plusieurs anomalies cardiaques sont fréquentes. on ne trouvera pas de cause dans près de 30 % des cas.
Certaines malformations peuvent orienter vers une anoma-
lie chromosomique (notamment trisomies 13, 18 et 21) dont Diagnostic
la connaissance peut influer sur le mode d'accouchement. Affirmer le diagnostic est facile. Il repose sur des signes cli-
La conduite à tenir pour l'accouchement dépend du type niques et paracliniques.
de malformation :
■ s'il s'agit d'une malformation incompatible avec la vie ou Signes cliniques
impossible à réparer chirurgicalement, le raisonnement Il s'agit de :
sera celui décrit plus haut ; ■ la disparition des mouvements actifs fœtaux, souvent
■ dans le cas contraire, faire le diagnostic dans la période précédée de leur diminution ; et
prénatale permet d'organiser la naissance dans un centre ■ à l'examen, la disparition des bruits du cœur du fœtus.
avec un cardiopédiatre sur place. Cela est particulièrement
important pour les cardiopathies ductodépendantes qui Examens paracliniques
décèdent à la fermeture du canal artériel en l'absence de
diagnostic et de traitement. L'accouchement par voie basse Ils sont aujourd'hui limités à l'échographie. Cet examen
peut alors être envisagé dans les meilleures conditions. doit être réalisé au moindre doute car il est le seul à pou-
voir éliminer formellement une MFIU, d'autres examens
comme l'enregistrement cardiotocographique pouvant dans
Accouchement d'un enfant mort in certaines situations être pris en défaut (enregistrement des
utero mouvements transmis par l'aorte maternelle).
L'échographie visualise l'absence de mouvement et d'activité
On désigne par mort fœtale in utero tout décès fœtal avant la mise cardiaque fœtale, avec un aspect de double contour du crâne
en travail, survenant après la limite de viabilité fœtale telle qu'elle a fœtal lorsque le décès date de quelques jours. Dans certaines cir-
été fixée par l'Organisation mondiale de la santé, à savoir 22 SA ou constances où la disparition de l'activité cardiaque peut s'avérer
un poids de naissance de plus de 500 g. Avant ce terme, on parle difficile à affirmer (patiente obèse, échogène ou terme précoce),
de fausse couche tardive ; lorsque le décès survient en cours de tra- il faut s'aider du mode Doppler pulsé ou Doppler couleur.
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort 221
Étiologies des morts fœtales in utero recherche d'une thrombose, d'un nœud ou d'une insertion
Elles sont représentées dans le tableau 17.3 et se répartissent anormale. Cependant, le lien direct de cause à effet sera dif-
en causes maternelles, fœtales et placentaires. ficile à affirmer avec certitude.
Infection
Tableau 17.3. Étiologies des morts fœtales in utero. Elle peut apparaître secondairement, surtout lorsque les
Maternelle : membranes sont rompues. Dans ce cas, il est nécessaire
d'accélérer l'accouchement.
– diabète sucré de type I ou II
– prééclampsie ou hypertension artérielle (préexistante
ou gravidique) Troubles de l'hémostase
– syndrome des antiphospholipides ou pathologies L'existence de trouble de l'hémostase ne doit plus se voir.
dysimmunitaires (lupus) ou thrombophilie (déficit en protéine
L'accès rapide à l'échographie et la meilleure information
S ou C, déficits homozygotes en protéines régulatrices de la
coagulation) des femmes permettent que le diagnostic soit le plus souvent
– choc hypovolémique, cardiogénique ou vasculaire (septicémie) fait rapidement et l'expulsion organisée dans la semaine qui
ou toute pathologie ou intervention responsable d'une hypo- suit le décès.
perfusion placentaire (anesthésie générale)
– certaines prises médicamenteuses ou toxicomanies (tabac Répercussions sur le (ou les) autre(s) fœtus
++++, cocaïne, etc.)
d'une grossesse multiple
Fœtale :
La mort in utero d'un des fœtus d'une grossesse multiple
– malformation sévère ou anomalie chromosomique pose des problèmes particuliers liés à la chorionicité. Le
– infection virale (rubéole, CMV, parvovirus B19) ou bactérienne
décès inopiné d'un des jumeaux d'une grossesse bicho-
(Listeria) ou parasitaire (toxoplasmose)
– anémie fœtale (incompatibilté fœtomaternelle, infection à
riale, en l'absence de facteur de risque persistant tel une
parvovirus B19, transfusion fœtomaternelle) infection, ne pose pas de problème particulier pour le
– accidents du cordon ombilical (procidence, insertion jumeau survivant. En revanche, le décès d'un jumeau
vélamenteuse, thrombose, compression, brides ou nœuds du d'une grossesse monochoriale engendre des risques de
cordon) lésions cérébrales chez le survivant qui seront d'autant
– maladies métaboliques plus sévère que la survenue est précoce [10]. Ce risque
Placentaire : d'environ 30 % est liée à l'existence d'anastomoses vascu-
– insuffisance placentaire par anomalie d'insertion laires placentaires.
(placenta praevia ou malformation utérine), insuffisance de
développement (retard de croissance), sénescence placentaire
(grossesse prolongée) ou déséquilibre vasculaire (syndrome
Conduite obstétricale (figure 17.2)
transfuseur-transfusé) En cas de grossesse unique
– hématome rétroplacentaire
– tumeur placentaire (chorioangiome)
L'attitude unanimement admise est d'assurer une expul-
sion fœtale dans un délai rapide afin de raccourcir cette
Absence de cause retrouvée : 30 % des cas
période psychologiquement difficile. Cette attitude active
222 Partie III. Accouchements pathologiques
a également pour avantage de permettre un examen fœto- Quelle que soit la procédure choisie, elle sera précédée,
pathologique de meilleure qualité en minimisant les phé- lorsque le col est fermé, de la mise en place, la veille au soir,
nomènes de macération fœtale. Il faudra s'assurer, avant de dilatateurs osmotiques (Dilapan®) ou, quatre heures
l'expulsion, que certains examens à visée étiologique avant le geste, de deux comprimés intravaginal de misopros-
(amniocentèse pour caryotype ou recherche d'une infec- tol (Cytotec®) afin d'éviter le traumatisme d'une dilatation
tion) ont bien été effectués [11]. L'attitude dépendra du instrumentale du col pouvant être responsable d'incompé-
terme de la grossesse. tence cervicale lors des grossesses ultérieures.
Avant 15 SA Entre 15 et 32 SA
Selon la nécessité ou non de disposer d'un examen fœto- Plusieurs protocoles sont possibles. Nous proposons ici un
pathologique et la préférence de la patiente, deux types de exemple de protocole.
prise en charge peuvent être proposés : J0 : 3 comprimés de mifépristone (RU 486) sont prescrits
■ un curetage aspiratif qui a l'avantage d'être rapide et per os.
d'épargner à la patiente (grâce à sa réalisation sous anes- En cas de MFIU, le travail est parfois déclenché par cette
thésie générale) l'épreuve toujours difficile de l'expulsion seule prise. La consultation d'anesthésie doit avoir lieu au
fœtale. Le principal inconvénient du curetage est de ne moment de la prise de mifépristone.
pas permettre d'examen fœtopathologique ; J1 le soir : si le col est fermé, il peut être nécessaire d'uti-
■ une induction du travail par prostaglandines sous anal- liser des dilatateurs osmotiques qui raccourcissent la durée
gésie locorégionale suivie de l'expulsion par voie vaginale du travail en permettant une rupture rapide des membranes.
selon une prise en charge identique à celle prévalant après La pose doit durer au moins trois heures mais ils peuvent
16 SA. Bien que ce type de prise en charge apparaisse être laissés la nuit.
souvent aux couples comme plus difficile, la possibilité J2 : passage en salle de travail, pose de la péridurale avant
d'un examen fœtopathologique après expulsion doit être le début du travail afin d'éviter toute douleur.
soulignée. Dans tous les cas, une prise en charge psycho- La poche des eaux sera rompue dès que possible.
logique doit être proposée. L'utilisation de Cytotec® (50 μg), deux comprimés toutes les
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort 223
quatre heures permet dans la grande majorité des cas, une ■ Examen fœtopathologique (++++) : il est indispensable.
expulsion dans la journée. La prescription sera adaptée à la Il sera parfois difficile à réaliser en raison de la macéra-
contractilité utérine surveillée par tocométrie. tion mais il faut insister auprès des patientes pour qu'elles
Il faut éviter plus de quatre prises. En cas d'inefficacité, l'acceptent tant cet examen est important et permet
il faut rechercher une poche des eaux encore intacte ou une d'orienter ou de faire le diagnostic dans plus de 50 % des
rupture utérine. cas. Il recherchera un RCIU, des malformations ou des
En cas d'utérus cicatriciel, une demi-dose de Cytotec® est signes d'infection. Il sera complété par l'examen du pla-
préconisée [9]. Noter que le Cytotec® n'a pas d'AMM dans centa et du cordon ombilical qui pourra orienter vers une
cette indication [8]. étiologie vasculaire, infectieuse ou malformative (cho-
riangiome, etc.).
Après 32 SA Si l'examen fœtopathologique est refusé par le couple,
Dans le cas d'une mort fœtale à terme sur col favorable, un il faut expliquer l'importance de la réalisation d'un exa-
déclenchement par ocytocine (Syntocinon®) pourra être men clinique soigneux du corps et si possible la réalisa-
réalisé dans des conditions similaires à celles respectées en tion de radiographies du corps entier. Depuis quelques
cas d'enfant vivant. Si le col n'est pas favorable, une matura- années, l'IRM post-mortem se développe et peut amener
tion par un quart de comprimé de Cytotec® (50 μg) toutes à réaliser le diagnostic de malformation en l'absence
les trois à quatre heures est possible (maximun trois poses). d'autopsie [15].
Après l'expulsion fœtale, la vérification de la vacuité Si une étiologie vasculaire est suspectée (nécrose isché-
utérine par échographie est nécessaire quel que soit le mique des villosités avec dépôts de fibrine [NIDF], throm-
terme. Une révision utérine pourra être faite après 32 SA bose placentaire, etc.), un bilan de thrombophilie sera
au moindre doute. Dans tous les cas, un curetage n'est pas demandé à distance (3 mois) de la MFIU. Ce bilan peut
recommandé en raison des risques de perforation. Si une être discuté également quand le bilan étiologique est négatif
rétention est notée, en l'absence de saignement, deux atti- mais l'existence d'une anomalie ne permettra pas d'établir
tudes sont possibles : soit expectative, soit ablation de la un lien direct avec la MFIU en l'absence de lésion isché-
rétention sous contrôle échographique et si possible à la mique placentaire.
pince à faux germe. L'antibioprophylaxie n'est pas systéma- Il est conseillé de revoir le couple à distance avec les
tique et dépend, comme pour un accouchement d'enfant résultats complets du bilan. Cette consultation est impor-
vivant, de la durée du travail ou de la survenue de fièvre. tante car elle permet de faire le point, de discuter du risque
de récidive, éventuellement de prescrire des examens com-
plémentaires et/ou une consultation génétique en fonction
Bilan étiologique des résultats.
À moins qu'il n'existe une étiologie évidente à la mort Il sera également possible de juger de l'état psychique de
fœtale, un bilan systématique sera nécessaire à la recherche la patiente et de s'assurer de l'existence d'un suivi psycholo-
d'une étiologie. Cependant, il est important de réfléchir par gique si nécessaire.
étape afin de ne pas prescrire des examens inutiles, coûteux
et souvent non interprétables dans le contexte de la gros-
Formalités administratives
sesse (anomalies de la coagulation par exemple). Ce bilan
est indispensable pour permettre un conseil obstétrical ou Elles doivent être envisagées avec le couple par la sage-
génétique de qualité pour les grossesses suivantes. femme, le médecin et l'assistante sociale :
■ la déclaration d'enfant né sans vie sera faite dans les
Exemple de bilan 24 heures à l'état civil par le père ou la sage-femme (voir
chapitre 7). Les notions antérieures de terme à 22 SA
Examen clinique maternel ou de poids à 500 g ont été supprimées par les décrets
■ Interrogatoire (antécédents, prise de médicaments ou et arrêtés du 20 août 2008. On n'est pas tenu de donner
toxiques). un prénom à l'enfant et on indiquera seulement « enfant
■ Terme, déroulement de la grossesse, hauteur utérine. présenté sans vie » pour un enfant mort-né. Cette décla-
■ Poids, pression artérielle, bandelette urinaire. ration donne des droits aux parents en matière d'alloca-
tions familiales, de retraite et d'héritage, mais également à
Bilan sanguin maternel l'enfant qui a obligatoirement une place dans le cimetière
■ NFS, hémostase, CRP, groupe, Rhésus, RAI. de la commune du lieu de décès. Cet acte est conditionné
■ ECBU, PV (avec recherche de Listeria), sérologies de la à la production d'un certificat attestant de l'accouche-
toxoplasmose et rubéole si non immunisée. ment de la mère ;
■ Sérologies CMV et parvovirus (entérovirus en fonction ■ une demande d'autopsie sera faite par le médecin après
du contexte). accord de la patiente.
■ Test de Kleihauer ; Le certificat d'enfant sans vie est remis systématiquement
aux parents, quelle que soit leur intention d'enregistrement
Bilan fœtal ou non à l'état civil. La déclaration éventuelle de l'enfant
■ Amniocentèse pour caryotype (avec éventuellement sans vie à l'état civil repose sur une démarche volontaire et
une comparative genomic hybridization (CGH) sur les n'est contrainte à aucun délai.
cultures en fonction de l'examen anatomopatholo- L'établissement de l'acte d'état civil permet et astreint les
gique) [12]. parents à la prise en charge du corps de leur enfant.
224 Partie III. Accouchements pathologiques
L'acte d'enfant sans vie est enregistré sur le registre des [3] Benachi A, Sarnacki S. Prenatal counselling and the role of the pae-
décès et comporte le jour, l'heure et le lieu de naissance, les diatric surgeon. Semin Pediatr Surg 2014 ; 23 : 240–3.
renseignements d'état civil des parents et les prénoms éven- [4] Cordier AG, Jani JC, Cannie MM, et al. Stomach position in the pre-
diction of survival in left-sided congenital diaphragmatic hernia with
tuellement donnés. L'enfant sans vie n'a pas de patronyme ;
or without fetoscopic endoluminal tracheal occlusion. Ultrasound
en conséquence, l'éventuelle reconnaissance anticipée Obstet Gynecol 2015 ; 46(2) : 155 61C.
tombe de droit. [5] Gardosi J, Kady SM, McGeown P, et al. Classification of stillbirth by
L'inscription sur le livret de famille est possible à la relevant condistion at death (ReCoDe) : population based cohort
demande des parents, et la délivrance d'un livret de famille study. BMJ 2005 ; 331 : 1113–7.
s'il s'agit d'un premier enfant d'un couple non marié est [6] HAS. www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-
aussi possible. 11/ald-hors-liste-pnds-sur-la-hernie-diaphragmatique-congeni-
L'organisation des funérailles par les parents se trouve tale.pdf.
en général facilitée par une procédure mise en place entre [7] Jouannic JM, Gavard L, Fermont L, et al. Sensitivity and specificity of
l'établissement d'accouchement et la commune. La famille prenatal features of physiological shunts to predict neonatal clinical
status in transposition of the great arteries. Circulation 2004 ; 28 :
dispose de dix jours pour s'occuper du devenir du corps.
1743–6.
Au-delà de ce délai et en l'absence de récupération du corps [8] Marret H, Simon E, Beucher G, et al. Collège national des gynécolo-
par la famille, l'établissement a deux jours supplémentaires gues obstétriciens français. Overview and expert assessment of off-
pour procéder à sa charge à la crémation du corps ou à son label use of misoprostol in obstetrics and gynaecology : review and
inhumation si une convention avec la commune existe. Si report by the Collège national des gynécologues obstétriciens fran-
des prélèvements fœtopathologiques sont nécessaires sur çais. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2015 ; 187 : 80–4.
l'enfant, ce délai est prolongé jusqu'à quatre semaines à [9] Pluchon M, Winer N. Misoprostol in case of termination of pre-
compter de la naissance. gnancy in the second and third trimesters. Trials. J Gynecol Obstet
Les congés de maternité sont identiques à ceux de l'accou- Biol Reprod 2014 ; 43 : 162–8.
chement d'un enfant vivant. Si elle n'est pas encore en congé, [10] Quarello E, Molho M, Ville Y. Incidence, mechanisms, and patterns of
fetal cerebral lesions in twin-to-twin transfusion syndrome. J Matern
on comptera 16 semaines à partir du jour de l'accouchement
Fetal Neonatal Med 2007 ; 20 : 589–97.
pour une première ou deuxième grossesse et 26 semaines pour [11] RCOG. Green top guidelines : late intrauterine fetal death and still-
une troisième. Cependant, la femme peut réduire son congé à birth. 2010.
huit semaines si elle le désire. Si la grossesse est de moins de [12] Reddy UM, Page GP, Saade GR, et al. Karyotype versus microarray
180 jours, on donnera un arrêt de travail type congé de maladie. testing for genetic abnormalities after stillbirth. N Engl J Med 2012 ;
Tous ces problèmes doivent être abordés et réglés avec la 367 : 2185–93.
sage-femme et l'assistante sociale qui se tiennent au courant [13] Ruano R, Picone O, Bernardes L, et al. The association of gastroschisis
des modifications législatives (voir chapitre 7). with other congenital anomalies : how important is it ? Prenat Diagn
2011 ; 31 : 347–50.
[14] Tassin M, Descriaud C, Elie C, et al. Omphalocele in the first tri-
Références mester : prediction of perinatal outcome. Prenat Diagn 2013 ; 33 :
497–501.
[1] Al-Kaff A, MacDonald SC, Kent N, et al. Delivery planning for pre- [15] Thayyil S, Sebire NJ, Chitty LS, et al. Post-mortem MRI versus
gnancies with gastroschisis : findings from a prospective national conventional autopsy in fetuses and children : a prospective validation
registry. Am J Obstet Gynecol 2015 ; 213(4) : 557.e1–8. study. Lancet 2013 ; 20 : 223–33.
[2] Beke A, Eros FR, Pete B, et al. Efficacy of prenatal ultrasonography in [16] Walter-Nicolet E, Rousseau V, Kieffer F, et al. Neonatal outcome
diagnosing urogenital developmental anomalies in newborns. BMC of gastroschisis is mainly influenced by nutritional management.
Pregnancy Childbirth 2014 ; 24 : 14 82. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009 ; 48 : 612–7.
Chapitre
18
De la fièvre en début
de travail : conduite à tenir
P. Dolley, G. Beucher, M. Dreyfus
PLAN DU CHAPITRE
Fièvre ou hyperthermie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Appréciation de l'état fœtal . . . . . . . . . . . . . . 230
Conséquences de la fièvre . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
Diagnostic étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 227
228 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Tableau 18.2. Facteurs de risque d'infection utérine qu'il favorise. Une infection, quelle qu'en soit l'ori-
maternofœtale. gine, peut être responsable de fièvre en début de travail.
– Antécédent d'infection maternofœtale lors d'une précédente
Certaines causes d'hyperthermie ne sont pas infectieuses.
grossesse L'existence d'une thrombose veineuse profonde ou d'une
– Rupture prématurée des membranes embolie pulmonaire peut s'accompagner d'un décalage
– Infection urinaire maternelle en cours ou dans le mois thermique modéré (< 39 °C).
précédant l'accouchement Un examen clinique soigneux devra être conduit, en
– Infection génitale maternelle et/ou prélèvement d'endocol sachant que la cause la plus fréquente de fièvre en cours de
positif à Streptococcus agalactiae dans le mois précédant
travail est la chorioamniotite aiguë. Elle est évoquée dans la
l'accouchement
– Cerclage du col plupart des études devant l'association d'une fièvre mater-
– Gestes invasifs intra-utérins récents ou répétés (amniocentèse, nelle et d'au moins deux des signes suivants : douleur uté-
fœtoscopie) rine, contractions, odeur anormale du liquide amniotique,
– Immunodépression (acquise ou iatrogène) tachycardie fœtale, hyperleucocytose ou cultures du liquide
– Travail long avec ouverture prolongée de la poche des eaux amniotique positives [1].
(≥ 18 h) ou touchers vaginaux répétés (déclenchement)
– Liquide amniotique teinté ou méconial
– Tachycardie fœtale ≥ 160 bpm ou décélérations répétées sur le Interrogatoire
tracé de RCF
– Accouchement prématuré (< 37 SA)
On cherchera à établir la durée d'évolution de la fièvre et les
éventuels signes d'accompagnement, qu'ils soient urinaires,
N.B. Le portage asymptomatique de Streptococcus agalactiae au cours du
ORL, pulmonaires, digestifs, neurologiques ou cutanés.
neuvième mois est une indication d'antibioprophylaxie au cours du travail.
On cherchera à dater le début d'une éventuelle perte de
liquide amniotique.
Conséquences de la fièvre On interrogera sur l'existence d'un contage viral (contexte
Risque néonatal épidémique), d'un voyage récent et sur le respect des pré-
Vingt pour cent des femmes fébriles donnent naissance à cautions alimentaires concernant la listériose.
un enfant infecté. Cinquante pour cent des enfants infec- En fonction du contexte épidémiologique, une prise en
tés sont nés d'une mère fébrile. Plus que la fièvre dont les charge protocolisée devra être établie, par exemple en cas
effets ont été assez mal étudiés chez le fœtus, c'est l'infec- de fièvre inaugurale chez une patiente de retour récent d'un
tion intra-amniotique qui présente un risque pour l'enfant. pays endémique pour le paludisme, le chikungunya ou pour
Cette infection intra-amniotique peut aller jusqu'à une des virus comme Ebola.
infection du nouveau-né (méningite, septicémie, entéro- Le résultat du prélèvement vaginal à la recherche de
colite) qui est d'autant plus grave qu'elle est associée à une streptocoque B devra être récupéré.
asphyxie per-partum. Elle augmente la mortalité périnatale
jusqu'à 25 %. On observe également une augmentation de Examen physique
la fréquence des détresses respiratoires et des hémorragies L'examen physique élimine une mauvaise tolérance mater-
intraventriculaires. Enfin, la fièvre est responsable de 20 % nelle : tachycardie, hypotension artérielle, frissons, poly-
des accouchements prématurés, l'élévation de la tempé- pnée, troubles digestifs (diarrhée), teint grisâtre, marbrures,
rature entraînant des contractions utérines. L'association lésions purpuriques. Dans un contexte de suspicion d'infec-
prématurité-infection aggrave considérablement le pronos- tion, une hypothermie inférieure à 36 °C est également un
tic néonatal. signe de gravité.
Il recherche un foyer infectieux extraobstétrical : ORL,
Risque maternel pulmonaire, urinaire, digestif, neurologique, etc.
L'infection entraîne des endométrites, des bactériémies, L'examen obstétrical sera complet, recherchant un
des septicémies avec risque de choc toxi-infectieux et de contexte ou des signes évocateurs de chorioamniotite aiguë :
coagulopathie : la morbidité infectieuse après césarienne pose de spéculum à la recherche de pertes liquidiennes
augmente de 10 %. Le contexte infectieux est également méconnues dont l'aspect sera précisé, palpation utérine à la
connu comme un facteur de risque majeur d'hémorra- recherche d'une douleur utérine, toucher vaginal.
gie du post-partum par le biais de l'atonie utérine et des
coagulopathies.
Examens complémentaires
Risque obstétrical Recherche d'un syndrome inflammatoire
L'infection augmente le nombre des interventions obstétri- Ces analyses ne doivent pas faire retarder le traitement
cales du fait de la dystocie dynamique et de la mauvaise tolé- d'une fièvre pendant le travail. Cependant, prélevées dès le
rance fœtale. La fréquence des césariennes et des extractions diagnostic, elles vont permettre de débuter une surveillance
instrumentales peut atteindre respectivement 25 et 23 %. biologique afin de s'assurer de la régression de l'inflamma-
tion maternelle après l'accouchement.
Diagnostic étiologique Le syndrome inflammatoire s'apprécie par :
■ le dosage de la C-reactive protein (CRP) ;
Un contexte infectieux peut induire le début du travail par ■ la numération formule sanguine pour rechercher une
la fragilisation des membranes ovulaires et la contractilité hyperleucocytose.
Chapitre 18. De la fièvre en début de travail : conduite à tenir 229
La CRP peut s'élever en cas de chorioamniotite et parfois Prélèvement de liquide amniotique par amniocentèse
s'accompagner d'une hyperleucocytose. Une revue de la lit- Son intérêt a été largement étudié dans la littérature dans
térature a montré qu'en cas de chorioamniotite, le dosage l'optique d'approcher au mieux le diagnostic de chorioam-
de la CRP avait une sensibilité de 72,8 %, une spécificité de niotite. Il n'a pas sa place en cas de fièvre en cours de tra-
76,4 %, un taux de faux positifs de 23,6 % et de faux négatifs vail, ce d'autant qu'une colonisation du liquide amniotique
de 27,2 %, ce qui rend son intérêt très modéré dans l'aide au est possible sans qu'on puisse la différencier d'une infection
diagnostic de chorioamniotite en cours de travail [6]. réelle. L'invasivité du geste pour un résultat retardé et non
La procalcitonine augmentée de façon physiologique décisif lui retire toute indication dans cette situation.
chez la femme enceinte n'est pas un bon marqueur de cho-
rioamniotite [6] et ne doit pas être utilisée. Goutte épaisse
La vitesse de sédimentation et le dosage du fibrinogène Elle peut être demandée en cas de suspicion de paludisme.
n'ont pas leur place chez la femme enceinte, leur constante
augmentation n'apportant aucune information pertinente. Prélèvements après l'accouchement (tableau 18.3)
Ils doivent être faits dans tous les cas, que la mère ait reçu
Prélèvements bactériologiques une antibiothérapie (ce qui devrait être le cas) pendant le
Bien que les résultats ne soient disponibles le plus souvent travail ou non.
qu'après l'accouchement, ces prélèvements sont indispen- ■ sur les annexes : pour le placenta et les membranes, un
sables pour confirmer le diagnostic de chorioamniotite examen anatomopathologique (à la recherche de lésions
aiguë et pour guider l'antibiothérapie du nouveau-né et de histologiques de chorioamniotite, qui sera classée en dif-
la mère en post-partum. férents stades en fonction de l'atteinte du versant mater-
nel ± fœtal) et examen bactériologique ;
Hémocultures ■ sur le nouveau-né [3] :
Elles seront prélevées à trois reprises sur milieux aéroanaé- – liquide gastrique et prélèvements périphériques mul-
robies. Si la recherche de Listeria monocytogenes n'est pas tiples (conduit auditif externe + un autre au choix
pratiquée en routine par le laboratoire, il conviendra d'en parmi narines, bouche, yeux, ombilic, anus) ;
faire spécifiquement la demande. – hémoculture : c'est l'examen de référence pour confir-
mer l'infection néonatale. Elle est réalisée sur une veine
Prélèvements urinaires périphérique ou par l'intermédiaire du cathéter ombi-
Effectués aseptiquement, par sondage vésical évacuateur lical. La grande majorité des bactéries, causes de sep-
ou sur une miction spontanée, on y testera une bandelette sis néonatal, est détectée en moins de 48 heures. Il est
réactive à la recherche d'une leucocyturie et d'une nitriturie, recommandé d'attendre 48 heures d'incubation pour
bons témoins d'une infection en cours. Un examen cyto- que la négativité des hémocultures soit un argument
bactériologique des urines sera également demandé avec pertinent pour exclure le diagnostic d'infection chez
un examen direct, une numération des leucocytes et des un nouveau-né « asymptomatique ». Le tableau 18.4
germes, ainsi qu'un antibiogramme. montre les germes les plus fréquemment impliqués [1]
dans une infection néonatale.
Prélèvements vaginaux Ces germes proviennent le plus souvent :
Ils se pratiquent par un écouvillonnage du vagin, en par- ■ d'une infection amniotique après rupture prématurée des
ticulier à la recherche de streptocoque B et de bacilles à membranes (30 % des cas), l'infection ascendante latente
Gram négatif, germes les plus souvent impliqués dans les étant quasi constante à terme après 48 heures de rupture ;
chorioamniotites. ■ d'une amniotite à membranes intactes (dans 50 à 60 %
Un prélèvement de l'endocol n'est pas recommandé en des cas) ; l'amniotite précède le plus souvent la rupture
routine en cas de fièvre pendant le travail [5]. des membranes [6] ;
■ d'une infection urinaire responsable d'une bactériémie.
Recherche de virus influenzae Il est nécessaire de rappeler que le streptocoque du groupe
Dans un contexte d'épidémie grippale avec tableau clinique A est un germe dont le portage asymptomatique dans la
évocateur, un écouvillonnage nasal avec recherche de ces sphère ORL est fréquent, favorisant une transmission de soi-
virus devra être pratiqué. gnant à soigné. Cela impose une prévention par le port du
Tableau 18.4. Répartition de la fréquence des Tableau 18.5. Évaluation du risque d'infection
germes responsables d'infections néonatales. ovulaire (chiffre en % par l'association de deux
paramètres) [4].
Germes %
Paramètres Risque infectieux (%)
Streptocoques B 35,9
Infection maternelle + liquide fétide 75
Escherichia coli 21,4
Liquide vert + prématurité 69
Streptocoques α-hémolytiques 11,3
Rupture prématurée des 54,6
Autres bacilles à Gram négatif 10,7
membranes + liquide fétide
Autres streptocoques 6,7
Liquide vert et fétide 50
Anaérobies 6,1
Infection gravidique + rupture 50
Staphylocoques 5,5 prématurée des membranes
Levures 1,7 Tachycardie + hypercinésie (non 47
expliquée)
Listeria 0,7
Rupture prématurée des 46,7
membranes + hypercinésie
masque pour tous les gestes réalisés chez une parturiente à
membranes rompues, y compris le toucher vaginal, comme Rupture prématurée des 46,15
membranes + tachycardie
le recommande le CNGOF.
Rupture prématurée des 45,9
membranes + prématurité
Appréciation de l'état fœtal Rupture prématurée des 45
membranes + dépassement de terme
Elle est essentielle pour la décision obstétricale.
L'âge gestationnel est estimé grâce aux biométries prati- Prématurité + hyperthermie 40
quées de préférence au premier trimestre, l'existence d'un Prématurité + tachycardie 37,5
travail prématuré étant un facteur de risque d'infection en soi. Dépassement de terme + tachycardie 37,5
Le rythme cardiaque fœtal (RCF) sera le principal guide
des équipes pour évaluer le bien-être fœtal. Près de 50 % des Dépassement de terme + hyperthermie 33
fœtus de mère fébrile présentent des anomalies du RCF. Il n'y
a pas de tracé type de l'infection fœtale. La tachycardie fœtale
(rythme de base > 160 bpm) est fréquente et peut s'accom- autant que possible la réalisation d'une césarienne inutile
pagner d'une réduction des oscillations. Des ralentissements qui, dans un contexte infectieux, peut entraîner une morbi-
de tous types sont possibles. Ces anomalies du tracé peuvent dité maternelle importante.
traduire une perturbation du bien-être fœtal, ce d'autant La stratégie thérapeutique associe :
qu'elles sont associées, devant faire envisager une extraction ■ une antibiothérapie systématique ainsi qu'une optimisation
fœtale en urgence si l'accouchement n'est pas imminent. de la dynamique du travail (direction du travail : rupture
Si les membranes sont rompues, un cathéter de tocométrie des membranes, ocytociques) qui devra être d'autant plus
interne pourra être posé sans augmenter le risque infectieux. rapide que des signes d'infection fœtale apparaissent.
On préférera cependant ne pas avoir recours à la pose d'une Lors d'une infection ovulaire, on note fréquemment une
électrode de scalp. hypercinésie qui peut permettre plus aisément un accou-
L'aspect du liquide amniotique est noté. L'association chement par voie basse ;
d'une fièvre maternelle à un liquide amniotique méconial en ■ une césarienne qui devra être envisagée devant des signes
présence d'un RCF tachycarde doit imposer une naissance modérés d'infection fœtale (tachycardie fœtale modérée
dans les plus brefs délais devant la forte suspicion de cho- isolée) en phase de latence ou chez une nullipare ou lors
rioamniotite avec atteinte fœtale. d'une phase active dystocique,
L'équilibre acidobasique par mesure de pH ou de la lac- ■ une césarienne en urgence sera la règle devant des signes
tacidémie par microponction du scalp est théoriquement d'infection fœtale sévère, à l'exception d'une patiente
discutable dans un contexte infectieux. En effet, l'altération multipare en toute fin de travail ou d'un fœtus en voie
de l'équilibre acidobasique fœtal dans la chorioamniotite est d'expulsion.
un signe d'infection sévère qu'il ne faut pas attendre pour ■ l'anesthésie péridurale est contre-indiquée par la plupart
indiquer l'extraction. des auteurs, du fait des risques infectieux et de coagulo-
Le risque de l'infection ovulaire peut être apprécié en pathie. Il ne s'agit d'une contre-indication absolue qu'en
fonction de plusieurs paramètres (tableau 18.5). cas de septicémie ou de bactériémie.
Examen clinique
Fig. 18.1. Conduite à tenir chez une femme fébrile au cours du travail après 35 SA.
réduit considérablement les colonisations néonatales à strepto- coagulation et débuter une antibiothérapie massive (double,
coque B et diminue le risque de bactériémie [1]. Ces quelques voire triple, par aminoside, céphalosporine de 3e génération
heures gagnées peuvent permettre d'éviter la constitution de et métronidazole).
lésions cérébrales dont le développement peut être rapide dans L'antibiothérapie est poursuivie chez le nouveau-né,
ce contexte. adaptée en fonction de l'état néonatal et des résultats des
En s'inspirant des protocoles de prévention de l'infection prélèvements, sachant qu'une antibiothérapie de courte
néonatale à streptocoque B, on prescrit de : durée ne les négative pas forcément.
■ la pénicilline G (5 millions d'UI puis 2,5 millions d'UI
toutes les 4 h en intraveineux jusqu'à l'expulsion) : son
spectre étroit et son efficacité constante sur le strepto- Après l'accouchement
coque B en font la molécule de choix. En revanche, elle La surveillance maternelle doit être poursuivie et les résul-
n'est pas toujours efficace sur l'Escherichia coli. tats des examens bactériologiques récupérés afin d'orienter
■ l'amoxicilline peut également être prescrite (2 g puis 1 g l'antibiothérapie débutée de façon probabiliste. Ces derniers
en intraveineux toutes les 4 h) ; seront également transmis au pédiatre puisqu'ils seront
■ l'érythromycine (500 mg en intraveineux/6 h), la clinda- connus avant les résultats néonataux.
mycine (900 mg en intraveineux/8 h) ou une céphalospo- En cas de suspicion d'infection néonatale, une antibio-
rine [1] sont des alternatives possibles en cas d'allergie à thérapie chez le nouveau-né sera poursuivie au minimum
la pénicilline. jusqu'au retour des prélèvements néonataux.
Dans le cas où un autre point d'appel infectieux (hors Du point de vue maternel, la sur veillance en
chorioamniotite) est connu, on le traitera de façon ciblée. p ost-partum immédiat sera intensive du fait du risque
En cas de chorioamniotite fortement suspectée, on pourra accru d'hémorragie du post-partum. L'antibiothérapie
mettre en place : par céphalosporine, débutée après la naissance de l'enfant,
■ une bithérapie, associant un aminoside à une céphalos- nécessite d'être poursuivie jusqu'au retour des prélève-
porine ou une aminopénicilline ; ments bactériologiques.
■ une trithérapie amoxicilline-amikacine-céfotaxime, Si les prélèvements bactériologiques faits à l'enfant
couvrant théoriquement l'ensemble des germes habi- sont stériles, l'antibiothérapie peut être arrêtée. Dans le
tuellement impliqués dans l'infection maternofœtale, à cas contraire, elle est adaptée à l'antibiogramme et à
condition de ne pas la prolonger au-delà des 48 heures l'existence d'un allaitement maternel. Afin de prévenir
nécessaires à l'instauration d'une antibiothérapie dirigée le risque d'endométrite secondaire du post-partum, elle
contre le germe impliqué. sera poursuivie 14 jours avec un relai per os dès 48 heures
Devant une septicémie, un choc toxi-infectieux, débutant d'apyrexie.
ou installé, la césarienne est urgente afin de traiter l'origine Une prévention de la maladie thromboembolique par une
de l'infection, mais elle ne doit être faite qu'en instaurant injection quotidienne d'une héparine de bas poids molécu-
une réanimation intensive. Il faut en particulier rétablir laire est à discuter du fait d'un risque accru de thrombophlé-
un état hémodynamique stable, corriger des troubles de la bite pelvienne.
232 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Conclusion Références
Deux pour cent des femmes en travail présentent de la [1] ANAES. RPC Prévention anténatale du risque infectieux bactérien
fièvre. Son origine infectieuse, en particulier la chorioam- précoce. 2001.
[2] ANAES. RPC Diagnostic et traitement curatif de l'infection bacté-
niotite, peut s'associer à de nombreuses complications
rienne précoce chez le nouveau-né. 2002.
maternelles, fœtales et néonatales. À un bilan étiologique [3] CNGOF. RPC Infections cervicovaginales et grossesse. 1997.
soigneux s'associe une antibiothérapie probabiliste qui [4] Sautiere JL, Maliki K, Colette C. Diagnosis of ovular infection associa-
sera adaptée à l'antibiogramme après l'accouchement. Une ted with premature rupture of the membranes. Rev Fr Gynecol Obstet
direction du travail peut être nécessaire afin de limiter 1991 ; 86 : 287–9.
les risques d'infection fœtale et de césarienne. Cette der- [5] Petit E, Abergel A, Dedet B, et al. Prématurité et infection : état des
nière ne doit pas être retardée dans un contexte obstétrical connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 14–25.
défavorable. [6] Wiwanitkit V, et al. Maternal C-reactive protein for detection of cho-
rioamnionitis : an appraisal. Infect Dis Obstet Gynecol 2005 ; 13 : 179–81.
Chapitre
19
Rupture prématurée
des membranes en dehors
du travail : conduite à tenir
P. Gillard, L. Sentilhes, P. Descamps
PLAN DU CHAPITRE
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 Conséquences de la rupture prématurée des
Fréquence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 membranes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236
Moyens de défense contre l'infection . . . . . . . 234 Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Pourquoi la rupture prématurée des Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
membranes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246
Fig. 19.1. Rôle de l'infection endocervicale dans le mécanisme de la rupture des membranes. D'après Minkoff H. Prematurity : infection
as an etiologic factor. Obstet Gynecol 1983 ; 62:137-44.
■ la surdistension globale de la poche des eaux (hydram- surtout pratiqué tardivement, après 19 semaines, semble
nios), des tractions excessives localisées et une ischémie un facteur de risque prépondérant : infection locale sur
locale représentent des facteurs d'appoint. corps étranger, sécrétion de prostaglandines, voire fragi-
Parmi les facteurs de risque on retient : lisation ou rupture peropératoire ;
■ le placenta praevia ou l'insertion basse du placenta ; ■ les antécédents de rupture prématurée car le risque de
■ le bas niveau socioéconomique qui s'accompagne souvent récidive est estimé à 16–30 % [1].
d'infections cervicovaginales plus fréquentes, de rapports Comme on le voit, certains facteurs de risque sont évi-
sexuels avec de multiples partenaires plus fréquents, de tables : les infections cervicovaginales, le tabagisme, les
malnutrition, etc. ; prélèvements fœtaux (amniocentèses, ponctions de sang
■ le tabagisme ; fœtal) ; d'autres non : placenta praevia, insertion basse,
■ l'obésité ; grossesses multiples, hydramnios, antécédent d'accou-
■ la conisation ; chement ou de rupture prématurés. Dans de nombreux
■ la béance cervicale qui expose, certes, aux microbes et cas, la rupture survient chez des femmes sans facteur de
aux traumatismes directs mais, en regard, le cerclage, risque.
236 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Trendelenburg, au préalable, permet de réussir la ponction valeur prédictive négative soient bonnes : un test normal
dans au moins 50 % des cas ; l'échoguidage permet d'obtenir rend peu probable une infection (NP2).
96 % de réussite [22]. Les risques théoriques de traumatisme Il en est de même pour l'enregistrement du rythme car-
fœtal, d'hémorragie, d'infection ou d'induction de contrac- diaque fœtal tachycarde ou micro-oscillant et de la dispa-
tions utérines semblent très limités grâce à l'asepsie, au gui- rition des mouvements respiratoires qui signeraient une
dage échographique, voire à la tocolyse. infection fœtale (NP3). Néanmoins, le profil biophysique
Nous ne l'utilisons pas en pratique courante. n'a pas démontré sa pertinence lors de rupture prématurée
Examens à effectuer sur les prélèvements par le de la poche des eaux où l'oligoamnios est permanent. Il en
biologiste Quel que soit le mode de prélèvement, les pre- est de même pour l'étude au Doppler de la circulation pla-
miers examens à effectuer sont : centaire ou fœtale.
■ la coloration extemporanée de Gram du liquide amnio- L'enregistrement du rythme cardiaque fœtal peut mon-
tique non centrifugé : la valeur reste discutée car la cor- trer une tachycardie. Celle-ci ne prédit que dans 20 à 40 %
rélation avec les cultures ultérieures, la chorioamniotite des cas une infection intra-utérine avec un taux de faux
ou l'infection néonatale varie beaucoup selon les auteurs. positif de 3 % [21].
Pour Garite et al. [9], la méthode après amniocen-
tèse a une spécificité de 78 % et une sensibilité de 81 % Infection maternelle
(il semble qu'il faille retenir le seuil de 103 germes/ml) ; Elle est consécutive à l'infection amniotique qui provoque
■ la recherche de globules blancs a fortiori altérés ou à une atteinte de la caduque et une endométrite.
noyaux polymorphes qui, en l'absence de germes, perd Ce foyer septique est un point de départ possible de
beaucoup de sa spécificité ; septicémie ; après 24 heures de rupture, 20 % des mères
■ les cultures aérobies et anaérobies. deviennent fébriles.
Ce sont bien sûr les cultures aérobies et anaérobies
qui permettent d'identifier de façon précise les micro-
organismes et d'établir l'antibiogramme, mais malheureuse- Autres conséquences de la rupture
ment au prix d'un délai de 48 à 72 heures. prématurée des membranes
Le mode de recueil est très important, en particulier Prématurité
pour les germes anaérobies. L'amniocentèse apporte bien La prématurité est la complication majeure de la rupture
sûr une rigueur exemplaire ; elle a d'ailleurs démontré que prématurée des membranes car la rupture induit le travail
l'infection intra-amniotique est possible avec des mem- dans 78 % des cas.
branes intactes. La culture est positive dans plus d'un tiers Ce sont les plus jeunes grossesses qui attendent le plus.
des ruptures prématurées des membranes où l'infection Le fait que la rupture accélère la maturité pulmonaire fœtale
est inapparente ; par voie endocervicale, les taux de positi- et qu'il y ait moins de membranes hyalines si le délai entre
vité vont de 50 à 91 %, avec des taux de germes anaérobies rupture et début du travail dépasse 24 heures est discuté.
approchant les 20 %.
Par voie haute, les cultures sont positives dans 20 à 30 %
des cas de rupture prématurée des membranes contre 2 à Procidence du cordon (figures 19.1 et 19.2)
4 % dans les grossesses normales, avec prédominance du La fréquence de l'association procidence du cordon-
streptocoque B et des germes anaérobies, et ce dès quatre rupture prématurée des membranes varie de 0,3 à 1,7 %
heures après la rupture. En revanche, contrairement à une
idée solidement établie, passé quelques heures, le pourcen-
tage de cultures positives diminue : en effet, en cas d'infec-
tion vraie causale, le temps de latence avant le début du
travail est le plus souvent court.
Retenons cependant qu'une culture de liquide amnio-
tique positive ne prouve pas la chorioamniotite et encore
moins l'infection néonatale (qu'il faut bien distinguer de la
colonisation bactérienne).
Dépistage échographique
Depuis les travaux de Manning, l'établissement du profil
biophysique (rythme cardiaque fœtal, mouvements des
membres, mouvements respiratoires, tonus fœtal, grade pla-
centaire, quantité de liquide amniotique) permet d'estimer
de façon fidèle le bien-être fœtal.
Vintzileos et al. [24] estiment que le profil biophysique
peut dépister l'infection fœtale avec une sensibilité de 80 %
et une spécificité de 97,6 %. Néanmoins, personne n'a repro-
duit une telle sensibilité et un score biophysique doit être
réalisé toutes les 24 heures pour être fiable, ce qui ne semble
pas réalisable. Il semble en revanche que la spécificité et la Fig. 19.2. Procidence du cordon.
238 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
selon les auteurs. On doit donc toujours avoir cette com- césarienne afin d'éviter la rétention de tête dernière ; au-delà
plication présente à l'esprit de façon à en faire le dia- de 32 SA ou d'un poids fœtal supérieur à 1 500 g, c'est la voie
gnostic précocement et à mettre en route le traitement basse qui sera choisie.
(encadré 19.1).
prolongée (plus de 5 semaines) et l'oligoamnios très sévère, Ce test a une sensibilité de 90 % lorsque le liquide n'est
sans être pour autant une complication obligatoire. pas souillé par du sang ou une solution antiseptique. Le col
doit donc être mouché très doucement avec une compresse
sèche stérile avant le prélèvement.
Diagnostic
Examen clinique Dosage de la diamine-oxydase
Le liquide à tester est recueilli sur une bandelette de papier
Dans 80 % des cas, le diagnostic est évident, marqué par un Whatman introduite entre deux doigts non lubrifiés dans
écoulement liquide bien clair, abondant, parfois teinté ou le vagin, au contact direct du col mais pas des membranes
mêlé à des particules de vernix. (qui peuvent positiver le test). Il ne faut pas faire de toilette
Cet écoulement survient de manière inopinée, soudaine, vulvaire ni mettre de spéculum pour éviter tout saignement
en dehors de tout travail. Il est continu, accru par la mobili- et toute contamination par un antiseptique.
sation du fœtus ou ses mouvements et imprègne en perma- Le papier est retiré au bout d'une minute et adressé
nence les garnitures. au laboratoire qui extrait le liquide absorbé par élution.
Les signes généraux sont absents. Il faut cependant C'est dans cet éluat que la diamine-oxydase synthétisée
prendre la température pour rechercher une infection. par le placenta, dès la 20 e semaine, est dosée par une
L'abdomen est souple. On repère la présentation et on méthode radio-isotopique. Le résultat peut être obtenu
recherche les bruits du cœur : on appréciera cliniquement la en deux heures : le taux de positivité est de 40 mU/ml. La
quantité de liquide amniotique résiduelle. méthode est exacte dans près de 90 % des cas. Elle n'est
Au spéculum stérile et non lubrifié, on voit bien le liquide plus utilisée.
qui sourd du col et baigne la valve postérieure et le cul-de-
sac. Il a une odeur fade. Il peut être mis en évidence par la Recherche du facteur de croissance de l'insuline ou IGFBP1
mobilisation de l'utérus, du fœtus, le changement de posi- Ce facteur est présent à taux élevé dans le liquide amnio-
tion, la toux ; il faut être patient. Il permet les prélèvements tique. Un test positif signe une rupture prématurée des
bactériologiques. membranes. Ce test a une bonne sensibilité et surtout
Le toucher vaginal augmente le risque infectieux et réduit une bonne spécificité, supérieure à 95 %. L'Actim® PROM
l'intervalle rupture-accouchement (NP2). Il doit donc être est un test fondé sur cette méthode, qui peut être lu au
évité dans tous les cas où la patiente ne présente pas de signes lit du malade : c'est celui que nous utilisons en pratique
de début de travail (recommandations du CNGOF [6]). courante.
Les difficultés diagnostiques peuvent venir d'un écoule-
ment abondant au départ qui s'est tari, et que l'on ne retrouve
pas au spéculum. La question se pose alors de savoir s'il Étude de la protéine α1-microglobuline (PAMG-1) in vitro
s'agit d'une fissure haute, de la rupture d'une poche amnio- provenant du liquide amniotique (AmniSure®)
choriale, voire d'une incontinence urinaire. Le test réalisé en salle de travail peut être lu en cinq à dix
Devant un écoulement minime, il faut savoir s'il s'agit minutes après l'immersion dans le flacon diluant. Sa sensibi-
d'une rupture vraie avec oligoamnios, d'une fissure ou d'une lité et sa spécificité sont voisines de 100 % [7].
hydrorrhée déciduale qui serait la conséquence d'une endo-
métrite déciduale et se traduit par des pertes intermittentes Test de la fibronectine
teintées de sang. Protéine de la matrice extracellulaire située au niveau
C'est dans ces cas difficiles que les examens complémen- des points d'ancrage du placenta et des membranes, elle
taires sont indispensables. ne doit pas être retrouvée au niveau des sécrétions vagi-
nales entre 25 et 37 SA. Sa sensibilité est excellente ; en
revanche, sa spécificité est moins bonne avec 20 % de
Examens complémentaires faux positifs. Il est également un bon facteur prédictif
Appréciation du pH alcalin du liquide amniotique de menace d'accouchement prématuré. Ce test n'est pas
Le pH endocervical est normalement acide (pH < 4) et recommandé dans le diagnostic de la rupture prématurée
devient alcalin en présence de liquide amniotique. Ce chan- des membranes, mais dans celui de la menace d'accou-
gement peut être apprécié par un simple papier à pH ou chement prématuré.
par le test à la nitrazine ou Amnicator® qui recherche aussi
une élévation du pH endocervical ou vaginal par réaction Injection de colorants intra-amniotiques
colorimétrique. Ce test a une excellente sensibilité, de plus C'est une technique plus agressive, à réserver éventuelle-
de 90 %. Un test négatif élimine pratiquement une rupture ment aux cas litigieux (indigo, carmin, bleu Evans, bleu de
prématurée des membranes. En revanche, il y a près de 20 % méthylène, fluorescéine, rifamycine). Le test est positif si
de faux positifs en raison de présence de sang, de sperme, l'on voit apparaître le colorant dans le vagin.
d'urine ou d'infection.
Échographie
Test de cristallisation Elle permet d'apprécier la quantité de liquide amniotique
Le liquide amniotique est prélevé au niveau de l'orifice restant, tout en sachant qu'il existe d'autres causes d'oli-
externe du col, puis étalé sur une lame et séché à l'air ou à la goamnios que la rupture prématurée des membranes. Elle a
chaleur. Il cristallise en formant des structures arborescentes l'avantage de l'innocuité mais un examen normal n'élimine
en feuilles de fougère, visibles au microscope. pas la rupture.
240 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Fig. 19.3. Conduite à tenir devant une suspicion de rupture prématurée des membranes. Bilan initial.
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir 241
■ le terme par la date des dernières règles, le résultat des ■ l'existence d'éventuelles malformations ou déformations
échographies du début de la grossesse. fœtales, en particulier après rupture très prolongée : le
L'examen clinique permet la mesure de la hauteur uté- diamètre thoracique vrai permettrait d'estimer les risques
rine et l'étude de la présentation ; on recherche l'existence de d'hypoplasie pulmonaire ;
contractions utérines. ■ l'appréciation des paramètres Doppler ombilicaux et
La pose du spéculum permet le prélèvement bactério fœtaux précédant souvent les anomalies du RCF ;
logique endocervical. Le toucher vaginal peut servir à élimi- ■ la localisation placentaire (praevia) ou une anomalie de
ner une procidence du cordon si celle-ci est suspectée.( Fig type hématome rétroplacentaire ;
19-1) Il est cependant déconseillé de le pratiquer de manière ■ éventuellement une malformation utérine ;
systématique et surtout s'il la patiente n'est pas en travail. ■ et, aussi, la hauteur de la présentation, la longueur et la
L'examen général s'attache à la recherche d'une infection. dilatation du col utérin, afin d'éviter le toucher vaginal
On prend donc la température, on recherche des fosses lom- rendu responsable d'infections iatrogènes.
baires douloureuses, une contracture utérine localisée, un
point urétéral moyen ou inférieur douloureux. On ausculte Bilan infectieux
le cœur et les poumons et on note le pouls. Nous avons vu les modalités de dépistage de l'infection sub-
clinique (voir Chapitre 18). Les prélèvements maternels sont :
Bilan fœtal ■ la NFS, le dosage de la CRP à répéter deux à trois fois par
La plupart des décisions obstétricales actuelles sont directe- semaine ;
ment dépendantes : ■ les prélèvements bactériologiques cervicovaginaux et de
■ de l'âge gestationnel ; l'endocol, l'ECBU avec uroculture à vérifier deux à trois
■ de l'estimation du poids fœtal ; fois par semaine ;
■ de la maturité pulmonaire ; ■ l'amniocentèse avec coloration de Gram, numération et
■ du bien-être fœtal. aspect des leucocytes et des germes, dosage du glucose
L'échographie et le monitorage du RCF permettent une et des lactates déshydrogénases (LDH) ou de l'interleu-
approche très étroite de ces paramètres. kine-6 qui est peu ou pas réalisée en pratique courante en
L'âge gestationnel est déterminé par les données clas- France.
siques, en particulier la biométrie échographique précoce.
Le poids fœtal peut être estimé avec une marge d'erreur Moyens thérapeutiques
d'environ 10 % par une biométrie incluant les diamètres Antibiotiques
bipariétal et abdominal transverse, la longueur du fémur
ou, mieux encore (car en cas de rupture, certains diamètres Les méta-analyses de Kenyon et al. (2003–2004) [13, 14] qui
sont réduits par déformation), les circonférences cépha- regroupent 22 essais ont bien montré que l'utilisation des
lique et abdominale, en se reportant aux courbes ou tables antibiotiques diminue le risque de chorioamniotite (RR :
habituelles. 0,57), le risque d'accouchement dans les 48 heures (RR :
La maturité fœtoplacentaire peut être indirectement 0,71) ou dans les sept jours (RR : 0,80), ainsi que le risque
extrapolée de critères tels que les points d'ossification, en d'infection néonatales (RR : 0,68).
particulier le point échographique fémoral inférieur (point Cependant, il n'a pas été mis en evidence d'amélioration
de Béclard) et son diamètre, l'échogénicité respective du de la mortalité périnatale. Dans ORACLE II [16], il y a une
poumon et du foie fœtal, l'aspect de la vallée sylvienne qui tendance significative à l'augmentation des cerebral palsy à
est en rapport avec la maturation cérébrale et la classifica- long terme.
tion placentaire de Grannum. Il est néanmoins recommandé de faire un traitement
Le bien-être fœtal est très régulièrement surveillé par antibiotique par de la pénicilline seule ou associée, ou par
l'enregistrement du RCF (pendant au moins une demi- un macrolide (érythromycine) en cas d'allergie dans la revue
heure 2 à 3 fois par jour, voire toutes les 4 h), ainsi que par de la Cochrane de 2013 [15].
l'influence sur celui-ci d'éventuelles contractions utérines. Nous avons pris pour habitude d'arrêter les antibiotiques
Le test au Syntocinon® est à l'inverse déconseillé du fait du dès que l'examen direct est connu et négatif.
risque augmenté d'infection ascendante. Si la femme a un prélèvement vaginal au streptocoque B
Le profil biophysique échographique selon Manning positif, on donnera de la pénicilline ou de la clindamycine
est établi deux à trois fois par semaine ; nous avons évoqué en cas d'allergie.
son intérêt dans le dépistage de l'infection fœtale, et, dans
cette optique, peut-être devrions-nous l'établir de façon Corticoïdes
quotidienne. La méta-analyse de Harding et al. [11], qui regroupe
L'échographie permet aussi d'estimer la quantité de 15 essais randomisés, montre bien que la prescription de cor-
liquide amniotique ; son intérêt est que : ticoïdes chez les femmes qui ont une rupture prématurée des
■ le diagnostic est confirmé ; membranes diminue le risque de détresse respiratoire (RR :
■ l'importance de l'oligoamnios est corrélée au pronostic 0,56) mais aussi d'hémorragie intraventriculaire (RR : 0,47)
fœtal, et ce d'autant plus que la grossesse est prématurée. ou d'entérocolites nécrosantes (RR : 0,21) et de décès néona-
L'échographie permet en outre de préciser : tal (RR : 0,68). Cette prescription n'augmente pas le risque
■ la présentation ; infectieux pour la mère ou l'enfant. Des corticoïdes doivent
■ le nombre de fœtus ; donc être prescrits entre 24 et 34 semaines de grossesse [23].
242 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Fig. 19.4. Conduite à tenir devant une rupture prématurée confirmée des membranes.
Fig. 19.5. Conduite à tenir devant une rupture prématurée des membranes en fonction du terme.
la rencontre des pédiatres avec les parents en période anté- ■ une antibiothérapie de courte durée, systématique et
natale doit permettre d'intégrer ces derniers dans les déci- immédiate, qui diminue la morbidité infectieuse mater-
sions (NP5). nelle et néonatale, et prolonge la grossesse (NP1) ;
■ une corticothérapie systématique et immédiate à partir
Avant la viabilité fœtale (25 semaines) de la viabilité (NP1) ;
Cette limite peut être discutée et à fixer en accord avec les ■ une tocolyse, en faveur de laquelle il existe des arguments,
néonatologistes, en fonction du taux de survie de l'unité de en cas d'activité utérine jusqu'à 32 SA (NP3), voire pour
soins intensifs disponible [17]. certains jusqu'à 34 SA (NP4), qui prolonge la grossesse le
Une interruption médicale de grossesse ne devrait pas temps de permettre l'efficacité de la corticothérapie ;
être envisagée en l'absence d'anamnios ou de chorioamnio- ■ un éventuel transfert in utero vers une maternité de
tite (NP5) (recommandations du CNGOF [6]). niveau II ou III selon l'âge gestationnel, si l'accouche-
Si la patiente est en travail, il faut diriger le travail et ment n'est pas imminent (NP5) (recommandations du
accoucher par voie vaginale ; une tocolyse paraît comporter CNGOF [6]).
beaucoup trop de risques fœtaux et maternels. À ces termes, la prématurité est potentiellement viable.
En l'absence de travail, l'expectative avec repos et sur- L'expectative armée nous paraît logique car :
veillances clinique et biologique est de mise ; il faut cepen- ■ prolonger la latence est possible : avant terme, un gain de
dant apporter à la mère une information complète, claire et plus de sept jours est obtenu entre 19 et 41 % des cas, sans
objective sur les risques de cette expectative, que nous avons aggravation évidente du risque infectieux ;
décrits par ailleurs, en particulier les conséquences de l'oli- ■ cette latence est d'autant plus prolongée que l'on est avant
goamnios prolongé. Elle peut alors choisir la possibilité du terme et, dans un tiers des cas, avant 32 semaines ; il est
déclenchement de l'accouchement d'un fœtus dont le pro- possible de gagner plus de trois jours ;
nostic est très compromis [18]. ■ la suppression du toucher vaginal avec pénétration de
l'endocol réduirait considérablement le risque d'infection
Entre 25 et 34 semaines néonatale.
Le traitement initial doit comporter : En l'absence de travail, nous proposons l'abstention théra-
■ une hospitalisation ; peutique. Le déclenchement sera assuré à ce terme ou avant
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir 245
si les conditions l'imposent [19]. En effet, cette expectative Les recommandations concernant la surveillance s'ap-
ne nous semble possible que sous couvert d'une surveillance puient sur les pratiques plutôt que sur des études cliniques.
bactériologique, biologique et échographique répétée. La Il est proposé de surveiller (NP5) :
survenue d'une chorioamniotite, même a minima, infracli- ■ quotidiennement : la température et le pouls maternels,
nique (élévation de la CRP ou amniocentèse positive), ou la les mouvements actifs fœtaux et le rythme cardiaque
persistance d'un anamnios ou d'anomalies du RCF doivent fœtal ;
précipiter l'accouchement. Antibiothérapie, tocolyse et sur- ■ une à deux fois par semaine : la NFS, la CRP, l'examen
tout corticothérapie sont alors justifiées. L'antibiothérapie bactériologique d'un nouveau prélèvement vaginal
prescrite à large spectre nous semble devoir être arrêtée dès (recommandations du CNGOF [6]).
reception de l'examen direct négatif. Après 33 SA, la toco-
lyse n'est justifiée que pour permettre de réaliser la cure
de corticoïdes. Il est utile de rappeler que l'expectative est Cas particuliers
d'autant plus longue que le terme est précoce, qu'elle est en Rupture prématurée des membranes
moyenne d'une semaine si la patiente n'a pas accouché dans chez une patiente qui a un cerclage
les 24 heures et qu'il est exceptionnel qu'elle se prolonge au- La question se pose d'enlever ou non le cerclage. Certaines
delà de trois semaines. études ont montré un risque plus élevé d'infection si on
Il faut informer les parents du pronostic : laisse le cerclage en place avec peu de prolongation de la
■ avant 28 SA, une grossesse sur deux seulement aboutit à grossesse. Les études comportent peu de cas et ne sont pas
un enfant vivant, un sur deux né après 27 semaines décé- randomisées, et la date de retrait du cerclage est peu claire.
dera la première année de vie ; Nous retirons le cerclage 48 heures après la prescription des
■ après 28 SA, le taux de survie s'améliore franchement, corticoïdes et des antibiotiques.
passant à près de 90 % (voir Chapitre 25).
Rupture prématurée des membranes
Après 34 semaines chez une femme qui a un herpès génital
Quatre-vingts à 90 % des ruptures prématurées des mem- L'infection du fœtus se produit lors de l'accouchement et
branes après 34 semaines sont en travail dans les 24 heures. touche 30 à 80 % des enfants en cas de primo-infection et 1 à
Il faut alors instaurer un travail dirigé. Si la patiente ne se 5 % en cas de récurrence. Une série de 29 femmes ayant une
met pas en travail spontanément, deux attitudes sont pos- rupture prématurée des membranes avant 32 SA traitées de
sibles : soit le déclenchement de l'accouchement (modali- manière conservatrice malgré l'herpès ont eu toutes des enfants
tés à définir en fonction des conditions obstétricales), soit non infectés. La durée de la rupture a été de 1 à 35 jours et les
l'expectative. femmes ont été césarisées si elles avaient des lésions herpétiques
Jusqu'à quel terme aller si tout va bien ? La femme n'a évolutives. Ces données suggèrent que le risque de prématurité
pas de fièvre ni de contractions, les prélèvements sont néga- doit être mis en balance avec celui de l'infection herpétique
tifs, la CRP est basse, l'échographie montre un volume de chez les femmes ayant une récurrence. Un traitement prophy-
liquide amniotique normal, une bonne croissance fœtale ? lactique par l'aciclovir peut être ajouté [1].
La Cochrane a publié des résultats montrant qu'il n'y avait
pas de preuve de meilleurs résultats dans l'une ou l'autre Modalités d'accouchement et surveillance
attitude [3]. On peut donc en l'absence de signes cliniques Le choix entre la voie basse et la voie haute est fonction du
ou biologiques de chorioamniotite essayer de gagner encore terme, des conditions locales, de la présentation et de l'état
un peu de temps. fœtal (voir Chapitre 25, « Accouchement du prématuré »).
Si la femme avait été transférée dans un établissement Le taux de césarienne est accru (30 %) du fait de l'aug-
de niveau III, elle peut revenir dans un établissement de mentation des cas de procidence, de la dystocie dynamique,
niveau II. La question du retour à domicile peut même des présentations dystociques (siège avant 35 semaines) et
se poser chez certaines patientes qui sont stables, sans des grossesses multiples.
signes infectieux, coopérantes et dont le domicile est En cas d'accouchement par voie basse, nous acceptons
proche de l'établissement. Dans ce cas, la patiente doit de poser une tocographie interne ainsi qu'une électrode de
surveiller sa température toutes les quatre ou huit heures scalp ou une saturométrie qui ne majorent pas, à notre avis,
[21]. Il n'existe pas de données justifiant le repos strict le risque infectieux.
au lit [6]. Si la patiente accouche avant 37 SA, l'administration d'anti-
biotiques pendant le travail réduit le risque d'infection mater-
Surveillance après le traitement initial nelle et fœtale (NP3) (recommandations du CNGOF [6]).
L'hospitalisation initiale des patientes présentant une rup- Après l'accouchement, il faut faire tous les prélèvements bac-
ture prématurée des membranes avant 37 SA est justifiée tériologiques à la mère et à l'enfant ainsi que sur le placenta et
par le fait que plus de la moitié des patientes vont accou- les membranes (voir Chapitre 6, « Prélèvements sur le délivre »).
cher dans la semaine qui suit la rupture (NP3). Pour une L'enfant prématuré est potentiellement infecté. Il sera
petite proportion de patientes stables et sans critères de confié au néonatologue qui sera informé de tous les résultats
mauvais pronostic, une hospitalisation à domicile pourrait prénataux, en particulier bactériologiques.
être proposée dans le but de réduire les coûts de prise en Le placenta, les membranes et le cordon seront l'objet de
charge (NP3). Il n'existe pas de données justifiant le repos prélèvements bactériologiques et d'un examen anatomopa-
strict au lit. thologique complet.
246 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
PLAN DU CHAPITRE
Pourquoi un liquide teinté ? . . . . . . . . . . . . . . . 247 Accueil du nouveau-né . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Signification du liquide teinté . . . . . . . . . . . . . 248 Prélèvements bactériologiques maternels et
Inhalation méconiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 fœtoplacentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Conduite à tenir devant un liquide teinté . . . 249 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Tableau 20.1. Corrélations entre le rythme En cas de membranes intactes, le diagnostic d'ano-
cardiaque fœtal et la couleur du liquide malie de couleur (liquide teinté ou méconial) est difficile
amniotique [10]. et l'amnioscopie a une utilité très discutée. Par exemple,
État du liquide Rythme cardiaque Évolution de l'équi-
l'intérêt de l'amnioscopie dans la surveillance systéma-
amniotique au fœtal au début du libre acidobasique tique des grossesses à partir de 41 SA + 0 J n'a jamais été
début du travail travail démontré. En revanche, il a été montré que les taux de faux
Teinté, épais Pathologique Acidose précoce positif (diagnostic de liquide amniotique teinté ou méco-
nial alors qu'en réalité le liquide amniotique est clair) et de
Teinté, fluide Normal RAS
faux négatif (diagnostic de liquide amniotique clair alors
Clair Pathologique Acidose ± tardive que le liquide amniotique est en réalité teinté ou méconial)
Clair Normal RAS de l'amnioscopie sont élevés [8]. De plus, il a été montré
qu'une politique de déclenchement, lorsque le liquide amnio-
tique est considéré comme teinté ou méconial à l'amniosco-
pie, ne permettait pas de diminuer la morbidité néonatale
Inhalation méconiale [8, 9] et qu'il n'existait aucun lien entre la morbidité néona-
tale et la présence d'un liquide amniotique teinté ou méco-
C'est une complication grave qui multiplie par 20 la morta- nial diagnostiqué lors d'une amnioscopie. Ainsi, les sociétés
lité néonatale [11]. Le risque d'inhalation méconiale dépend savantes américaines, anglaises et canadiennes, ainsi que
de la consistance du méconium, et 95 % des nouveau-nés le CNGOF, ne recommandent pas de réaliser une amnios-
avec un syndrome d'aspiration méconial naissent à travers copie pour les grossesses à partir de 41 SA + 0 J [1, 14, 15].
un méconium épais. Sur une série de 238 enfants nés en pré- Cette recommandation de non-recours à l'amnioscopie en
sence d'un liquide méconial, 2,9 % des enfants exposés à un cas de grossesse prolongée traduit le faible intérêt de l'am-
liquide méconial léger ont développé un syndrome d'aspi- nioscopie, de manière générale, pour réduire la morbimor-
ration méconiale, contre 4,6 % exposés à un liquide teinté talité néonatale.
modéré et 19 % qui avaient un liquide teinté épais.
Surveillance fœtale
Diagnostic La signification du liquide teinté dépend, nous l'avons vu,
Le syndrome d'inhalation méconiale est difficile à prévoir avant essentiellement de la présence d'anomalies ou non du RCF.
la naissance, mais l'association d'un liquide méconial et d'ano-
malies du rythme cardiaque fœtal doit alarmer le clinicien.
L'inhalation méconiale se manifeste, après un accouche-
Conduite obstétricale avant
ment avec liquide amniotique méconial, par une détresse ou en début de travail (figure 20.2)
respiratoire secondaire chez le nouveau-né. La radiographie Les membranes sont intactes
pulmonaire permet le diagnostic en montrant des aspects en Si les membranes sont intactes et que l'anomalie de couleur
flocons de neige de la région périhilaire avec distension des du liquide amniotique a été suspectée lors d'une amniosco-
bases (poumon postasphyxique). pie, même si cet examen présente de faux positifs, et même
Traitement
Il doit être préventif : aspiration du méconium sous laryn-
goscope à la naissance. L'enfant doit être obligatoirement
transféré en réanimation néonatale pour une éventuelle
ventilation assistée, une équilibration hydrique et une anti-
biothérapie. Cette dernière est discutée en l'absence d'infec-
tion maternelle, car le méconium est a priori stérile mais
favorable à la prolifération bactérienne.
Prélèvements bactériologiques
maternels et fœtoplacentaires
Ils sont réalisés comme en cas de fièvre au cours de l'accou-
chement (voir Chapitre 18).
Conclusion
Le pronostic de l'accouchement avec un liquide teinté ou
méconial dépend essentiellement de la présence ou non
d'anomalies du rythme cardiaque fœtal. Le syndrome
d'inhalation méconiale est rare (11 %) mais grave pour les
formes sévères (létalité de 5 à 40 %) ; il peut être réduit par
une prise en charge adéquate à la naissance.
Références
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Secondairement, la surveillance de l'enfant doit être très 1999 ; 27 : 222–30.
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515–20.
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peut être réservée aux enfants en dépression respiratoire qui editor. The management of Labour. Oxford : Blackwell Scientific
nécessitent une ventilation en pression positive. Publications ; 1985.
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252 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
[12] Pasquier JC. Le liquide amniotique méconial pendant le travail. CNGOF. [15] SOGC. Directive clinique sur la prise en charge de la grossesse entre la
In : Mise à jour en gynécologie-obstétrique. Paris : Vigot ; 2005. p. 31–48. 41e + 0 et la 42e + 0 semaine de gestation 2008 ; 214 : 811–23.
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Labour Evidence-Based Clinical Guideline. n° 9. juin 2001. 597–602.
Chapitre
21
Une hypertension artérielle
en début de travail :
conduite à tenir
F. Goffinet, J. Lansac, A. Fournié
PLAN DU CHAPITRE
L'accouchement : véritable épreuve d'effort. . 253 Prise en charge du nouveau-né. . . . . . . . . . . . . 261
Évaluation de la situation. . . . . . . . . . . . . . . . . 254 Surveillance après l'accouchement. . . . . . . . . . 261
Conduite à tenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 253
254 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
environ, et cette augmentation est due au fait que chaque En dehors de ces troubles, les autres signes de gravité
contraction chasse 300 à 500 ml de sang hors de l'utérus, sont les suivants.
dans la circulation générale. Par ailleurs, le débit cardiaque
augmente après l'accouchement de 20 % environ, du fait de Hypertension artérielle
la disparition de l'obstacle au retour veineux au cœur, puis On considère comme un signe de gravité une pression arté-
de la mobilisation rapide du liquide extracellulaire. rielle systolique égale ou supérieure à 160 mmHg, et/ou
Enfin, la mise en position gynécologique augmente une pression diastolique égale ou supérieure à 110 mmHg.
transitoirement le débit de 15 % environ pendant une à Théoriquement, cette élévation doit être observée à deux
deux minutes. Ces valeurs sont des valeurs moyennes et de mesures séparées de deux heures ; la mesure pendant
grandes différences individuelles existent. 30 minutes avec un appareil automatique est sans doute
suffisante. La tension artérielle dans ces situations n'est pas
La pression artérielle augmente pendant stable, et on peut observer des variations spontanées de 20 à
le travail 40 mmHg pour la maximale, et de 15 à 30 mmHg pour la
minimale. Cette instabilité est surtout importante quand la
Elle augmente de : maladie est mal contrôlée.
■ 10 à 15 % pendant la première phase du travail ; Une pression artérielle trop élevée lèse le mur pariétal vas-
■ 15 à 25 % pendant la deuxième phase. culaire, et une poussée hypertensive peut alors entraîner un
La contraction utérine entraîne une élévation supplé- accident vasculaire cérébral : classiquement, ce danger existe
mentaire de 10 à 15 mmHg. Comme le débit cardiaque, la lorsque la pression artérielle moyenne (PAM) est égale ou
tension artérielle subit d'importantes variations d'un sujet à supérieure à 140-150 mmHg. En fait, c'est la systolique qui
l'autre. est corrélée au risque d'accident vasculaire cérébral ; et des
accidents peuvent survenir avec des PAM de 125 mmHg.
Évaluation de la situation Protéinurie
En fin de grossesse, on peut se trouver dans l'une des trois Elle est un signe de sévérité si elle est supérieure ou égale à
circonstances suivantes : 5 g par 24 heures. Mais elle ne met pas par elle-même la vie
■ la patiente a une hypertension connue, traitée, et équili- de la mère en danger, contrairement à l'hypertension.
brée : la surveillance doit alors être étroite. Une program-
mation de l'accouchement devra être envisagée en cas Oligurie
de signes suspects ou d'instabilité tensionnelle malgré le
Une diurèse inférieure à 400 ml par 24 heures ou plus sim-
traitement ;
plement inférieure à 20 ml/heure est un signe de sévérité.
■ la patiente entre en travail alors qu'elle n'est pas parfaite-
Cette oligurie est rare, mais elle doit conduire à réaliser une
ment équilibrée ;
étude de la diurèse horaire, et à vérifier l'absence d'insuffi-
■ l'hypertension est découverte au cours du travail.
sance rénale débutante (créatinine plasmatique) qui est un
Dans chacun de ces cas, il faut évaluer l'état maternel
signe de gravité supplémentaire (voir section suivante).
comme l'état fœtal. La gravité fœtale et la gravité maternelle
Tous ces signes sont des signes de sévérité et, s'ils ne
ne sont pas synchrones : une prééclampsie légère peut s'ac-
s'améliorent pas, ils doivent faire poser la question de faire
compagner d'une hypoxie fœtale chronique sévère, et une
naître l'enfant soit par césarienne, soit par déclenchement.
forme maternelle sévère peut n'avoir qu'un retentissement
Les formes sévères se définissent actuellement non seule-
fœtal modéré. La mère comme le fœtus peuvent s'aggraver
indépendamment l'un de l'autre. ment par la gravité maternelle mais encore par la gravité
fœtale : ce qui mélange des états différents avec d'un côté
un risque parfois vital pour la mère, de l'autre un risque de
État maternel séquelles pour l'enfant.
L'évaluation est clinique et biologique.
Œdèmes
Signes cliniques de gravité Ils ne sont pas un signe de gravité, mais peuvent aider à défi-
Ils sont constitués par : nir la maladie : ils sont significatifs des œdèmes d'apparition
■ des troubles visuels : amblyopie, phosphènes, amaurose ; récente ou des œdèmes rapidement aggravés.
■ des troubles cérébraux : céphalées pulsatiles, frontales
ou en casque. Dans ces deux circonstances, le risque Le terrain
d'éclampsie est majoré [12] ; L'existence d'une hypertension chronique ou d'une néphro-
■ il en est de même lorsque existent des troubles neurolo- pathie chronique est un facteur de sévérité. Le retentisse-
giques : réflexes particulièrement vifs, diffusés au côté ment fœtal peut être sévère ; par ailleurs, les néphropathies
opposé, et polycinétiques ; clonus du pied ou de la rotule ; chroniques représentent une situation à haut risque rénal :
■ des troubles hépatiques : douleur épigastrique ou signe chez elles, une hémorragie, un collapsus ou des troubles de
de Chaussier ; la douleur, due à la mise en tension de la la coagulation pourront être source d'insuffisance rénale
capsule de Glisson, est exacerbée par la percussion du aiguë, d'anurie, voire de nécrose corticale bilatérale, ou pour
foie ; elle fait rechercher un HELLP syndrome. le moins aggraver l'état rénal préexistant.
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir 255
Signes biologiques C'est dans les HELLP syndromes graves que l'on peut avoir
Les hypertensions artérielles et les prééclampsies peuvent une CIVD. Elle se caractérise avant tout dans ce contexte de
s'accompagner de nombreux troubles biologiques. Certains thrombopénie par une baisse du fibrinogène, et l'on parle ici
reflètent la maladie mais n'ont pas d'implication dans les de CIVD lorsque le taux de fibrinogène est inférieur à 2,5 g/l
modalités de l'accouchement ni dans la surveillance du ou à 3 g/l.
travail : c'est le cas par exemple de l'élévation de l'uricémie,
des perturbations des marqueurs de la cellule endothéliale Créatininémie
telle que l'augmentation du facteur Willebrand ou des fibro- Il s'agit d'un critère de gravité essentiel. Son augmentation
nectines. En pratique, ces marqueurs ne sont pas utilisés en est souvent contemporaine d'autres signes de gravité comme
pratique clinique. un état œdématoascitique sévère, une oligurie et une prise
En revanche, trois perturbations biologiques ont un inté- de poids quotidienne significative. Elle peut parfois égale-
rêt pratique immédiat. ment être le signe d'une néphropathie sous-jacente qu'il faut
savoir suspecter. Par ailleurs, il est important d'en vérifier le
Hémoconcentration taux pour adapter la posologie du sulfate de magnésie.
Elle est difficile à quantifier et est variable d'une femme à
l'autre. Elle se traduit par une élévation de l'hémoglobine État fœtal
ou de l'hématocrite, élévation au mieux appréciée compa- Rappelons que la gravité fœtale et maternelle ne sont pas
rativement à une mesure faite précédemment (par exemple corrélées à une hypertension légère pouvant s'accompagner
examen du 6e mois). Elle doit de toute façon être suspec- d'une hypoxie fœtale chronique et inversement.
tée lorsque le taux d'hémoglobine dépasse 12,5 g/dl. Ces Deux éléments interviennent dans le pronostic : la pré-
patientes hémoconcentrées risquent de présenter des varia- maturité, d'une part, l'hypotrophie, d'autre part.
tions tensionnelles sévères lors de l'installation de la péridu- L'hypertension peut entraîner un petit poids pour l'âge
rale. Elles toléreront mal les complications hémorragiques gestationnel (PAG) inférieur au dixième percentile ou un
et elles sont à risque d'œdème aigu pulmonaire en cas de retard de croissance intra-utérin (RCIU) qui se traduit par
surcharge. un arrêt ou infléchissement de la croissance à deux mesures à
trois semaines d'intervalle [2]. Ces anomalies de la croissance
Thrombopénie et éléments biologiques fœtale sont définies au mieux en utilisant des courbes ajus-
du HELLP syndrome tées en fonction de la taille et du poids de la mère, de la parité,
La thrombopénie est un signe de sévérité. Un taux de pla- du sexe du fœtus, comme les courbes de croissance in utéro
quettes inférieur à 50 000/dl fait courir un risque d'hémor- ajustées( 4) recommandées par le CNGOF (figure 21.1).
ragie lors d'un geste chirurgical. Lorsqu'il est inférieur à Plus l'enfant est prématuré et plus il est de petit poids,
30 000, il existe un risque d'hémorragie spontanée ou surve- plus il est fragile. L'association prématurité-hypotrophie
nant à l'occasion d'une agression minime. L'accouchement augmente nettement la mortalité et la morbidité périna-
dans ces cas-là représente une situation à haut risque mater- tales. Beaucoup proposent dans ce contexte une césarienne
nel et des transfusions plaquettaires sont à discuter avec lorsque le poids du fœtus est estimé à moins de 1 500 g.
l'équipe d'anesthésie-réanimation. Un fœtus de poids normal est également à risque. En
La thrombopénie peut être isolée ou être un des éléments effet, dans les hypertensions peuvent exister des pertur-
du HELLP syndrome qui associe une hémolyse (H), une élé- bations des échanges placentaires et une réduction de la
vation des enzymes hépatiques (EL) et une thrombopénie croissance fœtale, sans que les biométries ne placent l'enfant
(low platelet). On classe la sévérité des HELLP syndrome en dans la zone de l'hypotrophie. La pathologie hypertensive
fonction du taux de plaquettes. La classe 1 est la plus sévère, peut s'accompagner d'un début d'hypoxie chronique, ou
avec un taux de plaquettes inférieur à 50 000, dans la classe diminuer les réserves de l'oxygénation fœtale. La décom-
2 les plaquettes sont entre 50 000 et 100 000. La fréquence pensation lors du travail peut être rapide. Dans un contexte
des HELLP syndromes de classe 1 et 2 est aux États-Unis de de prééclampsie sévère, plus du tiers des enfants présentent
7,6 pour 1 000 grossesses. Ces cas représentent 24,4 % des des signes d'asphyxie lors de l'accouchement et demandent
prééclampsies sévères [9]. La fréquence des éclampsies est une extraction par césarienne, cela en sachant que beaucoup
de 13 % pour la classe 1 et 4 % pour la classe 2 ; de même, d'enfants n'ont pas été autorisés à subir le stress du travail.
la mortalité périnatale passe de 1,19 ‰ à 2,73 ‰. Le risque
d'HRP est également accru [12]. Dépistage du retard de croissance
Les autres signes biologiques du HELLP syndromes sont La mesure de la hauteur utérine garde sa place à partir de
intéressants pour la surveillance de la patiente mais ne 22 SA et peut contribuer à déceler un défaut de croissance
posent pas de problèmes d'urgence par eux-mêmes : ce sont entre les échographies de 22 SA et 32 SA, ou après 32 SA.
l'élévation des transaminases qui est corrélée au taux des La performance de l'échographie pour dépister les
plaquettes, et les signes de l'hémolyse. La présence de schi- enfants de petits poids pour l'âge gestationnel (PAG) sont
zocytes est caractéristique de l'hémolyse mais, en pratique, faibles, avec une sensibilité de 22 %. Il est recommandé de
les meilleurs témoins en sont la baisse du taux d'hémoglo- mesurer le périmètre céphalique et abdominal ainsi que la
bine de plus de 10 %, et surtout l'association d'une élévation longueur fémorale, et de calculer le poids fœtal avec la for-
des LDH et d'un effondrement de l'haptoglobine. mule de Hadlock utilisant ces trois paramètres.
256 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
5000
4500
4000
3500
3000
Poids (grammes)
97ème p
2500 90ème p
50ème p
10ème p
2000
3ème p
1500
1000
500
0
a 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Âge gestationnel
5000
4500
4000
3500
3000
Poids (grammes)
97ème p
2500 90ème p
50ème p
10ème p
2000
3ème p
1500
1000
500
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b 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Âge gestationnel
Fig. 21.1. a. Courbe de poids EPOPé* des filles selon le modèle M1. b. Courbe de poids EPOPé* des garçons selon le modèle M1 [4]. * Equipe de
recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé)
veineux peuvent être encore normaux ou subnormaux. Le satisfaisant. Les cas dans lesquels il ne faut pas attendre
fœtus est hypoxique sept à huit fois sur dix et acidotique d'équilibre sont l'hypoxie fœtale aiguë et l'hématome
quatre à six fois sur dix. rétroplacentaire.
Enfin, en phase dite terminale, on a un reverse flow ombi-
lical. Il y a des perturbations des Doppler veineux (ductus Date de l'accouchement
venosus essentiellement). La réactivité fœtale disparaît et Elle dépend d'une part de la gravité de l'état maternel,
des décélérations tardives peuvent apparaître. Le score de d'autre part du retentissement fœtal apprécié sur le rythme
Manning est inférieur à 6. L'hypoxie fœtale est constante, cardiaque et les flux ombilicaux et/ou cérébraux. Si la situa-
et 83 % des nouveau-nés ont un pH inférieur à 7,20. Il n'y tion maternelle est particulièrement sévère, on peut inter-
a pas encore de lésions cérébrales mais des troubles de la rompre la grossesse en essayant de donner au fœtus toutes
perméabilité cellulaire cérébrale peuvent commencer, réver- ses chances. En dehors de ces cas, on va essayer au moins
sibles. L'accouchement et la période néonatale vont être un dans les âges gestationnels précoces de gagner du temps
moment périlleux car on risque de passer au stade de lésions avec des traitements conservateurs [7, 10]. Une cure de cor-
cellulaires irréversibles. ticoïdes est recommandée chez les patientes pour lesquelles
La dernière phase est la phase de décentralisation : les une extraction fœtale est envisagée avant 34 SA. Une pres-
modifications qui précèdent la mort fœtale sont irréver- cription de sulfate de magnésium pour la neuroprotection
sibles. Il y a une paralysie vasculaire fœtale. Un œdème dans les heures qui précèdent la naissance est recommandée
cérébral est présent, dû à l'accumulation d'acide lactique. en cas d'accouchement prématuré avant 32-33 SA (voir cha-
Le résultat est la mort cellulaire. Sur le plan biochimique, pitre 25, p. 295) :
la pression en oxygène est inférieure à quatre déviations ■ avant 25 semaines, la plupart des auteurs optent pour
standard. Le rythme cardiaque fœtal est dit terminal avec un abandon fœtal mais la décision dépendra d'un RCIU
une fréquence totalement fixe sans oscillations. Le score de associé ou non ;
Manning est inférieur à 2. L'importance des lésions céré- ■ avant 32 SA (figure 21.2) :
brales irréversibles rend à cette phase, en principe, la césa- – l'impact de la prématurité induite est majeur et justifie
rienne inutile. d'envisager une prolongation de la grossesse même en
cas de Doppler ombilical pathologique ;
– un arrêt de la croissance fœtale isolé (Doppler foetaux
Conduite à tenir normaux et RCF normal) n'est pas en soi une indica-
Chez une patiente ayant une tion d'extraction fœtale.
hypertension connue équilibrée traitée L'IP du ductus venosus (ou canal d'Arantius) supérieur
au 95e percentile et les anomalies du RCF (VCT < 3 ms ou
L'hypertension est sévère rythme peu oscillant ou décélérations répétées) sont des
La patiente est hospitalisée. L'accouchement est souvent critères indépendants de naissance des RCIU inférieurs à
programmé dans ses modalités et dans sa date, qui ont été 32 SA.
discutées en équipe avec les pédiatres et les anesthésistes. L'accouchement doit être discuté lorsqu'un de ces deux
Si l'état de la patiente s'est aggravé récemment, on peut paramètres est anormal de manière persistante.
avoir le temps d'obtenir un équilibre hémodynamique Après 32 SA (figure 21.3) :
258 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
- Âge gestationnel
- Estimation de poids fœtal
- Quantité de liquide amniotique
- Doppler ombilical et cérébral
- Biométrie
- Doppler ombilical
2 à 3 semaines
Hospitalisation à discuter
Cure de corticoïdes
Continuer
la
surveillance Extraction
Fig. 21.3. Prise en charge des RCIU après 32 SA [2] DV : Doppler veineux (Ductus venosus).
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir 259
■ la naissance ou l'expectative sont deux options possibles température et la diurèse. Une sonde à demeure est souhai-
selon la sévérité des éléments pronostiques ; table dans les formes sévères.
■ en cas de reverse flow ou de diastole nulle permanente La surveillance clinique doit rechercher régulièrement
sur le Doppler ombilical après 34 SA, un accouchement des signes d'hypertension artérielle maligne (céphalées,
devra être envisagé ; troubles visuels, troubles digestifs) et, en l'absence de péri-
■ en cas de Doppler ombilical anormal avec diastole durale, des anomalies des réflexes ostéotendineux.
positive, il est recommandé une surveillance renfor- Un hématome rétroplacentaire peut survenir au cours du
cée par Doppler ombilical, cérébral et RCF de manière travail. Il doit être suspecté devant deux des quatre signes
plurihebdomadaire ; suivants : des métrorragies ; une hypertonie d'apparition
■ une surveillance en ambulatoire est possible. brutale ; des douleurs utérines ou lombaires d'apparition
Une naissance peut être envisagée à partir de 37 SA en brutale ; une bradycardie fœtale [8]. Si le diagnostic d'HRP
fonction de l'estimation pondérale, de la quantité du liquide est porté, une césarienne en extrême urgence (code rouge)
amniotique et de la mesure des Doppler. La voie d'accou- doit être réalisée sans perdre du temps. En cas de récupéra-
chement tiendra compte des caractéristiques maternelles et tion du RCF, on pourra s'aider de l'échographie pour confir-
obstétricales (parité, utérus cicatriciel, indice de masse cor- mer le diagnostic mais cet examen ne doit pas faire perdre
porelle, conditions locales cervicales) [2] (figure 21.3). de temps dans le cas contraire.
du RCF. Une extraction instrumentale ou une épisiotomie Chez une patiente ayant une
systématiques ne sont pas recommandées. hypertension découverte à l'entrée en
Si une césarienne est nécessaire, en cours de travail, elle
peut facilement être réalisée en complétant l'analgésie. Pour
salle de naissance, et méconnue jusque-là
la malade, le bénéfice postopératoire sera important car les Il faut évaluer la situation, mettre en place éventuellement
suites seront moins douloureuses, moins agitées, et par là un traitement hypotenseur, assurer à la mère et au fœtus un
moins exposées à des variations tensionnelles. accouchement dans des conditions optimales. Ce cas est à
En cas de césarienne sous rachianesthésie, il faut s'atta- rapprocher de celui d'une patiente transférée après décou-
cher au maintien de la tension artérielle à sa valeur de base verte d'une HTA sévère et qui n'a pas eu le temps d'être
et de raccourcir le délai entre induction de l'anesthésie et équilibrée.
extraction fœtale (un obstétricien doit être présent).
Pour une césarienne élective, la rachianesthésie est pos- Évaluation de la situation
sible après un remplissage prudent ; elle expose davantage à Cette patiente est à risque d'éclampsie. Il faut, dès que la
un risque d'hypotension. patiente est admise, après l'interrogatoire habituel et la
recherche des signes de gravité que nous avons énumérés plus
Anesthésie générale haut, mettre en route une surveillance de la tension artérielle et
L'anesthésie générale peut être utilisée pour une césa- du pouls, par un appareil automatique, surveiller la fréquence
rienne si une anesthésie locorégionale est contre-indi- respiratoire, les réflexes ostéotendineux et la diurèse, prendre
quée, chez une patiente thrombopénique notamment une voie veineuse et débuter le traitement. Il faut tenir une
(moins de 70 000 plaquettes en taux stable ; on peut comptabilité précise des entrées et des sorties liquidiennes.
fixer un seuil à 50 000 en cas d'intubation difficile). On Sur le plan biologique, il faut obtenir rapidement une
peut aussi l'employer en cas d'extraction instrumentale numération des plaquettes et des globules rouges, et un taux
et d'inefficacité d'une anesthésie des nerfs honteux et si de fibrinogène. Une étude des électrolytes sanguins et uri-
la patiente ne bénéficie pas d'une anesthésie locorégio- naires, de la créatinine et des transaminases fait partie du
nale. Elle ne fait pas courir un risque d'hypotension mais bilan de départ.
au contraire, lors de l'induction et de l'intubation, un Sur le plan fœtal, il faut d'emblée enregistrer le rythme
risque d'hypertension. Une faible dose de morphiniques cardiaque fœtal et évaluer cliniquement et échographique-
(Sufentanil® ou mieux Rémifentanil®) peut être adminis- ment le poids de l'enfant. Une échographie ne doit pas retar-
tré avant l'intubation afin de diminuer le pic d'hyper- der la mise en route de la surveillance. Une hypoxie fœtale
tension induit par celle-ci. Pour l'induction, on utilise le peut en effet débuter très vite.
Thiopental®, et l'entretien est assuré par un mélange pro-
toxyde d'azote-oxygène à 50/50, jusqu'à la naissance de Traitement
l'enfant. Les inconvénients de la méthode sont fœtaux : Il comporte, sur le plan maternel, la prescription d'antihy-
il existe un risque de dépression néonatale, surtout si pertenseur et la mise en place de moyens anesthésiques.
plusieurs drogues ont été associées. Les pédiatres doivent
être avertis et entraînés à faire face à cette éventualité. Antihypertenseurs
Notons que le Rémifentanil® s'élimine très rapidement, en Ils sont justifiés s'il y a une minimale égale ou supérieure à
quelques minutes chez le nouveau-né du fait de sa méta- 100 mmHg.
bolisation par les enzymes plasmatiques. On a recours aux antihypertenseurs injectables :
■ le labétatol (Trandate®) est souvent utilisé. C'est à la fois
Examen du placenta un alpha- et un bêtabloquant. Sa tolérance maternelle
est bonne et ses effets fœtaux semblent modérés (peu de
L'examen anatomopathologique du placenta devra être réa- bêtablocage). Les risques de l'effet bêtabloquants sont
lisé en cas de RCIU et en cas de naissance avant 37 SA. La l'hypoglycémie et l'hypocalcémie néonatale :
demande d'examen doit s'accompagner d'une fiche de ren- – il est contre-indiqué dans l'asthme sévère et en cas de
seignements concernant le déroulement de la grossesse (voir BAV ;
chapitre 6, page 92). – notre protocole est le suivant :
injection en intraveineux de 25 à 50 mg en cinq
L'hypertension est modérée à dix minutes, puis, selon la réponse obtenue, 30 à
Les chiffres tensionnels sont compris entre 140/90 et 60 mg/h, à la seringue électrique, adaptée par paliers
160/100 mmHg, sans signes maternels ni fœtaux de gravité. de 20 min. La réponse est variable d'une patiente à
La patiente a été vue en consultation par l'anesthésiste l'autre, mais il n'y a pas d'hypotension brutale ; l'ac-
réanimateur. Le risque de poussée hypertensive est limité tion se manifeste en cinq à dix minutes, et dure de
par une analgésie péridurale, si elle n'est pas contre-indi- trois à six heures ;
quée. L'accouchement doit être surveillé avec autant de soin on associe le Trandate® au sulfate de magnésie (SMg)
que précédemment. Il doit être monitorisé et dirigé comme s'il existe des troubles visuels ou si les réflexes ostéo-
dans les cas plus sévères car un retard de croissance intra- tendineux sont diffusés et/ou polycinétiques, et sans
utérin peut être méconnu, et le fœtus peut être fragile. attendre ;
Comme dans le cas précédent, le recours à un traitement ■ les anticalciques ne sont en général pas recommandés
antihypertenseur par voie intraveineuse peut être nécessaire. pendant le travail, car ils sont tocolytiques, et les doses
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir 261
antihypertensives sont les mêmes que les doses tocoly- s'agit d'une femme non hypertendue auparavant mais qui
tiques. Cependant, de nombreuses équipes les utilisent fait une élévation tensionnelle importante en cours de tra-
(nicardipine en intraveineux) en raison de leur rapidité vail. Le risque est surtout maternel si l'hypertension persiste.
d'action, de leur simplicité d'utilisation et du peu d'effets Inversement, si l'on diminue trop vite la tension maternelle,
secondaires maternels ou fœtaux rapportés. En pratique, il existe un risque d'asphyxie fœtale par baisse de la perfu-
les effets sur la progression du travail en cours semblent sion placentaire. On emploie le labétalol en commençant par
négligeables même s'ils n'ont pas été étudiés. un bolus de 20 mg en dix minutes, puis on adapte. Il faut
■ les autres antihypertenseurs injectables théoriquement éviter la nifédipine (Adalate®) par voie sublinguale, en rai-
utilisables sont : son du risque d'hypotension artérielle brutale préjudiciable
– la clonidine (Catrapressan®) : c'est un hypotenseur au fœtus et d'un arrêt des contractions utérines ; le recours
d'action centrale, bradycardisant. Son principal incon- aux anticalciques ne paraît pas logique en raison de son effet
vénient est l'existence d'un phénomène de rebond si le tocolytique.
traitement est interrompu brutalement. Par voie intra- L'analgésie péridurale n'est pas un traitement de la pous-
veineuse, l'effet est rapide, en deux minutes. Un effet sée hypertensive mais aidera à bien contrôler la situation
maximal s'observe à 30 minutes et l'hypotension se ensuite.
maintient pendant quatre à six heures. Ce médicament Si la poussée hypertensive survient en fin de travail, une
a peu d'effets secondaires mais son efficacité n'est pas assistance à l'expulsion peut être faite sous bloc honteux ou
constante : une bonne efficacité ne s'observe que dans sous anesthésie générale si une péridurale n'est pas en place.
85 % des cas. Il est actuellement très peu employé.
– l'Urapidil (Eupressyl®) n'est guère utilisé car un pro-
tocole d'utilisation n'est pas parfaitement établi et on Prise en charge du nouveau-né
manque singulièrement de recul ; Elle suppose la présence du pédiatre sur place.
■ le sulfate de magnésie a une action hypotensive, et transi- Il faut :
toire, insuffisante dans les HTA sévères [3]. L'association ■ lutter contre l'hypothermie par le maintien de la chaîne
à des inhibiteurs calciques n'est plus formellement de chaud (sac, couverture de survie) ;
contre-indiquée mais il y a un risque de potentialisation ■ ventiler l'enfant avec un insufflateur à pression contrôlée ;
sur les effets antihypertenseurs. Si la patiente était sous ■ surveiller la glycémie capillaire de façon rapprochée.
anticalciques et si l'on donne du SMg, on peut diminuer Le transfert en néonatologie sera fonction du poids et de
la posologie des anticalciques ; si la patiente est sous SMg l'adaptation à la vie extra-utérine.
et si l'on veut donner un anticalcique, il est prudent de
commencer par une dose faible, pour tester la réponse. Ce
cas se pose moins ici qu'au cours de la grossesse, puisque Surveillance après l'accouchement
l'on essaie de ne pas utiliser les inhibiteurs calciques au
cours du travail en raison de leur effet tocolytique. Suites immédiates
Finalement, le choix de l'antihypertenseur dépend des La surveillance doit être très attentive, surtout dans les
habitudes personnelles et des services. Chaque service doit 48 heures suivant l'accouchement. Il faut comptabiliser les
disposer d'un protocole écrit, et adopté par toute l'équipe. entrées et les sorties, surveiller les réflexes à la levée de la
Si la patiente est transférée et est déjà en traitement, il vaut péridurale. Il faut être très vigilant si une débâcle urinaire
mieux essayer de poursuivre le traitement déjà entrepris, ne survient pas, ne pas hésiter à faire un bilan électroly-
mais le relais pourra être pris avec du Trandate® si un accou- tique quotidien et à discuter la prescription de furosémide
chement par les voies naturelles est envisagé. (Lasilix®). La survenue d'un HELLP syndrome est possible
S'il y a une hyperréflexie, ou des troubles visuels ou si la dans les suites immédiates de l'accouchement.
TA est très instable, il faut associer le sulfate de magnésie Le risque de poussée hypertensive et de convulsions
pour prévenir une crise d'éclampsie. Ce produit, au début persiste au moins dans les 48 premières heures. Le risque
de son emploi, dans les dix à 15 premières minutes, peut théorique d'éclampsie existe pendant plusieurs jours. Il faut
favoriser la baisse tensionnelle modérée. Il n'a pas ensuite continuer de surveiller les réflexes ostéotendineux en rai-
d'effet notable sur la tension. Si une anesthésie générale est son du risque de convulsion et ausculter périodiquement
nécessaire, il impose des précautions en raison de la poten- les poumons en raison du risque d'œdème pulmonaire. Il
tialisation des curares.(11) ne faut pas interrompre le traitement antihypertenseur ni
le sulfate de magnésie dans les 24 premières heures en cas
d'HTA sévère et instable. Le traitement pourra ensuite être
Remplissage
relayé per os.
L'indication du remplissage est discutée au cas par cas. Le rem-
plissage ne doit être entrepris qu'après mise en route du traite-
ment hypotenseur et réception des résultats du premier bilan. L'avenir
Il ne faudra pas laisser sortir la patiente sans avoir envisagé la
surveillance régulière de la tension artérielle avec le médecin
Chez une patiente présentant une traitant et les modalités de la contraception : de préférence
poussée hypertensive au cours du travail stérilet ou progestatifs. Les œstroprogestatifs ne pourront
La poussée hypertensive est difficile à définir. Certains fixent être prescrits qu'avec prudence si la tension s'est normalisée
les chiffres tensionnels à 180-110 mmHg. Par définition, il et seulement après, s'il s'agissait d'une forme sévère.
262 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
PLAN DU CHAPITRE
Crise d'éclampsie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
Autres causes de convulsions . . . . . . . . . . . . . . 264
Signes annonciateurs
OBJECTIFS Ils sont classiquement résumés par l'aggravation des signes
L'interne ou la sage-femme doivent être capables de : de la prééclampsie. Mais les chiffres tensionnels ne sont pas
• faire le diagnostic clinique d'une crise d'éclampsie ; obligatoirement très élevés. La patiente peut n'avoir que des
• mettre en route et surveiller les thérapeutiques les plus œdèmes très discrets. Il existe en effet des formes « sèches »
appropriées à l'état maternel et fœtal ; d'éclampsie, qui ne sont pas les plus faciles à traiter.
• surveiller les suites de couches et mettre en route le bilan Globalement, l'hypertension est relative dans 20 % des cas,
d'une femme qui a eu une crise d'éclampsie la protéinurie est absente dans 19 % des cas et les œdèmes
manquent dans 32 % des cas [6].
Lors du travail, l'éclampsie peut survenir si la patiente
La survenue de convulsions en cours d'accouchement est est mal équilibrée : doses insuffisances d'antihypertenseurs,
en général due à une crise d'éclampsie, c'est-à-dire à la non prescription de sulfate de magnésium alors que cela
complication d'une prééclampsie. La survenue d'une crise aurait été nécessaire, notamment à l'occasion de céphalées,
d'éclampsie en cours de travail est actuellement très rare, de troubles visuels et de douleurs épigastriques.
grâce à une prise en charge correcte de la fin de la grossesse La réalisation d'une anesthésie locorégionale a participé
et du début du travail. à la diminution de l'incidence de l'éclampsie du travail, en
Devant une crise d'éclampsie survenant en cours d'ac- favorisant un bon contrôle de l'état maternel, mais elle ne
couchement, il faut dans l'immédiat contrôler la situation doit pas contribuer à relâcher la surveillance d'une patiente
maternelle, ce qui est en général simple, sans négliger l'en- présentant une prééclampsie et en travail.
fant. Dans un second temps, il faut faire accoucher rapide-
ment la femme puis organiser la surveillance des suites de Description
l'accouchement, le dépistage et le traitement des éventuelles C'est une crise comitiale tonicoclonique généralisée surve-
complications de la crise. nant chez une patiente présentant une prééclampsie, et due
La prise en charge d'une patiente éclamptique est un tra- à celle-ci. Le diagnostic est évoqué devant le contexte : il
vail d'équipe. Des protocoles définissant le rôle de chacun, s'agit d'une femme enceinte hypertendue et en général pro-
les modalités de surveillance et de traitement doivent avoir téinurique. Cela étant, la crise d'éclampsie évolue comme
été adoptés par toute l'équipe. une crise d'épilepsie en quatre phases.
La période d'invasion ne dure pas plus de 30 secondes.
Elle est caractérisée par l'apparition de petites secousses
Crise d'éclampsie fibrillaires localisées à la face : le front se plisse, les paupières
L'incidence de l'éclampsie est d'environ 1/1 000 grossesse en battent, les globes oculaires roulent en tous sens, les ailes du
France [1] de 1/2 000 grossesses au Royaume-Uni et 1/3 250 nez s'agitent ; à travers la bouche ouverte, la langue est ani-
grossesses aux États-Unis. Parmi elles, 20 à 30 % des éclamp- mée de mouvements de va-et-vient. La tête oscille, secouée
sies surviennent au cours du travail. par des petits mouvements de négation ; elle s'incline fina-
En France, les éclampsies sont encore la cause de 5 % des lement sur une épaule, le visage tourné du côté opposé.
décès maternels dont un sur deux sont évitables [7]. Rapidement les secousses fibrillaires atteignent le cou et les
Pratique de l'accouchement
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264 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
membres supérieurs dont les avant-bras se mettent en pro- ■ démarrer le protocole de sulfate de magnésium pour
nation forcée, les mains et les doigts étant hyperfléchis. arrêter les convulsions : 4 g de sulfate de magnésium en
La période tonique se caractérise par une hypertonie intraveineuse directe en cinq minutes ;
portant sur tout le corps : la tête est renversée en arrière, ■ poser une sonde vésicale à demeure ;
en rotation externe, la face est absolument figée : les yeux ■ mettre en place le monitoring obstétrical et maternel :
regardent en haut et en dehors ; la mâchoire serrée expose – sur le plan utérin, on peut observer une hypercinésie et
aux morsures de la langue, le tronc est cambré en opistho- une hypertonie, transitoires, pendant cinq à dix minutes ;
tonos, les membres supérieurs sont en flexion, les inférieurs – sur le plan fœtal, des troubles du rythme cardiaque
en extension, l'hypertonie atteint les muscles respiratoires : (aplatissement, décélérations) sont également pos-
la respiration est suspendue ; le larynx est fermé ; le faciès sibles, transitoires également ;
devient asphyxique. Cette phase est de courte durée (20 à ■ organiser une césarienne en urgence du fait des anoma-
30 secondes). lies des troubles du RCF . Il est rare qu'un accouchement
La période clonique débute par une inspiration et une puisse se faire par voie basse : femme en fin de travail,
expiration bruyantes et forcées auxquelles succèdent les stable sous sulfate de magnésium et RCF satisfaisant ou
convulsions. Celles-ci intéressent surtout la moitié supé- enfant décédé.
rieure du corps. La tête est rejetée rythmiquement en arrière
et sur le côté, les épaules en arrière et en avant ; la face
grimace ; les yeux sont animés d'un pseudonystagmus ; la
Évolution
bouche présente de vives contractions avec risque de mor- En l'absence d'un traitement approprié, les crises vont se
sure de la langue. Les membres supérieurs paraissent battre répéter, réalisant un état de mal éclamptique. C'est surtout
le rappel. La respiration est bruyante et saccadée. Souvent, dans ce contexte que peuvent survenir un accident vascu-
le tronc et les membres inférieurs restent immobiles ; laire cérébral, un œdème aigu pulmonaire, une insuffisance
la gestante n'a pas tendance à tomber du lit ou à uriner. rénale aiguë, un arrêt cardiorespiratoire, une inhalation du
Cette période peut durer plus d'une minute. contenu gastrique, etc.
À la période comateuse tous les degrés de profondeur du L'éclampsie peut aussi se compliquer d'un hématome
coma peuvent s'observer. L'examen pratiqué à ce stade révèle rétroplacentaire ou être associée à un Hellp syndrome ; les
une résolution musculaire complète. Le faciès est congestif ; signes doivent en être recherchés systématiquement (voir
la respiration est régulière mais stertoreuse, les pupilles sont chapitre 21).
en mydriase. On ne trouve aucun signe en foyer, l'aréflexie
est complète. La température centrale peut être élevée. Les
lésions du fond d'œil sont celles de la prééclampsie. Autres causes de convulsions
S'il existe un doute diagnostique, l'absence d'anomalies Toute crise convulsive au cours de la grossesse et de l'accou-
neurologiques latéralisées, l'étude des circonstances de sur- chement n'est pas une éclampsie, et de nombreuses autres
venue et des signes précédents la crise (céphalées, troubles causes de convulsions peuvent théoriquement s'obser-
visuels) peuvent aider à reconnaître l'éclampsie. La vivacité ver au cours du travail, éventuellement associées à une
des réflexes après la crise, élément diagnostique classique, hypertension.
est supprimée par un traitement adéquat au sulfate de
magnésium.
Notons que la survenue d'une éclampsie est possible sous Causes neurologiques
inhibiteurs calciques, et des convulsions survenant sous ce Épilepsie
traitement ne doivent pas écarter le diagnostic d'éclampsie. En général, la maladie est connue ; il n'y a pas de signes
En effet, la crise peut être due à une diminution de la per- d'accompagnement ; on peut retrouver des circonstances
fusion cérébrale, avec vasospasme majeur (dans ce cas les favorisantes. L'examen du dossier renseigne sur l'absence
anticalciques peuvent être préventifs), comme à une aug- de signes vasculaires, cliniques et biologiques, d'anomalies
mentation de cette perfusion (encéphalopathie hyperten- des Doppler, d'anomalie de la croissance fœtale conduisent
sive) ; le SMg est toujours le traitement de choix [2]. à temporiser et à réaliser dans le post-partum un scanner ou
une IRM cérébrale.
Conduite immédiate à tenir
Lors de la crise, il faut : Hémorragie intracérébrale et accidents
■ éviter une chute ou une blessure maternelle et une mor- ischémiques
sure de la langue (canule de Mayo ou de Guedel) ; L'hémorragie intracérébrale se traduit par la survenue bru-
■ prévenir les risques d'inhalation (mise en décubitus laté- tale d'une céphalée atroce et d'une perte de conscience ; elle
ral gauche dès la phase comateuse). Aspirer les secrétions peut être due à un anévrisme artériel ou artérioveineux ;
au niveau de la bouche et du nez ; elle complique parfois une maladie artérielle. Dans le cas
■ dès que possible, hyperoxygéner la femme (6 l/min) ; d'accidents ischémiques et hémorragiques, il peut exister
■ mettre en place un oxymètre, et contrôler le pH et les des signes de localisation après la crise. Le diagnostic, en
gaz du sang (cela est possible si l'on dispose d'un appa- général, est évoqué plus tard, mais il ne faut pas qu'il soit
reil destiné à étudier l'équilibre acidobasique fœtal par porté trop tard. Si l'on a fait l'accouchement sous anesthé-
microméthode) ; sie générale, la découverte d'une anomalie neurologique au
■ poser une voie veineuse avec un Ringer Lactate® ; moment du réveil doit faire évoquer le diagnostic.
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir 265
Fig. 22.1. Conduite à tenir chez une femme enceinte qui fait une crise d'éclampsie.
protocoles de transfert doivent avoir été définis et adoptés la voie intraveineuse expose théoriquement à un risque de
au sein du réseau de soins périnatals. surdosage. Actuellement, le sulfate de magnésium est admi-
nistré à la seringue électrique. On administre 4 ou 6 g en
Traitement médical dose de charge, en 20 mm, puis 1 g/h (recommandations
Il doit associer un traitement anticonvulsivant, un traitement françaises) ou 2 g/h (recommandations américaines).
antihypertenseur et une réanimation hydroélectrolytique. En l'absence de pousse-seringue électrique, une perfu-
sion est réalisable : on met 40 g dans 1 litre de sérum glu-
cosé à 5 % et on administre dans les 20 premières minutes
Traitement anticonvulsivant
100 ml : soient 4 g, puis 25 à 50 ml/h.
Il va permettre la suppression des crises. Si la crise survient La surveillance des réflexes rotuliens est effectuée toutes
au cours du travail, plusieurs produits ont été proposés. les 30 minutes ; le rythme respiratoire est surveillé au début
du traitement très régulièrement, toutes les 15 minutes ; il
Sulfate de magnésium (SMg) doit rester supérieur à 14 mouvements/min. On met en
C'est l'anticonvulsivant de choix. place une diurèse horaire. Les risques de surdosage sont
résumés dans le tableau 22.1. On doit disposer, à portée de
Administration main, de gluconate de calcium (1 g), qui est l'antidote.
Il est administré de préférence par voie intraveineuse. La Le contrôle de la magnésémie n'est pas nécessaire, avec
voie intramusculaire est abandonnée car douloureuse, mais les doses citées et au moins dans les 24 premières heures
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir 267
Tableau 22.1. Toxicité du magnésium [6]. Le relais sera pris par le sulfate de magnésium ; l'important
est, comme dans de nombreuses autres urgences, de s'en
Manifestations
tenir à un seul protocole, sans chercher à trop le modifier au
Disparition du réflexe rotulien 8–12 mg/dl gré de « l'inspiration du moment ».
Rash vasomoteur, sensation de 9–12 mg/dl
chaleur Traitement antihypertenseur
Somnolence 10–12 mg/dl Nous renvoyons le lecteur au chapitre 21. La grande variabi-
Paroles non articulées 10–12 mg/dl lité tensionnelle impose une grande surveillance. Le labéta-
lol (Trandate®) est l'antihypertenseur de choix.
Paralysie musculaire 15–17 mg/dl
Dépression respiratoire 15–17 mg/dll Réanimation hydroélectrolytique
Arrêt cardiaque 30–35 mg/dl L'apport hydrique doit être limité mais l'hypovolé-
1 mEq/l = 1,2 mg/dl = 0,5 mmol/l. mie doit être corrigée sans excès. On peut proposer un
programme de perfusions apportant 1 000 ml maxi-
mum/24 heures de sérum glucosé à 5 %, adapté à la
du traitement, sauf insuffisance rénale associée ou oligurie diurèse, ou, mieux, du Ringer Lactate ® , pour corriger
(moins de 30 ml d'urine/h). Le taux de magnésium doit être partiellement l'acidose.
compris entre 6 et 8 mg/l. Si l'hypovolémie est sévère, ou si la patiente est choquée,
se posera le problème de l'indication des perfusions d'ami-
Quatre actions du sulfate de magnésium dons (Voluven®) pour augmenter la volémie.
Il a un effet tocolytique léger pour les doses préconisées qui
n'empêche pas la poursuite de l'accouchement.
Il améliore le débit de l'artère utérine ; il traverse la bar-
Conduite obstétricale
rière placentaire mais des signes d'hypermagnésémie ne L'évacuation de l'utérus améliore l'état maternel. Le fœtus
s'observeront chez le nouveau-né qu'après une administra- in utero est en danger. En général, il n'y a pas d'indication
tion particulièrement prolongée. à réaliser une césarienne en extrême urgence, sauf HRP
Il a un effet très discret sur la coagulation. associé [6], mais l'état maternel et fœtal doit être stable. Le
Il a un léger effet antihypertenseur (voir chapitre 21). traitement médical ayant été installé pour contrôler l'état
Le sulfate de magnésium est actuellement admis par tous maternel, il faut apprécier l'état de l'enfant par le monitorage,
comme le traitement de choix. Il peut cependant rendre et voir si le travail est en cours ou non et à quel stade. On
difficile la gestion de la curarisation lors d'une anesthésie définira une conduite obstétricale à tenir avec les pédiatres
générale. et les anesthésistes. Les troubles du RCF qui accompagnent
D'autres produits ont été proposés. Les plus utilisés la crise sont transitoires et, dans l'idéal, il faudrait faire
étaient le diazepam (Valium®), clonazépam (Rivotril®) ou la un pH au scalp 15 à 20 minutes après la crise, la patiente
phénitoine. Ils sont abandonnés depuis l'étude MagPie. ayant été transportée éventuellement au bloc opératoire. On
tentera un accouchement par voie basse si le travail est en
Barbituriques phase active, la femme stabilisée est sous traitement préven-
tif, le RCF normal. Dans les autres cas, une césarienne est
Ils occupent encore une place pour certains auteurs dans
conseillée.
l'urgence convulsive. Ils sont surtout employés lorsqu'une
anesthésie est nécessaire.
Travail est en cours
En pratique C'est le plus souvent le cas. S'il y a une souffrance fœtale,
Le sulfate de magnésium est le médicament de choix. on peut avoir recours, selon l'état de la dilatation, soit à une
Une large étude multicentrique (le Magpie Trial) compa- césarienne, soit à une anesthésie générale. En l'absence de
rant le diazépam (Valium®) et la phénitoine au SMg a montré souffrance fœtale, il vaut mieux dans ce contexte pratiquer
la supériorité de ce dernier dans la prévention des récidives. une assistance instrumentale à l'expulsion si l'enfant est
Un avantage décisif du sulfate de magnésium est l'absence engagé.
d'effets fœtaux, voire même une possible action dans la pré- Dans tous les cas, que l'accouchement se fasse par voie
vention des accidents hémorragiques chez le nouveau-né. basse ou par césarienne, il faut compenser très exactement
Les autres produits, moins efficaces dans la prévention de les pertes sanguines.
la récidive de la crise, sont par ailleurs dépresseurs pour le Un hématome rétroplacentaire, associé à l'éclampsie, est
fœtus et leur effet dépresseur va s'associer à l'effet dépres- toujours possible. Il va dominer le tableau clinique, et impo-
seur d'une éventuelle anesthésie générale. ser une naissance très rapide.
La récidive de la crise sous traitement est tout à fait rare
quand la crise survient au cours du travail ; si une récidive Patiente en tout début de travail
survient, on peut refaire un bolus de 2 à 4 g en cinq minutes. La conduite obstétricale à tenir dépend de l'état du fœtus, de
Si la crise survient en en fin de travail à dilatation com- l'âge gestationnel et des conditions obstétricales.
plète, l'anesthésie générale reste un bon traitement car Si le fœtus est vivant, il faut s'assurer par un monitorage
elle contrôle les convulsions et permet d'extraire le fœtus. d'au moins 40 minutes, renouvelé toutes les deux heures,
268 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
qu'il ne présente pas de signe de souffrance. On équilibre la Une hémolyse peut s'observer avec l'apparition plus au
situation maternelle, on évalue les conditions locales. moins complète d'un Hellp syndrome. Elle pose le problème
En l'absence de souffrance fœtale : d'un traitement par les corticoïdes. Elle doit faire éliminer
■ si les conditions locales sont bonnes et l'âge gestationnel un purpura thrombotique thrombocytopénique.
supérieur à 34 semaines, on peut déclencher le travail Un œdème aigu du poumon est exceptionnel en l'absence
sous monitorage. Ce déclenchement n'est possible que de surcharge par des perfusions mal contrôlées. Sa survenue
par la technique Syntocinon®-rupture des membranes. est grave, il faut prescrire des diurétiques. La défaillance car-
Dans ce contexte, l'emploi des prostaglandines nous diaque aurait pu, en général, être dépistée par la surveillance
paraît trop aléatoire ; correcte du pouls et de l'auscultation cardiaque.
■ si les conditions locales sont mauvaises et l'âge entre 32 et Les troubles visuels sont rares, ils sont en général tran-
34 semaines, il faut césariser ; sitoires. Ils peuvent être dus aux lésions occipitales, réver-
■ si l'âge est inférieur à 32 semaines, si l'état maternel sibles, plus rarement à un décollement de la rétine, ou à un
s'améliore vite, et si la patiente n'est pas franchement en spasme des artères rétiniennes [3].
travail, si l'état fœtal est bon, on peut tenter un traitement La rupture du foie est un accident exceptionnel qui peut
conservateur, au moins de 48 heures pour assurer la cor- survenir dans un contexte de Hellp syndrome compliqué de
ticothérapie de maturation fœtale. Ce traitement ne se CIVD. Elle se traduit par un collapsus brutal, précédé par des
conçoit que comme une expectative « armée ». Le sulfate douleurs hypogastriques très importantes. Toute expression
de magnésium est tocolytique et pourrait traiter un faux abdominale pour aider l'expulsion est contre-indiquée, tout
travail. spécialement dans le contexte d'une pathologie vasculaire.
S'il y a une souffrance fœtale, l'extraction par césarienne Un accident vasculaire cérébral peut survenir. La persis-
paraît raisonnable dès 28–30 semaines. tance de troubles neurologiques : états comateux, signes de
Si le fœtus est mort, on peut déclencher l'accouchement, localisation dans les suites de l'accouchement doivent faire
avec les moyens habituels (voir chapitre 17). Il est excep- craindre un accident vasculaire cérébral, occasionné ou
tionnel que l'aggravation de l'état de la mère (répétition des favorisé par une poussée hypertensive.
crises, apparition d'une CIVD ou d'un Hellp syndrome dif- En pratique, après avoir traité et accouché la patiente,
ficile à contrôler, etc.) impose ici une césarienne sur enfant c'est dans le post-partum immédiat que l'on va, si néces-
mort. saire, demander un avis neurologique et des examens com-
plémentaires, notamment d'imagerie (IRM) qui aideront au
diagnostic.
Surveillance après l'accouchement Dans l'éclampsie, les images sont celles d'un syndrome
Suites immédiates d'encéphalopathie réversible postérieure (RPLS ou reversible
Dans les suites de l'accouchement, un transfert en service de posterior leukoencephalopathy syndrome, ou RPES, rever-
réanimation ne s'impose pas dans la grande majorité des cas ; sible posterior encephalopathy syndrome) : en T2 et surtout
la surveillance de la tension artérielle, du pouls, des réflexes en séquence FLAIR, on observe des hypersignaux de loca-
ostéotendineux, du rythme respiratoire et de la diurèse doit lisation corticale et sous-corticale, dans les régions surtout
se poursuivre pendant 12 heures au bloc obstétrical, puis occipitales, plus rarement frontopariétale [3]. Ce syndrome
pendant 48 heures dans les suites de couches. Le traitement s'observe dans plusieurs pathologies caractérisées par une
anticonvulsivant doit être poursuivi au moins pendant dysfonction endothéliale majeure.
24 heures. Il est arrêté lorsque la diurèse est parfaitement
établie, la tension est stable depuis plusieurs heures et quand Bilan après l'accouchement
les signes d'excitabilité neuromusculaire ont régressé. La surveillance de la pression artérielle par le médecin trai-
Le traitement antihypertenseur doit être poursuivi, tant guidera la diminution puis l'arrêt des antihypertenseurs.
adapté aux variations tensionnelles. L'allaitement maternel Comme après une prééclampsie sévère, un bilan néphro-
n'est pas contre-indiqué chez les patientes sous inhibiteurs logique est à prévoir après le retour de couches et, avant une
calciques. En ce qui concerne le labétalol, les posologies nouvelle grossesse, il sera souhaitable d'étudier la morpho-
moyennes sont possibles, à condition d'avertir les pédiatres. logie rénale (échographie) et la coagulation, notamment à la
Si la patiente n'allaite pas, on peut avoir recours aux inhi- recherche d'un état thrombophilique, congénital (et en pro-
biteurs de l'enzyme de conversion ou aux antagonistes des téine S, mutation sur le facteur II, ou le facteur V, recherche
récepteurs de l'angiotensine II. d'une hyperhomocystéïnémie) ou acquis (syndrome des
anticardiolipines).
Dépistage des complications Enfin, on envisagera une contraception de préférence
L'insuffisance rénale peut se traduire par une oligoanurie par les progestatifs ou le stérilet. Les œstroprogestatifs ne
persistante ou par une insuffisance rénale à diurèse conser- peuvent être prescrits qu'une fois ce bilan réalisé et unique-
vée. La surveillance de la diurèse, l'étude des électrolytes ment si la tension s'est normalisée. Il n'y a pas de contre-
au décours de l'accouchement aideront au diagnostic. Elle indication à une nouvelle grossesse ; il faudra cependant la
survient surtout lorsque l'éclampsie complique une néphro- surveiller très attentivement car il y a un risque de récidive
pathie chronique. de la prééclampsie.
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir 269
PLAN DU CHAPITRE
Conduite à tenir à l'entrée en salle de naissance . . . 271 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279
Conduite à tenir en fonction de l’étiologie . . . . 272
Tableau clinique
Le placenta praevia se caractérise par l'insertion du placenta Fig. 23.1. Classification des variétés de placenta praevia.
sur le segment inférieur de l'utérus. Le placenta peut être
latéral (à distance de l'orifice interne du col et à moins de
Le sang coagule. Il n'y a pas de contracture utérine et l'utérus
5 cm de celui-ci), marginal (au ras du col), partiellement ou
se relâche entre les contractions.
totalement recouvrant (figure 23.1).
Une présentation oblique ou du siège peut se rencontrer
Le placenta praevia hémorragique se rencontre dans
et, même en cas de présentation céphalique, celle-ci reste
moins de 0,5 % des grossesses [36]. Dans la majorité des cas,
souvent haute et mobile.
la localisation basse ou praevia du placenta a déjà été correc-
Un point important est que la participation du fœtus aux
tement documentée lors des échographies recommandées
hémorragies du placenta praevia est estimée autour de 4 à
ou lors d’épisodes antérieurs d’hémorragies. En cas de doute
10 %. Cette hémorragie peut compromettre la vie du fœtus
diagnostique, une échographie en urgence doit pouvoir
dont le volume sanguin à terme ne dépasse pas 100 ml/kg.
confirmer le caractère praevia du placenta et sa position
C'est l’échographie qui représente l'examen capital, à pra-
par rapport à l’orifice interne du col. Certains facteurs de
tiquer avant le toucher vaginal. La précision de l’échographie
risques sont souvent associés au placenta praevia. Le facteur
endovaginale est meilleure (92,8 %) que celle de l’échogra-
de risque principal rapporté et l’antécédent de césarienne
phie abdominale (75,6 %), surtout dans les localisations pla-
qui augmente avec le nombre d’antécédents : risque multi-
centaires postérieures ou chez l'obèse [29,43]. Elle doit être
plié par 4,5 pour une césarienne, 7,4 pour deux césariennes
pratiquée en milieu hospitalier même si elle n’augmente pas
et 45 pour quatre césariennes et plus [24]. Les autres fac-
le risque hémorragique.
teurs de risques sont : l’âge maternel avancé, l’antécédent de
placenta praevia, l’assistance médicale à la procréation, la
multiparité et les antécédents d'avortements spontanés ou Où accoucher avec un placenta praevia ?
non (RR = 1,30) [4,22], les malformations utérines, et les Étant donné la gravité pour la mère et l'enfant de cette patho-
fibromes sous-muqueux. Le tabagisme serait moins mis en logie, une femme qui a un placenta praevia connu doit accou-
cause [12]. cher dans un centre approprié. Le transfert de la patiente
vers un établissement de niveaux II et III doit être systéma-
tiquement envisagé suivant le terme de la grossesse, sauf
Diagnostic situations d’urgence vitale et ou d’accouchement imminent.
L'hémorragie peut survenir n'importe quand, mais souvent Indépendamment du risque lié à la prématurité, la structure
lors de contractions utérines. Classiquement, il s'agit d'une qui va prendre en charge cette patiente doit avoir un plateau
hémorragie indolore de sang rouge, d'abondance variable. technique suffisant en cas d’hémorragie sévère (produits
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir 273
l'intervention peut être difficile et très hémorragique, sur- sion sanguine est 6,5 fois plus important et, dans 4,5 % des
tout si le placenta est antérieur. En cas de placenta anté- cas, une hystérectomie d'hémostase est nécessaire [42].
rieur, il est préférable de décoller rapidement le placenta
plutôt que de l’inciser car cela réduit les pertes sanguines Pronostic maternel
chez la mère et l’enfant. En l'absence d'hémorragie vaginale La mortalité maternelle diminue régulièrement pour être
très importante, l'anesthésie locorégionale est indiquée en inférieure à 1 %, voire nulle dans les dernières statistiques
première intention [19]. [10]. L'hémorragie et la défibrination sont responsables des
décès.
Complications du placenta praevia La morbidité maternelle reste élevée dans 20 à 60 % des
cas.
Il y a danger ici pour la mère et pour le fœtus. L’anémie prédispose aux accidents infectieux (endomé-
trite, septicémie) et thromboemboliques. La prévention de
La mère court un risque hémorragique l'iso-immunisation Rhésus chez les femmes Rhésus négatif
Si elle accouche par voie basse, c'est l'hémorragie de la est faite dans les suites de couches ; l'efficacité doit être véri-
délivrance. Le placenta est ici inséré sur le segment infé- fiée par le test de Kleihauer.
rieur qui se contracte mal. Il faut recourir alors à la déli-
vrance artificielle ou à la révision utérine si le placenta Pronostic néonatal
est expulsé. Une perfusion d'ocytociques est posée. En La mortalité périnatale liée à la prématurité et aux chocs
cas d'hémorragie persistante, on peut avoir recours aux hémorragiques maternels est en baisse : 3 à 8 % depuis dix
injections de prostaglandines, voire à une embolisation ans, voire 2,3 % pour Crane et al. [17]. L'extraction par voie
artérielle par voie fémorale rétrograde avec injection de haute améliore le pronostic dans toutes les variétés de pla-
Spongel®. centa praevia.
Si l’état hémodynamique de la patiente est instable et que La morbidité néonatale est consécutive aux détresses res-
l'embolisation n'est pas réalisable, on pratique une ligature piratoires (20 %), aux anémies (8,8 à 25,5 %) et aux hypotro-
bilatérale des hypogastriques [27], un capitonnage utérin phies nécessitant un accueil pédiatrique à la naissance.
(techniques de B-Lynch, de Cho), une triple ligature (tech-
nique de Tsirulnikov), voire même une hystérectomie d'hé-
mostase (voir chapitre 26, p. 303). Placenta accreta
La césarienne ne protège pas du risque hémorragique, Le placenta accreta est défini par l'insertion des villosi-
surtout en cas de placenta praevia antérieur. Comparée à une tés choriales placentaires directement en contact avec les
population témoin de césarienne, le risque relatif de transfu- fibres musculaires du myomètre sur tout ou partie de la
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir 275
face maternelle et pénétrant plus ou moins profondément ■ la transférer si elle arrive en urgence dans un établis-
dans le myomètre. Il est dit increta s'il envahit le myomètre sement non adapté pour la prise en charge de cette
et percreta s'il dépasse le myomètre, envahissant parfois la pathologie ;
vessie (figure 23.4). Le plus souvent, le terme de placenta ■ discuter avec le couple du choix entre l'hystérecto-
accreta est utilisé pour les trois formes. mie immédiate après la césarienne ou du traitement
L'incidence du placenta accreta a été multipliée par dix conservateur.
dans les cinquante dernières années et serait de 1 sur 2 500 L'intervention sera programmée vers 36-37 semaines en
accouchements [34]. Les facteurs de risque majeurs de l'absence de saignements. Les problèmes techniques de la
placenta accreta sont un placenta praevia ou un(plusieurs) césarienne sont détaillés dans le chapitre 31, p. 385.
antécédent(s) de césarienne. Il est particulièrement fréquent Une étude française [38] portant sur 167 cas de placenta
si la cicatrice est associée à un placenta praevia (surtout si accreta a montré que 131 (78 %) avaient eu un traitement
antérieur). Dans ce cas, le risque augmente avec le nombre conservateur avec succès mais une morbidité assez lourde,
de cicatrices, passant de 24 % chez la femme qui a eu une de 6 %. Par ailleurs, 36 femmes ont eu une hystérectomie
césarienne à 67 % chez celle qui a eu trois césariennes ou première et 18 une hystérectomie secondaire après échec
plus. du traitement conservateur (10 %). Le traitement conser-
Il est également plus fréquent chez les femmes âgées, vateur est donc possible en sachant que la résorption du
multipares, ayant eu recours à une assistance médicale à la placenta est en moyenne de 13 semaines (4 à 60 semaines).
procréation, ou avec un antécédent de chirurgie utérine. Après le traitement conservateur, 96 femmes ont été suivies :
Une patiente qui a un utérus cicatriciel et un placenta 8 avaient une aménorrhée du fait d'une synéchie ; 27 dési-
praevia antérieur est à haut risque de placenta accreta. raient une grossesse : 24 eurent 34 grossesses (dont une
Il faut essayer d'en faire le diagnostic par l’échographie grossesse extra-utérine, 2 IVG, 10 fausses-couches spon-
2D avec Doppler couleur, 3D, ou l'IRM qui serait plus tanées) et 21 accouchèrent après 34 SA (77 %), mais avec
performante pour apprécier la profondeur de l'envahisse- un fort taux de récidive (6/21 = 28 %) et 20 % eurent une
ment. L’IRM est particulièrement utile pour les placentas hémorragie du post-partum [39].
praevia postérieur qui sont difficilement analysables en Le choix du type de traitement conservateur ou non va
échographie obstétricale. Les critères échographiques dépendre de l’âge de la patiente, de sa parité, du caractère
classiques du placenta accreta sont : les lacunes intrapla- hémorragique du placenta et de son degré d’infiltration
centaires irrégulières et vasculaires, un aspect déformé (percreta).
pseudotumoral, et une interruption du liseré entre le
placenta et le myomètre. Les signes échographiques sont
visibles dès le début du deuxième trimestre de la gros- Hématome rétroplacentaire
sesse [37]. Tableau clinique
Si le diagnostic est suspecté on doit :
■ informer la femme et son compagnon des risques hémor- L'hématome rétroplacentaire (HRP) ou décollement préma-
ragiques, de complications chirurgicales (plaie vésicale et turé d'un placenta normalement inséré survient lorsqu'un
urétérale) et d'hystérectomie ; placenta normalement inséré se détache de la déciduale
■ prévenir la patiente qu'elle devra accoucher dans un éta- basale avant la naissance de l'enfant (encore appelé héma-
blissement ou il y a une équipe chirurgicale entraînée, tome décidual basal).
une banque de sang, un service d'embolisation et un ser- Le tableau est plus grave que celui du placenta praevia
vice de réanimation ; car, à l'hémorragie, liée au décollement, se surajoutent sou-
■ l'hospitaliser dans cet établissement à partir de vent des troubles de l’hémostase [1]. Les troubles de la crase
34 semaines ou la loger à proximité en étant accompagnée ; sanguine sont présents dans 20 à 30 % des cas [1]. Le méca-
nisme est lié à une coagulation intravasculaire disséminée
associée à une coagulation rétroplacentaire. Dans les formes
sévères, des taux de PDF ou de D-dimères sont significatifs,
1
augmentés avec une baisse importante du fibrinogène [30–
33]. Dans 20 % des cas, il faut redouter une inertie utérine
résistant au traitement par l'ocytocine. Sher [40], dans une
étude statistique de 850 décollements prématurés d'un pla-
centa normalement inséré, a retrouvé 86 coagulopathies de
consommation et a observé, dans 20 % des cas, une inertie
au traitement par l'ocytocine. Il a remarqué que l'inertie uté-
rine s'observait surtout dans les cas où les produits de dégra-
dation de la fibrine avaient un taux supérieur à 320 μg/ml.
L'inertie utérine serait liée à l’élévation du taux de PDF, de
2 3 thromboplastine et, peut-être, à d'autres facteurs liés à la
coagulopathie. Il est donc capital de dépister l'hémorragie
rétroplacentaire dès son début avant qu'une coagulopathie
grave ne soit installée. Une hypo-fibrino-génémie initiale
Fig. 23.4. Placenta accreta. 1. Placenta encreta. 2. Placenta percreta. inférieure à 1,5 g/l est un également un facteur de mauvais
3. Placenta accreta. pronostic d’emblée qui est associé à un recours plus f réquent
276 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
aux transfusions de produits sanguins labiles et à une chirur- Les urines sont rares et souvent la protéinurie est massive
gie d’hémostase. (bandelette urinaire fréquemment à ++ ou +++ à l’entrée) ;
Malgré les progrès réalisés dans la surveillance de la une sonde à demeure est posée pour contrôler la diurèse.
grossesse, et le traitement de la prééclampsie, la fréquence Le choc initial est rarement rapporté et survient le plus
de l'hématome placentaire semble peu diminuer : 0,5 % des souvent au moment de la délivrance, avec une intensité
accouchements. L'accident est responsable d'une mortalité variable. Celui-ci est d’autant plus prévisible s’il existe des
périnatale de 20 à 35 % et d'une morbidité néonatale impor- troubles de l’hémostase (hypo-fibrino-génémie. Il faut donc
tante, 10 % des enfants survivants développant des troubles installer une voie veineuse sûre et demander une numé-
neurologiques importants [47]. Le décollement placentaire ration globulaire et un bilan d’hémostase. Même si le bilan
entraîne une anoxie fœtale, et la mort du fœtus in utero sur- initial est normal, il faut le répéter d'heure en heure pour
vient si la zone décollée dépasse le tiers de la surface d'inser- authentifier une CIVD.
tion placentaire. L’échographie n’est pas indispensable pour porter le dia-
Un certain nombre de facteurs favorisent le décollement gnostic d’HRP mais elle est surtout indiquée pour apprécier
prématuré d'un placenta normalement inséré de façon la vitalité fœtale et/ou rechercher un placenta praevia en
spontanée : l'hypertension artérielle [3], le tabagisme ++++, cas de doute diagnostic clinique. Certains placentas praevia
la rupture prématurée des membranes prolongée [5,26], une peuvent se compliquer d’un hématome décidual marginal
chorioamniotite [8], des antécédents d’hématome rétropla- (décollement en périphérie de meilleur pronostic) et mimer
centaire [35], la consommation de cocaïne [25]. L'incidence un HRP. Les signes échographiques d'hématome rétropla-
des hématomes rétroplacentaires est en augmentation aux centaire sont souvent tardifs et n'existent que dans 25 % des
États-Unis et en Norvège du fait de l'augmentation de l’âge cas [41]. Classiquement, l'image caractéristique est une zone
des femmes enceintes mais aussi des diabètes, du tabagisme, anéchogène linéaire ou biconcave bien limitée, située au
de l'usage de drogues illicites ainsi que des mauvaises condi- niveau de la plaque basale. Parfois, la collection hématique
tions socioéconomiques [6]. plus ou moins coagulée présente une échogénicité hétéro-
gène voisine du placenta.
Diagnostic L'absence d'image évocatrice ne permet pas d'exclure le
diagnostic.
Le début est classiquement brutal, marqué par une douleur
abdominale violente diffusant rapidement à tout l'utérus,
des métrorragies noirâtres, l'apparition rapide d'un état de Différentes manifestations cliniques
choc chez une femme enceinte âgée de 30 à 40 ans, hyper-
tendue dans 20 à 50 % des cas. Critères cliniques de gravité
L’examen obstétrical montre : Ils sont importants à connaître car ils vont dicter en par-
■ des métrorragies, qui sont classiquement faites de sang tie notre prise en charge thérapeutique. La classification
noir incoagulable. La quantité d'hémorragies extériori- de Sher est la plus simple et la plus adaptée, décrivant des
sées n'est pas toujours en rapport avec l'importance du formes discrètes, modérées, ou sévères :
choc. Elles sont absentes dans 20 % des cas ; ■ grade I : il existe simplement des métrorragies dont
■ une contracture utérine : l'utérus est tendu, spontané- l'origine n'est rattachée à l'hématome que rétrospective-
ment douloureux et encore plus lors de la palpation. Sur ment. Cet hématome peut être retrouvé uniquement au
ce fond de contracture, il est difficile de percevoir les moment de la délivrance après un travail rapide et sans
contractions utérines ; anomalies notables du RCF ;
■ l'augmentation de la hauteur utérine qui traduit l'aug- ■ grade II : il existe des signes cliniques (décrits plus haut :
mentation du volume de l'hématome rétroplacentaire ; anomalie clinique, contractilité utérine, et anomalies du
■ au toucher vaginal, un segment inférieur dur, ligneux, RCF), mais l'enfant est encore vivant ;
tendu, comparé à une « bille de bois ». ■ grade III : l'enfant est mort ; on parle de grade IIIA s'il n'y
Les bruits du cœur fœtal peuvent être d’emblée absents a pas de trouble de la coagulation et de grade IIIB s'il y a
à l'entrée de la patiente. Il importe de s'aider d'appareils à des troubles de la coagulation.
ultrasons (en distinguant bien la fréquence cardiaque fœtale Des formes trompeuses peuvent simuler une menace d'ac-
et maternelle) ; l’échographie est indispensable pour appré- couchement prématuré.
cier la vitalité fœtale. Si le fœtus est encore vivant, l'enre- La patiente consulte pour des contractions utérines dou-
gistrement du rythme cardiaque peut mettre en évidence loureuses parfois associées à des anomalies du RCF mais
des anomalies du RCF : tachycardie ou bradycardie, rythme sans métrorragies. L’hématome rétroplacentaire doit être
aréactif ou plat, ralentissements. Mais le RCF peut être stric- évoqué en présence d’une hypertension artérielle transitoire
tement normal à la phase initiale. et d’une albuminurie (qu’il ne faut rattacher à une infection
D'après Hurs (cité par Fournié et Desprats [18]), une urinaire dans ce contexte de MAP). L’hématome peut être
patiente qui présente deux des quatre signes suivants, hémorra- visualisé à l’échographie mais pas toujours. En l’absence de
gie, douleurs (utérines ou du dos), anomalies de la contraction troubles du RCF et avec un bilan biologique parfaitement
utérine (hyperactivité utérine avec hypercinésie de fréquence) normal, il peut être discuté au cas par cas une éventuelle
et anomalies du rythme cardiaque fœtal (voir ci-dessus), doit tocolyse pour maturation fœtale. Mais la bonne décision
être considérée comme ayant un hématome rétroplacentaire. sera le plus souvent de laisser accoucher ou extraire car une
À la différence du placenta praevia, le diagnostic de l’héma- perfusion de tocolytique n'empêchera pas la poursuite du
tome rétroplacentaire est essentiellement basé sur la clinique. décollement placentaire [45].
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir 277
L’apparition d’anomalies du RCF chez une femme hyper- Quant à la perfusion de fibrinogène, la posologie est de 2
tendue ou hospitalisée pour une prééclampsie doit faire évo- à 4 g si le taux initial est inférieur à 0,5 ou 1 g/l.
quer un HRP même s’il n’existe pas de métrorragies. Les plaquettes sont transfusées en cas de thrombopé-
L’échographie standard n'apporte pas d’éléments supplé- nie (≤ 50 × 109/l pour une césarienne, ≤ 30 × 109/l pour un
mentaires dans la prédiction de l'hématome rétroplacentaire. accouchement par voie basse). Parfois, seules les unités stan-
dard sont disponibles : la posologie est d'une unité pour 7 à
Conduite à tenir pratique (tableau 23.1) 10 kg, soit huit unités à passer en une à deux heures, renou-
La prise en charge va dépendre de la gravité de l’HRP. En velable une ou deux fois [7].
dehors de rares situations ou l’expectative armée est possible Aux unités de plasma frais congelé est associée la trans-
(HRP peu sévère [grade 1] avec une grande prématurité fusion de concentrés globulaires pour corriger l'anémie.
attendue), la règle est d’obtenir un accouchement sans délai Les concentrés érythrocytaires doivent être phénotypés en
avec une réanimation maternelle adaptée. L’urgence obs- Rhésus et Kell, déleucocytés et si possible cytomégalovirus-
tétricale est telle qu’il n’est pas raisonnable d’envisager un négatifs. Il faut maintenir un hématocrite proche de 25 % et
transfert in utéro même avant terme. un taux de fibrinogène supérieur ou égal à 1 g/l.
L'utilisation des antifibrinolytiques et de l'héparine est
Réanimation maternelle déconseillée.
En revanche, la prévention thromboembolique s'impose
■ Faire les gestes d'urgence habituels : pose de deux voies dans le post-partum après traitement de la coagulation
d'abord veineuses périphériques et d'une sonde urinaire. intravasculaire disséminée.
■ Lutter contre l'hypovolémie est essentiel, le saignement
extériorisé étant toujours inférieur à la déperdition
réelle : on utilise des solutions de remplissage en atten- Obtenir un accouchement sans délai
dant : cristalloïdes et albumine dilués à 4 % (les dextrans Si le fœtus est encore vivant, il faut le faire naître le plus
sont contre-indiqués en ante-partum), sans dépasser un rapidement possible, soit par voie basse si l'accouchement
litre. est imminent (on aidera l'expulsion avec un forceps), soit
■ Traiter précocement les troubles de la coagulation. par césarienne si l'accouchement n'est pas imminent.
Le plasma frais congelé compatible dans le système ABO L’accouchement sans délai est la règle si le RCF est initiale-
et Rhésus est administré rapidement, dans les 30 minutes ment normal car celui-ci peut se dégrader à tout instant. Si
après réchauffement. le fœtus est mort, il faut éviter tout traumatisme maternel
et essayer d'obtenir le plus rapidement possible une nais-
sance par voie basse : rupture artificielle des membranes,
Tableau 23.1. Conduite à tenir devant au besoin perfusion de Syntocinon® à faible débit (5 à 10
un hématome rétroplacentaire.
UI/min) pour diriger le travail en l'absence de coagulation
Soins infirmiers Traitement médical Traitement intravasculaire disséminée maternelle. Les prostaglandines
obstétrical ne sont pas contre-indiquées si les conditions locales cer-
Voie veineuse : 2 Lutter contre Évacuer l'utérus vicales ne sont pas favorables. Il faut assurer une surveil-
Prélèvements l'hypovolémie Fœtus vivant lance avec contrôle du pouls et de la tension artérielle tous
sanguins – Solutés de – Césarienne ou voie les quarts d'heure. Les pertes hémorragiques sont pesées
– NFS, plaquettes remplissage, basse au fur et à mesure. La hauteur utérine est surveillée toutes
– Recherche en attendant – Si accouchement
les heures comme la diurèse horaire qui doit être supé-
sanguine cristalloïdes et imminent, forceps
– d'anticorps albumine diluée à Fœtus mort
rieure à 30 ml/h. On refera une numération et un bilan de
irréguliers 4% – Voie basse si l'hémostase d'heure en heure. En cas de perturbation de
– Fibrinogène – Concentrés absence de CIVD : l’hémostase et si l’accouchement n’est pas imminent, une
– Céphalique activée érythrocytaires rupture artificielle césarienne sur enfant mort peut être pratiquée pour sau-
– Temps de Quick phénotypés en des membranes vetage maternel.
– Prothrombine Rhésus et Kell, Syntocinon® : Une fois l’accouchement et la délivrance effectués, une
– Produit de déleucocytés 5 à 10 Ul/min
dégradation de la et, si possible, – Révision utérine
révision utérine soigneuse est indiquée ainsi qu'un examen
fibrine cytomégalovirus- + examen du col et minutieux de la filière génitale pour repérer toute déchirure
– D-dimères négatifs du vagin cervicale ou vaginale.
Sonde urinaire Lutter contre les – Césarienne si état L’anesthésie péridurale est formellement contre-indiquée
Surveillance troubles de la maternel très sévère dans tous ces cas.
– État de conscience coagulation
– Pouls, TA tous les – Plasma frais
quarts d'heure congelé, ABO- et Surveillance
– Diurèse horaire Rh-compatibles
(> 30 ml/h) – Fibrinogène
Après un hématome rétroplacentaire, la femme est à haut
– Volume des – Concentrés risque infectieux et thromboembolique. Il est donc rai-
hémorragies plaquettaires ± sonnable d'installer une antibiothérapie préventive et une
– NFS et hémostase – Héparine : non héparinothérapie pour lutter contre l'hypercoagulabilité
toutes les heures – Anti- réactionnelle.
– Feuille de fibrinolytiques : non La prévention Rhésus est essentielle du fait du risque élevé
surveillance
de passage d'hématies fœtales dans la circulation maternelle.
278 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
peut actuellement mettre en évidence des vaisseaux praevia [5] Ananth CV, Smulian JC, Vintzileos AM. Incidence of placental
et la nécessité de faire une césarienne préventivement [13]. abruption in relation to cigarette smoking and hypertensive disorders
Quant à la question de la date de la césarienne programmée, during pregnancy : a meta-analysis of obsvervational studies. Obstet
Gynecol 1999 ; 93 : 622–8.
certains auteurs proposent 35 SA. Le risque de mortalité
[6] Ananth C, Oyelese Y, Yeo L. Placental abruptio in the United States,
de l'enfant serait dans ce cas encore entre 3 et 10 %. Le dépis- 1979 through 2001 : temporal trends and potential determinants. Am
tage systématique des vaisseaux praevia en population géné- J Obstet Gynecol 2005 ; 192 : 191–8.
rale n'est cependant pas recommandé [32]. Il peut être utile si [7] Barbarino-Monnier P, Barbarino A, Bayoumeu F, et al. Hémorragies
le placenta est bas inséré ou bipartita de cotylédon accessoire graves au cours de la grossesse et du post-partum. Choc hémorra-
ou de métrorragie. Si le vaisseau praevia est diagnostiqué, la gique. EMC 1998 ; 5-082-A10.
SOGC recommande de faire une corticothérapie entre 28 et [8] Baron F, Hill WC. Placenta previa, placenta abruption. Clin Obstet
34 semaines et de césariser entre 34 et 35 SA [22]. Le risque Gynecol 1998 ; 33 : 406–13.
de récidive lors d’une grossesse ultérieure est très faible. Les [9] Besinger RE, Moniak CW, Paskiewicz LS, et al. The effect of tocolytic
vaisseaux praevia peuvent être suspectés cliniquement en use in the management of symptomatic placenta praevia. Am J Obstet
Gynecol 1995 ; 180 : 1572–8.
cours du travail avant la rupture des membranes. Ils peuvent
[10] Boog G. Placenta praevia. EMC 1996 ; 5-069-A-10.
être visualisés à l’amnioscopie. Une césarienne peut alors [11] Bouvier-Colle MH, Salanave B, Ancel PY, et al. Obstetric patients
être discutée. Si le diagnostic est évoqué devant un liquide treated in intensive care units and maternal mortality. Eur J Obstet
amniotique sanglant et des anomalies du rythme cardiaque Gynecol Reprod Biol 1996 ; 65 : 121–5.
fœtal, une césarienne en extrême urgence doit être pratiquée. [12] Castles A, Adam EK, Melvin CL, et al. Effects of smoking during pre-
L'enfant est pâle et anémique, comme le montre la NFS. gnancy. Five meta-analyses. Am J Prev Med 1999 ; 16 : 208–15.
Une transfusion sanguine à l'enfant peut être nécessaire. [13] Chen KH, Konchak P. Use of transvaginal color. Doppler ultrasound
Le risque de mortalité de l'enfant avoisine les 50 %. C'est to diagnose vasa previa. JAOA 1998 ; 98 : 116–7.
l'examen du délivre qui confirme le diagnostic en montrant [14] Chervenak F, Lee Y, Hendler M. Role of attempted vaginal delivery
l'insertion vélamenteuse et le vaisseau rompu. in the management of placenta praevia. Obstet Gynaecol 1984 ; 64 :
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[15] CLASP, A randomised trial of low-dose aspirin for the prevention and
Melaena intra-utérin ? treatment of pre-eclampsia among 9364 pregnant women. CLASP
C'est une affection exceptionnelle. Le liquide amniotique (Collaborative Low-dose Aspirin Study in Pregnancy) Collaborative
est rosé ou noirâtre. Il est souvent lié à une gastrite hémor- Group. Lancet 1994 ; 343 : 619–29.
ragique du fœtus. L’état général maternel est normal, mais [16] Clouqueur E, Subtil D, Robin G, et al. Que reste-t-il des indications
il y a des signes de souffrance fœtale. Il faut pratiquer une de l'aspirine en cours de grossesse ? Mises à jour en gynécologie et
césarienne. obstétrique. CNGOF ; 2010.
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Toute hémorragie en début de travail doit faire rechercher [20] Friedmann W, Maier RF, Luttkus A, et al. Uterine rupture after lapa-
roscopic myomectomy. Acta Obstet Gynecol Scand 1996 ; 75 : 683–4.
avant tout un placenta praevia et un décollement placen-
[21] Gabrielle A, Zanetta G, Pasta F, et al. Uterine rupture after hysteros-
taire en raison de la gravité de ces deux affections. Même copic metroplasty and labor induction. A case report. J Reprod Med
lorsque ces deux diagnostics sont écartés, la surveillance de 1999 ; 44 : 642–4.
la patiente doit être rigoureuse car certaines causes rares, de [22] Gagnon R, Morin L, Bly S, et al. Guidelines for the management of
diagnostic difficile, peuvent être graves, telle la rupture d'un vasa previa. J Obstet Gynaecol Can 2009 ; 31 : 748–60.
vaisseau praevia qui peut mettre en jeu le pronostic vital [23] HAS. Recommandations pour la pratique clinique : hémorragies du post-
du fœtus. Même si, grâce aux progrès de la réanimation, partum immédiat. www.sfar.org/_docs/articles/198-HPP_recos.pdf.
le pronostic maternel est rarement en jeu à l'heure actuelle [24] Hendricks MS, Chow YH, Bhagavath B, et al. Previous cesarean
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Chapitre
24
Un état de choc en début
de travail : conduite à tenir
J.-F. Doussin, M.-P. Debord, E. Verspyck, F. Tourrel
PLAN DU CHAPITRE
Syndrome de compression aortocave . . . . . . . 281 Choc septique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Les gestes urgents dans tous les cas . . . . . . . . 282 Impact hémodynamique de l'anesthésie
Conduite à tenir en fonction de l'étiologie. . . 282 locorégionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Choc hémorragique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 Choc cardiogénique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Choc distributif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 Conséquences fœtales du choc . . . . . . . . . . . . 288
Embolie amniotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
l'utérus contracté peut aussi comprimer l'aorte ou les artères Tableau 24.1 Les différentes causes de choc
iliaques en décubitus dorsal (effet Poseiro). L'anesthésie, chez la femme enceinte en début de travail.
tant générale que locorégionale par ses effets de vasodila- 1. Choc hémorragique
tation et d'hypotonie musculaire, aggrave la compression – extériorisé :
et ses conséquences. Toute patiente, pendant le travail, en • placenta praevia
particulier en cas d'anesthésie péridurale, doit être mise en • hématome rétroplacentaire
décubitus latéral gauche. L'opération césarienne doit être – non extériorisé :
effectuée jusqu'à la naissance de l'enfant, sur une patiente • rupture utérine
• hématome rétroplacentaire
en décubitus latéral gauche modéré soit par inclinaison de
• rupture vasculaire splénique, hépatique
la table, soit par la mise en place d'un coussin sous la fesse
droite. En cas d'impossibilité, un aide doit déplacer l'utérus 2. Diminution du volume sanguin circulant :
– choc postural
vers la gauche.
– choc anaphylactique
Si ce syndrome est souvent bénin pour la mère, il peut
cependant être grave pour le fœtus si la réduction de la vas- 3. Embolie amniotique
cularisation utéroplacentaire se prolonge. Dans tous les cas, 4. Choc septique
cette particularité doit être prise en compte au cours de la 5. Choc d'origine anesthésique
réanimation hémodynamique de la femme enceinte.
6. Choc cardiogénique
■ adjoindre si nécessaire des sympathomimétiques après Un très faible taux d'antigènes peut ainsi induire une
correction de l'hypovolémie. En première intention, ce réaction d'hypersensibilité immédiate grave. C'est l'anaphy-
sont l'éphédrine et la phényléphrine (Néosynéphrine®) laxie vraie.
qui seront utilisés en bolus. Pour un traitement continu, D'autres mécanismes ne faisant pas intervenir de réaction
on prescrira de la noradrénaline (Lévophed®) qui agit sur antigène-anticorps – on parle de réaction anaphylactoïde –
les récepteurs α1, entraînant une vasoconstriction intense peuvent aboutir à des manifestations cliniques similaires :
dose-dépendante. La posologie est comprise entre 0,05 et ■ l'histaminolibération non spécifique qui correspond à
3 mg/kg/min en intraveineux au pousse-seringue électrique une exagération de l'effet pharmacologique du produit
strict et en augmentant très progressivement les doses. injecté ;
■ l'activation du complément.
Si l'hémorragie est extériorisée De nombreux accidents de ce type surviennent lors de
Il est capital de recueillir soigneusement les pertes sanguines la pratique de l'anesthésie, d'où la recherche des patients à
pour évaluer la correction à effectuer, et surtout ne pas sur- risque que font les anesthésistes lors de la consultation [10].
charger les patientes par des perfusions massives risquant Mais tous ces accidents ne sont pas déclenchés par un pro-
d'entraîner un œdème pulmonaire. duit d'usage exclusivement anesthésique. La connaissance
Parallèlement à ce début de réanimation, la cause de l'hé- large de ces accidents, des facteurs déclenchants et de leur
morragie est recherchée et le traitement est fonction de l'origine prise en charge est donc indispensable.
du saignement, de la situation obstétricale (voir Chapitre 23). Des enquêtes épidémiologiques régulières sont réalisées
en France pour recenser les réactions peranesthésiques de
Si l'hémorragie n'est pas extériorisée type anaphylactique [22]. Ce sont les curares qui sont à l'ori-
gine de la majorité des accidents (près de 60 %). Le latex
Cette situation est plus rare, il faut penser à :
arrive en deuxième position, avec une fréquence voisine de
■ un hématome rétroplacentaire (voir Chapitre 23, « Hématome
20 % (dernière enquête), d'où l'importance du dépistage.
rétroplacentaire ») ;
Viennent ensuite les antibiotiques (13 %), les hypnotiques
■ une rupture utérine.
de l'anesthésie générale, les colloïdes (3 %) et plus spéciale-
La présence d'un collapsus cardiovasculaire (pâleur,
ment les gélatines.
hypotension, tachycardie), de douleurs abdominales persis-
tant entre les contractions utérines, et la chute de l'héma-
tocrite font évoquer une hémorragie intrapéritonéale et Tableau clinique
imposent la laparotomie. Dans les minutes qui suivent l'administration ou le contact
La notion de cicatrice utérine, la discordance entre l'acti- (latex) du produit déclenchant apparaissent une détresse
vité utérine appréciée cliniquement et son enregistrement par respiratoire et un collapsus cardiovasculaire ou un état de
tocographie interne (voir Chapitre 16, « Déclenchement et uté- choc d'emblée. Les manifestations cutanées avec prurit et
rus cicatriciel »), et l'apparition d'anomalie à l'enregistrement urticaire sont caractéristiques, mais sont souvent retardées.
du rythme cardiaque fœtal doivent faire suspecter la rupture. Des manifestions gastro-intestinales avec nausées, vomisse-
Exceptionnellement, la laparotomie trouvera une étio- ments, crampes abdominales et diarrhées sont fréquentes.
logie hémorragique extragénitale : rupture vasculaire splé-
nique ou hépatique. Traitement
Devant l'urgence et le diagnostic souvent incertains, la Le traitement immédiat comporte chez la femme enceinte :
laparotomie sera pratiquée par voie médiane de préférence ■ l'arrêt du produit suspect s'il est en cours ;
pour permettre une meilleure exploration de la cavité abdo- ■ l'oxygénation (O2 pur) et le contrôle rapide des voies
minopelvienne et de l'étage sus-mésocolique. aériennes, si besoin par intubation trachéale ;
■ le traitement de la vasoplégie par éphédrine à forte
dose : 10 mg en intraveineux direct toutes les une à deux
Choc distributif minutes (dose totale 0,7 mg/kg) et mise en décubitus
Choc anaphylactique latéral gauche. Si l'éphédrine est inefficace, donner rapi-
dement de l'adrénaline par titration toutes les une à deux
Mécanisme minutes : 10 à 20 μg pour les hypotentions modérées, 100
Lors d'une sensibilisation antérieure au produit ou à une à 200 μg pour les collapsus cardiovasculaires (1 mg toutes
substance chimiquement apparentée (allergène), les lym- les minutes en cas d'arrêt cardiaque, puis 5 mg à compter
phocytes B du patient synthétisent des IgE spécifiques de la troisième) (protocole SFAR).
(anticorps) qui se fixent sur les récepteurs spécifiques mem-
branaires des mastocytes tissulaires et des basophiles circu-
lants ainsi que sur des récepteurs spécifiques situés sur les
plaquettes et les éosinophiles.
Embolie amniotique
Lors d'une réintroduction ultérieure, l'interaction de C'est un accident grave, mortel dans 40 % des cas. Cette
l'antigène avec son IgE entraîne la réponse anaphylactique. embolie est la cause de 8 à 13 % des décès maternels et
L'activation membranaire des basophiles et mastocytes, puis elle est heureusement, exceptionnelle (2 sur 100 000
des plaquettes, provoque des réactions en cascade abou- accouchements) [1-16-23]. C'est la troisième cause de
tissant à une libération massive de médiateurs : histamine, mortalité maternelle en France. Que la femme survive
tryptase, prostaglandines, leucotriènes, sérotonine, etc. ou meure, l'enfant, s'il survit, aura souvent des séquelles
284 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Les germes en cause peuvent être les bacilles à Gram Le traitement est mis en œuvre immédiatement et repose
négatif : Escherichia coli, Pseudomonas, Klebsiella, Proteus, sur trois volets :
mais aussi les cocci à Gram positif : staphylocoque, strepto- ■ le traitement du choc et de ses complications ;
coque, Clostridium perfringens ou des levures [4]. ■ le traitement anti-infectieux ;
En début de travail, la principale cause de choc septique ■ le traitement du point de départ de l'infection.
est l'infection amniotique.
Traitement symptomatique du choc
Diagnostic et de ses complications
Signes cliniques Il s'agit des premières mesures immédiates.
Le transfert en réanimation s'impose une fois prise la
Des frissons sont souvent les premiers signes traduisant la
décision du traitement obstétrical car la gravité du tableau
bactériémie ou la libération de toxines dans la circulation.
clinique pourra faire appel pour le traitement à des tech-
Surviennent ensuite :
niques lourdes de ventilation ou de surveillance hémodyna-
■ une température supérieure à 38 °C ou inférieure à 36 °C ;
miques qui n'ont pas à être développées ici.
■ une hypotension par vasodilatation et une tachycardie
Dès le début il faut assurer :
réactionnelle ;
■ l'oxygénation de la patiente, au masque en oxygène pur ;
■ une polypnée.
Si l'hypovolémie a été corrigée, la patiente a les extrémités ■ la restauration d'un volume circulant adéquat par les
solutions suivantes.
chaudes, sèches, bien perfusées, et le pouls est habituelle-
ment bondissant ; dans le cas inverse ou en cas d'aggrava-
tion, les extrémités sont marbrées, le pouls filant et les ongles Sang
cyanosés [21]. Il semble souhaitable chez ces patientes de maintenir l'hé-
Les autres signes vont traduire l'hypoperfusion viscérale moglobine au-dessus de 10 g/l et l'hématocrite aux alentours
diffuse : des modifications de l'humeur, de la conscience ou de 30 %. Une transfusion de concentrés de globules rouges
une confusion sont souvent d'apparition précoce ; une oligu- pourra donc si besoin être prescrite dans le respect des
rie est rapidement constatée. règles propres à la femme enceinte.
En fait, les tableaux inauguraux peuvent être variés parfois Le plasma frais n'a pas d'indication sauf en présence de
d'emblée gravissimes avec défaillance cardiaque précoce [8]. troubles graves de la coagulation, rares au début.
Solutés de remplissage
Signes obstétricaux Les cristalloïdes, sérum physiologique et soluté de Ringer,
En début de travail, la principale cause du choc septique est ont un pouvoir d'expansion modéré et leur demi-vie courte
l'infection amniotique, compliquant souvent une rupture n'en font pas les produits de première intention dans ce
prématurée des membranes. L'utérus est sensible, souvent cadre. Toutefois, si le remplissage doit se poursuivre, ils per-
hypertonique. L'enregistrement du rythme cardiaque fœtal mettent une réanimation efficace.
montre une tachycardie fœtale, souvent associée à des signes Les colloïdes sont à éviter lors de la réanimation des
de souffrance. patients en choc septique [24].
Les manifestations hémorragiques se produisent en géné- La simple expansion du volume circulant constitue le
ral dans un second temps lors de l'évacuation utérine. meilleur traitement. Son efficacité est d'autant plus rapide
qu'il est assuré plus tôt. Le débit cardiaque augmente et les
Conduite à tenir [8] signes de choc s'amendent. Mais la réplétion vasculaire ne
doit pas être excessive car le risque d'œdème aigu du pou-
Dès les premières manifestations, il faut mettre en condition mon est réel.
la patiente : L'expansion volémique doit être considérée comme suffi-
■ surveillance continue du rythme cardiaque, de la pres- sante si les signes de choc ont disparu, ou bien s'ils persistent,
sion artérielle et de la saturation en oxygène (SpO2) ; lorsque la pression veineuse centrale s'élève au-dessus de
■ abord veineux pour le traitement immédiat et pour la 15 cm d'eau, témoignant d'une incompétence myocardique
réalisation d'examens biologiques : ionogramme sanguin latente et nécessitant le recours aux drogues inotropes [9].
(pour évaluer la fonction rénale, l'équilibre acidobasique),
dosage des lactates (qui vont traduire la souffrance tissu-
laire), bilan hépatique, numération formule sanguine et Médicaments cardio- et vasoactifs
plaquettaire et bilan de coagulation ; Ils doivent être utilisés lorsque le remplissage est insuf-
■ gazométrie artérielle pour mesurer le retentissement pul- fisant à corriger à lui seul les signes de choc, s'il persiste
monaire dès le début du choc ; une hypotension. Cela résultera soit d'une vasodilatation
■ pose d'une voie veineuse centrale si nécessaire, notam- intense nécessitant le recours à des agents vasoconstricteurs
ment en cas de nécessité d'utilisation de noradrénaline ; α-agonistes, soit d'une défaillance cardiaque imposant l'uti-
■ sondage vésical à demeure. lisation d'agents β-agonistes, souvent des deux mécanismes
Dans le même temps, on réalise des prélèvements bacté- associés. La pression artérielle systolique sera maintenue
riologiques : hémocultures aéro- et anaérobies, ECBU, pré- voisine de 90 mmHg et la pression moyenne de 70 mmHg,
lèvements locaux avec demande d'examens directs. en l'absence de pathologie préexistante. L'obtention par les
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir 287
t hérapeutiques et doses toxiques est très faible, ce qui L'option de la thrombectomie chirurgicale peut être discu-
rend ces accidents relativement fréquents (1 pour 1 000 tée devant une embolie pulmonaire grave dans ce contexte.
toutes anesthésies confondues) ;
■ des troubles cardiaques avec diminution de la force Cardiopathies
contractile, troubles de conduction à type de bloc auri-
culoventriculaire (allongement de l'intervalle PR) ou L'augmentation du travail cardiaque pendant l'accouche-
intraventriculaire (élargissement du QRS) et rapide- ment peut être à l'origine d'une décompensation brutale s'il
ment de sévères troubles du rythme ventriculaire. Les existe une altération de la fonction cardiaque.
anesthésiques locaux ont des effets antiarythmiques Toutes les cardiopathies préexistantes à la grossesse,
connus utilisés, comme cela est le cas pour la lidocaïne, congénitales ou acquises, déjà connues et expertisées, feront
en thérapeutique. Mais là aussi, l'index de sécurité est l'objet pour l'accouchement d'une prise en charge multidis-
faible. Les accidents cardiaques apparaissent en prin- ciplinaire organisée.
cipe à des concentrations sériques supérieures à celles La myocardiopathie du péripartum : d'incidence rare
qui entraînent des accidents neurologiques, sauf pour la et d'étiopathogénie précise inconnue, s'il s'agit d'une myo-
bupivacaïne (Marcaïne®) largement utilisée en anesthésie cardiopathie acquise pendant le dernier mois de la gros-
locorégionale, en obstétrique, et qui est l'un des produits sesse et le premier semestre du post-partum. C'est en fait
les plus toxiques. La prévention est essentielle par l'utilisa- un diagnostic d'élimination d'autres causes possibles de
tion de concentrations faibles, une technique rigoureuse : cardiopathies.
c'est le rôle de l'anesthésiste. Cela justifie la surveillance Elle se présente cliniquement comme un choc cardiogé-
cardiaque continue des parturientes sous anesthésie péri- nique avec dyspnée d'apparition brutale, orthopnée, et des
durale. La réglementation impose d'ailleurs, en salle de signes cliniques d'œdème pulmonaires. L'échographie car-
naissance, un équipement de surveillance identique à diaque confirme le diagnostic.
celui d'un bloc opératoire. En cas d'accident, immédiat La prise en charge initiale fait intervenir l'oxygénation,
ou secondaire, c'est le traitement d'urgence d'un arrêt les diurétiques de l'anse tels que le furosémide et les ino-
cardiorespiratoire qui est mis en jeu avec intubation et tropes de type dobutamine.
ventilation en oxygène pur et massage cardiaque externe La sévérité du tableau imposera le transfert en réanima-
efficace et prolongé. L'utilisation d'adrénaline, bien que tion pour une surveillance hémodynamique continue et, si
nécessaire, reste dans ce cas modérée pour ne pas ren- besoin, une ventilation artificielle.
forcer le bloc de conduction. En revanche, on met en
route dès que possible le protocole de traitement par les
solutions lipidiques dont les publications récentes ont Conséquences fœtales du choc
montré l'efficacité dans cette indication avec un bolus ini-
tial de 3 ml/kg d'intralipides à 20%. Un « kit » de prise en Si l'état de choc est grave pour l'organisme maternel, il
charge des accidents toxiques aux anesthésiques locaux entraîne souvent des signes de souffrance fœtale.
comportant la fiche thérapeutique et la solution lipidique Le fœtus, au cours d'un état de choc maternel, souffre
doit être rapidement disponible dans tous les lieux où l'on surtout par la diminution de la perfusion utéroplacentaire.
pratique l'anesthésie locorégionale [19] Les résistances du fœtus à cette diminution d'échanges
placentaires sont limitées. L'hypoxie entraîne une augmen-
tation du débit du canal artériel pour maintenir un débit
Choc cardiogénique [27] cardiaque et une pression artérielle suffisante, malgré une
diminution de la fréquence cardiaque. Une augmentation
Embolie pulmonaire fibrinocruorique du diamètre du foramen ovale permet alors un remplissage
Si elle est la première cause de mortalité obstétricale directe, correct du cœur gauche.
elle est rare en début de travail. La symptomatologie n'est Par ailleurs, l'hémoglobine fœtale présente une courbe de
pas différente de celle observée hors de la grossesse. dissociation oxyhémoglobinique déviée vers la gauche, par
Une embolie pulmonaire massive peut se manifester par rapport à l'hémoglobine adulte, ce qui permet au fœtus de
l'installation soudaine d'un état de choc avec tachycardie, fixer plus facilement l'oxygène maternel.
dyspnée, tachypnée. Une syncope peut être inaugurale. Les L'hypercapnie entraîne une vasodilatation cérébrale au
signes d'insuffisance ventriculaire droite sont au premier profit d'une réduction de la vascularisation des territoires
plan. Outre le traitement du choc qui nécessite l'apport périphériques, ce qui permet une circulation préférentielle
d'oxygène au masque et un remplissage vasculaire sous sur- pour l'encéphale.
veillance hémodynamique constante et l'apport d'inotropes Cependant, si les perturbations hémodynamiques mater-
de type dobutamine 5 à 15 μg/kg/min, le traitement spéci- nelles ne sont pas rapidement corrigées, la souffrance fœtale
fique repose sur l'héparinothérapie intraveineuse continue s'accentue avec apparition d'une acidose et la mort du
qui doit être débutée sans délai : dose de charge 5 000 UI fœtus. Dans certaines conditions, une autre agression peut
et administration à la seringue automatique de 15 à 20 UI/ atteindre le fœtus : l'anémie, en cas de décollement placen-
kg/heure. Le TCA sera maintenu entre deux et trois fois le taire, l'infection, en cas de septicémie maternelle.
témoin. Il importe donc de surveiller étroitement la vitalité fœtale
L'utilisation de thrombolytique pendant la grossesse est et, en cas de souffrance fœtale, d'intervenir dès que l'état
contre-indiquée en raison du risque hémorragique élevé. maternel le permet pour sauver l'enfant.
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir 289
PLAN DU CHAPITRE
Pourquoi la prématurité ? . . . . . . . . . . . . . . . . 291 Accouchement du prématuré . . . . . . . . . . . . . 302
Conséquences de la prématurité . . . . . . . . . . . 293 Prise en charge néonatale . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Diagnostic de menace d'accouchement Conduite à tenir après l'accouchement . . . . . . 304
prématuré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296 D'où pourraient venir les progrès ? . . . . . . . . . 304
Pratique de l'accouchement
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292 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
équipes prenant en charge l'extrême prématurité, ces chiffres Bien que souvent asymptomatiques, ces infections aug-
doivent être pris en considération [4]. mentent de façon significative le risque d'accouchement
prématuré [2,3].
Accouchement prématuré spontané Causes utérines
Il représente 80 % des accouchements prématurés. Les Elles sont constituées par les malformations congénitales,
causes sont maternelles ou fœtales (tableau 25.1). les anomalies acquises (prise de Distilbène®, fibrome, cica-
trice utérine) et la béance cervico-isthmique (anatomique
Causes maternelles ou fonctionnelle).
De manière générale, toute pathologie maternelle aggrave le
Facteurs favorisants
risque de prématurité ; nous retiendrons surtout les facteurs
Ils sont liés à l'âge (< 18 ou > 35 ans), aux conditions socio-
suivants.
économiques et à la multiparité, à l'origine ethnique (plus
fréquent chez les Noirs), à la faible prise de poids, à la prise
Pathologie infectieuse
de drogues. Ces facteurs sont rapportés dans le tableau 25.1.
La présence d'une chorioamniotite a été retrouvée dans 20
Insistons sur le gros coefficient de risque de récidive que
à 75 % des accouchements prématurés. L'infection peut
représente à lui seul l'antécédent d'accouchement prématuré.
se produire par voie ascendante à partir de la flore vagi-
nale, par voie hématogène, transplacentaire ou iatrogène Causes ovulaires
(amniocentèse).
Il y a donc un risque d'accouchement prématuré en cas : Elles concernent à la fois le fœtus et les annexes, qu'il
■ d'infection maternelle systémique ; s'agisse de grossesses multiples (10 à 20 % des menaces
■ d'infection urinaire haute ou basse ; d'accouchement prématuré), de malformations, de retards
■ d'infection cervicovaginale ; les germes en cause peuvent de croissance, de placenta praevia (10 % des menaces
être le streptocoque B, le gonocoque, le Chlamydia, le d'accouchement prématuré), d'hématome rétroplacentaire
Trichomonas et la vaginose bactérienne liée à la proliféra- ou d'hydramnios. Les techniques d'assistance médicale à la
tion de germes anaérobies. procréation sont actuellement responsables de 7 % des nais-
sances très prématurées [44].
Causes physiopathologiques
Tableau 25.1. Causes de l'accouchement prématuré. L'activation physiologique du travail avant terme répond à
une cascade de réactions encore mal connues dans l'espèce
Décision médicale Accouchement prématuré spontané
(20 % des cas) humaine. Elle fait intervenir l'axe hypothalamo-hypophyso-
Causes maternelles Causes ovulaires surrénalien fœtal en tant qu'initiateur, ainsi que l'unité
– Hypertension Générales Foetales fœtoplacentaire (voir figure 1.8, p. 19. La figure 25.1 indique
artérielle – Infections : – Grossesses
– Retard de grippe, rubéole, multiples (10 à 20 %
croissance cytomégalovirus, des menaces
– Allo-immunisation toxoplasmose, d'accouchement
– Diabète listériose, prématuré)
– Placenta praevia salmonellose – Malformations
hémorragique – Infections – Retard de
– Hématome urinaires +++ croissance
rétroplacentaire – Ictère Annexielles
– Souffrance fœtale – Dysgravidie – Placenta praevia
– Anémie (10 % des menaces
– Diabète d'accouchement
Locorégionales prématuré)
– Malformations – Insuffisance
– Fibromes placentaire
– Béances – Hydramnios
– Infections cervicales
Facteurs favorisants
– Âge : < 18 ans,
> 35 ans
– Tabagisme
– Conditions
socioéconomiques
basses
– Multiparité
– Origine ethnique
– Faible prise
de poids
– Consommation
de drogues
Fig. 25.1. Physiopathogénie du travail prématuré.
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir 293
Conséquences de la prématurité
Les accouchements entre 34 et 37 semaines posent peu de
problèmes. Ce sont les accouchements avant 34 semaines
qui sont problématiques, et ce d'autant plus que le terme est
plus précoce.
L'immaturité pulmonaire, digestive, hépatique et immu-
nologique (figure 25.3) va entraîner une mortalité et une
morbidité fœtale importante. L'ensemble des enfants de
petit poids de naissance (< 2 500 g, soit environ 34 semaines)
ne représente que 2 à 5 % de la population des nouveau-
nés mais fournissent 75 % de la mortalité périnatale et des
séquelles neuropsychiques.
On retrouve dans la figure 25.4 le pronostic en fonction
du terme et du poids. Un éventuel retard de croissance intra-
utérin aggrave le pronostic. Le poids minimal à prendre en
charge varie selon les auteurs et le niveau technologique des
centres de néonatologie : il se situe entre 500 g (25 semaines)
et 1 000 g (28 semaines). Chaque jour gagné apporte 2 % de
survie en plus à ces termes. C'est pourquoi la prévention de
Fig. 25.2. Mode d'action des tocolytiques habituels [25]. la prématurité est indispensable.
40
30 tématique des contractions utérines par des enregistrements
20 réguliers de celles-ci, notamment à domicile [42].
10
0
22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 Modifications du col
Semaines d’aménorrhées
En situation de menace d'accouchement prématuré, les
Fig. 25.4. Mortinatalité des enfants nés entre 22 et 32 semaines
modifications du col sont malgré tout un élément d'appré-
d'âge gestationnel en 1997 dans la cohorte EPIPAGE [15]. ciation, surtout s'il s'agit d'une menace sévère. Témoins
d'une distension passive de la région isthmique, ces modifi-
cations débutent vers la 24e–25e semaine.
Elle implique : On remarque au toucher vaginal :
■ une amélioration du suivi médical des grossesses, en par- ■ une formation précoce du segment inférieur ;
ticulier dans les populations défavorisées ; ■ une présentation qui appuie sur le col ;
■ une meilleure maîtrise des techniques de procréation ■ un col court centré mou, qui tend à s'ouvrir.
médicalement assistée qui représentent 1 % des nais- La pratique systématique, en consultation, du toucher
sances mais 7 % des naissances très prématurées ; vaginal dans le but de dépister la menace d'accouchement
■ une amélioration du dépistage, de la prévention et du prématuré n'a cependant aucun intérêt [11].
traitement des infections maternelles ou maternofœ- En pratique, le toucher vaginal sera donc réservé aux
tales, notamment les infections urinaires et les infections patientes ayant des contractions utérines dont les mem-
cervicovaginales, causes de ruptures prématurées des branes sont intactes. Il sera associé à l'évaluation par
membranes ; enregistrement des contractions utérines et à l'échogra-
■ une amélioration du diagnostic et du traitement des phie du col.
menaces d'accouchement prématuré.
La prise en charge de ces grossesses n'est concevable que
dans le cadre d'un réseau périnatal permettant l'accouche- Marqueurs biochimiques
ment, s'il est prématuré, dans une maternité dotée d'une Fibronectine
unité de néonatologie (maternité de type II ou III).
La fibronectine est une glycoprotéine localisée dans le
plasma et la matrice extracellulaire. La fibronectine fœtale
est synthétisée par le trophoblaste au niveau de l'interface
Diagnostic de menace maternofœtale puis diffuse à travers les membranes vers le
d'accouchement prématuré liquide amniotique. Elle permet la cohésion entre le chorion
et la caduque. C'est donc une protéine d'ancrage, véritable
Il suppose la datation précise du début de la grossesse (der- colle biologique localisée entre le chorion et la caduque. Elle
nières règles, rapport fécondant, échographie précoce). Il est rarement détectable (3 % des cas) entre la 21e et la 37e SA
repose sur les symptômes décrits ci-après [10]. chez les femmes asymptomatiques qui accoucheront à
terme. Sa présence avant terme dans les voies génitales peut
Rupture prématurée des membranes témoigner soit d'une rupture prématurée des membranes,
Liée à une modification cervicosegmentaire passée inaper- soit d'une séparation précoce de l'interface choriodéciduale
çue, elle est habituellement suivie d'un accouchement dans liée à des contractions utérines ou à une réaction inflamma-
des délais assez courts. Elle est un tournant dans la menace toire locale [26].
d'accouchement prématuré, car elle ouvre l'œuf et ajoute un Le prélèvement doit avoir lieu à membranes intactes, en
risque infectieux à la prématurité ; elle impose, dans un pre- présence d'une dilatation inférieure à 3 cm et entre 24 et
mier temps, l'hospitalisation [29]. 34 SA. Celui-ci est réalisé lors de l'examen au spéculum dans
le cul-de-sac postérieur à l'aide d'un coton-tige. Les rapports
sexuels, les métrorragies et les touchers vaginaux sont sus-
Contractions utérines ceptibles de modifier les résultats du test.
Si le dépistage du risque d'accouchement prématuré par une La principale utilité de la fibronectine fœtale repose sur
surveillance systématique des contractions utérines a peu sa très haute valeur prédictive négative chez les patientes
d'intérêt, l'évaluation de celles-ci chez une patiente qui pré- symptomatiques. Un test négatif assure à 96–99 % l'absence
sente une suspicion de menace d'accouchement prématuré d'accouchement dans les 14 jours qui suivent [25].
reste d'actualité. Régulières, ces contractions surviennent Cependant, sa valeur diagnostique ne semble pas être
au moins toutes les dix minutes, parfois fréquentes, parfois supérieure à celle de l'échographie du col [36]. Bien que
espacées, parfois douloureuses. Un facteur déclenchant peut sa valeur prédictive positive soit supérieure à d'autres
être retrouvé : voyage récent, déménagement, stress. moyens diagnostiques (toucher vaginal, monitoring, score
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir 295
de risque), sa place dans l'algorithme décisionnel est encore canal cervical et l'orifice externe. Deux mesures doivent
mal définie. être réalisées et c'est la plus petite qui est prise en compte.
La mesure de l'orifice interne fermé à l'orifice externe est
Autres marqueurs réalisée. L'orifice interne du col est également mesuré, on
D'autres marqueurs (cytokines, corticotropin releasing peut évaluer sa largeur mais on préférera mentionner la
hormone [CHR], œstriol salivaire [Saltest®]) sont en cours présence d'une protrusion des membranes sans la chiffrer.
d'études et de validation. La mesure retenue sera celle de la longueur cervicale fermée
(figures 25.5 et 25.6).
Plus le col est court, plus le risque d'accouchement pré-
Échographie maturé augmente. En revanche, il n'existe pas de seuil au-
Échographie du col (figures 25.5 et 25.6) delà duquel le risque d'accouchement prématuré est quasi
nul [5]. Il est donc difficile de recommander un seuil uni-
L'avantage de l'échographie, par rapport au toucher vaginal,
versel, d'autant que chaque population doit être son propre
est sa meilleure reproductibilité inter- et intraobservateur.
témoin. Néanmoins, les seuils les plus discriminants se
L'échographie permet également de mesurer la portion
situent entre 20 et 30 mm et le seuil de 25 mm peut être uti-
supravaginale et la morphologie de l'orifice interne du col
lisé en pratique courante. Si le col est supérieur à 25 mm, la
utérin. La courbe d'apprentissage est rapide et l'examen est
menace n'est pas grave et la patiente ne sera pas hospitalisée,
peu invasif.
sauf rupture des membranes.
La technique de mesure est standardisée par voie vaginale,
la voie abdominale a été abandonnée et n'est pas validée.
L'utilisation de la sonde vaginale, même en cas de rupture Indications de l'échographie du col
des membranes, est autorisée et n'a pas montré d'augmenta- L'utilisation de l'échographie pour le dépistage et le dia-
tion du risque infectieux, contrairement au toucher vaginal. gnostic des menaces d'accouchement prématuré doit être
On réalise l'examen vessie vide. Après avoir posé la sonde recommandé aux patientes présentant des signes cliniques
sur le col, on repère en coupe sagittale l'orifice interne, le de menace ou des facteurs de risque [17].
Il n'y a pas d'indication à réaliser une échographie de
dépistage du risque d'accouchement prématuré par mesure
de la longueur du col dans une population à bas risque.
Cette pratique entraînerait une médicalisation et des hospi-
vessie talisations non justifiées dans une majorité de cas [17].
Dans le contexte de patientes avec antécédents d'accou-
A chement prématurés et de fausse couche tardive entre 14 et
22 SA, un col court inférieur à 25 mm avec ou sans contrac-
B tion est associé à une augmentation de fausse couche tardive
(NP2). La conduite à tenir sera vue ultérieurement (voir
C Chapitre 25).
En pratique
En présence d'une patiente symptomatique, on réalisera
Fig. 25.6. Échographie vaginale : col court avec un aspect en l'évaluation de la fréquence et de l'intensité des contractions
entonnoir. à l'aide d'un cardiotocographe.
296 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Les inhibiteurs calciques n'ont pas l'autorisation de mise niveau du réticulum sarcoplasmisque et favorisent le flux
sur le marché dans l'indication de tocolyse. Ils sont cepen- de calcium en extracellulaire. Cela induit une diminution
dant utilisés comme traitement tocolytique de première du calcium intracellulaire libre et un relâchement de la
intention dans les recommandations pour la pratique cli- fibre musculaire utérine via l'inhibition de l'interaction
nique française du CNGOF et dans les principales recom- actine-myosine.
mandations internationales récentes [2,35]. Il n'est pas recommandé de faire un traitement tocoly-
Dans un avis d'expert, le CNGOF [14] indique que la tique d'entretien qui n'a jamais fait les preuves de son effi-
nifédipine a une efficacité supérieure au placebo et aux cacité [21,33].
bêtamimétiques pour prolonger la grossesse au-delà de Les effets secondaires sont modérés et ne nécessitent
48 heures. Son efficacité est similaire aux antagonistes de généralement pas l'interruption du traitement. Il s'agit prin-
l'ocytocine. Le risque de détresse respiratoire du nouveau- cipalement de céphalées, flush et nausées survenant habi-
né est diminué avec la nifédipine. tuellement en début de traitement.
Il existe cependant des effets indésirables graves constatés Les hypotensions sont exceptionnelles chez la femme
avec les inhibiteurs calciques, en particulier, en cas d'utilisa- enceinte non hypertendue. Il n'y a pas d'effets secondaires
tion dans les grossesses multiples : fœtaux décrits.
■ en cas de cardiopathie préexistante, de diabète, de rem- En pratique, on prescrit :
plissage vasculaire ; ■ la nifédipine (Adalate®) : 1 gélule à 10 mg par voie orale,
■ en cas d'utilisation concomitante de corticoïdes ou renouvelable toutes les 20 minutes, jusqu'à quatre gélules
séquentielle de bêtamimétiques ; sur une heure en cas d'inefficacité. Le relais pendant les
■ en cas d'utilisation de fortes doses cumulées, ou recours à heures suivantes est Adalate® LP20, trois par jour, ou
la voie veineuse pour la nicardipine. Chronoadalate® 30 mg deux à trois fois par jour.
Les experts concluent : « La réglementation actuelle
reconnaît qu'une utilisation hors AMM d'un médicament
est possible sous certaines conditions. Si l'on fait le choix Antagonistes de l'ocytocine
d'utiliser un inhibiteur calcique à visée tocolytique, le rap- L'atosiban est un antagoniste sélectif des récepteurs à l'ocy-
port bénéfices/risques est en faveur de l'utilisation de la tocine vasopressine. Il est en compétition avec l'ocytocine
nifédipine, molécule la plus étudiée. » [14-20-43] au niveau des récepteurs à l'ocytocine. Il empêche, en se
Les inhibiteurs calciques agissent en empêchant directe- liant à ces récepteurs, l'augmentation du calcium libre
ment l'entrée des ions calcium en intracellulaire. Ils inhibent intracellulaire, inhibant par là même l'interaction actine-
également le largage intracellulaire du calcium contenu au myosine et la contraction [31].
298 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Cette molécule s'est avérée plus efficace que le placebo ■ disposer d'un bilan sanguin avec notamment un iono-
et aussi efficace que les bêtamimétiques, avec une quasi- gramme, car il y a un risque d'hypokaliémie.
absence d'effets secondaires. Elle n'est pas plus efficace que Pour toutes ces raisons, nous n'utilisons plus les bêta-
la nifédipine. mimétiques, ni en hospitalisation ni pour les transferts in
L'utilisation de l'atosiban (Tractocile®) n'a qu'un seul utero au sein du réseau des Pays de la Loire. Les inhibiteurs
inconvénient : son coût. calciques et les antagonistes de l'ocytocine ont, à notre avis,
En pratique, son utilisation est la suivante : une balance bénéfice/risque plus avantageuse.
■ administration par voie intraveineuse exclusive, un bolus L'utilisation pratique des bêtamimétiques peut être envi-
de 6,75 mg par voie intraveineuse directe dans 0,9 ml de sagée selon le protocole suivant : salbutamol (ampoules à
sérum physiologique en une minute ; 0,5 mg) – diluer 5 ampoules dans 500 ml de Ringer Lactate®
■ consolidation par 300 μg/min dans du glucosé à 5 % pen- au débit initial de 25 ml/h afin de diminuer le volume per-
dant trois heures ; fusé. Le débit est adapté en fonction de la tolérance (tachy-
■ ensuite, 100 μg pendant 15 à 45 heures. cardie notamment) de façon à obtenir la dose minimale
Comme pour les autres traitements tocolytiques, la efficace.
durée du traitement ne doit pas excéder 48 heures, et il
n'y a pas de traitement d'entretien. En cas de récidive des Anti-inflammatoires non stéroïdiens
contractions utérines, un autre cycle de Tractocile® peut Ils agissent en inhibant la cyclo-oxygénase, enzyme res-
être mis en place. ponsable de la transformation de l'acide arachidonique en
prostagalandines. L'indométacine (Indocid®), à petites doses
Bêtamimétiques (100 à 150 mg) et pendant une période courte, est aussi effi-
cace que les bêtamimétiques. Cependant, les effets secon-
Ils ont été considérés comme le traitement tocolytique daires fœtaux (fermeture précoce du canal artériel, oligurie
de référence ; leur efficacité est prouvée par de nom- et entérocolite néonatale) limitent son utilisation.
breux travaux. Une revue de la Cochrane incluant 1 332 En pratique, ils ne doivent pas être utilisés en première
patientes dans 11 essais randomisés met en évidence une intention et la durée d'utilisation doit être courte (moins de
diminution de patientes accouchant dans les 48 heures, 72 h). Ils ne doivent pas être prescrits au-delà de 34 SA.
voire dans les sept jours, d'environ 35 % versus placebo.
Il y avait également une tendance à la diminution du syn-
drome de détresse respiratoire mais elle n'était pas signi- Progestérone
ficative [6]. Il faut distinguer plusieurs situations pour l'utilisation de la
Le mode d'action des bêtamimétiques repose sur la sti- progestérone.
mulation des récepteurs β-adrénergiques, ce qui induit une Les patientes en phase aiguë de menace d'accouchement
diminution en calcium intracellulaire libre, inhibe l'interac- prématuré, celles qui ont un antécédent d'accouchement
tion actine-myosine avec finalement un relâchement de la prématuré, celles dont on découvre un col court à l'échogra-
fibre myométriale. phie de 20 SA même si elles n'ont pas d'antécédent obsté-
Cependant, cette action n'est pas sélective et les effets tricaux et enfin le cas particulier des grossesses gémellaires.
secondaires, principalement cardiovasculaires, sont un frein
à leur utilisation. Patientes avec un antécédent d'accouchement prématuré
Au niveau maternel, les bêtamimétiques induisent prin- L'utilisation de la progestérone entre 17 et 34 SA chez les
cipalement une tachycardie, des palpitations, des trem- patientes avec un antécédent d'accouchement prématuré
blements, une sensation de constriction rétrosternale, est associée à une diminution de la mortalité périnatale et
d'oppression. Au pire, une tachycardie supraventriculaire du taux d'accouchement prématuré avant 34 et 37 SA. Il y
ou une ischémie myocardique peuvent être constatées. a moins d'enfants pesant moins de 2 500 g et d'assistance
L'œdème aigu du poumon survient dans 0,3 % des cas, sur- ventilatoire. La voie vaginale et la voie intramusculaire ont
tout dans les grossesses multiples. été étudiées.
Au niveau fœtal, la tachycardie et l'hypoglycémie néona- Il est cependant encore difficile de déterminer la voie
tales sont les principaux effets secondaires. idéale d'administration, la posologie ainsi que le meilleur
Il est donc indispensable, si l'on souhaite utiliser les bêta- terme pour débuter ce traitement. Il est possible de propo-
mimétiques, de respecter les règles d'utilisation ainsi que les ser chez ces patientes avec un antécédent d'accouchement
contre-indications. Il faut : prématuré et dans le cas d'une grossesse monofœtale, l'ad-
■ vérifier les contre-indications : absolues (cardiopathies ministration intramusculaire de 17 hydroxyprogestérone
décompensées, coronaropathies, myocardiopathies) ou 250 mg par semaine en commençant entre 16 et 20 SA, et
relatives (hypotension, diabète, hyperthyroïdie, HTA ce jusqu'à 34 SA.
sévère) ;
■ utiliser un faible volume de perfusion ; Patientes avec un col court sans antécédent
■ surveiller la balance entrée-sortie ; Il n'y a pas lieu de proposer un dépistage systématique de la
■ arrêter le traitement s'il apparaît une tachycardie supé- longueur du col avant 24 SA, et ce sans antécédent.
rieure à 120 par minute ou un malaise, une dyspnée ; Enfin, la progestérone n'a pas sa place dans la phase aiguë
■ éviter l'association aux corticoïdes ; de la menace d'accouchement prématuré, ni dans la prise en
■ ne pas l'utiliser en cas de grossesse multiple ; charge des grossesses gémellaires [16,37,39].
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir 299
Sulfate de magnésium dans ce dernier cas semble moindre et elle doit se faire sous
Dans le cadre d'une tocolyse, il est surtout utilisé aux États- antibiothérapie pour éviter les risques de chorioamniotites.
Unis. Il n'a pas fait la preuve de son efficacité. Leur prescription impose la recherche d'une telle infec-
Pour la neuroprotection fœtale, son utilisation est recom- tion par examen bactériologique ainsi que par l'ECBU et la
mandée avant 33 SA. Son objectif est de diminuer le nombre mesure de la CRP. Il n'est pas nécessaire d'attendre les résul-
de paralysie cérébrale de l'enfant grand prématuré [7]. Son tats bactériologiques pour démarrer la corticothérapie sous
utilisation diminuerait d'un tiers le nombre de séquelles neu- réserve d'absence de chorioamniotite clinique.
rologiques à l'âge de 2 ans [28]. La FIGO [19] recommande Il est possible d'utiliser :
une injection de 4 g en 30 minutes, quatre à six heures avant ■ la dexaméthasone ou Soludécadron® 6 mg en intramus-
l'accouchement et cela jusqu'au terme de 31 SA + six jours. culaire matin et soir pendant 48 heures ;
Nous donnons dans le tableau 25.3 le protocole utilisé au ■ la bêtaméthasone ou Célestène® 12 mg en intramuscua-
sein de notre service. laire répétée à 24 heures ou 4 mg toutes les 12 heures pen-
Des effets secondaires peuvent être observés chez la dant 48 heures.
mère lors de la mise en route du traitement dont il faut Les effets secondaires des deux produits sont assez simi-
prévenir les patientes : rougeur, sueurs, sensation de cha- laires, à savoir une diminution de la réactivité du RCF pour
leur et, plus rarement, nausées, vomissements, céphalées, la bêtaméthasone associée à une diminution momentanée
palpitations, hypotension artérielle, dépression respira- des résistances vasculaires fœtales. Pour la dexaméthasone,
toire, troubles de la conscience dont la survenue impose son effet sur les leucomalacies périventriculaires n'est pas
l'arrêt du traitement. Plus exceptionnellement, un œdème démontré. Il semble que la bêtaméthasone soit la plus utili-
pulmonaire peut être observé à la suite d'une injection trop sée et celle ayant montré le moins de leucomalacies périven-
rapide d'une dose importante. Malgré ses effets secon- triculaires ; elle doit donc être préférée. Le bénéfice de la
daires, l'effet protecteur chez le prématuré est démontré répétition des cures n'est pas démontré. Certaines études
d'après la Cochrane [7]. ont même montré une augmentation des décès des petits
poids de naissance, voire des conséquences à long terme sur
le développement de l'enfant [18,40].
Corticoïdes Il n'est donc pas justifié de répéter systématiquement les
Ils peuvent et doivent être employés car leur bénéfice sur cures de manière hebdomadaire. Cependant, si le risque
la mortalité périnatale et l'incidence de la maladie des d'accouchement très prématuré (< 28 SA) semble s'aggraver
membranes hyalines, des entérocolites nécrosantes et des et que la femme n'a pas accouché huit jours après la pre-
hémorragies intraventriculaires a été démontré. Plusieurs mière cure, une nouvelle cure peut être prescrite (NP5) [13].
méta-analyses et des conférences de consensus ont conseillé Dans les grossesses gémellaires, la réalisation de la corti-
leur prescription de 24 à 34 SA (NP1). Au-delà, leur béné- cothérapie est identique.
fice n'a pas été démontré [30]. Les bénéfices de la corticothérapie prénatale sont suffi-
Il faut utiliser ces produits en intramusculaire car l'effi- samment importants pour justifier une tocolyse et une prise
cacité est moindre per os. Aucune étude ne permet de en charge active de la menace d'accouchement prématuré
connaître l'efficacité de la voie intraveineuse. afin d'obtenir les 48 heures nécessaires à leur prescription.
L'efficacité des corticoïdes est démontrée à partir de
24 heures après le début du traitement et jusqu'à sept jours
(NP1). Il peut être réalisé quelle que soit la pathologie pré- Antibiotiques
sentée par la patiente, en particulier lors de situation de préé- L'administration systématique d'une antibiothérapie en
clampsie ou de rupture de la poche des eaux [41]. Son efficacité cas de menace d'accouchement prématuré à membranes
Tableau 25.3. Utilisation du sulfate de magnésium pour la neuroprotection fœtale au CHU d'Angers.
Contre-indications maternelles Posologie Précautions d'emploi Arrêt immédiat et appel du
Surveillance maternelle médecin
– Insuffisance cardiaque Dose initiale 4 g en perfusion Prévention du syndrome de – Fréquence respiratoire < 10/
– Troubles du rythme cardiaque intraveineuse lente sur 30 min, compression aortocave par min ou
maternel soit 26 ml de MgSO 4 à 15 % pur décubitus latéral gauche – Hypotension artérielle ou
– Traitement digitalique (débit 52 ml/h) Surveillance : fréquence – Abolition ROT ou
– Désordres hydroélectrolytiques Perfusion de relais 1 g/h à la SAP respiratoire, fréquence – Troubles de conscience ou
graves soit 6,5 ml/h de MgSO 4 à 15 % cardiaque, SaO2, pression – Diurèse des 4 h < 100 ml (les
– Insuffisance rénale pur artérielle, conscience, réflexes signes régressent rapidement à
– Myasthénie Arrêt à la naissance de l'enfant ostéotendineux l'arrêt du sulfate de Mg et sous
– Circonstances de détresse Arrêt à H12 si pas avant la mise en route du traitement symptomatique)
maternelle ou fœtale d'accouchement traitement 10 min après le début L'antidote gluconate de calcium
nécessitant une extraction en de la dose de charge à la fin de 10 % en IV lente sur 10 min est
grande urgence (< 30 min) la dose de charge (30 min) puis rarement utile sauf si surdosage
toutes les 4 h si perfusion de accidentel
relais, diurèse toutes les 4 h si
perfusion de relais
300 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
intactes n'est pas recommandée (NP1), car cette prescrip- Avant 34 semaines, la tocolyse s'impose en l'absence de
tion ne réduit pas la prématurité et n'améliore pas l'état contre-indication à la tocolyse et aux tocolytiques, en res-
néonatal. pectant soigneusement les précautions d'utilisation. Il n'y a
Les traitements locaux vaginaux systématiques n'ont pas pas d'arguments pour réfuter une tentative de tocolyse en
fait la preuve de leur efficacité (NP2). Il n'y a pas d'argu- fonction d'une limite inférieure d'âge gestationnel (NP5).
ments formels en faveur d'un traitement antibiotique Même en cas de dilatation avancée (5 ou 6 cm), l'accou-
lorsque la menace d'accouchement prématuré est associée à chement peut être retardé de 48 heures dans 20 à 50 %
un prélèvement vaginal positif (germes banals, Ureaplasma des cas. L'instauration d'une tocolyse est donc licite afin
ou Chlamydia) ou à une vaginose bactérienne (NP4). de permettre la réalisation d'une corticothérapie à visée de
En cas de bactériurie (> 100 000 germes/ml, il faut trai- maturation pulmonaire fœtale (NP3). Il n'y a pas de béné-
ter en raison du risque de pyélonéphrite et de prématurité fice à poursuivre le traitement au-delà de 48 heures en cas
(NP1) [13,22,23]. de tocolyse efficace (NP2). L'instauration d'un traitement
En cas de rupture des membranes, la prescription d'éry- d'entretien après 48 heures de tocolyse efficace n'a pas d'in-
thromycine prolonge la grossesse de 48 heures, réduit le térêt pour la prolongation de la grossesse ou l'état néonatal
nombre d'hémocultures positives et la morbidité sévère (NP1). Il pourrait cependant réduire les réhospitalisations et
(entérocolites nécrosantes, séquelles neurologiques) [22,23] les retraitements tocolytiques par voie intraveineuse (NP3).
(voir chapitre 19, p. 297). Seules les menaces d'accouchement prématuré sévères et/
Au total, on peut dire que : ou précoces avant 32 semaines nécessitent l'hospitalisation.
■ l'efficacité des tocolytiques est faible puisque 9 à 13 % Un bilan étiologique complet doit toujours être réalisé. Le
seulement des femmes n'auront pas accouché au bout but de la tocolyse est d'atteindre la maturité pulmonaire
de huit jours, en comparaison avec l'utilisation d'un fœtale en s'assurant de l'absence de souffrance fœtale par
placebo ; l'étude du rythme cardiaque fœtal et du score de Manning,
■ leur utilisation ne modifie pas la morbidité néonatale ; ainsi que de l'absence d'infection ovulaire.
■ il s'agit d'un traitement symptomatique qui ne traite pas La maturité pulmonaire doit, avant 34 semaines, et si l'es-
la cause ; pérance de durée de tocolyse est réduite, être accélérée par
■ leur efficacité n'est pas démontrée dans les grossesses les corticoïdes. Les menaces moyennes peuvent être traitées
multiples ; en ambulatoire après une courte hospitalisation, cela en
■ l'efficacité est de courte durée, ne dépassant pas 48 fonction de la coopération de la patiente, de l'éloignement
heures ; de son domicile, des conditions socioéconomiques, des pos-
■ leur prescription sert surtout à permettre aux corticoïdes sibilités de surveillance par le médecin traitant ou la sage-
d'atteindre leur efficacité maximale et à organiser le femme de PMI, et bien entendu de l'étiologie.
transfert dans une maternité de niveau II ou III, seules Les grossesses gémellaires ou multiples nécessitent une
mesures utiles ; hospitalisation entre 30 et 34 semaines du fait de la gravité
■ les différents produits ont une efficacité comparable ; il potentielle de la menace d'accouchement prématuré. En
faut donc utiliser ceux qui ont le moins d'effets secon- effet, le retard de croissance est fréquent. Il existe des risques
daires et les moins chers. Dans ce cadre, la nifédi- accrus d'effets cardiovasculaires des bêtamimétiques (à
pine (Adalate®) devrait devenir le traitement de choix. ne pas utiliser) et des inhibiteurs calciques. L'hydramnios
L'atosiban (Tractocile®), beaucoup plus cher, doit être complique souvent la tocolyse et la double poche, l'appré-
réservé systématiquement aux grossesses gémellaires, aux ciation de la maturité. L'efficacité de la tocolyse semble
transferts in utero, aux femmes ayant une pathologie car- proche de celle obtenue dans les grossesses uniques (NP4).
diovasculaire [32] ; Les antagonistes de l'ocytocine peuvent être proposés ici
■ la durée du traitement ne doit pas dépasser 48 heures et il en première ligne du fait de la rareté des effets secondaires
ne faut pas faire de traitement prolongé ; cardiovasculaires.
■ l'utilisation de l'association de plusieurs tocolytiques est La menace d'accouchement prématuré fébrile néces-
déconseillée. site un bilan étiologique complet que nous avons déjà vu
p. 232. Lorsque tous les prélèvements bactériologiques
Indications thérapeutiques sont faits, incluant pour certains une amniocentèse à la
recherche d'une chorioamniotite, la tocolyse avec le trai-
Elles sont schématisées dans la figure 25.7. tement antibiotique est licite. Nous utilisons l'association
Après 36 SA, les menaces d'accouchement prématuré ne amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin®, 3 injections
nécessitent aucun traitement. intraveineuse de 1 g/24 h). Si la localisation infectieuse est
Entre 34 et 36 SA, les bénéfices néonatals attendus évidente, il faut utiliser un traitement plus adapté.
d'une tocolyse sont à évaluer en fonction des risques et
effets secondaires maternels des traitements utilisés et
des conditions d'accueil du nouveau-né (NP5). Un traite- Cas des fausses couches tardives
ment étiologique et une réduction des facteurs de risque Les patientes avec antécédents d'accouchement prématu-
sont utiles (anémie, infection urinaire, suractivité). Une rés et de fausse couche tardive entre 14 et 22 SA avec un
hospitalisation est nécessaire lorsque, à la menace, s'asso- col court inférieur à 25 mm ont un risque de récidives
cient des métrorragies, une rupture prématurée des mem- (NP2).
branes, une fièvre ou des conditions socioéconomiques Un bilan est recommandé (grade B) avec recherche de
défavorables. fièvre, examen au spéculum recherchant un protrusion de
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir 301
• Échographie
Bilan • CBU
• Prélèvement endocol
• Rythme cardiaque fœtal
la poche des eaux dans le col, prélèvement vaginal, numéra- de type III) (NP2). Il faut donc, si l'accouchement n'est pas
tion formule sanguine, CRP et tocométrie externe. imminent, envisager le transfert in utero pour adapter le lieu
En présence d'un col court avec ces antécédents, et en d'accouchement au risque que comporte la grossesse. Un
l'absence d'une chorioamniotite, avec ou sans protrusion de contact doit être pris avec l'établissement d'accueil du réseau
la poche des eaux, il est recommandé de réaliser un cerclage régional pour s'assurer qu'il y a de la place, en particulier en
selon la technique de Mac Donald combiné à une tocolyse réanimation néonatale. Il faut expliquer à la femme et à sa
par indométacine et à une antibiothérapie (grade C). famille l'importance de ce transfert et enfin l'organiser avec
Il n'existe pas de données permettant d'indiquer la pose le SAMU.
d'un pessaire dans ce contexte. Le transfert vers une maternité de niveau II est suffisant
Toujours en cas de menace de fausse couche tardive pour des naissances entre 32 et 34 SA et/ou pour des enfants
caractérisée par un col court isolé (< 25 mm), non dilaté et de poids estimé entre 1 500 et 1 800 g, et les grossesses
sans contraction utérine associée, un traitement par pro- gémellaires entre 34 et 36 semaines. Le transfert doit obli-
gestérone vaginale quotidienne (90-200 mg/j) maintenue gatoirement se faire vers une maternité de niveau III pour :
jusqu'à 34 SA est recommandé (grade A). les naissances avant 32 semaines et/ou de poids inférieur à
Le repos n'a pas fait la preuve de son efficacité [15]. 1 500 g ; les grossesses gémellaires de moins de 34 SA ou
les grossesses triples ou plus ; des pathologies fœtales sévères
(malformations, retard de croissance intra-utérin), voire
Transfert vers une maternité maternelles (toxémie, HELLP syndrome, placenta praevia)
de type II ou III nécessitant une extraction de l'enfant avant terme. La mater-
La prise en charge du nouveau-né de faible poids de nais- nité référente pourra transférer à nouveau la mère dans son
sance pose des problèmes spécifiques principalement pour établissement d'origine si la menace d'accouchement est
les enfants de poids inférieur à 1 500 g. Il existe des données passée et si le terme dépasse 34 SA (retour en type II), ou
suffisantes pour affirmer que la mortalité et la morbidité 36 SA pour le retour en niveau I.
néonatales sont diminuées si l'accouchement à lieu dans une Il est cependant probable qu'il y aura toujours des
maternité où existe une réanimation néonatale (maternité accouchements prématurés dans des maternités sans
302 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Accouchement du prématuré
Si la tocolyse échoue, il faut se préparer à l'accouchement
sur place ou mieux après transfert dans une maternité dotée
d'un service de néonatologie ou de réanimation néonatale
selon la gravité. Il faut avec le pédiatre et l'anesthésiste déci-
der des modalités de l'accouchement.
Bilan
Poids
Terme présentation
Avis pédiatre
Sommet siège
La césarienne systématique est discutée : rythmes moyennement différenciés est plus rapide en cas de
■ avant 28 semaines : elle paraît très critiquable, sauf en cas prématurité. Les tracés pathologiques sont plus nombreux,
d'indication maternelle. L'accouchement se fera donc par jusqu'à 80 % des cas, chez les fœtus de moins de 2 500 g.
voie basse. Si le poids est inférieur à 800 g, voire 600 g, Le pH au scalp n'est pas contre-indiqué mais son utili-
la voie basse spontanée est une meilleure solution qu'une sation n'apporte pas d'amélioration de l'état néonatal et ne
césarienne qui est difficile à ce terme, d'autant que le permet pas de réduire le nombre de césariennes.
pronostic dépend plus de l'âge gestationnel que de la voie L'amniotomie précoce ou les ocytociques ne sont pas
d'accouchement ; contre-indiqués.
■ au-delà de 32 semaines, il paraît logique d'accepter la voie
basse en l'absence de contre-indication ; Expulsion et dégagement du prématuré
■ entre 28 et 32 semaines, la césarienne systématique en
cas de présentation du sommet n'apporte pas de béné- Il n'existe pas de données pour justifier la pratique systéma-
fices démontrés en termes de mortalité et de séquelles tique d'une extraction instrumentale dans le but de protéger
neurosensorielles (NP4). Pour les sièges, aucun argu- le fœtus contre la survenue d'hémorragies intra- ou périven-
ment décisif ne plaide pour une voie d'accouchement triculaires (NP3). Il n'existe pas de données pour privilégier
plutôt qu'une autre. Il n'existe actuellement aucune un instrument : forceps, spatules ou ventouses.
restriction spécifique portant sur le poids ou le terme Il n'y a pas de contre-indications à l'utilisation de la ven-
de naissance pouvant justifier la pratique systématique touse, même chez le prématuré ayant un retard de croissance
d'une césarienne (NP5). Cette notion reste valable in utero. Il n'existe pas de données permettant d'indiquer ou
en cas de grossesse gémellaire ou d'utérus cicatriciel de contre-indiquer la pratique d'une épisiotomie (recom-
(recommandations du CNGOF [12]). Le risque semble mandations du CNGOF [13]). Dans le service, nous pri-
plus être lié aux causes de l'accouchement prématuré vilégions une expulsion courte aidée éventuellement de
qu'à la voie d'abord elle-même. Cependant il faut être spatules, avec ou sans épisiotomie selon la taille de l'enfant.
prudent avec la voie basse du siège entre 28 et 32 SA Dans les grossesses multiples, l'accouchement différé a
car il y aurait une tendance non significative à plus de été proposé avant 26 SA (voir Chapitre 10). Cette pratique
rétention de tête dernière sur les enfants de petits poids reste mal évaluée. Elle doit être discutée avec la patiente
(< 1500 gr). La césarienne pourrait cependant appor- car elle expose à des complications maternofœtales poten-
ter un bénéfice dans le cas des chorioamniotites chez tiellement graves. Si elle évite parfois la mort du deuxième
les grands prématurés en diminuant la fréquence des jumeau, elle permet rarement d'éviter la grande prématurité
leucomalacies périventriculaires (NP3). Enfin, chez le et ses risques de séquelles sont lourdes (NP4).
grand prématuré, la césarienne peut se faire par une
hystérotomie verticale basse si le segment inférieur
n'est pas amplié, ce qui est préférable à une incision en Prise en charge néonatale
T (NP3) (recommandations du CNGOF [12]). Réanimation néonatale
C'est un facteur déterminant du pronostic. La proximité
Analgésie en cours de travail d'une unité de réanimation néonatale est indispensable et
Elle revêt une grande importance du fait du contexte et de il est largement démontré qu'un transfert in utero est plus
l'angoisse maternelle. raisonnable qu'un transfert néonatal, beaucoup plus coû-
En cas d'accouchement par voie basse, la technique de réfé- teux et moins sûr. Il faut donc dépister le plus tôt possible les
rence est la péridurale ; elle évite les efforts inappropriés sur femmes à risque d'accouchement prématuré et les transférer
un fœtus fragile et permet une analgésie chirurgicale en cas de dans des centres comportant une unité périnatale.
nécessité de césarienne (NP4). On a pu constater un meilleur La réanimation néonatale doit être faite par un spécialiste
état fœtal chez les prématurés après péridurale par rapport aux à même de juger :
accouchements sans anesthésie. Il ne faut pas prescrire d'opia- ■ l'indication et les modalités de cette réanimation ;
cés responsables de modifications du rythme cardiaque fœtal, ■ l'intérêt d'intuber ;
de travail trop rapide et de dépression respiratoire néonatale. ■ des précautions à prendre en cas d'arrêt récent de la
En cas de décision de césarienne, l'anesthésie locorégio- tocolyse.
nale présente des avantages pour la mère et le fœtus. Les progrès de la prise en charge immédiate et de la réa-
En cas d'indication de césarienne en urgence pour ano- nimation néonatale dans son ensemble permettent une sur-
malies du RCF par exemple, les données de la littérature vie de 80 % des enfants d'âge gestationnel supérieur ou égal
ne permettent pas de choisir entre anesthésie générale et à 29 semaines et de poids de naissance supérieur ou égal à
rachianesthésie. Le choix se fera en fonction de l'expérience 1 000 g [38].
de l'anesthésiste et du temps dont il dispose (recommanda-
tions du CNGOF [12]). Prise en compte des séquelles néonatales
Cette réduction de la mortalité s'accompagne aussi d'une
Surveillance du travail réduction de la morbidité ; les séquelles doivent être prises
Il faut surveiller en continu le rythme cardiaque fœtal en en compte : c'est la raison pour laquelle nous les avons sché-
cours de travail : la mortalité baisse de 63 à 37 % si le monito- matisées dans la figure 25.10.
rage est assuré (NP3). Les modifications du rythme cardiaque L'hémorragie intra- ou périventriculaire est mieux dépis-
fœtal ont la même signification, mais la détérioration des tée par l'échographie transfontanellaire ; elle est d'autant plus
304 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Conclusion
Fig. 25.10. Morbidité des enfants prématurés survivants en La prématurité reste la première cause de handicap de
fonction de l'âge gestationnel à la naissance [28].
l'enfant.
La prévention passe dans les pays développés par la maî-
fréquente que le nouveau-né est prématuré, la présentation trise des grossesses multiples liées à la procréation médica-
et le mode d'accouchement n'étant pas significatifs. lement assistée et, dans tous les pays, par le traitement des
Le handicap neuropsychique majeur est le plus redouté ; il infections cervicovaginales.
est noté dans 5 à 8 % des petits poids de naissance mais dans Le diagnostic repose sur la clinique et la mesure échogra-
7 à 44 % des très petits poids de naissance selon les études. phique du col, et le diagnostic de rupture prématurée des
Dans ce dernier groupe, une étude méticuleuse a montré membranes souvent associée.
une survie de 58 % et un taux de handicap moyen de 18 % La tocolyse a peu d'efficacité et ne permet dans le meilleur
atteignant : des cas que la prescription de corticoïdes, la cure de sulfate
■ 30 % si une ventilation prolongée est nécessaire ; de magnésium et le transfert dans un établissement adapté.
■ 44 % s'il y a un transfert préalable du nouveau-né. La mortalité et la morbidité périnatales liées à l'accou-
Le taux de séquelles est de 50 % en cas de retard de crois- chement prématuré restent élevées, malgré les gros progrès
sance intra-utérin associé.(24) de la réanimation. Les soins anténataux sont moins coûteux
De nombreuses autres séquelles, souvent non comptabi- que les soins néonataux et, en l'absence d'indication fœtale à
lisées, doivent être prises en compte, qu'il s'agisse de diffi- la naissance, le temps gagné in utero réduit les risques et les
cultés scolaires (25 %), de handicaps visuels (50 % des très séquelles néonatales.
petits poids de naissance), de troubles bronchopulmonaires, Par ailleurs, même si les échecs sont d'autant plus fré-
de difficultés gastro-hépato-entérologiques avec retard quents que le terme est précoce, environ 50 % des tocolyses
de croissance persistant, de la fréquence des morts subites tentées avant 28 semaines permettent un accouchement
(multiplié par 10 en cas de très petit poids de naissance), après 36 semaines.
de la nécessité d'hospitalisations itératives, des difficultés de Il faut savoir enfin que la prématurité iatrogène (décidée
relation mère-enfant. pour conflit fœtomaternel) n'excède guère 20 % et que le
Le chiffre de seulement 30 % d'enfants normaux pronostic y est aussi bon, sinon meilleur, qu'en cas de pré-
dans le groupe des très petits poids de naissance est maturité inévitable, du fait de la meilleure prise en charge.
avancé. Il faut avoir bien présent à l'esprit ces chiffres
avant de prendre une décision qui devrait être toujours
obstétrico-pédiatrique. D'où pourraient venir les progrès ?
■ De drogues tocolytiques nouvelles ? Les inhibiteurs cal-
Conduite à tenir ciques (Adalate®) et l'atosiban (Tractocile®), antagoniste
après l'accouchement des ocytociques, n'ont en effet pas amélioré les résultats
en termes de prématurité ou de conséquences néonatales.
Dans un premier temps, il est nécessaire : ■ D'une identification plus précise des menaces d'accou-
■ de bien contrôler la vacuité utérine et parfois de faire chement prématuré « vraies » nécessitant une tocolyse ?
une révision utérine soigneuse d'autant plus souvent que L'utilisation de la fibronectine et de l'échographie du col a
l'accouchement sera plus précoce ; déjà permis de progresser.
■ d'adresser le placenta pour examens bactériologique et ■ D'une meilleure appréciation de la maturité fœtale, en
anatomopathologique (voir Chapitre 6) ; particulier pulmonaire ? En effet, contrairement à ce qui
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir 305
a pu être dit, le syndrome de détresse respiratoire par [19] FIGO. Best practice in materno foetal medicine. 2015.
membranes hyalines est loin d'avoir disparu. La micro- [20] Guid O, Mol B, De Kleine M, et al. Nifedipine versus ritodrine for
viscosimétrie semble la méthode la plus fiable. suppression of preterm labor ; a meta analysis. Acta Obstet Gynecol
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■ De méthodes plus efficaces de « maturation artificielle » ?
[21] Gyetvai K, Hannah M, Hodnett E, et al. Tocolytics for preterm labor.
Les corticoïdes ont encore une place prédominante, mais A systematic review. Obstet Gynecol 1999 ; 94 : 869–77.
l'avenir viendra des « surfactants artificiels ». [22] Kenyon SL, Taylor W, Tarnove-Mordi W. Broad-spectrum antibiotics
■ De l'identification des femmes à risque d'accouchement for the spontaneous preterm labour : the Oracle II randomized trial.
prématuré, de leur admission précoce en centre périnatal Lancet 2001 ; 357 : 989–94.
de référence pour qu'elles puissent y accoucher ? [23] Kenyon SL, Taylor W, Tarnove-Mordi W. Broad-spectrum antibiotics
À l'heure actuelle, retenons que seuls les accouchements for the spontaneous preterm labour : the Oracle I randomized trial.
prématurés avant 34 semaines peuvent être préjudiciables à Lancet 2001 ; 357 : 979–88.
l'enfant et que, progressivement, cette limite se déplace vers [24] Larroque B, Ancel PY, Marret S, et al. Neurodevelopmental disabili-
32 semaines. Ne perdons pas de vue, en ce qui concerne ties and special care of 5 years old children born before 33 weeks of
gestation (The Epipage study) : a longitudinal cohort study. Lancet
les très petits poids de naissance, que 90 % des mères ayant
2008 ; 371 : 813–20.
donné naissance à un enfant de moins de 1 000 g décédé ont [25] Leitich H, Egarter C, Kaider A, et al. Cervicovaginal fetal fibronec-
ultérieurement un enfant vivant et en bonne santé. tin as a marker for preterm delivery : a meta-analysis. Am J Obstet
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Chapitre
26
Hémorragie du post-partum
L. Sentilhes, S. Brun, H. Madar, J. Lansac
PLAN DU CHAPITRE
Définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 Prévention thromboembolique
Incidence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308 en post-partum après HPP par voie
Causes des hémorragies du post-partum. . . . . 308 basse ou césarienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 Transport interhospitalier . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Prise en charge anténatale ou préventive Prise en charge des placentas praevia
des hémorragies du post-partum . . . . . . . . . . . 311 et accreta. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Traitement d'une hémorragie Prise en charge du thrombus vaginal. . . . . . . . 322
du post-partum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314 Prise en charge de la rupture utérine. . . . . . . . 324
Spécificités obstétricales et anesthésiques Prise en charge de l'inversion utérine . . . . . . . 324
de la prise en charge d'une hémorragie Hémorragie secondaire du post-partum . . . . . 324
du post-partum associée à la césarienne.. . . . . 321 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 307
308 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
compte tenu de la perte sanguine inhérente au geste chirur- séparation (voir chapitre 6). En cas d'atonie utérine, cette
gical lui-même, le seuil d'action peut être fixé à un niveau de hémostase mécanique ne se produit pas ou mal et entraîne
perte sanguine plus élevé que celui de 500 ml si la tolérance un saignement abondant et potentiellement mortel.
clinique le permet (accord professionnel).
Attention à la tendance à la sous-estimation des pertes, Rétention placentaire
donc au retard au diagnostic et au retard de la prise en
charge La rétention placentaire est la deuxième cause d'HPP, impli-
quée dans environ 10 à 30 % des HPP.
La rétention placentaire est définie par la persistance de la
Incidence [7] totalité ou d'un fragment de placenta dans la cavité utérine.
Elle résulte de circonstances isolées ou associées : troubles
Dans les études en population, l'incidence de l'HPP est dynamiques à type d'inertie ou d'hypertonie utérine.
autour de 5 % des accouchements lorsque la mesure des
pertes sanguines est imprécise, et autour de 10 % lorsque
les pertes sanguines sont quantifiées. L'incidence de l'HPP Plaies des voies génitales
sévère de 1 000 ml est autour de 2 %. Les plaies des voies génitales sont responsables de 15 à 20 %
L'atonie utérine est la principale cause d'HPP. Les plaies des HPP ; il peut s'agir :
de la filière génitale sont responsables d'environ un cas ■ de déchirures périnéales (y compris l'épisiotomie) : elles
d'HPP sur cinq, et leur contribution est plus grande parmi sont rarement responsables d'hémorragies graves mais le
les HPP sévères. retard dans leur réparation peut entraîner une spoliation
Le cas particulier de la césarienne mérite d'être souligné. sanguine non négligeable ;
Il faut prendre conscience que, lorsque les pertes sanguines ■ de déchirures vaginales, de deux types :
sont comptabilisées systématiquement au cours d'une césa- – les déchirures des parois et du dôme vaginal : elles sont
rienne (comme cela doit être le cas), le taux de patientes faciles à diagnostiquer lorsqu'elles prolongent une
ayant des pertes sanguines supérieures à 500 ml et 1 000 ml déchirure périnéale. Souvent, il faut les rechercher par
(et donc d'HPP et d'HPP sévère) est d'environ, respective- une exploration soigneuse à l'aide de valves. Les déchi-
ment, de 47 % et 12 % des cas [20]. rures du dôme vaginal sont souvent associées à une
déchirure du col utérin. Elles peuvent être favorisées
par une fragilité de la muqueuse vaginale : malforma-
Causes des hémorragies du post- tion, cicatrice, infection, et sont souvent provoquées
partum (tableau 26.1) par un accouchement dystocique ;
– les déchirures cervicales : elles sont en général latérales
Atonie utérine au niveau d'une commissure et peuvent s'étendre au
L'atonie utérine est la première cause d'HPP, responsable de dôme vaginal le plus souvent, mais parfois au segment
50 à 80 % des cas. Elle correspond à un défaut de contrac- inférieur rendant leur traitement difficile. Elles peuvent
tilité de l'utérus après la naissance. Normalement, après la se rencontrer après des efforts expulsifs à dilatation
naissance de l'enfant, l'utérus se contracte afin d'assurer incomplète, après des manœuvres obstétricales et après
l'hémostase mécanique : la contraction utérine entraîne un accouchement rapide. Toute hémorragie du post-
l'occlusion des artères restées béantes et permet de tarir le partum immédiat doit faire rechercher une déchirure
saignement. L'importance de la perte sanguine associée à la cervicale car ces dernières sont fréquentes (11 % des
séparation et à la délivrance placentaire dépend de la rapi- accouchements de primipares, 4 % chez les multipares) ;
dité avec laquelle le placenta se sépare de la paroi utérine et ■ d'un saignement lié à l'hystérotomie provenant du décol-
de l'efficacité de la contraction du muscle utérin autour du lit lement vésico-utérin ou d'un pédicule utérin qui saigne
placentaire et des vaisseaux sanguins pendant et après cette après une césarienne.
Hématome périgénital ou thrombus tique, ces hématomes peuvent apparaître après des accou-
vaginal chements normaux sans qu'aucun de ces facteurs de risques
ne soit retrouvé. Sa survenue est donc imprévisible.
L'hématome périgénital (HP) est aussi nommé hématome
puerpéral ou improprement « thrombus génital ». Il cor-
respond à un décollement du tissu conjonctif paravaginal, Ruptures utérines
paracervical ou paramétrial par des lésions vasculaires Une rupture utérine complète est l'existence d'une déchi-
généralement dues à un traumatisme direct lors de l'accou- rure du myomètre et du péritoine viscéral ou une déchirure
chement. La cause immédiate est une rupture vasculaire de du myomètre s'étendant dans la vessie ou le ligament large
capillaires, avec une rapide extension dans le tissu adipeux (rupture latérale à risque de plaie du pédicule utérin), surve-
car aucun élément anatomique ne s'oppose à la progression nant pendant la grossesse ou le travail. Une rupture utérine
de la collection entraînant potentiellement une spoliation incomplète (déhiscence) est une déchirure ou une solution
sanguine importante plus ou moins associée à une coagula- de continuité du muscle, sans ouverture de la séreuse. Elles
tion intravasculaire disséminée. Bien que la pathogénie soit représentent un cas pour 1 500 accouchements.
encore discutée, il semblerait que la rotation intrapelvienne On peut en distinguer trois types :
de la tête fœtale, qu'elle soit spontanée ou manuelle, puisse ■ les ruptures par altération de la paroi utérine, qui
être incriminée. L'HP est unilatéral car sa diffusion est limi- surviennent :
tée par le raphé médian et est le plus souvent droit du fait – sur un utérus cicatriciel (césarienne, myomectomie
d'une part du rôle potentiel de l'épisiotomie et, d'autre part, avec ouverture de la cavité utérine, résection hystéros-
de la plus grande fréquence de présentation occipito-iliaque copique, hystéroplastie, antécédents de perforation et
postérieure droite que gauche (qui nécessitera souvent une ruptures suturées) (voir chapitre 16) ;
rotation manuelle). Il apparaît généralement dans les heures – sur un utérus fragilisé (multiparité, curetages répé-
qui suivent l'accouchement car, pendant le travail, la tête tés, hydramnios, grossesses multiples, malformations
fœtale assure l'hémostase en comprimant les parois vagi- utérines) ;
nales et le périnée. ■ les ruptures par disproportion fœtopelvienne ou travail
Son incidence est variable dans la littérature mais sem- prolongé, qui peuvent survenir sur un utérus cicatriciel
blerait être de 1 pour 1 000 accouchements. ou non ;
Différents types d'hématomes en fonction de leur locali- ■ les ruptures iatrogènes : elles relèvent de trois causes :
sation sont décrits (figure 26.10) [31] : manœuvres obstétricales, extractions instrumentales, admi-
■ l'hématome vulvaire : tuméfaction unilatérale d'une nistration mal contrôlée d'ocytociques ou de prostaglandines.
grande lèvre devenue oblongue ;
■ l'hématome vaginal : tuméfaction palpée au toucher vagi-
nal refoulant la paroi opposée ; Inversion utérine
■ l'hématome vulvovaginal (le plus fréquent) : il s'agit de
l'association des deux précédents, dont la pathogénie et Elle représente une complication grave de la délivrance. Elle
le pronostic sont similaires ; en effet, l'hématome inté- est rare, un cas sur 100 000 accouchements en France, mais
resse la vulve, les tissus paravaginaux, le périnée, la fosse se voit plus souvent dans les pays en développement.
ischiorectale. Les vaisseaux les plus souvent concernés Elle peut être spontanée en cas de distension utérine
sont les branches de l'artère pudendale ou honteuse après un accouchement rapide ou favorisée par la présence
interne et l'artère vaginale longue ou bien les vaisseaux d'un myome sous-muqueux, ou provoquée par traction
périnéaux et labiaux ; intempestive sur le cordon, ou expression utérine violente
■ l'hématome supravaginal ou sous-péritonéal : l'héma- déprimant le fond utérin. Trois degrés sont décrits suivant
tome est au-dessus des aponévroses pelviennes dans la l'importance de l'inversion.
région rétropéritonéale ou intraligamentaire. Toujours
graves, ils sont la conséquence d'une lésion traumatique
du col, du segment inférieur ou d'un cul-de-sac vaginal. Anomalies du placenta
Les vaisseaux concernés sont l'artère utérine ascendante Anomalies d'insertion
ou la vaginale longue ou les vaisseaux cervicovaginaux ou Le placenta praevia est une cause fréquente d'hémorragies
vésicovaginaux. du post-partum (11 %) [4] ; l'insertion du placenta siège
Des facteurs favorisants ont été incriminés comme la pri- sur le segment inférieur, sur une cloison d'un utérus mal-
miparité, la macrosomie, les grossesses multiples, les varices formé, sur une zone où la paroi est plus mince et l'action
vulvovaginales, les anomalies de la coagulation. L'extraction des contractions utérines est moins efficace pour le décoller.
instrumentale, a fortiori accompagnée d'une rotation, pour-
rait augmenter le risque de survenue d'HP. Le CNGOF
contre-indique formellement la rotation instrumentale [30]. Adhérences anormales
D'autres facteurs sont plus controversés, comme l'épisioto- Elles sont essentiellement représentées par le placenta
mie, « protectrice » pour certains, facteur de risque, à part accreta où les villosités placentaires adhèrent au myomètre
entière, pour d'autres. Elle est, dans la littérature, observée sans interposition de caduque basale. Parfois, même les vil-
dans 85 à 93 % des cas d'HP. Celui-ci peut survenir à la suite losités pénètrent profondément dans le myomètre (placenta
d'une réparation insuffisante d'une épisiotomie ou d'une increta) et peuvent traverser tout le myomètre jusqu'à la
déchirure dont l'angle d'incision n'a pas été suturé. En pra- séreuse (placenta percreta).
310 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
Cette éventualité est heureusement assez rare (1/2 000 à Tableau 26.2. Séquences des événements
1/5 000 accouchements) car la délivrance n'est possible qu'au survenant au cours des coagulations
prix d'une lésion de la paroi utérine rendant souvent néces- intravasculaires disséminées [11].
saire une hystérectomie d'hémostase. Le placenta accreta
peut être partiel, localisé et se rencontrer dans la zone uté- FACTEURS DÉCLENCHANTS
rine où la prolifération déciduale est amoindrie, au niveau
du segment inférieur notamment, ou en cas d'anomalie de
la paroi utérine : cicatrice, synéchie, fibrome, hypoplasie de ACTIVATION INTRAVASCULAIRE DE LA COAGULATION
l'endomètre, adénomyose, endométrite, malformation.
La prise en charge des placentas praevia et accreta est
abordée dans le chapitre 23. Coagulation de
Dépôts de fibrine
dans la consommation
Anomalies morphologiques microcirculation
Il s'agit des cotylédons accessoires séparés du gâteau placen-
taire principal et sur lesquels les contractions utérines n'ont
pas assez de prise pour les décoller. Fibrinolyse
secondaire
Fautes techniques
Il s'agit de manœuvres intempestives pratiquées avant la TENDANCE
délivrance dans le but de hâter celle-ci : HÉMORRAGIQUE
■ tractions sur le cordon pouvant entraîner une déchirure
placentaire avec rétention de cotylédons ;
■ expression utérine avant le décollement placentaire.
Facteurs de risque
Pathologie de l'hémostase Le tableau 26.3 montre les principaux facteurs de risque
La survenue d'une coagulopathie est particulièrement grave. d'HPP en distinguant ceux liés aux caractéristiques mater-
Elle peut se rencontrer au cours de certaines pathologies nelles préexistantes à la grossesse et ceux liés aux caractéris-
obstétricales : tiques de la grossesse, du travail et de l'accouchement. Les
■ hématome rétroplacentaire ; facteurs de risque d'HPP les plus classiquement rapportés
■ embolie amniotique ; sont :
■ mort fœtale in utero ; ■ des facteurs de risque d'atonie utérine, cause dominante
■ chorioamniotite. de l'HPP : grande multiparité, surdistension utérine
Elle vient très souvent compliquer une hémorragie de la dans les contextes de grossesse multiple, hydramnios ou
délivrance si celle-ci n'est pas traitée rapidement. macrosomie fœtale, travail prolongé ou chorioamniotite ;
La coagulation intravasculaire disséminée désigne une ■ l'existence d'antécédents d'HPP qui est un des facteurs de
décompensation globale de l'hémostase, à laquelle parti- risque les plus fortement associés (RR : 3,3 ; IC à 95 % :
cipent les parois vasculaires, les plaquettes et les systèmes 3,1-3,5) ;
de la coagulation, de la fibrinolyse, des kinines et du ■ l'administration d'oxytocine pendant le travail et le
complément. mode d'accouchement. L'existence d'une association
La séquence des événements intervenant dans la coagu- entre l'administration d'oxytocine pendant le travail et la
lation intravasculaire disséminée est schématisée dans le survenue d'une HPP a été rapportée [3]. La relation est
tableau 26.2. dose-dépendante. Cependant, ces résultats restent issus
Divers facteurs déclenchants, dont l'action est essentielle- d'études observationnelles qui ne permettent pas d'affir-
ment modulée par des facteurs favorisants, conduisent à une mer le lien de causalité entre l'exposition à l'oxytocine et
activation intravasculaire de la coagulation. Une activation la survenue d'une HPP. Mais ce résultat est néanmoins
intense de la coagulation peut conduire à une coagulopathie à prendre en compte dans l'évaluation de la balance
de consommation. De plus, les dépôts de fibrine peuvent bénéfice/risque de cette intervention, destinée à éviter le
activer secondairement la fibrinolyse. Tous ces facteurs recours à la césarienne en cas de travail dystocique, car
peuvent entraîner une tendance hémorragique. l'ocytocine est particulièrement utilisée en France (64 %
L'activation intravasculaire de la coagulation peut être des femmes en travail et 58 % des femmes en travail
induite par trois mécanismes différents : spontané), ce qui suggère une utilisation en pratique cou-
■ l'activation de la voie extrinsèque de la coagulation due au rante au-delà des indications médicales validées.
relargage de thromboplastines tissulaires. C'est le méca- La césarienne avant travail est associée à un risque aug-
nisme le plus souvent mis en jeu en obstétrique. L'œuf est menté d'HPP sévère par rapport à l'accouchement par voie
en effet très riche en thromboplastines tissulaires ; basse spontanée (OR : 2,33 ; IC à 95 % : 1,08-2,56).
■ l'activation de la voie intrinsèque de la coagulation ; La césarienne réalisée en urgence en cours de travail aug-
■ l'activation directe du facteur II (c'est-à-dire la prothrom- mente encore ce risque de 55 % par rapport à la césarienne
bine) ou du facteur X (c'est-à-dire le facteur Stuart) par avant travail. Le risque maximal est atteint en cas de césa-
des enzymes protéolytiques. rienne en cours de travail après déclenchement.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 311
Tableau 26.3. Principaux facteurs de risque d'HPP balance bénéfice-risque doit prendre en compte le risque
dans les études en population les plus récentes associé d'HPP (accord professionnel).
(modifié d'après Deneux-Tharaux et al. [7]). Ces facteurs de risques et leur combinaison sont cepen-
dant globalement peu prédictifs d'une hémorragie, soit
Facteurs de risque d'HPP OR ajustés (IC 95%) en
analyse multivariée parce qu'ils sont très prévalents mais peu discriminants, soit
parce qu'ils sont rares. Cette impossibilité à identifier cor-
Caractéristiques maternelles
préexistantes à la grossesse
rectement les femmes à risque d'HPP justifie que les straté-
gies de prévention s'adressent à toutes les parturientes.
Âge maternel
15–19 ans 0,8 (0,6–1,1)
20–34 1
Prise en charge anténatale
35–39 1,1 (1,0–1,2)
ou préventive des hémorragies
≥ 40 ans 1,4 (1,1–1,7)
du post-partum [12]
Primipare 1,7 (1,4–2.0) La prise en charge anténatale des patientes à risque d'hé-
morragie du post-partum (hors anomalies de l'insertion
Grande multiparité 1,2 (0,8–1,9)
placentaire) repose sur la prévention de l'anémie, le repérage
Antécédent de césarienne 1,9 (1,4–2,6) des femmes ayant des troubles de la coagulation ou un trai-
Caractéristiques de la grossesse tement anticoagulant et la délivrance dirigée.
Grossesse multiple 3,8 (2,2–6,5)
Polyhydramnios 1,9 (1,2–3,1) Supplémentation en fer
Chorioamniotite 2,5 (1,9–3,3) La numération formule sanguine doit être faite au premier
trimestre ou au sixième mois. Même si elle est très impar-
Pathologie hypertensive 1,9 (1,2–2,8)
gravidique
faite, elle permet de sélectionner les patientes qui ont une
anémie ferriprive, en particulier parmi les femmes à risque :
Caractéristiques du travail et de grossesses rapprochées, grossesses gémellaires, adolescentes,
l'accouchement
femmes en situation de précarité. La prise en charge de ces
Déclenchement 1,2 (1,0–1,5) anémies a pour objectif de faire en sorte que ces femmes
Travail prolongé 1,7 (1,4–2.0) abordent l'accouchement sans anémie.
Épisiotomie 2,2 (1,8–2.6)
Le traitement de l'anémie sévère repose sur une supplé-
mentation en fer le plus souvent par voie orale.
Accouchement voie basse 2,3 (1,5–3.4) En cas d'anémie modérée (Hb < 10,5 g/dl), il faut prévoir
instrumentale
une supplémentation en fer par voie orale.
Césarienne avant travail 2,3 (2,1–2,6) En cas d'anémie sévère (Hb < 8 g/dl) et/ou mal tolérée et/
Césarienne pendant travail 3,2 (2,4–4.2) ou accouchement imminent, on discutera la supplémenta-
Macrosomie 1,7 (1,3–2.2)
tion en fer injectable (Ferinject®).
(APM) est le plus souvent possible compte tenu d'un délai nelle, une mise au sein précoce et la vidange vésicale
supérieur à 12 heures depuis la dernière injection. Dans systématique n'ont pas d'impact sur l'incidence des
cette situation, il n'est pas recommandé de proposer sys- HPP. La mise en place de ces mesures est laissée au
tématiquement un déclenchement au cours d'une fenêtre libre choix des équipes ;
d'anticoagulants parfois dénommée fenêtre « thérapeutique ». – le misoprostol intrarectal (2 comprimés de 200 μg)
En revanche, il sera proposé d'évaluer le score de Bishop une fois donné après le clampage du cordon peut être utilisée.
par semaine à partir de 38 SA. En cas de score de Bishop supé- Cette prescription n'est pas plus efficace que l'ocyto-
rieur ou égal à 6, il sera proposé à la patiente (mais ce n'est pas cine [13] et présente plus d'effets indésirables [15]. Elle
obligatoire) un déclenchement dont le seul but est de permettre est cependant utile dans les pays en voie de dévelop-
d'augmenter pour la patiente l'accès à une analgésie péridurale. pement du fait de sa résistance à la chaleur et de son
L'anticoagulation curative par héparine de bas poids faible coût [34] ;
moléculaire (HBPM) s'accompagne d'une augmentation – en cas de rétention placentaire observée sur l'examen
minime du risque hémorragique et impose le respect d'un du délivre : il faut faire une délivrance artificielle entre
délai supérieur à 24 heures avant d'avoir recours à l'anesthé- 30 et 60 minutes après l'accouchement en l'absence de
sie périmédullaire. Dans cette situation, il n'est pas recom- saignement et le plus rapidement possible en cas de
mandé de proposer systématiquement un déclenchement saignement ;
au cours d'une fenêtre d'anticoagulants ou fenêtre « théra- – l'administration d'un ocytocique par voie intrafuni-
peutique ». En revanche, il sera proposé d'évaluer le score culaire ou par voie intraveineuse ou intramusculaire
de Bishop une fois par semaine à partir de 38 SA. En cas de n'est pas efficace et donc pas recommandée.
score de Bishop supérieur ou égal à 6, il sera proposé à la – après un accouchement par voie basse en cas d'utérus
patiente (non obligatoire) un déclenchement dont le princi- cicatriciel, la révision utérine systématique n'est pas
pal but est de permettre d'augmenter pour la patiente l'accès recommandée (planche 26.1).
à une analgésie péridurale. Lors des naissances par césarienne :
La prise d'aspirine n'augmente pas la fréquence ni l'in- ■ la délivrance par traction contrôlée du cordon est asso-
tensité des HPP et ne contre-indique pas le recours à une ciée à des pertes sanguines moins importantes et est
rachianesthésie et/ou une péridurale. recommandée à la place de la délivrance manuelle ;
■ une injection en intraveineuse lente sur au moins une
minute de 5 UI d'oxytocine est recommandée sauf en cas
Délivrance dirigée de risque cardiovasculaire avéré où la durée d'injection
C'est la prévention clinique et pharmacologique de l'hémorra- doit être d'au moins cinq minutes afin de limiter les effets
gie du post-partum lors de la troisième phase du travail [10]. hémodynamiques ;
Dans les accouchements par voie basse, il convient de : ■ un traitement d'entretien systématique par une perfusion
■ vérifier dès l'entrée en salle de travail la disponibilité du intraveineuse d'oxytocine (10 unités dans 500 cm3 de
résultat des examens immunohématologiques (groupes sérum glucosé à 5 %) peut être entrepris sans dépasser 10
et phénotypes sanguins, RAI). En cas de risque hémorra- UI par heure. Le traitement peut être interrompu au bout
gique identifié, une RAI datant de moins de trois jours est de deux heures si la tonicité utérine est satisfaisante et en
recommandée ; l'absence de saignement anormal.
■ poser systématiquement une voie veineuse à partir de En pratique, en l'absence de saignements, la perfusion
5 cm de dilatation ; doit être « finie » quand la patiente est transférée en suites
■ injecter après le dégagement de l'épaule antérieure 5 UI de couche et la dose totale maximale d'ocytocine doit être
(1 ampoule) ou 10 UI d'oxytocine par voie intraveineuse de 20 UI.
direct lente, idéalement sur une minute en raison du L'estimation du volume des pertes sanguines en pesant
risque cardiovasculaire : les compresses et mesurant le volume de sang aspiré est
– en l'absence de voie veineuse : l'oxytocine 5 UI sera essentielle lors de la césarienne, et doit apparaître dans le
injectée en intramusculaire ; compte rendu opératoire.
– en cas de facteurs de risque cardiovasculaire : l'injec- La carbétocine (Pabal®) est un analogue synthétique de
tion en intraveineux d'oxytocine sera faite sur cinq l'ocytocine humaine. De plus longue durée d'action (environ
minutes ; 5 h au lieu de 1 h 30 pour le Syntocinon®), cette molécule est
– une perfusion d'entretien systématique par oxytocine utilisée en prévention de l'atonie utérine suivant un accou-
n'est pas recommandée ; chement par césarienne. Elle est administrée en dose unique
– une poche de recueil graduée placée sous les fesses de (1 ml dosé à 100 μg par voie intraveineuse) après la naissance
la parturiente après la naissance permettra d'évaluer le de l'enfant [27]. La carbétocine n'a pas d'AMM après un
volume et le poids des pertes sanguines ; accouchement par voie basse. Enfin, la carbétocine ne paraît
– une surveillance stricte des signes vitaux, hémodyna- pas plus efficace que l'oxytocine pour prévenir les HPP après
miques (pouls, tension), du volume des saignements toutes un accouchement par voie basse ou par césarienne [15]. En
les 15 minutes en salle de naissance sera faite et notée ; l'absence d'essai de non-infériorité, l'oxytocine constitue le
– le drainage systématique du cordon, la traction contrô- traitement préventif de référence pour la prévention de l'HPP
lée du cordon, le massage utérin, la position mater- pour les césariennes pour le CNGOF [20].
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 313
a
a. Position de la main qui doit pénétrer dans le vagin et l'uté-
rus pour la délivrance artificielle ou la révision utérine. b. Introduction de la main gantée dans les voies vaginales ;
on suit le trajet du cordon.
c d
c. La main droite étant introduite dans les voies génitales d. La main intra-utérine clive l'espace intro-utéro-placentaire
et l'utérus, la main gauche empaume le fond utérin et avec le bord cubital de la main. La main abdominale maintient
l'abaisse vers le vagin. le fond utérin.
314 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
e f
e. Compression de l'utérus après révision utérine. f. Compression avec le poing en cas d'hémorragie de
la délivrance.
Traitement d'une hémorragie ■ fait une délivrance artificielle si le placenta est toujours
en place. Cette révision utérine ou délivrance artificielle
du post-partum (figures 26.1 à 26.3) peut être réalisée sous ocytocine et ne doit pas retarder
[2,9,21,26] l'administration d'ocytocine ;
Le protocole doit être connu de tous et affiché en salle de ■ révise sous valves le col et le vagin et suture des lésions du
naissance : col et ou du vagin ;
■ le diagnostic d'hémorragie doit être fait dès que les pertes ■ suture rapidement l'épisiotomie ou les déchirures périnéales ;
sanguines dépassent 500 ml ; ■ masse l'utérus pour obtenir un utérus bien dur et contracté.
■ la sage-femme doit alors mettre en route les mesures ini-
tiales de premier niveau : Conduite médicales
– prévenir toutes les personnes concernées : obstétricien
Dès que l'utérus est vide et les plaies suturées, il faut mettre
et anesthésiste ;
en route la conduite médicale :
– noter l'heure de début de l'hémorragie ;
■ injecter 10 UI d'oxytocine par voie intraveineuse lente
– débuter une feuille de surveillance.
suivie d'une perfusion d'entretien de 10 UI par heure
Les conduites obstétricale et médicale doivent être réali-
pendant deux heures, relayée par une deuxième perfu-
sées concomitamment :
sion de 10 UI dans 500 ml pendant huit heures ;
■ vérifier les résultats du groupe Rhésus-RAI et de la
■ dans les pays en voie de développement où il n'y a sou-
numération formule sanguine ;
vent pas accès aux ocytociques, on peut utiliser le miso-
■ mettre en place le Dinamap® et le scope pour le monito-
prostol (5 comprimés en intrarectal = 1 000 μg) ou en
rage de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et
sublingual 800 μg [22,25].
de la SpO2 ;
■ faire une antibioprophylaxie par :
■ vérifier le bon accès à une voie veineuse, voire mettre une
– Augmentin® (2 g par voie intraveineuse lente) ;
deuxième voie d'abord veineuse en fonction de l'impor-
– Érythrocine® (1 g par voie intraveineuse lente en cas
tance de l'hémorragie ;
d'allergie) ;
■ mettre en route :
■ lutter contre l'hypothermie par une couverture chauf-
– le remplissage : cristalloïdes (Ringer Lactate®, NaCl
fante, le réchauffement des solutés de perfusion et des
0,9 %) de 500 cm3 en 15-30 minutes ;
produits sanguins ;
– Oxygénothérapie au moyen de lunettes nasales (2-4 l/
■ surveiller :
min)
– le volume des pertes sanguines :
■ mettre en place un sondage vésical à demeure.
- dans le sac de recueil qui doit être pesé ;
- la coloration des téguments ;
- le pouls, la tension artérielle ;
Conduite obstétricale – la diurèse horaire : 50 cm3 de l'heure ;
L'obstétricien, en tenue opératoire masqué et ganté après – la dureté du globe utérin ;
obtention d'une analgésie adéquate : ■ l'HemoCue® permet en salle de suivre le taux d'hémo-
■ vérifie la vacuité utérine par une révision utérine si la globine (Hb) : une chute de 2 g d'hémoglobine équivaut
délivrance est faite ; environ à 800 ml de sang perdu ;
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 315
Fig. 26.1. Algorithme de prise en charge d'une hémorragie du post-partum après accouchement par voie basse élaboré par le CNGOF
[33]. IVL : intraveineux lent ; IM : intramusculaire ; UI : unité internationale ; RAI : recherche d'agglutinines irrégulières ; LBAU : ligature bilatérale
des artères utérines ; LBAH : ligature bilatérale des artères hypogastriques ; rFVIIa : facteur VII activé recombinant. *À titre indicatif et sera adapté
en fonction de l'importance des saignements.
Diagnostic d’HPP:
Mesure du volume aspiré
(sans liquide amniotique) ≥ 500 ml
+ pesée des champs
Equipe anesthésique
Equipe obstétricale
Echec
− Oxygène
Hémostase chirurgicale conservatrice : − Prévention de l’hypothermie
capitonnage ou compression − Maintien de la pression artérielle
et/ou ligatures vasculaires (LBAU ou) remplissage cristalloïdes +/− colloïdes
+/− vasopresseurs
Fig. 26.2. Algorithme de prise en charge d'une HPP en cours de césarienne élaboré par le CNGOF (2014) [33].
Diagnostic :
saignement vaginal excessif
. Remplissage (cristalloïdes +/– colloïdes) et/ou altération des constantes
. +/−vasopresseurs maternelles
. Bilan biologique : NFSp, TP,TCA, Fibrinogène.
± Hémocue® +/− Echographie abdo-pelvienne
. Evaluation hémodynamique (rétention, hémopéritoine)
. Feuille de surveillance HPP
. Concertation anesthésiste/obstétricien
Laparotomie
Patiente stable (AG si instable)
- Prévention de l’hypothermie
* Suture éventuelle des plaies et - Maintien de la pression artérielle
déchirures +/− Ligatures vasculaires remplissage cristalloïdes +/−colloïdes
+/−vasopresseurs
* Techniques d’hémostase chirurgicale - Limiter la concentration des halogénés,
conservatrices : Echec notamment si atonie
capitonnage ou compression
et/ou ligatures vasculaires (LBAU ou LBAH) - Poursuite des utérotoniques
(oxytocine ou sulprostone)
Fig. 26.3. Algorithme de prise en charge d'une HPP retardée après césarienne élaboré par le CNGOF (2014) [33].
« Mesures invasives » :
Après 30 minutes de perfusion de sulprostone (Nalador®)
si l'hémorragie persiste, en cas d'inefficacité, il faut envisager Ballon de tamponnement intra-utérin
les mesures de troisième niveau: Le tamponnement intra-utérin par ballon n'a pas une efficacité
■ des mesures « invasives » : ballon intra-utérin, chirurgie clairement démontrée. Il peut être proposé en cas d'échec de la
ou embolisation ; prise en charge par sulprostone et avant un recours à une prise
■ des mesures de réanimation concomitantes : transfusion en charge chirurgicale ou par radiologie interventionnelle.
de culots globulaires (CGR), plasma frais congelés (PFC), Son utilisation est laissée à la libre appréciation du praticien
fibrinogène, culots plaquettaires (CP). et doit être encouragée dans les pays où l'accès aux produits
■ Dans les pays en voie de développement où il n'y a sanguins et/ou à l'embolisation ou la chirurgie n'est pas aisée.
souvent pas accès au sulprostone, on peut utiliser le En pratique :
misoprostol (5 comprimés en intrarectal = 1 000 μg) ou ■ le ballon dégonflé est introduit à travers le col et posi-
en Sublinguale 800 μg . [22,25] en cas d'echec il faut pas- tionné au niveau du segment inférieur. Il ne faut pas
ser rapidement aux méthodes chirurgicales . tenter de le monter en force dans le corps utérin ;
318 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
■ le ballon est ensuite rempli avec du sérum physiologique L'embolisation est exécutée par un radiologue vascu-
au minimum avec 300 ml, mais idéalement 500 ml à laire interventionnel assisté d'au moins un manipulateur.
l'aide d'une seringue de 50 ml ; Ce geste est habituellement effectué sous anesthésie locale
■ le ballon est maintenu en intra-utérin à l'aide de champs sauf si l'état hémodynamique, l'agitation, la douleur ou
tassés dans le vagin ; l'épuisement de la patiente impose une anesthésie géné-
■ on vérifie la bonne localisation du ballon à l'aide de rale. Idéalement, l'embolisation est réalisée après l'arrêt du
l'échographie ; sulprostone pour éviter tout spasme artériel et diminuer le
■ on poursuit la sulprostone et l'antibiothérapie ; risque d'échec d'une embolisation suprasélective.
■ un arrêt immédiat du saignement doit être constaté à
la mise en place du tamponnement. En cas d'échec, un Indication
recours à une prise en charge chirurgicale ou par radio
logie interventionnelle doit être immédiatement envisagé. L'embolisation pour toutes les raisons ci-dessus évoquées
ne peut donc être proposée qu'à des patientes dont l'hémo-
dynamique est stable et qui sont transportables (avec des
Embolisation
pertes sanguines distillantes) [24,32] (figure 26.5)
L'embolisation a pour principe d'occlure la lumière artérielle La réalisation d'une embolisation dans le cadre de l'hé-
des vaisseaux à l'origine de l'hémorragie par l'injection sélec- morragie du post-partum impose une prise en charge pluri-
tive de différents matériaux. L'accès vasculaire est obtenu disciplinaire. La procédure se fait en présence des différentes
grâce à des introducteurs artériels de calibre 4 ou 5 French. équipes et ne s'envisage qu'après :
Les sondes les plus utilisés sont de type « Cobra ». Ces sondes ■ prise en charge par les anesthésistes-réanimateurs pour
sont montées en intravasculaire à l'aide de guides de calibre stabilisation de l'hémodynamique, correction de l'hypo-
0,032 ou 0,035 inches (soit 0,8 ou à 0,9 mm), les plus employés volémie et des troubles de l'hémostase. Noter que ces der-
étant les guides hydrophiles de Terumo® (figure 26.4). niers ne contre-indiquent pas l'embolisation ;
L'embolisation sélective des deux artères utérines ou, à ■ examen gynécologique précisant l'origine du saignement
défaut, des troncs antérieurs des artères iliaques internes et échec du traitement initial (révision utérine, examen
sans utilisation de microcathéter est recommandée. sous valve et utérotoniques) ;
L'embolisation artérielle doit être préférentiellement prati- ■ évaluation initiale de la gravité et de la faisabilité du
quée à l'aide de fragments résorbables de gélatine plutôt qu'à transfert en embolisation.
l'aide de « bouillie » ou de poudre. L'embolisation artérielle est indiquée préférentiellement
L'embolisation a comme principal inconvénient de en cas d'atonie utérine résistante aux utérotoniques, en parti-
nécessiter : culier après un accouchement par voie basse, en cas d'hémor-
■ une salle d'embolisation généralement située dans un ragie cervico-utérine, de thrombus vaginal ou de déchirure
autre bâtiment que celui de la maternité ; cervicovaginale suturée ou non accessible à un geste chirur-
■ un transfert dans l'unité d'embolisation dans un même éta- gical. L'embolisation reste possible après échec des ligatures
blissement ou dans un autre dans une situation à risque ; artérielles (sélectives ou proximales) ou après une hystérec-
■ un délai d'environ d'au moins une heure entre la prise de tomie, même si elle est de réalisation technique plus difficile.
décision de l'embolisation et la réalisation de celle-ci ; L'existence d'une coagulopathie n'est pas une contre-
■ un radiologue interventionnel disponible 24 heures sur 24. indication à la réalisation d'une embolisation.
Efficacité
L'arrêt de l'hémorragie après une séance d'embolisation
artérielle est obtenu dans 73 à 100 % des cas. L'arrêt de l'hé-
morragie après une deuxième embolisation est obtenu dans
85 à 100 % des cas.
Le taux de complications ischémiques (vésicale, utérine,
neurologique) imputables à l'embolisation est d'environ 5 %.
En fin d'intervention :
■ l'obstétricien contrôle l'efficacité de l'embolisation par la
surveillance des saignements et du globe utérin ;
■ l'introducteur artériel est laissé en place, notamment en cas
de trouble de l'hémostase. Cela permet de limiter le risque
d'hématome et de compression prolongée ; de plus, en cas
de récidive hémorragique, l'accès artériel sera déjà en place,
facilitant la réalisation d'une nouvelle artériographie ;
■ la surveillance est réalisée dans une structure adaptée de
type salle de réveil, soins intensif ou réanimation. Cela
permet de poursuivre la réanimation et de dépister rapi-
dement un échec de la procédure permettant d'envisager
une nouvelle embolisation ou une prise en charge chirur-
Fig. 26.4. Embolisation artérielle. gicale dans les plus brefs délais.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 319
Fig. 26.5. Angiogrammes respectivement avant et après une embolisation des artères utérines prophylactiques pour un placenta per-
creta du côté gauche (a et b) et droit (c et d) de la patiente. Noter la différence significative de vascularisation à la fin de la procédure.
Fig. 26.7. Ligature étagée du pédicule utérin du côté droit. Utérus Fig. 26.9. Capitonnage utérin en cadre selon Cho (d'après [32]).
tracté en haut et en dehors par l'aide, le ligament rond (LR) a été
sectionné et la vessie refoulée par la valve vaginale. Ouverture d'une
fenêtre péritonéale (FP) puis aiguillage d'arrière en avant, prenant lar- crase sanguine, de faire correctement l'hémostase du moi-
gement le myomètre permettant de réaliser une ligature haute (LH) gnon. Ces techniques sont décrites dans la Pratique chirur-
puis basse (LB) du pédicule utérin.
gicale en Gynécologie obstétrique (19)page 273.
La multiplication des traitements chirurgicaux conser-
vateurs (ligatures vasculaires et compressions utérines) ne
doit en aucun cas retarder la réalisation d'une hystérectomie
d'hémostase, en particulier en cas de multiparité et d'hémo-
dynamique instable.
L'efficacité sur l'arrêt des saignements des techniques de
ligatures vasculaires (ligature bilatérale des artères utérines
ou ligature bilatérale des artères hypogastriques) en première
ligne de traitement chirurgical conservateur de l'HPP serait
de l'ordre de 60 à 70 %. La ligature bilatérale des artères uté-
rines est une technique chirurgicale simple à faible risque de
complications immédiates sévères. La ligature bilatérale des
artères utérines et la ligature bilatérale des artères hypogas-
triques qui est faite avec des fils résorbables ne semblent pas
affecter la fertilité et le devenir obstétrical ultérieur.
L'efficacité des techniques de compression (B-Lynch) ou
de plicature utérine (Cho) sur l'arrêt des saignements en
cas d'HPP résistant au traitement médical serait de l'ordre
Fig. 26.8. Compression utérine en bretelle selon B-Lynch (d'après de 75 %. Aucune technique de compression utérine n'a
[32]). démontré de supériorité de l'une par rapport à l'autre dans le
traitement de l'HPP. Les grossesses obtenues après plicature
comprimé l'utérus, l'opérateur serre les fils et noue de utérine ne semblent pas plus pourvoyeuses de complications
façon à maintenir la compression ; de grossesse.
– Cho [5] (figure 26.9), qui propose de réaliser des Le recours à une deuxième technique chirurgicale au
sutures multipoints en cadre avec un gros fil résor- cours de la chirurgie conservatrice initiale après échec de
bable, appliquant entre elles les faces antérieures et ligature vasculaire ou de compression utérine a une effica-
postérieures de l'utérus. Ces techniques peuvent être cité pour arrêter l'HPP comprise entre 44 et 100%. Elle est
réalisées en cas d'atonie résistant à l'ocytocine et aux donc possible, après concertation avec le médecin anesthé-
prostaglandines ; siste, mais elle ne doit pas retarder la réalisation d'une hysté-
■ en cas d'échec et si l'hémodynamique est toujours stable, rectomie d'hémostase.
la ligature bilatérale des artères hypogastriques.
En cas d'échec, la seule solution est l'hystérectomie d'hé- Mesures réanimatoires [2,26]
mostase totale ou subtotale. Mais elle sacrifie évidemment Les conditions d'obtention et les circuits logistiques doivent
l'avenir obstétrical de la patiente. La technique varie très peu être connus des prescripteurs pour leur permettre d'optimi-
de celle décrite en dehors de la grossesse. Il ne semble pas ser la prise en charge des situations hémorragiques sévères.
exister de différence entre hystérectomie totale et subtotale Tous les prescripteurs doivent connaître les différentes pro-
en termes d'efficacité. Nous préférons l'hystérectomie totale cédures, en particulier celle d'urgence vitale qui doit être
car il est souvent difficile, surtout s'il y a des troubles de la rédigée et mise en œuvre dans chaque établissement.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 321
En fonction de la sévérité du tableau clinique, le recours cas d'utilisation, le CNGOF propose de l'utiliser en cas
à un accès veineux central et à un cathéter artériel périphé- d'HPP résistant à la sulprostone à la dose de 1 g en intra-
rique peut être envisagé. veineuse lente renouvelable une fois au bout d'une heure
Les mesures de l'HemoCue® sont plus précises que celles en cas d'échec.
des méthodes non invasives de monitorage de l'Hb. Aussi,
outre le recours au laboratoire central d'hématologie, l'He- Facteur VII activé recombinant (rFVIIa)
moCue® est recommandé dans le monitorage du taux d'Hb
au cours de l'HPP. La concentration retenue est alors soit la La prescription ne doit, pour le moment, être envisagée
moyenne de trois mesures sur des prélèvements capillaires que dans l'hémorragie non contrôlée, après échec des thé-
consécutifs sur le même point de ponction, soit la mesure rapeutiques conventionnelles (essentiellement après échec
faite sur la troisième ou quatrième goutte de sang. d'hystérectomie d'hémostase), et après avoir entrepris la
L'évolution parfois rapide de la coagulopathie au cours correction des effecteurs et autres paramètres de l'hémos-
de l'HPP justifie le monitorage de la coagulation. Si les exa- tase : fibrinogène supérieur à 1 g/l, numération plaquettaire
mens réalisés au laboratoire central d'hématologie restent supérieure à 50 000 g/l, hématocrite supérieure à 24 %, pH
la référence, le rendu de leur résultat nécessite un délai supérieur à 7,2, un taux normal de calcium plasmatique et
incompressible. Dans ce contexte, les systèmes de monito- une température corporelle aussi proche de la normale que
rage délocalisé de l'hémostase, tels que la thromboélastogra- possible.
phie et le thromboélastomètre rotatif, pourraient être une
aide à la décision et peuvent être utilisés pour le monitorage Vasoconstricteurs
de l'hémostase au cours de l'HPP pour guider le traitement Les vasoconstricteurs peuvent être utilisés pour soutenir
hémostatique [2]. la pression artérielle au cours de l'HPP. Si l'éphédrine et la
phényléphrine peuvent être considérées comme les agents
Culots globulaires et plasmas frais congelés de première ligne, le recours à la noradrénaline est possible
La prescription des culots globulaires est envisagée princi- en cas de choc hémorragique
palement sur la base des signes cliniques de gravité de l'HPP,
sans nécessairement attendre les résultats du laboratoire Anesthésie générale
d'hématologie. Le recours à l'anesthésie générale est recommandé lorsque
La transfusion a pour objectif de maintenir une concen- l'état hémodynamique est instable, même si un cathéter
tration d'hémoglobine au-dessus de 8 g/dl. péridural est en place.
La première commande pourrait comporter trois culots Le protocole anesthésique choisi pour l'anesthésie géné-
globulaires, la suivante trois culots et trois trois plasmas frais rale doit prendre en compte l'existence d'une hypovolémie
congelés, le rapport PFC/CGR visé étant compris entre 1/2 et d'un « estomac plein ».
et 1/1. La prescription plus précoce de PFC en fonction de Si une embolisation est réalisée sous anesthésie locale ou
l'étiologie de l'HPP est laissée à l'appréciation du clinicien. locorégionale, l'équipe anesthésique reste impliquée dans la
Le prescripteur doit anticiper la demande de PFC du fait surveillance et la stabilisation de l'état de la patiente.
de la mise à disposition retardée (temps de décongélation) Le retrait du cathéter péridural ne doit être envisagé
de ce produit sanguin. qu'après normalisation de la coagulation.
Fibrinogène
Le taux normal de fibrinogène au cours de la grossesse (4 à
Spécificités obstétricales
7 g/l) est plus élevé qu'en dehors de la grossesse. et anesthésiques de la prise en
Il semble exister un seuil autour de 2 g/l en dessous duquel charge d'une hémorragie du post-
la réserve de fibrinogène devient insuffisante, ce qui est asso- partum associée à la césarienne
cié à une évolution plus fréquente vers une HPP sévère.
Au cours d'une hémorragie active, il est souhaitable de (figures 26.2 et 26.3) [23].
maintenir un taux de fibrinogène supérieur ou égal à 2 g/l. Le seuil d'intervention pour déclencher une prise en charge
Cependant, en fonction de l'importance de l'hémorragie ou active dépend du débit du saignement, de la cause et du
de la coagulopathie, il est possible d'administrer du fibrino- contexte clinique. Il peut être supérieur à 500 ml après
gène sans attendre le résultat du dosage. césarienne.
Le facteur de risque hémorragique principal est la réalisa-
Culots plaquettaires tion de la césarienne en cours de travail.
Il est souhaitable d'anticiper la commande de concentrés Les pertes sanguines en cours de césarienne sont difficiles
plaquettaires afin de maintenir une numération plaquettaire à évaluer. L'estimation des pertes par la mesure du volume
supérieure à 50 g/l. aspiré duquel on retire le volume de liquide amniotique
associé à la pesée des compresses imbibées est la méthode à
Acide tranéxamique utiliser en pratique. Le saignement évacué par la filière géni-
L'acide tranéxamique pourrait avoir un intérêt dans la tale doit également être comptabilisé.
prise en charge des HPP, même si son intérêt clinique Les étiologies de l'HPP associée à la césarienne com-
n'est pas démontré en contexte obstétrical. Son utilisa- prennent les causes liées à la délivrance (atonie utérine essen-
tion est laissée libre à l'appréciation des praticiens. En tiellement) et les complications traumatiques peropératoires
322 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
(notamment les déchirures utérines et les plaies d'un pédi- Le transport interhospitalier d'une patiente présentant
cule utérin). une HPP en vue d'une embolisation est possible à condition
La prise en charge obstétricale peropératoire d'une HPP d'avoir éliminé une indication préférentielle de laparotomie
dépend du contexte clinique et de son étiologie ; elle doit se (hémopéritoine) et si l'état hémodynamique le permet.
faire en collaboration étroite avec l'anesthésiste (figure 26.2). Une évaluation hémodynamique précise doit être de
Le traitement chirurgical immédiat en cas d'HPP résis- nouveau réalisée avant le départ.
tant au traitement médical doit être privilégié, l'embolisa- La transfusion sanguine doit être poursuivie pendant le
tion n'étant pas recommandée. transport avec un objectif de maintenir une Hb supérieure
Si une anesthésie générale s'avère nécessaire, il est recom- à 8 g/dl [8]. Les traitements spécifiques de l'HPP (oxytocine,
mandé de limiter les halogénés en cas d'atonie utérine sulprostone, ballonnet de tamponnement intra-utérin) initiés
Chaque équipe médicale doit mettre en place une pro- dans la maternité d'origine doivent être poursuivis pendant le
cédure de surveillance spécifique en salle de surveillance transport.
postinterventionnelle, comportant également les modalités Si le saignement est trop abondant ou en cas de choc
d'appel en urgence de l'équipe médicale. hémorragique incontrôlable, le transfert est dangereux et une
La surveillance spécifique liée à la césarienne en posto- hémostase chirurgicale sur place (ligature vasculaire, capi-
pératoire doit porter sur l'abondance des saignements vagi- tonnage, hystérectomie d'hémostase) doit être privilégiée.
naux extériorisés, le volume et la tonicité utérine ainsi que
sur l'aspect de la paroi abdominale, auxquels les infirmières
de salles de soins postinterventionnels doivent être formées. Prise en charge des placentas
La rétraction utérine doit être vérifiée au minimum praevia et accreta [18]
toutes les 30 minutes durant les deux heures de surveillance
post-partum en salle de surveillance postinterventionnelle. Elle est traitée au chapitre 23, p. 267.
Une échographie abdominopelvienne doit pouvoir être
rapidement réalisée au lit du patient, notamment en cas d'hy-
povolémie sans hémorragie extériorisée. Prise en charge du thrombus
En postopératoire, un hémopéritoine ou une suspicion vaginal [31]
de plaie vasculaire impose une laparotomie urgente, sous
Le thrombus vaginal ou l'hématome périgénital (HP) est
anesthésie générale (figure 26.3).
une complication rare mais potentiellement gravissime de
Dans le cas contraire, un utérotonique (oxytocine ou sul-
l'accouchement, dont la symptomatologie peut être retardée
prostone selon la gravité) doit être administré.
(figure 26.10). Il faut l'évoquer devant toute symptomatolo-
Un ballon de tamponnement intra-utérin ou une emboli-
gie douloureuse et/ou hémorragique du post-partum.
sation peuvent être discutés en l'absence d'instabilité hémo-
Le diagnostic est exclusivement clinique avec la survenue
dynamique (figure 26.3).
d'une douleur ou l'apparition d'une tuméfaction, dont la
taille est variable et repousse latéralement la fente vulvaire.
La tuméfaction est de forme oblongue et la muqueuse qui
Prévention thromboembolique la recouvre est violacée, amincie, comme prête à se fissu-
en post-partum après HPP rer (figure 26.11). L'hémorragie est rarement extériorisée.
par voie basse ou césarienne [23] L'HP peut provoquer un ténesme dans les formes étendues.
Secondairement, un choc hypovolémique peut survenir, que
Les femmes ayant reçu une polytransfusion après un accouche- n'explique pas la perte de sang visible. Il faut alors penser que
ment par voie basse pourraient bénéficier d'une thrombopro- le choc est lié à une hémorragie non extériorisée ; Lorsque
phylaxie par HBPM pendant sept à 14 jours en post-partum. l'hématome est strictement intravaginal, il faudra s'aider du
La durée peut être prolongée s'il existe des facteurs de toucher vaginal, plus ou moins du toucher rectal, pour faire
risque thromboembolique supplémentaires. le diagnostic. Le scanner abdominopelvien peut évaluer l'ex-
tension en profondeur de l'hématome et ne se discute qu'en
cas d'hématome sous-péritonéal suspecté (figure 26.12).
Le traitement s'apparente à celui d'une hémorragie
Transport interhospitalier [29] du postpartum, il doit être rapide et multidisciplinaire
Un contact direct est indispensable entre la maternité d'ori- (gynécologue-obstétricien, radiologue interventionnel,
gine et l'équipe du centre multidisciplinaire qui va recevoir anesthésiste réanimateur). Le pronostic est double : vital et
la patiente afin de transmettre toutes les informations médi- fonctionnel. La majorité des auteurs s'accordent à être rapi-
cales et de valider l'indication et la faisabilité du transfert. dement interventionnistes.
La décision finale de réaliser le transport est multidis- Après correction de l'hypovolémie et d'éventuels troubles
ciplinaire (médecins régulateur et transporteur du SAMU, de la coagulation, un bilan lésionnel précis est indispen-
médecins anesthésistes réanimateurs et obstétriciens de la sable. Au bloc opératoire ou en salle de naissance, après
maternité demandeuse et receveuse). avoir complété l'analgésie péridurale ou sous anesthésie
Le transfert médicalisé doit être réalisé après correction générale, une exploration complète de la filière cervicovagi-
des défaillances vitales. nale est nécessaire. Un examen sous valves permet d'établir
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 323
Fig. 26.10. Classification des thrombus vaginaux (d'après [28]) 1. Péritoine. 2. Col de l'utérus. 3. Vagin. 4. Plan des releveurs. 5 Petites lèvres.
6. Grandes lèvres. a. hématome vulvaire ; b. hématome vaginal ; c. hématome vulvovaginal ; d. hématome -supravaginal ou sous péritonéal.
est à ouvrir. Les caillots sont évacués au doigt prudemment sur le segment inférieur, une palpation manuelle intra-utérine
afin de ne pas créer des décollements qui n'existaient pas devra être réalisée à la recherche d'une solution de continuité, la
jusqu'alors. L'hémostase, si nécessaire, sera réalisée avec face postérieure de l'utérus devra être examinée (au besoin en
des aiguilles rondes ou des clips vasculaires. La recherche extériorisant l'utérus) et tout hématome du ligament large devra
du saignement actif peut être rendue difficile par l'impor- faire évoquer l'existence d'une rupture latérale. Le but du traite-
tance des saignements. Il s'agit malheureusement rarement ment chirurgical sera d'essayer d'être conservateur en suturant
d'un vaisseau unique mais plus souvent d'un saignement en la solution de continuité au niveau de l'utérus, en un ou deux
nappe dont l'origine est difficile à déterminer au sein de tis- plans, à l'aide de fil résorbable, de façon hémostatique. Il faudra
sus friables, œdématiés et remaniés. L'exploration doit rester bien s'attacher à vérifier l'intégrité vésicale. L'apparition d'une
malgré tout limitée en surface afin de ne pas s'exposer à des hématurie sera d'emblée évocatrice d'une plaie vésicale. Toute
complications hémorragiques difficiles à maîtriser. Il paraît rupture proche de la vessie devra donc suspecter une plaie
« raisonnable » de ne pas poursuivre la dissection au-delà du vésicale associée. La suture vésicale est réalisée par un surjet
ligament sacroépineux. Une fermeture plan par plan est à en un plan (plan total incluant la muqueuse) ou en deux plans
discuter en limitant au minimum les espaces virtuels ; pour (un plan muqueux et un plan détrusorien), grâce à des fils à
d'autres, il paraît plus souhaitable de privilégier une com- résorption lente type PDS® ou Vicryl® 3/0 ou 4/0. Un contrôle
pression mécanique par compresses par exemple. Un drai- de l'étanchéité vésicale en fin d'intervention sera bien entendu
nage est controversé mais semble, selon notre expérience, à réalisé (remplissage de la vessie par un colorant bleu). La suture
privilégier. Une lame de Delbet paraît plus appropriée qu'un doit être étanche. Nous préconisons de garder la sonde urinaire
système de drainage clos. Cela permet théoriquement l'exté- au minimum pendant sept jours. L'hystérectomie est parfois la
riorisation des saignements. Un tamponnement vaginal seule solution quand le délabrement myométrial est important.
par compresses intravaginales impose une sonde urinaire La nécessité de recourir à une hystérectomie (hémostase ou
à demeure. L'intérêt théorique de ce dernier est de réduire utérus non suturable) en cas de rupture utérine est inférieure à
au minimum les espaces morts et de contrôler les hémor- 10 % dans les pays développés [6].
ragies à faible pression. Le traitement chirurgical peut être
complété par une embolisation artérielle. À l'ablation des
mèches, il a été décrit des récidives de saignement ; l'équipe
Prise en charge de l'inversion
doit donc se tenir prête à une nouvelle intervention, mais le utérine
plus souvent l'évolution est favorable. Une antibiothérapie L'inversion du fond utérin en doigt de gant représente une
prophylactique, couvrant les bacilles à Gram négatifs, les complication grave de la délivrance mais heureusement rare
streptocoques et les anaérobies, est à prescrire systématique- (1/2 000 accouchements). Elle peut être spontanée en cas de
ment du fait du risque d'infection de l'hématome. distension utérine après un accouchement rapide ou favori-
L'embolisation artérielle d'emblée avant tout traitement sée par la présence d'un myome sous-muqueux, ou provo-
chirurgical a l'avantage de ne réaliser le drainage chirurgical quée par traction intempestive sur le cordon ou expression
qu'à 48 heures. Le but est de réaliser l'hémostase par embo- utérine violente déprimant le fond utérin. Trois degrés sont
lisation car l'hémostase chirurgicale peut s'avérer difficile, décrits suivant l'importance de l'inversion. La symptomato-
voire périlleuse, surtout en cas d'hématome supravaginal. logie associe une douleur violente et une hémorragie modé-
Cette option d'embolisation première a notre préférence. rée entraînant un état de choc souvent sévère.
Son efficacité est d'au moins 90 %. La réduction est d'autant plus facile qu'elle est pratiquée
L'embolisation peut aussi être réalisée dans un deuxième plus précocement. Elle sera faite par voie vaginale en réinté-
temps après un bilan lésionnel chirurgical et l'évacuation de grant l'utérus en commençant par le fond. En cas d'échec, la
l'hématome. réduction peut se faire par voie abdominale en tirant sur les
Quasiment aucun cas de mortalité maternelle n'a été ligaments utérins, un aide repoussant le fond par voie basse.
rapporté. En revanche, la morbidité maternelle est non
négligeable, avoisinant les 30 %. Les complications les plus
fréquemment rapportées sont l'anémie et les troubles de
l'hémostase, les complications infectieuses avec les abcès Hémorragie secondaire
de la fosse ischiorectale et les difficultés de cicatrisation, la du post-partum [1]
récidive de l'hémorragie, les douleurs avec notamment des
dyspareunies séquellaires, sources de réintervention. Les Les hémorragies secondaires du post-partum (0,5 et 2%)
thromboses veineuses profondes, avec très rarement des correspondent aux hémorragies survenant entre 24 heures
fistules rectovésicales ou utérovaginales, ont été observées. et six semaines après l'accouchement et nécessitant une
action thérapeutique quelle qu'elle soit. Elles surviennent
dans 0,5 à 2% des naissances.
Prise en charge de la rupture Les principales causes sont les suivantes :
utérine [6] ■ la rétention de fragments placentaires : l'échographie est
le premier examen à proposer pour faire le diagnostic
Le premier temps chirurgical consiste à faire une inspection de étiologique. Le meilleur signe de rétention placentaire
la déchirure, c'est-à-dire de son étendue, de ses limites, de ses est la mise en évidence d'une masse échogène intra-uté-
berges, des organes proches éventuellement concernés. Si une rine unique. Ce type d'image n'est pas toujours facile à
laparotomie est réalisée pour suspicion de rupture utérine et si différencier d'une image hétérogène intra-utérine qui
l'examen simple ne met pas en évidence de déchirure évidente correspond en général à des caillots et n'est pas, dans la
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 325
quasi-majorité des cas, associée à une rétention placen- la grande majorité des cas, le taux d'HCG est très élevé
taire. La mise en évidence d'une cavité utérine vide ou ne (> 10 000 UI/l). Il est essentiel devant une hémorragie
contenant qu'un peu de liquide témoigne d'une involu- secondaire du post-partum de penser à réaliser un dosage
tion normale et de bon pronostic ; d'HCG même si l'incidence du choriocarcinome dans le
■ une endométrite, qui sera suspectée devant des lochies post-partum est rare (1/50 000 naissances vivantes). Il
malodorantes, une sensibilité utérine augmentée, un uté- n'existe pas de courbes de décroissance de l'HCG après
rus subinvolué, une hyperthermie ; un accouchement, mais on estime que les HCG sont
■ les faux anévrismes de l'artère utérine et fistules artério- négatifs un mois après un accouchement ;
veineuses : des cas d'anomalies vasculaires existent après ■ les coagulopathies.
césarienne ou curetage. Il faut les suspecter devant une
zone peu échogène dans le myomètre remplie de multiples Bilan et prise en charge thérapeutique
images arrondies hypoéchogènes de taille variable dans le
myomètre. La mise en évidence d'un flux vasculaire pul- (figure 26.13)
satile turbulent au sein d'une zone hypoéchogène dans le Devant une rétention placentaire et/ou endométrite il faut
myomètre évoque le diagnostic. Cependant, il a été montré faire :
que, même avec le Doppler couleur, l'aspect d'une réten- ■ des prélèvements bactériologiques cervicaux ;
tion de fragments placentaires peut simuler une malfor- ■ une hémocultures en cas d'hyperthermie ;
mation artérioveineuse. L'artériographie sélective permet ■ une NFS, plaquettes, CRP ;
de confirmer le diagnostic et d'en réaliser le traitement ; ■ une échographie pelvienne.
■ la tumeur trophoblastique gestationnelle : elles sont dans La prise en charge thérapeutique sera fonction de l'étiolo-
la quasi-majorité des cas des choriocarcinomes. Dans gie et de la sévérité de l'hémorragie.
Si HPP majeure d’emblée : traitement qui rejoint celui d’une HPP primaire (dont les grandes
lignes sont rappelées) :
• Révision utérine sous analgésie adéquate
• Oxytocine +/– sulprostone si échec de l’oxytocine
• Antibioprophylaxie
• Evaluation des pertes sanguines
• Bilan d’hémostase complet et pré opératoire
• Monitorages de l’hémodynamique maternelle
• +/– commande de CG et PFC et fibrinogène
• +/–Ballon intrautérin et/ou embolisation si échec de sulprostone
Fig. 26.13. Arbre décisionnel pour la prise en charge d'une hémorragie secondaire du post-partum élaboré par le CNGOF (2014) [1].
Si HPP majeure d'emblée : traitement qui rejoint celui d'une HPP primaire (dont les grandes lignes sont rappelées : révision utérine sous analgésie
adéquate ; oxytocine ± sulprostone si échec de l'oxytocine ; antibioprophylaxie ; évaluation des pertes sanguines ; bilan d'hémostase complet et
préopératoire ; monitorages de l'hémodynamique maternelle ± commande de CG et PFC et fibrinogène, ± ballon intra-utérin et/ou embolisation
si échec de sulprostone.
326 Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir
En cas de suspicion d'endométrite, il faut réhospitaliser la [9] Dolley P, Beucher G, Dreyfus M. Initial obstetrical management of
patiente et prescrire : post-partum hemorrhage following vaginal delivery. J Gynecol Obstet
■ un utérotonique : Misoprostol® (3 comprimés en 24 h par Biol Reprod 2014 ; 43 : 998–1008.
[10] Dupont C, Ducloy-Bouthors AS, Huissoud C. Clinical and pharma-
voie orale) ;
cological procedures for the prevention of postpartum haemorrhage
■ des antibiotiques : in the third stage of labor. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 :
– Augmentin® : 1 g trois fois par jour pendant dix jours ; 966–97.
– si allergie : clindamycine 900 mg trois fois par jour [11] Fondu P. Les syndromes de défibrination. In : Vokaer R, editor. Traité
pendant dix jours. d'obstétrique, II. La grossesse pathologique et l'accouchement dysto-
En cas de persistance de l'hémorragie et de rétention de cique. Paris : Elsevier-Masson ; 1985.
fragments placentaires : [12] Fournet-Fayard A, Lebreton A, Ruivard M, et al. Antenatal mana-
■ aspiration-curetage prudente sous contrôle échogra- gement for patients with increased risk of post-partum hemorrhage
phique en présence d'un sénior ; (excluding abnormal placentation). J Gynecol Obstet Biol Reprod
■ ou hystéroscopie opératoire à l'anse diathermique, sans 2014 ; 43 : 951–65.
[13] Gerstenfeld T, Wing D. Rectal misoprostol versus intravenous oxyto-
utilisation du courant bipolaire si possible.
cin for the prevention of post partum hemorrhage after vaginal deli-
En cas de doute sur les anomalies vasculaires, on fera une very. Am J Obset Gynecol 2001 ; 185 : 878–82.
artériographie sélective pour confirmer une anomalie vas- [14] Goffinet F, Mercier F, Teyssier V, et al. Postpartum haemorrhage :
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En l'absence d'étiologie de type endométrite ou rétention Obstetricians and Gynecologists (December 2004). Gynecol Obstet
placentaire, on demandera un dosage d'HCG pour ne pas Fertil 2005 ; 33 : 268–74.
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immédiat justifie une attitude préventive tout au long de la 2-3 : 1–24.
dilatation et de l'accouchement. [18] Kayem G, Keita-Meyer H. Management of placenta praevia and
En cas d'hémorragie, une collaboration étroite entre accreta. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 : 1142–60.
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minutieux de la filière génitale suture des plaies et admi- Reprod 2015 ; 24 : pii : S0368-2315(15)00031-9.
nistration d'ocytociques permet de traiter l'hémorragie de [21] Morel O, Perdriolle-Galet E, Mézan de Malartic C, et al. Management
façon efficace et rapide dans la plupart des cas, les causes of severe or persistent postpartum hemorrhage after vaginal delivery.
les plus fréquentes étant l'atonie utérine, la rétention placen- J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 : 1019–29.
taire et la déchirure cervicale ou vaginale. [22] OMS. Recommandations pour la pratique clinique des soins obstétri-
Dans les autres étiologies, le traitement adapté est mis caux et néonataux d'urgence en Afrique. 2010.
en œuvre en fonction du diagnostic précis de la cause de [23] Parant O, Guerby P, Bayoumeu F. Obstetric and anesthetic specifici-
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Chapitre 26. Hémorragie du post-partum 327
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tum : recommandations pour la pratique clinique. Texte des recom-
Chapitre
27
Versions par manœuvre
externe
F. Goffinet
PLAN DU CHAPITRE
Indications et contre-indications. . . . . . . . . . . . 331 Version par manœuvre externe
Facteurs de succès de la version . . . . . . . . . . . . 332 en cas de présentation transverse. . . . . . . . . . . 334
Version par manœuvre externe : en pratique. . . 332 Complications de la version
Stratégies pour augmenter le taux de succès. . . . 333 par manœuvre externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Position de la patiente. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 Intérêt d'une politique de VME :
Manœuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 données scientifiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Surveillance après la version
par manœuvre externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Encadré 27.1 Fiche d'information des patientes : version par manœuvre externe.
Madame, La manipulation de l’abdomen peut provoquer un désagré-
Votre médecin ou votre sage-femme vous a proposé de modifier ment passager, voire une douleur qu’il faudrait alors signaler à
la position de votre bébé par une version. La pré- sente feuille l’accoucheur. Très rarement, certains incidents peuvent sur- venir
a pour but de renforcer les informations qui vous ont été au cours ou au décours immédiat de la version : perte des eaux,
apportées oralement par le médecin ou la sage-femme afin de saignements par le vagin, contractions de l’utérus. Ces situations
vous expliquer les principes, les avan- tages et les inconvénients peuvent parfois nécessiter de rester hospitalisée en surveillance.
potentiels de la version qui a été conseillée. Exceptionnellement, des anomalies du rythme cardiaque fœtal
peuvent nécessiter d’extraire rapidement le bébé par césarienne.
Qu’est-ce qu’une version par manœuvre externe ?
Un contrôle du rythme cardiaque fœtal est réalisé avant la sortie
La version par manœuvre externe consiste à retourner un et généralement quelques jours après la version.
fœtus qui se présente par le siège (fesses en bas) ou en posi-
tion transverse pour lui amener la tête en bas, dans la position En pratique
habituelle pour un accouchement normal. ■
l Vous aurez un rendez-vous à la maternité le jour de la version.
La version se fait par manipulation du fœtus à travers le ven- ■
l La version est précédée du contrôle de la présentation et d’un
tre de la mère par l’accoucheur. Après vérification de la position enregistrement du rythme cardiaque fœtal.
de l’enfant (par palpation et/ou par échographie), les mains de ■
l Un traitement pour faciliter le relâchement de l’utérus est
l’accoucheur aident le fœtus à se retourner tête en bas. parfois nécessaire.
■
l La version elle-même ne dure que quelques minutes.
Quel est l’intérêt d’une version ? ■
l Un contrôle du monitoring ainsi parfois qu’une prise de sang
Au moment de la naissance, près de 5 % des enfants sont en sont effectués ensuite.
présentation du siège. Ce type de présentation nécessite un ■
l En cas de groupe Rhésus négatif, il sera nécessaire de vous
environnement médical. C’est pourquoi la version par manœuvre faire une injection intraveineuse d’immunoglobulines anti-D si
externe peut être proposée. le procréateur est Rhésus positif, pour éviter une incompatibilité
La version peut se pratiquer en général à partir de la 36e semaine. sanguine.
Son taux de succès est de 50 à 60 %. ■
l Après la version, le retour à domicile se fait le jour même.
En cas d’échec de la version, l’accoucheur évaluera les chances ■
l Un nouveau contrôle de la présentation et du monitoring est
de succès d’un accouchement naturel ou la néces- sité éventuelle prévu quelques jours plus tard.
de programmer une césarienne en fonction de votre parité et des Cette feuille d’information ne peut sans doute pas répon- dre à
modes d’accouchement antérieurs, ainsi que de la position du toutes vos . Dans tous les cas, n’hésitez pas à poser à l’accoucheur
fœtus et de son poids estimé. La taille de votre bassin, estimée toutes les questions qui vous viennent à l’esprit en utilisant la
cliniquement, pourra être précisée par radio- ou scanopelvimétrie. case suivante.
Y a-t-il des risques ou inconvénients ? Questions et commentaires :
La version est un acte courant et bien réglé dont le déroule- ment Modèle déposé. Ne peut être modifié sans l’accord du CNGOF. Édition d’avril
est simple dans la grande majorité des cas. 2009.
Chapitre 27. Versions par manœuvre externe 333
Une VME précoce entraîne une réduction du nombre de amples et profonds. Le décubitus latéral, la patiente ayant le
présentations non céphalique à l'accouchement (RR : 0,81 ; dos calé contre un plan dur et l'opérateur étant assis face à
CI à 95% : 0,74–0,90) mais n'entraîne pas de réduction l'abdomen, est utilisé par certains auteurs. Cet artifice pour-
significative du risque de césarienne (RR : 0,92 ; IC à 95 % : rait être utile lorsque le pôle céphalique, logé dans la corne
0,85–1,00). De plus, une VME précoce entraîne un excès de utérine droite, est difficile à mobiliser.
risque de mise en travail prématuré (RR : 1,51 ; IC à 95 % :
1,03–2,21). Finalement, les bénéfices d'une VME précoce ne
semblent pas démontrés et la plupart des équipes ont opté Manœuvre
pour une VME vers 36-37 SA. Le premier temps consiste à remonter le siège avec le bord
cubital de la main et à le refouler vers le côté où se trouve
Examen préalable à la version le dos fœtal (figure 27.1.a). Ce temps, qui est aisé lorsque
Un examen clinique doit s'assurer de l'absence de contre- la présentation est mobile, s'avère plus difficile lorsque le
indication et préciser le type de présentation. La vessie doit siège est fixé. La mise en position de Trendelenburg et un
être vidée, un enregistrement simple du rythme cardiaque refoulement prudent avec deux doigts vaginaux sont des
fœtal est réalisé pendant 30 minutes. Une échographie est techniques utilisées par certains et peuvent permettent de
pratiquée ; elle précise la position exacte du fœtus avant, désenclaver la présentation.
pendant et après la manipulation. Elle localise le placenta Une fois le siège refoulé et maintenu dans cette position,
dont l'insertion praevia contre-indique la version. l'autre main repère la tête fœtale pour la fléchir vers la face
ventrale du fœtus puis l'abaisser tandis que le siège est tou-
jours poussé vers le haut (figure 27.1.b). Le franchissement
du diamètre transverse par les deux extrémités fœtales est
Stratégies pour augmenter habituellement marqué par un ressaut qui signe le succès de
le taux de succès la version. Il ne reste plus alors qu'à orienter la tête vers le
détroit supérieur.
De nombreuses équipes utilisaient des bêtamimétiques Dans quelques cas, la version, en utilisant le sens de la
avant la tentative afin de relâcher l'utérus, de faciliter le repé- rotation classique, est impossible. Un essai doit être fait
rage des pôles fœtaux et leur préhension et d'éviter d'éven-
tuelles contractions induites par la manœuvre. L'utilisation
de tocolytiques (Ritodrine® 111 μg/min en perfusion de plus
de 20 min) semblait améliorer le taux de succès des versions
chez la nullipare après 36 SA qui passe de 25 à 43 % dans un
petit essai [11]. La quasi-disparition des bêtamimétiques en
obstétrique associée au niveau preuve faible (voir données
scientifiques plus loin) quant à leur bénéfice réel en cas de
VME a conduit de nombreuses équipes à ne plus les utiliser
avant une VME.
La réalisation de la VME sous anesthésie péridurale ne
semble pas avoir une efficacité très supérieure avec l'incon-
vénient d'alourdir la technique et peut-être d'augmenter des
complications graves et rares compte tenu de la force que
l'opérateur pourrait exercer grâce à une analgésie parfaite
[5,13]. Une méta-analyse montre que si l'échec de la version
est diminué dans le groupe péridurale (RR : 0,61 ; IC à 95 % :
0,43-0,86), il n'existe aucune différence sur le taux de pré-
sentation céphalique au moment du travail (RR : 1 ; 63 ; IC à
95 % : 0,75–3,53), ni sur le taux de césarienne (RR : 0,74 ; IC
à 95 % : 0,40–1,37) [2].
Cette méta-analyse de la Cochrane a repris l'ensemble
des essais ayant testé l'apport de différentes stratégies
(tocolytiques, péridurale, hypnose, moxibustion, position
maternelle, dérivés nitrés, stimulation vibroacoustique,
amnio-infusion, etc.) pour améliorer le succès de la tenta-
tive de VME et conclut qu'aucune de ces techniques ne peut
être recommandée avec un niveau de preuve suffisant [2].
IC à 95 % : 1,6-2,9), un excès d'extraction instrumentale [6] Hofmeyr GJ, Kulier R. External cephalic version for breech presenta-
(OR : 1,4 ; IC à 95 % : 1,1–1,7). La raison de ce pronostic tion at term. Cochrane Database Syst Rev 2012 ; 10 : CD000083.
moins favorable n'est pas claire mais pourrait être due à [7] Hutton EK, Hofmeyr GJ, Dowswell T. External cephalic version for
breech presentation before term. Cochrane Database Syst Rev 2015 ;
la tonicité de l'utérus, la forme du bassin ou la fragilité du
7 : CD000084.
fœtus. Les auteurs concluent cependant qu'il faut faire trois [8] Kok M, Cnossen J, Gravendeel L, et al. Clinical factors to predict the
VME pour éviter une césarienne. outcome of external cephalic version : a metaanalysis. Am J Obstet
La tentative de VME est donc une intervention efficace Gynecol 2008 ; 199 : 630e1–7. discussion e1-5.
pour réduire le taux de césarienne dans les sièges. [9] Lau TK, Lo KW, Wan D, et al. Predictors of successful external cepha-
lic version at term : a prospective study. Br J Obstet Gynaecol 1997 ;
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on the success rate of external cephalic version : a randomized trial.
Obstet Gynecol 1999 ; 93 : 345–9.
Chapitre
28
Déclenchement artificiel
du travail
M. Doret
PLAN DU CHAPITRE
Déclenchement artificiel du travail sur Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
enfant vivant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Déclenchement du travail en cas de mort
fœtale in utero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Déclenchement artificiel
OBJECTIFS
du travail sur enfant vivant
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• d'expliquer les risques maternels et fœtaux liés au Indications de déclenchement
déclenchement ; (tableau 28.1)
• d'énumérer les indications et contre-indications du Le déclenchement est réalisé soit parce qu'il existe un béné-
déclenchement ; fice pour la mère ou l'enfant à mettre fin à la grossesse
• de sélectionner les patientes dont le déclenchement peut (déclenchement d'indication médicale), soit pour des rai-
être tenté avec de réelles chances de succès ; sons organisationnelles, sociales ou psychologiques sans
• de surveiller un accouchement déclenché, de prévenir et qu'il y ait d'indication médicale (déclenchement de conve-
de traiter les éventuelles anomalies du travail ; nance ou d'opportunité).
• de discuter les différents moyens de déclenchement
du travail, leurs avantages, leurs inconvénients, leurs
indications et contre-indications. Tableau 28.1. Indications du déclenchement.
Indications médicales Indications de convenance
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 337
338 Partie V. Techniques obstétricales
Déclenchement d'indication médicale diabétiques. La HAS indique qu'en cas de diabète insu-
Il est envisagé lorsque le bénéfice pour le fœtus ou la mère à linodépendant, le déclenchement relève d'une décision
abréger la grossesse est supérieur à une attitude expectative, pluridisciplinaire au cas par cas. Si le diabète est mal
qui peut potentiellement prolonger la grossesse de plusieurs équilibré ou avec retentissement fœtal, il est recommandé
semaines. Le bénéfice pour le fœtus doit être évident au vu de ne pas dépasser 38 SA + six jours [28]. En cas de dia-
du risque d'échec de déclenchement conduisant à une césa- bète gestationnel, un déclenchement sera envisagé en cas
rienne, ou du risque de d'hypoxie fœtale pendant le travail, de diabète mal équilibré ou de macrosomie fœtale. Il sera
qui pourrait alors plutôt conduire à choisir une césarienne programmé à partir de 39 SA du fait d'une augmentation
d'emblée. En 2003, en France, il représentait 75 % des indi- du risque de détresse respiratoire avant ce terme. Dans le
cations de déclenchements [26]. autres cas, il n'y a pas d'argument qui justifie une conduite
Les indications de déclenchement d'indication médi- à tenir différente de celle d'une grossesse normale [13,
cale sont en perpétuelle évolution du fait de l'évolution des 28]. Noter que la macrosomie chez la femme non diabé-
connaissances et des risques liés aux différentes situations tique n'est pas une indication de déclenchement [28, 35] ;
obstétricales. Ainsi, si les recommandations du CNGOF ■ le retard de croissance intra-utérin (3,7%) [26]. Les
datent de 1995 et celle de la HAS de 2008, de nombreuses recommandations les plus récentes sont celles du
recommandations pour la pratique clinique (RPC) publiées CNGOF publiées en 2013 [37] : « En comparaison du
depuis, concernant une situation obstétricale particulière fœtus de poids normal pour l'âge gestationnel, le fœtus
(par exemple le diabète gestationnel en 2010), viennent porteur d'un RCIU est un fœtus fragilisé pour qui l'ac-
compléter ces données [12, 28]. Les RPC françaises sont couchement représente une période à risque d'acidose
consultables en accès libre sur le site du CNGOF [16] et sur métabolique ou d'asphyxie périnatale […] Bien qu'à un
le site de la HAS [27]. terme précoce le recours à la césarienne soit fréquent, il
À l'heure actuelle, les principales indications sont : n'existe pas de preuve de la supériorité de la césarienne
■ la grossesse prolongée et le dépassement du terme. systématique par rapport à la voie vaginale, en parti-
C'est la principale cause de déclenchement d'indication culier quand la patiente est en travail. Un déclenche-
médicale en France (31,9 %) [26]. Quinze à 20 % des ment, même sur col défavorable, est envisageable sous
patientes n'ont pas accouché avant 41 SA. Le déclenche- surveillance continue du rythme cardiaque fœtal dans
ment est recommandé à partir de 41 SA car il réduirait la les situations obstétricales favorables et en l'absence de
mortalité périnatale (qui augmente d'autant plus que la perturbations hémodynamiques fœtales sévères. » Les
grossesse se prolonge au-delà de 42 SA), sans augmenter indications de naissance sont issues d'un faisceau d'argu-
le risque de césarienne [15, 28, 35]. En 2011, en l'absence ments incluant l'âge gestationnel, la sévérité du RCIU et
de pathologie, le CNGOF recommandait de proposer un des perturbations Doppler, de l'enregistrement du RCF
déclenchement à partir de 41 SA, après avoir informé la et de l'état maternel (association ou non à une préé-
patiente des bénéfices et risques du déclenchement et de clampsie) [39] ;
l'expectative [15] ; ■ les grossesses gémellaires. Le risque de complications
■ la rupture prématurée des membranes (21,3 % des obstétricales augmentent au troisième trimestre, justi-
déclenchements d'indication médicale) [26]. Selon les fiant une surveillance rapprochée et un déclenchement
recommandations de la HAS de 2008, si les conditions de l'accouchement à partir de 38 SA et avant 40 SA pour
cervicales sont favorables, un déclenchement immé- les grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques non
diat peut être envisagé avec l'accord de la patiente. compliquées, à partir de 36 SA sans dépasser 38 SA + six
L'expectative, sauf exception, ne devrait pas excéder jours pour les grossesses monochoriales biamniotiques.
48 heures (voir 24 heures en cas de portage chronique Pour les grossesses monochoriales monoamniotiques, la
de streptocoque B) car le risque de chorioamniotite et césarienne est privilégiée (entre 32 et 36 SA) [14].
d'infection néonatale et d'endométrite augmente avec le Il existe beaucoup d'autres indications, moins fré-
délai entre la rupture et la naissance. Une antibiothérapie quentes, qu'elle soient fœtales (par exemple l'allo-immu-
sera instaurée dès la rupture en cas de portage de strepto- nisation fœtomaternelle, certaines malformations fœtales
coque B et systématiquement à partir de 12 heures [28] ; pour une organisation optimale de la prise en charge
■ la prééclampsie et l'hypertension artérielle gravidique chirurgicale) ou maternelles comme dans les pathologies
(9,2 % des déclenchements d'indication médicale) [26]. maternelles chroniques susceptibles de s'aggraver avec la
La naissance est le seul traitement curatif. Le choix entre grossesse et plus particulièrement au troisième trimestre
déclenchement et césarienne dépendra des chances de (par exemple certaines cardiopathies, pneumopathies),
succès du déclenchement et de l'état fœtal. Un déclen- ou lorsqu'un traitement maternel nécessite une inter-
chement n'est concevable qu'en l'absence d'altération du ruption ou un changement de traitement pour une durée
rythme cardiaque fœtal. Selon les recommandations de la limitée (par exemple anticoagulant à dose curative chez
HAS, une hypertension artérielle isolée, sans signes fonc- les femmes avec une valve mécanique), ou encore devant
tionnels, une hyperuricémie ou une protéinurie isolées la nécessité de débuter rapidement un traitement toxique
ne constituent pas une indication de déclenchement du pour le fœtus dans l'intérêt maternel (par exemple le can-
travail ; une surveillance est cependant nécessaire [28] ; cer). Dans ces cas, les modalités du déclenchement et son
■ le diabète de type 1 ou 2 et le diabète gestationnel (4,2 terme optimal seront discutés au cas par cas avec les dif-
%) [26]. Les risques de mort fœtale in utero inexpliquée férents professionnels en charge de la patiente et/ou de
et de macrosomie sont plus importants chez les femmes l'enfant à naître.
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail 339
décollement unique ou itératif, objectif fixé, etc.). Lorsque En dehors des contre-indications au déclenchement, il
le décollement des membranes est comparé à l'expectative n'existe pas de contre-indication spécifique à l'ocytocine.
entre 37 et 42 SA, il augmente de 23 % la probabilité d'entrer
en travail dans les 48 heures et de 29 % dans la semaine. Prostaglandines
Une politique de décollement entre 38 et 40 SA réduirait de
41 % le risque de dépassement de terme (> 41 SA) et de 72 % Prostaglandine E2 par voie vaginale
le risque d'atteindre 42 SA. Le décollement diminuerait de En France, elle est utilisée sous forme de gel intravaginal ou
40 % le recours aux méthodes de déclenchement dites « clas- de dispositif intravaginal à libération prolongée.
siques » [9]. En réalisant un décollement chez huit patientes, La Prostine E2® (dinoprostone) est présentée sous forme
on évitait un déclenchement « classique ». de gel vaginal dans une seringue prête à l'emploi, contenant
En revanche, le décollement est douloureux. Il peut pro- 1 ou 2 mg de dinoprostone. Le gel est placé dans le cul-de-
voquer des saignements et augmente le risque de dystocie de sac vaginal postérieur et peut être renouvelé toutes les six
démarrage. La patiente doit en être informée. Il n'y a aucune heures, sans dépasser deux poses.
différence en termes de rupture des membranes avant tra- Le Propess® (dinoprostone) est un dispositif se présen-
vail, de fièvre maternelle pendant le travail, d'infection néo- tant comme une bandelette souple que l'on place dans le
natale, de césarienne, d'extraction instrumentale [9, 36, 43]. cul-de-sac postérieur du vagin. Il contient 10 mg de dino-
Les études comparant le décollement aux prostaglandines prostone mêlé à un hydrogel permettant une libération
sont peu informatives compte tenu des faibles effectifs et des prolongée (0,3 mg/h). Le dispositif peut être laissé en place
différents types de prostaglandines utilisées (intravaginale pendant 24 heures. Il sera retiré en cas de mise en travail,
en gel ou insert, intracervicales) [9, 36]. d'hyperstimulation, d'anomalie du RCF ou de rupture des
membranes car l'inondation par une grande quantité de
liquide est susceptible de modifier la cinétique de libéra-
Ocytocine en perfusion intraveineuse tion du produit, conduisant à des hyperstimulations. En
L'ocytocine synthétique (Syntocinon®) est identique à l'ocy- revanche, la rupture des membranes antérieure à la pose
tocine naturelle et présente les mêmes propriétés phar- n'est pas une contre-indication. Le dispositif doit être retiré
macologiques. Elle augmente la fréquence et l'intensité 30 minutes avant le début d'une perfusion d'ocytocine.
des contractions utérines mais elle n'a aucune action de D'autres prostaglandines existent (la prostaglandine
maturation sur le col. L'association à une rupture des mem- E2 par voie intraveineuse [Prostine E2® en solution et l'ana-
branes précoce réduit le délai déclenchement-naissance et logue de la prostaglandines E2, Nalador®]) mais elles sont
augmente le nombre de naissance dans les 24 heures [1]. Le formellement contre-indiquées pour la maturation cervicale
risque de procidence du cordon existe mais il est très faible à terme en raison de l'hyperstimulation qu'elles entraînent
et d'autant plus que la présentation est appliquée. Les infec- et du risque majeur d'asphyxie fœtale. Les prostaglandines
tions fœtales et maternelles sont rares si une antibiothérapie intracervicales (Prepidil®) ne sont plus utilisées en France.
est réalisée selon les protocoles en vigueur. Globalement, les PGE2 favorisent les modifications cer-
Avec un col favorable, l'induction du travail par ocyto- vicales dans les 12 à 24 heures comparé au placebo (80 %
cine permet d'obtenir un accouchement par voie vaginal versus 59 %) et augmentent le taux d'accouchement par voie
dans les 24 heures dans 90 % des cas, sans augmenter signi- vaginale dans les 24 heures (80 %) par rapport à l'expecta-
ficativement le taux de césarienne par rapport à un travail tive ou au placebo (0 à 1 %) [42].
spontané (11,5 % versus 9,5 %) [1]. En cas de col défavorable, il n'y a pas d'augmentation
Avec un col défavorable, en comparaison avec les pros- significative du risque de césarienne par rapport à un pla-
taglandines E2 intravaginale, le taux de césarienne est aug- cebo ou à l'expectative (20,6 % versus 23,5 %), pas de modi-
menté si les membranes sont intactes (32,9 % versus 13,5 %), fication du recours à l'ocytocine pendant le travail et pas
sauf en cas de rupture prématurée des membranes avant le d'augmentation du risque d'hémorragie du post-partum.
début du déclenchement (10,9 % versus 10,7 %) [19]. En Le gel intravaginal de PGE2 favorise les modifications du
comparaison avec le déclenchement par misoprostol par col dans les 12 à 24 heures (73,5 % versus 51,7 %) mais il
voie orale, le taux de césarienne est significativement aug- augmente le risque d'hyperstimulation avec anomalies du
menté, de l'ordre de 23 % [2]. RCF (4,75 % versus 0,5 %) [42]. Comparé aux fortes doses,
l'application de faible dose de PGE2 ne modifie pas le risque
de césarienne mais a tendance à réduire le risque d'hypers-
timulation avec ARCF (3 % versus 20 %) [42]. Le dispositif
Tableau 28.3. Méthodes de déclenchement avec intravaginal à libération prolongée de PGE2 semble avoir
enfant vivant ayant démontré leur efficacité. une efficacité similaire au gel mais il est moins douloureux
[44].
Méthodes physiques Méthodes médicamenteuses Lorsque le col est favorable, des essais randomisés ont
Décollement des membranes Ocytocine IV (Syntocinon®) montré une efficacité comparable de l'ocytocine et des pros-
Ballonet Prostaglandines : taglandines [42].
Amniotomie – voie vaginale : dinoprostone
Stimulation mamelonnaire (Prostine E2®, Propess®)
– misoprostol (Cytotec®) Prostaglandine E1
Voie orale : misoprostol Le misoprostol (Cytotec®) est une prostaglandine E1 (PGE1)
(Cytotec®)
de synthèse qui est capable d'induire le travail et la matura-
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail 341
tion du col. Il est utilisable par voie vaginale ou orale, bien – si le score de Bishop est inférieur ou égal à 3 : envisager
qu'il n'ait pas d'AMM dans cette indication [23]. Il a l'avan- un autre mode de maturation si le temps le permet ou
tage d'être très bon marché et de se conserver à la tempéra- une césarienne.
ture ambiante. En 2008, dans les recommandations de la HAS, l'utili-
Comparé au placebo, le misoprostol par voie orale aug- sation de la sonde de Foley n'était pas recommandée en
mente le taux d'accouchement par voie vaginale dans les routine dans le déclenchement artificiel du travail. Depuis,
24 heures (93,6 % versus 59,2 %) et réduit de 30 % le risque plusieurs publications ont montré que la maturation méca-
de césarienne [2]. Il réduit le recours à l'ocytocine pendant le nique est aussi efficace que les PGE2 et le misoprostol par
travail de près de 60 %. L'efficacité de la voie vaginale semble voie vaginale (même taux d'accouchement par voie vagi-
identique à la voie orale pour les accouchements par voie nale et de césarienne) mais avec un risque d'hypercinésie
basse dans les 24 heures et le taux de césarienne [23, 42, 43]. et d'hémorragie du post-partum moindre [29, 30]. La
Comparé au gel de PGE2 intravaginal, le taux d'accou- durée du déclenchement est plus longue mais la réévalua-
chement par voie vaginale dans les 24 heures est similaire tion du col se fait 12 à 24 heures après la pose, alors que
mais le taux de césarienne est diminué de 22 % avec le ce délai n'est que de six heures pour la PGE2 et trois à six
misoprostol par voie orale [2]. Plusieurs études randomisées heures pour le misoprostol, permettant une poursuite du
ont montré que le délai déclenchement-naissance était plus déclenchement plus précoce. La maturation par double
court avec le misoprostol par voie orale qu'avec les PGE2 en ballonnet n'est pas plus efficace que la maturation par
gel intravaginal ou en dispositif à prolongation libérée. simple ballonnet.
En revanche, le risque d'hyperstimulation avec ou sans En plus des contre-indications au déclenchement, il existe
ARCF est accru avec le misoprostol, et ce d'autant plus que des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale
la dose utilisée est importante [43], avec, dans un étude mécanique. Elle ne doit pas être utilisée en cas de rupture
française, une augmentation significative du risque d'aci- prématurée des membranes du fait d'un risque infectieux
dose néonatale [38]. maternel accru. À membranes intactes, le portage de strep-
Les recommandations du CNGOF de 2014 pour le tocoque B n'est pas une contre-indication.
déclenchement sur fœtus vivant proposent d'utiliser le
misoprostol par voie vaginale, à la dose de 25 μg, toutes les Autres méthodes
trois à six heures [23].
Les donneurs de NO ne sont pas efficaces pour induire le
En plus des contre-indications au déclenchement, il existe
travail à terme sur enfant vivant [41]. La stimulation mame-
des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale
lonnaire semble efficace pour induire le travail dans les 72
par prostaglandines. Elles sont proscrites en cas d'allergie
heures chez les patientes avec un col favorable, mais moins
aux prostaglandines, d'asthme et de glaucome. Elles ne
que l'ocytocine [31].
doivent pas être utilisées en cas d'utérus cicatriciel car elles
L'amniotomie seule, l'acupuncture, les rapports sexuels et
sont associées à une augmentation du risque de rupture
l'homéopathie n'ont pas été suffisamment évaluées.
utérine [18]. En revanche, elles n'augmentent pas le risque
infectieux maternel ou fœtal en cas de rupture prématurée
des membranes [42]. Choix de la méthode de déclenchement
Un élément clé : l'appréciation de l'état de maturité
Maturation mécanique du col (tableau 28.4)
La maturation mécanique peut se faire à l'aide d'une sonde L'appréciation des caractéristiques physiques du col utérin
Foley (au moins 30 ml), de Dufour no 18, d'un ballon de Cook constitue un des éléments essentiels à analyser pour déter-
glissé à travers le col ouvert). Ces dispositifs sont à usage miner les modalités de déclenchement et la chance de réus-
unique et doivent être posés dans des conditions d'asepsie site. En effet, ces caractéristiques conditionnent, pour une
stricte après badigeonnage du vagin et du col à la Bétadine®. motricité utérine donnée, la vitesse de dilatation jusqu'à
Avant la pose, il faut tester la résistance du ballonet, puis : 5 cm. Au-delà, cet élément devient secondaire par rapport
■ tenir le dispositif à l'aide d'une pince désinfectée et l'in- aux autres facteurs que sont la posture de la parturiente, la
troduire doucement dans le col ; position de la présentation, le poids du fœtus et les dimen-
■ veiller à ce que le ballonnet gonflable se trouve au-delà de sions du bassin.
l'orifice interne ; Un col défavorable est un col qui expose à une aug-
■ gonfler le ballonnet avec un minimum de 30 cm3 d'eau mentation significative du risque de césarienne en cas de
stérile jusqu'à 60 cm3 idéalement ; déclenchement par ocytocine, sans phase de maturation
■ fixer le dispositif sur la cuisse de la patiente sans traction ; cervicale préalable. Le seuil définissant un col favorable
■ enlever le ballonet au bout de 12 ou 24 heures (en fonc- reste incertain. Il semblerait qu'un score de Bishop infé-
tion de la tolérance maternelle, de l'activité utérine et du rieur ou égale à 5 soit associé à une augmentation signi-
degré d'urgence pour la naissance) puis réévaluer : ficative du risque d'échec de déclenchement et définisse
– si le score de Bishop est supérieur ou égal à 6 : rupture donc un col défavorable. En France, une enquête récente
des membranes et perfusion d'ocytocine ; a montré qu'un score de Bishop supérieur ou égal à 7 était
– si le score de Bishop est entre 4 et 5 : possibilité de considéré comme favorable pour 90 % des maternités
déclenchement par rupture des membranes et perfusion interrogées [3].
d'ocytocine en fonction des antécédents obstétricaux et À l'heure actuelle, la supériorité de l'échographie du col
des données obstétricales ; (longueur, angle cervical) ou de la distance tête-périnée sur
342 Partie V. Techniques obstétricales
le score de Bishop pour prédire le succès d'un déclenche- maturation par les prostaglandines et pourra donc envisager
ment n'a pas été démontrée [21, 22]. d'emblée [1].
discuté au cas par cas, avec des méthodes similaires au régulières toutes les trois minutes ou un débit maximal de
déclenchement à terme. L'utilisation du misoprostol qui 20 mUI/minutes (soit 120 ml/h ou 12 ml/h). Les protocoles
n'a pas d'AMM dans cette indication, de la dinoprostone peuvent différer légèrement d'un service à l'autre avec un
en dispositif intravaginal à libération prolongée qui a une débit initial et des paliers compris entre 1 à 4 mUI/h, mais la
AMM au-delà de 38 SA et du ballonnet ne semble pas judi- progression lente et la dose maximale doivent être respectées.
cieuse. Les PGE2 en gel intravaginal et l'ocytocine seront L'amniotomie doit être réalisée précocement pour
privilégiées. réduire la durée du déclenchement et la quantité totale d'ocy-
tocine administrée. Elle ne doit être réalisée que lorsque la
Déroulement du déclenchement perfusion d'ocytocine a induit des contractions régulières,
Avant de débuter le déclenchement toutes les trois à quatre minutes, et à condition que le col
Information de la patiente (encadré 28.1) soit ouvert, quelle que soit la dilatation. Elle ne doit pas être
Quelle que soit l'indication, la patiente et son conjoint réalisée sur une présentation haute et mobile, surtout si la
doivent être informés de l'indication, des modalités et des dilatation est avancée. Ces conditions sont généralement
résultats attendus du déclenchement. L'utilisation de médi- réunies 30 à 60 minutes après le début de la perfusion.
cament hors AMM doit être clairement expliquée. Un docu- La surveillance comprend un monitorage continu du
ment comme celui préparé par le CNGOF peut leur être rythme cardiaque fœtal et des contractions utérines [17].
remis après avoir été commenté et avoir répondu aux ques- L'efficacité de la perfusion est jugée sur les modifica-
tions du couple. tions cervicales. Lorsqu'une activité utérine régulière entraî-
L'accord de la patiente doit être indiqué clairement dans nant une dilatation du col d'au moins 1 cm/h est obtenue,
le dossier. L'obstétricien en charge du déclenchement est le débit est maintenu stable. Le débit efficace et la quantité
responsable de cette information. totale d'ocytocine sont très variables d'une patiente à l'autre.
Il a été monté que l'utilisation d'un protocole d'administra-
tion écrit basé sur la réponse clinique (RCF et évaluation de
Hospitalisation la contractilité utérine) plutôt que sur des débits ou doses de
Le déclenchement du travail, quelle que soit la méthode, perfusion permettait de réduire les doses injectées d'environ
se fait en hospitalisation car les études n'ont pas permis de 20 %, sans modifier la durée du travail [43]. La dose efficace
s'assurer de l'innocuité d'un déclenchement conduit à domi- minimale doit être utilisée car il a été montré que l'utilisa-
cile [32]. tion de forte dose d'ocytocine augmentait significativement
le risque d'hyperstimulation sans modifier le taux de succès
Disponibilité des moyens ou réduire le délai déclenchement-naissance [10].
En cas d'hypercinésie de fréquence sans anomalies du
Il faut s'assurer de la disponibilité des moyens nécessaires à rythme cardiaque fœtal, le débit doit être réduit. En cas
la surveillance maternelle et au monitorage de la fréquence d'hypertonie ou de RCF pathologique, la perfusion doit
cardiaque fœtale et de la contractilité utérine. Il doit être être arrêtée immédiatement. Une tocolyse d'urgence com-
possible de réaliser une césarienne en urgence dans un délai plémentaire peut être nécessaire. Cette tocolyse peut être
raisonnable. réalisée par les dérivées nitrés, qui ont remplacés les bêtami-
métiques induisant de nombreux effets secondaires mater-
Évaluation de l'état fœtal nels. La trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/ml, à diluer
Un monitorage fœtal doit être réalisé immédiatement avant 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine à 50 μg/ml)
le déclenchement. Le RCF doit être normal, en dehors peut être injectée en intraveineuse directe à la dose de 100
des rares indications de déclenchement pour anomalies à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une à deux minutes
mineures du RCF. [20]. En cas d'échec, le traitement de référence reste l'anes-
thésie générale avec de fortes concentrations d'halogénés.
Antibioprophylaxie contre le streptocoque B
Elle est identique à celle du travail spontané. En cas de maturation cervicale
Selon l'organisation locale, la patiente est installée à proxi-
Conduite du déclenchement mité d'une salle de césarienne (salle de travail, de prétravail
ou service proche) et un monitorage fœtal continu doit être
En cas de déclenchement par ocytocine réalisé pendant au moins deux heures après l'administration
La patiente est installée en salle de travail, à jeun si le déclen- du produit choisi. En l'absence d'anomalie, le monitorage
chement est programmé. peut être ensuite intermittent jusqu'au début du travail.
La perfusion d'ocytocine est débutée à la dose d'une En l'absence de mise en travail et en fonction de l'urgence
ampoule (1 cm3 = 5 UI) diluée dans 500 cm3 de sérum glu- de la naissance, la situation pourra être réévaluée toutes les
cosé isotonique avec une pompe péristaltique (débit 15 ml/h trois à six heures avec le misoprostol, toutes les six heures
= 2,5 mUI/min) ou dans 49 cm3 avec un pousse-seringue avec la PGE2 en gel intravaginal, toutes les 12 heures avec
électrique (débit 1,5 ml/h = 2,5 mUI/min). Le débit initial le dispositif intravaginal à libération prolongée ou un
est de 2,5 mUI/min et sera maintenu 20 à 30 minutes pour ballonnet.
apprécier la réponse utérine qui est propre à chaque patiente. Si le col n'est toujours pas favorable, la prise de misoprostol
Le débit est ensuite augmenté de 2,5 mUI/min toutes les 15 peut être renouvelée deux fois le premier jour et trois fois le
à 30 minutes jusqu'à l'obtention de contractions utérines deuxième jour. La pose de gel de PGE2 peut être renouvelée
344 Partie V. Techniques obstétricales
un doigt, puis 12 heures plus tard, l'administration de miso- de cette phase de l'accouchement peut être discuté avec la
prostol per os est débutée à la dose de 200 à 400 μg toutes les patiente au cours du travail, afin de s'adapter à son souhait.
trois à quatre heures (réduite à 100 à 200 μg en cas d'utérus En général, il est préférable de disposer des champs de façon
cicatriciel), avec amniotomie précoce. Dès l'administration à ce que la patiente n'assiste pas en direct à l'accouchement
de misoprostol, la patiente est hospitalisée dans un secteur de ce nouveau-né sans pour autant le lui camoufler.
permettant la pose d'une péridurale et la surveillance mater- Dans de très rares cas, il est nécessaire de faire un geste
nelle adaptée. L'analgésie péridurale peut être mise en place complémentaire comme une craniocentèse en cas d'hydro-
précocement (avant même l'administration du misoprostol) céphalie. Elle sera réalisée par voie vaginale si la présenta-
afin de limiter la douleur, le stress et de ne pas renforcer la tion est céphalique et par voie abdominale à l'aiguille de
douleur psychique de la patiente. En cas d'échec après trois Tuohy (aiguille utilisée pour la péridurale) s'il s'agit d'une
à quatre prises, le déclenchement sera arrêté (même si les présentation du siège.
membranes sont rompues) et repris le lendemain. L'antibioprophylaxie n'est pas systématique et dépend,
comme pour un accouchement d'un enfant vivant, de la
durée du travail ou de la survenue de fièvre.
À terme
Si le col est favorable, la perfusion d'ocytocine associée à une
amniotomie précoce sera utilisée d'emblée. Après l'expulsion
Si une maturation cervicale est nécessaire, le même pro- Après l'expulsion, la révision utérine n'est pas systématique.
tocole que précédemment peut être utilisé mais la dose de Elle sera effectuée en fonction du terme de l'interruption,
misoprostol sera réduite (100 μg/prise). Il est également de l'aspect du placenta, de l'existence d'un saignement.
possible d'utiliser un protocole semblable à celui de l'enfant Concernant la délivrance artificielle, dans les recommanda-
vivant à terme, avec la même prudence en ce qui concerne tions pour la pratique clinique de 2014 du CNGOF, il est
l'utérus cicatriciel. précisé qu'« en cas de non-délivrance, il est recommandé de
Quel que soit le terme, en cas d'échec de ce protocole pratiquer une délivrance artificielle en l'absence de saigne-
après 48 heures de misoprostol, l'utilisation de sulprostone ment entre 30 et 60 minutes après l'accouchement (accord
(Nalador®) peut être exceptionnellement nécessaire si les professionnel) » [40]. Elle sera d'autant plus fréquente que le
conditions cervicales restent défavorables, ne permettant terme d'accouchement est précoce.
pas la rupture des membranes. On utilise une ampoule de La prévention de l'hémorragie du post-partum est iden-
sulprostone (Nalador®) diluée dans 250 cm3 de sérum salé et tique à celle de l'accouchement normal (voir chapitre accou-
perfusé par voie intraveineuse avec une pompe électrique, chement normal).
en débutant avec un débit de 5 gouttes/min augmenté de
5 gouttes toutes les 20 minutes jusqu'à obtenir une activité
utérine suffisante, le débit maximal étant fixé à 20 gouttes Rencontre du couple et du nouveau-né
par minute. Cette perfusion aura lieu en salle de travail en Il est important, au fil de l'information préalable et dans
surveillant l'activité utérine. L'amniotomie sera la plus pré- l'accompagnement, de prévoir et d'organiser la rencontre
coce possible. Cette perfusion de sulprostone ne sera qu'ex- entre la femme, le père et le nouveau-né, même malformé,
ceptionnellement renouvelée et limitée à trois ampoules. qui aura été habillé. Cette rencontre, dans une démarche
conjointe entre l'obstétricien, les sages-femmes et les pro-
fessionnels qui prennent en charge l'aspect psychologique,
Cas particulier de l'interruption est très importante pour la démarche de deuil. Si la femme
médicale de grossesse refuse de voir son enfant, il en sera fait des photographies
En cas d'IMG avec un fœtus vivant, un fœticide devra être pra- qui seront laissées dans le dossier car parfois, secondaire-
tiqué avant le déclenchement de l'accouchement. Les étapes ment, elle demandera à les voir et cela l'aidera à accepter ce
du déclenchement sont identiques mais le fœticide est clas- deuil (voir chapitre 17).
siquement réalisé la veille de l'administration du misopostol.
Conclusion
Surveillance
Lorsque les conditions locales sont favorables (score de Bishop
La surveillance maternelle est identique à tout accouche-
≥ 7) , le déclenchement par perfusion de Syntocinon® et la rup-
ment (voir chapitre accouchement).
ture artificielle des membranes sont les techniques de choix.
La surveillance de la dilatation doit s'effectuer toutes
Lorsque les conditions locales sont défavorables (score de
les une à deux heures et avant toute réadministration de
Bishop < 7), une maturation du col par les prostaglandines
prostaglandines.
par voie vaginale ou par ballonnet est nécessaire.Les prosta-
glandines sont contre-indiquées en cas d'utérus cicatriciel.
Expulsion
Elle sera réalisée sous anesthésie locorégionale sauf contre-
indication. L'anesthésie générale n'amène pas d'avantages Références
psychologiques pour la femme. Au contraire, elle obture et [1] Alfirevic Z, Kelly AJ, Dowswell T. Intravenous oxytocin alone for cer-
perturbe souvent le travail de deuil. Il faut avoir une analgé- vical ripening and induction of labour. Cochrane Database Syst Rev
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Chapitre
29
Extractions instrumentales :
forceps, spatules, ventouses
J. Lansac, J.-F. Oury, O. Sibony, J.-P. Renner
PLAN DU CHAPITRE
Instruments. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348 Y a-t-il des mesures à prendre pendant le travail
Indications de l'extraction instrumentale. . . . . 353 pour diminuer les extractions instrumentales ?. . . . 354
Contre-indications de l'extraction Réalisation de l'extraction instrumentale . . . . 355
instrumentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 347
348 Partie V. Techniques obstétricales
Il est donc impératif de poursuivre l'enseignement et la Les manches permettent donc de transmettre à la tête
formation en garde par le compagnonnage. L'enseignement fœtale les forces de traction, d'orientation et de flexion
sur des mannequins permet également d'aider à l'utilisation nécessaires à la terminaison de l'accouchement.
des différents instruments et d'en comprendre les indi-
cations mais également de pallier la réduction des temps Principe
d'enseignement en garde. Le forceps permet l'extraction de la tête fœtale sans trauma-
tisme, en imprimant à celle-ci les mouvements de la physio-
logie normale (voir Chapitre 9, « Forceps sur tête dernière »)
Instruments . C'est en ce sens que le forceps, instrument de préhen-
Forceps sion, doit non seulement être considéré comme un instru-
ment de traction, mais aussi d'orientation (par rotation) et
Description de flexion de la tête fœtale.
Nous ne décrirons que les plus utilisés en France : 700
types de forceps sont utilisés dans le monde sans qu'aucune Préhension
étude n'ait montré la supériorité de l'un ou de l'autre. Il en
existe deux grands types, ceux à branches croisées et ceux à Elle doit être à la fois efficace et non dangereuse, nécessitant
branches convergentes. deux conditions préalables :
Ces instruments ont en commun d'être constitués de : ■ il faut avoir fait le diagnostic exact de la présentation
■ deux branches droite et gauche s'articulant de façon avant toute pose de forceps ;
variable ; chaque branche est composée d'une cuillère et ■ la prise doit être aussi symétrique que possible par rap-
d'un manche ; port à l'axe médian de la tête et exercée sur des parties
■ la cuillère qui constitue la partie essentielle du forceps. solides (la saillie des malaires), de telle sorte que la trac-
Elle est formée d'une spatule évidée appelée fenêtre. La tion se fasse selon l'axe occipitomentonnier et que la pré-
fenêtre est constituée d'une branche antérieure, la jumelle sentation ait le plus petit diamètre possible (figure 29.2).
antérieure, et d'une jumelle postérieure, réunies en avant
au niveau du bec. La cuillère présente deux courbures : Orientation
– une courbure céphalique ou courbure sur le plat des- On doit, avec le forceps, s'efforcer de reproduire l'évolution
tinée à s'appliquer sur la tête du fœtus et conçue pour naturelle de la tête dans l'excavation :
correspondre à la convexité des faces latérales de la ■ flexion ;
tête selon un axe occipitomentonnier pour la préhen- ■ rotation en occipitopubien, voire en occipitosacré ;
sion de celle-ci ; ■ asynclitisme.
– une courbure pelvienne ou courbure sur le bord, des-
tinée à s'adapter à la courbure de la filière génitale
(figure 29.1) ;
■ le manche prolonge l'axe de la cuillère et fait un angle
avec celui-ci (courbure pelvienne) ; il est porteur des sys-
tèmes de :
– solidarisation des deux branches ;
– pression exercée sur la tête fœtale ;
– traction, exercée soit directement sur les manches
(forceps de Pajot, de Levret ou de Suzor), soit par l'in-
termédiaire d'un tracteur monté sur deux tigelles soli-
daires de la partie proximale des cuillères (forceps de
Tarnier), voire de lacs (forceps de Demelin, de Suzor).
Fig. 29.3. Forceps de Tarnier articulé [24]. Fig. 29.4. Forceps de Pajot.
350 Partie V. Techniques obstétricales
Les forceps croisés de type Tarnier ou Pajot ne seront pas résentation dans l'axe de la filière pelvienne. L'emploi des
p
utilisés sur les présentations transverses car il est impossible lacs (2 mètres) permet une traction douce et souple et de
d'obtenir une prise symétrique et l'asymétrie expose aux jouer sur l'indépendance des deux branches [14].
traumatismes (embarrures occipitales, paralysies faciales, Les lacs seront préalablement imprégnés de savon liquide
etc.). pour minimiser le frottement avec les tissus maternels et
faciliter leur insertion dans les œillets des jumelles (jumelle
Forceps à branches convergentes : antérieure pour les variétés antérieures, jumelle postérieure
Demelin-Suzor pour les variétés postérieures).
Le forceps de Suzor (figure 29.5) est le plus utilisé en France. Après le passage dans l'œillet, les lacs sont noués à leur
Il s'agit d'un forceps de Demelin n° 8 modifié, mesurant extrémité.
33 cm de long et pesant 440 g. Ce qui caractérise ce forceps est que :
Les deux branches sont parfaitement symétriques : ■ la taille et la convergence des cuillères favorisent un
■ la cuillère évidée ou fenêtre est formée de deux jumelles contact étroit et la possibilité d'une manipulation directe
qui se rejoignent en U au niveau du bec peu accentué. de l'opérateur pour guider la tête dans la filière génitale ;
Elle présente une courbure céphalique de grand rayon ; la ■ l'absence de croisement des branches autorise une pré-
courbure pelvienne est très faible et se termine dans l'axe hension asymétrique (présentation asynclite) ou une
du manche. Chaque jumelle est percée en son centre d'un prise en transverse.
œillet pour le passage de lac servant à la traction ;
■ le manche est droit et léger, et se recourbe vers le bas à
son extrémité où se trouvent les vis d'articulation de la
barre transversale qui solidarise les branches et qui se Spatules de Thierry (figures 29.6 à 29.8)
trouve ainsi dans l'axe des cuillères ; Ce sont des instruments d'orientation et de propulsion et
■ la barre d'articulation (16 cm) en extrémité distale des non de traction, ce qui les différencie des forceps. Ces spa-
manches les écarte plus que les cuillères, d'où la conver- tules doivent êtres considérées comme le prolongement des
gence vers la tête fœtale ; mains de l'obstétricien :
■ la double articulation de la barre avec les manches laisse
les deux branches indépendantes dans le sens longitudi-
nal ; ainsi, les deux cuillères peuvent ne pas s'appliquer à
la même hauteur sur la tête, ce qui permet des prises asy-
métriques, surtout en cas d'asynclitisme et dans la prise
en transverse ;
■ la vis de pression n'a pas de place fixe, elle s'adapte sur les
manches sur lesquels elle glisse et doit être placée près de
la vulve. Elle n'est pas réellement destinée à produire une
pression ; la convergence des branches et la résistance des
tissus maternels suffisent à maintenir le contact avec la
tête. Son emploi évite cependant les risques de dérapage.
La traction peut être appliquée directement par les mains
tenant les manches (doigts sur le bord supérieur, pouces sur A A
le bord inférieur).
On peut également utiliser un système de traction par
l'intermédiaire de lacs glissés dans les œillets situés au milieu Coupe AA
de la convexité des jumelles. Le point d'appui de la traction,
situé du fait de la large courbure céphalique au-delà de la
grande circonférence de la tête, est idéal pour guider la
B B
Coupe BB
C C
Coupe CC
Fig. 29.5. Forceps de Suzor articulé [24]. Fig. 29.6. Spatules de Thierry [24].
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 351
Mode d'action
Les spatules ne sont pas un instrument de préhension mais
se comportent comme deux leviers indépendants mais
d'utilisation synchrone. Elles prennent appui sur la partie
postérieure du malaire fœtal par l'extrémité de leur face dis- se fait aussitôt. Leur extrémité va propulser la tête fœtale qui
tale légèrement concave, avec un couple de déflexion faible glisse entre les cuillères puisqu'elle n'est plus soumise à la
puisque près de l'occiput. résistance des tissus maternels.
Dès la manœuvre commencée en écartant légèrement les L'appui du levier sur la paroi pelvienne suit la progres-
poignées, les spatules vont chercher à fuir vers l'extérieur sion de la présentation.
mais entrent en contact avec la paroi pelvienne et le levier Le point de levier sur la paroi pelvienne se fait spontané-
ment par le tiers proximal de la face convexe des cuillères
(portion céphalique).
Libre entre les cuillères, la tête, ayant progressé, est
confrontée aux contraintes directionnelles de l'excavation.
Si on laisse les spatules revenir librement sous le rap-
pel élastique des tissus maternels, celles-ci se retrouveront
au contact de la tête, se positionnant suivant sa nouvelle
orientation.
Il est donc indispensable, pour suivre correctement le pro-
cessus et conserver cette indication, de ne pas contraindre le
mouvement des spatules (surtout au relâchement).
Les manches doivent rester parallèles, sans torsion selon
leur axe sous peine de mettre en danger les tissus maternels
ou fœtaux et de perdre l'indication directionnelle indispen-
sable à la poursuite du bon trajet (figures 29.9 et 29.10).
La manipulation peut être asymétrique comme dans le
cas où la présentation en transverse ne permet pas d'écar-
ter la spatule postérieure, bloquée par le sacrum. Cette
manœuvre dite du « toboggan » ne mobilise qu'une spatule à
la façon d'un levier, mais sur un trajet et une rotation limitée
à 45°. La spatule postérieure va alors servir de guide ; l'écar-
tement de la spatule antérieure est suffisant pour libérer la
tête qui va glisser et descendre dans le creux de la spatule
Fig. 29.7. Les spatules sont en place, selon l'axe occipitomen- postérieure. Dans le mouvement, la rotation sera amorcée et
tonnier. la spatule postérieure sera déplacée pour suivre l'évolution
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352 Partie V. Techniques obstétricales
Contre-indications
Les ventouses obstétricales connaissent des contre-indica-
tions qui leur sont propres :
■ la prématurité (< 36 SA) ;
■ l'existence de troubles de la coagulation chez le fœtus : throm-
bopénies, hémophilie, prise de phénobarbital par la mère ;
Fig. 29.9. Variation de l'axe de traction avec la progression de la ■ la présence de scarifications du cuir chevelu du fœtus
présentation. Les tractions s'exercent dans l'axe occipitomentonnier, pendant le travail (pH ou électrode) ;
amenant le sous-occiput sous la symphyse pubienne. En cartouche : ■ une présentation du front, de la face, du siège ou
1. Manière de tenir la spatule lors de l'extraction. 2. Manière de tenir transverse.
la spatule pour la retirer lors du dégagement. Une volumineuse bosse sérosanguine constitue une
contre-indication relative [27].
Avantages
Les ventouses obstétricales semblent particulièrement
adaptées aux arrêts de progression de la présentation par
déflexion, en particulier dans les variétés transverses et
postérieures. En effet, elles permettent un complément de
a b flexion qui rend possible la poursuite de la rotation dans
l'excavation. Les séquelles concernant la continence anale
seraient moindres qu'avec le forceps [26].
Inconvénients
Ce sont :
■ les lésions du cuir chevelu : hématomes sous-cutanés,
céphalhématome, plus fréquents (14-16 %) qu'avec le for-
c d ceps 2 % [1] ;
■ le dérapage ;
Fig. 29.10. Manœuvre du toboggan en présentation occipito-
■ l'échec conduisant à l'utilisation d'un forceps ; certains en font
iliaque droite postérieure. a. Spatules en place. b. La spatule
antérieure est amenée vers la cuisse droite. c. Élévation de la spatule
un test justifiant plutôt une césarienne si la tête est haute ;
droite. d. Rétablissement du parallélisme des spatules. ■ les hémorragies rétiniennes plus fréquentes avec le
vacuum (38 %) qu'avec le forceps (17 %) [1] ;
■ les hémorragies cérébroméningées (0,3 à 4 %) qui ne
semblent pas plus fréquentes qu'avec le forceps ; il est dif-
de l'ovoïde fœtal jusqu'à ce qu'elle retrouve une mobilité ficile de dire si elles sont liées à l'instrument lui-même ou
permettant de recourir à une manipulation symétrique. à la souffrance qui a conduit à son utilisation.
Les avantages et les inconvénients de ces différents ins- Dans certains pays, les ventouses ont remplacé le for-
truments sont résumés dans le tableau 29.1. Les forceps ceps en raison de leur facilité d'emploi et de leur réputation
entraînent plus de déchirures périnéales sévères que les ven- d'innocuité. Une méta-analyse a montré que leur utilisation
touses mais moins de céphalhématomes et de dystocies des était associée à moins de lésions périnéales maternelles,
épaules [6]. moins d'anesthésies et moins de césariennes. Les études
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 353
faites sur les enfants jusqu'à l'âge de 10 ans n'ont pas montré of Gynecology and Obstetrics fait actuellement l'objet d'un
de différences sur le développement psychomoteur, que l'ac- essai de phase 1 en Australie et en Nouvelle-Zélande [3].
couchement ait été spontané, avec forceps ou ventouse [1].
Indications de l'extraction
Le dispositif d'Odon
instrumentale
C'est un nouvel outil d'extraction instrumentale créé par un
Argentin, Jorge Odon. Peu coûteux, il est fabriqué à partir Elles sont rapportées dans le tableau 29.2. L'indication
d'un film de polyéthylène et est composé de deux élements : majeure est l'asphyxie fœtale nécessitant une naissance
■ un manchon plissé qui permet la progression de la tête rapide. Vient ensuite le prolongement de la période d'expul-
grace aux mouvements de glissement en doigt de gant sion au-delà d'une heure (20 à 30 minutes d'efforts expulsifs)
des deux membranes qui le composent. La membrane et la fatigue maternelle. Le CNGOF [8] recommande d'envi-
interne est munie d'une chambre à air que l'on gonfle, sager le recours à une extraction instrumentale à partir de
permettant la solidarisation avec la tête fœtale ; 30 minutes d'efforts expulsifs avec un RCF normal, dans la
■ un applicateur composé de trois spatules et d'un cone mesure où l'intensité des efforts expulsifs a été jugée suffi-
d'application. sante sans progression du mobile fœtal (accord profession-
Cet instrument est présenté comme sûr et facile à mettre nel). Les États-Uniens conseillent l'extraction instrumentale
en œuvre par un personnel peu qualifié. Ce dispositif qui a quand la deuxième phase du travail (c'est- à-dire après dila-
retenu l'attention de l'OMS et de l'International Federation tation complète) dépasse trois heures chez une primipare
Fig. 29.11. Ventouses obstétricales. a. Système assurant la dépression. b. Les trois tailles de ventouses type Bird (40, 50 et 60 mm). c. Ventouse
souple en silicone.
354 Partie V. Techniques obstétricales
Contre-indications de l'extraction
instrumentale Pendant la seconde phase du travail
■ Le partogramme favorise l'interprétation objective de la
Le non-engagement de la tête est une contre-indication à situation et l'évaluation du risque d'application instru-
l'extraction instrumentale. L'existence d'une bosse sérosan- mentale (grade B).
guine est un facteur classique d'erreur au diagnostic d'enga- ■ La position debout, accroupie ou latérale pendant la
gement, cliniquement la palpation du moignon de l'épaule seconde phase du travail n'est pas associée à une réduc-
à plus de trois travers de doigts au dessus de la symphyse tion significative du nombre d'extractions instrumentales
pubienne signe le non-engagement de la tête et contre- par rapport au décubitus dorsal (grade B).
indique l'extraction instrumentale (signe de Fabre). Si on a ■ Sous analgésie péridurale, les efforts expulsifs différés
un doute sur l'engagement, en particulier du fait d'une bosse (2 h après le diagnostic de dilatation complète pour les
sérosanguine, on peut s'aider de l'échographie et mesurer la nullipares) diminuent le nombre d'extractions instru-
distance périnée-présentation. Si elle est inférieure à 60 mm, mentales difficiles (grade A).
on est sûr de l'engagement, avec une valeur prédictive de ■ L'expression utérine ne réduit pas non plus le nombre
95,6 %. Si la distance est de 38 mm, la tête est engagée en d'extractions instrumentales (grade B) [10].
partie moyenne [23].
Les autres contre-indications sont liées à une patholo-
gie fœtale : anomalies osseuses (ostéogenèse imparfaite), Rotation manuelle de la tête
troubles de la coagulation (thrombocytopénie, hémophilie, Nous avons vu que 20 % des présentations du sommet sont
maladie de Willebrand). La césarienne s'impose dans tous en occipitopostérieur droit ou gauche. Ces présentations
ces cas. souvent mal fléchies ont du mal à tourner dans l'excavation.
Il n'y a pas de contre-indications à l'utilisation du for- La rotation manuelle décrite par Tarnier et Chantreuil peut
ceps ou de la ventouse, même chez le prématuré ayant un éviter les complications de l'accouchement en variété posté-
retard de croissance in utero (recommandations du CNGOF rieure et les extractions instrumentales, voire les rotations
[8,10]). instrumentales.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 355
Dans les variétés postérieures (OIDP, OIGP), le défaut Tableau 29.3. Conditions préalables à une extraction
de rotation est très souvent en rapport avec un défaut de instrumentale (moyen mnémotechnique).
flexion dans ce type d'orientation.
F Fœtus en céphalique
La tête, s'engageant l'occiput en arrière, ne subit pas les
mêmes contraintes de flexion lors de sa prise de contact avec O Orientation repérée
le détroit supérieur (la flexion cervicale première précédent R Rompues : les membranes
la flexion occipitale cervicale ne se fait pas et le défaut de C Complète : la dilatation
flexion se produit).
E Engagée la tête : la présentation
La manœuvre de rotation doit donc être précédée d'une
manœuvre de flexion ramenant le lambda au milieu de l'aire de P Proportions fœto-pelviennes compatibles
présentation par un appui sur les sutures parieto-occipitales. S Sondée : la vessie
Cette simple manœuvre accompagnée des efforts de
poussée suffit souvent à réduire la rotation de la tête de 135°
ramenant l'occiput en avant. réduirait le risque de déchirure sphinctérienne en cas de
La rotation manuelle se pratique sur une patiente en ventouse et de forceps (grade C).
position gynécologique vessie vide à partir d'une dilata- Une césarienne doit pouvoir être réalisée rapidement en
tion de 7 cm. La main utilisée par l'opérateur varie selon la cas d'échec de l'extraction instrumentale.
variété de la présentation. La main droite prend appui en Il est souhaitable que l'obstétricien réalise l'extraction
arrière de l'oreille droite pour les variétés gauches (OIGT et instrumentale en présence de la sage-femme et si possible
OIGP) et la main gauche en arrière de l'oreille gauche pour d'une troisième personne (accord professionnel). La pré-
les variétés droites (OIDT et OIDP). L'opérateur place donc sence de l'anesthésiste n'est pas obligatoire, mais elle est sou-
sa main juste derrière l'oreille fœtale et lors d'une contrac- haitable sur la demande de l'obstétricien en cas d'analgésie
tion et d'un effort de poussée imprime un mouvement de maternelle insuffisante et recommandée dans les situations
rotation vers l'avant en direction de la symphyse pubienne à risques (accord professionnel). De même, la présence du
à la tête fætale afin d'amnener l'occiput fœtal en regard de pédiatre n'est pas indispensable, mais il pourra être requis
l'arc antérieur du bassin maternel. Cette manœuvre doit être ou prévenu à la demande de l'obstétricien (accord profes-
effectuée « avec fermeté mais sans violence », plusieurs ten- sionnel) [8].
tatives peuvent être tentées sans dépasser trois tentatives car,
au-delà, le taux de succès est nul. Dans les centres où ces Préparatifs
rotations sont systématiquement faites, le taux de succès est
de 75 à 80 % [12]. Lieu
L'extraction est le plus souvent faite en salle de naissance,
parfois en salle d'opération si l'on craint un échec et que l'on
Réalisation de l'extraction risque de passer à une césarienne.
instrumentale Préparation de la patiente
On explique à la patiente et à sa famille ce que l'on va faire
Conditions préalables et pourquoi.
Avant d'envisager une extraction instrumentale, sept condi- Il ne s'agit pas d'une extraction en force mais cela consiste
tions doivent être impérativement remplies : à guider la tête en accompagnant les efforts maternels.
■ dilatation complète ; Il faut parfois demander aux personnes qui l'accom-
■ poche des eaux rompue ; pagnent de sortir si l'on prévoit des difficultés obstétricales
■ présentation céphalique, bien que l'application sur la tête ou de comportement de la patiente et des accompagnants.
dernière soit possible en présentation du siège ; La femme est mise en position gynécologique, le siège
■ tête profondément engagée plutôt à la partie moyenne ; affleurant le bord de la table.
■ absence de disproportion fœtopelvienne ; La vulve est ébarbée ou tondue plutôt que rasée et badi-
■ vessie vide ; geonnée avec un antiseptique.
■ hauteur et orientation de la présentation connue. Si on La vessie est vidée par sondage.
n'est sûr ni du type de présentation, ni de l'engagement, Des champs stériles sont disposés sous le siège ainsi que
l'échographie peut être utile. Si celle-ci montre les orbites, sur le ventre et les cuisses.
il s'agit d'une présentation postérieure, et si la distance
périnée-présentation est inférieure à 60 mm, on est à peu Anesthésie
près certain de l'engagement [23,28]. Si la femme est sous péridurale, on s'assure que l'anesthésie
Un moyen mnémotechnique permet de s'en souvenir du périnée est correcte, sinon il faut la compléter.
(tableau 29.3). Enfin, il faut avoir appris à poser les cuillères Si la tête est basse, l'extraction facile et la femme coopé-
sur un mannequin ou un simulateur comme celui proposé rante, l'extraction peut être réalisée sans anesthésie ou avec
par Dupuis [11]. une anesthésie locale du périnée au niveau des nerfs honteux
Le choix de l'instrument est fonction de la situation (voir Chapitre 12, « Bloc des nerfs honteux »), associée à une
obstétricale et des préférences de l'obstétricien (accord anesthésie du trajet de l'épisiotomie.
professionnel). La pratique d'une épisiotomie est laissée à Une anesthésie générale peut être utile si la femme est
l'appréciation de l'opérateur (accord professionnel). Elle agitée ou si le forceps semble difficile.
356 Partie V. Techniques obstétricales
Ce que doit faire l'opérateur avant l'extraction Si le diagnostic de présentation est difficile à faire par le
Il prévient l'anesthésiste s'il juge qu'un complément d'anes- toucher vaginal, ou si l'opérateur est débutant, une écho-
thésie pourrait être nécessaire. graphie permettra facilement de trouver le plan du dos.
Un forceps ne devant être posé que de façon atrauma- La visualisation d'un ou des deux globes oculaires permet
tique, la présence d'un pédiatre ne se justifie que s'il existe d'affirmer la variété postérieure ou l'absence de visualisation
une souffrance fœtale [12] ou s'il s'agit d'un prématuré. des globes la variété antérieure [28].
Il revêt une casaque stérile, une bavette et des gants. Si On commence par poser la cuillère postérieure, ce qui
l'urgence l'exige, on se passera de revêtir une casaque stérile. oblige, en cas d'utilisation d'un forceps croisé sur une présen-
L'opérateur vérifie la dilatation complète et précise la hauteur tation dans un diamètre droit, à effectuer un décroisement des
et l'orientation de la présentation. En cas de doute sur l'orien- manches avant leur solidarisation. En fait, on peut souvent,
tation, le repérage par échographie est recommandé [10]. Si les dans ce cas, commencer par mettre la cuillère antérieure.
orbites ne sont pas vues, il s'agit une présentation antérieure [26]. L'opérateur rencontre trois cas de figure :
Il doit se souvenir que les forceps ont été concus pour être ■ la présentation est orientée dans un diamètre antéropos-
posés sur une presentation antérieure. térieur (OP ou OS) ;
Il tente une rotation manuelle pour amener l'occiput en ■ la présentation est orientée dans un diamètre oblique soit
OP ou au moins transformer une présentation postérieure gauche (OIGA ou OIDP), soit droit (OIDA ou OIGP) ;
en antérieure. Pour cela, on introduit la main dans le vagin, ■ la présentation est orientée dans un diamètre transverse
la paume contre la presentation les doigts prenant appui sur (OIDT ou OIGT), seule situation posant de réelles difficultés.
l'oreille fœtale (voir Chapitre 4, « Accouchement en présen-
tation du sommet-variétés postérieures »). On tentera de Application du forceps sur une présentation
fléchir la tête et de la tourner de façon à l'amener en OP. du sommet
Il choisit l'instrument le plus adéquat compte tenu de Nous décrirons en détail la prise et l'extraction en occipito-
la hauteur, de la position de la présentation et de ses habi- iliaque gauche antérieur, la plus fréquente. La prise en occi-
tudes. Il n'est pas démontré que l'utilisation d'une ventouse pitopubien est la plus facile, celle par laquelle le débutant
soit meilleure pour la mère et l'enfant que l'utilisation du commencera. Nous décrirons ensuite les problèmes posés
forceps. Après une étude de neuf essais randomisés, l'étude par les autres types de prises.
Cochrane conclut que l'utilisation d'une ventouse augmente
le risque d'échec et le taux de césarienne. En revanche, il y
Principes généraux de la pose des cuillères
a moins de lésions vaginales, périnéales et d'anesthésie avec
la ventouse, mais plus de céphalhématome, d'hémorragies ■ Avant toute manœuvre, l'intégralité et le montage du for-
rétiniennnes et de scores d'Apgar bas à cinq minutes. À cinq ceps doivent être vérifiés.
ans, il n'y a aucune différence pour la mère ou l'enfant [17]. ■ La cuillère est toujours introduite primitivement dans
Il faut donc utiliser comme le recommande le RCOG [26] une zone d'accès facile, la partie postérieure de la vulve
l'instrument dont on a appris à se servir et avec lequel on se sent où l'arcade pubienne ne gêne pas l'introduction des
le plus à l'aise. Nous conseillons au débutant de prendre l'instru- doigts, c'est donc la cuillère postérieure qui est posée la
ment le plus habituellement utilisé dans le service où il est (for- première.
ceps ou ventouse) et de s'y tenir en ne changeant d'instrument ■ Elle est guidée au contact de la présentation par la main de
que lorsqu'il aura acquis la maîtrise du premier. Pour notre part, l'accoucheur qui protège le vagin (si la présentation est haute,
nous employons le Tarnier pour un forceps à la partie haute de l'extrémité des doigts peut prendre contact avec le bord du
l'excavation ou paraissant « difficile », le Suzor ou les spatules de col pour guider l'instrument au contact de la présentation et
Thierry pour un forceps à la partie moyenne ou partie basse. éviter fausse route et déchirure du cul-de-sac vaginal).
Un forceps croisé (Tarnier, Levret, etc.) ne peut être appliqué La tête est en occipito-iliaque antérieur (OIGA)
de façon correcte sur les présentations en transverse ou asyn-
clite ; il est indiqué dans ces cas d'utiliser le Suzor, les spatules La mise en place des cuillères est décrite dans la
ou les ventouses. Nous utilisons peu la ventouse mais à tort car planche 29.1. La rotation de 45° se fait vers l'avant et à droite
il s'agit d'un excellent instrument de flexion et donc de rotation (planche 29.2) ; l'extraction se fait ensuite en OP.
accompagnant les efforts expulsifs. Elle est particulièrement
utile dans les variétés postérieures, volontiers mal fléchies, pour Pose de la cuillère gauche postérieure
lesquelles elle permettra de compléter la flexion et dans le mou- L'opérateur est debout devant le périnée de la patiente, la
vement d'induire et de parfaire la rotation en antérieur. table ayant été mise à bonne hauteur. L'index et le médius de
la main droite ou les quatre derniers doigts sont introduits
Application du forceps dans le vagin en arrière et à gauche de la tête fœtale. Il faut
guider l'introduction du bec de la cuillère gauche.
Du calme et du sang-froid La cuillère est présentée verticalement, tenue à son extré-
L'application se fait calmement, sans précipitation, le fœtus mité entre le pouce et l'index de la main gauche (branche
résistant mieux à l'anoxie qu'au traumatisme. gauche, main gauche), la courbure céphalique appliquée
L'application se fait sans effort ; les cuillères doivent glis- sur la présentation. Elle glisse dans le sinus sacro-iliaque et
ser sans résistance après avoir été lubrifiées avec un anti- le manche est alors doucement abaissé sans forcer avec un
septique. Si elles sont difficiles à poser et/ou à articuler, il mouvement de rotation allant de haut en bas et de droite
ne faut pas hésiter à les retirer, à revoir la présentation et à à gauche. Le bec de la cuillère glisse vers le sacrum et vient
recommencer pour avoir une prise satisfaisante, plutôt que s'appliquer sur le malaire, un écoulement de liquide vient
de risquer un traumatisme fœtal par une prise inadéquate. confirmer la bonne position de la cuillère.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 357
Vue périnéale
a b c d
e f g h
a. Introduction de la cuillère gauche, la main gauche écarte le vagin et guide la cuillère.. b. Le manche de la cuillère gauche est
parallèleet frôle la cuisse droite. c. Position de la cuillère gauche. d. La cuillère gauche est horizontalisée et se place sur le malaire
fœtal. e. Introduction de la cuillère droite. f. Descente de la cuillère droite et main gauche écartant le vagin. g. Les deux cuillères
sont en place et symétriques. h. Les deux cuillères sont en place et peuvent être articulées.
358 Partie V. Techniques obstétricales
Vue abdominale
a
a a
b
b
c
c c
a. Présentation verticale de la cuillère
a. La branche gauche est introduite jusqu’à a. La main gauche introduite dans le vagin
gauche. b. Introduction de la cuillère
la verticale. La main gauche écarte la vulve repère l’oreille du fœtus. b. La main gauche
gauche le long du fœtus. c. Positionnement
et le vagin.b. Début de l’abaissement de la guide la cuillère gauche en ayant toujours
de la cuillère gauche sur le malaire.
cuillère gauche.c. Fin de l’abaissement du le repère de l’oreille. c. La cuillère est
manche qui arrive sur la fourchette vulvaire. positionnée sur l’oreille et la région malaire.
360 Partie V. Techniques obstétricales
a
a
b b
c
c
a. Remarquer la pose de la cuillère gauche
a. Présentation de la cuillère gauche. par rapport au crâne fœtal.
b. Introduction de la cuillère gauche b. Noter l’obliquité de la cuillère gauche qui
verticalement. frôle la cuisse droite.
c. Introduction de la cuillère gauche, la main c. Remarquer le bec de la cuillère qui prend
droite écartant le vagin. appui sur l’os malaire.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 361
a c
b d
■ que la prise est correcte, les courbures céphaliques du for- physiologiques de la tête au cours de sa progression dans la
ceps devant épouser intimement les faces latérales de la filière génitale, les axes se modifiant en fonction du trajet :
tête fœtale ; ■ flexion pour présenter le plus petit diamètre ;
■ que la prise est symétrique par rapport à la suture sagit- ■ rotation si la tête est dans un diamètre oblique, ce qui
tale médiane, à laquelle le plan des cuillères du forceps n'est pas le cas ici ;
doit être parallèle. ■ déflexion.
La flexion est assurée par une traction vers le bas pour les
Solidarisation des branches variétés antérieures et vers le haut pour les variétés posté-
La prise étant correcte, on peut alors solidariser les branches rieures qui sont le plus souvent mal fléchies. Il faut cepen-
en serrant de façon modérée la vis d'articulation et en ame- dant reconnaître que le forceps est un mauvais instrument
nant le papillon de serrage contre la butée, sans forcer. pour fléchir la tête.
La solidarisation doit être facile sinon la prise est asymé- La rotation n'est pas nécessaire ici puisque la tête est déjà en
trique et à revoir. OP. Nous reverrons le problème pour les présentations obliques.
Le tracteur est alors fixé sur les tigelles. La descente de la tête est due :
■ à la bonne orientation de la tête grâce aux manœuvres
Extraction (figure 29.12) précédentes (flexion-rotation) ;
Elle accompagnera les contractions utérines et si possible les ■ aux efforts de poussée de la patiente si cela est possible ;
efforts expulsifs maternels. ■ enfin, à la traction réalisée par l'opérateur ; elle sera syn-
Pour qu'elle soit aussi douce et atraumatique que possible, chrone aux contractions et aux efforts maternels.
il faut bien comprendre la mécanique obstétricale et essayer L'axe de traction varie en fonction de la hauteur de la pré-
de reproduire aussi fidèlement que possible les mouvements sentation. Si celle-ci est haute, l'axe est orienté vers les pieds
Fig. 29.12. Extraction en OP avec le forceps de Tarnier [24]. a. Après articulation du tracteur, l'opérateur tire vers le bas pour achever la
descente de la tête. b. La tête descend. Les branches du forceps se redressent spontanément. L'axe de traction suit le redressement. c. La tête
apparaît à la vulve et se défléchit autour de la symphyse. Le forceps est vertical. C'est le moment de faire éventuellement une épisiotomie. d. Le
menton est accessible aux doigts de la main droite ; il faut enlever le tracteur et guider le dégagement de la tête en la défléchissant. e. La tête se
dégage. On peut démonter le forceps, retirer les cuillères et terminer le dégagement comme normalement.
364 Partie V. Techniques obstétricales
de l'opérateur : il est dit ombilicococcygien. Si la tête est La main gauche tient fermement le forceps afin d'éviter,
basse, l'axe est orienté vers le haut (figure 29.13). après la section du périnée, le jaillissement, souvent déla-
L'axe de traction varie avec le forceps utilisé. Avec un brant, de la présentation. Si on est gaucher, on fera l'épisio-
forceps croisé, de type Tarnier, la direction de la force suit tomie à gauche en tenant le forceps de la main droite.
la ligne qui va de l'attache des tigelles sur les cuillères au
point d'ancrage du palonnier sur le tracteur (figure 29.14). Dégagement
L'obtention d'un bon axe de traction est essentielle. Il s'effectue le plus élégamment possible après avoir démonté
La déflexion par pivot du sous-occiput sous la symphyse et retiré le forceps par des manœuvres inverses de celles de
pubienne se fait en redressant le forceps. En fait, il y a une l'application. Une main sur le vertex, les doigts refoulant
association des mouvements de flexion, rotation et traction, progressivement les lèvres vulvaires, contrôle l'expulsion
décomposée ici pour la clarté de l'exposé. Mais comme, dans progressive de la tête ; l'autre main presse sur le menton à
l'accouchement naturel, la rotation s'effectue souvent lors de travers le périnée pour faire monter la présentation. Le déga-
la descente, il importe que, lorsque la tête est sur le périnée, gement s'effectue comme lors de l'accouchement spontané.
l'axe des cuillères soit dans l'axe du bassin. On peut également dégager la tête, le forceps restant
appliqué sur la présentation. Cela permet un contrôle très
Épisiotomie précis de la vitesse de dégagement. Le surcroît de périmètre
Elle est le souvent pratiquée mais ne doit pas être systéma- crânien occasionné par l'épaisseur des cuillères peut rendre
tique [8,9]. Elle est réalisée surtout pour les forceps sur les nécessaire la pratique d'une épisiotomie.
variétés postérieures ainsi que chez les primipares. Nous
faisons des épisiotomies médiolatérales droites si on est Après l'accouchement : l'examen des voies génitales
droitier. Elles s'effectuent au mieux quand la présentation et le compte rendu
amplie le périnée. Les ciseaux doivent être presque horizon- L'enfant né et la délivrance faite, on pratique systématique-
taux, dirigés vers la tubérosité ischiatique. ment un examen des voies génitales avec des valves vagi-
nales afin de faire le bilan des éventuelles lésions qui seront
ensuite réparées.
On consigne par écrit dans le dossier :
■ l'heure du forceps ;
■ les circonstances obstétricales conduisant à l'indication
de l'extraction instrumentale ;
■ les conditions obstétricales lors de l'application et ses
éventuelles difficultés, le cas échéant (nombre de tenta-
tives, difficultés dans la pose des cuillères) ;
■ les éventuelles manœuvres réalisées avant et pendant la
traction et sa difficulté ;
■ l'orientation lors du dégagement ;
■ l'heure de la naissance et l'état de l'enfant ;
■ l'heure et le caractère de la délivrance ;
■ les résultats de l'examen sous valve ;
■ la technique de réparation des possibles lésions des par-
ties molles ;
■ les prescriptions pour le post-partum.
Fig. 29.13. Axe de traction au forceps. Il varie en fonction de la
hauteur de la présentation : il est orienté vers le bas si la présentation Extraction en OP avec un forceps de Suzor (figure 29.15)
est haute, il est dirigé vers le haut quand la présentation est basse. Elle est peu différente de l'extraction avec un forceps de
Tarnier. Les seules particularités sont les suivantes :
■ les cuillères peuvent être mises en place en commençant
indifféremment par la gauche ou la droite ;
■ la solidarisation des branches se fait par une barre d'arti-
culation. La vis de pression n'a pas de place fixe et peut
ne pas être utilisée (elle permet cependant une meilleure
solidarisation des cuillères sur la présentation) ;
■ la manipulation directe sur les manches nécessite que la
traction s'exerce selon un axe dirigé vers le bas, puis, dès
la fixation du sous-occiput sous la symphyse pubienne, la
traction s'exerce selon un axe dirigé vers le haut ;
■ l'utilisation d'un tracteur représenté par des lacs glissés
dans les œillets des jumelles permet de guider la pro-
gression de la présentation comme avec le Tarnier. C'est
l'orientation des manches qui guide la traction sur les lacs
Fig. 29.14. Axe de traction avec le forceps de Tarnier. placés à trois travers de doigts sous les manches ;
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 365
La pose se fait en OS
L'extraction se réalise avec un mouvement en S. Il faut
d'abord tirer directement en avant pour amener le front
et, si possible, la racine du nez sous la symphyse. On relève
alors les branches du forceps pour dégager le bregma, la fon-
tanelle et l'occiput, après avoir souvent fait une épisiotomie.
Fig. 29.15. Application du forceps de Suzor en OP [24]. Puis on abaisse les manches du forceps pour dégager la
a. Introduction de la première cuillère. b. Achèvement de la descente face de dessous la symphyse. La tête se défléchit autour de
en exerçant de petites tractions alternativement sur l'une et l'autre la commissure vulvaire sur laquelle s'appuie le sous-occiput.
branche. c. Fin de l'extraction de la tête.
La pose se fait en OIGP
■ la largeur importante des fenêtres qui confère une excel- Elle a les mêmes caractéristiques que celle en OIDP.
lente prise sur la présentation permet une action directe L'articulation nécessite la manœuvre du décroisement.
sur la flexion et la rotation de celle-ci.
La tête est en transverse
La tête est en OIDA La prise symétrique n'est pas possible avec un forceps croisé
Cette prise est rare. Ce n'est presque jamais une position de type Tarnier. Il faut donc essayer de tourner la tête à la
d'engagement mais elle peut résulter d'un arrêt de la rotation main soit vers l'avant, soit vers l'arrière, pour obtenir une
après un engagement en OIDP. La branche droite qui va aller présentation en oblique. Si ce n'est pas possible, le forceps
en arrière doit être introduite la première (planche 29.3) ; elle croisé doit être proscrit et mieux vaut employer un Suzor
se place à droite et en arrière. La cuillère gauche doit se placer à qui peut être posé de façon symétrique car ses fenêtres sont
gauche et en avant. En utilisant la manœuvre du tour de spire, plus fines. Les spatules de Thierry ou la ventouse peuvent
l'articulation avec un forceps de Tarnier nécessite la manœuvre être utilisées dans cette présentation car elles sont moins
du décroisement (figure 29.16). On fait glisser la branche droite traumatisantes pour l'enfant.
au-dessus de la gauche en gardant les deux manches au contact
et en déplaçant les cuillères le moins possible. La rotation de Application du forceps sur une présentation
45° se fait de droite à gauche et l'extraction en OP. de la face (figure 29.17)
Il faut avant d'appliquer le forceps se souvenir des particu-
La tête est en occipitopostérieur larités de la mécanique obstétricale de cette présentation :
L'engagement de l'occiput en arrière nécessite une rotation ■ l'accommodation se fait ici par déflexion de la tête et
de 135° pour obtenir une expulsion en OP ou de 45° pour orientation du diamètre mentobregmatique dans un dia-
une expulsion en OS. mètre oblique ;
366 Partie V. Techniques obstétricales
Planche 29.3. D
ifférents types de prise de forceps en présentation du
sommet et angles de rotation [24]
Schéma du mouvement des cuillères et La cuillère postérieure gauche est introduite La cuillère droite postérieure est appliquée
leur position. en premier, la rotation peut être faite vers en premier. La prise, ne pouvant être
l'avant (135°) ou plus simplement vers antéropostérieure, est asymétrique et
l'arrière en OS 45° seulement. frontomastoïdienne. Rotation vers l'avant
de 90° à gauche.
La cuillère postérieure gauche est introduite Schéma d'application des cuillères et rotation
en premier, rotation de 45° vers la droite. soit en OP (135°), soit en OS plus simple car Prise de forceps asymétrique
de 45° seulement. La cuillère postérieure frontomastoïdienne
droite est introduite en premier.
Forceps en OIDA Forceps en OIGT
La cuillère postérieure droite est introduite La cuillère gauche postérieure est appliquée
en premier, rotation de 45° vers la gauche. en premier. La prise est asymétrique, la
rotation vers l'avant de 90° à droite.
D’après R. Merger, J. Levy, J. Melchior, Précis
d’obstétrique, 6e édition. Paris : Masson. 2001.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 367
■ l'engagement ne peut se faire qu'en mentopubien ; La tête est en mento-iliaque droit ou gauche
■ le dégagement ne peut se faire que lorsque le menton postérieur
est sous la symphyse par flexion de la tête autour de la Il est nécessaire de la décrire car il s'agit de la variété de posi-
symphyse ; tion la plus fréquente dans les présentations de la face.
■ la prise du forceps et les forces de traction doivent donc La prise est réalisée comme pour une présentation en
aller dans le sens du mécanisme physiologique ; OIDP mais il est indispensable de réaliser une extraction en
■ cependant, le forceps est conçu pour être posé sur une mentopubien. Il faut donc effectuer un vaste mouvement de
présentation en occipitopubien et non pas à l'envers. circumduction comme cela est réalisé par certains auteurs
dans les variétés postérieures du sommet :
La tête est en mento-iliaque gauche antérieur ■ les manches sont abaissées vers le bas en leur faisant
La prise est identique à une présentation en OIGA. décrire un large mouvement de circumduction vers la
La rotation est de 45° vers la droite. gauche de la mère s'il s'agit d'une présentation mento-
La traction est dirigée vers le bas jusqu'à la fixation iliaque droite postérieure, vers la droite de la mère
franche du menton sous la symphyse. On relève alors la s'il s'agit d'une présentation mento-iliaque gauche
traction vers le haut pour dégager la tête par flexion. On postérieure ;
s'aide d'une épisiotomie. ■ ce mouvement permet une rotation sur place des cuil-
lères évitant le labourage du vagin ;
La tête est en mento-iliaque droit antérieur ■ durant ce mouvement, une légère traction vers le bas
ou en mentopubien assure une bonne rotation sur le périnée ;
L'extraction est réalisée en suivant les mêmes principes. ■ on peut exagérer s'il y a lieu la déflexion de la tête par
pression sur la voûte palatine après avoir introduit un
doigt dans la bouche.
Du fait de ces manœuvres, l'épisiotomie est souvent faite.
Pour l'extraction, ses cuillères étant tournées vers le bas,
le forceps est enlevé et reposé en mentopubien.
Il s'agit là de manœuvres obstétricales difficiles et qui
peuvent être traumatiques pour le fœtus et délabrantes pour
les parties molles. Il faut donc une surveillance attentive,
éviter de se retrouver dans cette situation et préparer la voie
haute si le menton reste en arrière.
Fig. 29.17. Prise du forceps en présentation de la face [24]. a. Prise en mento-iliaque gauche antérieure. b. Prise en mentopubienne (vue de
face) (d'après Morin P., L'accouchement. Paris: Flammarion-Médecine Sciences ; 1985). c. Prise en mentopubienne (coupe sagittale).
368 Partie V. Techniques obstétricales
Extraction
Elle se fait en combinant les mouvements d'écartement
modérés et progressifs des deux spatules à une traction
douce lors des efforts expulsifs.
Dès la manœuvre commencée, en écartant légèrement
les poignées, les spatules vont chercher à fuir vers l'extérieur
mais entrent en contact avec la paroi pelvienne et le levier se
fait aussitôt. Leur extrémité va propulser la tête fœtale qui
glisse entre les cuillères puisqu'elle n'est plus soumise à la
Fig. 29.18. Application du forceps sur la tête dernière [24]. Le résistance des tissus maternels.
fœtus est relevé et tenu par les pieds par un aide. L'opérateur introduit L'appui du levier sur la paroi pelvienne suit la progres-
les cuillères sous le fœtus. sion de la présentation. Libre entre les cuillères, la tête, ayant
progressé, est confrontée aux contraintes directionnelles de
l'excavation.
Si on laisse les spatules revenir librement sous le rappel
Les conditions d'application du forceps dans cette pré- élastique des tissus maternels, celles-ci se retrouveront au
sentation sont identiques aux autres, à savoir : dilatation contact de la tête, se positionnant suivant sa nouvelle orien-
complète, tête engagée dans l'excavation, occiput contre la tation (figure 29.19).
symphyse pubienne. Il est donc indispensable, pour suivre correctement le pro-
On commence par une épisiotomie si cela n'a pas été fait. cessus et conserver cette indication, de ne pas contraindre le
mouvement des spatules (surtout au relâchement).
Repérage de la présentation Les manches doivent rester parallèles, sans torsion selon
La main introduite dans le vagin repère la bouche et doit leur axe, sous peine de mettre en danger les tissus maternels
faire tourner la tête en OP si elle n'y est pas et la fléchir si ou fœtaux et de perdre l'indication directionnelle indispen-
possible, deux doigts étant introduit dans la bouche, la sable à la poursuite du bon trajet.
pression sur la base de la langue amenant le menton sur le
thorax. Dégagement en OP
Lors du dégagement, l'écartement des spatules règle la
Relever le fœtus vitesse du dégagement : plus on écarte les branches, plus la
Le fœtus est ensuite saisi par les pieds, relevé devant le pubis tête monte vite. Au contraire, en les rapprochant, on arrête
et maintenu dans cette position par un aide pour que le for- la progression de la tête.
ceps puisse être appliqué sous le fœtus. On peut réaliser le dégagement avec les spatules. La
prudence conduit cependant à les enlever dès que l'on peut
Prise saisir le menton à travers le périnée pour contrôler le déga-
Il faut introduire les cuillères selon la technique habituelle le gement à la main.
long des joues du fœtus, puis articuler le forceps et vérifier
la prise. L'utilisation d'un forceps à branches convergentes Présentation en transverse
est plus aisée. C'est une bonne indication des instruments non croisés.
La manipulation peut être asymétrique comme dans cet
Extraction exemple où la présentation en transverse ne permet pas d'écarter
La traction est d'abord dirigée vers le bas pour bien engager la spatule postérieure, bloquée par le sacrum. Cette manœuvre
le sous-occiput sous la symphyse. L'axe de traction est pro- dite du « toboggan » ne mobilise qu'une spatule à la façon d'un
gressivement relevé pour fléchir la tête. Le menton se dégage levier, mais sur un trajet et une rotation limitée à 45°.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 369
La spatule postérieure va alors servir de guide, l'écarte- La question est donc de savoir s'il faut faire une deuxième
ment de la spatule antérieure est suffisant à libérer la tête prise, changer d'instrument, en fait s'acharner sur la voie
qui va glisser et descendre dans le creux de la spatule pos- vaginale.
térieure. Dans le mouvement, la rotation sera amorcée et la Tout dépend bien sûr de l'indication qu'on pouvait
spatule postérieure sera déplacée pour suivre l'évolution de savoir difficile (et dans ce cas on n'insistera pas) et de l'ex-
l'ovoïde fœtal jusqu'à ce qu'elle retrouve une mobilité per- périence de l'opérateur qui peut échouer car il est novice
mettant de recourir à une manipulation symétrique. là où un senior réussira lors d'une deuxième prise. Il faut
cependant savoir que les efforts persistants pour obtenir
Incidents et accidents des extractions un accouchement par voie vaginale, en utilisant successive-
par forceps (tableau 29.4) ment différents instruments, augmentent le taux de compli-
Échec cations maternelles et fœtales, en particulier d'hémorragies
intracrâniennes, car elles témoignent le plus souvent d'une
Plusieurs cas sont possibles. On n'arrive pas à :
vraie disproportion materno-fœtale [1]. Les applications
■ introduire la cuillère ; en général, il s'agit de la droite ;
séquentielles sont très discutées. Il vaut mieux considérer
■ articuler le forceps ;
que l'échec d'une application de forceps par un opérateur
■ tourner la tête pour la mettre en OP ;
senior relève de la césarienne (accord professionnel) [8].
■ amener la tête à la vulve.
Lésions maternelles
Ce sont les déchirures génitales du col prévenues par la
pose des forceps à dilatation complète. Il peut s'agir de
déchirures du vagin prévenues par la pratique des extrac-
tions en douceur sans forcer en évitant les grandes rota-
tions. Les déchirures du périnée doivent être prévenues
par un dégagement progressif et, si nécessaire, la pratique
de l'épisiotomie, surtout dans les dégagements en OS. Les
lésions du sphincter anal sont identiques, que l'on utilise
forceps ou ventouse [12].
Les lésions du bas appareil, ainsi que les déchirures de la
vessie ou de l'uretère, sont prévenues par l'évacuation préa-
lable et systématique de la vessie avant toute extraction ins-
trumentale et en réduisant les grandes rotations.
Toutes ces lésions sont recherchées de principe après les
extractions instrumentales en réalisant un examen sous
valve soigneux.
Lésions fœtales
Ce sont :
■ les marques des cuillères sur le visage de l'enfant : elles
sont bénignes et disparaissent en 24 heures ;
■ les excoriations cutanées après dérapage d'une cuillère :
elles guérissent également spontanément sans séquelle en
quelques jours ;
■ la bosse sérosanguine bénigne : elle régresse sans séquelle
en quelques jours ;
■ les fractures du crâne : elles sont secondaires à des
manœuvres difficiles ou brutales (forceps trop serré)
ou des prises asymétriques avec un forceps croisé. Elles
Fig. 29.19. Principe de la progression de la tête avec les spatules.
Les spatules propulsent la tête fœtale en écartant les parties molles.
doivent être exceptionnelles. Le pronostic dépend des
lésions cérébroméningées sous-jacentes ;
■ les lésions oculaires : le plus souvent, il s'agit d'une simple
Tableau 29.4. Incidents et accidents des hémorragie sous-conjonctivale, d'un œdème de la pau-
extractions instrumentales. pière supérieure. Elles sont dues à une prise asymétrique et
Lésions maternelles Lésions fœtales sont bénignes. L'énucléation de l'œil ne doit plus se voir ;
Déchirures : Marques et excoriations cutanées
■ la paralysie faciale par compression du nerf à son émer-
– col Bosse sérosanguine, céphalhématome gence au trou stylomastoïdien par le bec de la cuillère
– vagin (ventouses) postérieure d'un forceps posé asymétriquement : il s'agit
– périnée Fractures du crâne d'un cas rare. L'évolution se fait presque toujours vers la
Lésions urinaires Lésions oculaires guérison spontanée en quelques jours ;
– vessie Paralysie faciale ■ les lésions cérébroméningées : elles résultent de l'association
– urètre Hémorragies cérébroméningées
d'une souffrance fœtale par anoxie et d'un traumatisme
370 Partie V. Techniques obstétricales
Application de la ventouse
La ventouse est un instrument de flexion de la tête fœtale,
de traction limitée et de rotation induite, qui améliore les
Fig. 29.20. Position idéale de la ventouse le plus près possible de
conditions mécaniques de la progression du crâne fœtal.
l'occiput fœtal [27].
La ventouse (de forme « cup ») semble être l'instrument
de choix pour l'extraction des présentations céphaliques en
variété transverse et pourrait l'être pour les présentations en Extraction
variété postérieure (accord professionnel) même si la durée
d'extraction est un peu plus longue et le risque d'échec supé- La traction s'effectue au moyen du fil qui s'attache au som-
rieur à celui de l'extraction par forceps [8]. met de la cupule. Elle doit être perpendiculaire à celle-ci.
L'orientation de la traction est fonction de deux facteurs :
■ la variété de position de la tête ;
Préparatifs ■ sa hauteur dans l'excavation.
L'application, quelle que soit la présentation, s'effectue sur De ce fait, dans un premier temps, la traction vise à
l'occiput près du lambda (figures 29.20 et 29.21). En effet, parfaire la flexion de la présentation et, dans un deuxième
plus long est le bras de levier (distance entre l'articulation temps, à descendre la tête dans l'excavation.
atloïdo-occipitale et l'occiput) sur lequel agit l'instrument,
plus aisée sera la flexion de la tête et plus faible sera la puis- Flexion
sance de traction nécessaire pour obtenir cette flexion [27].
On vérifie que la cupule est le plus près possible de l'occiput
On choisit une cupule de 5 cm de diamètre après s'être assuré
sur le lambda puis on exerce une traction dont la direction
de la rupture de la poche des eaux et de la dilatation complète.
est fonction de la variété de présentation :
L'anesthésie générale n'est pas souhaitable car la partici-
■ OIGA : traction en bas et à droite (figure 29.22a) ;
pation de la patiente par ses efforts de poussée est essentielle.
■ OIDA : traction en bas et à gauche (figure 29.22b) ;
Les contractions utérines associées aux efforts de poussée
■ OIGT : traction horizontalement et à droite
assurent 60 % de la force permettant l'accouchement ; la
(figure 29.22c) ;
ventouse assurera les 40 % restants.
■ OIDT : traction horizontalement et à gauche
L'introduction de la cupule se fait dans l'intervalle sépa-
(figure 29.22d) ;
rant deux contractions. La cupule est saisie entre l'index et
■ OIGP : traction en haut et à droite (figure 29.22e) ;
le médius qui s'appuie sur la partie plane. Le pouce main-
■ OIDP : traction en haut et à gauche (figure 29.22f).
tient le tube d'aspiration. On utilise la main droite pour les
Si la flexion du sommet est bonne, ce temps de flexion
positions gauches et la gauche pour les positions droites. La
est inutile.
cupule est ensuite glissée vers l'occiput fœtal. Avant de faire
le vide, on s'assure du bon positionnement de la ventouse et
de l'absence d'interposition des parties molles (col ou vagin) Descente
entre cupule et présentation. Ce deuxième temps de la traction doit reproduire et aider
On fait alors une première dépression de 200 millibars, de (sans contrarier) la progression naturelle du sommet dans
préférence pendant une contraction utérine, ce qui facilite la la filière pelvienne. La traction ne s'effectue pas dans un axe
mise en place de la cupule. On vérifie à nouveau l'absence unique mais dans des directions différentes en fonction de la
d'interposition et on complète la dépression à 800 millibars progression de la tête dans l'excavation (figure 29.23). Elle doit
(0,8 kg/cm2), ce qui permet d'exercer une traction de 16 kg toujours rester perpendiculaire à la cupule. Il peut être utile de
sans que la ventouse ne se détache. L'ensemble de la pose ne faire des tractions légèrement latérales (à gauche et à droite)
prend qu'une ou deux minutes et n'est pas plus long que la pour utiliser au maximum les possibilités de l'asynclitisme.
pose d'un forceps. Il faut informer les parents que l'enfant Si la présentation est bien fléchie, cet axe passe par l'axe
naîtra avec une bosse en « chignon » toujours impression- de la tête fœtale. Une traction dans un mauvais axe expose
nante mais sans gravité et disparaissant en 24 heures. au dérapage.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 371
Fig. 29.21. Application de la ventouse sur une présentation droite transverse. a. La ventouse est appliquée sur le lambda et va fléchir la
tête. b. La flexion de la tête permet la rotation.
L'axe dépendant de la hauteur de la tête dans l'excavation, si Elle doit être interrompue avant si la hauteur du « champi-
la tête est dans la partie haute de l'excavation, on tirera d'abord gnon » entre la base de la cupule et du cuir chevelu dépasse
vers le bas, les lacs de traction déprimant le périnée postérieur. un travers de doigt ou après trois « lâchages ».
Si la tête est dans la partie basse et la cupule au périnée, la En cas d'échec pour des tractions faibles, il faut vérifier :
traction sera horizontale puis l'axe de traction se fera vers le ■ la perméabilité de la tubulure (absence de coude, absence
haut pour être vertical au moment de l'expulsion. de collapsus du tuyau ou d'obstruction par des débris de
Les efforts de traction se font en même temps que les sang ou de membranes) ;
contractions utérines et les efforts expulsifs. L'application de ■ la présentation :
la ventouse ne doit pas durer plus de dix à 15 minutes, soit – si la tête est bloquée au détroit moyen, souvent en
trois à cinq contractions sans progression. transverse, il faut fixer la ventouse le plus près possible
Le dégagement est fait le plus souvent après ablation de la du lambda et orienter la traction en fonction du type
ventouse, dès que le dégagement manuel est possible. de présentation. La flexion de la tête permet alors la
L'application de la ventouse au détroit supérieur sur un front rotation et la descente de celle-ci jusque sur le périnée ;
ou un siège est déconseillée par la majorité des auteurs [7]. – si l'application est faite au centre de la présentation, il
L'aide à l'expulsion est l'application la plus habituelle de faut comprendre qu'on défléchit alors la tête et qu'on
la ventouse ; la tête étant en OP, la traction retient la tête et aggrave la dystocie ;
empêche le retour en arrière de celle-ci entre les contrac- – le diagnostic de présentation est souvent difficile du
tions. Une pression de 500 à 600 millibars est souvent très fait d'une bosse sérosanguine ou d'un « champignon ».
suffisante dans cette indication. Il faut reconsidérer la situation, préciser la présenta-
tion par une échographie comme nous l'avons vu plus
Incidents et accidents des extractions haut et choisir un mode d'extraction plus adapté.
Il faut savoir abandonner si la progression du mobile
par ventouse
fœtal n'est pas obtenue rapidement et, plutôt que de poser
Échec un forceps qui risque aussi d'être un échec, recourir à une
L'application de la ventouse ne doit pas durer plus de dix à césarienne. Il faut redire que les efforts persistants pour
15 minutes, soit trois à cinq contractions sans progression. obtenir un accouchement par voie vaginale, en utilisant
372 Partie V. Techniques obstétricales
Fig. 29.22. Orientation de la traction sur la ventouse en fonction du type de présentation [27]. a. OIGA : traction en bas et à droite.
b. OIDA : traction en bas et à gauche. c. OIGT : traction horizontale et à droite. d. OIDT : traction horizontale et à gauche. e. OIGP : traction en
haut et à droite. f. OIDP : traction en haut et à gauche.
Fig. 29.26. Anatomie du scalp fœtal montrant la position de la veine émissaire de Santorini [27].
le fœtus contre la survenue d'hémorragies intra- ou périven- [10] CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : mode
triculaires (NP3) (recommandations du CNGOF [10]). d'accouchement des enfants de poids inférieur à 2 500 grammes.
Au total, la mortalité et la morbidité néonatale immé- J Gynecol Obstet Biol Reprod 1998 ; 27(Suppl.2) : 269–317.
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L'extraction instrumentale : [14] Haddad B., Abirached F., Calvez F., et al. La rotation manuelle des
■ reste un mode d'aide à l'expulsion fréquente : 11 % des présentations du sommet en occipito-iliaque postérieur ou transverse.
naissances ; J Gynecol Obstet Biol Reprod 1995 ; 24 : 181–8.
■ doit être sans danger pour la mère ou le fœtus car tous les [15] Hagador N., Freathy A., Ycomans E., et al. Validation of the 1988.
instruments sont sûrs s'ils sont bien utilisés ; ACOG Forceps Classification System. Obstet Gynecol 1991 ; 77 :
■ suppose le choix de l'instrument pour lequel on a reçu 356–60.
une formation et dont on a l'habitude de se servir ; [16] Hamilton B.E., Martin J., Ventura S.J., et al. In : Births : Final data
■ nécessite le respect des indications et des règles for 2006. National vital statistics reports. vol. 57. Hyattsville, MD :
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Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses 375
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Chapitre
30
Épisiotomie et déchirures
du périnée
J. Lansac, P. Deruelle
PLAN DU CHAPITRE
Le périnée pendant l'expulsion. . . . . . . . . . . . . 378 Soins postopératoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
L'épisiotomie et sa réfection. . . . . . . . . . . . . . . 378 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
Les déchirures et leur réfection. . . . . . . . . . . . . 383
la primipare et 14 % chez la multipare [7,23,24]. Les indi- réduire le taux d'épisiotomie et les douleurs périnéales. Le
cations varient selon les pays, passant de près de 100 % au nombre estimé de patientes à traiter est de 21 (12 à 75) pour
Japon et en Europe centrale à 50 % aux États-Unis, 20 % en éviter une épisiotomie [2].
Angleterre et 8 % au Pays-Bas [11]. La fréquence chez la pri- Un taux global d'épisiotomies inférieur à 30 % des accou-
mipare varie de 40 à 67 % et chez la multipare de 21 à 42 % chements par voie basse semble un chiffre raisonnable,
pour les accouchements normaux par voie basse. en dessous duquel on devrait parvenir en France comme
Les situations au cours desquelles on pratique une dans les autres pays [4]. Il faut donc réserver l'épisiotomie
épisiotomie sont donc extrêmement variables et très liées aux primipares ayant une présentation postérieure avec un
à la décision de l'accoucheur. Elles sont résumées dont le périnée rigide et fragile, surtout s'il s'agit d'un macrosome et
tableau 30.1. Il est très important de rappeler que l'indica- que l'on doit faire une extraction instrumentale au forceps
tion ne doit en aucun cas être systématique même s'il s'agit qui se révèle difficile, ou s'il y a des anomalies du rythme
d'une présentation postérieure, d'un siège, d'une gémellaire cardiaque fœtal nécessitant la naissance rapide de l'enfant.
ou d'extraction instrumentale (forceps et encore moins Chaque maternité de France se devrait de suivre et publier
ventouse). régulièrement le taux d'épisiotomie de l'équipe, voire de
La décision sera prise au cas par cas au moment du déga- chaque médecin ou sage-femme, afin de s'assurer que les
gement du mobile fœtal sur la base de l'expertise clinique chiffres sont en accord avec les recommandations nationales
de l'accoucheur ou de la sage-femme. La décision est donc et viser à maintenir l'objectif d'un taux en dessous de 30 %.
très subjective et dépendra de la nécessité de dégager rapide-
ment la tête fœtale et de la mise en tension des tissus.
Une controverse nationale, liée au taux élevé d'épisio- Technique de l'épisiotomie
tomie en France, a suscité de nombreuses interrogations Comment faire une épisiotomie ?
chez les patientes relayées par les médias mais aussi chez les
L'épisiotomie peut être pratiquée de façon médiane ou
professionnels de la périnatalité. On peut, par une politique
médiolatérale. Le tableau 30.2 expose les avantages et incon-
active, en faire baisser la fréquence. Bansal et al. [1] ont fait
vénients de ces deux types d'incision. L'incision médiola-
dans leur service passer le taux d'épisiotomie de 87 à 10 % en
térale est recommandée par les experts du CNGOF et du
augmentant le taux de périnées intacts (10 à 26 %) et en fai-
RCOG. L'épisiotomie médiane est responsable dans 20 %
sant baisser le taux de périnées complets et compliqués (9 à
des cas d'atteinte du sphincter anal, à la suite d'une exten-
4,2 %). De même, Eckman et al. ont montré qu'une politique
sion vers l'anus par section du raphé médian créant alors
restrictive de l'épisiotomie permettait de diminuer le taux de
une zone de faiblesse ainsi que d'une augmentation du taux
18,8 à 3,4 %, sans augmentation des déchirures sévères [6].
de fistules vésicovaginales à distance de l'accouchement.
Ainsi, on peut conclure que le risque de déchirure com-
L'épisiotomie médiane semble être plus douloureuse en
plète ou compliquée en l'absence d'épisiotomie est faible
postopératoire et souvent hémorragique.
(inférieur à 5 %) et non prévenu par l'épisiotomie. Il semble
L'épisiotomie intéresse la peau, la muqueuse vaginale, les
que la prévention de la dyspareunie, du prolapsus et de
muscles superficiels du périnée et tout le faisceau puborectal
l'incontinence urinaire ne soit pas assurée par ce geste mais
(figure 30.3).
plutôt par la rééducation. Il n'est pas démontré non plus que
la diminution de sa fréquence soit délétère pour l'enfant en
dehors d'anomalies du rythme cardiaque fœtal sévères jus- Préparation
tifiant d'écourter le dégagement. Les études randomisées Le périnée est soigneusement lavé à l'eau stérile, puis
ont montré que l'indication sélective (10 à 34 %) était pré- badigeonné largement avec une solution antiseptique
férable [15]. L'effet du massage périnéal ante-partum ou de (Bétadine®). L'ébarbage ou la tonte des poils du périnée n'est
la rééducation périnéale anténatale est controversé. Il en est pas systématique mais doit être préféré au rasage (NP3). On
de même pour le massage périnéal au cours du travail ou utilisera un matériel stérile conditionné spécifiquement afin
la position adoptée par la femme pour l'accouchement. Une de limiter les risques d'infection du matériel opératoire.
revue récente de la Cochrane Library a montré que le mas- Il est recommandé de recourir systématiquement à une
sage périnéale ante-partum pourrait avoir un intérêt pour méthode anesthésique avant de faire l'épisiotomie. Si la
a b
Fig. 30.3. Réalisation d'une épisiotomie [5]. a. Vue de face : les ciseaux partent du milieu de la fourchette à 45° sur l'horizontale. b. Vue
sagittale : les ciseaux doivent couper sur la même longueur la muqueuse et la peau.
Quand la faire ?
Le moment idéal pour la pratiquer est celui où le faisceau
puborectal est parfaitement superficialisé, c'est-à-dire
lorsque la tête est au petit couronnement, l'anus étant dilaté
de 3 cm environ (figure 30.3). En partant de la fourchette, en
suivant une direction de 45° avec l'horizontale, on sectionne
aux ciseaux droits (longs de 5 cm, bien affûtés) le plan péri-
néal sur 6 cm, en protégeant la présentation par deux doigts. Fig. 30.4. Complications d'une épisiotomie incomplète [13].
Deux coups de ciseaux sont nécessaires, le second étant
dirigé plutôt vers le vagin et sectionnant franchement le fais-
ceau puborectal exposé par les deux doigts intravaginaux.
En cas d'épisiotomie avec forceps, la direction de l'inci-
Réfection de l'épisiotomie (planche 30.1)
sion doit être plus horizontale, car l'ampliation du périnée Elle doit être faite sans tarder après la délivrance ou
est mal faite par les branches du forceps. L'incision en tota- une éventuelle révision utérine. Ainsi, l'hémorragie est
lité du faisceau puborectal doit être le but recherché impéra- réduite au minimum, les tissus sont frais et indemnes
tivement. En effet, sa section incomplète peut se compliquer d'infection.
d'un trait de refend qui suit la direction des fibres muscu- Il s'agit de la réparation d'une plaie chirurgicale imposant
laires et intéresse le sphincter anal (figure 30.4). une exposition parfaite des lésions, un matériel adapté et
une technique bien réglée.
Défauts de l'épisiotomie Préparatifs
La figure 30.5 indique les principaux défauts d'une épisioto- Matériel
mie ; il faut bien sûr les éviter car ils la rendent inefficace et
sont source de complications : On dispose sur une table, recouverte d'un champ stérile,
■ une hémorragie et un hématome peuvent conduire à une l'ensemble du matériel nécessaire, dont le détail est indiqué
infection et à une mauvaise cicatrisation ; dans le tableau 30.3. On prévoira un fil synthétique résor-
■ une cicatrisation imparfaite nécessite une reprise de bable qui génère moins de douleurs (NP1).
l'épisiotomie ou est source de dyspareunie (0,5 à 3 % des
cas) [3] ; Installation de la parturiente
■ une section des glandes de Bartholin ou du canal de ses La parturiente est installée en position gynécologique.
glandes lorsque l'épisiotomie est pratiquée trop haute, Le périnée est soigneusement lavé à l'eau stérile, puis
pouvant favoriser la survenue ultérieure de kystes ou badigeonné largement avec une solution antiseptique
d'infection de ces glandes. (Bétadine®). On isole le périnée par des champs stériles.
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée 381
Fig. 30.5. Défauts de l’épisiotomie [5]. a. Épisiotomie trop horizontale : risque de section des corps caverneux. b. Épisiotomie trop verticale :
risque de section des fibres extrêmes du sphincter. c. Épisiotomie trop longue et décentrée : inutile et douloureuse. d. Épisiotomie trop courte :
inefficace et complique la déchirure qu'elle ne prévient pas.
L'opérateur est habillé chirurgicalement (calot, masque berge. Ces deux fils, non noués, sont fixés par une pince sur
chirurgical, casaque et gants stériles). Un bilan soigneux le champ de la cuisse homolatérale.
des lésions nécessite un toucher rectal pour vérifier l'inté- Ces deux tracteurs ont un double intérêt :
grité du sphincter et de la muqueuse anale. Le sphincter est ■ un repérage du dernier point de suture de la muqueuse
délicatement roulé entre le pouce positionné sur la four- vaginale, ce qui permet un affrontement parfaitement
chette vulvaire et l'index dans l'anus. On vérifie l'absence de symétrique ;
trait de refend cutané, de lésions du vestibule et du vagin ■ une excellente exposition des lésions vaginales.
controlatéral.
a. L'anesthésie locale précède la réfection de l’épisiotomie ; b et c. Fermeture du plan muqueux (Catgut serti 0 ou 1). Il faut bien voir
on réalise des injections traçantes des plans superficiels. le haut de l'incision pour placer le premier point (b). Faire des points en X
prenant largement la muqueuse : les débris hyménéaux doivent se retrouver
face à face (c).
d et e. Réfection du plan
musculaire Réfection du
plan musculaire. Prendre
largement les berges
musculaires en passant
l'aiguille en deux fois (d).
Mettre un ou deux points
en X pour former un bon
plan musculaire (e).
i. Surjet continu.
h. Le point de Blair-Donati.
Tableau 30.3. Matériel nécessaire à la réfection Il est recommandé, dans les services chargés de l'ensei-
de l'épisiotomie. gnement, de mettre en place une formation théorique et
pratique à l'épisiotomie de manière à améliorer l'apprentis-
Matériel indispensable
1 pince à disséquer à griffes de 18 cm
sage de la réalisation et de la réparation par les jeunes opé-
1 porte-aiguille de Doyen de 18 cm rateurs. Des ateliers doivent être mis en place. Ils doivent
1 paire de ciseaux de Mayo-Still droits de 18 cm enseigner les différentes techniques et la prise en charge
2 pinces de Kelly droites générale et proposer des vidéos des différentes techniques
1 pince à champ de Jayle de réparation. L'utilisation de périnées de truie peut être
Matériel pouvant être nécessaire très utile pour la pratique. Ces ateliers peuvent également
2 valves vaginales de Doyen (120 × 45 mm) inclure l'enseignement de la réparation des déchirures.
1 pince à pansement utérin de 24 cm
1 seringue de 20 cm3, une aiguille intramusculaire, de la
lidocaïne à 1 % Les déchirures et leur réfection
Compresses et doigtiers stériles
Fils
Déchirures périnéales (planche 30.2)
Vicryl® 0 serti, aiguille 3/8, 36 mm Types de déchirures périnéales
Vicryl® 00 serti, aiguille 3/8, 36 mm
En France, on distingue trois degrés selon l'importance des
Mersuture ® 00 Dec. 3 serti, 1/2 cercle, 36 mm ou Ethicrin ®
monobrin 00 Dec. 3 serti aiguille 4/8, 36 mm lésions anatomiques. Les Anglo-Saxons distinguent quatre
degrés (tableau 30.4).
Les lésions sévères des deuxième et troisième degrés se
Plan cutané voient dans 0,6 à 0,8 % des accouchements par voie basse [18].
Certains préconisent un plan sous-cutané. Nous pensons
que l'adjonction d'un plan supplémentaire de matériel perdu Périnée dit « intact »
est une source d'inflammation et de gêne pour la patiente. Des études portant sur le degré de résistance à l'étirement
Ce plan n'est donc pas nécessaire. de fragments de peau, de la muqueuse vaginale et des
Pour suturer la peau, on peut : muscles révèlent que la résistance est décroissante de la
■ effectuer des points simples avec un fil à résorption rapide ; peau aux muscles. Ainsi, des lésions de la partie interne des
■ faire un surjet sous-cutané par un fil serti à résorption muscles élévateurs peuvent passer inaperçues en dessous
rapide qui a l'avantage d'éviter l'ablation désagréable des d'une peau intacte. Au pire, la rupture musculaire altère la
fils ; c'est recommandé par le CNGOF et le RCOG car tonicité et est source de dyspareunie. Il faut donc insister
moins douloureux (recommandations B). On commence sur l'absence de bénignité des « éraillures vaginales », qui
par l'angle inférieur toujours par souci de symétrie parfaite : peuvent s'accompagner de lésions musculaires ou de l'ap-
trois à quatre points, passés de proche en proche, suffisent. pareil sphinctérien sous-jacent. L'examen du périnée dans
Nous terminons par la reconstitution de la fourchette vul- le post-partum par échographie montre, chez la primipare
vaire. La conjonction des points de repère et de la suture après un accouchement normal périnée intact, jusqu'à 36
cutanée de bas en haut permet un affrontement parfait. Le % de femmes ayant des lésions sphinctériennes [9]. La
nœud est placé en haut au niveau de la fourchette vulvaire recherche systématique de ce type de lésion est difficile.
sans mise en tension qui peut être source de douleur. Par ailleurs, la prise en charge avec réparation immédiate
est controversée.
Surjet continu – technique un fil-un nœud
(planche 30.1 i) Déchirure du premier degré
Cette technique nécessite un apprentissage spécifique mais est Elle consiste en une lésion des muscles superficiels du péri-
de réalisation facile et réduit la douleur et les risques de déhis- née, de la peau anovulvaire et de la muqueuse vaginale. La
cence (NP1 [4]). Elle consiste à effectuer un surjet, avec un seul déchirure remonte plus ou moins haut vers les culs-de-sac
fil à résorption rapide 2.0 ou 0.0 (décimale 3,5 ou 3), débutant latéraux du vagin.
au sommet de l'incision vaginale jusqu'en arrière de la cicatrice
hyménéale. Ce surjet se poursuit sur le plan musculaire jusqu'au Déchirure du deuxième degré (périnée complet)
point d'angle cutané puis du plan sous-cutané en remontant de Elle atteint le sphincter externe de l'anus. Le plus souvent, elle
l'angle de la peau jusqu'à la cicatrice hyménéale. Il est parfois est due à une épisiotomie insuffisante. L'espace pelvirectal est
nécessaire de réaliser la suture du plan musculaire par un surjet béant, avec des lésions vaginales importantes, en règle bilaté-
descendant puis montant afin d'effacer l'espace mort sous-cutané rales. Le bout externe du sphincter se rétracte dans sa gaine.
et d'absorber les tensions pouvant s'exercer sur le plan cutané.
Le plan sous-cutané se termine en avant de l'hymen et l'aiguille
ressort du plan muqueux. Pour finir le surjet intradermique au Déchirure du troisième degré
niveau du point] d'angle de la peau, il faut piquer en sous-cutané (périnée complet compliqué)
dans la fesse pour faire ressortir l'aiguille à 1-2 cm de l'angle puis Elle se caractérise par une atteinte de la muqueuse du canal
couper le fil au ras de la peau qui sera alors enfouit. anal. L'anus est béant et forme avec le vagin un véritable
Quel que soit le type de suture, il faut faire l'ablation du cloaque. Les sphincters interne et externe sont entièrement
tampon intravaginal (un toucher vaginal doit être effectué rompus et les deux chefs sont rétractés. La lésion vaginale
afin de vérifier l'absence de compresse mise en place dans remonte haut vers les culs-de-sac latéraux. La rupture du
la vagin) et une toilette périnéale terminera l'intervention. sphincter interne favorise l'incontinence anale [18].
384 Partie V. Techniques obstétricales
D’après Rouvillois J.L., Levardon M. Déchirures obstétricales récentes du périnée. Épisiotomies. Paris, Encycl Méd Chir , Obstétrique 5, 1974,
50788-40 ; et Hervet et Glaser. Traitement des déchirures obstétricales récentes. Paris, Encycl Méd Chir , Techniques chirurgicales 41–695.
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée 385
Fig. 30.6. Déchirure intravaginale du col [5]. a. Exposition des lésions. b. Suture au Vicryl® 0 serti d'une déchirure intravaginale du col.
rechercher ce point à la fourchette postérieure qui est sou- [7] Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en 2010 et leur évo-
vent associé à une impression de bride de petite taille où se lution depuis 2003 [Internet]. [cited 2015 Jul 2]. www.sante.gouv.fr/
situe la zone douloureuse. Le meilleur traitement reste la IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.
pdf.
réparation soigneuse de toute déchirure.
[8] Faisal-Cury A, Menezes PR, Quayle J, et al. The relationship between
Certaines femmes signalent la persistance de douleurs mode of delivery and sexual health outcomes after childbirth. J Sex
invalidantes dont l'origine est parfois difficile à trouver. Med 2015 ; 12(5) : 1212–20.
Rarement, la glande de Bartholin ou son canal sont [9] Faltin DL, Boulvain M, Floris LA, et al. Diagnosis of anal sphincter
concernés par la suture. C'est plus souvent le cas des épi- tears to prevent fecal incontinence : a randomized controlled trial.
siotomies latérales. Un kyste peut apparaître avec son risque Obstet Gynecol 2005 ; 106(1) : 6–13.
infectieux. [10] Fernando R, Sultan AH, Kettle C, et al. Methods of repair for obs-
tetric anal sphincter injury. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; 3 :
CD002866.
Conclusion [11] Graham ID, Carroli G, Davies C, et al. Episiotomy rates around the
world : an update. Birth Berkeley Calif 2005 ; 32(3) : 219–23.
Protéger le périnée est une préoccupation constante de la [12] Parant O, Reme JM, Monrozies X. Déchirures obstétricales récentes.
sage-femme et du gynécologue-obstétricien lors de l'expul- EMC, Techniques chirurgicales, 41-898.
sion. L'épisiotomie systématique n'est pas le bon moyen de [13] Lansac J, Body G, Magnin G. La pratique chirurgicale en gynécologie
protéger le périnée. Mieux vaut une épisiotomie réalisée à bon obstétrique. Paris : Masson ; 2011.
escient et sur des indications limitées, essentiellement une pri- [14] Lansac C, Berger G. Magnin. Obstétrique pour le praticien. Paris :
mipare ayant un gros enfant et nécessitant une extraction ins- Masson ; 2003.
[15] Lede RL, Belizán JM, Carroli G. Is routine use of episiotomy justified ?
trumentale. Dans 70 % des cas, un accouchement normal ne
Am J Obstet Gynecol 1996 ; 174(5) : 1399–402.
nécessite que le respect de la physiologie de l'accouchement. [16] McElhinney BR, Glenn DR, Dornan G, et al. Episiotomy repair :
Qu'il y ait eu une petite déchirure, une épisiotomie ou Vicryl versus Vicryl rapide. Ulster Med J 2000 ; 69(1) : 27–9.
une lésion périnéale grave, la réparation parfaitement ana- [17] Mellier G. Réparation secondaire des ruptures anciennes du sphincter
tomique des lésions du périnée, associée à une rééducation anal. Mises à jour en gynécologie-obstétrique. Paris : CNGOF ; 2009.
périnéale, permet d'obtenir un bon résultat fonctionnel. [18] RCOG. Management of Third & Fourth Degree Perineal Trauma -
b5.16.pdf [Internet]. [cited 2015 Jul 2]. www.kemh.health.wa.gov.au/
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[19] Rouvillois JL, Levardon M. Déchirures obstétricales récentes du péri-
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Collège national des gynécologues obstétriciens français. J Gynécologie nées complets (déchirure périnéale stade 3 et 4) : revue de la littéra-
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Chapitre
31
La césarienne
D. Vardon, G. Benoist, M. Dreyfus
PLAN DU CHAPITRE
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Indications de la césarienne . . . . . . . . . . . . . . . 391
Bref rappel historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Technique de la césarienne . . . . . . . . . . . . . . . 394
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Complications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406
Pourquoi l'augmentation du taux Compte-rendu opératoire . . . . . . . . . . . . . . . . 408
de césarienne ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409
• L'interne doit savoir réaliser une césarienne, établir le JQGA005 Accouchement par césarienne, par abord vaginal.
compte-rendu opératoire et en surveiller les suites.
césarienne par accouchement, avec un taux inférieur mini- décrit une augmentation progressive jusqu'à 2003 avant que
mal à 5 % et un taux supérieur maximal de 15 %. Dans sa le taux ne se stabilise jusqu'en 2010 [37].
directive de 2014, l'OMS indique qu'au-delà d'un taux de 10 Selon l'European Perinatal Health Report, le taux de césa-
à 15 %, on n'observe pas de baisse de la mortalité maternelle rienne variait en 2004 de 15,1 % (Pays-Bas) à 37,8 % (Italie)
ou fœtale. dans les différents pays de l'Union européenne [51]. Les
Le taux de césarienne a triplé en 30 ans en France, pas- pays du Nord détiennent les taux les plus bas avec 16,2 %
sant de 6 % en 1972 à 21 % en 2010 [21]. La moitié des césa- pour la Suède et 16,5 % pour la Norvège. À l'opposé, selon
riennes est réalisée avant tout travail et 23 % des multipares les données de l'OCDE et de l'OMS, le taux de césarienne est
ont un utérus cicatriciel. Avec 200 000 cas par an, il s'agit de de 31,4 % aux États-Unis, 36 % au Brésil et 49 % au Mexique.
l'intervention chirurgicale la plus pratiquée. Une forte évolu- En Chine, le taux de césarienne atteint 52,5 % (dans le
tion du nombre de césariennes a été observée durant 15 ans contexte « de l'enfant unique ») (figure 31.2).
avant que les taux ne se stabilisent (figure 31.1). Il a ainsi été
Fig. 31.1. Évolution du pourcentage global de césariennes et selon la parité, en France de 1994 à 2010 [7].
Fig. 31.2. Corrélation entre la mortalité et la fréquence des césariennes dans différents pays européens.
Chapitre 31. La césarienne 391
Blondel et al. ont récemment publié les taux globaux de césa- Césarienne programmée
rienne dans les pays européens pour l'année 2010 (Belgique ■ L'indication est portée avant l'accouchement, en consul-
20,2 %, Danemark 22,1%, Allemagne 31,3 %, Espagne 26,3 %, tation au cours des visites prénatales. La césarienne peut
Italie 38 %, Norvège 17,1 % et France 21 %) [39]. être réalisée sur indications médicales (maternelles et/ou
On sait cependant que la mortalité périnatale n'est fœtales) mais également sur demande maternelle. Cette
pas directement liée au taux de césarienne (figure 31.2). dernière est alors demandée par la mère sans indication
L'amélioration de la mortalité est également liée aux progrès médicale, pour une grossesse monofœtale, à terme, et
de la réanimation néonatale. La morbidité néonatale peut correspond à la terminologie anglo-saxonne suivante :
aussi augmenter du fait des détresses respiratoires observées cesarean delivery on maternal request [3,33,38].
après des césariennes prophylactiques faites avant 39 SA. ■ La césarienne est dite « prophylactique » s'il s'agit d'une
première intervention et « itérative » si la femme a déjà eu
Pourquoi l'augmentation une césarienne.
du taux de césarienne ? ■ La césarienne programmée représente un peu moins
de la moitié des césariennes. Il existe une hétérogénéité
L'augmentation des césariennes est liée à l'augmentation de des pratiques en France selon le type et le statut de la
l'âge des parturientes, l'augmentation du nombre de grossesses maternité. La césarienne programmée est plus pratiquée
gémellaires, de l'obésité maternelle, la réalisation fréquente de dans les maternités de type I et les maternités privées
césariennes lors des présentations du siège et des utérus cicatri- selon l'analyse effectuée par la Direction de la recherche,
ciels. Il faut ajouter à cela les définitions variables des dystocies des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)
et les pratiques de l'accoucheur, voire la demande des patientes [20,21].
qui pensent que ce mode d'accouchement est plus sûr. Or, il n'en ■ L'intervention programmée, sauf indication médicale
est rien ni pour l'enfant ni pour la mère puisque la mortalité contraire, doit être faite à partir de 39 SA lorsque la matu-
maternelle est de 1 à 3 ‰, soit un risque quatre à dix fois supé- rité pulmonaire fœtale est assurée. Il faut éviter sa réali-
rieur à celui de l'accouchement par voie basse. Afin de comparer sation chez une femme en début de travail qui ne peut
les pratiques des maternités selon le type de structure de soin accoucher par voie basse.
(maternités de types 1, 2 et 3), on peut évaluer les taux de césa-
rienne selon différents groupes de patientes en fonction de cri-
tères tels que la parité, le type de mise en travail, le taux d'utérus Indications médicales
cicatriciel, et ainsi évaluer le score de Robson [36]. Les indications sont énumérées ci-dessous et il est néces-
Ces quelques chiffres illustrent le fait que la césarienne, saire de se référer à chaque chapitre relatif à la situation
initialement utilisée pour contourner un obstacle méca- évoquée. Certaines causes de césariennes fréquemment
nique insurmontable puis pour limiter le traumatisme fœtal, rencontrées en pratique clinique sont volontairement détail-
est devenue une modalité de naissance choisie. D'autres fac- lées dans le but de clarifier les données et les recommanda-
teurs que le taux de césarienne interviennent sur la mortalité tions actuelles, et ainsi de préciser si l'indication est justifiée
périnatale, qu'il s'agisse de la surveillance de la grossesse, de [30]. Dans tous les cas, une information claire délivrée à la
la prévention de la prématurité, du monitorage obstétrical patiente est indispensable et une trace de cette discussion
ou des facteurs socioéconomiques. doit être présente dans le dossier.
En 1991, certains pays ont réussi à faire baisser leur taux
de césarienne de 17,5 à 11,5 % sans aggraver la morbidité Utérus cicatriciel
néonatale, en mettant en place des procédures concernant ■ Un antécédent de césarienne par incision utérine corpo-
les indications de césariennes sur utérus cicatriciel et en réale ou un antécédent d'au moins trois césariennes sont
demandant que les indications de césariennes prophylac- des indications de césarienne.
tiques soient posées par deux obstétriciens [42]. ■ L'utérus monocicatriciel avec une incision segmentaire
Récemment, au Canada, où les taux d'accouchement transversale n'est pas en soi une indication de césarienne
par césarienne ont augmenté considérablement au cours programmée et l'accouchement par voie basse est un
de la dernière décennie, un essai contrôlé randomisé a été choix raisonnable pour la majorité des patientes.
mené dans 32 hôpitaux [12]. Un audit des indications de ■ L'antécédent de deux césariennes n'est pas une indication
césariennes a été mené dans chacune des maternités. Il a pu impérative de césarienne car le risque absolu de rupture
être établi que, parmi les 184 952 participantes, il y avait une utérine est faible.
réduction significative du taux de césarienne grâce à cette ■ En cas d'antécédent de myomectomie ou d'hystérosco-
méthodologie (22,5 à 21,8 % dans le groupe d'intervention). pie opératoire, la décision se fera au cas par cas et il n'y
Une réduction majeure de la morbidité néonatale a égale- a pas de données evidence-based medicine dans la litté-
ment été constatée. rature. L'existence de plusieurs myomectomies (> 3) ou
d'une effraction de la cavité utérine, de même qu'un délai
rapproché entre l'intervention et le début de grossesse
Indications de la césarienne sont pour certains une indication de césarienne sans qu'il
Dans 50 à 70 % des cas, la césarienne est décidée du fait n'y ait de consensus.
d'indications multiples ou associées (www.has-sante.fr/ ■ Dans le cadre de la chirurgie hystéroscopique, une sec-
portail/upload/docs/application/pdf/2012-03/reco2clics_ tion de cloison et/ou une perforation avec utilisation de
indications-cesarienne.pdf). coagulation monopolaire pourraient augmenter le risque
392 Partie V. Techniques obstétricales
de rupture utérine mais les données sont insuffisantes ■ La place de la césarienne en cas de macrosomie a été
pour recommander la réalisation d'une césarienne pro- discutée dans les RPC du CNGOF concernant les césa-
grammée dans ce contexte. Dans les cas difficiles, il fau- riennes en 2000 [26] et concernant la prise en charge du
dra dans la mesure du possible tenir compte de l'avis du diabète gestationnel en 2010 [23,24].
chirurgien ayant réalisé l'intervention.
■ Concernant les modalités techniques de réalisation de la Prévention de la transmission mère/enfant
césarienne en cas d'utérus cicatriciel, il n'y a pas de don- d'infection maternelle
nées suffisantes pour recommander une technique chirur- ■ VIH1/VIH2 : En accord avec les dernières recommanda-
gicale particulière en cas de césarienne programmée [43]. tions, il est recommandé de réaliser une césarienne pro-
■ La prise en charge des utérus cicatriciels et la place de grammée en cas de charge virale supérieure à 400 copies
la césarienne dans ce contexte ont été discutées dans les VIH/ml [44]. Dans le cas d'une charge virale comprise
recommandations pour la pratique clinique (RPC) du entre 50 et 400 copies/ml, une discussion entre le gynéco-
CNGOF en 2000 puis en 2012 [8,17,19]. logue obstétricien et l'infectiologue est nécessaire [9].
■ Hépatite C : Il n'est pas recommandé de réaliser une césa-
Grossesses multiples rienne programmée dans le cas d'une mono-infection
■ La césarienne est indiquée dans les grossesses multiples par le VHC [22,25].
de trois fœtus et plus. ■ Dans le cas d'une coinfection VIH-VHC, la césarienne
■ En cas de grossesse gémellaire monoamniotique, une programmée est recommandée, en raison de l'augmenta-
naissance doit être envisagée à partir de 34 SA. Il n'y a pas tion du taux de transmission mère-enfant du VHC.
suffisamment d'arguments pour contre-indiquer formel- ■ Hépatite B : il n'est pas recommandé de réaliser une césa-
lement un accouchement par voie basse dans ce contexte. rienne programmée dans le cas d'une mono-infection
Néanmoins la césarienne est réalisée par la plupart des VHB, ou d'une coinfection VHB-VIH. Il est cependant
équipes pour limiter le risque d'accident funiculaire au possible que la césarienne limite le risque de transmis-
décours de l'accouchement (enchevêtrement des cordons, sion virale de la mère à l'enfant en cas de charge virale
procidence). élevée [56].
■ Dans les autres cas de grossesses gémellaires (biamnio- ■ Herpès virus : Il est recommandé de réaliser une césa-
tiques) et en l'absence de complications fœtales : rienne en cas d'éruption visible lors de la mise en travail
– si le premier jumeau (J1) est en céphalique, il n'y a pas (primo-infection ou récurrence) [10]. Si une primo-
d'indication de césarienne programmée ; infection herpétique se déclare après 35 semaines d'amé-
– si J1 est en siège, il n'y a pas lieu de recommander une norrhée, une césarienne programmée est recommandée
voie plus qu'une autre ; la décision se fera en fonction à 39 semaines en raison du risque d'herpes néonatal. Des
de l'expertise de l'équipe obstétricale. récurrences herpétiques pendant la grossesse ne sont pas
■ Le mode d'accouchement des grossesses gémellaires a été une indication de césarienne programmée [15].
discuté dans les RPC du CNGOF en 2009 [55].
Bassin chirurgical
Siège Présentation dystocique
La présentation du siège n'est pas en elle-même une indica- Une césarienne est réalisée en cas de présentation transver-
tion de césarienne programmée. La césarienne est indiquée sale après échec de version par manœuvres externes.
si la patiente refuse l'accouchement par les voies naturelles,
le bassin maternel est anormal, en cas de déflexion primi- Causes placentaires et obstacles praevia connus
tive de la tête, en cas de macrosomie fœtale ou de retard de ■ Placenta accreta ou percreta avec prise en charge très
croissance intra-utérin. spécifique).
■ Placenta praevia : indication de césarienne programmée
Macrosomie liée ou non au diabète en cas de placenta recouvrant ou marginal et latéral à
■ Hors diabète : indication de césarienne programmée si moins de 2 cm de l'orifice interne du col utérin.
poids fœtal estimé supérieur ou égal à 5 000 g et discus- ■ Vaisseaux praevia, procubitus du cordon, fibrome, kyste
sion au cas par cas entre 4 500 et 5 000 g. ovarien, rein pelvien, tumeur sacrée ou hémi-utérus praevia.
■ Avec diabète associé : indication de césarienne program-
mée à partir d'une estimation de poids fœtal de 4 500 g, à Anomalies ou lésions de l'appareil génital
discuter à partir de 4 250 g. ■ Antécédent de déchirure obstétricale périnéale avec
■ Avec antécédent de césarienne associé : pas d'indication réparation sphinctérienne : il n'y pas de consensus car le
de césarienne programmée en soi mais indication si esti- risque de récurrence n'est pas prévisible, ni la répercus-
mation du poids fœtal supérieur à 4 500 g du fait de l'aug- sion au plan fonctionnel (apparition d'une incontinence
mentation du risque de césarienne en urgence (échec anale ou aggravation des symptômes) et la patiente doit
tentative voie basse). en être prévenue mais il semble légitime de proposer
■ Avec antécédent de dystocie des épaules : indication de une césarienne programmée si la patiente est sympto-
césarienne programmée si la dystocie des épaules a été matique, si l'échographie endoanale et/ou la manométrie
compliquée d'une lésion du plexus brachial. Discussion sont anormales, si la déchirure a concerné également la
au cas par cas dans les autres situations (RPC 2015). muqueuse anale et/ou rectale.
Chapitre 31. La césarienne 393
■ Autres anomalies : fistule, antécédent de cure chirur- situations où le pronostic vital fœtal dépend de la rapidité
gicale de prolapsus, cancer du col, anomalie du vagin d'extraction de l'enfant. Une classification des césariennes
(diaphragme). en fonction du degré d'urgence et du délai d'extraction le
plus adapté a été proposé. Huissoud et al. ainsi que le service
Pathologies maternelles « générales » : de gynécologie-obstétrique de l'hôpital de la Croix-Rousse
■ Cardiopathie, accident vasculaire cérébral, insuffisance à Lyon, s'inspirant de la classification anglaise de Lucas DN
respiratoire. Ces indications peuvent être des indications parue en 2000, ont mis en place en 2008 un code couleur
d'extractions instrumentales plutôt que de césarienne permettant de classer les césariennes en fonction du degré
(à discuter avec le spécialiste de l'organe). de l'urgence (code rouge pour les extrêmes urgences, code
■ Maladies inflammatoires chroniques intestinales, en cas orange pour les urgences non extrêmes et code vert pour les
d'atteinte périnéale sévère ou antécédent de chirurgie césariennes non urgentes et non programmées) [34]. Cette
lourde digestive basse. classification permet de définir les procédures adaptées à
ces situations. L'objectif, lors de césariennes en extrême
urgence, est d'atteindre un délai décision-extraction infé-
Causes fœtales
rieur à 15 minutes. Ce délai doit être pondéré selon les
■ Dans le cadre d'une hypertension artérielle avec retard contraintes organisationnelles locales [35].
de croissance, de retard de croissance d'autre origine avec
fragilité fœtale, d'une allo-immunisation maternofœtale,
d'un diabète, certaines malformations fœtales (tératomes Indications
saccrococcygiens, spina bifida, etc.). Nous séparerons schématiquement les césariennes « code
rouge » et les autres.
Césarienne sur demande maternelle [3]
La peur de l'accouchement est souvent décrite par les femmes Césariennes avec menace immédiate du pronostic
enceintes : peur de la douleur, de la lésion périnéale, de la vital maternel et/ou fœtal (code rouge)
césarienne en urgence, d'une complication pour l'enfant. La ■ Suspicion de rupture utérine : la prérupture est reconnue
peur de la primipare est volontiers liée à l'inconnu et celle de devant l'hypertonie avec mauvais relâchement entre les
la multipare peut être liée à un antécédent d'accouchement contractions, l'apparition de douleurs segmentaires et/
par voie naturelle mal vécu. L'influence de l'environnement ou de saignements survenant dans un contexte évoca-
a également un rôle (proches mais aussi personnel médical). teur (utérus cicatriciel, stagnation du travail). Ces signes
Le rôle de l'obstétricien ou de la sage-femme est de discuter doivent inciter à réaliser une césarienne avant l'apparition
au cas par cas, de mettre en balance « bénéfices » et « risques » de l'anneau de rétraction de Bandl (utérus en sablier) et la
de façon honnête en s'appuyant sur les données basées sur rupture vraie, qui nécessitent une intervention d'extrême
la littérature et sur d'autres professionnels de santé (anesthé- urgence.
sistes, pédiatres). Il est aussi important d'écouter, de com- ■ Hémorragie maternelle abondante : elle peut être due à
prendre, de rassurer. De manière scientifique et rationnelle, un placenta praevia, un hématome rétroplacentaire avec
la césarienne sur demande maternelle n'est pas une indica- enfant vivant, la rupture d'un vaisseau praevia diagnosti-
tion logique du fait des risques liés à cette intervention. qué devant un liquide amniotique sanglant (hémorragie
La FIGO indique que « la césarienne pour des raisons de Benckiser).
non médicales n'est pas justifiée d'un point de vue éthique. ■ Anomalie du rythme cardiaque fœtal (RCF) sévère avec
"La HAS précise que" la demande maternelle n'est pas en soi impossibilité d'extraction instrumentale (voir chapitre 14).
une indication de césarienne » [30]. ■ Procidence du cordon : elle est le plus souvent associée à
Reste la question de l'autonomie de la patiente et la une anomalie du RCF. Il s'agit d'une indication de césa-
possibilité pour un professionnel de refuser de faire une rienne d'extrême urgence sauf si l'enfant est mort ou la
césarienne alors qu'un article du code de la santé publique tête est engagée à la partie basse (il est plus rapide de faire
(article L. 1111-4) stipule, entre autres, que le « médecin doit une extraction instrumentale).
respecter la volonté de la personne après l'avoir informée
des conséquences de son choix ». L'évolution des pratiques Autres indications de césarienne en urgence
médicales fondée sur le principe de précaution pourrait ■ Anomalie du RCF (excepté association avec échec
contribuer à l'augmentation des césariennes en raison de la d'extraction instrumentale ou bradycardie) : leur respon-
crainte d'un potentiel recours juridique à l'issue d'un accou- sabilité dans le taux de césarienne a augmenté avec l'utili-
chement par les voies naturelles avec complication, quelle sation en routine de la cardiotocographie. Actuellement,
qu'en soit sa gravité. elles représentent moins de 10 % des indications de césa-
rienne du fait d'une meilleure connaissance de l'interpré-
Césarienne en urgence (en dehors tation des tracés et des différents moyens d'évaluation du
du travail ou pendant le travail) degré d'hypoxie fœtale de seconde ligne (pH, lactates,
etc.) (voir chapitre 14).
Code couleur (figure 31.3) ■ La mort fœtale n'est pas une indication de césarienne en
Lors des césariennes non programmées, dites « césariennes soi, en particulier pour un jumeau.
en urgence », le délai entre la décision de césarienne et ■ Dystocie mécanique : elle reste l'indication de 40 % des
l'extraction de l'enfant peut être primordial. Il existe des césariennes. Elle peut être liée à :
394 Partie V. Techniques obstétricales
Fig. 31.3. Classification des césariennes urgentes en dehors ou en cours du travail selon un code couleur déterminant le délai « déci-
sion/naissance » [34].
Préparation à l'intervention
Information
L'information de la patiente est indispensable et doit être
faite en consultation au moins lorsque la césarienne est pro-
Fig. 31.4. Rapports anatomiques antérieurs de l'utérus. grammée ou fortement probable. On exposera à la femme,
Modèle déposé. Ne peut être modifié sans l'accord du CNGOF. Rédaction : 1999. Révision : 2009.
Chapitre 31. La césarienne 397
et si possible à son conjoint, l'indication, les modalités anes- ■ s'il s'agit d'une césarienne programmée, la patiente aura
thésiques, les complications possibles pour le(les) enfant(s) pris une douche au préalable ;
et pour la femme en particulier, les risques hémorragiques ■ l'identitovigilance doit être respectée ;
et de transfusion éventuelle. En cas de transfert vers une ■ la check-list du bloc opératoire doit être vérifiée ;
maternité de type II ou III, les raisons en seront expliquées. ■ on réalise une tonte abdominopelvienne (on ne fait plus
Une fiche d'information comme celle préparée par de rasage) ;
le CNGOF lui sera remise [16]. La HAS a également réa- ■ une désinfection pariétale est faite par l'infirmier(e) puis
lisé une fiche d'information accessible sur internet par les une deuxième par le médecin ;
patientes [31]. ■ une sonde vésicale à demeure est mise en place avec
Les sociétés savantes internationales ont également mis à asepsie.
disposition des feuilles d'information pour les patientes [1].
Après l'intervention un courrier sera adressé au médecin
de famille précisant l'indication et l'issue de l'intervention Anesthésie
(encadré 31.1). La qualité et le choix du type d'anesthésie dépendent beau-
L'association « Césarine » se présente comme une asso- coup de la collaboration obstétricien-anesthésiste. Sont par-
ciation d'usager offrant échange, soutien et information ticulièrement importants :
autour de la naissance par césarienne. Leur site internet ■ le respect par l'équipe obstétricale des précautions
peut être une source d'information pour les patientes simples (patiente à jeun, prise d'antiacides per os toutes
(www.cesarine.org). les 3 h en cas de patiente en travail, bilan préopératoire) ;
■ l'information de l'anesthésiste afin qu'il suive l'évolution
et le degré d'avancement d'un travail difficile et les com-
Bilan préanesthésique
plications possibles, afin de préparer son anesthésie ;
En cas de césarienne programmée, il est effectué dans le ■ le type d'anesthésie qui dépend des circonstances obsté-
cadre d'une consultation préanesthésique prévue par la loi tricales et de la pathologie maternelle, des contre-indica-
au moins huit jours avant l'intervention. La femme sera tions de chaque méthode et de l'habitude de l'anesthésiste.
revue la veille par l'équipe d'anesthésie. ■ l'anesthésie locorégionale type rachianesthésie (ou péri-
Dans le cas d'une situation obstétricale à haut risque rachi-anesthésie plus rarement), idéale pour les césa-
de césarienne (déclenchement, épreuve du travail), l'anes- riennes programmées ;
thésiste de garde doit être prévenu dès l'entrée en salle de ■ l' anesthésie locorégionale type péridurale, idéale pour
travail. une césarienne en cours de travail chez une femme
bénéficiant déjà de ce type d'anesthésie. Elle nécessite
Au bloc opératoire le respect absolu des contre-indications médicales, un
anesthésiste rodé à la technique et à la prévention de
En cas de césarienne au cours du travail, lorsque la femme a l'hypotension ;
été admise au bloc opératoire et qu'elle est sur la table d'in- ■ l'anesthésie générale qui est généralement la seule solu-
tervention, avant que la césarienne ne soit débutée, un des tion dans les indications d'urgence, en l'absence de toute
membres de l'équipe obstétricale doit réexaminer la femme anesthésie locorégionale déjà en place, si cette dernière
pour vérifier les éléments suivants : est jugée inefficace ou d'installation trop longue selon
■ l'avancement du travail en faisant un toucher vaginal car le contexte. L'anesthésie générale doit être évitée car il
il y a une possibilité d'évolution entre la décision d'opérer y a un risque d'inhalation pour la mère et un risque de
et le passage dans le bloc opératoire ; dépression respiratoire pour l'enfant. Au cas par cas, en
■ l'état du fœtus, sa surveillance n'ayant pas toujours été l'absence d'anesthésie, le duo obstétrique-anesthésie peut
continue pendant le transfert. Il est indispensable, avant décider la pose d'une rachianesthésie pour éviter une
de préparer les champs opératoires, d'écouter et/ou d'en- anesthésie générale.
registrer le rythme cardiaque fœtal.
Il convient de s'assurer que l'enfant peut être recueilli et
éventuellement réanimé par une personne exclusivement Acte opératoire
désignée, et disponible à cet effet (pédiatre, anesthésiste Il doit être réglé, simple, permettant un déroulement stéréo-
ou sage-femme). De principe, le pédiatre doit être prévenu typé et rapide :
lors de la décision de césarienne afin de prévoir l'accueil ■ un double gantage est recommandé ;
pédiatrique du (ou des) enfant(s). Cependant, lors d'une ■ la boîte d'instruments doit être réduite au matériel indis-
césarienne avant travail pour un fœtus normal à terme, la pensable ; nous donnons à titre d'exemple la composition
présence systématique d'un pédiatre en salle de naissance d'une boîte de césarienne (tableau 31.2) ;
n'est pas indispensable. ■ il faut y ajouter la possibilité de réaliser une extraction
D'autres éléments doivent être vérifiés : instrumentale (ventouse à usage unique, forceps).
■ s'assurer de la localisation placentaire (compte rendu
d'échographie), même en situation d'urgence, car
l'incision utérine peut parfois être modifiée par cette Ouverture
information ; Différents modes d'ouverture pariétale ont été publiés
■ une voie veineuse de calibre suffisant (16 gauges si pos- [18,27,28]. On ne réalise plus d'incision cutanée verti-
sible) doit être mise en place ; cale (sauf cas particuliers tels que reprise d'une cicatrice
398 Partie V. Techniques obstétricales
a ntérieure, placenta accreta). L'incision cutanée est trans- Quelle que soit la technique choisie, il est important de
versale sus-pubienne ; il en existe différents types et le respecter les muscles pyramidaux et les pédicules épigas-
tableau 31.3 résume leurs différences selon le plan abordé. triques. L'incision pariétale doit être assez grande, 15 cm
L'incision de Pfannenstiel [2] est la plus ancienne et la environ entre les deux valves de l'écarteur, pour permettre
plus classique mais elle tend à être remplacée par l'incision une extraction facile du fœtus. L'hémostase pariétale est
transrectale ou de Misgav Ladach (figure 31.6). rapidement menée en cas d'extrême urgence ; on peut même
L'incision transrectale de Maylard (dite aussi de ne la faire que lors de la fermeture pariétale.
Mouchel) donne une incision plus large, sans morbidité
supplémentaire. Exposition (figure 31.7)
L'incision de Misgav Ladach (ou Cohen-Stark) est la plus Une fois la grande cavité abdominale ouverte, certains pré-
récente. Sa facilité et sa rapidité d'exécution ont participé à sa conisent l'utilisation d'un écarteur autostatique à deux valves
large diffusion. Le tissu sous-cutané et l'aponévrose sont incisés latérales (type Cotte) et de champs abdominaux humides
sur 3 cm et on s'agrandit aux doigts. C'est aussi avec les doigts avec index opaque aux rayons X mis en place de chaque côté
qu'on écarte les muscles droits et qu'on ouvre transversalement de l'utérus. Ces pratiques ne sont pas obligatoires.
le péritoine. Dans les césariennes itératives, elle est peu adaptée et
il faut préférer la voie d'abord de type Pfannenstiel ou Mouchel. Incision du péritoine viscéral (figure 31.8)
Elle est faite aux ciseaux, transversalement, après avoir fait
Tableau 31.2. Composition d'une boîte un pli péritonéal sur 2 ou 3 cm au-dessus de la limite supé-
de césarienne. rieure de la zone décollable. Les ciseaux sont faufilés sous le
péritoine, concavité vers le haut. L'incision est limitée à 5 ou
2 valves de Doyen 6 cm de chaque côté de la ligne médiane. La berge supé-
1 écarteur de Cotte ou de Ricard de taille moyenne avec 3 jeux rieure est facilement refoulée jusqu'à la zone d'accolement.
de valves selon l'épaisseur de la patiente
2 écarteurs de Farabeuf
1 aiguille de Reverdin Refoulement de la vessie (figure 31.9)
1 bistouri no 4 court Avec les ciseaux dont la courbure est tournée vers l'utérus
1 port-aiguille de Mayo Hegar de 20 cm
et que l'on ouvre doucement, on trouve facilement le plan
1 paire de ciseaux de Metzenbaum de 23 cm
1 paire de ciseaux de Mayo courbes de 18 cm
de clivage entre vessie et segment inférieur. Alors que l'on
1 paire de ciseaux à fil à bout rond tend avec une pince atraumatique la berge inférieure du
1 pince à disséquer à griffe de 20 cm péritoine, les fines adhérences inter-vésico-utérines sont
1 pince à disséquer sans griffe de 20 cm facilement clivées. Une fois le plan trouvé, le décollement
1 pince à disséquer de Reseno ou Barraya de 25 cm peut être complété latéralement au doigt, avec douceur. Le
2 pinces de Jean-Louis Faure refoulement vésical est terminé par la pose d'une valve sus-
4 pinces en cœur
6 pinces de Kocher
pubienne, maintenue par un aide pour bien exposer le seg-
6 pinces de Leriche courbes ment inférieur. Récemment on a tendance à ne pas effectuer
2 pinces de Kelly courbes le décollement du péritoine viscéral. Le péritoine viscéral
2 pinces de Péan est incisé avec le myomètre et le refoulement de la vessie se
2 pinces d'Ombredanne fait ensuite à la compresse. Il semble cependant souhaitable
1 pince annexe de garder ce temps de décollement si la tête est basse ou la
1 cupule
dilatation avancée.
Tableau 31.3. Différentes voies d'abord pariétales transversales utilisées pour la réalisation
d'une césarienne.
Type d'incision Pfannenstiel Rapin-Küster Mouchel Stark
Année de publication 1904 1972 1986 1999
Abord peau Transversal Transversal Transversal Transversal
Abord aponévrose Transversal Vertical Transversal Transversal
Abord muscles grands Décollés/aponévrose sus- Vertical Tranversal (section des Transversal (écartement
droits jacente puis clivés de part muscles) des muscles)
et d'autres de la ligne
blanche
Abord péritoine pariétal Vertical Vertical Transversal Transversal
Commentaires La plus classique, tant Abandonnée en Adaptation de l'incision = adaptation de l'incision
à être supplantée par obstétrique transrectale de Maylard de Joël Cohen (1970)
l'incision de Mouchel = « faux-Pfannestiel » = Misgav Ladach
ou de Stark
Chapitre 31. La césarienne 399
Hystérotomie
■ Elle est segmentaire transversale, respectant théorique-
ment au mieux l'anatomie du segment inférieur.
■ Avant d'inciser, il faut :
– repérer le degré de dextrorotation afin de bien centrer
l'incision ;
– refouler la vessie avec la valve sus-pubienne que tient
l'aide ;
– repérer la hauteur de la présentation pour ne pas
inciser trop bas, surtout à dilatation complète, car le
risque de lésion des pédicules utérins est accru en cas
d'incision trop basse.
■ L'incision transversale est peu hémorragique
puisqu'elle suit la direction des faisceaux et des vais-
seaux myométriaux. Pour éviter l'extension de l'inci-
sion vers les pédicules utérins, il peut être fait un tracé
Fig. 31.7. Exposition du segment inférieur et tracé de l'incision arciforme au bistouri dont la concavité est tournée vers
segmentaire horizontale arciforme sur le péritoine viscéral. le haut, ce qui permet également d'augmenter la largeur
400 Partie V. Techniques obstétricales
– soit un refoulement de la présentation par voie basse Sous anesthésie locorégionale, il n'y a pas de respect de
(push method). Cette poussée doit être faite dans le délai et la mère peut ainsi « vivre » son accouchement et voir
bon axe. Le refoulement doit être effectué par l'aide ou son enfant immédiatement.
une tierce personne ; Sous anesthésie générale, en théorie dix minutes entre
– soit une version (pull method). L'extraction par ver- l'incision cutanée et l'extraction du fœtus sont souhaitables
sion manœuvre interne est nécessaire en cas de pré- pour permettre l'élimination des produits par le fœtus (non
sentation transversale. Il est alors nécessaire de saisir réaliste en cas de « code rouge »).
les deux pieds et de tourner la présentation pour la Une traite du cordon (milking) peut être effectuée pour
transformer en siège. réduire les risques d'anémie fœtale, notamment en cas de
prématurité.
Soins au fœtus
Le fœtus extrait est placé sur un champ, la tête en position
déclive. Antibiothérapie prophylactique
Si le liquide est méconial, une aspiration immédiate du Après le clampage du cordon, l'antibiothérapie prophylac-
liquide doit être faite avec un deuxième aspirateur prévu tique est recommandée [32,40,49,50] :
à cet effet. Le cordon est sectionné entre deux pinces de ■ amoxicilline-acide clavulanique (2 g) ou céfazoline (2 g)
Kocher, et l'enfant est confié à une sage-femme qui le reçoit après clampage du cordon ;
sur un champ stérile et l'emmène en salle de réanimation ■ clindamycine 600 mg en cas d'allergie, en injection intra-
pédiatrique située à proximité du bloc opératoire. veineuse directe.
402 Partie V. Techniques obstétricales
Fig. 31.13. Extraction fœtale face en avant avec prise par forceps.
En cas de suspicion de chorioamniotite (femme fébrile, La suture n'est commencée qu'après avoir :
liquide amniotique nauséabond, rupture de la poche des ■ repéré et refoulé la vessie par une valve ;
eaux depuis plus de 24 h), l'antibiothérapie sera pour- ■ repéré la berge inférieure (que l'on ne confondra pas avec
suivie jusqu'à la réception des résultats des prélèvements le gros repli de la paroi postérieure du col lors des césa-
bactériologiques. rienne à dilatation avancée) et posé une pince en cœur
sur chaque berge.
Délivrance L'aspiration efficace permet de bien voir les berges de la
plaie et de faire la suture au fil résorbable serti sur aiguille
Sa rapidité et la faible abondance de l'hémorragie dépendent courbe par un surjet classiquement extramuqueux non
en grande partie de la coopération obstétricien-anesthésiste. passé. Les points d'angle peuvent être simples ou en X et
En effet, il convient de faire injecter une ampoule de 5 U seront gardés sur repères.
d'ocytocine (Syntocinon®) en intraveineuse directe lente Aucune recommandation formelle ne peut être actuelle-
sans flash, lors du dégagement des épaules fœtales. La déli- ment dictée quant à la nécessité de faire une suture en un ou
vrance est alors naturelle et rapide en empaumant le fond en deux plans. Cependant, elle est généralement faite en un
utérin, que l'on masse doucement et en exerçant de l'autre plan.
main une traction douce sur le cordon. Cette méthode est La suture par surjet en un plan diminue le temps opéra-
moins hémorragique et entraîne moins d'endométrites (3 % toire et le nombre de points d'hémostase complémentaires,
versus 23%) que la délivrance manuelle. En l'absence de sai- sans augmenter le taux de rupture sous-péritonéale lors
gnement, il faut « savoir attendre ». Si le placenta se décolle d'une grossesse ultérieure. Elle est plus économique dans les
mal, une délivrance artificielle sera réalisée. pays en voie de développement. Elle est recommandée par le
La révision utérine est systématique pour beaucoup CNGOF et le RCOG. Il faut faire une prise correcte du fascia
d'auteurs. On recherche une anomalie de la cavité (malfor- présegmentaire avec le muscle, seul élément de solidité de
mation, fibrome) surtout s'il y a une anomalie de la présen- cette suture.
tation (siège ou transversale). Des fragments membranaires À la fin de la suture, quelques points d'hémostase peuvent
peuvent être retirés avec les pinces en cœur sous contrôle de être nécessaires.
la vue. La dilatation mécanique en cas de col fermé tend à
être abandonnée. Il n'existe en fait aucune recommandation Péritonisation viscérale
à ce sujet.
Elle était classiquement faite par un surjet passé de fil résor-
bable. Cette péritonisation est contestée. Les études rando-
Fermeture
misées ont montré les avantages à court terme de l'absence de
Suture utérine (planche 31.2) péritonisation (temps opératoire plus court, dose d'anesthé-
La suture utérine demande une technique rigoureuse car siques plus faible, reprise du transit plus rapide, température
c'est en grande partie d'elle que dépendra la qualité de la postopératoire plus faible) [13,14]. On ignore cependant les
cicatrice. L'objectif est d'obtenir un bon affrontement des conséquences à plus long terme de cette attitude. La revue
berges du segment inférieur reconstituant le plan muqueux Cochrane sur le sujet de la péritonisation montre que la
et le plan musculaire. Il y a peu de données pour conseil- péritonisation systématique pose un problème, en particu-
ler ou interdire l'extériorisation de l'utérus. Elle permet une lier ascensionne la vessie devant la cicatrice, obstacle poten-
meilleure exposition. Elle réalise une traction des pédicules tiel lors d'une césarienne ultérieure. Le CNGOF et le RCOG
utérins mais semble accroître le risque d'atonie secondaire. recommandent de ne pas la faire.
Chapitre 31. La césarienne 403
Planche 31.2. Suture utérine : schéma des différents types de points [52]
Suture extramuqueuse par points simples Suture en X
D'après Thoulon J.-M. Les césariennes. Encycl. Med. Chir., Paris, Obstétrique 10, 1979, 5102-A-10.
indiquée chez la femme obèse. Entre les deux types d'inci- exceptionnelle (1 % des césariennes environ). Elle sera
sions transversales sus- et sous-ombilicale, les données de la signalée dans le compte rendu car elle contre-indique un
littérature ne permettent pas de conclure en termes d'infec- accouchement par voie basse ultérieur.
tions pariétales et d'hématomes postopératoires. Aucune
étude n'a comparé ces deux voies d'abord de façon rando- Incision corporéale
misée. La seule donnée objective qui ait fait preuve de son Elle est à proscrire formellement au troisième trimestre.
efficacité est le cloisonnement sous-cutané. L'incision sus- Cependant, si une césarienne est pratiquée au deuxième tri-
ombilicale semble s'adapter aux patientes obèses morbides mestre, elle est obligatoire car le segment inférieur n'existe
avec un important « tablier graisseux » tombant, modifiant pas à cette date. On fera alors une incision corporéale ver-
les rapports anatomiques. Le choix de l'incision de façon ticale basse. Le compte rendu signalera clairement ce fait
pragmatique doit être fait par l'opérateur après observation en mentionnant qu'une césarienne pour les grossesses sui-
de la patiente allongée. vantes est indispensable avant tout travail.
En cas de placenta praevia, il faut inciser si possible au
Césarienne sous-péritonéale (figure 31.14) ras du bord supérieur du placenta pour pouvoir passer au-
Elle peut être utile chez la femme dont l'utérus est infecté dessus (placenta postérieur).
(chorioamniotite). Elle évite l'ouverture de la cavité péri- Il y a parfois de gros vaisseaux qu'il faut éviter ou que l'on
tonéale. Dans cette technique, le péritoine n'est pas ouvert liera préventivement si cela apparaît possible facilement et
et la vessie est refoulée sur la gauche de façon à aborder le rapidement.
segment inférieur sans ouvrir le péritoine. Ensuite, on réa- En cas de suspicion de placenta accreta, comme nous
lise une hystérotomie segmentaire verticale. Cette technique l'avons vu au chapitre 23, l'intervention doit être program-
peut être utile chez une femme multicésarisée pour laquelle mée vers 36-37 SA dans un établissement comportant un
on n'arrive pas à trouver la cavité abdominale. service de réanimation, une équipe chirurgicale entraînée
et un service de radiologie interventionnelle. On aura
Hystérotomie segmentaire verticale prévenu la femme du risque hémorragique et du risque
(figure 31.15) transfusionnel, et discuté avec elle de l'éventualité d'une
hystérectomie conservant les ovaires. Le choix de l'incision
Elle peut être utile si les pédicules utérins sont très étalés
cutanée dépend de la localisation du placenta. Si le placenta
sur le segment inférieur. Par une incision verticale, on peut
est antérieur et remonte jusqu'à l'ombilic il est raisonnable
espérer passer entre les vaisseaux. Cependant, l'incision
de faire une incision médiane. La mise en place préventive
peut filer vers le vagin, ou se prolonger vers le haut sur le
de cathéters artériels pour faire une embolisation n'est pas
corps utérin. Elle peut être licite en cas d'extraction à des
recommandée, sauf en cas de suspicion de placenta per-
termes très prématurés.
creta. Dès l'ouverture du péritoine utérin, le diagnostic de
placenta increta ou percreta peut être évident. Il faut inciser
Incision segmentocorporéale (figure 31.16) l'utérus au-dessus du placenta pour extraire l'enfant, parfois
En cas de difficultés majeures (présentation transversale, en position fundique.
malformations fœtales, jumeaux conjoints, etc.), une deu- Si le placenta ne se sépare pas de l'utérus après injection
xième incision verticale segmentocorporéale, branchée au de cinq unités d'ocytocine, pression sur le fond utérin et trac-
milieu de l'incision transversale (incision en T) ou latérale- tion douce sur le cordon, ou s'il s'agit d'un placenta increta
ment (incision en J) peut être indispensable pour permettre ou percreta visible, il ne faut pas essayer de le décoller à la
l'extraction de l'enfant. Elle est plus hémorragique. main car ce geste entraînerait une hémorragie incontrôlable.
La cicatrice utérine qui en résultera n'est pas de bonne Il faut le laisser en place, décider d'une hystérectomie. Les
qualité. Cette deuxième incision doit rester une manœuvre différentes éventualités doivent avoir été discutées en amont
Gestes associés
Stérilisation tubaire
Les stérilisations d'indication médicale (pathologie mater-
nelle, rupture utérine, cicatrice de très mauvaise qualité)
sont prévues avec le couple dans la mesure du possible et
réalisées par la méthode de Pommeroy ou la pose d'un clip
de Hulka.
Une fiche d'information doit étayer une discussion avec
Fig. 31.15. Tracé de la césarienne segmentaire verticale lorsque la patiente en cours de grossesse.
les deux pédicules utérins sont très étalés. Le délai de réflexion et la signature des consentements
sont indispensables.
On ne réalise jamais de stérilisation en urgence au cours
du travail ou de principe à la troisième césarienne.
Myomectomie
Tout dépend de la topographie et du volume du myome. Un
myome pédiculé sera très facile à enlever en mettant simple-
ment une pince sur le pédicule ; en revanche, il ne faudra pas
toucher à un myome même volumineux développé dans le
ligament large ou à un myome de très petite taille (< 2 cm)
qui diminuera de taille après la césarienne. On peut donc
enlever les myomes qui sont facilement extirpable de gros
volume (> 5 cm, nécrobiosé) si on pense que ce geste éco-
nomise à la malade une laparotomie. Sinon, il vaut mieux
s'abstenir.
Kystectomie
Fig. 31.16. Tracé de l'incision segmentocorporéale. Il faut toujours, en fin de césarienne, examiner les annexes.
La découverte d'une tumeur de l'ovaire doit obligatoirement
entraîner son exérèse. Le plus souvent, la lésion est parfai-
avec la patiente et tracées dans le dossier médical. En cas de tement bénigne et on fera une kystectomie qui n'a pas de
traitement conservateur, on sectionnera le cordon au plus particularité technique. Si on a des doutes sur sa bénignité, il
près de son insertion placentaire et on le liera au fil résor- peut être nécessaire de faire une ovariectomie et de deman-
bable puis on refermera l'utérus. der un examen extemporané
Césarienne vaginale
Appendicectomie
Elle peut être indiquée en cas d'enfant mort de terme infé-
Elle ne doit pas être systématique mais elle est possible si
rieur à 32 SA avec un diamètre bipariétal inférieur à 80 mm
l'appendice paraît pathologique (inflammatoire, tumoral).
et un poids fœtal inférieur à 2 500 g. Le col étant tenu par
La pratique de l'appendicectomie ne semble pas augmenter
deux pinces de Museux posées à 9 heures et 3 heures, on
la morbidité de la césarienne.
réalise une incision vaginale de la demi-circonférence anté-
rieure. Après avoir refoulé la vessie au doigt, on introduit
dans le plan de clivage vésico-utérin une valve vaginale qui Hystérectomie
récline la vessie en haut et en avant. Le col est alors incisé au Elle peut être nécessaire après une césarienne du fait d'une
ciseau, sagittalement à midi. Cette incision est prolongée au pathologie (cancer du col, de l'ovaire), d'une hémorragie
plus haut sur le segment inférieur sur 6 à 8 cm en tout. Le grave du post-partum ou d'un placenta accreta. La vascula-
pôle inférieur de l'œuf est abordé, les membranes sont rom- risation plus riche d'un utérus gravide rend cependant cette
pues et on peut extraire le fœtus par une grande extraction chirurgie plus hémorragique et par ailleurs le caractère
s'il est en siège. S'il est en céphalique, on peut s'aider d'un total de l'hystérectomie est quelquefois plus difficile à affir-
forceps ou d'une ventouse. Si le vagin est étroit, une épisio- mer en cas d'hystérectomie sur utérus gravide à dilatation
tomie peut être nécessaire. Après délivrance et révision uté- complète.
406 Partie V. Techniques obstétricales
n'est pas à jeun. Il faut donc autant que possible préparer les césarienne, intervention abdominale, nécessite cependant
patientes par une prémédication et l'absorption d'une subs- une formation de chirurgie générale. En cas de difficulté,
tance antiacide et préférer les anesthésies locorégionales. l'opérateur ne doit pas hésiter à faire appel à un chirurgien
plus expérimenté ou plus spécialisé pour assurer la répara-
Hémorragie peropératoire tion d'une plaie digestive ou urinaire.
Elle complique environ 10 % des césariennes. Elle est due à
une hémostase difficile de la tranche de section de l'utérus Complications postopératoires
ou à une inertie utérine. Elles touchent une patiente sur trois et sont dominées par les
L'inertie utérine peut être prévenue par l'injection de 5 U problèmes infectieux et thromboemboliques.
de Syntocinon® en intraveineuse dès l'extériorisation des
épaules fœtales. En cas d'inertie prolongée, on peut utiliser Complications infectieuses
des prostaglandines F2-alpha (Nalador®, 1 ampoule dans Elles représentent 20 % des complications des césariennes.
50 ml de sérum salé vitesse progressivement croissante, sans Les localisations sont multiples : infections urinaires dues au
dépasser 50 ml/h et la dose de 3 ampoules/24 h). Les diffi- sondage vésical, infections pulmonaires, endométrites, pou-
cultés de contrôle de l'hémorragie peuvent à la contraindre vant entraîner une infection annexielle, voire une péritonite
à des ligatures vasculaires allant jusqu'à la ligature des hypo- ou une septicémie, sans oublier les abcès de paroi.
gastriques, voire à l'hystérectomie d'hémostase. L'infection urinaire doit être recherchée systématique-
ment par l'examen cytobactériologique des urines devant
Déchirure du segment inférieur tout signe d'appel urinaire (brûlures, pollakiurie) ou devant
Elle est le plus souvent secondaire à une hystérotomie de toute fièvre. Elle complique près de 10 % des césariennes.
taille inadaptée au poids fœtal ou à des manœuvres brutales L'endométrite est évoquée devant une pyrexie associée à
lors de l'extraction de la tête. Elle a lieu plus fréquemment des lochies sales nauséabondes, un utérus mal involué, dou-
lors des césariennes réalisées à dilatation complète pour loureux à la mobilisation. Un prélèvement bactériologique
défaut d'engagement du mobile fœtal. endocervical permet d'identifier le germe avant de mettre
Si elle siège sur la berge inférieure, on répare les berges en route le traitement. En cas de tableau septicémique ou
que l'on suture comme on le fait pour l'hystérotomie. de décharges septiques, il faut rechercher une collection
Parfois, la déchirure file vers le pédicule utérin ; il faut alors abdominopelvienne, cliniquement au toucher vaginal ou
lier les veines déchirées, voire l'artère ou tout le pédicule. Il échographiquement, faire des hémocultures et un prélève-
est nécessaire de se méfier ici de l'uretère qu'il faut éventuel- ment bactériologique des lochies. Le traitement repose sur
lement vérifier après arrêt du saignement. L'extériorisation l'évacuation et le drainage de la collection, souvent située
de l'utérus avec verticalisation et traction du côté controlaté- entre le segment inférieur et le péritoine (hématome sous-
ral au pédicule vasculaire suturé est alors très utile. L'atteinte péritonéal infecté) ; l'antibiothérapie parentérale est adaptée
de l'uretère peut être directe lors de la suture du pédicule au germe. Une désinfection vaginale à la polyvidone iodée
mais peut aussi être consécutive à une suture exerçant une avant la césarienne pourrait permettre de réduire de risque
traction et une coudure de celui-ci. d'infection postopératoire [29].
La suppuration et l'abcès de paroi surviennent dans 4
Plaies vésicales à 8 % des césariennes. Ils sont reconnus devant une fièvre
oscillante au quatrième jour ; la cicatrice est indurée, dou-
Elles sont rares (1,4 pour 1 000 césariennes). Elles se font loureuse à la palpation, l'évacuation de la collection sous
soit à l'ouverture du péritoine pariétal, soit lors de l'incision anesthésie générale est parfois nécessaire, un drainage par
du péritoine viscéral ou du décollement vésical. Elles sont une lame est laissé en place si l'abcès est volumineux.
plus fréquentes sur un utérus cicatriciel car la vessie a pu
être attirée vers le haut lors de la péritonisation. Dans le cas Complications thromboemboliques
d'un utérus mono- ou multicicatriciel, une attention toute
particulière doit être portée lors de la pénétration dans la Bien que rares (5 à 10 pour 1 000), elles sont graves du fait
cavité péritonéale avec préférentiellement une incision plus du risque vital. Elles sont quatre fois plus fréquentes qu'après
haute. un accouchement par voie basse.
L'essentiel est ici de s'en rendre compte devant l'issue Il faut donc insister sur les thérapeutiques préventives et
d'urines dans le champ opératoire. La vérification de la posi- le dépistage postopératoire biquotidien basé sur les signes
tion du ballonnet de la sonde urinaire dans la vessie peut de la pancarte et la palpation attentive des mollets.
être informative en fin de césarienne. En cas de doute, on
fait remplir la vessie de sérum physiologique coloré de bleu Anémie
de méthylène avant la fermeture du péritoine viscéral. Toute Elle est fréquente ; il faut la rechercher par la clinique et la
plaie diagnostiquée est suturée en deux plans au fil résor- numération systématique en postopératoire, surtout si le
bable (Vicryl® décimale 2), et la sonde vésicale est laissée en saignement peropératoire a été important.
place pendant une dizaine de jours.
Troubles du transit
Autres complications de la chirurgie abdominale Ils sont rares et souvent associés à une collection hématique
Les plaies digestives ou les lésions de l'appareil urinaire en ou infectée sous-péritonéale. Il faut aussi penser au syn-
cours de césarienne sont exceptionnelles. La pratique de la drome d'Ogilvie qui se caractérise par une dilatation colique
408 Partie V. Techniques obstétricales
aiguë sans obstacle d'aval [41]. Le tableau est celui d'une ■ la dépression respiratoire due à certaines drogues anes-
occlusion postopératoire. Un scanner mesurant un caecum thésiques an cas d'anesthésie générale ;
supérieur à 9 à 12 cm de diamètre confirme le diagnostic. ■ d'autres complications néonatales ont été décrites en par-
Le risque est la perforation caecale. Le traitement consiste ticulier les hypoglycémies augmentant le taux d'hospitali-
en une exsufflation coloscopique. La chirurgie est réservée sation en néonatologie ;
aux échecs. ■ à long terme, les enfants nés par césarienne ont plus de
Il faut aussi penser au « textile » laissé en place, il peut diabète, d'obésité, d'asthme [11,52].
être visible en échographie ou au cliché sans préparation de
l'abdomen, s'il comporte un index radio-opaque (ce qui est
recommandé). Bien entendu, une reprise chirurgicale s'im-
Compte-rendu opératoire
pose. On rappelle l'importance du compte des compresses Étape clé lors de la réalisation d'une césarienne, le compte
en fin d'intervention. rendu opératoire doit être précis et concis. Son contenu a
clairement été défini par le CNGOF. Tout compte-rendu
Avenir gynéco-obstétrical des patientes opératoire diffusé ou archivé doit être validé via une signa-
césarisées ture de l'opérateur. Une copie validée doit être remise à la
Du point de vue gynécologique, la césarienne ne semble pas patiente. Il fait partie intégrante du dossier médical, dont
avoir d'incidence sur la fertilité ultérieure. la conservation est fixée par la loi. L'archivage du compte-
Sur le plan obstétrical, l'utérus est désormais cicatriciel. rendu de césarienne selon la loi française est de 28 ans et,
L'accouchement par voie basse reste possible une fois sur selon les directives européennes, de 30 ans.
deux, parfois même après deux césariennes. Le taux d'ac- Le compte-rendu opératoire doit comprendre :
couchement par voie basse après césarienne est en augmen- ■ des données administratives obligatoires avec :
tation dans tous les pays. – le nom et les coordonnées de l'établissement ;
Une césarienne itérative n'est obligatoire que si : – les noms (dont nom de naissance) et prénom de la
■ la cicatrice est corporéale ou en T ; patiente ;
■ le placenta est inséré bas au niveau de la cicatrice utérine. – la date de naissance de la mère ;
On se méfiera alors d'un placenta accreta ; – la date d'intervention ;
■ les conditions mécaniques restent défavorables à un – le nom du ou des opérateurs (avec leur grade ou sta-
accouchement par voie basse : bassin chirurgical, dispro- tut) et des aides ;
portion fœtopelvienne, obstacle praevia. – le nom du ou des anesthésistes (avec leur grade ou
Plus inquiétante est l'augmentation du taux du placenta statut) ;
praevia (+ 50 %) et de placenta accreta, passé en 30 ans de ■ le compte rendu médical proprement dit avec :
1 pour 20 000 accouchements à un pour 500 aux États-Unis – l'indication de la césarienne ;
du fait de l'augmentation des taux de césarienne. – la gestité et la parité (nombre de cicatrices utérines
En cas de césariennes itératives, le dogme de la stérili- éventuelles) ;
sation à la troisième césarienne a vécu. On peut pratiquer – le terme au moment de la césarienne (en semaines
cinq à six césariennes itératives si le segment inférieur est de d'aménorrhée et jours) ;
bonne qualité et si la femme le désire. – le moment de la césarienne (programmée/en urgence/
pendant le travail/en dehors). Le degré d'urgence doit
être spécifié. En cas de césarienne en urgence, préciser
Complications fœtales la dilatation du col ;
Mortalité périnatale – si un déclenchement était en cours et le moment de la
rupture des membranes ;
Elle n'est pas augmentée par la césarienne, même si son – les raisons motivant la césarienne (indication
chiffre apparaît plus élevé dans certaines séries. La respon- médicale/à la demande) ;
sabilité de la pathologie fœtale ayant indiqué la césarienne ■ la description de la césarienne :
est difficile à isoler de celle de la césarienne elle-même. – type et moment de l'antibioprophylaxie ;
– type d'anesthésie ;
Morbidité néonatale – type du sondage vésical (à demeure ou non) ;
Elle n'est pas nulle. Le risque de traumatisme fœtal existe : – type d'abord pariétal ;
paralysie du plexus brachial, fracture de l'humérus, plaie – éventuelles difficultés ou particularités de l'abord uté-
cutanée par coup de bistouri. Ces complications témoignent rin et si un décollement vésical a été réalisé ;
en général de la précipitation de l'opérateur et de la mécon- – type d'hystérotomie et difficultés éventuelles ;
naissance de la mécanique obstétricale lors de l'extraction – aspect et quantité du liquide amniotique ;
de l'enfant. – extraction de l'enfant : son mode et difficultés éven-
Deux complications sont propres à une césarienne : tuelles et manœuvres manuelles ou instrumen-
■ le retard de résorption du liquide pulmonaire lié au fait tales, sexe de l'enfant, score d'Apgar à une, cinq et
que le thorax fœtal n'est pas soumis à la compression 10 minutes, poids (en g) ou non pesé car transfert
qu'il subit par voie basse. L'enfant peut, de ce fait, souffrir immédiat, pH artériel ombilical, à défaut pH veineux ;
d'une détresse respiratoire transitoire. Ce risque est accru – délivrance : dirigée (produit, dose et voie d'adminis-
lorsque la césarienne a été pratiquée avant 39 SA [54] ; tration) ou manuelle ; révision utérine ;
Chapitre 31. La césarienne 409
– hystérorraphie : le type de suture sur l'hystérotomie et of the primary cesarean delivery. American Journal of Obstetrics And
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taux semble se stabiliser autour de 20 % mais le taux optimal [20] DREES, Kermarrec M. La situation périnatale en France en 2010.
devrait être voisin de 15 % sachant que ce taux dépend beau- DREES études et résultats 2011 ; 775 : .
coup du recrutement du service. [21] Enquête périnatale. 2010. www.sante.gouv.fr/img/pdf/les_naissances_
Un des buts que doit se fixer tout obstétricien, à défaut en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf.
d'une réduction, serait d'aboutir à une stagnation de ce taux [22] European paediatric hepatitis CVN. A significant sex – but not elec-
en préservant le bien-être de la mère et de l'enfant. Éviter tive cesarean section – effect on mother-to-child transmission of
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la première césarienne constitue une des solutions pour le
[23] Garabedian C, Deruelle P. Delivery (timing, mode, glycemic control)
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Chapitre
32
Réanimation du nouveau-né
en salle de naissance
E. Saliba, C. Lionnet, F. Gold
PLAN DU CHAPITRE
Principes de la réanimation néonatale . . . . . . 411 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 419
Techniques de réanimation néonatale . . . . . . 412
Principes de la réanimation
OBJECTIFS
néonatale
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• de reconnaître les situations à haut risque ; La réanimation de l'enfant à la naissance comporte schémat
• de connaître les procédures d'appel en salle de naissance ; iquement un objectif prioritaire, deux objectifs complémen-
• de décrire les mesures de maintenance du matériel taires, et trois impératifs à respecter [2, 8].
nécessaire à la réanimation néonatale ;
• d'analyser un état de détresse néonatale immédiate ; Objectif prioritaire : assurer
• de discuter les méthodes de réanimation respiratoire, une ventilation alvéolaire efficace
hémodynamique et métabolique, leurs indications, leurs Un nouveau-né en difficulté dans les premières minutes
impératifs techniques ; est toujours un enfant dont l'adaptation respiratoire à la vie
• de réaliser la réanimation d'un nouveau-né en salle extra-utérine (voir Chapitre 1, « Adaptation du nouveau-né
de naissance comprenant : une désobstruction des à la vie extra-utérine ») est perturbée :
voies aériennes, une ventilation au masque ou après ■ souvent à la suite d'une anoxo-ischémie ante- ou perna-
intubation, un massage cardiaque externe, la mise en tale (nouveau-né asphyxié) ;
place d'un cathéter veineux ombilical. ■ parfois par intoxication médicamenteuse d'origine
maternelle (nouveau-né déprimé ou endormi) ;
Trois à 6 % des nouveau-nés ont un état initial médiocre ou ■ exceptionnellement, du fait de la révélation immédiate
mauvais, qui justifie des manœuvres immédiates de secou- d'une malformation congénitale intéressant l'appareil respi-
risme. Huit à neuf fois sur dix, ces difficultés étaient prévues ; ratoire (notamment hernie diaphragmatique congénitale).
parfois, cependant, elles surviennent de façon inopinée. Dans tous les cas, le nouveau-né a besoin qu'on assume pour
C'est la raison pour laquelle, dans tout établissement où lui cette adaptation respiratoire des premières minutes. Cet
naissent des enfants, une procédure écrite doit par avance objectif primordial est toujours indispensable et souvent suffi-
préciser : sant. Deux méthodes doivent être conjuguées pour l'atteindre :
■ qui est responsable de l'entretien du matériel et de l'ins- ■ la désobstruction des voies aériennes supérieures, et éven-
truction du personnel de la salle de travail en ce qui tuellement inférieures, toujours indiquée en premier lieu ;
concerne les soins au nouveau-né ; ■ la ventilation en pression positive (VPP) avec un ballon auto-
■ qui est chargé de pratiquer la réanimation en salle de gonflable à valve unidirectionnelle ou à l'aide d'un insuffla-
naissance, tant dans les conditions programmées (liste teur manuel à pression contrôlée avec pièce en T appliquée
des circonstances dans lesquelles un opérateur entraîné par masque facial ou après intubation trachéale selon les cas.
doit être appelé à l'avance) que dans les cas imprévus
(c'est alors la personne présente la plus entraînée qui doit Un objectif complémentaire
effectuer les premiers gestes) ;
■ quel protocole de soins doit être adopté : ce sont actuel- Maintenir un minimum vital circulatoire
lement les recommandations du Comité international de Dans les premières minutes de vie, l'évaluation de l'état cir-
liaison sur la réanimation (ILCOR) [2] qui sont le plus culatoire de l'enfant se résume à l'appréciation de sa seule
souvent appliquées (version 2015). fréquence cardiaque.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 411
412 Partie V. Techniques obstétricales
Il s'agit heureusement d'un bon critère d'évaluation sive du nouveau-né, éventuellement responsable d'une
puisque le cœur du fœtus et du nouveau-né étant pratique- infection iatrogène ultérieure.
ment incapable de modifier son volume d'éjection systo- Pour respecter cet impératif bactériologique, et sans
lique (car il est déjà maximal), il existe un parallélisme étroit s'illusionner sur le caractère « chirurgical » des conditions de
entre la fréquence cardiaque et le débit cardiaque. travail en salle de naissance, il faut :
Il est donc nécessaire de pratiquer un massage cardiaque ■ accueillir le nouveau-né au moins dans les conditions de
externe lorsque le débit cardiaque spontané de l'enfant est tout examen néonatal (mains soigneusement lavées ou
probablement devenu inférieur à l'effet attendu du massage, désinfectées avec les solutions hydroalcooliques, blouse
c'est-à-dire en pratique quand la fréquence cardiaque reste infé- propre, visage et cheveux protégés) ;
rieure à 60 par minute après 30 secondes de ventilation alvéo- ■ veiller au nettoyage du gros matériel entre chaque enfant (table
laire efficace. Le massage cardiaque se fera en alternance avec de réanimation, appareil manuel de ventilation, stéthoscope) ;
la poursuite de la ventilation et nécessite la présence de deux ■ changer le petit matériel avant chaque réanimation
opérateurs. Il faut, de plus, envisager à ce stade une intubation (sondes d'aspiration, liquide de rinçage, literie).
trachéale et une adaptation de la FiO2. Quand l'insuffisance
circulatoire se prolonge au-delà de 60 secondes, il est recom-
mandé d'administrer à l'enfant une catécholamine : c'est l'adré- Techniques de réanimation néonatale
naline qui est le plus souvent utilisée, susceptible de faciliter un La réanimation du nouveau-né fait appel à cinq techniques
redémarrage ou une accélération des battements cardiaques ; principales.
cette administration doit être particulièrement précoce lorsque
le cœur est arrêté (en pratique, dès l'intubation trachéale).
Même en cas d'arrêt cardiaque néonatal, il est capital de se Désobstruction des voies aériennes
souvenir que, contrairement à l'arrêt cardiaque adulte (qui est Voies aériennes supérieures
en règle d'origine cardiaque), c'est l'existence d'une défaillance
respiratoire qui est a priori responsable de l'arrêt cardiaque : les La désobstruction consiste à aspirer à l'aide d'une sonde de
manœuvres respiratoires restent donc toujours prioritaires [3]. calibre approprié (n° 8 ou 10). Ne pas aspirer lors de la mise en
place de la sonde, mais toujours lors de son retrait. Il faut aspirer
Trois impératifs à respecter les deux tiers antérieurs de la bouche (introduction de la sonde
de 3 à 5 cm selon la corpulence de l'enfant ; puis, si besoin, chaque
La rapidité narine en introduisant uniquement l'extrémité de la sonde (0,5
Les gestes de réanimation doivent être rapidement effi- à 1 cm) sans chercher systématiquement à passer les choanes.
caces, car une période d'anoxie excédant 6 minutes environ Cette aspiration, tout en étant efficace (c'est-à-dire produc-
entraîne des séquelles neurologiques, d'où l'importance de tive), doit être brève (risque d'apnée réflexe), prudente (risque
chronométrer les gestes de réanimation néonatale. traumatique pour les muqueuses) et aseptique (porte d'entrée
infectieuse potentielle). La source de vide doit être réglée de telle
La normothermie sorte que lorsque le système d'aspiration est occlus, la pression
On doit, parallèlement aux gestes de réanimation, lutter négative doit être réglée entre –100 et –150 cmH2O.
contre le refroidissement, qui est d'autant plus rapide que En cas de liquide méconial et si le nouveau-né n'est pas
l'enfant est de plus petit poids et plus en difficulté. La tem- vigoureux, les données publiées dans la littérature ne permettent
pérature centrale d'un nouveau-né, laissé sans précaution à pas de recommander une intubation et une aspiration trachéale
22-24 °C, peut s'abaisser de 37 à 33 °C en 15 minutes. en routine chez les nouveau-nés non vigoureux nés dans un
Pour éviter tout refroidissement excessif, il faut : contexte de liquide amniotique méconial. Une intervention
■ pratiquer les premiers gestes sur une table de réanima- appropriée pour assurer une ventilation et une oxygénation effi-
tion néonatale disposant d'un chauffage efficace ; caces doit être initiée comme pour chaque enfant (c'est-à-dire
■ sécher et couvrir l'enfant dès les premières secondes (voir une ventilation au masque dans les premières minutes de vie).
Chapitre 5, « Gestes systématiques des premières minutes Elle peut inclure une intubation et une aspiration trachéale si les
de vie ») ; voies aériennes sont obstruées rendant ainsi la ventilation ineffi-
■ les nouveau-nés d'âge gestationnel inférieur à 28 SA et de poids cace. Trois techniques peuvent être utilisées.
de naissance inférieur à 1 500 g doivent être enveloppés immé- L'intubation oro- ou nasotrachéale suivie d'aspiration à tra-
diatement, sans être essuyés, dans un sac de polyéthylène ; vers le tube trachéal à l'aide d'une sonde de De Lee de calibre
■ dès que l'état du nouveau-né l'autorise, placer celui-ci dans approprié (n° 6 pour une sonde trachéale n° 3). Cette dernière
un incubateur de recueil préalablement chauffé à 35 °C ou a l'avantage de permettre immédiatement la ventilation artifi-
le laisser se réchauffer contre le corps de sa mère. cielle sur tube, mais a l'inconvénient d'être peu efficace (voire
On veillera toutefois à éviter toute hyperthermie (atten- dangereuse par obstruction) sur les bouchons de méconium.
tion notamment au nouveau-né de mère fébrile : la tempéra- L'intubation orotrachéale suivie d'aspiration directe par la
ture initiale de l'enfant est en moyenne supérieure à celle de sonde trachéale elle-même qu'on relie à la source de vide :
sa mère de 0,3 à 0,8 °C) ou en cas d'asphyxie périnatale qui elle est beaucoup plus efficace sur les bouchons de méco-
est susceptible de majorer les lésions cérébrales. nium, mais a l'inconvénient de nécessiter impérativement le
changement de sonde avant toute ventilation sur tube.
L'asepsie L'utilisation de la sonde d'aspiration buccopharyngée, qui
Tous les gestes doivent être pratiqués avec l'asepsie la plus est introduite dans la glotte et enfoncée de 2 à 3 cm, l'aspira-
stricte pour éviter toute contamination microbienne mas- tion étant pratiquée en retirant progressivement cette sonde,
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance 413
et le geste répété tant qu'elle est productive : pratiquée avec sonde trachéale. L'efficacité pourtant quotidiennement vérifiée
une sonde n° 8 ou 10, cette technique est régulièrement effi- de la ventilation au masque paraît donc être principalement
cace, mais elle nécessite éventuellement ensuite une intuba- liée à la stimulation des réflexes respiratoires du nouveau-né
tion trachéale pour ventilation artificielle sur tube. (par distension des récepteurs bronchiques) et au déclenche-
ment de ses mouvements respiratoires propres. C'est la raison
pour laquelle l'intubation trachéale est recommandée après 60
Ventilation manuelle en pression positive secondes de ventilation au masque, en cas d'arrêt cardiaque ou
Elle s'effectue à l'aide d'un petit ballon autogonflable à valve de bradycardie persistante, chez un enfant qui reste en apnée.
unidirectionnelle (exemple BAVU de 250 ml) ou d'un insuf- L'intubation doit être pratiquée de façon réglée (planche 32.1)
flateur manuel à pression contrôlée avec pièce en T à préfé- avec une sonde de calibre approprié (tableau 32.1).
rer et qui s'adapte à un masque facial pour nouveau-né, ou Chez le nouveau-né à terme, la fréquence des insufflations
qui est relié à une sonde trachéale d'intubation. doit être de 40/min, et leur durée de trois quarts de seconde
Les modèles de ballon actuellement sur le marché à 1 seconde environ ; les pressions recommandées sont de 15
(Ambu®, Laerdal®), alimentés avec six litres d'oxygène par à 20 cmH2O. Lors des premières insufflations délivrées à un
minute et munis de leur réservoir arrière d'oxygène, assurent nouveau-né apnéique, pour obtenir une première ouverture
en théorie les paramètres de ventilation suivants : alvéolaire pulmonaire satisfaisante, on peut augmenter la durée
■ FiO2 = 60–70 % (sans réservoir arrière d'oxygène = 40 %) ; d'insufflation jusqu'à deux ou trois secondes pendant quelques
■ pression d'insufflation maximale = 40 cmH2O (pouvant cycles. Les critères d'efficacité de la ventilation sont les suivants :
monter jusqu'à 50–55 cm, malgré la valve de sécurité, en ■ expansion régulière et symétrique des deux hémithorax
cas d'utilisation « forcée »). (l'insufflation est audible au stéthoscope dans les deux
En pratique, sur ces modèles, la FiO2 délivrée à l'enfant champs pulmonaires) ;
augmente avec le débit d'oxygène utilisé (elle n'est supé- ■ et surtout accélération des battements cardiaques parallè-
rieure ou égale à 75 %, quel que soit l'opérateur, que pour lement à la ventilation.
un débit supérieur ou égal à 10/min) et diminue quand les En cas de massage cardiaque associé, il est recommandé
pressions ou la fréquence augmentent. d'alterner les insufflations et les compressions thoraciques,
Il est actuellment recommandé pour un nouveau-né à sous forme d'une insufflation suivie de trois pressions
terme de débuter la ventilation avec une FiO2 à 21 % et de (« j'insuffle-2-3-j'insuffle-2-3, etc. ») sternales, chaque cycle
l'adapter en fonction de la SpO2 posée sur la main droite. Pour de quatre gestes durant au total deux secondes.
un nouveau-né prématuré, on peut débuter la ventilation avec
une FiO2 à 30 % et on l'adaptera aussi en fonction de la SPO2.
La pression d'insufflation réellement délivrée par un bal- Massage cardiaque externe
lon ne peut être que grossièrement estimée, d'où l'intérêt Il consiste à comprimer le thorax entre sternum et rachis,
d'adapter un manomètre de pression qui indique la pression sans que l'on sache exactement si c'est la compression
exercée sur le ballon. Un autre système consiste à relier l'ap- directe du cœur ou l'élévation de la pression intrathoracique
pareil de ventilation manuelle à un manomètre affichant les qui produit une éjection sanguine.
pressions obtenues. Le ballon peu aussi être relié à une valve Même correctement mis en œuvre, il n'assure que 20 à
de PEP qui sera réglée à 3–4 cmH2O, pouvant être augmentée 25 % du débit cardiaque normal. Une ventilation artificielle
jusqu'à 6 cmH2O chez un nouveau-né prématuré mais pas associée est indispensable.
au-delà. Les insufflateurs manuels à pression contrôlée sont à Placé à droite du patient, l'opérateur empoigne le thorax de
privilégier. (Neopuff Infant Resuscitator Fisher-Paykel®, Tom l'enfant dans ses deux mains, en plaçant ses doigts sur le rachis
Pouce Médipréma®). Ils représentent de ce point de vue un en arrière (pour réaliser un plan rigide) et ses pouces accolés
réel progrès, permettant l'administration d'une pression posi- ou croisés sur le tiers inférieur du sternum en avant, sur la ligne
tive d'insufflation (PPI) et d'une pression expiratoire positive médiane, à hauteur des mamelons (figure 32.2). Il exerce avec
(PEP) parfaitement contrôlées. On réglera les niveaux de la les pouces, 90 fois/min, une dépression de 1,5 à 2 cm environ.
PPI (pression positive d'insufflation à 20–25 cmH2O pour un Les critères d'efficacité du massage cardiaque externe
nouveau-né à terme et à 15–20 cmH2O pour un nouveau- sont les suivants :
né prématuré. Les niveaux de PEP ne seront identiques que ■ pouls proximaux palpables, les plus accessibles en pra-
pour une ventilation au ballon (4 à 6 cmH2O). tique étant les pouls huméraux ;
Quelle que soit la technique utilisée, la position de l'en- ■ temps de recoloration capillaire au front n'excédant pas
fant doit être bien contrôlée (figure 32.1) : tête de l'enfant 5 secondes ;
défléchie, application étanche du masque sur la bouche et le ■ pulsations perceptibles à la base du cordon ombilical.
nez de l'enfant par la main gauche de l'opérateur (qui luxe en
même temps le menton en avant), pressions sur le ballon (ou
obturation intermittente de la partie en T du circuit Neopuff®) Injection de solutés (figures 32.3 et 32.4)
effectuées par la main droite avec une force ou une durée Deux solutés sont employés pour la réanimation néona-
adaptée. En cas de ventilation au masque prolongée, une tale (tableau 32.2), surtout le sérum physiologique (ClNa à
vidange gazeuse gastrique doit être pratiquée toutes les trois 9 g/l) comme soluté de remplissage vasculaire ; indications :
à cinq minutes (par mise en place d'une sonde orogastrique). contexte de perte hémorragique ; pâleur ; état de choc et non
Chez le nouveau-né en état de mort apparente, le volume réaction à la réanimation bien menée :
gazeux ainsi réellement administré à chaque insufflation ne ■ soluté isotonique NaCl 0,9 % (sérum physiologique).
dépasse pas le tiers du volume obtenu par la ventilation sur Posologie : 10–15 ml/kg en intraveineux en cinq à dix minutes ;
414 Partie V. Techniques obstétricales
a b
c 1 2 3 4
Fig. 32.1. Ventilation au masque. Le masque est appliqué fermement sur la face avec le pouce et l'index et une contre-pression est exercée :
a. avec le majeur sur la symphyse du menton ; b. avec l'annulaire et l'auriculaire derrière l'angle de la mandibule (d'après [6]) ; c. application du
masque facial (d'après le support pédagogique de la Société Française de Néonatologie). La taille doit être adaptée à la morphologie du nouveau-
né et avec une position correcte doit assurer l'étanchéité. 1. masque de taille adaptée en bonne position ; 2. masque de taille adaptée en mauvaise
position ; 3. masque trop grand ; 4. masque trop petit.
■ culot globulaire O Rh (–). Connaître la procédure (proto- haut, en visant l'aire hépatique, et deux cas sont possibles
cole) pour en obtenir en urgence ; (figures 32.3 et 32.4) :
■ posologie : 15 ml/kg ; ■ il s'enfonce sans difficulté au-delà du deuxième repère
■ le sérum glucosé en solution hypertonique à 10 %, (10 cm) : son extrémité est dans l'oreillette droite, et on le
comme apport énergétique cardiaque et cérébral en cas laisse dans cette position ;
d'hypoglycémie ; ■ il bute, à plusieurs reprises, entre le premier (5 cm) et le
• deux abords vasculaires peuvent être utilisés pour injec- deuxième repère : il est engagé dans une branche hépa-
ter ces solutés. tique, et on doit le retirer jusqu'au premier repère au
moins avant toute injection. L'injection de solutés (ou de
Le cathéter veineux ombilical (KTVO), drogues) ne doit en effet s'effectuer qu'en aval (chaque
la méthode de choix en urgence fois que possible) ou à défaut en amont du foie, mais en
aucune manière directement dans la masse hépatique
Les préparatifs sont les suivants :
(risque ultérieur de cavernome portal) ; de toute façon,
■ désinfection de la région ombilicale et du cordon (placé laté-
elle ne doit être pratiquée que dans une position où le
ralement sur la paroi abdominale, quand il est encore long) ;
reflux de sang dans le cathéter est franc. Il est ensuite
■ après mise de gants stériles par l'opérateur, pose d'un
possible de clamper en masse cordon et cathéter, qu'on
champ troué, limitant la zone opératoire au point d'im-
recouvre d'une compresse stérile, afin de se ménager la
plantation du cordon et à ses trois premiers centimètres
possibilité de renouveler ultérieurement l'injection.
(pince de Barr sous le champ) ;
La survenue d'un état de choc lors de la mise en place du
■ section du cordon à 1,5–2 cm de son implantation
cathéter (choc « à la sonde ») nécessite son retrait immédiat
cutanée ;
et des manœuvres cardiorespiratoires de réanimation.
■ repérage des vaisseaux ombilicaux : veine large, flasque
et béante, souvent à midi ; artères spasmées et érectiles,
blanchâtres, souvent à 4 et 8 heures ; Ponction veineuse périphérique par cathéter court
■ préparation du cathéter (calibre n° 3,5 si < 1 000 g, n° 4 si > C'est la méthode la plus anodine et la moins dangereuse,
1 000 g) : adaptation à son extrémité d'un robinet à trois mais elle n'est pas toujours aisée ni possible dans les pre-
voies, et rinçage avec une solution de sérum physiologique. mières minutes de vie. Le site utilisé peut être un membre
Le cathéter est en règle générale facilement introduit supérieur (dos de la main, pli du coude) ou le dos du pied.
dans la lumière de la veine ombilicale, maintenue ouverte Cette voie est en fait surtout utilisée au décours des premiers
à l'aide d'une pince sans griffe. On le fait progresser vers le gestes de réanimation pour poser à l'enfant une perfusion continue.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance 415
Exposition de la glotte
4. Troisième temps : tirer le manche du laryngoscope en haut et en avant ; quand la pointe de la lame est bien placée dans le sillon
glosso-épiglottique, cette manœuvre découvre parfaitement l'orifice glottique (il est inutile de « charger » l'épiglotte) (a, b, c).
Position correcte
Position de la tête
Liberté des voies aériennes supérieures. Tête dans
l'axe du corps en position neutre (sans hyperextension
excessive). Possibilité de surélever les épaules avec un
linge pour aider à obtenir la bonne position de la tête.
D'après Réanimation du nouveau-né en salle de naissance. Trop en hyperextension
Groupe de travail de la Société Française de Néonatologie. 2016.
Trop fléchie
De la lame du laryngoscope
Strictement médiane et progressivement
enfoncée (trop poussée d'emblée = dans
la bouche œsophagienne, sans plus aucun
repère visible).
D’après G. Huault, M. Dehan, J.A. Lejeune. La
réanimation de l’enfant à la naissance. Collection
« Cahiers Sandoz » (24). Paris : Sandoz ; 1973.
Administration de drogues
Elle n'est que rarement nécessaire, les médicaments utilisés sont bradycardie prolongée, et en l'absence de toute voie d'abord
en nombre restreint (tableau 32.2), et l'adrénaline est le seul vasculaire, l'adrénaline peut efficacement être administrée
produit de pratique courante. L'adrénaline doit toujours être par voie intratrachéale : l'injection peut être faite directe-
diluée : une ampoule = 1 ml = 1 mg (1 000 μg) diluée avec 9 ml ment dans la sonde trachéale ou par l'intermédiaire d'une
de sérum physiologique (10 ml = 1 000 μg ; 1 ml = 100 μg). sonde d'aspiration introduite à travers celle-ci ; elle doit être
Les posologies recommandées par voie intraveineuse immédiatement suivie d'une VPP pour faire progresser le
sont : 10 à 30 μg/kg soit 0,1 à 0,3 ml/kg de la dilution sui- produit jusqu'à l'arbre bronchique profond.
vie d'un rinçage avec sérum physiologique de 0,5 à 1 ml sur En pratique, face à un arrêt cardiaque néonatal, il est
KTVO ou en intratrachéale (IT) en attendant la voie intra- possible :
veinseuse : > 50 à100 μg/kg, soit: > 0,5 ml/kg à 1 ml/kg de la ■ de faire une administration intratrachéale d'adrénaline
dilution, sans dépasser 3 ml, par le canal latéral ou dans le dès la mise en place de la sonde d'intubation ;
tube , et reprise en ventilation à pression positive. ■ si nécessaire, de renouveler l'injection par voie intra-
L'administration est habituellement effectuée par injec- veineuse dès la mise en place d'une voie d'abord
tion intraveineuse. Cependant, en cas d'arrêt cardiaque ou de vasculaire.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance 419
Naissance
CHRONO Phase A
Soins de routine
Surveillance
NON
CHRONO Phase A
N
O
R Phase B
M
O
T
H Phase C
E
Arrêts CT
R OUI Poursuite VPP
M
FC > 60/mn ? Intubation ?
I
Stabilisation
E
Soins de post-réa
Évaluation 30 à
45 s après début NON
CT + VPP
Quand du méconium a été émis dans le liquide amnio- d'une hypotonie) doivent être systématiquement confiés à une
tique, il y a un risque de présence de ce méconium au-dessous unité de néonatologie, pour évaluation précoce et surveillance.
du plan des cordes vocales (inhalation méconiale, 20–45 % des Il faut en particulier toujours rechercher la cause des difficul-
cas de liquide amniotique teinté) et donc un risque potentiel tés initiales de l'enfant ; une infection maternofœtale doit être
d'apparition d'une détresse respiratoire néonatale secondaire à systématiquement évoquée chaque fois que cette cause n'appa-
cette inhalation (syndrome d'inhalation méconiale, 2–9 % des raît pas évidente, et des prélèvements bactériologiques doivent
cas de liquide amniotique teinté, soit 1–3 % des naissances). alors être pratiqués chez la mère et chez l'enfant.
Pour la prévention du syndrome d'inhalation méconiale, Un nouveau-né qui a été intubé dans la première minute
deux situations doivent être distinguées : de vie, et chez lequel est ensuite obtenue une récupération
■ le nouveau-né est vigoureux : mouvements respiratoires effi- rapide et complète, peut être extubé en salle de naissance
caces, bon tonus musculaire, fréquence cardiaque rapide ; lorsque l'évaluation de son état au décours de la réanima-
une désobstruction buccopharyngée soigneuse est suffi- tion est satisfaisante : mouvements respiratoires spontanés
sante et aucune manœuvre supplémentaire n'est indiquée ; efficaces, fréquence cardiaque stable supérieure à 100 par
■ le nouveau-né est déprimé : mouvements respiratoires minute, coloration normale après arrêt de toute oxygéno-
faibles ou absents, tonus diminué ou aboli, cœur ralenti ; thérapie. L'extubation est pratiquée sous aspiration, par
il convient alors, dès que le nouveau-né est déposé sur l'intermédiaire d'une sonde de De Lee de calibre approprié
la table de réanimation, et avant toute autre manœuvre, introduite dans la sonde trachéale et remontée simultané-
d'aspirer le liquide présent dans la bouche et le pharynx ment à la sonde d'intubation.
en s'aidant de la vision directe procurée par le laryngos- Dans les situations exceptionnelles où aucune fonction car-
cope, puis de procéder à l'aspiration trachéobronchique. diaque n'a pu être durablement obtenue après 15 à 20 minutes
Une aspiration trachéobronchique peut s'imposer secon- d'une réanimation immédiatement et correctement mise
dairement chez un enfant initialement vigoureux, notam- en œuvre, l'arrêt de réanimation peut raisonnablement être
ment devant la constatation d'une cyanose persistante ou de décidé, l'enfant étant alors accompagné au décès. Cependant,
râles bronchiques à l'auscultation pulmonaire ; dans tous les dans les situations intermédiaires de récupération très incom-
cas, il est indispensable d'aspirer la trachée et les bronches plète et/ou instable, le principe de la réanimation d'attente doit
avant toute insufflation en pression positive. être adopté : sans aucune discontinuité des soins qu'il reçoit,
l'enfant doit être transféré dans une unité de réanimation néo-
natale où, après évaluation clinique et paraclinique complète,
La postréanimation une décision documentée et personnalisée pourra être prise
Les gestes de réanimation appliqués au nouveau-né com- quant à l'opportunité de poursuivre les soins intensifs ou au
portent des complications propres qui peuvent prolonger contraire de limiter ou d'arrêter les traitements selon les pres-
ses difficultés : criptions de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique.
■ pneumothorax par insufflation sous pression excessive,
souvent du côté droit ;
■ dyspnée obstructive de type laryngé, secondaire à une Références
désobstruction buccopharyngée traumatisante ;
■ fracture de côtes, due à un massage cardiaque externe [1] Benson R. Handbook of obstetrics and gynecology. 4e éd. Los Altos :
Lange Medical Publications ; 1971.
violent et mal appliqué.
[2] Perlman J.-M, Wyllie J, Kattwinkel J, et al. Neonatal Resuscitation
Même dans les cas les plus favorables (récupération 2015 International Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation
rapide et complète), un nombre minimal de gestes doit être and Emergency Cardiovascular Care Science With Treatment
effectué : Recommendations. Circulation 2015 ; 132(suppl 1) : S204–41.
■ premier examen clinique complet de l'enfant, compor- [3] Godde F, Norbert K, le group de travail de la SFN. Réanimation du
tant notamment la vérification de la perméabilité œso- nouveau-né en salle de naissance. Support pédagogique. Sauramps
phagienne (voir chapitre 5 p. 81) ; médical Montpellier ; 2012.
■ administration de vitamine K1 (2 mg) et désinfection [4] Gold F, Blond MH, Lionnet C, et al. Pédiatrie en maternité.
oculaire ; Réanimation en salle de naissance. 3e éd. Issy-les-Moulineaux :
■ surveillance régulière dans les heures suivantes, portant Elsevier-Masson ; 2009.
[5] Huault G, Dehan M, Lejeune JA. La réanimation de l'enfant à la nais-
notamment sur : la fréquence respiratoire, la coloration,
sance. Coll. « Cahiers Sandoz », 24. Paris : Sandoz ; 1973.
l'éveil et la réactivité de l'enfant. [6] Lansac J, Magnin G, Sentilhes L. Obstétrique pour le praticien, 6e éd.
Les nouveau-nés qui ont bénéficié d'une réanimation collection « Pour le praticien ». Paris : Elsevier-Masson ; 2013, 584p.
« lourde » en salle de naissance (naissance en état de mort appa- [7] Laugier J, Gold F. Abrégé de néonatologie. Paris : Masson ; 1991.
rente ou inhalation méconiale documentée par la présence de [8] Perlman JM, Wyllie J, Kattwinkel J, et al. Neonatal resuscitation :
méconium sous les cordes vocales) et ceux dont la récupéra- 2010 International Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation
tion n'est pas complète après une réanimation plus légère (per- and Emergency Cardiovascular Care Science With Treatment
sistance de difficultés respiratoires, d'une altération du teint, Recommendations. Circulation 2010 ; 122(16Suppl2) : S516–38.