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Pratique de l'accouchement

Chez le même éditeur

Obstétrique, par J. Lansac, G. Magnin, L. Sentilhes, 6e édition, collection « Pour le praticien ». 2013. 584 pages.
Gynécologie, par J. Lansac, P. Lecomte, 8e édition, collection « Pour le praticien ». 2014. 592 pages.
Surveillance fœtale pendant le travail, par C. Vayssière, O. Parant. 2016. 288 pages.
La contraception en pratique, par B. Raccah-tebeka, G. Plu-Bureau. 2013. 272 pages.
Médicaments et grossesse. Prescrire et évaluer le risque, coordonné par A.-P. Jonville-Bera, T. Vial. 2012. 296 pages.
Manuel de sexologie, par P. Lopès, F.-X. Poudat, 2e édition. 2013. 376 pages.
Conduites pratiques en médecine fœtale, coordonné par A. Benachi, 2e édition. 2013. 368 pages.
Pathologies maternelles et grossesse, par A. Benachi, D. Luton, L. Mandelbrot, O. Picone. 2014. 488 pages.
Le diagnostic prénatal en pratique, L. Sentilhes, D. Bonneau, P. Descamps. 2011. 528 pages.
Traité d'obstétrique, coordonné par L. Marpeau, avec la collaboration du Collège national des sages-femmes et de l'Associa-
tion française des sages-femmes enseignantes. 2010. 700 pages.
Le retard de croissance intra-utérin, par V. Tsatsaris. 2012. 320 pages.
Endocrinologie en gynécologie et obstétrique, coordonné par B. Letombe, S. Catteau-Jonard, G. Robin. 2012. 296 pages.
Cancers gynécologiques pelviens, par X. Carcopino, J. Levêque, D. Riethmuller. 2013. 460 pages.
Maladies du sein, coordonné par H. Mignotte, 2e édition. 2011. 216 pages.
105 fiches pour le suivi post-natal mère-enfant, par A. Battut, T. Harvey, P. Lapillonne. 2015. 344 pages.
Chirurgie en obstétrique, par P. Deruelle, G. Kayem, L. Sentilhes. 2015. 168 pages.
Chirurgie des cancers gynécologiques, par D. Querleu, E. Leblanc, P. Morice, G. Ferron, 2e édition. 2014. 216 pages.
La pratique chirurgicale en gynécologie et obstétrique, coordonné par J. Lansac, G. Body, G. Magnin (compléments vidéo),
3e édition. 2011. 560 pages.
Guide pratique de l'échographie obstétricale et gynécologique, par G. Grangé, 2e édition. 2016. 416 pages.
Echocardiographie fœtale, par F. Boussion, P. Pézard. 2013. 464 pages.
La colposcopie, par J. Marchetta, P. Descamps, 3e édition. 2012. 184 pages.
Pratique
de l'accouchement
Coordonné par
Jacques Lansac, Philippe Descamps, François Goffinet

Avec la collaboration de :
A. Benachi, G. Benoist, G. Beucher, F. Biquard, I. Boidron-Balligan,
S. Brun, B. Carbonne, M.-P. Debord, P. Deruelle, R. Desprats, P. Dolley,
M. Doret, J.-F. Doussin, M. Dreyfus, A. Fournié, P. Gaucherand,
P. Gillard, F. Gold, C. Lionnet, L. Marcellin, H. Madar, C. Monrigal,
C. Ouédraogo, J. F. Oury, J-P. Renner, J. Saada, E. Saliba, T. Schmitz,
L. Sentilhes, O. Sibony, F. Tourrel, D. Vardon, E. Verspyck

Vidéos de :
Jean-Paul Renner

Dessins de :
J. Bertrand, G. Blanchet, L. Dorn, C. Fumat, A. Péron

6e édition
Crédit iconographie EMC
Figure 4.12 : Figures 71 A-B-C. Extrait de JP Schaal, D Riethmuller, A Martin, A Lemouel, C Quéreux, R Maillet. Conduite à tenir au cours du travail et de
l'accouchement. 5-049-D-27. Copyright © 1998 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.3 : Figures 13 A-B-C. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-L-
15. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.5 : Figure 4. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-L-15.
Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.6 : Figures 3 A-B-C-d. Extrait de D. Riethmuller, J.-M. Thoulon, R. Ramanah, L. Courtois, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations défléchies. 5-049-
L-15. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.9 : Figures 1 A-B et 3. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright
© 2011 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 8.10 : Figure 6. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright © 2011
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 9.1 : Figures 3 et 4. Extrait de D.-E. Broche, R. Maillet, V. Curie, R. Ramanah, J.-P. Schaal, D. Riethmuller. Accouchement en présentation du siège.
5-049-L-40. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 9.5 : Figure 31. Extrait de D.-E. Broche, R. Maillet, V. Curie, R. Ramanah, J.-P. Schaal, D. Riethmuller. Accouchement en présentation du siège. 5-049-
L-40. Copyright © 2008 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 15.4 : Figure 5. Extrait de R. Gabriel, G. Harika, A. Bertrand. Dystocie des épaules et paralysie obstétricale du plexus brachial. 5-067-A-10. Copyright
© 2014 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 15.5 : Figure 7. Extrait de R. Gabriel, G. Harika, A. Bertrand. Dystocie des épaules et paralysie obstétricale du plexus brachial. 5-067-A-10. Copyright
© 2014 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 19.2 : Figure 7. Extrait de D. Riethmuller, R. Ramanah, R. Maillet, J.-P. Schaal. Présentations transversales et obliques. 5-049-L-60. Copyright © 2011
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 23.4 : Figure 2. Extrait de G. Boog, P. Merviel. Placenta accreta. 5-069-A-30. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
Figure 26.5 : Figure 2. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.6 : iconosup 10. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.7 : Figure 5. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.8 : Figure 7. Extrait de L. Sentilhes, B. Resch, A. Gromez, E. Clavier, A. Ricbourg-Schneider, C. Trichot, P.-E. Bouet, L. Catala, P. Gillard, S.
Madzou, P. Descamps, L. Marpeau, F. Sergent. Traitements chirurgicaux et alternatives non médicales des hémorragies du post-partum. 41-905. Copyright
© 2010 publié par EMC Techniques chirurgicales – Gynécologie, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 26.14 : Figure 6. Extrait de M. Durier, M. Grynberg, C. Charles, R. Gabriel. Délivrance normale et pathologique. 5-108-M-10. Copyright © 2010
publié par EMC Obstétrique, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.6 : Figure 1. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.7 : Figure 2. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.8 Figure 3. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.9 Figure 4. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 29.10 Figure 5. Extrait de O. Parant, C. Simon-Toulza, A. Fournié. Spatules de Thierry. 5-095-A-10. Copyright © 2011 publié par EMC Obstétrique,
Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

DANGER
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le
développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une
baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est
LE aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de
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TUE LE LIVRE 01 44 07 47 70.

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laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
© 2006, 2011, 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-294-74776-2
e-ISBN : 978-2-294-74883-7

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs

Benachi Alexandra Goffinet François


Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU Antoine Professeur de Gynécologie obstétrique Maternité Port-
Béclère Clamart. Royal, Paris.
Benoist Guillaume Gold Francis
Maître de conférences Praticien hospitalier en Gynécologie Professeur honoraire de Pédiatrie CHU Trousseau Paris.
obstétrique au CHU de Caen. Lansac Jacques
Beucher Gael Professeur Emérite de Gynécologie obstétrique au CHU de
Praticien hospitaliers en Gynécologie obstétrique au CHU Tours.
de Caen. Lionnet Corine
Biquard Florence Praticien hospitalier en pédiatrie de maternité CHU de
Praticien hospitalier en Gynécologie obstétrique au CHU Tours.
d'Angers. Madar Hugo
Boidron-Balligand Isabelle Chef de clinique assistant de Gynécologie obstétrique au
Sage-femme enseignante Faculté de Médecine Centre Val CHU de Bordeaux.
de Loire Tours. Marcellin Louis
Brun Stéphanie Chef de clinique en gynécologie obstétrique Maternité Port-
Chef de clinique assistant de Gynécologie obstétrique au Royal, Paris.
CHU de Bordeaux. Christine Monrigal
Carbonne Bruno Praticien hospitalier en anesthésie-réanimation, centre
Professeur de Gynécologie obstétrique Centre hospitalier hospitalier universitaire, Angers.
Princesse Grâce Monaco. Ouédraogo Charlemagne
Debord Marie-Pascale Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU de
Praticien hospitaliers en Gynécologie obstétrique au CHU Ouagadougou Burkina Faso.
de Lyon sud. Oury Jean François
Deruelle Philippe Professeur de Gynécologie obstétrique CHU Robert Debré Paris.
Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU de Lille. Renner Jean-Paul
Descamps Philippe Gynécologue obstétricien CHU Robert Debré Paris.
Professeur de gynécologie obstétrique au CHU d'Angers. Saada Julien
Desprats Roland Praticien hospitalier en Gynécologie obstétrique au CHU
Praticien hospitalier honoraire en anesthésie réanimation au Antoine Béclère Clamart.
CHU de Toulouse. Saliba Elie
Dolley Patricia Professeur de pédiatrie au CHU de Tours.
Praticien hospitaliers en Gynécologie obstétrique au CHU Schmitz Thomas
de Caen. Professeur de Gynécologie obstétrique CHU Robert Debré Paris.
Doret Muriel Sentilhes Loïc
Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU de Lyon. Professeur de gynécologie obstétrique au CHU de Bordeaux.
Doussin Jean-François Sibony Olivier
Anesthésiste réanimateur au CHU de Lyon sud. Professeur de Gynécologie obstétrique CHU Robert Debré
Dreyfus Michel Paris.
Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU de Caen. Tourrel Fabien
Fournié Alain Praticien hospitalier en anesthésie réanimation dans le
professeur de gynécologie obstétrique honoraire au CHU service Gynécologie-Obstétrique du CHU de Rouen.
d'Angers. Vardon Delphine
Gaucherand Pascal Praticien hospitalier en Gynécologie obstétrique au CHU
Professeur de Gynécologie obstétrique au CHU de Lyon. de Caen.
Gillard Philippe Verspyck Eric
Praticien hospitalier en Gynécologie obstétrique au CHU Professeur de Gynécologie obstétrique CHU de Rouen.
d'Angers. V
Chapitre
<CN>
Note pour la sixième édition

Pour cette 6e édition de la Pratique de l'accouchement, tous on regardera l'animation, la séquence correspondante étant
les chapitres ont été revus par leurs auteurs ou de nouveaux signalée dans le texte par le logo . Le sommaire vidéo
collaborateurs, et pour certains entièrement réécrits. comporte sept parties : anatomie fonctionnelle, présentation
Nous avons intégré les recommandations la Haute céphalique, dystocie des épaules, présentation du siège, deu-
Autorité de santé (HAS) et du Collège national des gynéco- xième jumeau, extraction instrumentale, délivrance.
logues-obstétriciens français. Nous avons également, quand Ce mini-site constitue un outil pédagogique très impor-
il n'y avait pas de recommandations françaises, cité celles du tant qui permet de voir et de revoir un geste autant qu'il est
Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG), nécessaire.
de l'American College of Obstetrics and Gynaecology Il est souhaitable, après avoir visionné l'animation, de
(ACOG) ou Société des Obstétriciens et Gynécologues du regarder à nouveau les illustrations pour bien s'imprégner
Canada (CNGOF). Enfin, nous avons essayé, sur tous les des temps.
sujets de controverse, d'apporter les résultats des conférences
de consensus qui se sont tenues en France ou à l'étranger,
ou de donner les références bibliographiques nécessaires. Le Qualité des résultats
niveau de preuve a été donné en fonction de la qualité des 1. Résultats obtenus dans le cadre d'au moins un essai com-
résultats disponibles dans la littérature, dont on trouvera ci- paratif convenablement randomisé.
dessous la classification. 2. Résultats obtenus dans le cadre d'essais comparatifs non
Enfin, nous adjoignons à ce livre des vidéos, que nous randomisés bien conçus.
devons à nos collègues de l'équipe du professeur Jean- 3. Résultats obtenus dans le cas d'études de cohortes ou
François Oury de l'hôpital Robert-Debré, permettant de d'études analytiques, cas témoins bien conçus, réalisés de
visualiser en 3D la mécanique obstétricale de l'accouche- préférence dans plus d'un centre ou par plus d'un groupe
ment du sommet, de la face, du siège, des jumeaux, ainsi que de recherche.
différentes manœuvres obstétricales (dystocie des épaules, 4. R ésultats découlant de comparaisons entre différents
pose de forceps, de ventouse, versions, etc.). Grâce à leur moments ou différents lieux, ou selon que l'on a ou non
talent et à celui de Jean-Paul Renner, obstétricien et infor- recours à une intervention. Des résultats de première
maticien, ces vidéos et la 3D apportent une vision dyna- importance obtenus dans le cadre d'études non compa-
mique exceptionnellement pédagogique qui complète le ratives pourraient, en outre, figurer dans cette catégorie.
texte et les dessins. Les séquences que l'on trouvera sur le 5. Opinions exprimées par des sommités dans le domaine,
mini-site sont signalées dans le texte par un logo : . fondées sur l'expérience clinique, études descriptives ou
Nous remercions tous ceux qui, par leurs critiques ou rapports d'experts.
suggestions, nous ont permis d'améliorer le contenu péda- Le niveau de preuve sera indiqué dans le texte, quand cela
gogique de ce livre. est possible, sous la forme : ([niveau de preuve] NP1 à 3).
Jacques Lansac, Philippe Descamps,
François Goffinet
Septembre 2016 Classification des recommandations
A. O n dispose de données suffisantes pour appuyer la
recommandation.
Animations 3D B. On dispose de données acceptables pour appuyer la
Cet ouvrage est accompagné d'un accès personnel sécurisé recommandation.
qui permet de visionner des séquences vidéo de mécanique C. On dispose de données insuffisantes pour appuyer ou
obstétricale en trois dimensions. Leur utilisation ne doit pas récuser une recommandation.
être dissociée, mais est au contraire complémentaire. D. O n dispose de données acceptables pour ne pas
Nous pensons qu'il vaut mieux d'abord lire le livre et regar- recommander.
der les dessins. Ensuite, une fois les principes et les temps E. O n dispose de données suffisantes pour ne pas
bien compris, les dangers des complications bien visualisés, recommander.

VI
En France, où peut-on accoucher ?

En 1981, il y avait en France 1 128 maternités. En 1997, il façon, là encore, à orienter la femme vers un établissement
n'en restait plus que 815 dont 90 faisaient moins de 300 offrant un plateau technique adapté ;
accouchements. Avec une mortalité périnatale de 7 ‰, la – l'organisation de réseau entre les maternités des trois
France se situait au 10e rang des pays d'Europe (Eurostat niveaux qui seront liées entre elles par une charte de fonc-
1995) derrière la Suède (5,4), l'Autriche (6,2), l'Allemagne tionnement, des dossiers et des protocoles communs et dont
(6,4) ou l'Espagne (6,5). le fonctionnement sera régulièrement évalué ;
Pour améliorer ces chiffres, les décrets n ° 98–899 et – le développement des transferts in utero de façon à ce
98–900 du 9 octobre 1998 ont classé les maternités en trois que l'accouchement se fasse dans un établissement dont le
niveaux : niveau correspond aux besoins de prise en charge de la mère
– maternité de type I sans unité de néonatalogie associée. et/ou de l'enfant.
Un gynécologue-obstétricien, un anesthésiste et un pédiatre Du fait de ces décisions, il n'y avait plus en l'an 2000
sont présents ou d'astreinte 24 heures sur 24 ; en France métropolitaine que 700 maternités dont 443 de
– maternité de type II où l'unité d'obstétrique est associée niveau I, 202 de niveau II et 55 de niveau III. Cinquante et
à une unité de néonatologie ou de soins périnataux située à un pour cent des établissements publics ou privés faisaient
proximité ; entre 300 et 1 000 accouchements. Les maternités privées
– maternité de type III où l'unité d'obstétrique est associée à étaient au nombre de 217 (y compris les DOM), assurant
une unité de réanimation néonatale, destinée à des nouveau- 36 % des accouchements français. Cent soixante-huit étaient
nés présentant des détresses graves ou des risques vitaux et de niveau I, 40 de niveau IIA et 9 de niveau IIB. Quarante
située à proximité, c'est-à-dire pour lequel le transfert du pour cent des maternités privées faisaient moins de 1 000
nouveau-né se fait sans le recours à un véhicule sanitaire. accouchements par an. Tous les enfants hypotrophes nais-
Un accoucheur, un anesthésiste et un pédiatre doivent saient dans des établissements de niveau II ou III ainsi
être de garde sur place 24 heures sur 24 dès que le service que 75 % des grossesses multiples et 70 % des prématurés
réalise plus de 1 500 accouchements par an. Ces décrets éta- (DRESS 2003).
blissent un niveau d'activité minimal fixé à 300 accouche- Le plan périnatal 2005–2007, doté d'un budget de
ments annuels et définissent des normes minimales quant 274 millions d'euros, avait pour but d'améliorer la sécu-
aux locaux et au personnel du bloc obstétrical et des unités rité de la naissance en perfectionnant le fonctionnement
d'hospitalisation. Le texte des décrets peut être consulté sur des services, le fonctionnement des réseaux, les modalités
Internet dans le Journal officiel : http : //www.legifrance.fr. de transfert, l'aide aux personnes en situation précaire. De
La conférence de consensus du Collège national des nombreux postes de médecins, sages-femmes, puéricul-
gynécologue-obstétriciens français (CNGOF), des 2 et trices, psychologues ont été créés.
3 décembre 1998, concernant la prise en charge de la femme En 2012, un rapport de la cour des comptes a évalué
enceinte, de l'accouchement et du nouveau-né selon leur l'organisation périnatale française. À cette date, il ne res-
niveau de risque, recommande : tait plus que 505 maternités (358 publiques et 147 privées)
– de réhabiliter l'idée que la grossesse et l'accouchement dont 255 de type I, 223 de type II et 66 de type III. 74 %
sont des événements naturels qu'il ne faut pas médicaliser des naissances se font dans des établissements qui font entre
de façon excessive ; 1 000 et 3 999 accouchements, 17 % dans établissements qui
– une consultation médicale précoce de la femme enceinte font moins de 1000 accouchements et 9 % se font dans des
qui aura pour but de dépister les facteurs de risque médi- établissements de plus de 4 000 naissances. Le secteur privé
caux, sociaux et psychologiques. Cette consultation aura assure seulement 25 % des naissances. 78 centres périna-
aussi pour but d'informer les femmes sur les modalités taux de proximité ou les femmes peuvent être suivies avant
de surveillance de la grossesse, l'hygiène de vie et l'exis- ou après leur accouchement ont été créés dans des établis-
tence de réseau d'hospitalisation. Elle permettra d'orien- sements fermés en raison d'un nombre d'accouchements
ter les femmes à bas risque vers un accompagnement qui inférieurs à 300 par an. Notons que si en France 23 % des
respecte le caractère physiologique de la grossesse et les accouchements se font dans des maternités de plus de 3 000
patientes chez lesquelles un risque est dépisté vers une naissances annuelle, ce taux est de 51 % en Suède et de 69 %
prise en charge dans un établissement de niveau adapté ; en Grande Bretagne.
– une consultation au début du 3e trimestre orientée vers la Le décret du 30 juillet 2015 a fixé les conditions de
recherche d'une pathologie de fin de grossesse et le repérage l'expérimentation des maisons de naissance, qui doivent
de certains risques d'accouchement (en particulier le risque permettre de tester une prise en charge moins technicisée
hémorragique, première cause de mortalité en France) de de la grossesse et de l'accouchement, hors établissement de

VII
Document téléchargé de ClinicalKey.fr par Faculte de Medecine de Tunis novembre 04, 2016.
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VIII En France, où peut-on accoucher ?

santé, et de créer des maisons de naissance dans lesquelles la maison de naissance est membre, en lien avec l'établisse-
des sages-femmes assureront en totalité le suivi de grossesse ment de santé partenaire.
et les accouchements. 9 maisons de naissances sont autorisées à fonctionner à
La « maison de naissance » est une structure qui se titre expérimental (JORF 26 novembre 2015)
trouve à proximité immédiate d'une maternité partenaire. En France en 40 ans, les deux tiers des maternités ont
Elle dispose d'un accès direct avec le service de gynécologie- fermé alors que le nombre de naissances est stable et voi-
obstétrique de l'établissement de santé permettant d'assurer sin de 810 000 par an. On observe une forte augmentation
dans des conditions compatibles avec l'urgence le transport des maternités de plus de 1 000 naissances avec un temps
non motorisé et allongé des parturientes et des nouveau- moyen d'accès de 17 minutes mais supérieur à 30 minutes
nés, sans voie publique à traverser. pour 10 % des cas. Malgré cette importante restructuration,
Elle est tenue par des sages-femmes qui doivent pouvoir la France reste à un rang moyen en Europe en matière de
intervenir à tout moment, tous les jours de l'année, dans périnatalité et n'est jamais dans les 5 premiers. 70 % seu-
un délai compatible avec l'impératif de sécurité. Lors des lement des enfants de moins de 32SA naissent dans un
accouchements, l'organisation de la maison de naissance établissement type III, la mortalité maternelle à 8,2/100
doit garantir la présence dans les locaux d'une seconde sage- 000 supérieure à la moyenne européenne (6,2) La morta-
femme. Celle-ci a pour mission d'assister la sage-femme lité néonatale après 24SA est de 2,3/1 000 nous classant au
réalisant l'accouchement, notamment lorsqu'une situation 17ème rang. La cour des comptes souligne l'augmentation
d'urgence survient et que le transfert de la parturiente ou de la précarité de certaines populations, les difficultés de
de son enfant doit être organisé. Les sages-femmes assurent recrutement en personnel médical (obstétriciens, pédiatres,
la préparation à la naissance et à la parentalité, le suivi de la anesthésistes, sages-femmes) dans certaines régions, le non
grossesse, l'accouchement et le suivi de celui-ci ainsi que les respect de décrets de 98, l'absence de normes de fonction-
soins postnataux de la mère et du bébé. nement pour les établissements de plus de 4 000 naissances,
Elles effectuent les dépistages obligatoires pour les nou- le sous-financement des établissements poussant à la fer-
veau-nés pour les 5 maladies rares : la drépanocytose, meture des établissements privés et à la surcharge d'activité
l'hyperplasie congénitale des Surrénales, l'hypothyroïdie pour les établissements publics restant . Des progrès restent
congénitale, la mucoviscidose, la phénylcétonurie. donc à faire…
Elles informent également les parents sur le dépistage On peut trouver sur le site de la Caisse d'Assurance
précoce de la surdité permanente néonatale. Maladie (http : //ameli-direct.ameli.fr), les établissements
Pour quelles grossesses ? où l'on peut accoucher, leur type, le nombre d'accouche-
Pour accoucher dans une maison de naissance, il faut ments réalisés par voie haute ou par césarienne, ainsi que
présenter une grossesse sans pathologie particulière, ne pré- les tarifs pratiqués par les praticiens, les établissements et le
sentant aucun risque materno-fœtal identifié La femme doit montant de ce qui reste à la charge des familles.
être informée de l'absence d'hébergement et de la nécessité Le classement des types d'établissement et l'organisation
d'un transfert vers la maternité si elle souhaite une péridu- des réseaux périnataux régionaux permettent en fonction de
rale. Les présentations non céphaliques, grossesses gémel- la pathologie de faire accoucher la femme dans le lieu le plus
laires, les femmes avec un utérus cicatriciel, ne sont pas approprié pour la prise en charge néonatale de l'enfant. Les
acceptées. D'autre part les futures mamans doivent habiter accouchements inopinés à domicile sont rares entre 2 000
à 40 minutes de la maison de naissance au grand maximum. et 2 500 naissances par an soit 0,5 % des naissances (Jouan
Les professionnels de santé de la maison de naissance 1999).
doivent participer chaque année à des formations, notam- Nous donnons ci-après, à titre d'exemple, les indications
ment des mises en situation d'urgence maternelle, fœtale ou retenues pour les transferts in utero par les praticiens gyné-
pédiatrique néonatale. Ces formations doivent être organi- cologues-obstétriciens et pédiatres du réseau périnatal de la
sées, notamment par le réseau de santé en périnatalité dont région Centre.
Indications d'un transfert in utero du
réseau périnatal de la région Centre

Indications de transfert in utero d'une La maternité référente s'engage à transférer à nouveau


maternité de niveau I vers une maternité la patiente dans son établissement d'origine si la patiente
atteint le terme de 34 SA.
de niveau II ou III Grossesses multiples avec menace d'accouchement préma-
Forte probabilité de naissance avant 34 semaines d'aménor- turé avant 34 SA :
rhée (SA) et/ou poids de naissance inférieur à 1 800 g du fait : – triple ;
– d'une menace d'accouchement prématuré ; – quadruple ;
– d'une rupture prématurée des membranes ; – gémellaire.
– d'un retard de croissance in utero. Pathologie fœtale à risque vital néonatal ou hydramnios aigu :
La maternité référente s'engage à transférer à nouveau la – fœtus malformé ;
patiente dans son établissement d'origine si la patiente – fœtus malade ;
atteint le terme de 36 SA. – fœtus exposé aux complications de l'immunisation
Grossesses multiples avec menace d'accouchement prématuré maternofœtale très sévère.
avant 36 SA : Pathologies maternelles graves avec risque de décompensation
– grossesse triple ; pré- ou postnatale :
– grossesse quadruple ; – toxémie gravidique très sévère ;
– grossesse gémellaire monochoriale d'évolution anormale. – HELLP syndrome ;
Pathologie fœtale à risque vital néonatal ou hydramnios aigu : – toutes situations hémorragiques (placenta praevia, héma-
– fœtus malformé ; tome rétroplacentaire) risquant d'entraîner des troubles de
– fœtus malade ; la coagulation et nécessitant un transfert en réanimation ;
– fœtus exposé aux complications de l'immunisation – autre pathologie aggravée par la grossesse (insuffisance
maternofœtale. respiratoire, stéatose aiguë du foie, etc.) nécessitant un
Pathologies maternelles graves avec risque de décompensation transfert en réanimation.
pré- ou postnatale en l'absence de possibilité de réanimation Retour des patientes vers l'établissement d'origine :
maternelle : Le service de gynécologie-obstétrique de l'établissement de
– toxémie gravidique très sévère ; ……………………………. s'engage à transférer la patiente dans
– HELLP syndrome ; son établissement d'origine dès que son état de santé le permet.
– placenta praevia très hémorragique ; Un compte rendu détaillé de l'hospitalisation de la mère et de
– autre pathologie aggravée par la grossesse. l'enfant sera adressé, dès la sortie de la patiente, au gynéco-
La maternité référente s'engage à prendre la patiente ou à logue-obstétricien qui a envoyé la patiente de façon à permettre
trouver une place dans un établissement équivalent. à l'équipe initiale de poursuivre la surveillance et les soins.
Retour des patientes vers l'établissement d'origine :
Le service de gynécologie-obstétrique de l'établissement de
……………………… s'engage à transférer la patiente dans Références
son établissement d'origine dès que son état de santé le permet. CNGOF. Prise en charge de la femme enceinte, de l'ac-
Un compte rendu détaillé de l'hospitalisation de la mère et de couchement et du nouveau-né selon le niveau de risque.
l'enfant sera adressé, dès la sortie de la patiente, au gynéco- Conférence de consensus du CNGOF. J Gynecol Obstet Biol
logue-obstétricien qui a envoyé la patiente de façon à permettre Reprod 1998 ; 27 : 7–259.
à l'équipe initiale de poursuivre la surveillance et les soins. DRESS. Le réseau des maternités entre 1996 et 2000. Études
et résultats. No 225, mars 2003.
EUROPéristat. EUROPEAN PERINATAL HEALTH
Indications du transfert in utero d'une REPORT 2013. Health and care of pregnant women and
maternité de niveau II vers une maternité babies in European in 2010. http://www.europeristat.com/
de niveau III images/doc/EPHR2010_w_disclaimer.pdf.
Forte probabilité de naissance avant 32 SA et/ou poids de DREES, Vilain A. Les maternités en 2010 : premiers résultats
naissance inférieur à 1 500 g du fait : de l'enquête nationale périnatale DRESS études et résultats
– d'une menace d'accouchement prématuré ; 2011 ; 776. www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er776.pdf.
– d'une rupture prématurée des membranes ; Le plan périnatalité : 2005–2007. Modernisation de l'envi-
– d'un retard de croissance in utero sévère. ronnement de la grossesse et de la naissance.

IX
Informations sur internet

Un certain nombre de recommandations pour la pratique – American College of Obstetrics and Gynaecology : www.
clinique, de guides de bonnes pratiques ou de conférences acog.org/
de consensus sont en ligne sur certains sites. Nous recom- – Société des gynécologues et obstétriciens du Canada :
mandons au lecteur de les consulter pour mettre régulière- www.sogc.org/index_f.asp
ment à jour ses connaissances. – base de données Cochrane : www.cochrane.co.uk. La
Nous recommandons particulièrement les sites suivants : collaboration Cochrane offre de nombreux résultats d’essais
– Collège national des gynécologues-obstétriciens f­ rançais : randomisés et de méta-analyses dans la spécialité
www.cngof.asso.fr/ – le ministère de l'Emploi et de la Solidarité publie les
– Collège français d’échographie fœtale : www.cfef.org enquêtes sur la situation périnatale en France : www.sante.
– Société française de médecine périnatale : www.sfmp.net/ gouv.fr/dress
– Haute Autorité de santé (HAS) : www.has.fr – réseau sentinelle AUDIPOG : www.audipog.inserm.fr
– Royal College of Obstetrics and Gynaecology : www. – Assurance maladie : www.ameli.fr/
rcog.org.uk – textes législatifs : www.legifrance.fr

X
Avertissement

Les objectifs de cet ouvrage sont de permettre au spécialiste authentiques, parfois fautives car les erreurs ont une valeur
(DES, DIS) ou à la sage-femme en formation d’adopter une pédagogique. Ils sont regroupés en fin d'ouvrage et consul-
conduite pratique pour la prise en charge de l'accouche- tables sur le minisite.
ment, que celui-ci soit normal ou pathologique. D'aucuns diront que l'obstétrique ne s'apprend pas dans
Cet ouvrage est complémentaire de l'Obstétrique pour le les livres, mais par compagnonnage, en salle de travail au fil
praticien qui est surtout utile pour la consultation au cours des gardes.
de la grossesse. Certes, rien ne remplace l'exercice quotidien. Encore faut-il
Le lecteur trouvera dans chaque chapitre : avoir des bases théoriques et des schémas de conduite à
– l'objectif à atteindre, conforme aux suggestions du tenir fondés sur des preuves scientifiques.
Collège national des gynécologues-obstétriciens français ; Nous remercions tous les collègues qui ont accepté de
– un rappel physiologique ; remettre à jour les chapitres mais aussi accepté que nous réé-
– un exposé de la conduite pratique aussi précis que crivions leur texte pour donner à l'ensemble du volume une
possible. homogénéité indispensable. Merci aussi à Jacques Bertrand,
Dans chaque chapitre, l'auteur indique les règles de obstétricien et dessinateur, qui a conçu les illustrations
bonnes pratiques définies par la Haute Autorité de santé ou originales.
le Collège des gynécologues-obstétriciens français. Parfois, Nous serons reconnaissants à tous ceux qui relève-
faute de recommandations françaises, l'auteur s'appuie sur raient des lacunes ou des erreurs dans ce livre de nous
les recommandations anglaises, canadiennes ou améri- le faire savoir.
caines, voire sa propre pratique.
Enfin, un certain nombre de cas cliniques sont pro- Jacques Lansac, Philippe Descamps, François Goffinet
posés à titre d'« exercices » pour vérifier l'acquisition des Nous remercions MM. L. Dorn et G. Blanchet, dessinateurs
connaissances. Les cas cliniques sont tirés d'observations médicaux, qui ont repris les dessins de J. Bertrand.

XI
w
Sommaire des vidéos

Anatomie fonctionnelle La manœuvre de Mauriceau-Pinard. . . . . . . . . . . . . . . . . 136,


Influence de l'anatomie gravide sur la mécanique 137
obstétricale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60, 63 Version par manœuvres externes
Présentation céphalique sur le siège (VME). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124,
Accouchement normal en OIGA-OP. . . . . . . . . . . . . . . . . . 60, 63, 332, 333
68, 69, 70, 73, 348 Deuxième jumeau
Qu'est-ce qui entraîne la flexion de la tête fœtale? . . . . . 63, Diagnostic de présentation de J2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
348 Version grande extraction sur fœtus en oblique. . . . . . . 146
Dégagement en OS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72, Grande extraction de siege. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
73, 74 Les versions par manœuvres internes
Les manœuvres favorables à l'évolution complémentaires pour l'accouchement
antérieure des présentations postérieures . . . . . . . . . . . . 72 de J2 (VMI).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Accouchement de la face . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Caractères communs aux extractions de siège . . . . . . . . 148
Dystocie des épaules Identification des extrémités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Manœuvre de Mac Roberts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197, Extraction instrumentale
198 Pose en OIGA et extraction à l'aide du forceps
Manœuvre de Wood inversée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 de Tarnier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349,
Manœuvre de Couder. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 356
Manœuvre de Jacquemier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Mode d'extraction du forceps de Tarnier. . . . . . . . . . . . . 349
Manœuvre de Jacquemier bas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Mode d'extraction du forceps de Suzor . . . . . . . . . . . . . . 350,
Présentation du siège 362
L'accouchement en présentation du siège . . . . . . . . . . . . 128, Mode d'extraction des spatules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350,
129, 133 368
L'accouchement en présentation du siège Pose de la ventouse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352
décomplété. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Délivrance
Pourquoi le dos tourne-t-il en avant?. . . . . . . . . . . . . . . . 130 Délivrance artificielle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90,
La manœuvre de Lovset . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132, 313, 314
135

XV
Abréviations

ACOG American College of Obstetrics and Hb hémoglobine


Gynaecology HbR hémoglobine réduite
ACP analgésie contrôlée par la patiente HCG hormone gonadotrophine chorionique
ACTH hormone corticotrope HCS human chorionic somatomammotrophin
AML active management of labour HGPO hyperglycémie provoquée par voie orale
AMM autorisation de mise sur le marché HPL hormone lactogénique placentaire (human
APD anesthésie péridurale placental lactogen)
ATP adénosine triphosphate HSG hystérosalpingographie
BAV bloc auriculoventriculaire HSV Herpès simplex virus
BDC bruits du cœur HTA hypertension artérielle
BE diamètre biépineux HU hauteur utérine
BIP diamètre bipariétal ICSI fécondation in vitro avec micro-injection
BM diamètre bimalaire IGF insulin-like growth factor
bpm battement par minute IM intramusculaire
CFEF Collège français d’échographie fœtale IMC indice de masse corporelle
CIVD coagulation intravasculaire disséminée IMF infection maternofœtale
CMV cytomégalovirus IMG interruption médicale de grossesse
CNEOF conférence nationale d’échographie obstétri- IV intraveineux
cale et fœtale IVD intraveineux direct
CNGOF Collège national des gynécologues-obstétri- IVG interruption volontaire de grossesse
ciens français J1 premier jumeau
CNSF Collège national des sages-femmes J2 second jumeau
CRASS coefficient de risque d’accouchement par le KPa kiloPascal
siège KPa.s. kiloPasacal surface
CRH corticotropin releasing hormone LA liquide amniotique
CRP C reactive protein LAM liquide amniotique méconial
CU contraction utérine LDH lactate déshydrogénase
DA délivrance artificielle LCS liquide cérébrospinal
DAO di-amino-oxydase LH hormone lutéinisante
DAT diamètre abdominal transverse LH-RH LH-releasing hormone ou gonadolibérine
DHEA déhydroépiandrostérone (GnRH)
DI détroit inférieur LRF lutein releasing factor
DM détroit moyen MAP menace d'accouchement prématuré
DS détroit supérieur MFIU mort fœtale in utero
ECBU examen cytobactériologique des urines MIDA mento-iliaque droit antérieur
ECGF électrocardiogramme fœtal MIGA mento-iliaque gauche antérieur
ERα récepteurs α aux œstrogènes MSH mélanostimuline
ERCF enregistrement du rythme cardiaque fœtal NFS numération formule sanguine
« EXIT » EX-utero intrauterine treatment NIDA naso-iliaque droit antérieur
FIV fécondation in vitro NIDP naso-iliaque droit postérieur
FSH follicle-stimulating hormone (hormone NIDT naso-iliaque droit transverse
folliculostimulante) NIGA naso-iliaque gauche antérieur
GEU grossesse extra-utérine NIGP naso-iliaque gauche postérieur
GnRH gonadolibérine NIGT naso-iliaque gauche transverse

XVI
Abréviations XVII

NP niveau de preuve PVC pression veineuse centrale


OIDA occipito-iliaque droit antérieur RCF rythme cardiaque fœtal
OIDP occipito-iliaque droit postérieur RCIU retard de croissance intra-utérin
OIGA occipito-iliaque gauche antérieur RCOG Royal College of Obstetrics and Gynaecology
OIGP occipito-iliaque gauche postérieur Rh Rhésus
OP occipitopubien RPM rupture prématurée des membranes
OR odds ratio RR risque relatif
OS occipitosacré SFA souffrance fœtale aiguë
oxyHb oxyhémoglobine SFC souffrance fœtale chronique
PAF platelet activating factor SIDA sacro-iliaque droit antérieur
PAM pression artérielle moyenne SIDP sacro-iliaque droit postérieur
PCA patient-controlled analgesia SIGA sacro-iliaque gauche antérieur
PCEA patient-controled epidural anaesthesia SIGP sacro-iliaque gauche postérieur
PCO2 pression partielle de gaz carbonique SpO2 saturation partielle artérielle en oxygène
PCR polymerase chain reaction STT syndrome transfuseur-transfusé
PDF produits de dégradation de la fibrine TA tension artérielle
PGE2 prostaglandine E2 TCA temps de céphaline activée
PGF2 prostaglandine F2 TM diamètre transverse médian
PGI2 prostaglandine I2 TP temps de prothrombine
PMI protection maternelle et infantile TRH thyrotropin-releasing hormone
PO2 pression partielle d'oxygène TSH hormone thyréostimuline
PPSB proconvertine, prothrombine, facteurs Stuart, TU diamètre transverse utile du bassin
facteur antihémophilique B UM unité Montevideo
PRA récepteur à la progestérone A VIH virus de l'immunodéficience humaine
PRB récepteur à la progestérone B VME version par manœuvre externe
PRP diamètre promonto-rétro-pubien VMI version par manœuvre interne
PSS diamètre pré-sterno-syncipital VPP valeur prédictive de test positif
PTH parathormone
Prévention des accidents
thromboemboliques en obstétrique

La Société française d'anesthésie-réanimation a, en 2005, dité très variable et exercent un rôle aggravant mineur (âge,
revu les indications de la prophylaxie de la maladie throm- tabagisme, obésité, groupe sanguin non O), important
boembolique veineuse en obstétrique. (antécédent cardiaque) ou imprécis (antécédents de phlébite
superficielle).
Les antécédents personnels de MTEV augmentent le
Incidence naturelle des événements risque de récidive avec une incidence d'événements cli-
thromboemboliques niques estimés entre 0 et 20 %. De même, des antécédents
Au cours de la grossesse familiaux de MTEV augmenteraient le risque dans une
et en post-partum proportion similaire. Cette incidence très variable pour-
rait être influencée par au moins deux facteurs intriqués :
La fréquence de la maladie thromboembolique veineuse l'existence d'anomalies biologiques thrombophiliques et le
(MTEV) en obstétrique est difficile à déterminer et les inci- caractère temporaire (ou non) de la présence d'un facteur
dences suggérées ci-dessous restent demeurent à caution. de risque lors d'un premier événement thromboembolique.
En France, on recense cinq à dix décès maternels par an Il est admis qu'en cas de présence d'un facteur temporaire
(6 à 12/1 000 000 naissances) liés à une embolie pulmonaire de risque thromboembolique lors de l'épisode antérieur, le
et, dans un tiers des cas, les soins sont non optimaux. risque de récidive est moins important qu'en présence d'un
L'incidence globale de la MTEV en obstétrique semble facteur de risque permanent.
avoir diminué au cours des dernières décennies. Les études Les relations entre la thrombophilie constitutionnelle ou
récentes suggèrent globalement une incidence inférieure ou acquise et la grossesse ont donné lieu à une conférence de
égale à 1/1 000. Les thromboses veineuses profondes (TVP) consensus française récente. Schématiquement, la prévalence
surviennent plutôt en pré-partum alors que la période du de la MTEV et l'excès de risques associés à ces pathologies
post-partum est plutôt associée à la survenue d'embolie pul- constitutionnelles sont résumés dans les tableaux ci-dessous.
monaire. En cours de grossesse, la survenue prédominante
de la MTEV pendant le troisième trimestre est incertaine,
plusieurs travaux indiquant une répartition homogène au
cours des trois trimestres, d'autres encore suggérant une Thrombophilies biologiques identifiées, incidence
incidence supérieure en début de grossesse. Les TVP des et risque de thrombose veineuse profonde.
membres inférieurs surviennent environ six à sept fois plus Facteurs Prévalence Prévalence chez Risque
souvent à gauche qu'à droite. de risque dans la les patientes relatif
population ayant thrombosé
générale (%) (%)
Après césarienne Déficit en 0,01 à 0,02 1à3 25 à 80
Globalement, la césarienne multiplie le risque de surve- antithrombine
nue de MTEV par un facteur de 2 à 5. La césarienne élec- Déficit 0,2 à 0,5 3 à 22 3 à 10
tive représente cependant une intervention à faible risque hétérozygote en
thromboembolique. protéine C
Déficit 0,14 à 0,8* 5 à 8* 7
Facteurs de risque et classification hétérozygote en
en niveaux de risque protéine S

La grossesse représente par elle-même un facteur de risque Facteur V Leiden 2à9 30 à 60 3à8
hétérozygote**
de telle sorte que le risque de MTEV en obstétrique est cinq
fois plus important que dans la population générale. Mutation 20210A 2 à 3 4à6 1,2 à 4
hétérozygote de
la prothrombine**
Facteurs individuels antérieurs
* L'incidence du déficit en protéine S est difficile à établir en raison
à la grossesse des discordances entre les méthodes de dosage.
De nombreux facteurs de risque cliniques ou biologiques ** Il existe peu de données concernant la forme homozygote
ont été identifiés selon des méthodologies ayant une vali- de ces deux mutations.

XVIII
Prévention des accidents thromboemboliques en obstétrique   XIX

Catégories de risque de MTEV maternelle au Les séries n'ont pas montré de relation entre la survenue
cours de la grossesse et du post-partum, et après de MTEV obstétricale et le taux de D-dimères ou de com-
césarienne (modifié à partir de la conférence de plexes thrombine-antithrombine.
consensus « Thrombophilie et grossesse 2003 »).
Risque Antécédent de MTEV multiples Quelle est l'efficacité et quels sont les
majeur Patientes traitées au long cours par anticoagulants
avant la grossesse pour un épisode de MTEV en
risques des stratégies de prévention ?
rapport avec une thrombophilie Moyens mécaniques
Risque Antécédent de MTEV, sans facteur de risque retrouvé Bas de contention. Ils peuvent être employés seuls dans les
élevé Antécédent de MTEV associé à l'un des facteurs groupes à risque faible et en association en cas de risque plus
biologiques de risque suivants :
– déficit en AT*, SAPL*
élevé (grade D).
– mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V Filtres caves temporaires. Ils ont été proposés en cours
Leiden de grossesse en cas de thrombose veineuse profonde avec
– anomalies hétérozygotes combinées* (surtout contre-indication aux anticoagulants ou de thrombose
mutation 20210A + Leiden hétérozygote) étendue récente à haut risque emboligène en péripartum
Antécédent de MTEV lors d'une grossesse antérieure (grade D).
ou au cours d'un traitement œstrogénique
Risque Antécédent de MTEV, avec facteur déclenchant
modéré temporaire lors de l'épisode antérieur Héparine non fractionnée (HNF)
Antécédent de MTEV avec facteur biologique de et héparines de bas poids moléculaire
risque (autre que ceux cités ci-dessus)
Présence d'un des facteurs biologiques de risque,
(HBPM)
asymptomatique et dépisté dans le cadre d'une MTEV Peu d'études ont comparé HNF et HBPM et suggèrent une
familiale, surtout si : efficacité identique (niveau 2). L'HNF ne passe pas la bar-
– déficit en AT*, SAPL* rière placentaire et peut donc être utilisée à tous les termes
– mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V de la grossesse (niveau 2). Les HBPM qui ont été étudiées
Leiden
– anomalies hétérozygotes combinées* (surtout
(daltéparine et énoxaparine) ne traversent pas la barrière
mutation 20210A + Leiden hétérozygote) placentaire aux deuxième et troisième trimestres et n'aug-
Césarienne en urgence mentent pas le risque de malformations ou d'hémorragie
Césarienne et chirurgie pelvienne majeure associée néonatale (niveau 2). L'HNF et les HBPM ne modifient pas
Présence de trois ou plus facteurs de risque faible le cours de la grossesse et la fréquence accrue de prématurité
Risque Aucun facteur de risque semble plutôt liée au terrain sur lequel elles sont prescrites
faible Ou présence de de moins de trois facteurs suivants : (niveau 2). Les accidents hémorragiques maternels sont plus
– âge > 35 ans, obésité (IMC > 30 ou poids > 80 kg), fréquents qu'en l'absence de traitement (niveau 2) et l'HNF
varices, HTA semble plus fréquemment responsable d'hémorragie que les
– facteurs obstétricaux : césarienne, multiparité > 4,
HBPM (niveau 3). De même, le risque d'ostéoporose associé
prééclampsie, alitement strict prolongé, hémorragie
du post-partum, etc.)
à un traitement prolongé est plus fréquent et plus sévère lors
– maladie thrombogène sous-jacente (syndrome d'un traitement par HNF lors d'études comparatives avec les
néphrotique, MICI en poussée, infection HBPM (niveau 2). Au cours de la grossesse, l'incidence de
intercurrente systémique, etc.) la thrombopénie induite par héparine (TIH) serait plus éle-
IMC : indice de masse corporelle ; MICI : maladie inflammatoire chronique vée avec l'HNF (niveau 2) et le risque serait inférieur à 1 %
de l'intestin. avec les HBPM (niveau 4). La posologie des HBPM doit être
* Pour les formes asymptomatiques de SAPL (syndrome des anticorps adaptée au poids et/ou à l'activité anti-Xa (grade D).
antiphospholipides) et de déficit en antithrombine, l'évaluation du risque est
établie au cas par cas selon notamment l'importance des antécédents familiaux.
Antivitamine K (AVK)
La mutation homozygote MTHFR n'est pas associée à un Ils passent la barrière placentaire et produisent une
risque significatif de MTEV en cours de grossesse, notam- embryopathie typique lorsqu'ils sont administrés entre 6 et
ment en cas de supplémentation en acide folique. 12 semaines d'aménorrhée (niveau 2). Un risque hémorra-
Parmi les déficits acquis, le plus fréquent est le SAPL gique fœtal accru existe lorsque les AVK sont utilisées plus
dont la prévalence est de l'ordre de 0,5 à 1/1 000. Le risque tardivement au cours de la grossesse (niveau 2) (RPC –
relatif de MTEV maternelle est élevé, probablement proche SFAR 2005). La warfarine ne passe pas dans le lait maternel
de celui associé au déficit en antithrombine, et justifie une et peut être utilisée en post-partum (niveau 2). Le risque
attitude thérapeutique similaire. hémorragique maternel est également accru (niveau 2).

Facteurs liés à la grossesse Fondaparinux et ximélagatran


Le rôle de ces facteurs (parité, grossesses multiples, immobili- Il n'existe aucune étude clinique ayant documenté l'emploi
sation stricte, prééclampsie, suppression de la lactation en post- de ces molécules en obstétrique. Cependant, le fondapari-
partum, thrombocytose postcésarienne, hémorragie/anémie et nux ne traverse pas la barrière placentaire selon une étude
transfusion) est diversement apprécié, suggérant un risque faible. expérimentale (niveau 4).
XX   Prévention des accidents thromboemboliques en obstétrique

Quand et combien de temps ces de risque (grade D). Toutes ces recommandations sont
stratégies prophylactiques doivent-elles basées sur de faibles niveaux de preuve (niveau 4).
être prescrites ?
Les indications et les durées de traitement sont décrites dans
le tableau en fonction des situations cliniques et des niveaux

Pendant la grossesse Post-partum et après césarienne


Risque faible Pas de traitement anticoagulant pendant la grossesse Pas de traitement anticoagulant systématique en
post-partum
BAT
Risque Pas de traitement anticoagulant systématique pendant la Traitement préventif par HBPM à dose forte (énoxaparine
modéré grossesse 4 000 UI/j ou daltéparine 5 000 UI/j) pendant 6 à 8 semaines.
BAT La dose peut être réduite et la durée peut être plus courte
lorsque le risque est moins important (ex : césarienne en
urgence sans autre facteur de risque associé : énoxaparine
20 mg ou daltéparine 2 500 U pendant 7–14 jours)
BAT
Risque élevé Traitement préventif à forte dose (énoxaparine 4 000 UI/j Traitement préventif à forte dose
ou daltéparine 5 000 UI/j) ou à dose intermédiaire (énoxaparine 4 000 UI/j ou daltéparine 5 000 UI/j) pendant
(énoxaparine 4 000 UI deux fois par jour ou daltéparine 6 à 8 semaines après l'accouchement
5 000 UI deux fois par jour au troisième trimestre, voire tout BAT
au long de la grossesse*
BAT
Risque Traitement curatif par HNF au premier trimestre, puis par AVK durant 3 mois au minimum
majeur HBPM (ajusté sur le poids BAT ou à l'anti-Xa) aux deuxième BAT
et troisième trimestres
BAT
BAT : bas antithrombose.
* En cas de SAPL symptomatique, il est souvent recommandé d'associer un traitement par faible dose
Chapitre
1
Physiologie de la grossesse
à terme et du travail
J. Lansac, L. Sentilhes, P. Descamps

PLAN DU CHAPITRE
Physiologie du fœtus in utero en fin Physiologie des contractions utérines et des
de grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 modifications du col au cours du travail . . . . . 11
Mécanisme de déclenchement spontané Adaptation du nouveau-né à la vie
du travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 extra-utérine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

L'échodoppler a permis d'étudier in vivo la circulation


OBJECTIFS utéroplacentaire et fœtale de manière plus physiologique
L'interne ou la sage-femme doivent savoir décrire : que l'expérimentation animale.
• la physiologie cardiovasculaire et respiratoire in utero,
les phénomènes d'adaptation à la vie du nouveau-né à Circulation utéroplacentaire (figure 1.1)
terme et du prématuré ; Du côté maternel
• les facteurs qui déterminent le déclenchement spontané Dès qu'il y a implantation, le trophoblaste sécrète des agents
du travail et de la maturation du col ; angiogéniques qui aboutissent très précocement à l'appari-
• la physiologie de la contraction utérine et sa régulation tion de vaisseaux détectables dans l'épaisseur de l'endomètre
au cours du travail ; et à un enrichissement très important de la vascularisation
• les modifications du col utérin au cours du travail et leurs sous-endométriale en regard du site d'implantation. Dès
mécanismes physiologiques ; six à sept semaines d'aménorrhée (SA) se forme un réseau
• les adaptations physiologiques du fœtus au cours du travail trophoblastique serré qui entoure le sac gestationnel et qui
et en particulier les adaptations cardiaques et humorales. comprend la partie profonde du myomètre.
Dès le début du deuxième trimestre de la grossesse, les
bouchons trophoblastiques s'ouvrent et permettent au
Avant de commencer cette « pratique de l'accouchement », sang maternel de pénétrer dans la chambre intervilleuse
il nous paraît indispensable de rappeler les principaux [13]. La circulation hémochoriale du placenta s’établit à la
éléments de la physiologie de la grossesse et les modalités 13e semaine de grossesse [6].
d'adaptation du fœtus au travail et à la vie extra-utérine. Le sang artériel arrive dans la chambre intervilleuse par
les artères spiralées, branches des artères utérines avec une
pression systolique de 75 à 80 mmHg. Cette pression tombe
Physiologie du fœtus à 25 mmHg dans les entonnoirs artériels et la chambre inter-
villeuse. Le sang maternel repart par les veines utéroplacen-
in utero en fin de grossesse taires, dont la pression est de 3 à 8 mmHg. Le débit utérin
Le fœtus in utero est dans des conditions privilégiées. total est de 500 à 700 ml/min. Il varie en fonction :
Certains organes sont au repos, comme le poumon, ou en ■ des contractions utérines, qui diminuent le flux sanguin
semi-repos, comme l'appareil digestif et le rein. Le circuit selon leur intensité. Ce flux est arrêté dans la chambre
cardiovasculaire fonctionne de façon particulière, et le main- intervilleuse pendant la contraction utérine ;
tien de la température est assuré par le sang et le placenta. ■ des variations tensionnelles maternelles ;
C'est le placenta qui permet les échanges métaboliques. ■ des hémorragies rapides (si la pression artérielle mater-
Il convient donc d'étudier la circulation fœtoplacen- nelle baisse de 10 %, le débit placentaire baisse de 20 %) ;
taire, le rôle du placenta et le fonctionnement des différents ■ du repos qui augmente le débit de 10 % ;
organes in utero. ■ de la température maternelle.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 3
4   Partie I. Accouchement normal

Branche veine ombilicale

Branche artère ombilicale


Amnios
50 à 60 mm
15 mm Plaque choriale

Chorion

Septum inter-cotylédonaire

Villosités placentaires

Chambre intervilleuse

5 à 10 mm Caduque placentaire

< 5 mmHg
Artère utéro-placentaire
70 à 80 mm

Veines utéro-placentaires

Fig. 1.1. Schéma du placenta et du système tambour et circulation fœtoplacentaire. Le sang maternel pénètre dans l'espace intervilleux,
sous forme d'un jet, et baigne l'espace intervilleux ; les échanges se font entre le sang maternel et les villosités choriales. Le sang maternel repart
ensuite dans les veines de l'endomètre.

Les échographies réalisées aux deux derniers trimestres per- rieure (figure 1.2). Le débit est de 120 ml/min/kg à 20 SA et
mettent la mise en évidence d'un réseau sous-placentaire intra- de 65 ml/min/kg à terme. Le spectre des vitesses de circu-
myométrial fait d'anastomoses nombreuses et larges. C'est de lation du sang est plat, non pulsatile dans les deux derniers
ce réseau que partent les vaisseaux qui entrent dans la chambre trimestres, car le calibre de la veine ombilicale est quatre fois
intervilleuse. En cas de restriction de croissance in utero, on peut supérieur à celui du canal d'Arantius. Toute augmentation
mettre en évidence une réduction sensible de ces vaisseaux [13]. de la pression dans l'oreille droite induit une augmentation
de pression dans le canal d'Arantius qui, transmise à la veine
Du côté fœtal ombilicale, favorise l'apparition de phénomènes de pulsatilité.
Les deux artères ombilicales, nées indirectement de l'aorte Le canal d'Arantius permet à 20 à 30 % du sang oxygéné
abdominale, cheminent dans le cordon et se divisent en artères de la veine ombilicale de court-circuiter le passage hépa-
de plus en plus petites qui se résolvent en un lit capillaire à tique et de rejoindre directement le cœur gauche au travers
l'intérieur des villosités choriales (figure 1.1). La vélocimétrie du foramen ovale. Cette proportion peut augmenter jusqu’à
de l'artère ombilicale a permis de définir un index directement 70 % en cas d'hypoxie fœtale. En effet, il existe un flux pré-
lié à la notion de « résistance vasculaire placentaire ». La valeur férentiel du sang oxygéné provenant du canal d'Arantius et
de cet index (qui augmente dans les grossesses normales à par- de la veine hépatique gauche vers le foramen ovale car la
tir de la 18e SA) traduit une baisse progressive jusqu'au terme vitesse de circulation dans le canal d'Arantius (60 à 85 cm/s
de la résistance vasculaire fœtoplacentaire, permettant ainsi en fin de grossesse) est très supérieure au flux sanguin de la
de répondre aux besoins croissants du fœtus. Des résistances veine cave. Le sang le moins oxygéné, provenant de la veine
vasculaires placentaires anormalement élevées sont observées cave inférieure et de la veine hépatique droite dont la vitesse
en cas de prééclampsie ou de retard de croissance intra-utérin. circulatoire est plus faible, poursuit son trajet vers le ventri-
La réduction du flux sanguin fœtoplacentaire est alors associée cule droit. Les deux contingents veineux se mélangent peu.
à une situation à risque d'hypoxie [5]. Le sang issu du canal d'Arantius provient à 98 % de la veine
La veine ombilicale unique draine l'ensemble du réseau ombilicale et seulement à 2 % de sang de la veine porte [2].
capillaire et des veines ombilicales pour se jeter en grande La majorité du débit du sang de la veine ombilicale (70 %)
partie à travers le canal d'Arantius dans la veine cave infé- passe cependant par le foie mais l'extraction d'oxygène est
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    5

La régulation est passive et dépend de la pression arté-


rielle fœtale et de la fréquence cardiaque. Le mélange san-
guin du sang artériel riche venant du placenta et du sang
veineux de la moitié inférieure du corps remonte dans la
veine cave inférieure, passe dans l'oreillette droite puis dans
Le shunt artère l'oreillette gauche par le foramen ovale.
pulmonaire aorte
du canal artériel Le maintien de la communication interauriculaire fœtale est
dû au fait que la pression dans l'oreillette droite est supérieure à
celle de l'oreillette gauche. Le débit au travers du foramen ovale
Le shunt D G
du trou de Botal est de 34 % du débit cardiaque à 20 SA et de 18 % à 30 SA [8].
De ce fait, l'oreillette droite reçoit le sang de la veine cave
supérieure, qui contient le contingent sanguin le plus désaturé
en oxygène, du sinus coronaire et d'une partie de la veine cave
inférieure. Éjecté par le ventricule droit dans l'artère pulmo-
naire, ce sang est dérivé pour environ 85 % de son débit dans
l'aorte par le canal artériel (dont le diamètre est voisin de celui
de l'aorte). Ce sang, dérivé dans l'aorte par le canal artériel,
rejoint ainsi le sang du ventricule gauche en aval des vaisseaux
de la base du cou. L'apparition d'un flux rétrograde de l'aorte
descendante vers les troncs supra-aortiques pourrait être une
des premières modifications de la circulation fœtale secon-
daire à une insuffisance placentaire et précédant les anomalies
du Doppler ombilical. Les facteurs qui contribuent à la vaso-
dilatation du canal artériel sont les prostaglandines E2 (PGE2)
produite localement et dans le placenta. Une PO2 basse favo-
rise in utero la vasodilatation du canal artériel.
La circulation placentaire In utero, les résistances vasculaires pulmonaires sont éle-
Fig. 1.2. Circulation fœtale in utero. La veine ombilicale unique vées et le débit artériel pulmonaire est faible, représentant
se jette en grande partie par le canal d'Arantius dans la veine cave environ 15 % du débit cardiaque. Ce débit augmente au cours
inférieure. Le sang passe dans l'oreillette droite, puis gauche par le de la gestation, rendant compte de la croissance pulmonaire et
foramen ovale. Le sang qui passe du ventricule droit dans l'artère pul- de l'augmentation du nombre de vaisseaux pulmonaires [8].
monaire est dérivé dans l'aorte par le canal artériel. La circulation fœtale est donc caractérisée par :
■ un circuit extracorporel : le placenta ;
■ deux shunts droite-gauche, le foramen ovale et le canal artériel ;
POUMON
■ deux ventricules en parallèle et non en série, assurant
chacun une fraction du débit cardiaque (deux tiers à
droite, un tiers à gauche) qui est de 1 400 ml/min à terme,
avec un rythme cardiaque fœtal de 120 à 160 battements
par minute (figure 1.3). La majeure partie du débit ven-
CA
NA triculaire gauche est destinée, in utero, aux territoires
L
supra-aortiques, essentiellement le cerveau [8].
COEUR DROIT TROU DE BOTAL COEUR GAUCHE
AR Échanges fœtoplacentaires

RI
EL Les échanges entre les circulations maternelle et fœtale
dépendent de leurs débits circulatoires, du débit placentaire,
mais aussi des capacités de transfert de la barrière placen-
taire, dont les mécanismes varient selon le substrat et dont la
structure évolue au cours de la grossesse [12].
VISCÈRES
Échanges gazeux
Le passage d'une substance à travers le placenta peut se faire
par diffusion simple, par transfert facilité ou par transfert
actif. La totalité des échanges gazeux du fœtus se fait à tra-
vers le placenta qui doit être considéré comme un poumon.
Le placenta est cependant 15 fois moins performant que le
PLACENTA
tissu pulmonaire, à poids égal : il compense cette moindre
fonctionnalité par l'étendue de sa surface villositaire [16].
Fig. 1.3. Circulation fœtale in utero : aspect schématique. Tout favorise le passage de l'oxygène de la mère au fœtus :
■ le gradient de PO2 ;
faible au niveau hépatique et la variation de saturation en ■ l'affinité de l'hémoglobine fœtale pour l'oxygène ;
oxygène reste minime, voisine de 15 % [8]. ■ la forte concentration de l'hémoglobine chez le fœtus ;
6   Partie I. Accouchement normal

■ le double effet Bohr ; La bilirubine non conjuguée, les acides gras, les corps céto-
■ la fixation de CO2 (oxyde de carbone) par le sang mater- niques et les stéroïdes passent aussi la barrière placentaire.
nel, ce qui diminue la capacité de fixation de l'oxygène et On comprend donc que toute circonstance affectant
favorise son transfert vers le fœtus ; le développement et la vascularisation du placenta a des
■ le transfert d'oxygène est facilité par un transporteur, conséquences sur les transferts et la physiologie du fœtus
le cytochrome P450. Une diminution de 50 % du débit qui peut être victime d'une restriction de croissance, être
sanguin utéroplacentaire s'accompagne d'une réduction hypotrophe, voire mourir in utero.
de 25 à 75 % des transferts d'oxygène, mais la capacité
d'extraction par le sang fœtal peut se trouver doublée lors
d'une réduction de 75 % du flux ombilical [9]. Endocrinologie placentaire : l'unité
De même, le transfert du CO2 du fœtus vers la mère est fœtoplacentaire
facilité par : Après la nidation, le trophoblaste se différencie en tro-
■ la très bonne diffusion du CO2, plus rapide que celle de phoblaste villeux, site des échanges fœtomaternels et
l'oxygène ; tissu endocrinien du placenta, et trophoblaste extravil-
■ le gradient de PCO2 ; leux, ancré dans l'endomètre. Les villosités flottantes sont
■ la dissolution du CO2 en bicarbonate ; constituées d'un axe mésenchymateux contenant les vais-
■ la fixation du CO2 sur l'hémoglobine fœtale ; seaux fœtaux et sont recouvertes d'une couche externe, le
■ l'effet Aldane. syncytiotrophoblaste, qui baigne dans le sang maternel et
Les paramètres les plus importants de l'oxygénation constitue la principale source de la synthèse hormonale :
fœtale sont les pressions partielles maternelle et fœtale d'O2, il sécrète les hormones polypeptidiques, que l'on trouve
les affinités sanguines de l'O2, les débits sanguins placen- dans le sang de la mère, mais aussi des hormones stéroïdes
taires maternel et fœtal, et la quantité de CO2 échangée. (œstradiol et progestérone) et des hormones protéiques
L'efficacité des échanges gazeux placentaires est tout à (HCG et HPL). Cependant, le cytotrophoblaste a égale-
fait comparable à celle du poumon [10]. ment une activité endocrine.
Ces hormones jouent un rôle dans le maintien de la ges-
Échanges d'eau et d'électrolytes tation, dans la croissance et le développement fœtal, ainsi
Le débit horaire moyen d'échanges hydriques entre la mère que dans le déclenchement du travail.
et le fœtus peut atteindre 3,5 l/h. C'est le gradient osmotique
qui règle la diffusion de l'eau. Les électrolytes diffusent paral- Sécrétion des hormones stéroïdes
lèlement à l'eau et les échanges se font par diffusion simple,
sauf pour le fer et le calcium dont l'échange se fait par trans- Au début de la grossesse, le corps jaune synthétise les hormones
fert actif uniquement vers le fœtus, qui a de gros besoins. Les stéroïdes à partir du cholestérol maternel mais, dès la sixième
concentrations en phosphates et potassium sont plus élevées semaine de grossesse, le placenta humain est le siège d'une
dans le compartiment fœtal, alors que celles du sodium et importante production d'hormones stéroïdes qui sont princi-
chlorures sont identiques entre les deux compartiments. palement la progestérone et les œstrogènes : œstriol, œstradiol
et œstrone. En fin de grossesse, la production d'œstrogènes est
Hydrates de carbone de l'ordre de 40 mg et celle de progestérone de 300 mg par jour.
Le placenta est un organe endocrinien incomplet car il ne peut
Ils sont essentiels au fœtus : il s'agit d'un transfert facilité, la effectuer la synthèse du cholestérol. Il est obligé d'utiliser celui
glycémie maternelle étant plus élevée que celle du fœtus. Ce de la mère. Il ne peut fabriquer ni androgène ni œstradiol par
transfert est dépendant de la PO2. Cependant, le placenta a la défaut enzymatique ; en revanche, il possède une aromatase
capacité de synthétiser et de stocker du glycogène. L'hypoxie pour transformer les androgènes en œstrogènes.
entraîne une utilisation accélérée du glucose et du glycogène
(par glycogénolyse) par le placenta et le fœtus.
Si la glycémie maternelle augmente, celle du fœtus aug- Progestérone
mente parallèlement, entraînant une hyperinsulinémie réac- Durant les six premières semaines de grossesse, la pro-
tionnelle, potentiellement responsable de la survenue d'une duction de progestérone est essentiellement effectuée par
macrosomie fœtale. L'augmentation de la glycémie fœtale le corps jaune gravidique. Elle est associée à une sécrétion
augmente le taux de lactates avec une baisse du pH en cas de la 17-α-hydroxyprogestérone d'origine exclusivement
d'hypoxie ; il y a alors un risque d'anoxie fœtale. ovarienne. La production placentaire prend le relais pro-
Dans les conditions physiologiques, il n'y a pas de trans- gressivement avec la mise en place dans le syncytiotropho-
fert de lactates de la mère vers le fœtus. blaste des différents systèmes enzymatiques. Le précurseur
de la progestérone est le cholestérol véhiculé par les LDL
Acides aminés (low density lipoprotein) plasmatiques maternelles. La sur-
Le fœtus ne peut synthétiser les acides aminés essentiels. face microvillositaire du syncytiotrophoblaste en contact
Les systèmes de transport des acides aminés requièrent de direct avec le sang maternel possède des récepteurs spéci-
l'énergie pour assurer leur capture depuis le placenta mater- fiques à haute affinité pour les LDL. Ils sont présents dès la
nel et les concentrer dans la matrice intracellulaire, d'où le sixième semaine de grossesse. Le complexe LDL-récepteurs
transfert vers le compartiment fœtal qui suit un gradient est ensuite internalisé et dégradé dans les lysosomes pour
décroissant. L'hypo-amino-acidémie des retards de crois- libérer du cholestérol qui est utilisé non seulement pour la
sance intra-utérin pourrait être due à une incapacité du pla- stéroïdogenèse mais aussi pour d'autres besoins cellulaires
centa à synthétiser les transporteurs. comme la synthèse des membranes cellulaires.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    7

Deux systèmes enzymatiques permettent la biosynthèse rone en androgènes indispensables à la synthèse des œstro-
de la progestérone. Le premier, localisé dans la membrane gènes. De ce fait, la production d'œstrogènes placentaires est
interne des mitochondries, convertit le cholestérol en pré- tributaire d'un précurseur : le sulfate de déhydroépiandrosté-
gnénolone. Le second intervient dans la conversion de la rone (SDHEA) produit par la surrénale maternelle et fœtale.
prégnénolone en progestérone. Le SDHEA est hydrolysé, puis aromatisé en œstrogènes par
le cytochrome P450 aromatase du syncytiotrophoblaste.
Œstrogènes Une diminution de l'expression de la 11β-hydroxystéroïde
Étant donné l'absence du cytochrome P450 17α-hydroxylase, déshydrogénase peut être à l'origine d'un retard de crois-
le placenta ne peut convertir la prégnénolone et la progesté- sance intra-utérin, soulignant l'importance de cette enzyme
dans la croissance fœtale. Un déficit en stérol sulfatase pla-
centaire par délétion d'un gène du chromosome X entraîne
une diminution importante de la sécrétion d'œstrogènes et
est associé chez le garçon à une ichtyose [3].
Le foie fœtal, lui, peut synthétiser le cholestérol à partir de
son acétate et permet la formation de corticoïde et d'œstradiol.
La complémentarité des équipements enzymatiques pré-
sents dans les deux compartiments est donc à la base du
concept de l'unité fœtoplacentaire, ensemble fonctionnel
dont les activités s'additionnent (figure 1.4).
La biosynthèse et le métabolisme de la progestérone et
des œstrogènes sont résumés dans la figure 1.5.
La progestérone joue un rôle essentiel dans l'établissement et
le maintien de la gestation par la mise au repos du muscle uté-
Fig. 1.4. Représentation schématique des différentes voies pos- rin, et aurait un rôle tocolytique. Il n'existe pas chez la femme
sibles pour le transfert des stéroïdes au cours de la grossesse. de chute de la progestéronémie avant l'accouchement.

Fig. 1.5. Biosynthèse et métabolisme des œstrogènes, de la progestérone et des androgènes au cours de la grossesse. D'après Cedard L.
In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
8   Partie I. Accouchement normal

Le rôle des œstrogènes, surtout de l'œstradiol, est impor- grossesse. Lors du pic de sécrétion, l'HCG est capable de se
tant dans l'implantation, le maintien de la gestation, le déve- lier aux récepteurs de la TSH et peut conduire à l'apparition
loppement fœtal et le développement mammaire. d'un goitre, plus fréquent dans les grossesses gémellaires où
Une régulation de la stéroïdogenèse permet une synthèse les taux d'HCG sont plus élevés. Sa détection dans les urines
harmonieuse et équilibrée des stéroïdes nécessaires à un ou le sang maternel est possible dès le dixième jour après la
maintien de la gestation. Elle se fait par l'HCG, le LRF du fécondation et permet d'affirmer le diagnostic de grossesse.
trophoblaste, ou par rétro-inhibition des produits formés La glycosylation de l'HCG varie pendant la grossesse et
par le placenta. est modifiée dans les choriocarcinomes et dans la trisomie
21. L'élévation de l'HCG maternelle est utilisée en clinique
Sécrétion des hormones polypeptidiques pour le dépistage de l'aneuploïdie.
Le placenta synthétise les homologues de toutes les hor- L'HCG fait sécréter précocement la testostérone par le
mones hypophysaires. Certaines hormones ont plusieurs testicule fœtal, intervient dans la migration des gonades
activités biologiques : embryonnaires, stimule également la sécrétion d'œstrogènes
■ l'HCG a une activité LH et TSH ; du placenta à partir des androgènes et joue sans doute un
■ l'HPL (hormone placentaire lactogène) ou l'HCS a une rôle dans la suppression partielle des réactions immunitaires
activité somatotrope et lactogénique. de rejet de la greffe fœtale.
La présence d'activités ACTH (adrénocorticotrophine),
MSH, LH-RH, endomorphinique, relaxine et vasopressine Hormone lactogène placentaire (HPL ou HCS)
est probable dans le placenta. C'est une hormone peptidique, synthétisée et sécrétée par le
syncytiotrophoblaste sans aucune participation fœtale. Elle
Hormone gonadotrophine chorionique comporte une chaîne polypeptidique et sa structure est voi-
sine de l'hormone de croissance et de la prolactine. Elle est
C'est une glycoprotéine formée de deux sous-unités α et
sécrétée dès la sixième semaine ; son taux augmente jusqu'au
d'une sous-unité β. Sécrétée dès la fécondation, son taux
neuvième mois. Sa durée de vie est courte (de 3 à 30 min) et
augmente jusqu’à dix semaines, puis baisse jusqu'au début
sa production élevée : 1 g par jour. Il n'y a pas de mécanisme
du quatrième mois, pour se maintenir en plateau jusqu’à
régulateur et sa production semble liée à la masse placen-
l'accouchement (figure 1.6). Cette glycoprotéine se com-
taire biologiquement active.
porte comme un superagoniste de la LH, permettant la
L’HPL est responsable du développement mammaire.
transformation du corps jaune cyclique en corps jaune gra-
Elle est lactogénique mais moins que la prolactine. Elle aug-
vidique, lequel assure le maintien de la sécrétion de la pro-
mente la synthèse protéique, la lipogenèse et la lipolyse avec
gestérone ovarienne durant les six premières semaines de la
libération d'acides gras. Cela crée une insulinorésistance et
épargne le glucose maternel. Elle jouerait un rôle dans la
croissance fœtale [7]. Son taux dans le sang maternel est un
bon indice du fonctionnement placentaire.

Autres hormones placentaires


Le placenta produit aussi des neuropeptides analogues
à ceux retrouvés au niveau hypo-thalamo-hypophysaire
(TRH, GnRH, CRH, somatostatines, etc.). La CRH aug-
mente exponentiellement au fur et à mesure de la grossesse
du fait d'une augmentation de son expression génique. Elle
aurait une interaction avec les œstrogènes, les stéroïdes sur-
rénaliens fœtaux et les prostaglandines, et jouerait un rôle
dans le déclenchement de l'accouchement [3].
Enfin, le placenta est le siège de l'expression de nombreux
facteurs de croissance tels que les IGF et les cytokines qui
jouent un rôle dans son développement et ses fonctions
différenciées.

Endocrinologie du fœtus
Surrénale fœtale
Elle a un double rôle : elle fournit les hormones au fœtus et
apporte des stéroïdes précurseurs au placenta qui les trans-
forme en métabolites actifs. Elle synthétise donc la DHEA et
le SDHEA qui donneront les androgènes et les œstrogènes
Fig. 1.6. Évolution du taux moyen (± une déviation standard de dans le placenta (voir figure 1.5). Elle synthétise également
la moyenne) de l'HCG et de ses deux sous-unités α et β au cours du cortisol et de l'aldostérone à partir de la progestérone for-
de la grossesse. D'après Franchimont P, Gaspard U. In : Tournaire M., mée par le placenta. Elle est stimulée en début de grossesse
Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991. par l'HCG.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    9

Posthypophyse est sécrété sous l'influence du cortisol fœtal. Une restriction


Elle produit de l'arginine, de la vasopressine (hormone anti- de croissance fœtale entraîne une baisse du cortisol et inhibe
diurétique) et de l'ocytocine. sa production, ce qui expose le fœtus à la naissance à un
risque de maladie des membranes hyalines. L'insuline a un
Antéhypophyse effet inhibiteur de la sécrétion du surfactant et les stimulants
n'ont pas d'action démontrée ; en revanche, l'injection de
Elle est mature en fin de grossesse ; elle fabrique de l'hor- corticoïdes à la mère accélère la maturation pulmonaire.
mone de croissance mais aussi de la prolactine, de la FSH,
LH, TSH et ACTH dès la première moitié de la gestation. Vaisseaux pulmonaires
Thyroïde Ils sont à lumière étroite et à parois épaisses. Le poumon fœtal
ne reçoit que 10 à 15 % du débit du ventricule droit, le reste
Elle fonctionne dès la 20 semaine de façon autonome ; le
e
passe par le canal artériel dans l'aorte. Les pressions dans l'ar-
placenta concentre activement l'iode, même administrée en tère pulmonaire sont donc plus élevées que dans l'aorte.
faible quantité à la mère.
Mouvements respiratoires du fœtus [15]
Gonade mâle Le fœtus a des mouvements respiratoires, voire du hoquet à
Elle sécrète la déhydrotestostérone et la testostérone dès partir de 11 SA. Certains de ces mouvements sont rapides et
la cinquième semaine sous l'influence de l'HCG. Cette superficiels, variables en amplitude et en fréquence ; ils dis-
sécrétion augmente avec l'HCG jusqu’à la 20e semaine. La paraissent en sommeil profond. Les épisodes de mouvements
testostérone est active sur les structures wolffiennes et la respiratoires durent de 20 à 60 minutes et alternent avec des
déhydrotestostérone sur le sinus urogénital. périodes d'apnée irrégulières jusqu’à 20 semaines, puis sont
beaucoup plus réguliers au-delà de 30 SA. Leur fréquence est
Ovaire fœtal comprise entre 30 et 70 par minute. Dans les dix dernières
Il semble actif dès la 12e semaine. Il peut synthétiser la semaines de la grossesse, il existe un rythme diurne avec aug-
DHEA mais pas la testostérone, ni les œstrogènes, qui mentation entre 4 et 7 heures du matin. Des gasps isolés plus
viennent de l'unité fœtoplacentaire. profonds et plus rares occupent 5 à 10 % du temps.
L'inhalation de liquide amniotique peut se produire en
Glandes parathyroïdes cas de gasps profonds et répétés du fait d'une hypoxie ou
Elles sont actives pendant la vie fœtale et sécrètent de la hypercapnie.
parathormone (PTH). La glande est capable de régler sa Les barbituriques, les tranquillisants, les analgésiques et
sécrétion en fonction de la calcémie. L'os fœtal est sensible l'alcool diminuent ces mouvements respiratoires. Les repas
à cette hormone. et le tabac augmentent l'activité respiratoire. L'hypoxie ne
modifie pas cette activité chez le fœtus normal.
Pancréas L'étude des mouvements respiratoires fœtaux est facile-
ment accessible en clinique grâce à l'échographie et s'intègre
Il fabrique de l'insuline dès la 12e semaine ainsi que du glu- dans les scores globaux de comportement fœtal comme le
cagon. L'hyperglycémie est ici un mauvais stimulus de la score de Manning (tableau 21.1), qui permet d'évaluer le
sécrétion. bien-être fœtal. La présence de mouvements respiratoires
On voit donc que de nombreux systèmes endocriniens fœtaux a une bonne valeur prédictive de non-infection
fœtaux fonctionnent et, bien qu'ils n'aient pas acquis la fœtale en cas de rupture prématurée des membranes.
maturité des systèmes adultes, assurent une grande autono-
mie au fœtus dans la seconde moitié de la grossesse.
Appareil digestif
Appareil pulmonaire Toutes les structures digestives sont en place dès la 12 e
Il est quasi au repos jusqu'au terme. semaine.
Au quatrième mois, le fœtus déglutit continuellement du
Arborisation des bronchioles pulmonaires liquide amniotique qui passe dans l'estomac et l'intestin où il
est absorbé, ne laissant que des résidus infimes. Ces résidus,
Elle se met en place entre 17 et 24 semaines. Ces bronchioles associés aux cellules de desquamation intestinale et aux sels
se terminent par des canaux alvéolaires et des saccules après biliaires, s'accumuleront pour former le méconium.
23–24 semaines. Sur le plan enzymatique, la lactase apparaît à six mois, les
L'arborisation et les espaces aériens terminaux sont pleins enzymes pancréatiques et protéolytiques au cinquième mois.
de liquide pulmonaire. À terme, l'enfant est donc pourvu de toutes les enzymes
digestives, sauf l'amylase qui n'apparaîtra qu’à 2 ans.
Fabrication de surfactant
Le surfactant atteint un niveau important dès la 34e semaine. Appareil urinaire
Il est composé de lécithine et de sphingomyéline, et contribue In utero, le placenta est chargé des fonctions d'excrétion. Le
à la stabilité mécanique des voies aériennes périphériques en fœtus peut donc survivre sans reins ou avec des reins très
empêchant l'affaissement de l'alvéole au cours de l'expiration, anormaux, mais il y aura un oligoamnios avec risque d'hy-
en diminuant la tension superficielle. Ce produit tensioactif poplasie pulmonaire et de déformation des membres.
10   Partie I. Accouchement normal

Les néphrons définitifs apparaissent entre la 22e et la 35e


semaine ; le débit sanguin rénal est limité, ce qui maintient
une filtration glomérulaire faible. L'urine formée en perma-
nence est un ultrafiltrat hypotonique qui participe à l'élabo-
ration du liquide amniotique. La fonction rénale peut être
appréciée par l'analyse de l'urine (sodium, créatinine) préle-
vée dans la vessie par ponction échoguidée.

Système nerveux
Il se développe également pendant la vie fœtale ; sa matu-
ration est indépendante des conditions de vie puisqu'on
l'observe chez le prématuré en incubateur. Elle est égale-
ment indépendante de la pathologie maternelle ou fœtale
et des facteurs nutritionnels. Ce processus est inné, isolé,
programmé, inéluctable en fonction de l'âge gestationnel.
Le fœtus perçoit des sons, son œil est sensible aux stimu-
lations lumineuses, il peut tourner sa tête avec ses mains,
mettre le pouce dans sa bouche. Le stress maternel entraîne
une augmentation des mouvements fœtaux. Le fœtus aug-
mente sa fréquence cardiaque, ainsi que ses mouvements en
cas de ponction in utero, suggérant qu'il perçoit une dou-
leur. Le passage d'un espace restreint mais chaud, dans la
pénombre, rempli de bruits sourds, à un espace vaste, froid,
dans une vive lumière, au milieu de bruits directs et soumis
à des manipulations désagréables est donc préparé par de
nombreux mois d'évolution. Lors de la naissance à terme,
l'enfant est prêt à vivre de façon autonome.
Fig. 1.7. Activation de la synthèse des prostaglandines. D'après
Mécanisme de déclenchement Lopes P, Lerat MF. In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd.
spontané du travail Paris : Masson ; 1991.

Chez l'espèce humaine, le mécanisme exact du déclenche-


Lorsque le travail est en cours, les perturbations mécaniques
ment du travail est encore mal connu. Les prostaglandines
et l'hypoxie contribuent à la synthèse de l'acide arachidonique
jouent un rôle fondamental et les recherches actuelles se
et des prostaglandines. Le travail est alors autoentretenu.
portent sur les mécanismes qui aboutissent à leur libération,
ce qui devrait permettre de mieux contrôler la parturition Facteurs régulateurs de la synthèse
pour déclencher artificiellement le travail ou éviter un
des prostaglandines
accouchement prématuré.
Œstrogènes
Prostaglandines Ils augmentent la croissance du muscle utérin, l'accumulation
Elles peuvent modifier l'activité contractile de l'utérus : des filaments contractiles, l'excitabilité des fibres musculaires
■ la production de PGF2α et de PGE2 augmente progressi- lisses et la vitesse de propagation de l'activité électrique. Ils
vement au cours de la grossesse et atteint un taux élevé en entraînent une augmentation de la synthèse de l'actomyosine
début de travail dans le liquide amniotique, la déciduale et une augmentation de la concentration des phospholipides
et le myomètre ; dans le muscle utérin, fournissant ainsi un taux suffisant de
■ on peut déclencher le travail quel que soit l'âge gestation- phosphates indispensables aux phénomènes énergétiques de
nel par l'administration de prostaglandines ; la contraction. Ils augmentent le taux des récepteurs à l'ocy-
■ l'utilisation de médicaments antiprostaglandines (anti- tocine. Enfin, ils stimulent la synthèse de cyclo-oxygénase de
inflammatoires non stéroïdiens) permet de réduire l'acti- type 2, et donc la production et la sécrétion de prostaglan-
vité contractile du muscle utérin ; dines par l'amniochorion [17]. Cependant, contrairement à
■ les prostaglandines contribuent à la maturation cervicale ce qui se passe chez la brebis, on n'a pas observé de variation
par action sur son collagène. du taux sanguin des œstrogènes lors du déclenchement du
travail. En revanche, l'augmentation progressive de la pro-
Synthèse des prostaglandines duction d'œstrogènes semble jouer un rôle important dans
Elle se fait grâce à l'action de la phospholipase A2 qui cata- la préparation de l'utérus avant le déclenchement du travail.
lyse l'hydrolyse des phospholipides en acide arachidonique
(figure 1.7). Cette synthèse se fait de manière importante dans Progestérone
la déciduale mais aussi dans les membranes amniochoriales. Elle a une action inhibitrice sur les contractions utérines ; en
Cette activation est due à l'action de la progestérone, de particulier, elle aurait un effet inhibiteur sur la libération de
l'HPL mais aussi à l'élévation des œstrogènes et de l'ocytocine. prostaglandines et de cytokines de l'inflammation. Le travail
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    11

peut cependant se dérouler avec un taux de progestérone Essai de synthèse (figure 1.8)
normal. Il n'y a pas de chute de la progestérone avant l'entrée Dans l'espèce humaine, aucun des mécanismes évoqués
en travail chez la femme. ci-dessus ne semble à lui seul être le primum movens du
On pense que le taux de progestérone pourrait baisser au déclenchement du travail. Ce dernier serait d'origine mul-
niveau local et qu'il y aurait des variations de la progestérone tifactorielle. C'est la maturation d'un ensemble de systèmes
libre et conjuguée, ou qu'il y aurait une baisse d'activité sur la qui aboutit au travail. Tous ces mécanismes entretiennent
fibre musculaire par modifications des récepteurs utérins [4]. et renforcent progressivement les contractions du muscle
utérin en fréquence et intensité. Pour que le travail soit pos-
Récepteurs hormonaux sible, l'utérus doit être capable de se contracter de manière
Les modifications des récepteurs hormonaux jouent un rôle synchrone et le col doit être assez élastique pour se dilater.
dans le déclenchement du travail. Il existe deux récepteurs à La formation de gap jonctions (dont le nombre est plus élevé
la progestérone dans le myomètre : PRA qui inhibe l'action en fin de grossesse) entre les fibres musculaires transforme
de la progestérone et PRB qui l'augmente. Le taux de PRA le myomètre en une unité cohérente sur le plan électrique et
et le rapport PRA/PRB est augmenté lors du travail. La pro- métabolique. La maturation cervicale, sous l'influence des
gestérone inhibe les récepteurs α aux œstrogènes (ERα) prostaglandines, est mal connue [14].
qui sont augmentés dans le myomètre en travail. Il y a une Les contractions sont dues aux prostaglandines issues des
corrélation positive entre PRA/PRB et ERα. La réponse à membranes, du liquide amniotique et de la déciduale dont
l'action de la progestérone diminue donc à terme. Le ERα la sécrétion augmente avec la distension utérine.
est corrélé avec COX2 et les récepteurs à l'ocytocine présents Le travail se déclencherait du fait d'une diminution de la
dans le myomètre en dehors du travail [11]. réponse à la progestérone liée à l'augmentation de PRA et à une
meilleure réponse aux œstrogènes liés à l'augmentation de l’ERα.
Facteurs maternels Parallèlement, les hormones surrénaliennes d'origine
La distension progressive de l'utérus étire les fibres muscu- fœtale et hypophysaire (ocytocine, cortisol maternel et
laires lisses et favorise ainsi leur excitabilité. La déciduale fœtal) augmentent la synthèse et l'action des prostaglan-
synthétise des prostaglandines. L'ocytocine libérée par l'hy- dines. Les prostaglandines augmentent la formation des gap
pophyse maternelle joue un rôle discuté. jonctions dans le myomètre et activent les récepteurs à l'ocy-
On observe cependant des pics successifs d'ocyto- tocine du myomètre, d'où les contractions utérines [11].
cine dont la fréquence augmente au cours du travail pour Les modifications cervicales résultent de l'activité
atteindre un maximum pendant la phase d'expulsion. Elle ne contractile du myomètre, mais surtout de l'action directe
semble cependant pas avoir de rôle dans le déclenchement sur les systèmes enzymatiques du conjonctif cervical, d'hor-
du travail, mais augmente le travail en cours : la sollicitation mones qui agissent également sur le corps utérin (œstradiol,
du col utérin par le mobile fœtal déclenche une sécrétion progestérone, relaxine).
réflexe d'ocytocine par la posthypophyse qui permet d'aug- Ces différents systèmes sont interactifs, avec de nombreux
menter la durée, l'amplitude et la fréquence des contractions rétrocontrôles, si bien qu'il est actuellement difficile d'indi-
utérines, ainsi que la sécrétion de prostaglandines. quer un schéma simplifié du déclenchement de la parturition
Les catécholamines règlent les modifications nycthémé- mais, à partir d'un certain stade, les modifications surtout
rales de l'activité utérine mais n'induisent pas la parturition. des prostaglandines seraient telles que les contractions uté-
La relaxine sécrétée en début de grossesse par le corps rines s'entretiendraient d'elles-mêmes, provoquant le travail.
jaune puis par l'utérus a un rôle myorelaxant et modifie le
conjonctif cervical. Son rôle dans le déclenchement du tra-
vail est hypothétique dans l'espèce humaine. Physiologie des contractions
utérines et des modifications
Facteurs fœtaux du col au cours du travail
On sait que si le fœtus est anencéphale ou porteur d'une Contraction utérine
hypoplasie surrénale, la grossesse se prolonge.
À l'inverse, s'il y a hyperplasie des surrénales, l'accouche- C'est la force motrice qui permet au cours de l'accouche-
ment est prématuré. Le fœtus sécrète de l'ocytocine, dont ment la dilatation du col utérin et la progression du mobile
le rôle est difficile à préciser dans le déclenchement du tra- fœtal dans la filière génitale.
vail. La pathologie suggère un rôle de la surrénale dans le La connaissance de son mécanisme de fonctionnement
déclenchement du travail, elle-même stimulée par l'ACTH est indispensable pour apprécier et traiter les anomalies
hypophysaire. Le poumon fœtal est aussi une source de de la contraction utérine et de la dilatation qui constituent
prostaglandines et de PAF qui induit des contractions uté- l'essentiel des dystocies dynamiques.
rines. Ces produits se retrouvent aussi dans les membranes.
Physiologie de la fibre musculaire lisse
Certains stimuli La contraction de la fibre musculaire lisse utérine résulte
L'amniotomie spontanée ou artificielle, l'infection, le décol- du glissement, les uns par rapport aux autres, des filaments
lement du pôle inférieur de l'œuf et les métrorragies peuvent d'actine et de myosine. La formation de liaisons actine-myo-
provoquer en fin de grossesse une brutale augmentation de sine nécessite de l'énergie, fournie par l'hydrolyse de l'ATP
la synthèse des prostaglandines. (figure 1.9). La concentration en calcium ionisé à l'intérieur
12   Partie I. Accouchement normal

Fig. 1.8. Facteurs de déclenchement du travail. D'après Norwitz ER, Robinson Challis JRG. The control of labor. N Engl J Med 1999 ; 341 : 660–6.

Fig. 1.9. Physiologie de la contraction utérine. Sous l'effet du potentiel d'action, la concentration intracellulaire de calcium libre
permet l'activation de l'ATPase de la myosine. D'après Lopes P. In : Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    13

de la cellule est un élément fondamental de la contraction Régulation des contractions utérines


utérine. Les hormones qui stimulent la contraction utérine Contrôle humoral
(ocytocine, prostaglandine) inhibent dans le myomètre
humain la liaison du calcium au réticulum en présence Les œstrogènes permettent l'élaboration des protéines
d'ATP. À l'inverse, la progestérone augmente la liaison cal- contractiles qui rendent la fibre utérine plus excitable et favo-
cium-ATP-dépendant [1]. risent la propagation des potentiels d'action. La progestérone
Les contractions utérines sont involontaires et intermit- augmente les liaisons calcium-ATP. La baisse du calcium
tentes, totales, intéressant tout l'utérus, et douloureuses à libre intracellulaire entraîne le relâchement musculaire. Elle
partir d'un certain seuil d'intensité. La durée des périodes inhibe la propagation de l'activité électrique du myomètre.
de repos oscille entre une et trois minutes. La forme de la L'ocytocine déclenche les contractions utérines, renforce l'acti-
contraction utérine que l'on peut enregistrer par tocogra- vité contractile et augmente le courant de calcium ; elle est très
phie interne ou externe est indiquée dans la figure 1.10. Les utilisée en thérapeutique. Les prostaglandines E libèrent le
variations de pression sont exprimées en mmHg ou en kilo- calcium stocké dans les membranes et les organites cellulaires.
pascal (1 mmHg = 0,133 kPa). L'unité Montevideo (UM) est
le produit de l'intensité vraie par la fréquence théorique des Contrôles nerveux
contractions pendant dix minutes. Ils s'effectuent par libération à distance des neurotransmetteurs,
Pendant les 30 premières semaines, l'utérus est quiescent surtout les catécholamines qui diffusent vers les fibres. L'effet
et l'activité utérine reste inférieure à 20 UM. De la 30e à la se fait selon la présence des adrénorécepteurs α et β situés sur
37e semaine, des contractions utérines plus amples peuvent la membrane de la cellule myométriale. Le contrôle nerveux
survenir, susceptibles d'atteindre 50 UM. Leur fréquence ne n'est pas déterminant car la concentration utérine en catéchola-
dépasse pas une par heure. mines baisse au cours de la grossesse. Il modulerait simplement
Pendant la parturition, le début du travail est caractérisé l'activité induite par les agents stimulants humoraux.
par des contractions utérines de 120 UM qui vont croître L'effet stimulant du salbutamol ou de la ritodrine (Pré-
progressivement pour atteindre 250 UM lors de l'expulsion. par®) sur les récepteurs 2 myorésolutifs du muscle utérin est
Pendant le travail, le tonus de base varie de 2 à 13 mmHg, supérieur à son effet stimulant sur les récepteurs Pl du muscle
l'intensité totale est de 35 à 50 mmHg. La fréquence des contrac- cardiaque, d'où son rôle myorelaxant et le peu d'efforts car-
tions utérines est de quatre contractions toutes les dix minutes. diovasculaires. Les bêtabloquants (Avlocardyl®, Trandate®,
La régularité du rythme n'augmente pas la dilatation. etc.) peuvent à l'opposé provoquer des contractions utérines.
Le décubitus latéral ne modifie pas le tonus de base mais Le mécanisme d'action est résumé dans la figure 1.11.
l'intensité des contractions qui augmente de 10 mmHg, alors
que la fréquence diminue. Étapes de la maturation du col
Tonicité et élasticité du myomètre Modifications du col en fin de grossesse
(figure 1.12 et figure 1.13)
La tonicité est appréciée par la mesure de la pression amnio-
tique basale ou tonus de base. Pendant la première moitié de la grossesse, le col est violacé
La contraction dépend de l'activité contractile des fibres et vasculaire mais reste fermé et conserve sa forme et sa taille.
myométriales et de la synchronisation des contractions
cellulaires.
Le lieu d'origine des contractions utérines n'est pas fixé, il n'y
a pas de voies de conduction. L'activité naît de façon plus fré-
quente au niveau du corps utérin du fait du plus grand nombre
de cellules myométriales. L'efficacité du myomètre est fonction
de la quantité de tissu simultanément actif. L’activité permet :
■ la poussée du fœtus vers la région segmentocervicale ;
■ l'ampliation de la poche des eaux et du segment inférieur ;
■ l'effacement et la dilatation du col utérin.

mmHg
Période
50
40
30 Intensité Intensité
20 vraie totale
10
a b Tonus de base
0
1 2 3 4 5 6 7 8 mn
Fig. 1.11. Mode d'action de certaines substances myorelaxantes
Fig. 1.10. Paramètres de la contraction utérine. D'après ou myocontractantes du muscle utérin. D'après Lopes P. In :
Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris : Masson ; 1991. Tournaire M. Physiologie de la grossesse, 2e éd. Paris: Masson ; 1991.
14   Partie I. Accouchement normal

Orifice
amniotique
Isthme
Partie
Orifice
Col
supérieure
histologique
supra- du corps
Endocol vaginal
Col
intra-
Exocol
vaginal

Fig. 1.12. Anatomie du col et de l'isthme non gravidique. Segment


inférieur

Fig. 1.14. Rôle mécanique du segment inférieur au cours du


1 2 travail.
3

Utérus non gravide Après le cinquième mois, les mouvements entre les
couches musculaires entraînent la formation d'un segment
isthmique mince, ou segment inférieur. En effet, le cône
musculaire plexiforme au niveau de la région isthmique
ascensionne après la 20e semaine et il existe un anneau mus-
1 culaire marquant la limite entre la partie supérieure épaisse
2 du corps utérin et le segment inférieur isthmique mince
3
(figure 1.12 et figure 1.13).
On retrouve l'ascension du noyau musculaire sous le
terme d'anneau physiologique de rétraction au cours du
Utérus gravide dans les 5 premiers mois travail. Lorsque la dilatation est suffisante, la présenta-
tion pénètre le segment isthmique qui se moule sur elle
1 (figure 1.14). Cette ampliation du segment inférieur se pro-
duit en fin de grossesse chez la primipare, en début de tra-
2
vail chez la multipare. Le segment inférieur ne comporte pas
de couche musculaire plexiforme, mais simplement le
péritoine, la couche musculaire externe longitudinale, une
couche musculaire intermédiaire et l'endomètre.
3

Maturation du col
Elle se produit quelques jours avant le début du travail ;
Utérus gravide après 5 mois de gestation le col devient mou, court, centré. La maturation est due
aux changements du tissu conjonctif du stroma cervical,
Fig. 1.13. Modifications du col et du segment inférieur pendant indépendamment des contractions utérines. La trame col-
la grossesse. 1. Ligne de solide attache du péritoine. 2. Orifice anato- lagénique du col est devenue lâche et clairsemée en fin de
mique. 3. Orifice histologique. gestation.
Les facteurs de maturation du col sont :
La portion inférieure du canal cervical s’éverse. Il y a éversion ■ la relaxine (son rôle est important chez l'animal et il est
de la muqueuse endocervicale et constitution d'un ectropion. discuté chez l'homme) ;
Durant la seconde moitié de la gestation, le col devient ■ les œstrogènes et les prostaglandines (PGE2, PGF 2α
plus souple et s'hypertrophie, sa position et sa direction ne jouent un rôle dans la synthèse des constituants du tissu
changent qu’à la fin de la gestation. Les glandes fabriquent conjonctif ; l'inhibiteur de synthèse des prostaglandines
un mucus abondant formant le bouchon muqueux. bloque la parturition).
Formation du segment inférieur
Pendant les cinq premiers mois de la gestation, le segment Dilatation du col au cours du travail
isthmique s'allonge du fait de la croissance musculaire qui Le segment inférieur recueille les forces développées par le
affecte davantage la couche musculaire plexiforme interne corps utérin qui sont transmises par l'œuf ou le fœtus après
que la couche externe. rupture des membranes et se dirigent sur le col. Le segment
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    15

inférieur devient plus mince et le corps utérin plus épais. Il est Les différents temps du travail
le siège de peu de contractions utérines car il possède peu de (figure 1.16)
fibres plexiformes. Les phénomènes de maturation du col se
poursuivent au début du travail, puis le col se dilate sous l'effet Le premier temps comprend :
des contractions utérines et de la pression de la présentation ■ une phase de prétravail où se fait la maturation cervicale ;
(figure 1.15). ■ une phase préparatoire latente dont la durée moyenne
est de huit heures avec installation et coordination des
contractions utérines et effacement cervical ;
Chez la primipare
■ une phase d'accélération avec le début de la dilatation
L'effacement du col marque l'entrée en travail. L'orifice (A).
interne s'ouvre, puis le col se raccourcit en s'incorporant Le deuxième temps est celui de la dilatation, comprenant
au segment inférieur dont il ne représente plus que le une phase active précoce et une phase tardive (M).
pôle inférieur. La dilatation suit l'effacement de 1 à 10 cm Le troisième temps, pelvien, comprend :
en trois phases : initiale ou d'accélération, décélération, ■ la phase de décélération de la dilatation (D) ;
expulsion. ■ la descente fœtale active dans la filière génitale, en sachant
que ces deux phases sont souvent concomitantes (E) ;
Chez la multipare ■ la phase périnéale.
L'effacement et la dilatation sont simultanés. La dilatation peut Aujourd'hui, de nombreux auteurs ont simplifié cette
même précéder le travail. La durée est beaucoup plus brève classification pour ne retenir essentiellement que trois
que chez la nullipare, la vitesse maximale est de 5,7 cm/h. phases, comme les Anglo-Saxons :
■ la phase de latence (latent phase) : du début du travail à
6 cm pour la primipare, et du début de travail à 5 cm pour
la multipare, la dilatation est lente et progressive, infé-
rieure à 1,2 cm/h ;
■ la phase active (active labor) : de 6 cm à dilatation
complète pour la primipare et de 5 cm à dilatation
complète pour la multipare ; la dilatation est plus
rapide (> 1,2 cm/h pour les nullipares et 1,5 cm/h
pour les multipares). Cette phase inclut les efforts
expulsifs. Les Anglo-Saxons divisent la phase active
a en deux périodes : le first stage of labor qui corres-
pond à la première partie de la phase active jusqu’à
dilatation complète ; et le second stage of labor s’éten-
dant de la dilatation complète à la naissance. La phase
correspond donc au délai plus ou moins nécessaire à
l'engagement de la présentation fœtale après dilatation
complète, à la descente dans l'excavation pelvienne du
mobile fœtal et à son expulsion ;
b ■ la délivrance.

Fig. 1.15. Modifications du col au cours du travail. a. Col long,


postérieur, fermé, segment inférieur, bien formé. b. Col court. c. Col effacé. Fig. 1.16. Les différents temps du travail. A : accélération ; M : pente
d. Col effacé à dilatation complète. D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin maximale ; D : décélération ; E : expulsion. D'après Friedman EA. The
G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris : Elsevier-Masson ; 2013. functional division of labour. Am J Obstet Gynecol 1971 ; 109 : 274-80.
16   Partie I. Accouchement normal

Adaptation du fœtus au travail qu'elle ne diminuait pas le taux de césariennes réalisé pour
anomalies du rythme cardiaque fœtal.
Éléments de l'agression
Au cours du travail, le fœtus est soumis à différents types Influence de la mère sur le fœtus
d'agression :
■ les contractions utérines qui sont une menace pour la cir- Efforts musculaires
culation placentaire ; Ils entraînent une acidose qui est transmise au fœtus.
■ les forces mécaniques qui s'exercent sur le fœtus et le En effet, au-delà d'une certaine intensité, après épuise-
cordon ; ment de l'oxygène, l'effort musculaire entraîne une glycolyse
■ les modifications métaboliques de la mère. anaérobie avec acidose lactique. Le pH maternel baisse à 7,40
et le déficit base passe à −4, −7 mmol/l. Le jeûne augmente
Contractions utérines l'acidose. La douleur, qui libère des catécholamines, et les
efforts expulsifs longs et prolongés concourent également à
Le débit dans l'artère utérine diminue de 30 % pendant les
l'augmentation de l'acidose qui est transmise au fœtus.
contractions mais le flux myométrial change peu. C'est à
l'acmé de la contraction, quand la pression intra-amniotique
Efforts respiratoires
dépasse la pression de la chambre intervilleuse (30 mmHg)
que la circulation s'interrompt pendant 15 à 60 secondes L'hyperventilation pendant les contractions provoque une
par compression des veines de retour. Cependant, le sang alcalose respiratoire. La PCO2 baisse et cette alcalose abaisse
de l'espace intervillositaire contient assez de réserve en oxy- le débit sanguin utéroplacentaire.
gène pour approvisionner le fœtus et la PO2 reste stable à Pendant l'expulsion, les efforts de poussée à glotte fermée
40 mmHg. Pendant le travail, l'homéostasie fœtale (PO2, pH augmentent la PCO2 et l'acidose respiratoire s'ajoute à l'aci-
sanguin) ne bouge pas plus que la pression artérielle ou le dose métabolique.
débit funiculaire. L'administration d'oxygène à la mère n'est pas toujours
Lors de l'expulsion, le rythme et l'intensité des contrac- bénéfique car l'alcalose et l'hyperoxie entraînent une baisse
tions augmentent, et la poussée abdominale s'ajoute aux du débit placentaire. Elle est, en revanche, indispensable en
contractions. La pression amniotique augmente à 100 ou cas de désaturation maternelle.
120 mmHg. La circulation artérielle utérine est interrom-
pue, ainsi que la circulation intervilleuse. Il peut donc y Perturbations hémodynamiques
avoir une baisse de la PO2 et une augmentation de la PCO2. Le décubitus dorsal avec un utérus gravide en dextrorotation
En pratique : comprime la veine cave inférieure et entraîne une chute de la
■ la répétition de contractions utérines de 45 secondes tension artérielle et un désamorçage du cœur droit, avec réduc-
toutes les trois minutes n'affecte pas le fœtus normal ; tion du flux placentaire et risque d'hypoxie fœtale. La mise de
■ les contractions utérines trop fréquentes ou trop longues la femme en décubitus latéral gauche supprime cet effet néfaste.
peuvent menacer un fœtus sain ; Les contractions utérines fortes ou les efforts expulsifs com-
■ si le placenta est insuffisant ou mal vascularisé, il peut priment l'aorte sous-rénale et les pouls fémoraux deviennent
y avoir une hypoxie lors de contractions parfaitement à peine perceptibles ; cela entraîne une chute du débit dans
normales ; les artères utérines et expose à un risque d'hypoxie fœtale.
■ un fœtus fragile, en restriction de croissance, sans réserve L'hypotension maternelle, du fait d'une vasoplégie due à
de glucose ou d'oxygène, ne supportera qu'un très faible une analgésie péridurale, peut également entraîner des ano-
niveau de contractions ; malies du rythme cardiaque fœtal faisant craindre la surve-
■ la normalité du travail dépend donc des contractions uté- nue d'une acidose fœtale.
rines mais aussi du fœtus et du placenta. L'hémorragie maternelle peut entraîner une hypovolémie
avec vasoconstriction et baisse du débit placentaire.
Forces mécaniques Ces faits soulignent la nécessité de la surveillance de la
fréquence cardiaque et de la pression artérielle de la mère au
■ Les membranes sont intactes : l'œuf est un volume incom- cours du travail.
pressible et la tension de la paroi utérine est transmise à
l'ensemble du contenu de l'œuf ; ni le fœtus ni le cordon Douleur et anxiété
ne peuvent être écrasés si le volume du liquide amnio-
tique est normal. Pendant le travail, elles augmentent la sécrétion de cortisol
■ Après la rupture des membranes : les pressions qui s'ap- et de catécholamines, qui ont un effet vasoconstricteur uté-
pliquent sur la tête fœtale peuvent atteindre deux à trois rin et aggravent les effets de l'acidose lactique. Il est donc
fois la pression intra-utérine, le cordon peut se trouver souhaitable de calmer la douleur et l'anxiété.
comprimé entre utérus et fœtus. Il peut en être de même
si le volume du liquide amniotique est très faible (oligoam- Médicaments
nios sévère). En cas de rupture des membranes et d'anoma- Les barbituriques, le protoxyde d'azote et les analgésies péri-
lies du rythme cardiaque fœtal évoquant une compression durales à la bupivacaïne atténuent les conséquences mater-
funiculaire, il a été proposé de réaliser une amnio-­infusion nelles et fœtales du stress ; cependant, administrés trop près
en cours de travail pour rétablir un volume liquidien de l'accouchement, ils peuvent déprimer les centres respi-
suffisant afin de protéger le fœtus. Cette technique a été ratoires (barbituriques) ou avoir un effet dépresseur sur le
aujourd’hui globalement abandonnée car elle a montré myocarde (anesthésiques locaux) s'ils atteignent le fœtus.
Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    17

Réponse du fœtus à l'agression Tableau 1.1. Éléments d'appréciation de


La conséquence commune de toutes ces agressions est la l'équilibre métabolique du fœtus au cours
réduction de la PO2. À cette hypoxie, le fœtus va répondre de l'accouchement.
par des modifications métaboliques et cardiovasculaires Dilatation Expulsion Naissance
dont l'originalité tient à son appareil circulatoire.
pH 7,35 7,30 7,25

Réponse métabolique : acidose métabolique PO2 25 mmHg 15 mmHg 10 mmHg

Le glucose est, chez le fœtus, le substrat énergétique domi- PCO2 35 mmHg 40 mmHg 45 mmHg
nant. Seuls le sucre et l'oxygène sont porteurs d'assez d'éner- Déficit basique 4 mEq 5 mEq 7 mEq
gie pour permettre le fonctionnement correct des cellules. Bicarbonate 43 mEq 40 mEq 37 mEq
En hypoxie, le glycogène hépatique est mobilisé et méta-
bolisé. Le glycogène est transformé en énergie et en pyru-
vate. Ce dernier, toujours en anaérobie, est transformé en Adaptation du nouveau-né
lactate et en CO2, d'où l'acidose métabolique et la chute de
pH. Pour un niveau donné de défaut en oxygène, le fœtus
à la vie extra-utérine
de poids normal peut réagir à l'hypoxie en utilisant son gly- Le fœtus in utero se trouve dans des conditions privilégiées :
cogène ; au contraire, un fœtus hypotrophique ne possédant ■ certains organes sont au repos ou en semi-repos comme
pas ces réserves supportera plus difficilement l'hypoxie. le système pulmonaire, l'appareil digestif et les reins (les
échanges gazeux et métaboliques se faisant au niveau du
Réponse cardiovasculaire placenta) ;
Chez le fœtus en hypoxie, on observe : ■ le maintien de la température est assuré par les échanges
■ l'apparition d'une hypertension artérielle attribuée à l'ef- thermiques qui se font par le placenta ;
fet vasoconstricteur de la réponse adrénergique ; ■ le circuit cardiovasculaire fonctionne de façon privilégiée
■ une diminution de la fréquence cardiaque ; le ralentisse- puisque les résistances périphériques sont basses du fait
ment est d'autant plus précoce et profond que l'hypoxie du placenta et que chaque ventricule n'est responsable
est rapide. Ce ralentissement est interprété comme la que d'une fraction du débit cardiaque total grâce aux trois
réponse à la stimulation des chémorécepteurs par l'hy- shunts propres à la vie fœtale : canal d'Arantius, foramen
poxie. Il est supprimé par l'atropine ; ovale et canal artériel.
■ une redistribution des flux locaux régionaux avec aug- À la naissance, le fœtus doit donc s'adapter à une nou-
mentation des flux placentaire, coronaire, cérébral velle vie.
(surtout le réseau destiné au bulbe, plus sensible que le Certaines adaptations (pulmonaire et cardiovasculaire)
cortex à l'anoxie) et surrénal. D'autres flux diminuent : doivent être immédiates pour assurer la survie ; d'autres
flux intestinal (d'où l'émission du méconium), splénique, adaptations (digestive, thermique, énergétique, rénale) s’éta-
squelettique, cutané, musculaire et pulmonaire. Cette bliront plus lentement, en quelques jours.
redistribution protège les organes vitaux du fœtus : cœur et
cerveau. Adaptations obligatoires pour la survie
Cependant l'hypercapnie, associée à l'hypoxie, entraîne immédiate
une vasodilatation cérébrale et un œdème qui, à son tour,
peut gêner la circulation et aggraver l'ischémie cérébrale. Système pulmonaire
Celle-ci peut provoquer la libération de thromboplastines Circuit aérien
tissulaires qui entraînent un syndrome hémorragique. Lors de l'expulsion, le thorax fœtal est comprimé, ce qui éli-
mine une partie du liquide pulmonaire (20 ml environ).
Au cours du travail Arrivé à l'air libre, le thorax reprend son volume, ce qui
Pendant toute la période de dilatation, le rythme cardiaque fait entrer une première goulée d'air, déclenchant un réflexe
fœtal demeure autour de 140 bpm. Il peut s'accélérer sur respiratoire à point de départ pharyngé. L'entrée brutale
quelques dizaines de secondes, mais il ne ralentit jamais sans de l'air dans les poumons pleins de liquide produit un effet
raison. Sa constance au cours du travail témoigne de l'absence de mousse. Ces bulles tapissent les alvéoles et favorisent le
d'agression sévère. Le pH demeure autour de 7,35 (tableau 1.1). maintien d'un volume gazeux intra-alvéolaire. La forte sur-
Pendant l'expulsion, des ralentissements surviennent pression expiratoire chasse le liquide pulmonaire vers les
dans un tiers des cas : le pH et la PO2 baissent, la PCO2 et le espaces interstitiels et les canaux lymphatiques. La sécrétion
déficit basique augmentent. d'adrénaline fœtale pendant l'accouchement contribue à
À la naissance : arrêter la sécrétion de liquide pulmonaire et à favoriser sa
■ le pH est à 7,25, la PO2 est à 10 mmHg, la PCO2 est à résorption.
45 mmHg ;
■ on observe aussi, dans le sang fœtal, une élévation des Cycles respiratoires
catécholamines, du cortisol, de l'ACTH, de la TSH, de Ils succèdent à ce premier cycle et vont s'effectuer dans
l'angiotensine, de la rénine et de la vasopressine. Cet des conditions plus aisées et avec une économie de tra-
« orage endocrinien » semble bénéfique pour l'adaptation vail grâce au film de surfactant du liquide pulmonaire
à la vie extra-utérine. qui tapisse la paroi alvéolaire et les maintient ouvertes
18   Partie I. Accouchement normal

par effet ­tensioactif. L'arrivée de l'air permet les échanges Conséquences cardiovasculaires de la suppression
gazeux à travers la paroi alvéolaire. Les premières res- du placenta et de l'aération pulmonaire (figure 1.17)
pirations de l'enfant développent dans les poumons une La suppression du placenta entraîne une augmentation des
pression passant de −40 à + 100 cm d'eau ; ce seul élément résistances systémiques sans élévation de la pression artérielle.
peut provoquer une rupture alvéolaire pulmonaire ou un La pression dans l'artère pulmonaire devenant inférieure à celle
pneumothorax. de l'aorte, le canal artériel s'inverse et devient gauche-droit ; le
Le maintien des mouvements respiratoires, qui ne surve- sang passe de l'aorte dans l'artère pulmonaire (figure 1.18).
naient que par séquences chez le fœtus, repose sur la mise
en jeu des contrôles nerveux et des chémorécepteurs.
Autres adaptations à la vie extra-utérine
Elles ne sont pas aussi immédiates et dramatiques mais sont
Circuit vasculaire indispensables à la survie.
Pendant la vie fœtale, la circulation pulmonaire constitue
un circuit à haute résistance. La PO2 très basse maintient la
vasoconstriction.
Première respiration entraînant une vasodilatation
L'effet mécanique de la ventilation entretient la vasodi-
latation car il lève la compression qu'exerçait le liquide
pulmonaire et crée une interface dont la tension superfi-
cielle fait fermer partiellement les alvéoles, ce qui détend
les parois alvéolaires, et les capillaires peuvent alors s'y
étaler.
Le stimulus chimique, que créent la baisse de PCO 2
et l'augmentation de PO 2, supprime l'effet vasocons-
tricteur de PCO 2 . L'augmentation du CO 2 a un effet
vasodilatateur.
La chute des résistances vasculaires pulmonaires
entraîne une augmentation considérable du débit sanguin
pulmonaire. Fig. 1.18. Circulation fœtale après la naissance.

Fig. 1.17. Modifications vasculaires de la naissance.


Chapitre 1. Physiologie de la grossesse à terme et du travail    19

Adaptation digestive Adaptation rénale


Les enzymes digestives apparaissent dès le cinquième mois, ■ In utero : le placenta est chargé des fonctions d'excrétion
si bien qu’à terme l'enfant est pourvu de toutes les enzymes et le fœtus peut survivre sans reins ou avec des reins très
digestives, à l'exception de l'amylase. anormaux (syndrome de Potter, reins polykystiques). Le
Dès la première heure de vie, un réflexe de fouissement mésonéphros forme de l'urine dès la cinquième semaine.
favorisé par le contact mère-enfant, mettant en jeu l'olfac- Le débit sanguin rénal est limité par la pression arté-
tion et la reconnaissance de la voix maternelle, permet au rielle fœtale faible, ce qui donne un filtrat glomérulaire
nouveau-né de rechercher, de trouver et de téter le mame- minime. L'urine fournie en permanence n'est qu'un ultra-
lon. Il faut favoriser cette première succion car le colostrum filtrat hypotonique qui participe à la formation du liquide
fournit un apport calorique et immunologique, et la succion amniotique.
stimule la montée laiteuse chez la mère. ■ Après la naissance : la pression artérielle s’élève, la résis-
tance vasculaire rénale diminue et le débit sanguin dans
l'artère rénale augmente, d'où l'accroissement de la fil-
Adaptation thermoénergétique
tration glomérulaire qui reste limitée, avec incapacité
Équilibre thermique d'éliminer une surcharge hydrique. La diurèse est en
■ In utero : le fœtus baigne dans le liquide amniotique à moyenne de 30 ml/kg et par 24 heures, le premier jour.
37 °C qui maintient l'homéothermie. La chaleur produite
par le métabolisme du processus de croissance rapide est Modifications neurologiques
dissipée par l'échangeur thermique qu'est le placenta.
■ À la naissance : l'environnement froid oblige le nou- Pendant la vie fœtale, le système nerveux est soumis à une
veau-né à restreindre les déperditions de chaleur, maturation indépendante des conditions de vie, de la patho-
par vasoconstriction cutanée, et à augmenter son logie maternelle ou fœtale ou des facteurs nutritionnels. Ce
métabolisme pour assurer le réchauffement. Le nou- processus de maturation est inné, isolé, programmé, inéluc-
veau-né n'a pas le « frisson thermique » car la thermo- table, si bien que l'examen neurologique permet de donner
genèse s’établit par oxydation des acides gras libres des l'âge gestationnel.
graisses brunes. À la naissance, le nouveau-né présente encore certains
L'adaptation physiologique au froid est tout à fait insuf- caractères d'immaturité :
fisante chez l'humain et nécessite le recours à l'habillement ■ dominance du système neurovégétatif, le laissant très
et au réchauffement du nouveau-né car la masse corporelle dépendant de ses besoins alimentaires et de sommeil ;
est petite et la surface corporelle importante, favorisant les ■ réactions facilement inhibées ; il fait des gestes non
déperditions. volontaires ;
Un nouveau-né à terme se refroidit très vite s'il est laissé ■ extrême dépendance entre succion et respiration.
nu et mouillé ; la température rectale baisse de 2 ° C en L'achèvement de la maturation fœtale permet la progres-
30 minutes. sion rapide du développement avec apparition de réactions
Il faut donc sécher le nouveau-né, le recouvrir et, en cas motrices complexes.
de réanimation, le déposer sous une lampe chauffante.
Les enfants hypoxiques se refroidissent beaucoup plus
vite du fait d'un retard de la vasoconstriction cutanée et de Références
l'impossibilité d'accroître la production de chaleur tant que [1] Berland M. Physiologie du déclenchement spontané du travail. EMC
la PO2 n'a pas dépassé 40 mmHg. 1995. 8-5-049-D-22.
[2] Edelstone DI. Regulation of blood flow through the ductus venosus.
Équilibre énergétique J Dev Physiol 1980 ; 2 : 219–38.
Il doit être assuré rapidement par l'alimentation ; in utero, le [3] Evain-Brion D. Le placenta : une usine à hormones. Réalités en gyné-
cologie 2004 ; 92 : 6–12.
fœtus avait le glucose comme principal aliment. À la naissance,
[4] Ferré F. À quoi servent les hormones de la grossesse ? Gynécologie
le glucose fourni par le placenta disparaît. Le nouveau-né Internationale 1998 ; 7 : 93–6 137–41.
doit « changer de carburant » et utiliser le glycogène accumulé [5] Ferré F. Régulation de la circulation fœtoplacentaire. Gynecol Obstet
dans le foie, puis oxyder les acides gras à longue chaîne par Fertil 2001 ; 29 : 512–7.
lipolyse (graisse brune), ce qui explique la perte de poids des [6] Foidart JM, Hustin J, Dubois M, Schaaps JP. The human placenta
premiers jours. L'alimentation doit apporter du sucre sous becomes haemochorial at the 13th week of pregnancy. Int J Dev Biol
forme de lactose et des acides gras : 1992 ; 36 : 351–3.
■ chez l'enfant de femme diabétique, la glycogénolyse [7] Handweger S, Freemark M. The role of placental growth hormone
hépatique est assurée par l'hyperinsulinisme et le taux bas and placental lactogen in the regulation of human fetal growth deve-
de glucagon ; lopment. J Pediatr Endocrinol Metab 2000 ; 13 : 343–56.
[8] Jouannic JM, Fermont L, Brodaty G, et al. Mise au point sur la circu-
■ chez l'hypotrophique ou le prématuré, les stocks de
lation fœtale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 291–6.
graisse sont insuffisants ; [9] Lemery D. Les échanges placentaires. Mise à jour en gynécologie obsté-
■ chez le nouveau-né hypoxique, l'oxydation du glucose trique. CNGOF 1993 ; 381–403.
ne fournit pas assez d'ATP ; il faut donc insister sur la [10] Longo LD. 1988 Échanges gazeux transplacentaires. Rev Mal Respir
nécessité d'une alimentation précoce et sur l'impor- 1988 ; 5 : 197–206.
tance d'un apport correct d'oxygène pour les besoins [11] Norwitz ER, Robinson Challis JRG. The control of labor. N Engl
énergétiques. J Med 1999 ; 341 : 660–6.
20   Partie I. Accouchement normal

[12] Schaaps JP, Thoumsin H, Hustin J, Foidart JM. Physiologie placen- [15] Thoulon JM. Les mouvements respiratoires du fœtus. JOBGYN 1993 ;
taire. EMC 1998. 20-5-005-A-10. 1 : 249–53.
[13] Schaaps JP, Tsatsaris V. La vascularisation utéroplacentaire. Gynecol [16] Tournaire M. Physiologie de la grossesse. 2e éd. Paris : Masson ; 1991.
Obstet Fertil 2001 ; 29 : 509–11. [17] Zakar T, Hertelendy FF. Regulation of prostaglandin in the human
[14] Schellenberg JC, Liggins GC. Initiation of labor : uterine and cer- uterus. J Matern Fetal Med 2001 ; 10 : 223–35.
vical changes, endocrine changes. In : Chard T, Grudzinskas JG,
editors. The uterus Cambridge Reviews in Human Reproduction.
Cambridge : Cambridge University Press ; 1994.
Chapitre
2
Examen clinique à l'entrée
en salle de naissance
J. Lansac, P. Gillard, F.I. Biquard

PLAN DU CHAPITRE
Y a-t-il urgence ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Bilan et établissement d'une conduite . . . . . . 37
En dehors de l'urgence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Les examens complémentaires seront envisagés en fonc-


OBJECTIFS tion de ce qu'ils peuvent apporter au terme de la grossesse.
L'interne ou la sage-femme doivent savoir : Nous examinerons enfin l'établissement des pronostics, base
• pratiquer l'examen d'une femme enceinte se présentant d'une attitude raisonnée et raisonnable.
en début de travail à la maternité ; Les objectifs de cet examen initial sont rapportés dans le
• consulter et interpréter les données cliniques et tableau 2.1.
paracliniques recueillies pendant la grossesse, et les
confronter aux éléments fournis lors de l'examen initial
pour porter un pronostic sur l'accouchement ;
• faire les prélèvements sanguins et urinaires nécessaires en Tableau 2.1. Objectifs de l'examen à l'entrée
début de travail ; en salle de naissance.
• pratiquer une biométrie fœtale échographique avec
localisation placentaire en début de travail ; Déterminer l'urgence En dehors de l'urgence
• reconnaître le début du travail ; Hémorragie Faire connaissance avec la patiente
• établir un pronostic des possibilités d'accouchement par Interroger sur :
– le motif d'entrée
voie basse ;
– les antécédents
• expliquer à la femme enceinte et à son compagnon le – l'histoire de la grossesse actuelle
stade du travail, le pronostic de l'accouchement et la
Convulsions Examiner :
nécessité d'un transfert. – la patiente : pouls, TA, température,
signes cardiovasculaires, respiratoires,
neurologiques
– l'utérus et le bassin : hauteur utérine,
présentation, dilatation du col,
L'entrée en salle de naissance doit être, pour la femme engagement
enceinte et l'équipe obstétricale, le moment d'une dernière Procidence Le fœtus et les annexes : nombre,
mise au point. L'examen suit une ligne logique, allant de la vitalité, trophicité, présentation,
mère vers l'enfant à naître. topographie du placenta, état des
Cette conduite méthodique, même en cas d'urgence, per- membranes
met d'établir un pronostic global d'où découle une conduite Gestes d'urgence
à tenir. La sécurité de l'enfant et la vigilance concernant
Prescrire des examens complémentaires :
la mère n'excluent jamais un accueil calme et un soutien
– systématiques : groupe, Rh, NFS, plaquettes, hémostase, RCF
attentif. Ainsi s'établit une relation de confiance entre la – non systématiques : échographie (présentation, biométrie,
parturiente, son compagnon, la sage-femme, l'accoucheur, placenta), radiologiques (pelvimétrie)
l'anesthésiste et le pédiatre. Elle est un des garants d'un bon Faire le diagnostic de début de travail.
vécu de l'accouchement. Confirmer ou proposer une conduite à tenir pour
Après avoir présenté l'« esprit » de cet examen d'entrée, l'accouchement : voie basse, césarienne, épreuve du travail,
épreuve utérine, transfert
nous détaillerons la partie clinique, essentielle à nos yeux.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 21
22   Partie I. Accouchement normal

Y a-t-il urgence ? Interrogatoire


Avant tout, il faut s'assurer de l'absence de signes de gravité Il recherche les motifs d'entrée en salle de naissance, les
qui imposent des gestes de sauvegarde immédiats. Trois antécédents de la femme et l'histoire de la grossesse.
symptômes dominent :
■ l'hémorragie, par hématome rétroplacentaire ou placenta Motifs d'entrée en salle de naissance
prævia ; Cela peut être :
■ les convulsions par éclampsie ; ■ des contractions utérines : on précise leurs caractères
■ la procidence du cordon après rupture intempestive des (rythme, régularité, intensité, douleur), l'heure de début ;
membranes. ■ un écoulement de liquide : s'agit-il du bouchon muqueux,
Dans ces cas, le pronostic vital maternel et/ou fœtal est en d'écoulement liquidien, de sang ? L'écoulement de
jeu. Le contrôle des fonctions essentielles de la mère – pouls, liquide amniotique signe la rupture des membranes.
tension artérielle – et l'appréciation de l'état fœtal doivent On se renseigne sur l'heure précise de survenue, sur la
être immédiats. L'extraction de l'enfant encore vivant est couleur, l'existence de contractions utérines, de fièvre ou
une urgence, selon les conditions obstétricales. Nous le de douleurs abdominales associées. Un toucher vaginal
reverrons ultérieurement (voir chapitres 21 à 24). immédiat permet de s'assurer de l'absence de procidence
du cordon ;
■ l'inquiétude maternelle : le plus souvent, la mère dit moins
En dehors de l'urgence sentir bouger son enfant. Un examen précis et rassurant
permet de lever l'angoisse maternelle, dès que l'on a la
L'examen est de difficulté variable.
certitude de l'absence d'anomalies ;
Lorsque la surveillance prénatale a été régulière, avec un dos-
■ des signes extraobstétricaux qui peuvent être une fièvre,
sier tenu à jour par le consultant, le médecin traitant ou la sage-
des douleurs abdominales ou lombaires, des signes uri-
femme, l'examen n'est que le prolongement du bon suivi de la
naires, des douleurs des membres inférieurs, des cépha-
grossesse. Il est rapide, précis, et a pour but de vérifier qu'il n'y
lées, etc.
a pas de nouveaux problèmes. Cela devrait être le cas général.
En somme, tout signe d'appel impose une enquête dia-
Parfois, la patiente se présente à l'équipe responsable de
gnostique afin d'orienter les examens complémentaires et la
l'accouchement pour la première fois. Dans certains cas,
thérapeutique.
elle ne possède aucun renseignement médical et a oublié
les examens dans l'affolement du départ ; au pire, le contact
linguistique est limité. Dans ce contexte défavorable, il faut Contexte et antécédents
dans un minimum de temps réaliser un bilan global de la Le tableau 2.2 dresse une liste de tous les renseignements à
femme, de la grossesse et de l'enfant. demander à la femme. Nous insisterons surtout sur les anté-
Afin d'être complet, c'est bien sûr dans cette situation que cédents gynéco-obstétricaux. On précise :
nous nous placerons. ■ le nombre de fausses couches, d'intervention endo-­
utérine (aspiration, résection de cloison ou de myome),
d'IVG ;
Faire connaissance avec la mère ■ le déroulement des grossesses antérieures avec leur(s)
C'est le premier temps de l'examen. Avant de se précipi- pathologie(s) ;
ter sur la patiente pour établir l'observation, il nous paraît ■ les conditions d'accouchement antérieur : extraction
indispensable que chacun se présente et explique son rôle instrumentale, déchirure périnéale, hémorragie de la
dans l'équipe (obstétricien, sage-femme, anesthésiste, sta- délivrance.
giaire) afin de la mettre en confiance. En cas de césarienne, il est impératif de posséder le
Ces premières paroles de bienvenue permettent de cerner compte rendu opératoire et le résumé des suites de couches.
assez vite le contexte psychologique et socioculturel. Un bon Enfin, le poids de naissance, le groupe sanguin, l'état à
contact favorise l'examen qui comporte un interrogatoire la naissance et le devenir des enfants sont précisés. Par
médical, un examen physique, voire la mise en route d'exa- quelques questions discrètes, on peut se rendre compte du
mens complémentaires. vécu de cette grossesse, désirée ou non, acceptée ou pas. De
Cet examen initial permet d'apprécier l'état maternel et même, l'assiduité à une préparation psychoprophylactique
fœtal, et le pronostic de l'accouchement. est un élément d'importance.
Trente à quarante-cinq minutes sont nécessaires à cet
examen initial pour envisager une attitude adaptée, et les
Histoire de la grossesse actuelle
éléments de la surveillance de la mère et de l'enfant. Par
des explications précises et une attitude rassurante, la sage- La connaissance exacte du terme est la première des préoccu-
femme, l'obstétricien, l'anesthésiste et le pédiatre obtien- pations. Elle est basée sur la date issue de la mesure de la lon-
dront la collaboration et la confiance des parents. gueur craniocaudale à l'échographie du premier trimestre
entre 11 et 14 SA. La date précise des dernières règles, cor-
rélée au type de cycle et à la date d'arrêt de la contraception
Examen clinique ne serviront qu'en cas d'absence de datation échographique
Les modalités sont celles de l'examen de toute femme précoce. La certitude peut être obtenue par l'étude d'une
enceinte au troisième trimestre [6]. Nous n'insisterons ici courbe thermique, par la connaissance de la date du rapport
que sur les points spécifiques à l'accouchement. fécondant ou lors du recours à une technique d'assistance
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    23

Tableau 2.2. Liste des éléments de l'interrogatoire recherche du pôle céphalique et du plan du dos (planche 2.2).
d'une femme entrant en salle de naissance. Enfin, on apprécie la quantité de liquide amniotique.
Renseignements concernant la patiente :
– âge, ethnie, situation familiale, lieu de résidence Examen du périnée
– profession (chômage éventuel), transport Il recherche :
– mode de logement, conditions socioéconomiques ■ des lésions vésiculaires d'herpès ou des condylomes ;
Antécédents familiaux :
■ la trophicité des tissus, en sachant que l'hypoplasie ne se
– maladies héréditaires (hémophilie, etc.) juge bien qu'au premier trimestre ;
– malformations ■ une cicatrice d'une déchirure ou d'une épisiotomie dont
– retard mental on appréciera la souplesse et la sensibilité ;
– consanguinité ■ une mutilation sexuelle qui peut poser problèmes lors de
– hypertension artérielle l'expulsion.
– diabète, obésité, thrombose
– cancers gynécologiques
Antécédents médicaux : Examen du col utérin
– hypertension artérielle, diabète, thrombose Il nécessite la pose d'un spéculum à larges valves. On
– infections urinaires note l'existence de leucorrhées, d'un ectropion banal, de
– allergies, autres affections (traitement, séquelles, etc.) ­vésicules ou d'une cervicite. Toutes les pertes vaginales
Antécédents chirurgicaux : suspectes doivent être prélevées pour étude bactér­io­
– chirurgie traumatologique (bassin) logique. Toute lésion cervicale impose un contrôle à la
– chirurgie osseuse (rachis) visite postnatale.
– chirurgie abdominale (appendicite) L'absence d'un cul-de-sac latéral doit faire évoquer une
– chirurgie gynécologique malformation et vérifier l'existence ou non d'une cloison
Antécédents gynécologiques : vaginale ou d'un diaphragme.
– puberté, régularité des cycles, infertilité (étiologie,
traitement) Toucher vaginal
– contraception et sa tolérance
– date du dernier frottis cervicovaginal
Il apporte des renseignements sur :
– herpès génital y compris chez le conjoint ■ le conduit cervicosegmentaire : ampliation, minceur et
sensibilité du segment inférieur – position, maturité,
Antécédents obstétricaux :
– nombre de fausses couches, IVG
degré d'effacement et de dilatation du col (planche 2.3).
– nombre et modalités des accouchements Le score de Bishop est établi (tableau 2.3) ;
■ la présentation : hauteur et diamètre d'engagement, degré
de flexion (planche 2.4) ;
■ l'intégrité des membranes ;
à la procréation médicalement assistée (insémination intra- ■ la filière pelvipérinéale : qualité des parties molles ; mesure
utérine, FIV, ICSI). clinique des diamètres du bassin osseux (planche 2.5) :
La qualité du suivi de la grossesse est capitale : nombre de recherche du promontoire, en suivant la concavité sacrée,
consultations et qualification du consultant, gestes prati- suivi des lignes innominées, et palpation des épines scia-
qués, examens paracliniques de surveillance prescrits, écho- tiques et de l'arche pubienne.
graphies obstétricales (dont la fiabilité compte plus que le
nombre). État fœtal
On recherche l'une des pathologies suivantes : menace
d'accouchement prématuré, hypertension artérielle, prise de Il tient compte du nombre de fœtus, de leur vitalité, de leur
poids anormale, métrorragies, infections. développement, du type de présentation et de l'état des
On précise les traitements prescrits : nom du médica- annexes (placenta, membranes).
ment, dose, durée, terme de la grossesse au moment de la
prescription. Nombre de fœtus
Tous ces renseignements sont essentiels pour le pronos- Il faut commencer par s'assurer du nombre de fœtus. En
tic. Ils sont consignés dans un dossier (souvent préimprimé). faveur d'une grossesse multiple, on retiendra : un volume
abdominal trop important pour le terme, objectivé par la
Examen physique hauteur utérine, la palpation de plus de deux pôles fœtaux,
l'impression de plusieurs foyers de bruits du cœur.
Il fait suite à l'interrogatoire qui oriente en fonction des La certitude vient d'une échographie que l'obstétricien ou
pathologies éventuelles. la sage-femme peuvent faire en salle de naissance.
Examen obstétrical Vitalité fœtale
Examen de l'utérus gravide Elle s'apprécie :
Celui-ci débute par l'examen obstétrical. On apprécie l'axe ■ par l'auscultation des bruits du cœur au stéthoscope de
fœtal par rapport à l'axe utérin, puis on mesure la hauteur Pinard ou avec un appareil à effet Doppler ;
utérine en dehors d'une contraction utérine (planche 2.1), ■ par le comptage des mouvements actifs ;
voire le périmètre ombilical que l'on rapporte au terme ■ et surtout par l'enregistrement cardiotocographique du
(planche 2.1). On fait le diagnostic de présentation par la rythme cardiaque fœtal (RCF).
24   Partie I. Accouchement normal

Planche 2.1. Mesure de la hauteur utérine

a
a. et b. La mesure se prend avec un mètre ruban.

c
d
c. Deux erreurs à ne pas faire : 1. L'extrémité du mètre n'est pas
contre la symphyse pubienne. 2. L'opérateur mesure au-delà du d. L'erreur par défaut : mesure dans l'axe ombilicosymphysaire au
fond utérin. lieu de l'axe utérin.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    25

Semaines
36
40
28
24-26
20-22

16

12

e
e. Variations de la hauteur utérine en fonction du terme Face Profil

H.U.(cm)
Percentile
40
90°
38
36
50°
34
10°
32
30
28
26
24
22
20
18
16

f 20 24 28 32 36 40 Semaines

f. Diagramme des variations de la hauteur utérine en fonction du terme.

D'après Villar J, Belizan J.M. The evaluation of the methods used in the diagnosis of intrauterine growth retardation. Obstet Gynecol Surv 1986 ; 41:187–99
et Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.

Tableau 2.3. Étude du col par le score de Bishop.


Score de Bishop 0 1 2 3
Dilatation (en cm) 0 1–2 3–4 5 ou plus
Effacement 30 % 40–50 % 60–70 % 80 %
Descente Haute, mobile –3 –1 –2 0 +1 +2
Consistance Ferme Moyenne Molle
Position Postérieure Moyenne Antérieure
26   Partie I. Accouchement normal

Planche 2.2. Étude de la présentation

a. Palpation sous-pubienne. Position des mains.

b. Repérage de la tête ; La main droite palpe le front, la gauche


­l'occiput et le sillon du cou. La tête n'est pas engagée.

c. Recherche du ballottement fœtal. La tête est haute et mobile.


d. Recherche du plan du dos. On appuie sur le fond utérin.

D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien. 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    27

Planche 2.3. Évolution du col au cours du travail chez la primipare


et la multipare
Chez la primipare

Col de primipare avant le travail. Schéma de l'incorporation du col au Effacement complet du col.
segment inférieur.

Début de la dilatation. Dilatation complète.

Chez la multipare

Col de multipare avant le travail. Effacement et dilatation simultanés du col. Dilatation presque complète.

D'après Merger R, Levy J, Melchior J. Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris: Masson ; 1996.
28   Partie I. Accouchement normal

Planche 2.4. Étude de l'engagement

Niveau 0 Épine
sciatique

a c
a. Estimation de la descente de la tête fœtale dans le pelvis. Lorsque c. Toucher vaginal, tête non engagée : on peut suivre la concavité
le sommet a atteint le niveau des épines sciatiques, la tête est dite sacrée au-delà de S2 sans rencontrer la présentation.
engagée.

d
d. Toucher vaginal, tête engagée : Les deux doigts dirigés vers S2
rencontrent la tête fœtale (signe de Farabeuf).

Niveau 0

b. Palpation de la présentation tête engagée. On ne sent pas l'occi-


put, le moignon de l’épaule est à moins de trois travers de doigt de e
la symphyse. e. Tête haute et mobile, niveau – 3.

D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien. 6 éd. Paris: Masson ; 2013.
e
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    29

Planche 2.5. Exploration du bassin


a. Topographie des détroits : supérieur (Ds), moyen (Dm), inférieur
(Di). Plans : postérieur (a.1) et antérieur (a.2).

Ds

Dm

Di

a1. Plan postérieur

Détroit supérieur

b. Étude du détroit supérieur : mensuration du diamètre


antéropostérieur.

c. Exploration du sacrum : la zone hachurée est normalement inac-


d. Examen du détroit supérieur : la ligne noire indique la limite de ce
cessible au doigt.
que l'on peut percevoir.
30   Partie I. Accouchement normal

Planche 2.5. Suite


a2. Plan antérieur
Topographie des détroits :
 supérieur (Ds) ;
 moyen (Dm) ;
 inférieur (Di).

Ds

Dm

Di

e. Exploration du détroit moyen.

Détroit inférieur Détroit moyen

f. Exploration de l'arc symphysaire.


g. Mensuration du diamètre bi-ischiatique.

D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    31

Développement du fœtus Examen de la mère


Il se juge sur : En théorie, le bilan général de la parturiente est réalisé lors
■ la mesure de la hauteur utérine et du périmètre ombilical, de la déclaration de grossesse. À l'entrée en salle de nais-
en tenant compte de la quantité de liquide amniotique, de sance, il est seulement nécessaire de vérifier l'évolution
la hauteur de la présentation appréciée au toucher vagi- d'une pathologie connue et l'absence d'apparition d'affec-
nal et de l'épaisseur de la paroi abdominale. On apprécie tions fréquentes pendant la grossesse.
par cette mesure le poids fœtal de façon plus ou moins Par principe, il faut systématiquement :
approximative, selon l'expérience (tableau 2.4) ; ■ tenir compte de l'aspect général (faciès vultueux, traits
■ les courbes biométriques et échographiques du diamètre tirés, etc.) ;
bipariétal, du périmètre céphalique, du périmètre abdo- ■ apprécier les constantes générales : pression artérielle,
minal, de la longueur du fémur et de l'estimation de poids température, pouls, fréquence respiratoire, poids ;
fœtal rapportées à l'âge gestationnel selon les courbes du ■ examiner l'appareil cardiovasculaire ;
CFEF (formule d'Hadlock 3 paramètres) avec expression ■ rechercher des signes fonctionnels d'hypertension
écrite de la marge d'erreur. artérielle (céphalées, acouphènes, phosphènes, barre
■ l'analyse morphologique échographique dont l'étude épigastrique) ;
est idéalement réalisée vers la 22e et la 32 e semaine ■ apprécier les œdèmes et l'état veineux des membres
d'aménorrhée. inférieurs ;
■ rechercher des signes fonctionnels urinaires : troubles
Type de présentation mictionnels (pollakiurie, brûlures, hématurie), douleurs
Il est diagnostiqué cliniquement et par échographie en cas lombaires ou à irradiation urinaire, incontinence urinaire
de doute : d'effort, surtout si elles sont apparues tôt dans la grossesse ;
■ une présentation céphalique implique d'apprécier son ■ examiner la peau et les muqueuses : pâleur, ictère, prurit
degré de flexion, en sachant que le diagnostic définitif dont on précise les lésions associées et les zones préféren-
de présentation dystocique ne se fera que membranes tielles. On recherchera en particulier des lésions herpé-
rompues ; tiques au niveau de la vulve et du périnée.
■ une présentation podalique impose une appréciation des Les autres appareils sont le plus souvent examinés en
volumes respectifs du fœtus et du bassin ; fonction de signes d'appel à l'interrogatoire :
■ une présentation oblique persistante après tentative de ■ appareil cardiopulmonaire : auscultation si on a la notion
version par manœuvre externe (en dehors de ses contre- d'une pathologie, en connaissant la fréquence des souffles
indications) impose une césarienne. anorganiques pendant la grossesse. En cas d'asthme, on
précise son évolution, son traitement éventuel pendant la
Annexes fœtales grossesse, l'existence de séquelles ;
On précise l'état des membranes. Lorsqu'elles sont rompues, ■ appareil neurologique : l'épilepsie confère à la grossesse
il peut s'agir d'une rupture franche ou d'une fissuration un caractère de haut risque. Il faut en connaître le traite-
haute. Ailleurs, la poche des eaux bombe à travers un orifice ment pendant la grossesse, les supplémentations en acide
cervical modérément dilaté. Cela témoigne d'un segment folique, vitamines D et K prescrites ou non. L'étude mor-
inférieur résistant, avec une présentation mal appliquée. Sa phologique du fœtus est impérative ;
rupture accidentelle expose aux risques de procidence du ■ appareil locomoteur : une affection touchant le rachis, un
cordon. traumatisme du bassin ou une boiterie peuvent indiquer
L'existence de métrorragies doit toujours faire évoquer le la réalisation d'une pelvimétrie. La notion d'intervention
diagnostic de placenta bas inséré, d'autant plus qu'il existe sur le rachis peut être une contre-indication à une anal-
une présentation podalique ou oblique, ou un hématome gésie péridurale.
rétroplacentaire. On se gardera de faire un toucher vaginal
et de rechercher le classique matelas placentaire. Une écho-
graphie, faite vessie pleine, permettra le diagnostic. Examens complémentaires
Examens systématiques et de dépistage
Tableau 2.4. Estimation du poids fœtal en fonction Bilan biologique
de la hauteur utérine (d'après Johnson). Un certain nombre de constantes biologiques doivent être
vérifiées à l'entrée de la patiente :
Poids fœtal (en g) Hauteur utérine Position et ■ groupe sanguin et phénotype Rhésus, Kell, doivent être
(en cm) présentation déterminés deux fois, à des dates différentes. La recherche
2 100 27 Haute, mobile d'agglutinines irrégulières doit être réalisée au quatrième,
2 500 29 Haute, mobile sixième, huitième et neuvième mois, si le Rhésus mater-
nel est négatif et en l'absence de prévention systématique
2 800 30 Haute, mobile
de l'allo-immunisation anti-RH1 sinon elle n'est pas
3 000 31 Haute, mobile refaite après l'injection d'immunoglobulines anti-RH1.
3 150 32 Haute, mobile Elle est faite systématiquement deux fois pendant la gros-
3 300 33 Engagée zéro
sesse si le Rhésus est positif ;
■ la numération formule sanguine est systématique au
3 450 35 Engagée ou + sixième mois. Elle est souvent refaite avec les plaquettes
32   Partie I. Accouchement normal

et le bilan de coagulation lors de la consultation préanes- – la réactivité en fonction des mouvements actifs et des
thésique si la patiente souhaite une péridurale ; contractions utérines ;
■ le dépistage du diabète gestationnel en cas de facteurs – le rythme de base ;
de risques (âge maternel ≥ 35 ans, IMC ≥ 25, antécé- – la variabilité ;
dent familial au premier degré de diabète, antécédent de – les ralentissements et leur type par rapport aux
macrosomie fœtale ou diabète gestationnel, macrosomie contractions utérines ;
fœtale) ; ■ on analyse le tracé de l'activité utérine avec la même
■ les sérologies de la rubéole, de la toxoplasmose, de l'hé- rigueur :
patite B et de la syphilis doivent être à jour. En cas de – en tenant compte de la paroi abdominale ;
négativité, le contrôle d'une sérologie de la toxoplasmose – en chiffrant le tonus de base, la fréquence des contrac-
est mensuel ; tions utérines et leur intensité. Toutefois, les valeurs
■ les sérologies VIH et VHC, si elles se sont révélées posi- d'intensité et du tonus de base ne sont fiables qu'avec
tives, nécessite la mise en place de précautions d'hygiène une tocométrie interne.
spécifique et d'une prise en charge adaptée ;
■ la recherche d'une protéinurie par bandelettes réac- Analyse informatisée du rythme cardiaque fœtal
tives (Labstix®, Albustix®) est indissociable de l'examen
Les variations du rythme cardiaque donnent lieu à des dif-
clinique ;
■ la présence ou non de streptocoques ß dans les prélève- ficultés d'interprétation entre les obstétriciens. Pour pallier
cette subjectivité, il a été proposé une analyse automatisée du
ments vaginaux faits entre 34 et 38 SA ; la positivité jus-
RCF en utilisant un cardiotocographe relié à un ordinateur
tifiant une prescription d'antibiotiques pendant le travail
(les deux capteurs sont placés sur l'abdomen de la patiente : le
(voir chapitre 4, « Antibioprophylaxie »).
dynamomètre recueille les variations de la tonicité utéroab-
dominale, le capteur Doppler enregistre les mouvements des
Examens de dépistage
valves cardiaques). Le cardiotocographe transmet les infor-
En fonction du contexte, on peut demander :
mations qu'il recueille à l'ordinateur. Celui-ci enregistre les
■ un examen cytobactériologique des urines (ECBU) ;
données, réalise les calculs et affiche les résultats à l'écran en
■ un prélèvement bactériologique de l'endocol, une CRP
même temps que le tracé. En fin d'enregistrement, il imprime
en cas de signes infectieux et de rupture prématurée des
le tracé ainsi que les résultats des derniers calculs : variations
membranes ; une recherche d'excrétion virale asympto-
à long terme (VLT) variations à court terme (VCT). La VCT
matique du virus herpès en cas d'antécédent connu ;
a été introduite dans l'algorithme du logiciel du fait de l'im-
■ les sérologies virales : VHB, VHC et VIH avec l'accord de
possibilité de repérer les tracés plats avec larges sinusoïdes
la patiente si la femme n'a pas été suivie et présente des
par la simple mesure de la VLT. Mathématiquement, il s'agit
facteurs de risque (ressortissante d'un pays à forte inci-
de la moyenne – divisée par deux – des différences succes-
dence, toxicomane).
sives entre époques de 3,75 secondes adjacentes. Sa valeur
moyenne est d'environ 7,8 ± –3,0 ms.
Bilan d'hémostase
Les valeurs normales de la VCT ont été définies à
On pratique un bilan d'hémostase (TP, TCA, fibrinogène) et partir de populations à haut risque (retard de croissance
de numération de plaquettes si cela n'a pas été fait à la consul- intra-utérin (RCIU), prééclampsie, VLT < 30 ms). La
tation d'anesthésie dans les trois semaines précédentes. limite au-dessus de laquelle la VCT devrait être considé-
rée comme « normale » n'est pas définie avec précision.
Enregistrement du rythme cardiaque fœtal La plupart des auteurs considèrent comme normales des
L'utilisation des appareils actuels permet l'enregistrement valeurs au-dessus de 3,0 ms, 80 % des fœtus ayant une
sur papier par signal ultrasonore du rythme cardiaque VCT supérieure ou égale à 3,5 ms n'ont pas d'acidose à la
fœtal et simultanément de l'activité utérine par tocographie naissance [7].
externe. Dawes et Redman [3] ont défini des critères de normalité.
L'analyse du RCF est détaillée plus loin (voir Chapitre 3 Une fois réunis, le tracé est jugé satisfaisant et l'ordinateur
« Auscultation du RCF intermittente » et Chapitre 14 « Rythme propose d'arrêter l'enregistrement du rythme cardiaque
cardiaque fœtal »). Rappelons seulement quelques principes : fœtal (RCF) :
■ l'enregistrement du RCF est recommandé à l'entrée en ■ il existe au moins un épisode de haute variation ;
salle de naissance pour toutes les femmes arrivant en début ■ la fréquence de base moyenne est comprise entre 115
de travail ou en cas de signes d'appel à l'interrogatoire ou et 160 bpm mais, si les autres paramètres sont nor-
à l'examen obstétrical : diminution des mouvements actifs maux, une fréquence de base légèrement supérieure ou
fœtaux, saignements d'origine endo-utérine [5] ; légèrement inférieure est acceptable après 30 minutes
■ il est poursuivi assez longtemps (20 minutes et plus en cas d'enregistrement ;
d'anomalie) ; ■ il n'y a pas de large décélération (avec plus de 20 batte-
■ il faut le répéter en modifiant la position de la femme et en ments perdus) sur un enregistrement d'une durée de plus
stimulant l'enfant si l'enregistrement spontané est aréactif ; de 30 minutes ;
■ son analyse doit être rigoureuse et systématisée. Les ano- ■ la VLT moyenne est supérieure à 22 millisecondes et la
malies doivent être classées en fonction de leurs critères VCT moyenne supérieure à 3 millisecondes ;
de gravité et du risque d'acidose fœtale associée. Les élé- ■ tous les épisodes à haute variation ont une variabilité à
ments pris en compte sont les suivants : long terme supérieure à 32 millisecondes ;
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    33

■ la VCT est supérieure au troisième percentile ; dossier obstétrical. Toutefois, une vérification systématique
■ il n'y a aucun argument en faveur d'un rythme cardiaque de la présentation fœtale peut être utile en début de travail.
fœtal sinusoïdal ; Les buts d'un examen échographique à l'arrivée en salle
■ il existe au moins un mouvement fœtal ou trois de naissance sont :
accélérations. ■ de confirmer le type de présentation, le côté du dos en cas
Après avoir enregistré un RCF conforme aux critères de de doute ;
Dawes et Redman pendant 30 minutes, on considère que ■ d'apprécier la flexion de la tête en cas de présentation du
l'état de l'enfant est bon et on ne refait d'enregistrement que siège ;
24 heures après. ■ de réaliser une biométrie fœtale : diamètre bipariétal,
périmètre céphalique, périmètre abdominal, longueur
Indications du fémur et estimation de poids fœtal rapportés à l'âge
Cette étude informatisée du RCF peut être utilisée en cas gestationnel selon les courbes du CFEF (figure 2.1 et
de : figure 2.2) ;
■ dépassement de terme ; ■ d'examiner le placenta pour vérifier son type d'insertion,
■ diminution des mouvements fœtaux ressentie par la son degré de maturité ou l'existence d'un décollement ;
maman ; ■ d'apprécier la quantité de liquide amniotique.
■ retard de croissance intra-utérin ; L'analyse morphologique fœtale n'a plus grand intérêt à
■ prématurité car chez les fœtus d'âge gestationnel faible ce terme. Toutefois, dans de rares cas, elle peut s'imposer
(28 à 34 SA), le rythme cardiaque fœtal présente de quand la voie d'extraction est discutée et s'il y a des signes
manière tout à fait physiologique des particularités qui d'appel en faveur d'une anomalie fœtale (contexte familial,
peuvent gêner considérablement l'interprétation : hydramnios, rupture prématurée des membranes, etc.).
– la perte de signal est augmentée, ce qui gêne l'interpré- Ce bilan morphologique est réalisé par un échographiste
tation des tracés. Il existe presque une fois sur deux un entraîné. La mise en évidence d'une anomalie impose un
doute entre perte de signal et décélération fœtale ; second examen, par un opérateur différent, réalisant des
– la variabilité du tracé est très amoindrie par rapport à échographies de référence ; la prise de décision dans ces
ce qu'elle est à terme. Elle augmente en effet progressi- situations difficiles est collégiale à chaque fois que cela est
vement au cours du troisième trimestre ; possible, en concertation avec les parents dûment informés.
– le nombre d'accélérations est physiologiquement
doublé entre 28 et 41 SA, et c'est surtout pendant la
période 28–34 SA que l'augmentation se réalise ;
– la fréquence du rythme cardiaque de base est physio-
logiquement plus élevée aux âges gestationnels les plus
faibles [7].
L'injection de corticoïdes recommandés en cas de pré-
maturité modifie le rythme cardiaque fœtal, entraînant très
rapidement après la première injection de glucocorticoïdes
des passages peu ou pas réactifs du RCF à j0 – ou j1 après
l'injection. Le retour à la normale du tracé se fait se fait au
plus tard le quatrième jour. Des diminutions des mouve-
ments fœtaux ont aussi été observés [8].

Valeur
L'intérêt de l'analyse informatisée du RCF et de l'utilisa-
tion de la VCT n'est pas démontrée, comme le souligne
la Cochrane [4]. Ce que confirme le Collège national des
gynécologues et obstétriciens français, indiquant qu'il n'y a
pas pour l'instant d'arguments suffisants pour recomman-
der la surveillance en routine ou la surveillance systéma-
tique des fœtus en retard de croissance ou en terme dépassé
par la VCT [1, 2].
En cas de retard de croissance intra-utérin, le Doppler de
l'artère ombilicale ou de la cérébrale antérieure est mieux
corrélé à l'état fœtal que la VCT.

Échographie obstétricale
Tout bloc obstétrical doit actuellement être équipé d'un
appareil d'échographie. Bien entendu, l'échographie ne
supplante pas l'examen clinique et ne fait que le compléter.
L'examen échographique n'est pas systématique si les exa- Fig. 2.1. Évolution des diamètres bipariétal, abdominal
mens échographiques recommandés sont colligés dans le et du fémur. Courbes du CFEF.
34   Partie I. Accouchement normal

Les indications de la pelvimétrie sont :


■ la présentation du siège ;
■ les traumatismes du bassin, les viciations du rachis, les
antécédents de poliomyélite et de luxation congénitale de
la hanche ;
■ l'existence d'un accouchement traumatique dans les
antécédents ;
■ la taille inférieure ou égale à 1,50 m.

Radiographie du contenu utérin


Ces indications ont diminué du fait du développement de
l'échographie. L'indication principale était la vérification de
la flexion de la tête en cas de présentation du siège. Cette
vérification est maintenant faite par échographie. Les autres
indications relèvent de cas particuliers.

Autres examens complémentaires


Ils sont demandés dans un contexte particulier :
■ en cas de syndrome infectieux général, deux à trois hémo-
cultures à une heure d'intervalle (aéro- et anaérobie, avec
recherche de Listeria monocytogenes) complètent l'ECBU
et l'examen de l'endocol ;
■ devant une hypertension artérielle, il faut demander un
ionogramme sanguin, une créatininémie, une uricémie,
un bilan hépatique, un dosage d'haptoglobine, une numé-
ration formule sanguine et numération plaquettaire, un
bilan d'hémostase complet ;
■ l'existence d'un prurit et/ou d'un ictère impose un bilan
hépatique, la recherche des marqueurs des hépatites
virales, la recherche d'une cholestase gravidique et une
Fig. 2.2. Estimation du poids fœtal grâce au nomogramme de échographie hépatique et des voies biliaires en l'absence
Hansmann [6]. P : Percentile. de travail imminent.
Dans des cas très particuliers, on peut envisager :
■ en cas de doute sur une rupture des membranes, de
Amnioscopie réaliser une recherche intravaginale d'IGFBP1 (Actim
TM
PROM test) ;
Cet examen n'est plus systématique chez les femmes entrant ■ une mesure au cordon ombilical, à l'artère cérébrale
en salle de naissance car il n'y a pas de démonstration de l'uti- moyenne des index de résistance ou de pulsatilité en cas
lité du contrôle systématique de l'aspect du liquide amnio- d'hypertension artérielle sévère, de retard de croissance
tique par une amnioscopie en début de travail (grade C) [5]. intra-utérin (RCIU) ou petit poids pour l'âge gestationnel
(PAG).
Examens radiologiques
Leur indication est rare en salle de naissance, réservée aux
patientes inconnues du service. Il s'agit de la pelvimétrie et Demande de sang
de la radiographie du contenu utérin. Le sang est rare et précieux. Tout doit être fait pour ne pas le
gaspiller. La commande de sang ne saurait donc être systé-
Pelvimétrie matique. Du sang compatibilisé et phénotypé doit être com-
Elle comporte deux clichés : un de profil strict et une inci- mandé et rapidement disponible au centre de transfusion
dence de Thöms ou de Fernström. Elle doit maintenant être dans les cas suivants :
faite au scanner ou par IRM, ce qui est plus précis, moins ■ une césarienne avec difficultés opératoires ou risques
pénible et moins irradiant. Elle permet, en utilisant les hémorragiques prévue ;
réglettes adéquates : ■ un accouchement ou une césarienne pour :
■ de mesurer les paramètres du détroit supérieur (dia- – placenta prævia ;
mètres promonto-rétro-pubien, transverse médian et – grossesses multiples ;
diamètres obliques) ; – antécédents d'hémorragie de la délivrance ;
■ d'apprécier l'angle d'inclinaison sur l'horizontale ; – patiente sous anticoagulants ;
■ d'analyser la forme de la concavité sacrée en mesurant sa – troubles de la coagulation ;
flèche et sa corde ; – situation à risque hémorragique : hématome rétro­
■ de mesurer le diamètre biépineux (planche 2.6). placentaire, rétention d'œuf mort.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    35

Planche 2.6. Radiopelvimétrie


Mesure du détroit supérieur

Cliché (dit de face) Cliché de profil

a. Mesure du transverse médian au scanner héli- c. Pelvimétrie de profil. Au scanner hélicoïdal, re-
coïdal : reconstruction 2D multiplanaire. construction 2D multiplanaire.

cm
,5
10
12,5 cm

b. Diamètre transverse médian (TM). d. Diamètre promonto-rétro-pubien (PRP).

Indice de Magnin : TM+PRP=32


36   Partie I. Accouchement normal

Planche 2.6. Suite


Étude des détroits moyen et inférieur

10 cm

10,8 cm

g. Détroits : moyen, diamètre bisciatique (1)


et inférieur, diamètre bi-ischiatique (2).

Confrontation céphalopelvienne

8 cm

e. Détroit inférieur. Diamètre


sagittal inférieur.
mm
D1
230
Indice de Magnin : détroit supérieur

Eutocie ail D2
u trav
ed
220 r euv
Ép
de
er titu
Inc
210 1 Dystocie césarienne
Épreuve prophylactique
du travail
2 si clinique
favorable
200
80 85 90 95 100 mm
Diamètre bipariétal

f. Mesure du bisciatique au scanner hélicoïdal. h. Diagramme de disproportion céphalopelvienne (d'après Magnin).

D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G. Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Masson ; 2013.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    37

Bilan et établissement Dans les autres cas, la patiente est hospitalisée. La préven-
tion de l'infection ovulaire repose sur le port de garnitures
d'une conduite stériles, la limitation des touchers vaginaux et une éventuelle
À la fin de cet examen d'entrée, l'obstétricien ou la sage-femme antibiothérapie en fonction de la durée d'ouverture de l'œuf.
doit faire un bilan et proposer une conduite qui va tenir compte La surveillance comporte la prise de température toutes les
du pronostic maternel et fœtal et des possibilités d'accouche- 12 heures, l'examen de la couleur du liquide amniotique, la
ment par voie basse : il faut répondre à trois questions : palpation utérine à la recherche d'une sensibilité anormale et
■ la patiente est-elle en travail ? l'enregistrement trois fois par jour du rythme cardiaque fœtal.
■ l'accouchement peut-il avoir lieu par voie basse ? Suivant les conditions obstétricales, le terme, et en l'absence
■ l'accouchement peut-il avoir lieu sur place ou la femme d'une entrée spontanée en travail, un déclenchement est pro-
doit-elle être transférée dans une autre maternité ? grammé dans les 48 heures après la rupture (voir chapitre 28).

La patiente débute son travail


Diagnostic de début de travail
Elle présente des contractions utérines régulièrement crois-
Au terme de l'examen d'entrée, plusieurs situations peuvent santes en intensité ; le col se centre, s'efface, puis se dilate.
se rencontrer. La surveillance simple est la meilleure des solutions.
Le but de l'accoucheur et de la sage-femme est ici de respec-
La patiente n'est pas en travail, mais ter la physiologie, en évitant toute évolution vers une situation
simplement dans sa phase préparatoire irréversible, source de souffrance maternelle et/ou fœtale.
Les contractions utérines sont rares et peu intenses ; le col
est simplement ramolli et raccourci. Les membranes sont Faut-il utiliser le monitorage fœtal
intactes. Après avoir écarté tout signe de souffrance fœtale
ou de pathologie maternelle, il est licite de renvoyer la
continu ?
patiente à son domicile s'il n'est pas trop loin. La surveillance fœtale discontinue ne se justifie que chez
les femmes à bas risque. Cependant, l'enregistrement fœtal
La patiente est dite en « faux travail » continu par comparaison à l'auscultation intermittente
(tableau 2.5) divise par deux le taux de convulsions néonatales, sans
influence sur le pronostic néonatal à long terme (grade B).
Les contractions utérines sont régulières, douloureuses et mal En revanche, l'utilisation de l'enregistrement fœtal continu
supportées, mais le col ne présente aucune évolution pendant est associée à une augmentation des taux de césarienne et
plus de deux heures. Il s'agit probablement d'une dystocie de d'extraction instrumentale (grade B). La surveillance fœtale
démarrage, deux possibilités s'offrent à l'accoucheur : continue a une meilleure sensibilité que la surveillance dis-
■ le déclenchement par perfusion d'ocytociques (voir continue dans la détection des acidoses néonatales (grade
Chapitre 28) en s'aidant en première intention d'une B). C'est pourquoi, compte tenu des pratiques obstétricales
anesthésie locorégionale (en dehors de ses contre-indica- actuelles (absence de formation à l'auscultation intermit-
tions), dès que la dynamique est régulière ; tente) et du personnel disponible en salle de naissance, le
■ la prescription d'un analgésique central agoniste/antago- CNGOF recommande d'utiliser la surveillance continue en
niste morphinique : nalbuphine. phase active du travail (accord professionnel) [5].
Il existe une rupture prématurée
des membranes Choix des modalités d'accouchement
Toute altération du rythme cardiaque fœtal ou signe d'infec- Plusieurs situations peuvent être envisagées.
tion maternofœtale impose la terminaison de la grossesse
par l'accouchement dont les modalités sont fonction des
conditions obstétricales. L'accouchement par voie basse est contre-indiqué
L'urgence peut imposer la césarienne : placenta prævia, proci-
Tableau 2.5. Différences entre vrai et faux travail. dence du cordon, hématome rétroplacentaire.
La césarienne s'impose avant l'entrée en travail : l'indi-
Signes cliniques Vrai travail Faux travail cation peut être maternelle (bassin chirurgical rare, utérus
Contractions Régulières Irrégulières multicicatriciel), fœtale (présentation transverse) ou mater-
Intervalle entre les ↓ Diminue Long nofœtale (voir Chapitre 31, « Indications de la césarienne »).
contractions graduellement La césarienne est programmée, la patiente est à jeûn, le
bilan préopératoire est disponible. L'intervention est réalisée
Intensité des ↑ augmente Stable
contractions progressivement au bloc opératoire sous anesthésie locorégionale après asep-
sie, sondage vésical et mise en place des champs.
Siège de la douleur Dos et abdomen Abdomino-pelvien
Effet de l'analgésie Non arrêté par Souvent aboli Le déclenchement peut être nécessaire
sédation
Le pronostic fœtal peut nécessiter un accouchement rapide.
Modification du col Effacement et Pas de changement Lorsque les conditions locales et le degré d'urgence l'auto-
dilatation
risent, un déclenchement de nécessité peut se discuter.
38   Partie I. Accouchement normal

Les conditions en sont la présentation céphalique. Les Les principales circonstances d'acceptation de l'épreuve
modalités du déclenchement dépendront du score de Bishop, du travail sont les suivantes :
de l'existence ou non d'une cicatrice utérine, du degré de ■ utérus non cicatriciel, grossesse monofœtale avec présen-
l'urgence. Les moyens disponibles sont la rupture artificielle tation céphalique ou présentation du siège sous condition
de la poche des eaux, la perfusion d'ocytocine, l'utilisation d'acceptation préalable de la voie basse par un médecin
des prostaglandines vaginales ou un ballonnet intracervical. senior et accord de la patiente après information claire et
comprise ;
Dans la majorité des cas, l'épreuve du travail est ■ utérus cicatriciel, cicatrice utérine segmentaire, motif de
proposée après avoir établi un pronostic la césarienne précédente non reproductible, grossesse
Pronostic maternel monofœtale avec présentation céphalique, travail spon-
tané, grossesse gémellaire d'évolution normale, utérus
Il repose sur : sain, j1 en présentation céphalique.
■ l'âge (les complications obstétricales sont plus fréquentes Les autres situations sont discutées au cas par cas.
après 35 ans) ;
■ la parité : l'existence d'un ou de plusieurs accouchements
spontanés et normaux est de bon pronostic ; Acceptation de l'accouchement
■ l'existence d'une pathologie préexistante ou concomi- ou transfert
tante de la grossesse, dont le retentissement est variable ; Si l'accouchement n'est pas imminent et en dehors de
■ l'assiduité à une méthode de préparation à l'accouchement. l'urgence vitale, il faut se poser la question de l'opportunité
d'accepter l'accouchement ou de transférer la parturiente
Pronostic fœtal dans un établissement du réseau régional plus adapté pour
Il est fonction : la prise en charge de la mère et/ou de l'enfant. Si l'on est
■ du développement fœtal : mortalité et morbidité néona- dans un établissement de niveau I, on ferait une faute en
tales augmentent lorsque le poids de naissance est infé- acceptant l'accouchement en cas de :
rieur au dixième percentile pour l'âge gestationnel ; ■ pathologie maternelle sévère : toxémie gravidique sévère,
■ du terme de la grossesse : la limite de la prématurité étant HELLP syndrome, placenta praevia à risque hémor­ragique
de 36 semaines d'aménorrhée ; ou toute autre pathologie aggravée par la grossesse ;
■ du type de présentation : la présentation du siège est gre- ■ pathologie fœtale à risque vital néonatal : malformations,
vée d'une morbidité plus lourde. retard de croissance sévère, prématurité inférieure à
34 SA, grossesses multiples.
Pronostic obstétrical Les protocoles élaborés par les praticiens du réseau
Il a trois composantes : doivent prévoir les indications et les modalités du transfert
■ une composante mécanique, en fonction du type de bas- in utero. L'obstétricien ou la sage-femme prendront contact
sin osseux et du volume fœtal ; avec l'équipe de l'établissement de référence pour organiser
■ une composante dynamique dont l'appréciation repose le transfert avec le SAMU. Le dossier de transfert in utero
sur l'intégrité anatomique et fonctionnelle du muscle uté- commun au réseau sera préparé.
rin, les caractéristiques des contractions lorsqu'elles sont
présentes, l'existence d'une rupture des membranes ;
■ une composante périnéale qui dépend de la qualité des Conclusion
parties molles, de l'existence de cicatrice périnéale, de
L'examen d'une patiente à l'entrée en salle de naissance peut
l'intégration du périnée dans le schéma corporel.
se résumer en quelques idées claires :
Ces facteurs pronostiques sont résumés dans le
■ examen clinique et paraclinique complet, sans inflation
tableau 2.6.
d'examens complémentaires coûteux et stressants ;
Tableau 2.6. Éléments du pronostic ■ jugement serein de la situation présente : début ou non
de l'accouchement. du travail, voie basse possible ou non ; accouchement
possible ou non dans l'établissement en fonction des
Favorable À surveiller Défavorable risques ;
Âge ■ accueil attentif, calme et confiant envers la femme et son
Parité compagnon.
Pathologie La conduite à tenir varie en fonction de chaque cas :
Préparation
■ l'examen est normal, la femme n'est pas en travail et elle
à l'accouchement
repart, rassurée ;
Poids fœtal estimé ■ certains éléments imposent une hospitalisation avec sur-
Terme
veillance (rupture prématurée des membranes), d'autres
Présentation
nécessitent une attitude active (dystocie de démarrage) ;
Bassin ■ une pathologie maternelle et/ou fœtale grave nécessite un
Utérus transfert dans un autre établissement : il faut l'organiser ;
Membranes
Parties molles
■ enfin, quand le pronostic maternel et/ou fœtal est en jeu,
une décision de césarienne peut être prise en urgence. Tout
Conclusion doit être prêt et vérifié quotidiennement pour la réaliser.
Chapitre 2. Examen clinique à l'entrée en salle de naissance    39

Références [5] Goffinet F, Dreyfus M, Schaal JP. Modalités de surveillance du fœtale


pendant le travail. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2008 ; 37(Suppl.1) :
[1] CNGOF. Grossesse prolongée et terme dépassé : recommandations S5–6.
pour la pratique clinique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2011 ; 40 : [6] Lansac J, Magnin G. In : Obstétrique pour le praticien. 5 e éd.
818–22. ­Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson ; 2008. p. 497.
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la pratique clinique – Texte court. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2013 ; cardiaque fœtal. Mises à jour du CNGOF. 2000. p. 145–71.
42 : 1018–25. [8] Subtil D, Tiberghien P, Devos P. Immediate and delayed effects of ante-
[3] Dawes GS, Houghton CR, Redman CW, et al. Pattern of the normal natal corticosteroids on fetal heart rate : a randomized trial that com-
fetal heart rate. Br J Obstet Gynecol 1982 ; 89 : 276–84. pares betamethasone acetate and phosphate, betamethasone phosphate
[4] Grivell RM, Alfirevic Z, Gyte GM, et al. Antenatal cardiotocography and dexaméthasone. Am J Obstet Gynecol 2003 ; 188 : 524–31.
for fetal assessment. Cochrane Database Syst Rev 2012 ; 12. CD007863.
Chapitre
3
Surveillance clinique
et électronique du travail
B. Carbonne

PLAN DU CHAPITRE
Surveillance de la progression du travail. . . . . 41 Surveillance maternelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Surveillance de la dilatation . . . . . . . . . . . . . . . 44 Partogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Surveillance de la progression Hygiène et prévention des infections
de la présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 en salle de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Surveillance de la vitalité fœtale . . . . . . . . . . . 49

compte du contexte maternel (prééclampsie, utérus cicatri-


OBJECTIFS ciel, diabète, autres pathologies, etc.) et des particularités du
Le médecin, l'interne ou la sage-femme doivent être fœtus et du travail (prématurité, retard de croissance, gros-
capables : sesse prolongée, grossesse gémellaire, présentation du siège,
• de faire le diagnostic d'un début de travail ; liquide méconial, etc.).
• de surveiller l'effacement et la progression de la dilatation
du col utérin et savoir en dépister les anomalies ;
• d'évaluer la présentation, sa hauteur et l'orientation de la
Surveillance de la progression
tête par rapport aux repères du bassin ; du travail
• de pratiquer la surveillance clinique et tocographique de Classiquement, la surveillance du travail comporte la sur-
la contraction utérine pendant le travail ; veillance des contractions utérines et de la dilatation du col.
• de surveiller le bien-être fœtal pendant la première Les contractions ont un rôle important dans la dilatation
et la deuxième phase du travail par la clinique et du col, la progression de la présentation et l'expulsion. Elles
l'enregistrement cardiotocographique ; doivent être suffisantes pour être efficaces sans pour autant
• d'établir un partogramme. être délétères pour le fœtus.
Cependant, les éléments les plus importants sont la pro-
gression de la dilatation cervicale et celle de la présenta-
tion. En effet, à contractilité utérine équivalente, l'effet sur
L'accouchement est un acte naturel nécessitant cependant la progression du travail sera très différent d'une patiente à
l'intervention active du médecin dans 25 à 30 % des cas. Si une autre et d'un fœtus à un autre. Outre, les contractions,
certaines pathologies sont diagnostiquées pendant la gros- la progression dépend également du bassin maternel et de
sesse ou à l'admission à la maternité, d'autres surviendront l'accommodation du mobile fœtal à celui-ci. En pratique,
pendant le travail et ne sont pas prévisibles au début. Le tant que la dilatation du col et la progression de la présenta-
travail est le moment de la grossesse où le risque de com- tion se déroulent de manière normale, le rythme cardiaque
plication par unité de temps est le plus élevé, ce qui justifie fœtal étant par ailleurs normal, l'analyse des contractions
une surveillance attentive pour toutes les patientes. Le but n'a guère d'intérêt. En revanche, en cas d'anomalie de l'un
est le diagnostic précoce des accidents aigus, des dystocies et ou l'autre des paramètres précédemment cités, l'analyse des
de l'asphyxie fœtale per-partum qui nécessitent une prise en contractions prendra toute son importance.
charge adaptée et sans retard. L'interprétation de la bonne évolution des critères de
Cette surveillance fait appel tout d'abord à la clinique et surveillance du travail repose sur le partogramme ou dia-
la surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) puis, en gramme d'accouchement, qui synthétise graphiquement
cas d'anomalie, aux moyens dit de « deuxième ligne ». Elle le déroulement du travail et permet d'en identifier les
doit être réalisée en fonction du contexte clinique, en tenant anomalies.

Pratique de l'accouchement
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42   Partie I. Accouchement normal

Surveillance clinique mouvements maternels, éventuellement par les mouvements


L'interrogatoire permet de connaître la fréquence des fœtaux, par la position maternelle et par l'épaisseur de la paroi
contractions utérines, d'apprécier leur durée et d'évaluer de (abaissement artificiel de l'intensité si la paroi est très épaisse).
manière subjective leur intensité. En l'absence d'anomalie de la dilatation, la tocographie
La palpation utérine permet d'apprécier assez grossière- externe est un moyen simple et suffisant pour apprécier la
ment l'intensité de la contraction et surtout le relâchement dynamique de la contraction utérine. Cependant, en cas
entre les contractions. La durée de la contraction est mieux d'anomalie de la dilatation, les données fournies peuvent
appréciée que par l'interrogatoire, cependant la palpation ne être insuffisantes pour juger des causes de la stagnation et
permet pas de mesurer l'intensité réelle des contractions. fixer une conduite à tenir.
Si le signal obtenu par tocographie externe est de mau-
vaise qualité, et surtout s'il existe des anomalies de la dilata-
Surveillance électronique tion, il peut être utile de contrôler objectivement la pression
Elle peut être assurée par la tocographie externe ou interne, intra-utérine par tocographie interne.
le capteur étant relié au monitoring qui inscrit simultané-
ment le tracé des contractions et celui du RCF. Elle permet Tocographie interne
l'enregistrement continu des contractions et accroît la préci- Principe de mesure
sion de l'évaluation de la contraction utérine.
Un cathéter muni à son extrémité d'un capteur de pression
est introduit dans la cavité utérine par voie transcervicale
Tocographie externe après rupture des membranes. La pression exercée sur le cap-
Elle est le plus souvent suffisante en cas de déroulement teur induit un courant électrique proportionnel qui déplace
normal du travail. le stylet et permet l'inscription graphique des contractions
dénommée tocographie ou tocogramme.
Principe
Elle est réalisée grâce à un capteur mécanique, maintenu Mise en place du cathéter
sur la paroi abdominale, dans la région supra-ombilicale, à Elle est réalisée de manière aseptique à travers le col uté-
l'aide d'une ceinture élastique (figure 3.1). L'utérus, qui se rin, généralement en arrière de la tête fœtale à l'aide d'un
contracte, appuie sur le capteur mécanique. Le déplacement guide cathéter en plastique. Une fois le guide mis en place, le
du stylet sur le papier d'enregistrement est proportionnel à cathéter y est introduit, poussé sur 40 cm environ, de façon à
l'intensité de l'appui et du durcissement de l'utérus. ce que l'extrémité intra-utérine se situe au niveau de l'épaule
fœtale (figure 3.2). Puis le guide est retiré et le cathéter est
Objectifs et limites connecté au cardiotocographe.
La tocographie externe mesure la fréquence, la durée et l'in- L'enregistrement peut alors commencer, et les courbes
tensité relative des contractions. Elle ne permet pas de mesurer seront étalonnées automatiquement sur l'enregistrement,
objectivement la pression intra-utérine : il n'y a pas de relation soit en mmHg, soit en kPa (unité de pression dans le sys-
précise et constante entre les courbes obtenues et la pression tème international). La figure 3.3 montre un enregistrement
intra-amniotique. Les tracés peuvent être perturbés par les normal de contractions utérines au cours du travail [25].

Fig. 3.1. a. Monitorage à l'aide de deux capteurs. Le capteur enregistrant les contractions utérines est placé dans la région p
­ ériombilicale.
Le capteur à ultrasons est placé dans le foyer maximal des bruits du cœur (épaule fœtale). b. vue en coupe de la position des capteurs.
D'après Thoulon JM, Le monitorage électronique fœtal. Paris: Masson ; 1991.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    43

utérine en cas de non-progression du travail (normale ou


insuffisante) et de diagnostiquer les pressions trop élevées
qui peuvent être responsables d'asphyxie fœtale [6].

Inconvénients
La mise en place d'une tocographie interne ne peut être faite
qu'après la rupture des membranes. La technique de mise
en place est un peu plus complexe que le simple capteur
externe. Il existe un risque théorique d'infection intra-uté-
rine (de l'ordre de 1/1 000 tocographies internes) ; ce risque
se voit surtout en cas d'infection vaginale préexistante ou de
travail prolongé [15].

Analyse de la contraction utérine


La tocographie interne a permis de chiffrer l'intensité réelle
des contractions utérines pendant les différentes phases du
travail. Elle a permis de définir des paramètres moyens,
mais sans que l'on puisse établir de véritables normes [8]
(figure 3.4) :
■ le tonus de base se situe entre 10 et 20 mmHg ;
■ la fréquence se situe entre deux et cinq contractions par
dix minutes ;
■ la durée augmente au cours du travail : 20 à 30 secondes
au début et 30 à 45 secondes à la fin ;
■ l'intensité réelle de la contraction utérine augmente légè-
rement au cours du travail : elle se situe en fin de dilata-
tion entre 40 et 60 mmHg.
Fig. 3.2. Mise en place d'un cathéter intra-amniotique. a. Le On parle d'anomalie par défaut (hypocinésie) s'il y a
guide rigide contenant le cathéter est placé dans le col, en arrière de
moins d'une contraction par période de dix minutes, ou par
la tête fœtale. b. Il est enfoncé de manière à ce que son extrémité
dépasse le grand diamètre de la présentation. Le cathéter est alors
excès (hypercinésie) s'il y a plus de cinq contractions par
poussé dans la cavité utérine, jusqu'à ce que le repère, correspondant période de dix minutes ou si la durée des contractions est
à 40 cm, affleure la vulve. D'après Thoulon JM, Le monitorage électro- supérieure à une minute.
nique fœtal. Paris: Masson ; 1991.
Indications
La tocographie interne est moins utilisée actuellement.
Certains services l'ont complètement abandonnée, d'autres
l'utilisent dans des situations ciblées comme en cas d'utérus
cicatriciel. Cependant, un travail récent comparant les toco-
graphies interne et externe dans le déclenchement et l'aug-
mentation du travail n'a pas retrouvé de différence significative
dans les taux d'intervention et d'effets adverses néonataux [7].

Fig. 3.3. Schéma de la contraction utérine. D'après Thoulon JM, Le


monitorage électronique fœtal. Paris: Masson ; 1991.

Avantages
La tocographie interne mesure l'intensité réelle des contrac-
tions. Les capteurs de pression actuels ne permettent pas
de mesurer précisément le tonus de base, depuis l'abandon
des cathéters « ouverts ». Les tracés sont comparables d'une Fig. 3.4. Paramètres de la contraction utérine évalués par la
patiente à l'autre, et les mesures ne sont pas modifiées par tocographie interne : intensité, durée en secondes, fréquence
une obésité éventuelle. Elle permet de connaître l'activité théorique, surface ou activité utérine.
44   Partie I. Accouchement normal

Surveillance de la dilatation l'on peut distinguer une partie passive qui correspond à la
descente spontanée et à l'engagement de la présentation et
Elle reste essentiellement clinique et repose sur le toucher une phase active d'efforts expulsifs permettant le dégage-
vaginal. ment de la présentation.
Classiquement, pendant la phase active, la dilatation
attendue est de 1 cm par heure en moyenne. Une dystocie
Durée de la dilatation (mécanique ou dynamique) doit être suspectée soit lorsque
La première phase du travail est la phase de dilatation du la phase active se prolonge au-delà des délais préalablement
col. Sous l'influence de la contraction utérine qui pousse le cités, soit face à un arrêt de la dilatation classiquement défini
mobile fœtal vers le bas, le col s'efface d'abord puis se dilate par une stagnation pendant deux heures. En fait, il existe des
(figure 3.5). Lorsque la présentation est bien accommodée, variations importantes selon les patientes, l'âge maternel et
le segment inférieur coiffe la tête fœtale (figure 3.6). l'ethnie. Il est actuellement admis que des vitesses de dilata-
Le travail se déroule en plusieurs phases bien décrites par tion plus lentes peuvent être observées en dehors de toute
Friedman (figures 3.7). pathologie.
■ elle débute par la phase de latence qui correspond à l'effa- Kilpatrick et al. [12] ont étudié la longueur de la phase
cement du col et à sa dilatation jusqu'à 3 cm. Elle est mar- de dilatation chez 6 991 femmes enceintes de 37 à 42 SA en
quée par sa longueur et dure en moyenne huit à dix heures travail spontané sans ocytociques, avec un fœtus unique en
chez la primipare et cinq à six heures chez la multipare ; présentation du sommet. Les chiffres montrent que la durée
■ elle se poursuit par la phase active (ou première phase de dilatation est plus importante en cas d'anesthésie péridu-
du travail selon les Anglo-Saxons), plus rapide, condui- rale, essentiellement aux dépens de la deuxième phase du
sant à la dilatation complète. Elle dure cinq heures ± trois travail.
heures chez la primipare et 2 h 30 ± 1 h 30 chez la multi- De même, Henry et al. [11] ont démontré qu'un arrêt de
pare. Au départ, elle se caractérise par une phase d'accé- la dilatation de deux heures était fréquemment observé chez
lération où la vitesse de dilatation est maximale, suivie en des femmes qui accouchent finalement par voie basse. Cet
fin de dilatation chez certaines patientes d'une phase de arrêt de dilatation s'accompagne d'un taux d'hémorragie de
décélération qui précède la dilatation complète. la délivrance et d'endométrite dans les suites plus élevé que
Enfin, de la dilatation complète du col jusqu'à la nais- le taux observé dans la population générale, mais est sans
sance (ou deuxième phase du travail des Anglo-Saxons), où conséquence sur l'enfant.

Fig. 3.5. Effacement et dilatation du col. a. Col long fermé postérieur. b. Col centré long fermé. c. Col dilaté à 1 cm. d. Col effacé. e. Col
effacé à 8 cm.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    45

Primipare

A M D E –1
12

Descente
10 0

Dilatation du col (cm)

Degré d’engagement
8 1

6 2

4 3

Dilatation
2 4

0 5
2 4 6 8 10 12 14
Durée du travail (heures)

Fig. 3.6. Phénomène de l'accommodation. a. Tête bien accom-


Multipare
modée : le segment inférieur coiffe le pôle fœtal comme un bonnet
élastique bien ajusté, la poche des eaux est plate. Cette ampliation A M DE
du segment inférieur est la condition d'une bonne physiologie de 12 –1
dilatation. b. Tête mal accommodée : le segment inférieur est mal
amplié, la poche des eaux bombe à l'orifice du col, prête à se rompre Descente
10 0
précocement.
Dilatation du col (cm)

Degré d’engagement
8 1
Ces travaux ont été actualisés récemment par Zhang
[27–29] et ont permis de décrire de façon précise le travail 6 2
chez la nullipare et chez la multipare. Le travail est défini par
trois phases :
4 3
La première phase (figure 3.8) qui s'étend du début du tra-
vail jusqu'à dilatation complète, qui se scinde en deux parties : Dilatation
■ une phase de latence pendant laquelle le col se raccour- 2 4
cit, s'efface et se dilate modérément jusqu'aux alentours
de 2 à 3 cm. Cette phase de latence peut durer jusqu'à 0 5
20 heures chez la nullipare et 14 heures chez la multipare ; 2 4 6 8
■ une phase active qui lui succède, elle-même divisée en Durée du travail (heures)
trois parties :
– une phase d'accélération jusqu'à 5 cm ; Fig. 3.7. Courbe de dilatation (tirets), de descente (trait continu),
– puis une phase de pente maximale jusqu'à 9 cm ; de la présentation en fonction du temps chez la primipare et la
– puis une phase de décélération jusqu'à la dilatation multipare. A : accélération ; M : accélération maximale ; D : décéléra-
tion ; E : expulsion. D'après Friedman EA. The functional divisions of
complète.
labor. Am J Obstret Gynecol 1971 ; 15 ; 109(2):274-80.
La deuxième phase correspond à la période allant de la
dilatation complète à la naissance de l'enfant.

Évolution du col (cm) Cette deuxième phase du travail sans péridurale dure de
La durée de dilatation du col chez une nullipare en tra- 54 à 132 minutes et avec péridurale de 79 à 185 minutes.
vail spontané a été analysée. Le tableau 3.1 en rapporte les Les études de Zhang montrent que, en tenant compte
durées moyennes. du 95e percentile, la dilatation est plus lente que ne le disait
Ainsi, une dilatation normale de 1 cm durera entre 1,3 et Friedmann et se situe chez la nullipare entre 0,5 et 0,7 cm/h
1,8 heure, 1 heure entre 3 et 5 cm, et moins d'une heure et chez la multipare entre 0,5 à 1,3 cm/h.
entre 5 cm et dilatation complète. Entre 4 et 6 cm, les cols de la nullipare et la multipare
La première phase du travail dure donc sans péridurale se dilatent à la même vitesse. Après 6 cm, les cols des mul-
de 8,4 à 16,6 heures, et avec péridurale de 10,2 à 19 heures. tipares se dilatent plus rapidement. De ce fait, un travail
La deuxième phase du travail, entre la dilatation complète prolongé avec une phase de latence supérieure à 20 heures
et la naissance, se subdivise là encore en deux phases : une chez la multipare et 14 heures chez la multipare ne serait
phase passive et une phase active correspondant aux efforts pas en soi une indication de césarienne. Nous le reverrons
expulsifs. au chapitre 13.
46   Partie I. Accouchement normal

Ces repères statistiques sont utiles pour définir les limites Modalités de la surveillance
acceptables de la durée du travail, un travail anormalement La surveillance s'effectue par le toucher vaginal. Le médecin
prolongé, nécessitant une intervention. Le suivi régulier ou la sage-femme doit noter à chaque examen :
et l'inscription de la dilatation dans un partogramme per- ■ l'heure de l'examen ;
mettent d'apprécier visuellement la vitesse de dilatation. ■ la position du col, postérieur ou centré ;
Une lenteur excessive n'a pas la même valeur en phase de ■ le degré de raccourcissement du col ;
latence ou en phase active. ■ la consistance et le comportement du col pendant la
contraction utérine (assouplissement ou durcissement) ;
■ le degré de dilatation évalué en centimètres (figure 3.9).
Tableau 3.1. Durée (en heure) de la dilatation
du col chez une nullipare en travail spontané.
Dilatation Parité = 0 Parité 1 Parité 2 + 10
cervicale (cm) Durée Durée Durée Friedman, 1955
moyenne en moyenne en moyenne en
heure heure heure Friedman, 1978
(95e percen- (95e percen- (95e percen- 8 Zhang et al.
tile) tile) tile )

Dilatation cervicale (en cm)


n = 25 624 n = 16 755 n = 16 219
3–4 1,8 (8,1) 6
4–5 1,3 ( 6,4) 1,4 (7,3) 1,4 (7,0)
5–6 0,8 ( 3,2) 0,8 ( 3,4) 0,8 (3,4)
4
6–7 0,6 (2,2) 0,5 (1,9) 0,5 (1,8)
7–8 0,5 (1,6) 0,4 (1,3) 0,4 (1,2)
8–9 0,5 ( 1,4) 0,3 ( 1,0) 0,3 (0,9) 2

9–10 0,5 ( 1,8) 0,3 ( 0,9) 0,3 (0,8)


2 stade avec
e
1,1 ( 3,6) 0,4 (2.0) 0,3 ( 1,6) 0
péridurale 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
2 stade sans
e
0,6 ( 2,8) 0,2 (1,3) 0,1 ( 1,1) Durée du travail (en heures)
péridurale
Fig. 3.8. Comparaison des courbes de dilatation cervicale chez
D'après Zhang J, Landy HJ, Branch DW, et al. Contemporary patterns of la nullipare selon Friedman et Zhang. D'après Zhang J, Troendle JF,
spontaneous labor with normal neonatal outcomes. Obstet Gynecol 2010 ;
Yancey MK. Reassessing the labor curve in nulliparous women. Am J
116 :1281-7.
Obstet Gynecol 2002 ; 187:824-8.

Fig. 3.9. Appréciation de la dilatation du col au toucher vaginal. a. Dilatation à un doigt = 1,5 cm. b. Dilatation à deux doigts = 2 cm.
c. Dilatation presque complète, persistance d'un bourrelet du col et des culs-de-sac vaginaux. d. Dilatation complète = 10 cm, continuité parfaite
entre le segment inférieur et le vagin.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    47

Les touchers sont effectués avec des précautions d'asepsie : tue trois mouvements : descente, flexion et rotation. Elle
port du masque, lavage des mains ou friction hydroalcoolique s'engage dans un axe ombilicococcygien (figure 3.11). Le
(avant tout examen), utilisation de doigtiers ou gants stériles. grand diamètre de la tête s'oriente au départ dans un des
Le nombre de touchers vaginaux doit être limité. Il est deux diamètres obliques du détroit supérieur du bassin.
habituellement recommandé de faire un toucher vaginal : L'engagement nécessite la flexion de la tête, transformant
■ en moyenne toutes les deux heures avant la rupture des le diamètre occipitofrontal (11,5–12 cm) en diamètre sous-
membranes et avant 5 cm ; occipito-bregmatique (9,5 cm). Plus la tête est fléchie, plus le
■ ensuite, toutes les heures après 5 cm. diamètre d'engagement est réduit [21].
Chaque examen doit être rapporté sur le partogramme
(figure 3.10).
L'informatique peut permettre d'effectuer automati-
quement la courbe de dilatation et de l'évolution de la Moyens de la surveillance
présentation. Toucher vaginal
La surveillance s'effectue essentiellement à l'aide du toucher
Surveillance de la progression vaginal. Quand le col est au-delà de 2 cm, les repères de la
présentation sont accessibles (occiput dans la présentation
de la présentation du sommet). Au-delà de 5 cm, quand les membranes sont
La présentation est céphalique dans 95 % des cas. Les autres rompues, le diagnostic exact de la présentation est plus
présentations posent des problèmes spécifiques et seront facile. Les touchers successifs permettent de suivre les diffé-
traitées séparément. Pendant le travail, la tête fœtale effec- rents paramètres et leur progression :

Fig. 3.10. Partogramme.


48   Partie I. Accouchement normal

■ le degré d'engagement : le toucher vaginal apprécie la la présentation fœtale simultanément. Une surestima-
position du point déclive de la présentation par rapport tion du degré d'engagement est possible en cas de bosse
aux épines sciatiques, qui, par convention, est défini sérosanguine ;
comme étant le niveau 0 (figure 3.12). L'engagement ■ l'orientation de la tête et sa flexion : elles sont appréciées
constitue une étape essentielle. Le diagnostic n'est par la palpation de la petite fontanelle qui permet de
pas toujours aisé. Le signe le plus utilisé est le signe de repérer la position de l'occiput.
Farabeuf : la tête n'est pas engagée lorsque les doigts de Quatre variétés de positions sont possibles :
l'examinateur remontant le long de la concavité sacrée, ■ occipito-iliaque gauche antérieure ;
perdent le contact avec celle-ci avant d'entrer en contact ■ occipito-iliaque droite postérieure ;
avec la présentation. La tête est dite engagée lorsque les ■ occipito-iliaque gauche postérieure ;
doigts de l'examinateur sont au contact du sacrum et de ■ occipito-iliaque droite antérieure.
L'existence ou non d'un asynclitisme : dans les bassins
normaux, l'engagement de la tête est synclite (figure 3.13).
Dans les bassins rétrécis, la tête peut engager d'abord une
bosse pariétale, puis l'autre par un mouvement dit d'asyn-
clitisme (figure 3.14). Le degré est apprécié par la position
de la suture médiane par rapport au centre de l'excavation.
Le diagnostic clinique de type de présentation et d'enga-
gement peut être difficile, en particulier s'il existe une bosse
sérosanguine. L'utilisation de l'échographe en salle de nais-
sance peut permettre de faciliter le diagnostic d'orientation
de la tête fœtale, voire celui de l'engagement.
Axe
d’engagement
Échographie en salle de travail
Axe de Elle peut être très utile pour, en cas de doute, apprécier :
dégagement
■ le type de présentation car elle permet de repérer le
côté du dos et de visualiser les orbites (en particulier
Fig. 3.11. Schéma montrant le cylindre de descente, l'axe d'en-
lorsqu'elles sont situées en avant dans la présentation
gagement (axe ombilic-coccyx) et l'axe de dégagement.
occipito-iliaque postérieure) [17] ;
■ l'engagement : en mesurant la distance périnée-­
présentation. Si elle est inférieure à 60 mm, on est sûr
de l'engagement avec une valeur prédictive de 95,6 %. Si
la distance est de 38 mm, la tête est engagée à sa partie
moyenne [19].

Modalités de la surveillance
Pendant la première phase du travail
En début de travail, la hauteur de la présentation est variable
selon les patientes. Classiquement, chez les nullipares, la
tête est fixée ou même parfois engagée. En fait, il ne s'agit
pas d'une règle absolue. Chez les multipares plus souvent,

0
+1
+2
b +3
Fig. 3.12. Appréciation de l'engagement. a. Coupe sagittale, la tête
est au niveau 0 ; en bleu, plan et aire d'engagement. b. Coupe trans- Fig. 3.13. Tête synclite. L'axe de la tête fœtale est perpendiculaire
versale, la tête est au niveau 0 ; en bleu, plan et aire d'engagement. au plan d'engagement.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    49

multipare et de 50 minutes chez la nullipare. La durée des


efforts expulsifs est de l'ordre de cinq à dix minutes chez la
multipare et excède rarement 30 minutes chez la nullipare.
Cependant, dans certains cas, la deuxième phase peut se
prolonger au-delà, en particulier sous anesthésie péridurale
trop fortement dosée (APD) où la patiente ne sent pas le
besoin de pousser, dans les présentations occipito-iliaques
postérieures persistantes mal fléchies et en cas de dispropor-
tion fœtopelvienne. Une prolongation inhabituelle ne veut
pas dire obligatoirement dystocie. Il n'y a pas de consensus
sur la durée maximale acceptable de la deuxième phase
mais, actuellement, on admet qu'en l'absence d'anomalie un
délai de trois à quatre heures peut être accepté, en particu-
lier chez la primipare sous anesthésie péridurale.
Fig. 3.14. Tête asynclite.

Surveillance de la vitalité fœtale


la tête peut être encore haute, mobile ou amorcée. Une tête
Le but de la surveillance fœtale pendant le travail, qu'elle
engagée est un facteur de pronostic favorable. Une tête haute
soit continue ou discontinue, est de prévenir une asphyxie
à ce stade pourrait faire évoquer une disproportion fœtopel-
fœtale intrapartum sévère. Celle-ci fait suite à une hypoxie
vienne ou une anomalie de la présentation, mais n'est pas en
intense et prolongée. Elle peut survenir lorsque la circula-
soi pathologique. C'est l'évolution qui tranchera.
tion utéroplacentaire est altérée ou en cas d'accident aigu
Au cours de la phase active, parallèlement à la dilatation
diminuant l'apport d'oxygène au fœtus. Le métabolisme
du col, la tête descend dans le bassin. Là aussi, il existe des
cellulaire devient anaérobie, ce qui conduit à la produc-
variations importantes entre les patientes. Dans la majorité
tion d'acide lactique et à une baisse du pH. Les capacités de
des cas, la tête s'engage à un stade plus ou moins avancé du
réserve du fœtus sont variables. L'objectif est de diminuer la
travail. Une bonne descente de la tête dans le bassin est un
mortalité et la morbidité néonatale à court et à long termes.
facteur de bon pronostic. Dans certains cas, la tête reste non
engagée en fin de dilatation. Une dystocie doit être recher-
chée et, en son absence, il faut attendre la deuxième phase. Surveillance clinique
Les modalités de cette surveillance clinique doivent être
Pendant la deuxième phase du travail très strictes. Outre le repérage sans retard des accidents
Cette phase débute à dilatation complète et comprend deux aigus (procidence du cordon, rupture utérine, décollement
périodes : une phase passive où la présentation poursuit placentaire), elle fait appel à la vérification de l'aspect du
spontanément sa descente dans l'excavation, et une phase liquide amniotique et à l'auscultation du RCF intermittente.
active qui correspond aux efforts expulsifs et se termine par
le dégagement.
Dans la présentation du sommet, à dilatation complète, Vérification de l'aspect du liquide amniotique
la tête est souvent engagée ; parfois, elle ne s'engage qu'au En début de travail, il n'y a pas de preuve de l'utilité de
cours de la deuxième phase. Schématiquement, deux fois contrôler systématiquement l'aspect du liquide amniotique
sur trois, l'occiput est en avant (présentation occipito-iliaque par amnioscopie si les membranes sont intactes. Après rup-
antérieure) et la tête est fléchie. Une fois sur trois, l'occiput ture, l'aspect du liquide doit être vérifié toutes les heures.
est en arrière (présentation occipito-iliaque postérieure), et Normalement, le liquide est clair, légèrement lactescent.
la tête est en général moins fléchie. Un liquide méconial est observé dans 10 à 20 % des accou-
La rotation s'effectuera au cours et à la fin de la des- chements. Le risque augmente après 39 SA. Le liquide peut
cente pour amener la tête sur le plancher pelvien dans un être méconial dès le début du travail ou le devenir secondai-
diamètre antéropostérieur sous-pubo-coccygien, et lui rement. Le liquide peut être fluide ou épais (dit « purée de
permettre de franchir le détroit inférieur. Normalement, pois »). Une fois sur deux, il ne se révèle qu'à la naissance.
l'occiput s'oriente en avant en occipitopubien. Dans les Un liquide méconial peut parfois être le signe d'une
présentations antérieures, la rotation est de 45° et, dans hypoxie fœtale ou asphyxie de degré variable, présente
les présentations postérieures, de 135°. Dans plus de 95 % ou passée. Le risque majeur est le syndrome d'inhalation
des accouchements spontanés, l'occiput s'oriente en avant méconiale. Dans la plupart des études, le liquide méconial
en occipitopubien. Simultanément, la tête se fléchit, ce qui est associé à une fréquence accrue d'infections et d'encé-
amène progressivement la petite fontanelle au centre de la phalopathies néonatales, mais les données concernant une
présentation. Dans moins de 5 % des cas, l'occiput tourne association avec une asphyxie fœtale per-partum sont dis-
en arrière en occipitosacré. La tête reste moins fléchie. La cordantes. Le liquide méconial doit être considéré comme
petite fontanelle est perçue en arrière (ou non perçue) et la un signe d'alerte nécessitant une vigilance intensive. Le
grande fontanelle en avant. risque paraît plus important en cas de liquide épais qu'en
La durée normale de la deuxième phase est variable. En cas de liquide fluide, et en cas de pathologie ou d'anomalie
général, elle est brève, en moyenne de 20 minutes chez la du RCF associée. En l'absence d'autre anomalie, un liquide
50   Partie I. Accouchement normal

méconial isolé n'a pas une valeur prédictive suffisante pour


modifier la conduite à tenir, mais doit entraîner une vigi-
lance accrue.

Auscultation du RCF intermittente


Elle ne peut s'appliquer que chez les patientes à bas risque.
Malgré les controverses multiples concernant la valeur de
l'auscultation intermittente, les conditions pratiques de réali-
sation font que cette méthode est difficilement applicable en
France et manque de traçabilité. Les essais contrôlés randomi-
sés montrent une diminution des convulsions néonatales avec
l'utilisation du monitorage continu du RCF par rapport à l'aus-
cultation intermittente. Cette méthode ne peut être conseillée
comme méthode de surveillance de routine au XXIe siècle.
Elle peut être faite au stéthoscope de Pinard (figure 3.15)
ou à l'aide d'une sonde Doppler manuelle après repérage
de l'épaule fœtale. Elle doit être très stricte : auscultation
pendant la contraction et dans les 30 secondes qui suivent,
toutes les 15 minutes pendant la phase active de dilatation
et toutes les cinq minutes pendant la phase d'expulsion. Un
comptage précis est indispensable. La fréquence doit être
notée. Elle requiert la présence quasi permanente de la sage-
femme, ce qui nécessiterait une sage-femme par patiente.
Fig. 3.16. Travail normal, dilatation de 5 cm. En haut : enregistre-
ment du RCF par ultrasons, rythme de base autour de 145 bpm, oscil-
Surveillance électronique continue lations normales (entre 10 et 20 bpm). Présence d'accélération, pas de
ralentissement. En bas : enregistrement par tocographie externe des
Le RCF peut être enregistré soit par voie externe (figure 3.16) contractions utérines.
grâce à un appareil à ultrasons, soit par voie interne, quand le
signal est de mauvaise qualité, en plaçant une électrode spiralée
sur le scalp fœtal (figure 3.17), après rupture spontanée ou arti-
ficielle des membranes (figure 3.18). Les appareils permettent
l'enregistrement simultané de la contraction. En pratique, c'est
essentiellement l'enregistrement externe qui est utilisé.
La surveillance continue par rapport à l'auscultation inter-
mittente a été associée à une augmentation du nombre de
césariennes et d'extractions instrumentales sans diminuer le

Fig. 3.17. Travail normal. Dilatation de 6 cm, membranes rompues.


Enregistrement par ultrasons et tocographie interne : fréquence théo-
rique = 4,13 par contractions par 10 minutes : tonus de base moyen =
Fig. 3.15. Auscultation au stéthoscope obstétrical, après repé- 1,33 kPa ; durée moyenne = 65 s. Intensité vraie moyenne = 6,6 kPa ;
rage de l'épaule fœtale. intensité totale moyenne = 7,1 kPa.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    51

■ le rythme de base : le rythme de base est dit normal entre


110 et 160 bpm. La tachycardie est définie par un rythme
supérieur à 160 bpm pendant plus de dix minutes. La bra-
dycardie est définie par un rythme inférieur à 110 bpm
pendant plus de dix minutes ;
■ la variabilité : le rythme de base est modulé par l'activité
du système nerveux autonome, ce qui donne un aspect
oscillant du tracé. La variabilité augmente avec l'âge ges-
tationnel et est considérée comme un signe important du
bien-être fœtal. Elle est caractérisée par la fréquence des
oscillations et par leur amplitude (exprimée en bpm entre
le point le plus bas et le plus élevé du tracé). La variabilité
est classée en : normale (6 à 25 bpm), absente (< 2 bpm),
minime (< 5 bpm) ou marquée (> 25 bpm) ;
■ la réactivité : elle est définie par la présence d'accélé-
Fig. 3.18. Technique de la rupture artificielle de la poche des rations. Celles-ci correspondent à une élévation du
eaux avec une branche d'une pince Kocher démontée. Ce sont RCF supérieur à 15 bpm avec une pente abrupte pen-
les griffes qui sont à l'extrémité de la branche qui déchirent les dant 15 secondes ou plus mais moins de deux minutes.
membranes. L'accélération est dite prolongée si elle dure deux à dix
minutes ;
taux de mortalité périnatale [26]. Aussi, son utilisation systé- ■ les ralentissements : normalement, la contraction utérine
matique dans l'accouchement normal chez les patientes à bas ne provoque pas de modifications du RCF. Cependant,
risque a été discutée. Depuis, les données montrent que l'enre- des ralentissements peuvent être fréquemment obser-
gistrement continu divise par deux le risque de convulsions vés et sont le plus souvent en relation avec les contrac-
néonatales [24] et a une meilleure sensibilité que la surveillance tions utérines. Leur amplitude est supérieure à 15 bpm
discontinue dans la détection des acidoses néonatales [5, 10]. et leur durée supérieure à 15 secondes, mais en général
On peut estimer actuellement que tout accouchement inférieure à deux minutes. Ils sont quantifiés par leur
devrait être surveillé par monitorage électronique continu en amplitude (différence entre le rythme de base et le nadir
raison de sa facilité et des bénéfices en termes de convulsions exprimés en bpm) et par leur durée en seconde. Ils sont
néonatales. Cette surveillance s'effectue pendant la durée de la dits répétés s'ils surviennent lors d'une contraction uté-
phase active et pendant toute la durée de la deuxième phase rine sur deux ou plus. Selon leurs positions par rapport
pendant laquelle les anomalies du RCF sont plus fréquentes. aux contractions, on distingue quatre types :
De plus, l'enregistrement continu permet une traçabilité – les ralentissements précoces : ils débutent et s'atténuent
objective. Il autorise l'analyse rétrospective du tracé et de juger avec les contractions, le nadir du ralentissement cor-
de l'évolution du RCF entre les différents stades du travail. respondant à l'acmé de la contraction. La pente et la
La qualité de l'enregistrement du RCF et des contrac- remontée sont lentes ; leur aspect est monomorphe ;
tions utérines est primordiale pour permettre une analyse – les ralentissements tardifs : ils débutent après le début
correcte du tracé. La mise à jour de l'horodateur doit être de la contraction ; leur nadir est retardé par rapport à
effectuée régulièrement. Enfin, les définitions et les classi- l'acmé de la contraction et ils se prolongent après la
fications des anomalies devraient être consensuelles pour fin de celle-ci. La pente de la décélération est lente, le
diminuer les erreurs d'interprétation. retour au rythme de base est progressif, leur aspect est
monomorphe ;
– les ralentissements variables : ce sont les plus fré-
Le RCF pendant le travail quemment rencontrés. Leur pente initiale est abrupte
L'interprétation du RCF est visuelle et subjective, et l'inter- et le temps entre début et nadir est court, inférieur
prétation des anomalies ne fait pas toujours l'unanimité à 30 secondes, ce qui permet de les différencier des
entre les différents intervenants. En effet, si certaines ano- ralentissements tardifs. Leur aspect est polymorphe, ils
malies témoignent d'une asphyxie fœtale, il existe un taux débutent et se terminent de façon variable par rapport
élevé de faux positifs. à la contraction. Les ralentissements variables sont dits
Des critères de normalité et de risque d'acidose plus ou « typiques » s'ils sont précédés et suivis d'une accélération.
moins sévère ont été élaborés par de nombreuses sociétés Ils sont « modérés » si leur nadir est supérieur à 70 bpm
savantes : FIGO, 1987, NICHD, 1997, RCOG, 2001 [20], et leur durée inférieure à 60 secondes. Ils sont « sévères »
SGOC, 2002, ANAES, 2002 [4], ACOG, 2005 [1]. si leur nadir est inférieur à 70 bpm et leur durée supé-
En France, ce sont les recommandations pour la pratique rieure à 60 secondes. Ils sont dits « atypiques » en cas de
clinique (RPC) du CNGOF de 2007 qui font aujourd'hui perte d'accélération initiale ou secondaire, de retour lent
référence [9]. à un rythme de base, d'aspect biphasique, de retour à un
Une analyse du tracé toutes les 15 à 30 minutes, selon aspect de base inférieur, de variabilité absente ;
les facteurs de risque, est recommandée. Quatre para- – les ralentissements prolongés : leur pente est abrupte,
mètres sont pris en compte, parallèlement aux contractions leur durée est comprise entre deux et dix minutes, et
utérines : leur chronologie est variable.
52   Partie I. Accouchement normal

Interprétation du RCF ■ type 4 : RCF normal en début d'expulsion, apparition


L'interprétation du RCF est fondée sur l'analyse des quatre secondaire d'une bradycardie.
critères préalablement définis et, en cas d'anomalie sur leur Les types 0 et 1 sont à faible risque d'acidose. Les types
aspect, leur durée et leur évolution. 2, 3 et 4 sont associés à une baisse plus rapide du pH fœtal,
Le RCF est dit normal lorsqu'il remplit les quatre critères incitant à abréger l'expulsion (figure 3.19).
suivants : Depuis, plusieurs études ont insisté sur les difficul-
■ rythme de base compris entre 110 et 160 bpm ; tés d'interprétation du RCF pendant les efforts expulsifs.
■ variabilité comprise entre 6 et 25 bpm ; Scheiner et al. [22], dans une population de grossesses à
■ réactivité : présence d'accélération ; bas risque avec RCF normal en début de travail, retrouvent
■ ralentissement : absence. 75 % d'anomalie ; dans le groupe RCF anormal, 12,9 % des
Si le RCF est normal, on peut considérer que le fœtus est enfants avaient un pH dans l'artère ombilicale inférieure à
correctement oxygéné et le score d'Apgar à la naissance est 7,20 (versus 2,1 % dans le groupe RCF normal). Le risque
normal dans plus de 99 % des cas. Cependant, la constata- d'acidose est augmenté en cas d'anomalies présentes durant
tion d'anomalies est très fréquente. Il existe de nombreux la première phase, de diminution de la variabilité, de ralen-
faux positifs, c'est-à-dire de faux signes d'asphyxie : c'est le tissements tardifs répétés et de bradycardie prolongée.
principal défaut de la technique. Si l'enregistrement du RCF
est un excellent moyen de dépistage de l'asphyxie fœtale,
dans un grand nombre de cas il ne permet pas d'affirmer ni
Surveillance maternelle
de juger de son degré de gravité. Enfin, il faut surveiller les paramètres maternels :
Plusieurs classifications ont été proposées. Leur multipli- ■ toutes les heures : le pouls et la TA – un appareil automa-
cité montre les difficultés rencontrées dans l'interprétation tique peut être utilisé ;
de certaines anomalies. Les auteurs s'accordent sur la gravité ■ toutes les trois heures : la température, l'état général de la
certaine de : mère et son comportement.
■ une bradycardie prolongée à 60 bpm sans récupération ; Répétons ici l'intérêt d'une présence humaine (compa-
■ l'association d'une tachycardie, d'une diminution de la gnon, soignant) aux côtés de la femme dans une salle de
réactivité et de ralentissements répétés ; naissance de plus en plus encombrée de matériel électro-
■ la constatation d'un rythme plat dès le début du travail. nique. Elle permet une aide psychologique très utile pour le
En revanche, c'est sur l'analyse d'anomalie isolée, et en déroulement physiologique de l'accouchement [23].
particulier sur l'analyse des ralentissements, qu'il est difficile
de se prononcer. L'ACOG et le SGOC ne proposent pas de
classification et parlent de « tracé non rassurant » ; la classifi-
cation suédoise parle de « tracé intermédiaire ». Le CNGOF
[9], dans les recommandations pour la pratique clinique, a
classé les anomalies en : faible risque d'acidose, risque d'aci-
dose, risque important d'acidose, risque majeur d'acidose
(voir chapitre 14).
Dans les tracés non rassurants, la mesure du pH sur le
scalp est la méthode de référence pour diagnostiquer une
acidose. Cependant, en raison des difficultés techniques
qu'elle présente, elle reste peu utilisée. L'étude du pH du
sang fœtal prélevé au scalp, la mesure des lactates et l'ECG
fœtal ne font pas partie de la surveillance systématique du
fœtus [13]. Ce sont des outils complémentaires pour l'aide à
la décision en cas d'anomalies du RCF (chapitre 14).
En début de deuxième phase, l'interprétation des ano-
malies est sensiblement la même qu'en première phase.
Pendant la période d'expulsion, les anomalies du RCF sont
plus fréquentes. Elles peuvent traduire une asphyxie mais
aussi être consécutives au stress fœtal ou à de simples phé-
nomènes mécaniques. Merger et al. [18] ont étudié les tracés
de la période expulsive en essayant de les classer et de leur
donner une simplification prédictive. C'est la classification
dite de Melchior :
■ type 0 : rythme non modifié (2,1 % des cas) ;
■ type 1 : ralentissement au cours des efforts expulsifs avec
RCF normal entre les poussées (43,3 % des cas) ;
■ type 2 : bradycardie permanente d'apparition précoce
(42,8 % des cas) ; Fig. 3.19. Les différents types de tracés du RCF au cours de
■ type 3 : bradycardie permanente avec accélération au l'­expulsion. D'après Merger R, Lévy J, Melchior J, Précis d'obstétrique.
moment des contractions (3,8 % des cas) ; Paris: Masson ; 2001.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    53

Partogramme (figure 3.10) ■ les observations concernant la poche des eaux (intacte,
rompue) et après rupture, l'aspect du liquide amniotique
Tous les éléments de la surveillance sont regroupés dans (clair, méconial, fluide ou épais) ;
le partogramme qui doit être tenu avec soin, même en cas ■ les observations concernant le RCF : normal ou anormal,
d'urgence. avec descriptions des anomalies ;
Le partogramme est l'enregistrement graphique de ■ les événements majeurs : hémorragies, procidence, choc
l'évolution du travail, de l'accouchement et des données de maternel, présentation dystocique ;
surveillance maternelle et fœtale qui s'y rapportent. Il est ■ les thérapeutiques prescrites avec leurs caractéristiques :
indispensable d'identifier avec précision les différents inter- heures, voies d'administration, posologies, durées, nom
venants, les repères chronologiques, les données cliniques du prescripteur ;
et les prescriptions thérapeutiques [2]. C'est une méthode ■ les heures des décisions et réalisation des interventions.
simple, objective, reproductible et peu coûteuse qui permet Le graphique se termine à dilatation complète mais il est
d'avoir une vue synthétique de la marche du travail et amé- logique que la deuxième phase du travail figure aussi sur le
liore la qualité des soins. partogramme, ainsi que le mode d'accouchement, la déli-
vrance, les complications éventuelles et les interventions.
Schéma de la progression du travail Le compte rendu de l'accouchement est obligatoire. Celui-ci
sera d'autant plus détaillé qu'il y aura eu une complication.
La mise en route du partogramme implique que le dia-
gnostic du travail soit établi. Au départ, le diagnostic entre
faux travail et phase de latence n'est pas toujours évident. Outil d'aide à la communication
Ce diagnostic est pourtant primordial car il conditionne les et à la décision
prises de décisions ultérieures. Dans le travail spontané, la Le travail se déroule dans le temps. De nombreux profes-
majorité des auteurs s'accorde pour ne pas inclure la phase sionnels interviennent et se succèdent en salle de naissance.
de latence mais recommande l'utilisation du partogramme Le partogramme est le témoin objectif de l'évolution du
dès le début de la phase active. L'OMS [14] et l'ANAES [2] travail. Il est le support de transmission entre les différents
recommandent de commencer le partogramme : acteurs.
■ à partir de 3 cm en cas de travail spontané (phase active) ; Le partogramme permet de vérifier la normalité du tra-
■ ou dès le début du déclenchement artificiel du travail ; vail et d'attirer l'attention précocement en cas d'anomalie.
■ ou au début de l'analgésie péridurale, si elle est placée Le travail normal est caractérisé par des délais normaux de
avant 3 cm. la durée de dilatation, la régularité dans la courbe de dila-
Le partogramme nécessite un document préimprimé (ou tation, la descente régulière de la tête, l'absence de signe
informatique) avec en abscisse le temps (en heure) et en d'anoxie fœtale. En cas d'anomalie dans la progression ou
ordonnée la dilatation du col (en centimètre), et la descente d'anomalies du RCF, la situation doit être réévaluée.
de la tête par rapport aux épines sciatiques (en centimètre). Il C'est une aide dans la prise de décision qui permet d'évi-
se compose de deux courbes : l'une ascendante décrit la dila- ter certaines prolongations excessives du travail ou des
tation cervicale, l'autre descendante représente le niveau de interventions intempestives.
la présentation dans la filière génitale en fonction de l'heure.
Les intervalles de graduation de l'axe des abscisses (heures)
doivent être égaux à ceux de l'axe des ordonnées (centimètres). Document médicolégal
La construction de ce graphique impose de la rigueur L'obstétrique est une discipline à haut risque médicolégal.
afin que son interprétation ne soit pas faussée [16]. Le partogramme bien tenu fournit des informations sur le
déroulement et la surveillance du travail. Il permet, a pos-
Synthèse des éléments de surveillance teriori, d'évaluer la qualité de la prise en charge, de l'apport
des soins attentifs et consciencieux. C'est un document
maternelle et fœtale essentiel, avec l'enregistrement du RCF, en cas de complica-
La synthèse varie considérablement dans la forme et dans tion ou d'accident dans l'analyse du dossier.
le fond selon les équipes. Elle doit être remplie pendant le
travail. L'identification de la patiente et les différents inter-
venants (sages-femmes, obstétriciens, anesthésistes) doivent Hygiène et prévention
être notés, ainsi que les heures d'appel et d'arrivée, et les des infections en salle de naissance
heures précises des interventions. Il n'existe pas de texte
réglementaire fixant les informations médicales obligatoires Rappelons que les règles d'asepsie s'imposent à tous en salle
qui devraient y figurer, mais les avis professionnels per- de naissance : port d'un calot, d'une bavette, d'un pyjama et
mettent d'identifier les éléments qui doivent être notés : de chaussures réservées à la salle de naissance. Ces règles
■ les observations concernant la mère : pouls, tension sont fondamentales pour la prévention des exceptionnelles
artérielle toutes les heures, température toutes les trois infections à streptocoque A. Le lavage chirurgical des mains
heures, état général, comportement, perception de la avant l'examen d'une parturiente ou de son nouveau-né et,
douleur, etc. ; a fortiori, avant tout accouchement est une nécessité pour
■ les observations concernant le déroulement du travail : prévenir la transmission des infections nosocomiales. Le
dilatation du col et consistance, présentation, hauteur, port d'une casaque stérile et de gants est indispensable pour
orientation et flexion de la tête fœtale ; les accouchements et les manœuvres obstétricales.
54   Partie I. Accouchement normal

Antibioprohylaxie
Recommandations
Si les prélèvements vaginaux à la recherche du streptocoque
B faits entre 34 et 38 SA ont été positifs, il faut faire une injec- En raison de la possibilité de survenue d'événements indési-
tion de pénicilline G en tout début de travail (5 millions d'UI rables au cours du travail, même sans facteur de risque, une sur-
puis 2,5 millions d'UI toutes les 4 h jusqu'à l'expulsion) ou veillance attentive est indispensable pour toutes les patientes.
d'amoxicilline en intraveineux (2 g puis 1 g toutes les 4 h). Il À l'admission, il faut s'assurer de l'absence ou de l'existence de
en sera de même si on a découvert du streptocoque B dans les facteurs de risque ou d'une pathologie nécessitant une prise
urines en cours de grossesse ou en cas d'antécédents d'infec- en charge spécifique, et vérifier la date du terme. Il faut faire
tion néonatale à streptocoque B. En cas d'allergie à la pénicil- un examen clinique et un enregistrement continu du RCF pen-
line, l'érythromycine ou une céphalosporine seront utilisées. dant au moins 30 minutes. En l'absence d'anomalie, pendant la
En l'absence de prélèvement, une antibioprophylaxie doit phase de latence, la surveillance peut être discontinue.
être administrée en cas de prématurité, de rupture des mem- Une surveillance clinique régulière doit être effectuée et, à
branes supérieure à 12 heures ou de température maternelle partir du début de la phase active, un enregistrement continu
supérieure à 38 °C [3]. du RCF est fortement recommandé jusqu'à l'accouchement.
La tenue du dossier doit être irréprochable. L'élaboration d'un
partogramme est indispensable.
VIH, hépatites B et C
Une progression normale du travail (dilatation régulière du col,
En France, environ une femme qui accouche sur mille est engagement de la présentation) et un tracé du RCF normal sont
séropositive pour le VIH (soit 700 à 900 accouchements par des éléments rassurants.
an), mais ce chiffre peut atteindre 10 à 30 % dans certains La constatation d'une anomalie de la progression ou du RCF
pays d'Afrique. Si la femme est sous traitement a­ ntirétroviral doit être analysée avec rigueur, en tenant compte de la gravité
avec obtention d'une charge virale indétectable, l'accouche- de l'anomalie constatée mais aussi du contexte obstétrical et de
ment par les voies naturelles peut être autorisé. Dans ce cas, la possibilité d'intervention rapide en cas d'aggravation.
il faut rappeler que la pose d'une électrode de scalp ou une La difficulté majeure est, dans les situations intermédiaires, la
microanalyse de sang fœtal au scalp sont contre-indiquées. décision d'intervention. Le risque est double : intervenir trop
La contamination du personnel soignant par les virus des tard et laisser s'aggraver une asphyxie ou, au contraire, inter-
hépatites B et surtout C reste plus fréquente. venir trop tôt et augmenter les interventions inutiles. En cas de
Les mesures d'hygiène doivent être renforcées par le décision d'expectative, une vigilance accrue est indispensable
port de deux paires de gants lors des actes chirurgicaux et, en cas d'événement nouveau, la décision doit être revue.
et le port de lunettes. Il faut mettre des gants lors de tout Cette surveillance attentive doit s'accompagner d'une attitude
acte impliquant un contact éventuel avec des substances chaleureuse et empathique vis-à-vis de la femme et de son
contaminantes : sang, délivre, fœtus. Il ne faut pas recapu- compagnon, et l'humanisation des soins ne dispense pas du
chonner les aiguilles ni les dégager à la main des systèmes respect des règles d'hygiène.
de Vacutainer®. Enfin, il faut aussi se relaver les mains après
chaque acte de soin.
En cas de contamination accidentelle, le risque de trans-
mission est faible et estimé à moins de 1 %. Cependant, il Références
faut : [1] ACOG. Practice Bulletin, 2005 Intra-partum fetal heart monitoring,
■ rincer abondamment la plaie ; n° 70. Obstet Gynecol 2005 ; 106 : 1653–60.
■ désinfecter à l'alcool à 70° ; [2] ANAES. Évaluation de la qualité de la tenue du partogramme ; janvier
■ faire un prélèvement de sang pour une sérologie VIH le 2000.
jour même de l'accident ; elle sera renouvelée à 3 mois, [3] ANAES. Prévention anténatale du risque infectieux bactérien néonatal
6 mois et 1 an ; précoce ; 2001.
[4] ANAES. Intérêt et indications des modes de surveillance du rythme
■ faire une déclaration d'accident au service de médecine
cardiaque fœtal au cours de l'accouchement normal ; 2002.
du travail ; [5] Alfirevic Z, Devane D, Gyte GM. Continuous cardiotocography
■ envisager avec le médecin référent des accidents d'expo- (CTG) as forum of electronic fetal monitoring (EFM) for fetal assess-
sition au sang (AES) un traitement d'urgence par chimio- ment during labor. Cochrane Database Syst Rev ; 2006. 3CD006066.
thérapie préventive selon la gravité de la contamination [6] Bakker PCAM, Kuver PHJ, Kuik DJ, et al. Elevated uterine activity
et l'état viral du patient contaminant. Le risque est estimé increase the risk of fetal acidosis at birth. Am J Obstet Gynecol 2007 ;
à quatre pour 1 000 et le traitement réduit de 80 % le 196 : 1–6.313e.
risque. On conseille souvent l'association de Combivir® [7] Bakker JJ, Verhoeven CJ, Janssen PF, et al. Outcomes after internal
(1 comprimé matin et soir) et de Viracept® (5 comprimés versus external tocodynamometry for monitoring labor. N Engl J Med
matin et soir). 2010 ; 362 : 306–13.
[8] Chua S, Kurup A, Arulkumaran S, et al. Augmentation of labor : does
■ une sérovaccination de l'hépatite B sera mise en route si
internal tocography result in better obstetric outcome than external
le sujet n'était pas vacciné. tocography ? Obstet Gynecol 1990 ; 76 : 164–70.
Il existe dans tous les CHU de France un centre d'in- [9] CNGOF. Modalités de la surveillance fœtale pendant le travail.
formations et de soins de l'immunodéficience humaine J Gynecol Obstet Biol Reprod 2008 ; 37 : S1S103.
(CISIH) qui proposent des protocoles et, la nuit, les services [10] Graham EM, Petersen SM, Christo DK, et al. Intra-partum electro-
d'urgences peuvent répondre aux appels des personnels en nic fetal heart rate monitoring and the prevention of perinatal brain
cas d'accident d'exposition au sang (AES). injury. Obstet Gynecol 2006 ; 108 : 656–66.
Chapitre 3. Surveillance clinique et électronique du travail    55

[11] Henry DE, Cheng YW, Shaffer BL, et al. Perinatal outcomes in the [21] Schaal JP, Riethmuller D, Maillet R. Mécanique et techniques obstétri-
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[20] Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. The use of electro-
nic fetal monitoring. Evidence based clinical guideline n° 8. London :
RCOG Press ; 2001.
Chapitre
4
Accouchement normal
en présentation du sommet
J. Lansac, C. Ouédraogo

PLAN DU CHAPITRE
Éléments de la définition de la présentation Accouchement en présentation
du sommet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  57 du sommet – variétés postérieures . . . . . . . . .  72
Diagnostic de la présentation du sommet . . .  59 Conduite pratique de l'accouchement
Accouchement en présentation du en présentation du sommet . . . . . . . . . . . . . . .  74
sommet – variétés antérieures . . . . . . . . . . . . .  60 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  77

OBJECTIFS
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• de reconnaître une présentation du sommet en précisant
sa variété de position ;
• de faire le diagnostic d'engagement ;
• d'expliquer le mécanisme de la descente et de la rotation
de la tête dans la présentation du sommet ;
• d'expliquer le mécanisme du dégagement dans la
présentation du sommet ;
• de surveiller le travail et de faire un accouchement en
présentation du sommet, et d'être capable de décider de
la nécessité de faire une épisiotomie ou non.

La présentation du sommet est la présentation la plus favo-


rable et la plus fréquente (95 % des accouchements). Nous
décrirons donc aussi dans ce chapitre la conduite du travail
et de l'accouchement eutociques.

Éléments de la définition Fig. 4.1. Flexion de la tête. a. Sommet bien fléchi. b. Sommet mal
de la présentation du sommet fléchi. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris :
Masson ; 1983.
Le sommet est la présentation
de la tête fléchie (figure 4.1) importante, le sommet restant la partie de la présenta-
La partie du fœtus qui se présente la première au tion plongeant vers le détroit moyen : il s'agit toujours
détroit supérieur pour pénétrer dans le détroit moyen d'une présentation du sommet mais mal fléchie.
lorsque débute l'accouchement est le pôle céphalique ;
au moment où celui-ci prend contact avec le détroit
supérieur, la tête fœtale se fléchit sur le tronc de telle L'occiput est le repère de la présentation
sorte que le menton vient au contact du tronc : c'est la C'est sa partie la plus déclive, facilement repérable par la
présentation du sommet. Parfois, cette flexion est moins fontanelle postérieure (ou lambda), formée par les sutures

Pratique de l'accouchement
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58   Partie I. Accouchement normal

interpariétales et inter-pariéto-occipitales. En fonction de ce Diamètres de la tête fœtale


que l'occiput se trouve en avant vers l'éminence iliopectinée, Sous la force des contractions utérines, la tête fœtale fran-
ou en arrière vers le sinus sacro-iliaque, quatre variétés de chit les obstacles représentés par le bassin et le plancher
position sont possibles : musculoaponévrotique pelvien maternels, en présentant ses
■ les variétés antérieures (planche 4.1) les plus fréquentes plus petits diamètres :
(60 % des accouchements) se divisent en occipito-iliaque ■ diamètre transversal : bipariétal mesurant 9,5 cm :
gauche antérieure (OIGA), très fréquente (57 %), et occi- ■ diamètre antéropostérieur surtout : sous-occipito-breg-
pito-iliaque droite antérieure (OIDA), très rare ; matique, allant de la base de l'occipital à la grande fonta-
■ les variétés postérieures (planche 4.1) se décomposent nelle et mesurant également 9,5 cm ; dans la présenation
en occipito-iliaque droite postérieure (OIDP) (33 %) du sommet mal fléchie, il s'agit du diamètre sous-occi-
et occipito-iliaque gauche postérieure (OIGP), plus pito-frontal (10,5 à 11 cm) (figure 4.2).
rare (6 %). C'est donc une présentation eutocique.

Planche 4.1. Variétés de présentation du sommet


Variétés antérieures

Occipito-iliaque gauche antérieure (OIGA) Occipito-iliaque droite antérieure (OIDA)

Symphyse
Symphyse
pubienne
pubienne

Occiput
Occiput

Coccyx
Coccyx

L'orientation de la tête en OIGA est la plus L'orientation de la tête en OIDA représente 4 %.


fréquente : 57 %.

Variétés postérieures

Occipito-iliaque droite postérieure (OIDP) Occipito-iliaque gauche postérieure (OIGP)

Occiput Occiput

L'orientation de la tête en OIDP représente 33 %. L'orientation de la tête en OIGP représente 6 %.


Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    59

Diagnostic de la présentation
du sommet
Il repose sur l'examen abdominal et le toucher vaginal.

Palper abdominal (planche 4.2)


Il permet de constater que :
■ la présentation est longitudinale, formant un ovoïde à
grand axe vertical et à grosse extrémité supérieure ;
■ le pôle céphalique est à la partie basse de l'utérus. On le
repère en plaçant les deux mains de part et d'autre de la
présentation, en plongeant vers l'excavation pelvienne et en
déprimant le segment inférieur. Il est rond, dur et régulier ;
■ le siège est dans la région fundique de l'utérus plus mou,
mal défini, plus gros, et ses contours sont irréguliers.
Fig. 4.2. Diamètres de la tête fœtale dans la présentation du Le plan du dos est repéré en s'aidant de la manœuvre de
sommet. a. Diamètre sous-occipito-bregmatique. b. Diamètre Budin : la main gauche appuie sur le fond utérin de haut
bipariétal. c. Face supérieure. d. Face postérieure.

Planche 4.2. Manœuvre de Léopold pour le diagnostic de la position fœtale

a. Présentation du sommet, dos à gauche et antérieur.

1. Palpation du pôle supérieur. 2. Détermination du pôle 3. Le sommet est mobilisable 4. Repérage du front et de
inférieur. alors que le siège bouge l'occiput.
avec le corps fœtal.

b. Ici, le dos est à droite et postérieur.


60   Partie I. Accouchement normal

en bas, ce qui accentue la saillie du plan du dos grâce à la Accouchement en présentation


flexion générale du corps du fœtus. La main droite repère
alors facilement le plan du dos plus dur que la paroi utérine.
du sommet – variétés antérieures
Ce plan se continue en haut avec le siège. En bas, il est séparé La présentation en OIGA est la présentation la plus
de la tête par une dépression : le sillon du cou surmonté de la fréquente.
saillie acromiale. Certains utilisent la distance de celle-ci au La situation de la tête en OIDA ne sera pas décrite car elle
bord supérieur de la symphyse comme un élément du dia- est rare et ne présente pas de particularité.
gnostic d'engagement. Elle est de moins de 7 cm (4 travers Le mobile fœtal franchit chacun des trois étages du bassin
de doigts), lorsque la tête est engagée. (planche 4.3 et ) en s'adaptant et en s'orientant de la façon
Dans les variétés antérieures, le dos est largement acces- la plus favorable. À chacun des trois étages correspond un
sible au palper. Dans les variétés postérieures, les doigts ne temps de l'accouchement :
perçoivent que son bord latéral (planche 4.2). ■ l'engagement est la traversée du détroit supérieur. C'est
Le foyer des bruits du cœur est perçu du côté du plan du le temps le plus important, aboutissement plus ou moins
dos, au-dessous de l'ombilic maternel, assez proche de la prolongé de la période du travail ;
ligne médiane dans les variétés antérieures, plus en dehors ■ la descente et la rotation (intrapelviennes) : c'est la traver-
dans les variétés postérieures. sée du détroit moyen ;
■ le dégagement (ou expulsion) qui correspond à la
Toucher vaginal traversée du détroit inférieur osseux et musculaire
Il permet : (planche 4.3).
■ de confirmer le diagnostic de présentation par la percep-
tion de la tête dure et ronde ; Engagement au détroit supérieur
■ d'observer l'effacement, la dilatation du col et l'intégrité
de la poche des eaux ; Mécanique obstétricale
■ lorsque la dilatation cervicale le permet, de repérer la L'engagement de la tête est précédé de deux phénomènes
fontanelle postérieure qui sert de repère et se trouve en préparatoires : l'orientation et l'amoindrissement qui consti-
avant (OIGA ou OIDA) ou en arrière (OIDP, OIGP), et tuent l'accommodation fœtopelvienne au détroit supérieur.
d'apprécier le degré de flexion de la tête : plus la fonta- Les phénomènes mécaniques sont eux-mêmes influencés
nelle postérieure est proche du centre du bassin, plus la par l'organisation fonctionnelle de la parturiente .
présentation est fléchie ;
■ d'apprécier la hauteur de la présentation, haute et mobile, Orientation
ou au contraire fixée, voire engagée.
Le plus grand diamètre du crâne fœtal s'oriente dans l'un des
grands axes du bassin qui mesure 12 cm (figure 4.3).
Difficultés du diagnostic L'occiput est le plus souvent en avant ; sa courbure arron-
Elles sont rares sauf si l'utérus en travail se relâche mal et s'il die s'adapte bien à l'arc antérieur du bassin.
existe une bosse sérosanguine ou si la patiente est obèse ou Le bassin étant le plus souvent symétrique, le diamètre
peu coopérante. d'engagement est déterminé par la place du tronc fœtal qui
L'échographie peut alors être utile, montrant le pôle cépha- se loge plus facilement à gauche qu'à droite où se trouve le
lique. Le repérage des orbites permet de préciser le type de pré- foie, d'où probablement la plus grande fréquence des pré-
sentation postérieure (OIDP, OIGP). Si les orbites ne sont pas sentations en OIGA (60 % des présentations du sommet) et
vues, il s'agit d'une présentation antérieure [29]. De même, en la rareté des OIDA.
mesurant la distance périnée-présentation fœtale, on peut dire
que si cette distance est inférieure à 60 mm, la présentation
Amoindrissement
est engagée avec une valeur prédictive positive de 95,6 % [23].
Le tableau 4.1 résume les éléments de diagnostic clinique. La présentation s'oriente mais aussi réduit au minimum ses
dimensions par :
■ la possibilité de chevauchement des os du crâne, l'écaille
Tableau 4.1. Éléments du diagnostic de occipitale glissant sous les pariétaux ;
présentation du sommet. ■ mais surtout une flexion de la tête sur le tronc : le dia-
Variétés Variétés
mètre occipitofrontal (en position indifférente) devient
antérieures postérieures le diamètre sous-occipito-bregmatique (sommet bien
fléchi) (figure 4.4) ne mesurant que 9,5 cm et devenant
Occiput Vers l'avant Vers l'arrière
identique au diamètre transversal, le bipariétal. Cette
Front Vers l'arrière Vers l'avant flexion, dans les variétés antérieures, est due à l'appui du
Plan du dos Bien perçu Mal perçu front sur la margelle postérieure du bassin (plus haute
Sillon du cou Bien perçu Mal perçu que la symphyse pubienne, à laquelle correspond l'occi-
put fœtal) (figure 4.5). L'engagement se produit de façon
Bruits du cœur Proche ligne Sous l'ombilic assez
synclite ;
médiane sous externe par rapport
l'ombilic maternel à la ligne médiane
■ une flexion latérale qui est à l'origine d'un asynclitisme :
l'axe de la suture médiane ne correspond plus au diamètre
Toucher vaginal OIDA ou OIGA OIDP ou OIGP
oblique d'engagement mais est reporté soit vers l'avant,
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    61

Planche 4.3. M
 écanisme de l'accouchement dans la présentation du sommet,
variétés antérieures

Dégagement en OP

Engagement en OIGA

Diamètre
d’engagement

Diamètre
de dégagement

Schéma du bassin montrant les diamètres Détroit inférieur


Détroit supérieur
d'engagement et de dégagement. Descente en rotation

Détroit moyen

Représentation schématique de l'évolution de la tête fœtale


au cours de l'accouchement en présentation du sommet.

Descente en
rotation Dégagement Tête mobile en transverse
de la tête
Engagement au détroit
supérieur en OIGA

Descente
et rotation

Périnée
au grand
couronnement

Détroit inférieur
Détroit supérieur

Représentation de l'évolution de la tête fœtale au cours Même représentation schématique du lieu géométrique
de l'accouchement en présentation du sommet, variété de l'oreille antérieure.
en OIGA avec évolution de l'oreille antérieure.
62   Partie I. Accouchement normal

soit vers l'arrière, par un mouvement de bascule latérale. La région frontale de la tête fœtale se loge dans l'un des sinus
La poussée utérine engage une bosse pariétale puis l'autre sacro-iliaques, alors que sa partie la plus large, la région
(planche 4.4). occipitale, correspond à la partie la plus large du détroit
La présentation, orientée et présentant des diamètres supérieur.
facilement acceptables par le détroit supérieur, permet alors
l'engagement. Clinique (planche 4.5)
Avant l'engagement
Engagement
■ À la palpation abdominale, on perçoit bien l'occiput ; le
Le diamètre sous-occipito-bregmatique (9,5 cm) se super- front reste à distance du bord supérieur de la symphyse,
pose à l'un des deux diamètres obliques du bassin (12 cm), le la tête est mobile, et la saillie acromiale de l'épaule anté-
diamètre bipariétal s'orientant dans l'autre diamètre oblique. rieure est située à quatre travers de doigt au-dessus de la
symphyse.
■ Au toucher vaginal, l'excavation est vide, la tête est haute,
parfois mobile.

Lorsque la tête est engagée


■ À la palpation abdominale, on ne sent plus l'occiput, le
moignon de l'épaule est à moins de trois travers de doigt
de la symphyse.
■ Au toucher vaginal, lorsque les deux doigts introduits
sous la symphyse et dirigés vers la deuxième pièce sacrée
sont arrêtés par la présentation, on dit que la tête est
engagée (signe de Farabeuf). Le point le plus bas de la
tête est au niveau du plan des épines sciatiques (niveau
0). On peut alors mesurer la descente de la tête en centi-
mètres à partir de cette ligne (planche 4.5).
Fig. 4.3. Orientation de la tête selon un des diamètres obliques
Le toucher vaginal permet aussi d'apprécier l'évolution
du bassin, ici en OIGA. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique de la présentation. Par la palpation de la suture sagittale
(tome II). Paris : Masson ; 1983. médiane et des sutures inter-pariéto-occipitales, il précise :

Fig. 4.4. Flexion de la tête permettant la réduction du diamètre d'engagement de la tête fœtale. 1 et 3 : position indifférente ; 2 et 4 :
flexion ; 5 : accommodation et ampliation du segment inférieur. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris : Masson ; 1983.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    63

cours de la descente, passant de l'axe ombilicococcygien du


détroit supérieur à un axe horizontal par un mouvement de
pivot autour de la symphyse pubienne.

Rotation (planche 4.3, figures 4.7 et 4.8)


La présentation rencontre le puissant muscle releveur de
l'anus au contact duquel se fait la rotation. Cette rotation
fait toujours correspondre l'axe antéropostérieur de la
tête, c'est-à-dire le diamètre sous-occipito-bregmatique,
et l'axe antéropostérieur du détroit inférieur, donc selon
l'axe de la boutonnière musculaire périnéale et de l'ori-
fice vulvaire. Une rotation de 45°, quasi constante vers
l'avant, amène l'occiput sous la symphyse pubienne. C'est
la position occipitopubienne (OP). La rotation peut être
tardive et faire suite à la descente, ou lui être synchrone,
se produisant plus ou moins haut dans l'excavation
pelvienne.

Clinique
Le toucher vaginal suit la descente par la position du som-
met par rapport aux épines sciatiques et au périnée.
Il suit également la rotation par la position des sutures
Fig. 4.5. Représentation schématique de la flexion de la tête. et de la petite fontanelle, s'assurant que la rotation de l'occi-
put se fait vers l'avant, habituellement au niveau de la par-
■ l'orientation et détermine ainsi les variétés de position de tie moyenne et surtout de la partie basse de l'excavation. Il
la présentation selon la position de l'occiput par rapport arrive qu'au niveau de l'excavation on constate un certain
au bassin maternel : OIGA (la plus fréquente, environ degré de déflexion de la tête (celle-ci ayant une mobilité plus
60 % des cas) ou, rarement, OIDA (planche 4.1) ; grande à ce niveau) pouvant ralentir la descente et retarder
■ la flexion : la présentation est bien fléchie et synclite la rotation.
lorsque la petite fontanelle est au centre du détroit supé- La présentation entre alors dans le bassin « mou » pour
rieur et la suture sagittale superposable à l'un des deux permettre le dégagement.
axes obliques du détroit supérieur (voir figure 4.4 et ).
La grande fontanelle n'est pas perçue : moins la présenta- Dégagement et expulsion
tion est bien fléchie et plus la petite fontanelle se rap- au détroit inférieur
proche de l'éminence iliopectinée correspondante.
S'il existe un asynclitisme, celui-ci est dit : À ce niveau, la tête fœtale puis le reste du corps sont expul-
■ antérieur : engagement de la bosse pariétale antérieure sés hors des voies génitales.
(planche 4.4) ;
■ postérieur, le plus souvent, si celle-ci est au contraire Mécanique obstétricale
proche du pubis : engagement de la bosse pariétale posté- Expulsion de la tête
rieure (planche 4.4). La présentation bien fléchie et orientée selon l'axe antéro-
La flexion est fixée lorsqu'elle est non mobilisable au postérieur (pubococcygien) du détroit inférieur franchit le
palper abdominal et non refoulable au toucher vaginal. Elle plan du détroit inférieur. L'expulsion proprement dite com-
est dite engagée lorsque l'on ne peut plus passer deux doigts mence et comporte plusieurs étapes.
entre le sommet et la concavité sacrée (signe de Farabeuf)
ou encore lorsque l'on bute largement sur le sommet, les
Les efforts de poussée
doigts passant au bord inférieur du pubis et étant introduits
Les efforts de poussée volontaires de la femme se font si pos-
selon un plan parallèle à celui du détroit supérieur.
sibles à glotte fermée. Ils associent la contraction des muscles
abdominaux et du diaphragme aux contractions utérines
Descente et rotation au détroit moyen pour propulser la tête fœtale sur le périnée .
Mécanique obstétricale
Ampliation périnéale (figures 4.9 et 4.10)
La présentation rencontre dans l'excavation pelvienne des Sous la poussée des contractions utérines et des efforts
diamètres largement suffisants lui permettant de descendre expulsifs, la présentation refoule le coccyx vers l'arrière et les
au contact du plancher pelvien qui détermine sa rotation. fibres musculoaponévrotiques périnéales.
La fourchette vulvaire est repoussée en haut et en avant,
Descente (planche 4.3, figure 4.6) l'orifice vulvaire tend à devenir horizontal.
La présentation progresse selon l'axe d'engagement (oblique La mise en tension du faisceau interne (figure 4.9) du
gauche surtout). Sa direction évolue progressivement au releveur de l'anus ouvre l'orifice anal.
64   Partie I. Accouchement normal

Planche 4.4. Synclitisme et asynclitisme


Flexion latérale

a. Engagement synclite.
a b
b. Engagement avec asynclitisme.

Engagement synclite Engagement avec asynclitisme

Asynclitisme antérieur Asynclitisme postérieur

Axe de la tête (AT) Axe de la tête (AT) Axe


Plan de la tête Plan
du détroit supérieur Plan
(AT) du détroit supérieur
du détroit supérieur
(PDS)
(PDS) (PDS)

Axe du détroit supérieur (ADS)


Axe du détroit supérieur (ADS)
a Axe du détroit supérieur (ADS)
AT = ADS a a
Axe du détroit supérieur (ADS)
Axe du détroit supérieur (ADS)
Axe
de la tête
Axe de la tête (AT)
(AT)

Pariétal Pariétal Pariétal


antérieur postérieur antérieur
(PA) (PP) (PA)

b Pariétal
postérieur
b (PP)
a. Coupe sagittale. b
b. Toucher vaginal. a. Coupe sagittale.
b. Toucher vaginal. a. Coupe sagittale.
b. Toucher vaginal.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    65

Planche 4.5. Étude de l'engagement

Niveau 0 Épine
sciatique

c
a
c. Toucher vaginal, tête non engagée : on peut suivre la conca-
a. Estimation de la descente de la tête fœtale dans le pelvis. Lorsque
vité sacrée au-delà de S2 sans rencontrer la présentation.
le sommet a atteint le niveau des épines sciatiques, la tête est dite
engagée.

d
d. Toucher vaginal, tête engagée : les deux doigts dirigés vers
S2 rencontrent la tête fœtale (signe de Farabeuf).

Niveau 0

b. Palpation de la présentation, tête engagée : on ne sent e


pas l'occiput, le moignon de l'épaule est à moins de trois
travers de doigt de la symphyse. e. Tête haute et mobile, niveau − 3.
66   Partie I. Accouchement normal

a b c
Fig. 4.6. Descente de la tête (voir aussi vidéo 1). a. Engagement synclite et descente. b. Asynclitisme postérieur au moment de l'engagement.
c. Asynclitisme antérieur. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II). Paris : Masson ; 1983.

Fig. 4.7. Descente et rotation de la tête lors de l'accouchement du sommet, variété OIGA, vue d'en haut. 1. Engagement de la tête fléchie
OIGA. 2. Rotation et descente de la tête dans l'excavation. 3. Descente de la tête. Après rotation le front suit la concavité sacrée.

Dégagement de la tête Les différentes parties de la tête se dégagent successive-


Grâce à la flexion de la tête, la région sous-occipitale de ment de l'occiput à la face en dernier lieu (figure 4.11).
celle-ci se cale sous la symphyse pubienne ; la tête se déflé-
chit ensuite progressivement autour du pivot formé par le Expulsion du corps fœtal (planche 4.6)
bord inférieur de la symphyse pubienne, ampliant au maxi- Les autres parties fœtales suivent les mêmes temps, s'engageant
mum le périnée postérieur, décrivant ainsi une courbe. Son à leur tour, descendant et tournant dans l'excavation avant de se
axe d'expulsion devient presque vertical. dégager habituellement sans difficulté particulière :
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    67

Fig. 4.8. Rotation de la tête au cours du travail dans les variétés du sommet antérieur. D'après Benson, Obstetric and gynaecologic
diagnosis and treatment. Los Altos : Lange Medical Publications ; 1978.

■ dégagement des épaules : les épaules s'engagent, lorsque présentation descende et soit dans la partie moyenne ou
la tête se dégage, dans un diamètre oblique perpendi- basse pour démarrer les efforts expulsifs. Des anomalies
culaire à celui où s'est engagé le sommet. Les diamètres du rythme cardiaque fœtal peuvent faire débuter les efforts
transversal (biacromial : 12,5 à 13 cm, mais se réduisant expulsifs plus précocement.
facilement à 9,5 cm) et antéropostérieur (sternodorsal : Les efforts expulsifs, synchrones, des contractions uté-
9 cm) sont tout à fait compatibles avec ceux du détroit rines doivent être dirigés et débutés quand la femme a envie
supérieur. Au détroit inférieur, les épaules se dégagent de pousser :
de telle sorte que le diamètre biacromial se superpose au ■ soit avec la technique à glotte fermée en inspiration blo-
diamètre pubococcygien. L'épaule antérieure se dégage la quée (réalisant la classique séquence : inspirez, bloquez,
première, puis l'épaule postérieure ; poussez) ;
■ le dégagement du siège ne pose quant à lui aucun pro- ■ soit par une poussée soufflante ou naturelle permettant
blème en raison des dimensions réduites (diamètre bitro- une poussée efficace, non traumatisante pour la mère et
chantérien = 9 cm ; pubosacré = 6 cm). plus douce pour l'enfant. Après inspiration, l'expiration est
freinée, la contraction des muscles abdominaux refoule le
Clinique diaphragme vers le haut, le bassin bascule, l'enfant est bien
dans le bon axe de dégagement, et le périnée se distend.
Préparation à l'expulsion La technique à glotte fermée permet de diminuer la durée
Le massage périnéal avec une solution hydrosoluble ou l'ap- moyenne de l'expulsion de 18 minutes en moyenne sans
plication de compresses chaudes sur le périnée au cours du cependant présenter d'autres bénéfices maternels ou néona-
travail pourrait diminuer le taux de déchirures du troisième tal [20].
et quatrième degrés [1]. Le matériel nécessaire pour l'accouchement (tableau 4.2)
doit être préparé et vérifié. L'asepsie doit être observée au cours
Toilette périnéale des différents gestes. L'opérateur est muni de gants stériles,
Le rasage de la vulve est déconseillé car il entraîne de mul- d'un bonnet et d'un masque, la vulve est badigeonnée avec
tiples escoriations cutanées, des brûlures et ne protège pas un antiseptique non alcoolique (Bétadine® gynécologique,
contre les infections maternelles ou fœtales. Le plus simple Hibitane®, Cétavlon®) et isolée par quatre champs stériles.
est de couper au ciseau les poils les plus longs. Il n'y a pas La vessie doit au préalable avoir été vidée par miction
lieu non plus de pratiquer un lavement ou une irrigation spontanée, sinon par sondage vésical, car une vessie pleine
vaginale à la chlorhéxidine [6]. constitue un obstacle à la descente de la tête.
La femme est installée en position obstétricale, les fesses
au ras du bord de la table ou dans la position choisie (plus
loin). Dégagement de la tête
La présentation doit être engagée et son niveau connu : Il faut contrôler au doigt que, en avant, le sous-occiput s'est
partie haute, moyenne ou basse. Il faut en principe que la calé sous la symphyse pubienne ; la déflexion doit alors être
68   Partie I. Accouchement normal

Fig. 4.9. Dégagement de la tête. Ampliation du périnée . a. Fixation de l'occiput sous la symphyse. b. Déflexion de la tête sur la symphyse,
ampliation du périnée. c. Dégagement de la tête. d. Rotation de restitution de la tête pour permettre le dégagement de l'épaule.

contrôlée, une main posée à plat sur le sommet évitant une Latéralement, les bosses pariétales apparaissent, le péri-
expulsion trop brutale, l'autre accrochant le menton en née se déplisse seul ou en l'abaissant prudemment entre
arrière de l'anus (manœuvre de Ritgen). Cet appui est pro- pouce et index, faisant apparaître successivement le front,
tégé par l'interposition d'une compresse et défléchit la tête les yeux, le nez, la bouche et le menton. L'expulsion de la tête
vers le haut ; lors de cette manœuvre, les efforts expulsifs nécessite parfois une épisiotomie (voir Chapitre 30) lorsqu'il
doivent être interrompus. existe un risque périnéal. Ce dégagement contrôlé de la tête
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    69

très pratiqué n'a cependant pas fait la preuve de son efficacité Dégagement des épaules
pour la prévention des déchirures du troisième et quatrième L'épaule antérieure est progressivement dégagée, en
degré [20] en comparaison avec l'expulsion spontanée, sans s'aidant volontiers d'un effort expulsif maternel, par une
mettre les mains mais nous en conseillons la pratique. traction dirigée vers le bas ; cette traction est exercée par
Une fois sortie, la tête subit un mouvement de rotation les deux mains par l'intermédiaire de l'index et du médius,
de restitution, qu'il faut le plus souvent aider en saisissant prenant appui uniquement sur des structures osseuses en
la tête à deux mains et en amenant l'occiput du côté du dos. avant, branches horizontales du maxillaire inférieur et
Parfois, un circulaire du cordon doit être libéré, voire sec- occiput en arrière. La traction est ensuite progressivement
tionné, entre deux pinces lorsqu'il est trop serré. portée vers le haut pour dégager l'épaule postérieure ; le
périnée s'emplit de nouveau et doit être constamment
surveillé alors que les efforts expulsifs sont interdits : c'est
le deuxième temps comportant un risque périnéal. Pour
limiter ce risque, il est possible de dégager au préalable le
bras antérieur, deux doigts étant glissés le long du bras et
prenant appui sur toute la face antérieure de celui-ci. Les
épaules dégagées, on exerce une traction directement vers
soi pour dégager sans difficulté le tronc et les membres.
L'enfant est alors posé sur le ventre de sa mère, recouvert
d'un champ stérile ; le cordon est coupé entre deux pinces.
Les premiers soins peuvent être donnés au nouveau-né
avant que la délivrance ne soit effectuée. Il est nécessaire
que l'accoucheur ne soit pas seul, une aide est très souvent
nécessaire.
Fig. 4.10. Schéma de l'ampliation du périnée au cours du dégage- Il n'est pas souhaitable qu'en l'absence de souffrance
ment de la tête. fœtale la durée des efforts expulsifs excède 30 à 45 minutes. Il

Fig. 4.11. Dégagement de la tête (mécanique obstétricale) . a. Tête au détroit inférieur. b. Début de la flexion et ampliation
périnéale. c. Le diamètre sous-occipito-bregmatique est à la vulve. d. Tête dégagée. D'après Vokaer R. et al. Traité d'obstétrique (tome II).
Paris : Masson ; 1983.
70   Partie I. Accouchement normal

Planche 4.6. Expulsion (accouchement normal)

a b
a. Avec l'index de la main gauche, la sage-femme, l'interne b. La main gauche maintient la flexion de la tête, et le pouce,
ou le médecin accentue la flexion de la tête pour qu'elle se fixe soutenant le périnée, refoule à travers lui le front.
sous la symphyse. La main droite cherche le front à travers le
périnée.

d
d. La grande circonférence céphalique franchit l'anneau
c
vulvaire. C'est avec la main droite qui tient le menton que l'on
c. La main droite a saisi le menton à travers le périnée et fait fait sortir la tête, la main gauche retient l'occiput pour éviter
remonter la tête. La main gauche exerce une contre-pression de une expulsion brutale et la déchirure du périnée. La femme ne
façon à contrôler l'expulsion. doit pas pousser pendant cette période.

f
f. La tête après le dégagement : la tête, qui vient de se dégager,
e
l'occiput en avant, accomplit un mouvement de restitution qui
e. Dégagement : les doigts au travers du périnée accrochent le l'oriente en transverse, l'occiput du côté du dos. Si le cordon fait
front, la face et le menton et défléchissent la tête, tandis que la un circulaire autour du cou, on l'attire au-dehors pour former une
main gauche retient une déflexion trop rapide et régularise le anse que l'on passera autour de la tête. Si le circulaire est trop
mouvement. serré, il faut couper le cordon entre deux pinces de Kocher.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    71

g h
g. Réduction d'un circulaire du cordon après le dégagement de h. Dégagement des épaules : pour dégager l'épaule antérieure,
la tête. On fait passer le cordon autour de la tête de l'enfant, le la tête est saisie à deux mains, sous le menton et l'occiput, et
dégagement des épaules va alors pouvoir se faire. abaissée fortement dans le sens de la flèche, sur le plan du lit.

i j

i. Dégagement de l'épaule antérieure (vue de profil) : la tête j. Dégagement de l'épaule et du bras antérieur : l'épaule
est abaissée vers le plan du lit pour fixer l'épaule antérieure étant abaissée à la vulve, le bras est extrait à son tour.
sous la symphyse.

k
k. Dégagement de l'épaule postérieure : le bras antérieur étant
dégagé, la tête, toujours saisie à deux mains, est ramenée vers l
le haut. On surveille le périnée pour éviter une déchirure du fait
du dégagement trop brutal de l'épaule postérieure. l. Dégagement de l'épaule postérieure vu de profil.

D'après Lansac J, Sentilhes L, Magnin G, Obstétrique pour le praticien, 6e éd. Paris: Elsevier-Masson ; 2013.
72   Partie I. Accouchement normal

Tableau 4.2. Matériel nécessaire pour Engagement


l'accouchement.
La flexion est moins marquée, contrairement aux varié-
Quatre champs stériles ou un champ botté tés antérieures ; c'est l'occiput (et non le front) qui prend
Quatre pinces de Kocher
contact avec la margelle postérieure du bassin alors que le
front rencontre secondairement la symphyse pubienne plus
Une paire de bons ciseaux droits
bas située. En conséquence, au lieu du diamètre sous-occi-
Un clamp de Barr pito-bregmatique (9,5 cm), c'est le diamètre sous-occipito-
Des compresses stériles frontal (10-10,5 cm) qui est confronté au détroit supérieur.
L'accommodation fœtopelvienne est donc moins bonne,
Un produit antiseptique pour badigeonner (Bétadine®,
Hibitane®, Cétavlon® aqueux)
responsable :
■ d'une dilatation plus longue ;
Deux paires de gants
■ d'un œdème du col (ralentissant la dilatation) ;
Une sonde urinaire à usage unique ■ d'un engagement plus long, faisant plus souvent interve-
Des seringues et aiguilles à usage unique nir une flexion latérale de la tête (asynclitisme).
Matériel pour réparer une épisiotomie ou une petite déchirure,
y compris des pinces hémostatiques
Xylocaïne® 1 % Descente
Une pince à disséquer à griffe Elle est plus lente. La rotation est également plus difficile
(planche 4.7). Elle ne se produit le plus souvent que lorsque
Un porte-aiguille
la tête prend contact avec le plan des muscles releveurs,
Vicryl® 0 ou 00 à résorption rapide pour la peau donc tardivement. De plus, la rotation vers l'avant (la plus
favorable) nécessite une rotation de 135° au lieu de 45° pour
les variétés antérieures.
n'a cependant pas été démontré une augmentation du risque Il n'est, en conséquence, guère surprenant de constater
d'asphyxie néonatale avec la durée des efforts expulsifs mais fréquemment une bosse sérosanguine dont le volume reflète
un risque plus élevé d'hémorragies du post-partum (HPP) [18]. le degré plus ou moins important de dystocie.
Il n'est pas rare, de plus, dans les pays anglo-saxons, où l'on
fait pousser les femmes précocement sans attendre la des-
cente de la tête dans l'excavation, que la durée des efforts
expulsifs soit de deux heures. Il n'y a pas d'études permettant Dégagement
de définir la durée limite des efforts expulsifs [20]. Il s'effectue le plus souvent en OP dans plus de 95 % des
La délivrance dirigée (5 UI intraveineuses en bolus cas et ne présente alors aucune particularité. Parfois, la
ou 10 UI en intramusculaire d'ocytocine – Syntocinon®) présentation se dégage en OS , une rotation de 45° vers
doit être réalisée systématiquement, après l'extraction l'arrière ayant amené l'occiput contre le sacrum. Le front
du fœtus hors des voies génitales et après avoir vérifié est au contact de la symphyse pubienne, l'occiput balayant
l'absence d'un deuxième fœtus (cas des grossesses mul- la face antérieure du sacrum et le périnée. Le dégagement
tiples) (voir chapitres 6 et 23). L'administration préventive se fait non pas par une déflexion, mais au contraire par une
d'utérotoniques est efficace pour réduire l'incidence des flexion de la tête. Il a deux conséquences importantes :
HPP et l'oxytocine est le traitement à privilégier (grade A, ■ un risque périnéal : lorsque l'occiput se dégage, c'est le
CNGOF 2014). diamètre fronto-occipital (12 cm) qui franchit l'orifice
vulvaire. L'ampliation importante du périnée droit est
plus dangereuse pour le périnée (figure 4.12) ;
Accouchement en présentation ■ un risque fœtal : le dégagement est plus traumatisant
du sommet – variétés postérieures pour l'enfant, faisant intervenir des forces et des pres-
sions sur la tête plus importantes. L'épisiotomie, voire
Elles représentent 20 % des présentations du sommet. Elles l'extraction instrumentale, peut utilement abréger une
sont plus rares que les variétés antérieures. Elles se carac- expulsion longue et difficile . Cependant en faisant
térisent par la position postérieure de l'occiput sur l'un des passer le taux d'épisiotomie de 58 à 1,8 %, l'équipe de
deux diamètres obliques (gauche le plus souvent) du détroit Besançon n'a pas augmenté le taux de déchirures graves
supérieur, définissant les deux variétés de position : du périnée [34].
■ occipito-iliaque droite postérieure (OIDP) représentant
30 à 45 % des présentations du sommet ;
■ occipito-iliaque gauche postérieure (OIGP) représentant Rotation manuelle
seulement 6 % environ des présentations du sommet. ■ En cas de variété postérieure qui ne tourne pas et dont le
La majorité de ces présentations postérieures tourneront travail se prolonge, on essaie d'abord de tourner la tête à
en OP mais 5 % ne tourneront pas et se présenteront lors de la main pour l'amener en OIDA ou en OP et de faire si
accouchement en occipitosacré (OS) [20]. nécessaire une prise de forceps en OP pour abréger l'ex-
Ces présentations ont de nombreuses similitudes avec pulsion. Le taux de succès de la rotation manuelle est de
les variétés antérieures : seules les différences sont dévelop- 90 % [15]. Cette manœuvre permet de diminuer le taux
pées ici. d'extractions instrumentales (15 % au lieu de 28 %) de
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    73

Planche 4.7. D
 escente et rotation de la tête dans l'accouchement
du sommet

1. Variété OIGA.
2. Variété OIDA.
1 2

3. Variété OIDP.
4. Variété OIGP.

3 4
74   Partie I. Accouchement normal

déchirures périnéales du troisième et du quatrième degré Conduite pratique


(OR : 0,64) de césariennes (OR : 0,12) d'hémorragies du
post-partum (OR : 0,78) [19, 32]. La technique de la rota-
de l'accouchement
tion manuelle est décrite au chapitre 29). en présentation du sommet
■ Si l'on n'y parvient pas, il faut faire une prise de forceps Dans cette présentation eutocique, un certain nombre de
en OIDP et une extraction en OS après une large épi- questions se posent concernant les bonnes pratiques pour
siotomie, moins délabrante que les grandes rotations l'accouchement normal qui est un acte physiologique.
vers l'avant. Trois pour cent des OIDP accouchent en La question est donc de savoir si on laisse se dérouler
OS. La ventouse obstétricale peut ici être préférée au l'accouchement ou si on dirige le travail en utilisant les ocy-
forceps car elle est moins délabrante pour les tissus tociques, l'amniotomie, les techniques d'analgésie (Active
maternels et, de plus, permet dans la majorité des cas management of labour) avec l'idée d'accélérer le travail sans
une rotation céphalique vers l'avant grâce à la flexion augmenter le taux de complications chez l'enfant ou sa mère
de la tête [28]. [30] (Voir chapitre 11).
Les présentations postérieures persistantes (5 %) sont L'obstétrique balance toujours entre une attitude mini-
associées à un taux plus élevé de liquides teintés, d'aci- maliste et une médicalisation, attitude actuellement domi-
doses fœtales, de césariennes, d'extractions instrumen- nante en France. Un groupe pluridisciplinaire d'Amérique
tales et de déchirures périnéales [11]. Le score d'Apgar du Nord a effectué une revue critique approfondie de la lit-
des enfants à cinq minutes est cependant identique aux térature sur les différentes attitudes médicales au moment
autres présentations [13]. L'utilisation de la péridurale d'un accouchement normal [15].
n'augmente pas la fréquence de cette variété de présen-
tation [24].
Présence d'un tiers
La présence d'un tiers (mari, compagnon, membre de la
famille, sage-femme, employée ou stagiaire) diminue la
durée moyenne du travail, la consommation d'antalgiques
ainsi que le nombre des césariennes. La présence d'un proche
est donc souhaitable ; à défaut, un membre de l'équipe doit
être présent en permanence [21].

Alimentation
L'ingestion d'aliments solides est habituellement inter-
dite aux femmes en travail en raison du risque de vomis-
sements et de complications anesthésiques (syndrome de
Mendelson). Les sociétés américaines et européenne d'anes-
thésie recommande actuellement les liquides clairs à volonté
(eau, jus de fruits, thé, etc.) [6].

Déambulation au cours du travail


Chez certains peuples, la femme en travail reste debout,
immobile ou marchant, voire se tient accroupie ou à genoux.
Le groupe de Smith [33] recommande de laisser la femme
choisir sa position et en changer à son gré pendant la durée
du travail. Ils suggèrent d'encourager la femme à « essayer »
diverses positions pour tenter d'améliorer son confort. Ces
postures sont à la fois un instrument de confort mais aussi
une aide à la mécanique de l'accouchement : aide à la rota-
tion vers l'avant des variétés postérieures, aide à la flexion
de la tête fœtale, aide à la symétrie, aide à l'engagement dans
le bassin, etc. Si le fœtus n'est pas mobile dans le bassin,
c'est le bassin maternel qui sera mobilisé autour du fœtus.
Certaines postures peuvent surprendre par leur originalité
(étirement, suspension, asymétrie, quatre-pattes, etc.). Si la
Fig. 4.12. Dégagement de la tête en occipitosacré . a. Le front
patiente souhaite toujours rester dans la même position, son
arrive sous la symphyse. b. Flexion de la tête, le sous-occiput parcourt choix doit être respecté.
le périnée d'arrière en avant. c. Déflexion de la tête autour de la Si, au cours du travail, elle trouve sa « position idéale »,
commissure postérieure de la vulve. D'après Merger R, Levy J, Melchior rien n'empêche alors que l'expulsion se fasse dans cette
J, Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris : Masson ; 2001. position : sur le côté, assise sur le tabouret ou la chaise
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    75

d'accouchement, accroupie, en suspension, à quatre-pattes, doivent donc pas être employés de façon systématique et
etc. Le retour à la position gynécologique est de rigueur en l'être uniquement sur indication médicale : hypocinésie de
cas d'extraction instrumentale. fréquence ou d'intensité associée à une stagnation de la dila-
Plusieurs études randomisées ont montré que la déam- tation (dilatation inférieure à 1,2 cm/h chez la nullipare et à
bulation pendant la phase active de la dilatation n'entraîne 1,5 chez la multipare), ou une non-descente de la tête après
ni bénéfice ni conséquence délétère. On peut donc auto- une heure à dilatation complète [20].
riser les femmes à déambuler pendant le travail si elles le Si le travail fonctionne bien, on peut se contenter de
souhaitent [8, 20]. D'autres préfèrent se relaxer dans une n'utiliser les ocytociques que dans le cadre de la délivrance
baignoire prévue à cet effet, utilisable avant la rupture de la dirigée (voir chapitre 6).
poche des eaux. L'immersion dans l'eau réduit le recours à
l'analgésie quelle qu'elle soit (OR : 0,82) mais ne change pas
le taux de césariennes, de déchirures périnéales ou l'état de Position de la mère lors
l'enfant [12]. de l'accouchement
La position de la femme pour l'accouchement est largement
Lutte contre la douleur influencée par les normes culturelles ou sociales. Dans
Le changement de position et la déambulation en sont un les sociétés non européennes, les positions accroupies, à
moyen. Dans certaines maternités, des salles de travail ont genoux, sont utilisées. Dans les pays occidentaux, la position
été adaptées, et des ballons permettent de trouver les posi- couchée ne s'est répandue qu'au XXe siècle pour des raisons
tions les moins douloureuses. Surtout entre les contractions, de surveillance du périnée. Pour l'accouchement, la position
quand l'utérus se relâche, il faut se détendre, respirer len- sur le dos n'est pas la seule qui permette une bonne surveil-
tement, essayer de dormir. Certaines mères écoutent de la lance du périnée : on peut proposer la position en décubitus
musique que le couple a choisie, aidant la détente. Bien des latéral, cuisses fléchies, la position assise dans un fauteuil
femmes préparées préféreront les techniques de relaxation, spécialement conçu ou accroupie si on utilise une table
le yoga, la sophrologie, l'acupuncture, les injections d'eau adaptée [26]. Il n'est pas démontré que ces postures amé-
stérile, l'aromathérapie. Ces méthodes n'ont pas montré liorent le taux d'accouchement par voie basse. La position à
une efficacité démontrée scientifiquement [20]. Il est donc quatre-pattes est peu utilisée en France car difficile à obtenir
souhaitable de laisser les femmes en décider et de ne rien sous péridurale, elle rend difficile l'enregistrement du RCF
imposer en dehors d'indications médicales. et est peu confortable pour la femme et culturellement mal
De nombreuses techniques d'analgésie obstétricale sont acceptée [20].
disponibles et peuvent convenir à des femmes différentes
(voir chapitre 12). Certes, l'anesthésie péridurale est la plus Épisiotomie
efficace et la plus répandue en France (75 % des naissances),
mais elle n'est pas la seule. Là encore, l'intérêt de l'épisiotomie n'a jamais été démontré
pour diminuer le risque de déchirure périnéale ou de pro-
lapsus (voir chapitre 30). Il n'y a donc aucune indication à
Accélération du travail faire une épisiotomie systématique ; celle-ci n'est utile que
lorsqu'un accouchement très rapide est nécessaire ou qu'il y
L'amniotomie a un risque majeur de déchirure.
En France, 51 % des femmes en travail spontané ont une En définitive, il faut savoir respecter la physiologie d'un
amniotomie en cours de travail [7]. L'amniotomie précoce accouchement normal, laisser une certaine liberté de choix
(< 6 cm) réduit la durée du travail, la consommation d'ocy- aux parturientes et les accompagner avec discrétion mais
tociques et les douleurs du travail, et améliore les scores chaleureusement.
d'Apgar à cinq minutes [9]. Cependant, elle est associée à
une augmentation des taux horaires de bradycardie fœtale,
précoce, tardive, variable ou sévère. La fréquence des césa- Antibioprohylaxie
riennes n'est pas diminuée, et est même augmentée pour Si les prélèvements vaginaux à la recherche du streptocoque
certains (OR : 2,3) [14]. Si le travail évolue bien (dilatation B faits entre 34 et 38 SA ont été positifs, il faut faire une
de 1 à 1,5 cm/h), il n'y a aucun argument scientifique pour injection de pénicilline G en tout début de travail (5 millions
réaliser systématiquement une amniotomie [20, 21]. d'UI puis 2,5 millions d'UI toutes les 4 h jusqu'à l'expulsion)
ou d'amoxicilline en intraveineux (2 g puis 1 g toutes les
4 h). Il en sera de même si l'on a découvert du streptocoque
Ocytociques B dans les urines en cours de grossesse ou en cas d'antécé-
En France, 71 % des femmes reçoivent des ocytociques en dents d'infection néonatale à streptocoque β. En cas d'aller-
cours de travail [7]. Pourtant, leur utilisation est associée à gie à la pénicilline, l'érythromycine ou une céphalosporine
une augmentation du risque d'hémorragie du post-partum seront utilisées.
avec un effet dose-dépendant et un surrisque d'hémorra- En l'absence de prélèvement, une antibioprophylaxie doit
gie grave, même avec des doses modérées d'ocytocine [5], être administrée en cas de prématurité, de rupture des mem-
ainsi qu'un risque d'hyperstimulation utérine avec risque branes supérieure à 12 heures ou de température maternelle
d'hypoxie fœtale et de césarienne [31]. Les ocytociques ne supérieure à 38 °C [3].
76   Partie I. Accouchement normal

Clampage du cordon : précoce ou tardif ? En résumé


On appelle clampage précoce du cordon le clampage dans
les 10 à 20 secondes après la naissance, et clampage tardif ■
On peut rassurer les parents et les professionnels sur l'absence
le clampage qui survient dans les deux ou trois minutes qui d'effet délétère du clampage du cordon à une minute ou
suivent la naissance ou lorsque les battements pulsatiles du une minute trente lorsque la grossesse a été normale et que
cordon cessent [4, 10, 27]. l'enfant naît à terme avec un poids normal.

Il n'est pas démontré que la déclivité de l'enfant par rapport
au placenta modifie la transfusion de sang placentaire

Lors des accouchements prématurés, le clampage tardif est
Effets sur le fœtus recommandé car il augmente significativement le taux de
Dans la littérature, il est admis que le clampage immédiat du l'hématocrite à la naissance, diminue le nombre de nouveau-
cordon prive l'enfant de 10 à 80 ml de sang et de 20 à 30 mg/ nés transfusés pour anémie, diminue le nombre des culots
kg de fer [4–27]. Cependant, le volume de cette transfusion globulaires transfusés, diminue le nombre d'hémorragies
dépend de la position du fœtus par rapport au niveau du intraventriculaires.
placenta, du moment où le placenta se décolle de l'utérus, de ■
Lors des accouchements à terme, le clampage tardif à deux
la pratique ou non de la délivrance dirigée et du délai avant ou trois minutes n'est pas recommandé car, s'il diminue le
le clampage. taux d'anémies au deuxième jour de vie, il ne modifie pas le
Aucun essai randomisé n'a évalué l'effet de la gravidité taux d'hémoglobine fœtale à 4 mois et, s'il augmente le taux
sur la transfusion de sang placentaire [2]. de ferritine, il augmente aussi le taux d'ictères néonataux
Chez le prématuré, il est démontré que le clampage au- nécessitant une photothérapie.
delà de 30 secondes augmente significativement le taux de ■
Après le clampage et la section du cordon, des prélèvements
l'hématocrite à la naissance, diminue le nombre des nou- de sang du cordon peuvent être faits pour étudier dans le
veau-nés transfusés pour anémie, diminue le nombre des sang de l'enfant : groupe sanguin, Rhésus, sérologies de la
culots globulaires transfusés, diminue le nombre d'hémor- syphilis, de la toxoplasmose, de l'hépatite et du sida (sérologie
ragies intraventriculaires [25]. VIH). Les informations concernant les prélèvements de sang
Chez le nouveau-né de poids normal à terme, le bénéfice de cordon pour alimenter les banques de sang de cordon
n'est pas clair. sont données au chapitre 6).
Une revue systématique et une méta-analyse de 15
essais contrôlés (1 912 nouveau-nés) [16] conclut que le
clampage plus de deux minutes après la naissance aug- Accouchement des femmes victimes
mente le taux de ferritine et diminue le risque d'anémie de mutilations sexuelles
(RR : 0,53) avec une augmentation de la polycythémie
asymptomatique. La Cochrane, sur le même sujet, a Après mutilation génitale féminine, la vulve perd le plus souvent
inclus 11 essais portant sur 2 989 enfants et retrouve une sa souplesse, l'orifice vulvaire devenant plus petit, parfois entouré
augmentation du taux d'hémoglobine et de ferritine dans de cicatrices chéloïdes. L'accouchement par voie basse et l'expul-
le groupe clampage tardif [22]. Elle observe aussi une sion sont plus difficiles et comportent plus fréquemment des
augmentation significative du nombre d'enfants qui font complications : déchirures périnéales (risque multiplié par trois),
un ictère et ont besoin d'une photothérapie. En cas de césariennes, hémorragies du post-partum, fistules vésicovagi-
prélèvement de sang de cordon en vue du don et de cryo- nales. Du fait de ces complications, le taux de morts maternelles
conservation, le RCOG conseille d'informer des couples et pour l'enfant de morts périnatales est plus élevé (RR : 1,5). Le
des avantages et inconvénients des deux méthodes de taux de complications augmente avec la gravité du type de muti-
clampage. lation. Il est maximal pour les mutilations de type III [35].
Dans les recommandations faites avec l'Agence de Lors de l'entrée en salle de travail, il est donc important de
biomédecine pour le prélèvement du sang au cordon, le rechercher à l'anamnèse la notion de mutilations génitales, en
CNGOF et le CNSF avait recommandé de ne pas modi- particulier pour les femmes africaines et des pays où la muti-
fier le déroulement de l'accouchement et de clamper le lation est pratiquée. L'examen physique s'attachera spécifi-
cordon environ une minute après la naissance. Il n'a pas quement à rechercher les cicatrices d'une mutilation génitale
été recommandé de mettre l'enfant 20 cm au-dessous du féminine. Si la femme présente une infibulation (mutilation de
placenta pendant 30 secondes, ce qui n'est pas fait dans la type III), il est impératif de pratiquer une désinfibulation avant
pratique obstétricale française. Cependant, dans certaines l'expulsion. Celle-ci peut se faire sous péridurale [17]. La tech-
maternités faisant le prélèvement de sang de cordon pour nique sera trouvée dans la Pratique chirurgicale en Gynécologie
les banques, l'enfant, dès la naissance, est mis sur une table Obstétrique 3ème édition, page 76.
située sous les fesses de la femme, et donc au-dessous du Pendant le travail, la sage-femme pratiquera le massage périnéal
niveau du placenta. L'enfant y reçoit les premiers soins et avec une solution hydrosoluble ou l'application de compresses
le cordon est clampé après une minute environ, puis pré- chaudes afin d'assouplir autant que faire se peut l'orifice vul-
senté à la maman. Le prélèvement de sang de cordon est vaire. Lors de l'expulsion, la pratique d'une large épisiotomie est
fait ensuite. Dans d'autres maternité, l'avis de la femme sur souvent nécessaire. Après la naissance, il sera utile de proposer
le temps du clampage est respecté sans que la qualité du à la femme une consultation avec une équipe spécialisée dans
la réparation des séquelles de mutilations génitales féminines.
prélèvement en soit altérée.
Chapitre 4. Accouchement normal en présentation du sommet    77

Conclusion [15] Haddad B., Abirached F., Calvez F., et al. La rotation manuelle des
présentations du sommet en occipito-iliaque postérieur ou transverse.
L'accouchement en présentation du sommet est simple, J Gynecol Obstet Biol Reprod 1995 ; 24 : 181–8.
physiologique. La patiente doit être bien entourée, bien [16] Hutton E.K., Hassan E.S.. Late vs early clamping of the umbilical
installée et bénéficier d'une analgésie adaptée pour bien cord in full-term neonates : systematic review and meta-analysis of
coopérer. La sage-femme, l'interne ou le médecin doivent la controlled trials. JAMA 2007 ; 297 : 1241–52.
[17] Lansac J., Body G., Magnin G.. La pratique chirurgicale en gynécolo-
rassurer, bien évaluer le type de présentation, la variété de
gie obstétrique. Paris : Masson ; 2011. p. 78.
position, sa hauteur et son engagement pour la faire pous- [18] Le Ray C., Winer N., Dreyfus M., et al. État néonatal et durée des
ser au bon moment. Ils doivent bien connaître la méca- efforts expulsifs chez les primipares à bas risques : données obser-
nique de l'expulsion pour guider les efforts de poussée de vationnelles dans 138 maternités françaises. J Gynecol Obstet Biol
façon à éviter une épisiotomie inutile, mais aussi à protéger Reprod (Paris) 2010 ; 39 : 297–304.
son périnée d'une déchirure complète ou compliquée. Le [19] Le Ray C., Deneux-Tharaux C., Khireddine I., et al. Manual rotation
recours à l'extraction instrumentale doit respecter les indi- to decrease operative delivery in posterior or transverse positions.
cations médicales. Obstet Gynecol 2013 ; 122 : 634–40.
Avant de faire son « premier accouchement, « il est [20] Le Ray C., Theau A., Menard S., et al. Quoi de neuf concernant les
recommandé d'aller en salle de travaux pratiques pour faire accouchements normaux ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris)
2014 ; 43 : 413–23.
sur mannequin plusieurs accouchements simulés. On trou-
[21] Les bonnes pratiques pour l'accouchement normal. Prescrire Int
vera ci-après une grille permettant à l'étudiant médecin ou 1994 ; 142 : 425–8.
maïeuticien de s'évaluer et de progresser. [22] McDonald S.J., Middleton P.. Effect of timing of umbilical cord clam-
ping of term infants on maternal and neonatal outcomes. Cochrane
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Chapitre
5
Accueil du nouveau-né
normal
E. Saliba, C. Lionnet, F. Gold

PLAN DU CHAPITRE
Adaptation cardiorespiratoire à la vie Autres éléments de l'accueil en salle
extra-utérine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Score d'Apgar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Premier examen pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . 83
Gestes systématiques des premières
minutes de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

Déclenchement des mouvements respiratoires Il inter-


OBJECTIFS vient dans les 20 secondes qui suivent l'expulsion, souvent
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : dès le dégagement du thorax. En réalité, le fœtus a déjà des
• de conduire l'examen d'un nouveau-né normal ; mouvements thoraciques de faible amplitude depuis les
• d'établir le score d'Apgar ; 12e–15e semaines : il s'agit d'une activité continue (en début
• d'assurer les soins d'un nouveau-né normal à la naissance. de grossesse) puis intermittente, qui s'interrompt pendant le
travail de l'accouchement.
L'accueil du nouveau-né à terme normal consiste à :
L'installation postnatale de mouvements respiratoires
• vérifier la bonne adaptation de l'enfant à la vie
efficaces est encore partiellement mystérieuse : rôle discuté
extra-utérine ;
de l'hypoxémie, de l'acidose, du froid et de l'émersion du
• s'assurer de l'absence de toute malformation congénitale milieu aquatique. Les premières respirations de l'enfant (ses
sévère ; premiers cris) développent dans les poumons une pression
• favoriser l'installation immédiate d'une relation qui varie entre –40 et + 80 cmH2O, ce qui aide à faire passer
mère(parents)-enfant de bonne qualité. le liquide alvéolaire vers l'espace interstitiel pulmonaire.
Les premiers cris du nouveau-né provoquent l'ouverture
(le déplissement) des alvéoles pulmonaires Ce déplisse-
Adaptation cardiorespiratoire ment est accompagné d'un déversement massif de surfactant
à la vie extra-utérine pulmonaire dans les voies respiratoires, à partir des cellules
alvéolaires (pneumocytes) de type II. Il en résulte la créa-
Les premières minutes de vie sont marquées par des modi- tion puis la stabilisation définitive d'une capacité résiduelle
fications respiratoires et circulatoires qui sont dominées fonctionnelle (CRF) qui est d'environ 30 ml/kg de poids à
par un fait primordial : la rapidité et la qualité de l'aération partir de la 10e–30e minute de vie. La présence de liquide
alvéolaire pulmonaire (voir Chapitre 1, « Système pulmo- pulmonaire dans les voies aériennes du fœtus joue un rôle
naire »). Il est maintenant établi que les modifications car- facilitant pour l'ouverture alvéolaire.
diopulmonaires qui marquent la période transitionnelle
débutent avant le clampage du cordon. Une adaptation Évacuation du liquide pulmonaire présent dans les voies
réussie à la vie extra-utérine commence avec la clearance du aériennes fœtales Elle est assurée essentiellement par
liquide alvéolaire, la production de cortisol endogène, qui une absorption active via des transporteurs et des canaux
joue un rôle important dans la maturation pulmonaire. sodiques : pompe Na +, canal sodique ENAC) qui font pas-
ser le liquide alvéolaire vers l'espace interstitiel pulmonaire
et, de là, vers la circulation sanguine et lymphatique pulmo-
Phénomènes respiratoires naires. La compression du thorax de l'enfant lors du passage
Trois faits principaux permettent un passage harmonieux de dans la filière génitale maternelle joue un rôle mineur dans
la vie liquidienne intra-utérine à l'autonomie aérienne. l'évacuation du liquide pulmonaire.

Pratique de l'accouchement
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80   Partie I. Accouchement normal

L'évacuation du liquide pulmonaire s'accompagne d'un (en 2 à 3 semaines au moins), les deux shunts qui les reliaient,
d'arrêt de sa production sous l'action de l'adrénaline (rôle du le trou de Botal (ou foramen ovale) et le canal artériel, et
« stress » néonatal physiologique). place désormais les deux ventricules cardiaques en série (cir-
culation de type adulte). Ces phénomènes se réalisent pro-
gressivement pendant une période dite transitionnelle qui
Phénomènes circulatoires (Figure 5.1) précède l'établissement définitif de la circulation sanguine
À la naissance se produisent deux faits essentiels : de type adulte. Pendant cette période, il est important d'éva-
■ le démarrage de la circulation pulmonaire fonctionnelle, luer en salle de naissance la saturation en oxygène par les
phénomène principalement mécanique, secondaire à mesures de la SpO2 (saturation du sang mesurée par oxymé-
l'aération alvéolaire ; trie pulsée) posée à la main droite du nouveau-né (position
■ le clampage du cordon ombilical dans la minute qui suit préductale avant le canal artériel qui reflète l'oxygénation du
l'expulsion, qui sépare définitivement l'enfant du placenta sang vascularisant le cerveau. Les valeurs de la SpO2 recon-
(avant la naissance, le placenta reçoit 50 % du débit car- nues actuellement comme acceptables dans les dix minutes
diaque fœtal) ; il provoque directement la fermeture du suivant la naissance chez les nouveau-nés s'adaptant norma-
canal d'Arantius, fonctionnelle en quelques heures, puis lement à l'air ambiant sont de 60 % à deux minutes de vie et
anatomique en trois semaines environ. n'atteignent 90 % qu'à dix minutes de vie [7].
Ces deux phénomènes ont des conséquences concor-
dantes au niveau cardiaque : diminution des pressions dans
les cavités droites (oreillette droite, ventricule droit, artère
pulmonaire), élévation des pressions dans les cavités gauches
Score d'Apgar
(oreillette gauche, ventricule gauche, aorte). La création de En pratique courante, on vérifie dans les dix premières minutes
ces deux systèmes à basse et haute pressions ferme, physiolo- de vie la bonne adaptation de l'enfant à la vie extra-utérine par
giquement (en 6 à 12 heures environ) puis anatomiquement la cotation du score proposé par Virginia Apgar en 1953 [4].

Aorte ascendante: SaO2 = 65%

Poumon: résistances pulmonaires


Avant la élevées

naissance

Canal artériel perméable (SaO2 = 50 %)

Foramen ovale ouvert

Veine cave inférieure


SaO2 = 70 %
Aorte descendante: SaO2 = 60 %

Canal d’Arantius

L’oxygénation du sang fœtal se


fait au niveau du placenta
La circulation de retour
vers le placenta:
résistances vasculaires basses
Sang riche en oxygène
Sang pauvre en oxygène

a Veine ombilicale
SaO2 = 80 %

Après la poumon
naissance Oxygénation du sang au
niveau pulmonaire
Résistances vasculaires
pilmonaires faibles
Canal artériel fermeture
progressive

Foramen ovale obturé

Canal d’Arantius
non perfusé

Sang riche en oxygène


Sang pauvre en oxygène

b Clampage du cordon
ombilical

Fig. 5.1. Phénomène circulatoire (a, b). À la naissance, le déclenchement de la respiration et le clampage du cordon aboutissent à des modifi-
cations des shunts physiologiques et à l'établissement progressive de la circulation postnatale définitive.
Chapitre 5. Accueil du nouveau-né normal    81

Tableau 5.1. Le score d'Apgar. Gestes systématiques des


Paramètres 0 1 2 premières minutes de vie
Battements Absents < 100/min > 100/min Tout nouveau-né bénéficie dans les dix premières minutes de
cardiaques vie de cinq mesures principales [6]. La crainte d'une contamina-
Mouvements Absents Lents, Vigoureux, tion iatrogène de l'enfant par faute d'asepsie doit être un souci
respiratoires irréguliers avec cri permanent du personnel qui prend en charge le nouveau-né.
Tonus Nul Faible : légère Fort :
musculaire flexion des quadriflexion, Vérification du cordon ombilical
extrémités mouvements
actifs
L'enfant étant né, le cordon est clampé avec deux pinces,
30 à 40 secondes en moyenne après qu'il ait été déposé sur
Réactivité à la Nulle Faible : Vive : cri, toux
le ventre de sa mère. La masse sanguine d'un nouveau-né
stimulation grimace
dépend du délai mis à clamper le cordon ombilical : la volé-
Coloration Globalement Corps rose, Totalement mie de l'enfant (sa valeur moyenne normale est de 80 ml/
bleue ou pâle extrémités rose
kg) peut augmenter de 15 % en une minute par transfusion
bleues
placentofœtale. De façon courante, un clamp de Barr est
ensuite appliqué à environ 3 cm de l'implantation cuta-
Établissement du score née du cordon (le clampage du cordon à proximité de son
implantation abdominale risque d'intéresser une anse intes-
Le score d'Apgar comprend cinq paramètres « aisément tinale faisant hernie dans la base du cordon), et celui-ci est
appréciables sans interférer sur les soins éventuels à l'en- sectionné 1 cm au-dessus du clamp à l'aide d'une paire de
fant » (tableau 5.1). Chacun des cinq critères est coté de 0 à ciseaux stérile (ne pas utiliser ceux de l'épisiotomie !), après
2. Il faut réserver le score de 2 aux états strictement nor- désinfection de la zone de section à Biseptine®.
maux, le score de 0 aux anomalies majeures, et coter 1 tous Il faut systématiquement vérifier que la tranche de section
les états intermédiaires. Le score d'Apgar est un score de du cordon comporte bien deux artères et une veine ombili-
physiologie : le nouveau-né « parfait » a un score de 10/10. cales. Un demi à 1 % environ des nouveau-nés sont porteurs
Les paramètres 1 et 5 reflètent la fonction circulatoire, les d'une artère ombilicale unique : cette anomalie s'associe
paramètres 2 et 5 la fonction respiratoire, et les paramètres dans 25 à 30 % des cas à une malformation squelettique ou
3 et 4 l'état neurologique de l'enfant. C'est le premier para- viscérale (digestive, urogénitale, cardiaque, nerveuse), qu'il
mètre (la fréquence cardiaque) qui est le plus important ; le conviendra de rechercher.
cinquième paramètre (la coloration) est le moins crucial [5]. Après cette vérification, un pansement avec une com-
La cotation est systématiquement pratiquée au bout d'une presse stérile et une bande légère (Micropore®, Surgifix®)
minute et au bout de cinq minutes de vie. Dans certains cas, peuvent être ensuite appliqués. Ce pansement devra être
pour juger de l'évolution de la situation de l'enfant, elle est refaite refait plusieurs fois par jour jusqu'à la chute du cordon.
à dix minutes de vie, puis éventuellement toutes les dix minutes.

Interprétation du score Prévention de l'hypothermie


Dès la naissance, le nouveau-né tend à se refroidir rapide-
Le nouveau-né normal a un score d'Apgar supérieur à 7 à
ment, notamment par évaporation : sa température centrale
une et à cinq minutes de vie. Un score inférieur à 7 et, a
s'abaisse en moyenne de 0,1 °C par minute.
fortiori, inférieur à 3, à un moment quelconque des dix pre-
Pour prévenir tout refroidissement excessif, trois mesures
mières minutes de vie, traduit des difficultés d'adaptation à
doivent être conjuguées :
la vie extra-utérine : un score < 3 à une minute de vie défi-
■ dans la salle d'accouchement, la température doit être main-
nit l'état de mort apparente ; un score < 3 à cinq minutes de
tenue voisine de 24 °C, et tout courant d'air doit être évité ;
vie est prédictif d'un pronostic vital péjoratif [10]. Le score
■ dès les premières secondes de vie, le nouveau-né doit être
d'Apgar n'est toutefois plus utilisé pour guider la réanima-
séché, à l'aide d'un lange chaud et stérile ;
tion en salle de naissance (voir Chapitre 32).
■ il faut ensuite l'envelopper dans un autre lange sec, chaud
L'ordre d'altération des paramètres du score d'Apgar est
et stérile, et le laisser se réchauffer en peau à peau sur la
en général le suivant :
poitrine de sa mère.
1. couleur ;
2. respiration ;
3. tonus ; Désobstruction buccopharyngée
4. réflexes ; Elle n'est pas toujours pratiquée chez le nouveau-né normal
5. cœur. car celui-ci est, en règle, parfaitement susceptible d'éliminer
L'ordre de restauration (sous traitement) des paramètres tout seul, en criant et en déglutissant, le liquide contenu dans
du score d'Apgar est en général le suivant : ses voies respiratoires supérieures. Si elle est effectuée, l'aspi-
1. cœur ; ration des fosses nasales et du pharynx doit être brève (risque
2. réflexes ; d'apnée réflexe) et non traumatisante pour les muqueuses (il
3. couleur ; ne faut aspirer que lors du retrait de la sonde). L'aspiration
4. respiration ; gastrique n'est pas systématique chez un nouveau-né qui
5. tonus. s'adapte normalement et sans antécédents particuliers.
82   Partie I. Accouchement normal

Établissement d'une bonne relation Tableau 5.2. Niveaux raisonnés d'intervention


d'hypoglycémie selon la catégorie de nouveau-né
mère-enfant [6].
Dès son dégagement, le nouveau-né peut être placé sur le
ventre de sa mère, pour qu'elle puisse immédiatement le Catégorie de nouveau-nés Niveaux raisonnés
d'intervention
prendre dans ses bras et le caresser. On peut favoriser une
première tétée immédiate, car elle déclenche la sécrétion du Nouveau-nés asymptomatiques < 30–35 mg/dl (2,0 mmol/l)
colostrum et encourage l'allaitement. Une ambiance calme Nouveau-nés symptomatiques < 45 mg/dl (2,5 mmol/l) en
et la présence du père, quand elle a été souhaitée, participent vérifiant la disparition des
à un accueil serein du nouveau-né. symptômes après élévation du
Deux mesures paraissent ensuite importantes pour l'éta- taux de la glycémie
blissement d'une relation initiale de bonne qualité : non- Nouveau-nés malades à < 45–60 mg/dl (2,5–3,3 mmol/l)
séparation mère-enfant pendant les une à deux premières cerveau fragilisé (asphyxie,
heures de vie, au mieux sous forme d'un peau à peau, infection, etc.)
respectant toutefois les conditions de sécurité destinées Nouveau-nés après 24 heures < 40–50 mg/dl (2,2–2,8 mmol/l)
à prévenir la mort subite du nouveau-né en salle de nais- Dans tous les cas Glycémie < 20–25 mg/dl
sance (enfant à terme ayant eu une bonne adaptation à la (1,1–1,4 mmol/l)
vie extra-utérine, position de la tête sur le côté dégageant → apport intraveineux urgent
bien le nez de l'enfant et permettant le regard entre sa mère de glucose pour élever la
et lui, surveillance régulière par le personnel de la salle glycémie au-dessus de 45 mg/dl
d'accouchement) ; report des manœuvres de routine quand (2,5 mmol/l)
elles ne sont pas urgentes : administration de collyre et de
vitamine K1.
Une photographie du nouveau-né prise dès les premières
minutes de vie, à l'aide par exemple d'un appareil numé- poids de naissance, ou un contexte maternel ou périnatal
rique, qui sera ensuite collée dans l'album de l'enfant, est un particulier (notamment diabète maternel, asphyxie péri-
joli souvenir dont il ne faut pas se priver. natale, infection maternofœtale [IMF]) ;
■ que les nouveau-nés allaités au sein ont un taux élevé de
corps cétoniques dans le sang et qu'ils tolèrent de ce fait
Identification de l'enfant des taux bas de glycémie.
Le nom et le prénom de l'enfant sont inscrits sur deux éti-
quettes qui sont glissées dans des bracelets en plastique
transparent. On fixe ensuite un bracelet à chacun des deux Dépistage des malformations
poignets de l'enfant, après avoir fait vérifier par les parents la congénitales graves
bonne identification du nouveau-né. Avant d'être habillé, le nouveau-né doit bénéficier, dès la
salle de naissance, d'un premier examen clinique rapide
Autres éléments de l'accueil destiné à s'assurer de l'absence de toute malformation
congénitale immédiatement préoccupante.
en salle de naissance On vérifie par l'inspection l'absence d'anomalie visible :
Une fois passées les premières minutes de vie, et alors que au niveau du visage, des membres, du tronc (face anté-
le nouveau-né est encore en salle de travail avec sa mère, rieure et face postérieure), des organes génitaux externes
d'autres mesures doivent compléter l'accueil néonatal. et du palais.
On s'assure par des gestes simples de la bonne perméabi-
lité des orifices naturels :
Pesée ■ le dépistage de l'atrésie des choanes peut être effectué à
Selon les données de l'AUDIPOG [9], le nouveau-né normal à l'aide d'un miroir ou du dos d'une cuillère refroidie au
terme plein pèse entre 2 675 g (10e percentile pour les filles de préalable et placés devant la narine (présence de buée =
39 SA) et 4 130 g (90e percentile pour les garçons de 41 SA). choane perméable). La désobstruction rhinopharyngée
Les enfants dont le poids de naissance s'inscrit en dehors de n'est pas nécessaire en l'absence de détresse respiratoire
la fourchette comprise entre le 10e et le 90e percentile pour le ou d'encombrement. En cas de suspicion, une petite
terme sont plus exposés que les autres à une hypoglycémie des sonde n° 4 introduite par chacune des deux narines et
premières heures (qu'il s'agisse d'une hypo- ou d'une hyper- progressant sans obstacle jusqu'au pharynx vérifie la per-
trophie fœtale), ce qui impose l'évaluation de la glycémie par méabilité des choanes ;
bandelette (Dextrostix®, BM Test®, Glucostix®) à une heure ■ le test à la seringue, qui consiste à injecter rapidement de
de vie et une alimentation précoce dès la deuxième/troisième l'air dans une sonde orogastrique ou nasogastrique n° 6 à
heure. Le taux de glycémie doit être interprété par rapport la recherche d'un bruit aréique au niveau épigastrique
aux niveaux raisonnés d'intervention définis par Cornblath et et qui permet d'éliminer une atrésie de l'œsophage n'est
Ichor [6] (tableau 5.2). Il faut, de plus, souligner : plus systématique mais effectué uniquement sur signes
■ qu'il n'y a pas d'indication à pratiquer une évaluation sys- d'appel (hydramnios notamment) ;
tématique de la glycémie chez un nouveau-né asympto- ■ la perméabilité anale est vérifiée par l'inspection et l'émis-
matique sans risques particuliers tenant à son terme, son sion due méconium dans un délai normal.
Chapitre 5. Accueil du nouveau-né normal    83

Tableau 5.3. Critères anamnestiques de risque 1 ampoule = 0,2 ml = 2 mg) en cas d'allaitement maternel
d'infection maternofœtale selon l'ANAES [1]. exclusif, une troisième dose est recommandée un mois après
Critères anamnestiques majeurs la naissance [3].
Tableau de chorioamniotite
Infection maternofœtale chez le jumeau Prélèvements périphériques
Température maternelle avant ou en début de travail ≥ 38 °C Ils seront effectués :
■ chez tout nouveau-né asymptomatique ayant un critère
Prématurité spontanée < 35 SA
anamnestique de suspicion d'IMF (tableau 5.3) ;
Durée d'ouverture de la poche des eaux ≥ 18 heures ■ chez tout nouveau-né symptomatique : aucun signe cli-
Rupture prématurée des membranes avant 37 SA nique n'est spécifique de l'IMF ni n'exclut une IMF ;
■ chez tout nouveau-né qui va mal, surtout sans raison appa-
En dehors d'une antibioprophylaxie maternelle complète :
– antécédent d'infection maternofœtale à streptocoque du
rente, et qui est de ce fait a priori suspect d'infection [2].
groupe B (SGB) De telles indications conduisent à prélever en moyenne
– portage vaginal de SGB chez la mère 40 % des nouveau-nés. L'indication des autres prélèvements
– bactériurie à SGB chez la mère pendant la grossesse (frottis et culture placentaire, hémoculture, ponction lom-
Critères anamnestiques mineurs (peu liés à une infection baire, etc.) et la stratégie thérapeutique doivent suivre les
néonatale mais relativement fréquents et pour lesquels recommandations de l'ANAES [1].
une surveillance rapprochée du nouveau-né est nécessaire
pendant les 24–48 premières heures)
Établissement du carnet de santé
Durée prolongée d'ouverture de la poche des eaux supérieure à
12 heures mais inférieure à 18 heures L'ensemble des constatations effectuées dans les premières
minutes de vie et les gestes pratiqués doivent être consignés
Prématurité spontanée < 37 SA mais ≥ 35 SA
dans le carnet de santé qui est attribué à l'enfant, pour ne
Anomalies du rythme cardiaque fœtal plus le quitter ultérieurement (figure 5.2).
Asphyxie fœtale non expliquée
Liquide amniotique teinté ou méconial Premier examen pédiatrique
Le nouveau-né bénéficie de deux examens à la maternité :
■ un examen dans les deux heures suivant sa naissance,
Lorsqu'il existe au moins un critère anamnestique de
réalisé par une sage-femme ou un pédiatre ;
risque d'infection bactérienne par contamination materno-
■ un examen avant toute sortie de la maternité : il est recom-
fœtale (tableau 5.3), un prélèvement du liquide gastrique
mandé que le nouveau-né soit examiné par un pédiatre et
et du placenta doit être fait : il n'y a pas lieu de prélever
que cet examen soit réalisé impérativement avant la sor-
les oreilles. Ce sont des éléments importants pour une
tie et après 48 heures, voire le jour de la sortie en cas de
éventuelle décision précoce d'antibiothérapie chez un
sortie précoce. Compte tenu du raccourcissement de la
­nouveau-né asymptomatique (voir chapitre 18, p. 283).
durée des séjours en maternité, il est recommandé qu'un
nouvel examen soit réalisé entre le sixième et le dixième
Désinfection oculaire jour postnatal, de préférence par un pédiatre ou par un
■ D'une manière générale, il n'existe pas de donnée mon- médecin généraliste ayant l'expérience des pathologies
trant l'efficacité d'une antibioprophylaxie conjonctivale du nouveau-né. Cet examen correspond généralement à
néonatale systématique. Cependant, par mesure de pré- la visite à faire dans les huit premiers jours de vie : il est
caution, une antibioprophylaxie conjonctivale néonatale rappelé que le premier certificat de santé « à établir obli-
est recommandée en cas d'antécédents et/ou de facteurs gatoirement dans les huit premiers jours de vie » ne peut
de risque d'infections sexuellement transmissibles (IST) être rempli que par un médecin (généraliste ou pédiatre).
chez les parents. Si celui-ci est rempli à la sortie de maternité (donc avant
■ Dans ces situations, il est recommandé d'instiller une le 6e jour), l'examen du nouveau-né recommandé entre j6
goutte de collyre à base de rifamycine dans chaque œil du et j10 reste nécessaire. Au cours de la deuxième semaine
nouveau-né à la naissance. de vie, l'examen du nouveau-né peut être complété par
Il est à noter que les grossesses non ou mal suivies sont la visite du professionnel référent du suivi (sage-femme
considérées comme un facteur de risque d'IST [2]. libérale ou de PMI, puéricultrice) [8].
Effectué en présence de la mère, cet examen pédiatrique
s'assurera de l'absence de tout symptôme anormal, pouvant
Administration de vitamine K1 correspondre :
Elle est destinée à prévenir la forme classique de la maladie ■ à une anomalie retardée de l'adaptation à la vie
hémorragique du nouveau-né due à une hypovitaminose K extra-utérine ;
qui se manifeste par des hémorragies (surtout digestives) ■ au début d'une pathologie postnatale, notamment
vers la 36e–48e heure de vie. On doit administrer au nou- infectieuse ;
veau-né 2 mg de vitamine K1 par voie orale à la naissance et ■ à la révélation précoce d'une malformation congénitale
entre j4 et j7, ou avant la sortie en cas de sortie précoce (au non spectaculairement apparente dans les premières
moment du dépistage au buvard par exemple) (vitamine K1 : minutes.
84   Partie I. Accouchement normal

Fig. 5.2. Carnet de santé.

On doit profiter de cet examen pour apprécier la qualité [5] Casey BM, McIntire DD, Leveno KJ. The continuing value of the
de l'attachement naissant entre la mère et son enfant : une Apgar score for the assessment of the new born infant. N Engl J Med
mère indifférente ou au contraire angoissée de façon exces- 2001 ; 344 : 467–71.
[6] Cornblath M, Ichor R. Hypoglycemia in neonate. Semin Perinatol
sive et inappropriée peut probablement bénéficier d'un sou-
2000 ; 24 : 136–49.
tien psychologique dès son séjour à la maternité. [7] Dawson JA, Vento M, Wong C, et al. Defining the reference range
for oxygen saturation for infants after birth. Pediatrics 2010 ; 125 :
Références e1340–7.
[8] HAS. Sortie de maternité après accouchement : conditions et organi-
[1] ANAES. Diagnostic et traitement curatif de l'infection bactérienne sation du retour à domicile des mères et de leurs nouveau-nés : HAS.
précoce du nouveau-né ; 2002. www.has-sante.fr. Mars 2014.
[2] ANSM. Prophylaxie des infections conjonctivales du nouveau-né. [9] Mamelle N, Munoz F, Granjean H. Croissance fœtale à partir de
04-01-2011. Mise au point. l'étude de l'AUDIPOG. I. Établissement des courbes de référence.
[3] ANSM-SFN. Instructions administration vitamine K 1, septembre J Obstet Gynecol Biol Reprod 1996 ; 25 : 61–70.
2014 . mai 2015. [10] Papile LA. The Apgar score in the 21st century. N Engl J Med 2001 ;
[4] Apgar V. Proposal for new method of evaluation of newborn infant. 344 : 519–20.
Curr Res Anesth Analg 1953 ; 32 : 260–7.
Chapitre
6
Délivrance et examen
du placenta
J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
Comment s'effectue la délivrance ? . . . . . . . . . 85 Surveillance de l'accouchée après
Examen du placenta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 la délivrance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

utérines physiologiques et sont expulsées entièrement


OBJECTIFS sous le simple effet des efforts maternels (délivrance
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : normale spontanée) ou éventuellement, après migration
• de décrire les mécanismes physiologiques de la dans le vagin, sont extraites par des manœuvres simples
délivrance ; (délivrance normale naturelle) ;
• de décrire la surveillance de l'accouchement entre ■ la délivrance dirigée lorsque des manœuvres où l'injection
l'expulsion et la délivrance ; d'ocytociques permet au placenta de se décoller plus rapi-
• de décrire les différents types de délivrance ; dement de façon à raccourcir la période de la délivrance
et à limiter les pertes sanguines ;
• d'expliquer pourquoi la délivrance dirigée doit être
■ enfin, la délivrance artificielle qui consiste à décoller et à
systématiquement pratiquée ;
expulser le placenta de l'utérus manuellement.
• de pratiquer l'examen du placenta en salle de travail,
de décrire ses différentes anomalies en cas de grossesse
unique ou multiple et les déductions qu'il faut
éventuellement en tirer ;
Physiologie
• d'assurer la surveillance de la femme après la délivrance. Elle évolue en trois phases :
La délivrance est l'expulsion du placenta et des membranes ■ le décollement du placenta ;
hors des voies génitales. Cette dernière étape de ■ l'expulsion du placenta ;
l'accouchement, ou troisième stade du travail, comprend : ■ l'hémostase.
• le décollement du placenta ;
• la migration de celui-ci dans le segment inférieur puis par
Phase de décollement
le vagin ; Le décollement est sous la dépendance de la rétraction
• la sortie à la vulve. utérine qui le prépare et de la contraction utérine qui le
provoque.

Rétraction utérine
Il s'agit d'un phénomène passif, marqué par la diminution
du volume de l'utérus après expulsion du fœtus et carac-
Comment s'effectue la délivrance ? térisé par l'augmentation d’épaisseur de ses parois. Mais
On appelle période de la délivrance les deux heures qui l’épaississement respecte la zone placentaire qui reste mince.
suivent la naissance. C’est la troisième phase de l’accouche- Il en résulte un enchatonnement physiologique du placenta
ment. La femme reste en salle de travail sous étroite surveil- (figure 6.1).
lance de peur d'une hémorragie de la délivrance, principale
complication de cette période. Contraction utérine
On distingue : C'est un phénomène actif qui va provoquer le décollement.
■ la délivrance normale lorsque le placenta et les annexes Les procédés d'enregistrement montrent, après l'accouche-
fœtales se décollent de l'utérus sous l'effet de contractions ment, l'existence d'ondes contractiles non perçues par la
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 85
86   Partie I. Accouchement normal

Fig. 6.1. Enchatonnement physiologique du placenta. D'après a b


de Merger R, Levy J, Melchior J. Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris:
Masson ; 2001. Fig. 6.2. Délivrance selon le mode de Baudelocque d'après M.
Lacomme. Les deux schémas a et b représentent le mécanisme dit de
Baudelocque : le placenta décollé se déprime en une cupule de plus en
plus profonde où s'accumule le sang. Le placenta descend ainsi, face
patiente (c'est la phase de rémission clinique). Au bout de fœtale première, tirant par ses bords sur les membranes dont le sac
dix à 15 minutes, les contractions augmentent d'intensité : s'inverse, de sorte que la face utérine du placenta en occupera fina-
c'est la phase clinique de la reprise de la contractilité. La lement le fond. D'après Vokaer R. Traité d'obstétrique, tome II. Paris :
contraction provoque alors un clivage de la caduque, soit à Masson ; 1983.
la jonction des couches superficielles et profondes, soit en
pleine zone superficielle.

Clivage de la muqueuse
En ouvrant le sinus veineux, la contraction détermine
des foyers hémorragiques qui forment l'hématome rétro-
placentaire physiologique qui, à son tour, aide à parfaire
le décollement. Celui-ci terminé, la zone pariétale mus-
culaire amincie a disparu, et le corps utérin a partout la
même épaisseur.

Phase d'expulsion
Sous l'influence des contractions utérines puis de son propre
poids, le placenta tombe dans le segment inférieur qui se
déplisse, faisant remonter le fond utérin.

Mode de délivrance de Baudelocque


Dans le mode de délivrance de Baudelocque, les membranes
se décollent du fond vers le segment inférieur de manière
homogène et circonférentielle. Le placenta se présentera à
la vulve, la face fœtale première (figure 6.2). Ce mode de
délivrance intéresse classiquement les placentas à insertion
normale haute ou fundique.

Mode de délivrance de Duncan


Dans le mode de délivrance de Duncan, le clivage placen- a b
taire est suivi d'une migration par glissement le long de la Fig. 6.3. Délivrance selon le mode de Duncan (d'après M.
paroi. Le décollement membranaire est asymétrique. Le Lacomme). Les schémas a et b montrent le mécanisme dit de Duncan :
placenta se présente à la vulve face maternelle première le placenta glisse le long d'une face de l'utérus et se présente à la vulve
(figure 6.3). Ce mode de délivrance concerne habituelle- par son bord. Dans ce cas, le sac membraneux se décolle souvent sans
ment les placentas insérés sur les faces de l'utérus et impose s'inverser : la face fœtale du placenta reste donc à l'intérieur du sac.
donc une surveillance plus attentive. D'après Vokaer R. Traité d'obstétrique, tome II. Paris : Masson ; 1983.
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    87

Hémostase
Elle est assurée par :
■ la rétraction utérine : les vaisseaux sont étreints et obturés
par la contraction active des fibres myométriales. La rétrac-
tion n'est possible qu'après évacuation totale de l'utérus ;
■ la thrombose vasculaire secondaire à l'oblitération méca-
nique des vaisseaux. En fin de grossesse, les facteurs de
la coagulation (fibrinogène, facteurs VII, VIII et IX) sont
augmentés. La thromboplastine placentaire et tissulaire
est libérée massivement lors de la délivrance, accélérant
la thrombinoformation. Les processus fibrinolytiques
sont modifiés par la libération massive de thromboplas-
tine tissulaire et placentaire, ce qui permet une coagula-
tion rapide.

Conduite à tenir lors de la délivrance


Période dite de repos physiologique
Pendant cette période, la femme se sent bien, le pouls est
calme, la tension artérielle normale. L'utérus est rétracté,
il est parfaitement visible au travers de la paroi abdomi- Fig. 6.4. Configuration de l'utérus aux différents stades de la
délivrance. 1. Le placenta n'est pas décollé. 2. Le placenta décollé est
nale maternelle qui est relâchée. Le fond utérin atteint
dans le segment inférieur. 3. Globe de sécurité après évacuation du
l'ombilic. De la vulve s’écoule un peu de liquide amnio- placenta. D'après de Merger R, Levy J, Melchior J. Précis d'obstétrique,
tique mais pas de sang. Cette phase dure en moyenne 15 6e éd. Paris: Masson ; 2001.
à 20 minutes.
En l'absence de saignement ou de chute tensionnelle,
cette période doit être respectée même en cas de délivrance
dirigée. Les manœuvres à type de massages utérins répé- Si la délivrance ne se fait pas spontanément, le médecin
tés ou d'expression utérine risque d'enchatonner de façon ou la sage-femme peut aider le placenta, après son décol-
définitive le placenta, obligeant alors à une délivrance lement, à passer du segment inférieur au vagin, puis à être
artificielle. expulsé hors des voies génitales : c'est la délivrance normale
Les prélèvements de sang au cordon (groupe sanguin, naturelle. Le diagnostic de décollement ayant été confirmé,
Rhésus, sérologies de la syphilis, de la toxoplasmose, de le premier temps consiste à replacer l'utérus dans l'axe du
l'hépatite et du sida [sérologie VIH], don de sang de cordon) vagin. Pour cela, on réduit la latérodéviation et l'antéversion.
sont faits à cette période par déclampage du cordon ; le sang L'opérateur empaume alors le fond utérin avec la main
s’écoule alors dans un tube approprié. gauche et exerce une pression modérée vers le bas dans l'axe
du vagin. La très légère tension sur le cordon ombilical per-
Décollement met non pas d'extraire le placenta mais de guider sa sortie
dans l'axe des voies génitales.
Plusieurs signes sont annonciateurs ou témoins du décolle- Le placenta tombe alors dans le plateau avec les mem-
ment : la parturiente perçoit souvent à nouveau des contrac- branes. On peut aider la sortie des membranes et surtout
tions. L'utérus semble être ascensionné (figure 6.4), son éviter qu'elles se déchirent par deux manœuvres :
fond est plus souvent en situation sus-ombilicale, volontiers ■ la première consiste à poser à plat au-dessus de la sym-
latérodévié. La vulve laisse sourdre un filet de sang. On physe la main gauche et de remonter l'utérus vers le haut
constate enfin l'allongement de la portion du cordon situé pour favoriser le déplissement du segment inférieur ;
au-delà des voies génitales. ■ la seconde consiste à recueillir le placenta dans les deux
Le diagnostic va être affirmé de façon fiable par la mains et à le vriller sur lui-même en accompagnant lente-
manœuvre du refoulement utérin (planche 6.1). Lorsque ment sa chute vers le plateau.
le placenta est décollé, le refoulement vers le haut du corps Si, malgré ces manœuvres, les membranes ont tendance à
utérin n'ascensionne pas le cordon, ce qui prouve que le pla- se déchirer, il est possible de les rattraper au ras de la vulve
centa est bien décollé de l'utérus. par une pince hémostatique large que l'on tourne de la
même manière, de façon à les vriller plusieurs fois sur elles-
Délivrance spontanée et délivrance naturelle mêmes pour procéder à l'extraction des derniers fragments.
(planche 6.1) Le placenta expulsé, on exprime alors le fond utérin pour le
La délivrance peut être spontanée (délivrance normale vider de ses caillots et favoriser la rétraction.
spontanée). Sous l'effet des efforts de poussée abdominale
de la patiente, le placenta apparaît à la vulve et tombe spon- Délivrance assistée ou délivrance dirigée
tanément dans le plateau que l'on aura pris soin de placer On appelle délivrance dirigée toute manœuvre ou technique
au-dessous du niveau du siège de la femme. destinée à faciliter le décollement du placenta et à raccourcir
88   Partie I. Accouchement normal

Planche 6.1. Délivrance. Expulsion du placenta.


Les flèches noires indiquent le sens de la pression exercée par la main abdominale qui redresse l'antéversion utérine.

a. Après l'accouchement, le cordon pend hors de la vulve ; le placenta n'est pas décollé.

b. Manœuvre pour la recherche du décollement du placenta : on déprime l'hypogastre au-dessus du pubis, on remonte le corps utérin au-
dessus de l'ombilic et on constate que le cordon suit le mouvement. Le placenta n'est pas encore décollé.

c. Le placenta est décollé ; si on remonte le fond utérin vers l'ombilic, on constate


que le cordon ne bouge pas.
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    89

d. On s'est assuré que le placenta est décollé. La main droite appuie sur le fond utérin et réduit l'antéversion par une pression d'avant en arrière.

e. L'antéflexion utérine corrigée, la main droite refoule la masse utérine franchement vers le bas, faisant du même coup pression sur le délivre
qui est recueilli à la vulve par la main gauche.

la période de délivrance. Son but est également de limiter délivrance et, d'autre part, des effets bénéfiques de la déli-
les pertes sanguines en renforçant la contraction utérine par vrance dirigée sur la durée de la période de la délivrance [8].
des ocytociques. Il existe actuellement des arguments scien- Plusieurs études ont analysé l'effet d'une délivrance dirigée
tifiques indiscutables pour recommander la réalisation sys- systématique sur la morbidité maternelle du post-partum
tématique d'une délivrance dirigée chez toutes les patientes immédiat [5].
accouchant par voie basse (recommandation grade A). Une méta-analyse des cinq principales études prospectives
randomisées ayant comparé délivrance dirigée systématique
Pourquoi faire systématiquement une délivrance à expectative montre clairement qu'il existe des avantages à
dirigée ? une politique systématique de délivrance dirigée chez toute
La délivrance dirigée était autrefois limitée aux seules patiente accouchant par voie basse. Dans cette méta-analyse,
patientes présentant des facteurs de risque hémorragique les patientes du groupe « délivrance dirigée » présentaient des
ou d'atonie utérine : grossesse multiple, hydramnios, pertes sanguines totales 80 ml plus faibles, une délivrance
macrosomie, grande multiparité, antécédents d'hémorra- raccourcie de dix minutes et un risque d'hémorragie du post-
gie du post-partum, césarienne. Les indications ont toute- partum trois fois moindre que les patientes chez lesquelles
fois progressivement été étendues en raison, d'une part, de le processus physiologique de la délivrance avait été entiè-
la multiplicité des facteurs de risque de l'hémorragie de la rement respecté [9]. La méta-analyse montre toutefois que
90   Partie I. Accouchement normal

la délivrance dirigée s'accompagne plus fréquemment de Des comparaisons ont été faites avec le misoprostol intra-
symptômes maternels considérés comme « inconfortables » : rectal (2 cp de 200 μg) donné après le clampage du cordon.
céphalées, nausées, vomissements et, dans certains cas, élé- Cette prescription n'est pas plus efficace que l'ocytocine [3].
vation tensionnelle. En France, en 2010, seulement 85 % des L'avantage est que le misoprostol est bon marché et se
femmes ont eu une délivrance dirigée [13]. conserve à la température ambiante, ce qui recommande
son utilisation dans les pays en voie de développement [7].
Comment faire une délivrance dirigée ? Délivrance artificielle
Il existe schématiquement deux types de méthode : Son indication principale est la rétention placentaire
■ les méthodes mécaniques, parmi lesquelles on trouve la complète. Il semble raisonnable de se donner un délai de
mise en tension (sans traction intempestive) du cordon 30 minutes entre l'accouchement et la délivrance, délai au-
après expulsion ou encore le drainage du sang placen- delà duquel il faudra réaliser une délivrance artificielle en
taire par déclampage du cordon ombilical. Bien qu'elles l'absence de délivrance spontanée. Il a en effet été montré
réduisent la durée de la période d'expulsion, aucune de qu'au-delà de ce délai, le risque d'hémorragie du post-­
ces méthodes n'a fait la preuve de son efficacité pour partum était multiplié par un facteur 6.
réduire le risque la perte sanguine maternelle ou le risque L'autre indication est l'hémorragie de la délivrance avant
d'hémorragie de la délivrance (NP1) [12] ; même que le placenta ne soit expulsé. La technique de la
■ des méthodes médicamenteuses consistant à renforcer les délivrance artificielle est décrite p. 382 . Elle augmente le
contractions utérines par des ocytociques. risque d'endométrite (OR : 2,9) [2]. Il n'y a pas de recom-
Actuellement, l'ocytocine synthétique (Syntocinon®), une ou mandations, cependant, pour faire une antibioprophylaxie
deux ampoules de cinq unités injectées en intraveineux direct lors [1] : nous n'en faisons pas.
du dégagement de l’épaule fœtale antérieure, semble être la solu-
tion de choix. Les autres voies d'administration du Syntocinon®
proposées (intramusculaire ou dans la veine ombilicale au cor- Examen du placenta
don) n'ont pas la même efficacité immédiate. L'efficacité de l'aug-
mentation du débit d'une perfusion de Syntocinon® déjà en place Pourquoi examiner le placenta
n'a pas, quant à elle, été clairement évaluée (NP2). et ses annexes ?
L'utilisation de la méthylergométrine (Méthergin®) doit L'examen du délivre est indispensable pour :
être bannie du fait de ses effets secondaires et des accidents ■ s'assurer que le placenta et les membranes sont expulsés
décrits (poussée hypertensive sévère, accidents vasculaires en totalité ; en cas de rétention partielle, une révision uté-
cérébraux) (NP1). rine évitera l'hémorragie ;
Une méta-analyse et de nombreux essais randomisés contrô- ■ assurer une surveillance particulière : un petit côté des
lés ont montré que l'injection intraveineuse de Syntocinon® membranes, inférieur à 10 cm, laisse prévoir une inser-
accélère la délivrance et diminue le risque hémorragique de tion basse du placenta et la possibilité d'hémorragies que
40 %, sans augmentation des délivrances artificielles [10]. l'on saura rattacher à leur cause ;
Notre préférence va à l'injection d'une ampoule de 5 uni- ■ expliquer un retard de croissance intra-utérin : petit pla-
tés de Syntocinon® en intraveineux direct au moment du centa, hématomes anciens ;
dégagement de l’épaule antérieure. Il faut insister tout parti- ■ expliquer un certain nombre d'accidents comme :
culièrement sur une technique très rigoureuse, qui évite les – les morts per-partum : rupture d'un vaisseau (syn-
principales complications reprochées à celle-ci (enchaton- drome de Benkiser), insertion vélamenteuse ;
nement et incarcération placentaire) : – les morts in utero en rapport avec un nœud du cordon
■ la seringue doit avoir été préparée avant que la femme ne ou une sénescence placentaire précoce ;
commence à pousser ; ■ confirmer le type de chorionicité en cas de grossesse mul-
■ l'embol doit être effectué au moment du dégagement de tiple afin d'expliquer certaines complications spécifiques
l’épaule antérieure par une tierce personne ne participant des grossesses monochoriales (syndrome transfuseur-
pas à l'expulsion fœtale ; transfusé, jumeau acardiaque, enchevêtrement des cor-
■ il faut veiller à ce que la femme ait le coude en extension, dons) mais également d'apporter des renseignements sur
afin d’éviter un clampage anatomique de la voie veineuse le caractère génétiquement identique ou non des enfants ;
et en accélérant le débit de la perfusion immédiatement, ■ identifier un germe permettant de rattacher une souf-
afin que l'ensemble du produit diffuse rapidement dans la france fœtale à une infection ; cela peut être fait par la
circulation sanguine et ne remonte pas dans la perfusion. découverte de microabcès placentaires.
Cette technique permet de diminuer par trois le nombre L'examen du placenta permet donc parfois d'expliquer
d'hémorragies de la délivrance tant modérée (> 500 ml) que une pathologie du fœtus ou de prévoir une pathologie néo-
grave (> 1 l). Enfin, elle raccourcit le délai de la délivrance et on natale, et de prévoir les possibilités de récidive [4–6].
ne trouve plus que 3 % de délivrances non faites à 30 minutes.
Toutes les études prospectives réalisées sur le sujet ne
retrouvent pas de différence significative quant au nombre Comment examiner le délivre ?
de délivrances artificielles ou de révisions utérines réalisées. (planche 6.2)
Ainsi, même s'il existe quelques incarcérations placentaires Le placenta, débarrassé de ses caillots avec une compresse,
supplémentaires, elles sont largement contrebalancées par le est examiné systématiquement sur ses faces maternelle et
gain obtenu sur le délai de délivrance [8]. fœtale sous un bon éclairage.
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    91

Planche 6.2. Examen du délivre


Placenta
Face maternelle Face fœtale

Fœtus unique.

Placenta normal. Infarctus placentaires.

Jumeaux.

Hématome rétroplacentaire. Placenta bipartita. Amnios nodosum.


92   Partie I. Accouchement normal

Planche 6.2. Suite


Placenta

Membranes Cordon

Nœud du cordon.

Kystes du chorion. Placenta circumvallata. Insertion vélamenteuse.

Cotylédon aberrant. Chorangiome Artère ombilicale unique.


Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    93

Le poids du délivre (placenta plus cordon et membranes) de chorionicité a été établi lors de l’échographie du premier
est en moyenne à terme de 700 g. La relation entre le poids du trimestre. L'examen de la masse placentaire, tout d'abord,
placenta et le poids du nouveau-né est très étroite. On consi- permet, lorsqu'il existe deux masses séparées, de porter
dère que le poids du placenta représente environ un sixième le diagnostic de grossesse dichoriale. Toutefois, il n’existe
du poids du nouveau-né. À un poids faible de placenta cor- le plus souvent qu'une seule masse placentaire (les deux
respond un petit poids de naissance, et inversement. masses étant accolées entre elles). C'est alors l'examen de la
membrane interamniotique qui va permettre de distinguer
Examen de la face maternelle les grossesses dichoriales où la membrane comporte trois
feuillets (les deux amnios étant séparés par une couche de
On recherche un cotylédon manquant : normalement, les chorion) et les grossesses monochoriales biamniotiques
cotylédons se juxtaposent sans solution de continuité sur où la membrane ne comporte que deux feuillets (les deux
tout le placenta. La rétention d'un cotylédon est suspectée amnios étant accolés). La distinction peut, dans certains
en cas de solution de continuité ou de zone irrégulière man- cas, s'avérer difficile par le seul examen macroscopique, le
quante. L'absence d'un cotylédon impose la révision utérine. chorion séparant les deux amnios n’étant parfois retrouvé
Un hématome rétroplacentaire se signale par la présence qu’à l'examen histologique de la membrane. Dans de rares
de caillots noirâtres sur la face maternelle. Ils peuvent être cas (1 % des grossesses monochoriales), la membrane inte-
frais ou anciens, entraînant alors une dépression sur la face ramniotique est absente, permettant de parler de grossesse
maternelle. monochoriale monoamniotique. L'enchevêtrement des cor-
Une rupture dusinus marginal est recherchée devant la dons en est une complication fréquente pouvant expliquer
présence de caillots sur le bas du placenta, si la femme a sai- une souffrance fœtale aiguë en cours de travail ou d'expul-
gné au troisième trimestre ou présentait un tableau clinique sion, voire une mort fœtale in utero.
d'hématome rétroplacentaire de faible gravité. L'examen de la face fœtale et de l'insertion des cordons
Des dépôts intervilleux et des calcifications peuvent être est également important, à la recherche d'anastomoses vas-
identifiés sous forme de lésions nombreuses, irrégulières, culaires en cas de grossesse monochoriale compliquée de
tachetées. Il s'agit de lésions blanchâtres qui, à la palpation, syndrome transfuseur-transfusé ou de mort fœtale in utero
donnent une sensation granuleuse. Ces modifications sont d'un ou des deux jumeaux. La visualisation de ces anasto-
vues sur les placentas matures et ne semblent pas avoir de moses peut être aidée par l'injection, dans les vaisseaux
signification clinique. du cordon, de lait – « test au lait » (planche 6.2) – ou de
Un infarctus est suspect lorsque l'on observe une zone colorants.
rouge brun localisée, ferme, sur la face maternelle. Les L’amnios nodosum est constitué par des petits nodules gris
infarctus sont fréquents sur le bord du placenta et peuvent blanc de 2 à 3 mm situés sur la face fœtale près de l'insertion
se voir dans les grossesses normales. Les infarctus frais sont du cordon. Ce sont des amas de vernix avec des dépôts de
pourpres et sombres, les infarctus anciens sont jaune pâle, cellules squameuses fœtales qui se détachent facilement. Ils
voire blanc gris, et plus fermes. se voient surtout en cas d'oligoamnios. Il faut informer le
pédiatre pour qu'il recherche une anomalie du système uri-
Examen de la face fœtale naire (syndrome de Potter, kystes rénaux, obstruction des
La face fœtale est ensuite explorée en introduisant la main voies urinaires).
dans l'ouverture des membranes et en les déplissant. Les métaplasies squameuses ont le même aspect clinique
Les membranes, dont on mesure le côté qui doit être supé- mais ne se laissent pas retirer facilement et sont sans signi-
rieur à 10 cm, sont normalement translucides ou bleu acier fication connue.
sur la face fœtale. On vérifie si elles sont complètes ; sinon, Un cotylédon aberrant peut se voir. Normalement, il n'y
il faut faire une révision utérine, en particulier si elles sont a pas de vaisseaux sur les membranes. S'il y en a, il faut les
totalement manquantes (placenta découronné) ou absentes suivre car ils doivent conduire à un cotylédon accessoire. La
sur leur plus grande partie. présence de vaisseaux rompus sur le bord placentaire per-
On recherche : met le diagnostic de rétention de cotylédon accessoire et
■ une coloration méconiale ; impose la révision utérine.
■ une chorioamniotite : les membranes sont épaissies, Le placenta circumvallata : la présence de tissu placentaire
blanchâtres, couvrant la face fœtale d'un placenta qui au-delà du pli de réflexion des membranes sur la plaque
peut avoir une odeur nauséabonde. choriale est caractéristique du placenta circumvallata. Sa
Le chorion est situé sous l'amnios. Il peut présenter : découverte permet d'expliquer des hémorragies des deux
■ un dépôt fibrineux sous forme de nodules gris blanc res- derniers trimestres de la grossesse ainsi que des hydrorrhées
semblant à de la fibrine. Ces nodules sont observés dans ou des accouchements prématurés.
les placentas matures et n'ont pas de signification patho- Le chorangiome est une tumeur placentaire bénigne dont
logique connue ; la fréquence est estimée à 1 %. Les macrochorangiomes, de
■ des kystes de 4 à 5 cm de diamètre qui peuvent exister taille supérieure à 2 cm, peuvent être découverts à l’écho-
sur la face fœtale du placenta et contiennent un liquide graphie. Le chorangiome placentaire crée un shunt arté-
clair ou gélatineux, parfois hémorragique ; ils sont sans rioveineux aux dépens de la circulation fœtale, entraînant
signification clinique. une insuffisance cardiaque par hyperdébit, souvent associé
En cas de grossesse multiple, l'examen du placenta revêt à un hydramnios, une anémie fœtale, un retard de crois-
une importance considérable, même lorsque le diagnostic sance et, dans les formes majeures, un tableau d’anasarque
94   Partie I. Accouchement normal

fœtoplacentaire. Ces conséquences sont surtout observées est égal au sixième ou au septième du poids fœtal. L'examen
avec les tumeurs de plus de 4 cm qui justifient une prise en du délivre est essentiel pour :
charge spécialisée au sein d'un centre de médecine fœtale ■ prévenir une hémorragie ;
en raison du pronostic naturellement défavorable. Ces ■ expliquer une pathologie de la grossesse ou de
dernières années ont été proposés des traitements in utero l'accouchement ;
par embolisation in situ ou laser. Ces traitements agressifs ■ orienter l'examen et la surveillance de l'enfant ;
semblent justifiés car ce sont des grossesses qui évoluent ■ faire des prélèvements complémentaires.
rarement au-delà de 33 SA et pour lesquelles la mortalité
périnatale est de l'ordre de 30 % [11].
Prélèvements sur le délivre
Examen du cordon Prélèvements sanguins
Le cordon mesure normalement 50 à 70 cm et comporte On prélèvera systématiquement du sang au cordon pour :
deux artères et une veine. Il peut présenter des anomalies. ■ réaliser un pH fœtal avec dosage des lactates. Ce prélè-
Anomalie de longueur vement doit être effectué préférentiellement au niveau
■ Longueur < 40 cm. Dans ce cas, le cordon peut gêner un de l'artère ombilicale car la veine ombilicale (plus facile
accouchement par voie basse et, en cas de cordon très à prélever) n'est pas le témoin de l’équilibre acidoba-
court (moins de 20 cm), être le témoin d'un syndrome sique du fœtus mais de la fonction d’échange gazeux du
polymalformatif complexe : le limb body wall complexe placenta. Cette analyse du pH fœtal est actuellement
ou « maladie des brides amniotiques » comportant, réalisée dans la majorité des maternités en raison de la
outre les brides amniotiques, des malformations fœtales mauvaise spécificité du tracé du RCF et parce qu'un pH
à type d'amputation, de constriction d'un membre ou normal est un critère majeur permettant de ne pas attri-
du tronc, de fentes faciales ou de défaut de fermeture buer des séquelles neurologiques à une asphyxie pendant
(tube neural, paroi abdominale ou thoracique). le travail ;
■ Longueur > 70 cm. Le cordon favorise les circulaires ■ déterminer le groupe et le Rhésus. Si la mère est Rh– ou
observés dans 20 à 25 % des accouchements. Serré au présente la moindre immunisation on ajoutera : NFS,
cou ou autour d'un membre, voire du thorax, il peut au bilirubine ;
cours du travail entraîner un ralentissement du rythme ■ faire les sérologies, en cas de risque infectieux : TPHA,
cardiaque fœtal, source de souffrance fœtale aiguë. toxoplasmose, hépatite, VIH ;
Anomalie d'insertion ■ vérifier, en cas de grossesse gémellaire : groupe, Rhésus,
■ En raquette : le cordon est inséré sur un bord placentaire. NFS, hématocrite, hémoglobine chez chaque jumeau.
■ Vélamenteuse : le cordon s'insère alors sur les membranes. En cas de prise de médicaments par la mère (tranquilli-
La partie des membranes sur lesquelles courent les vais- sants, barbituriques), on pourra demander leur dosage dans
seaux peut se trouver entre l'orifice du col et la présentation ; le sang du cordon.
c'est alors un vasa praevia. Les vaisseaux peuvent se rompre Ces prélèvements sont faits de préférence avant la déli-
lors de la rupture des membranes pendant le travail. Le vrance ; en cas d'oubli, on peut les faire en trayant le sang
liquide est alors sanglant et l'enfant anémique (syndrome du cordon.
de Benkiser). Il faut intervenir pour sauver l'enfant qui
risque de mourir d'hémorragie. Ce type d'insertion est fré- Prélèvements bactériologiques
quent dans les grossesses gémellaires (nous le reverrons) et Il n'est pas nécessaire de recourir à une asepsie très stricte.
se rencontre dans 1 % des grossesses uniques. Il faut savoir Il faut cependant bien nettoyer le périnée avant la délivrance
que 25 % des enfants peuvent présenter des anomalies non pour ne pas souiller le délivre par les selles.
chromosomiques. Il faut donc prévenir le pédiatre et bien
examiner l'enfant qui peut être soit anémié, soit malformé. Frottis de membranes
Anomalie de structure : l'artère ombilicale unique Dans
Il est réalisé sur la face maternelle : après avoir épongé le
1 % environ des grossesses uniques, il n'existe qu'une artère
sang avec une compresse, on tend les membranes et on
ombilicale. Ce chiffre augmente en cas de grossesse multiple frotte celles-ci avec le bord d'une lame de verre sur 5 cm
(7 à 14 % des grossesses gémellaires, c'est le jumeau le plus environ. Le prélèvement ainsi obtenu est recueilli et étalé
petit qui porte l'anomalie) ou de grossesse pathologique sur une autre lame. Une seconde lame sera préparée
(diabète, hypertension). Il faut suspecter une anomalie de à partir d'un frottis prélevé sur la face fœtale. Ces deux
l'enfant qui sera retrouvée dans 20 à 30 % des cas. Il peut lames sont séchées à l'air et adressées en bactériologie
s'agir, par ordre de fréquence décroissante, d'anomalies (planche 6.3).
génito-urinaires, cardiovasculaires, de fentes palatines,
d'anomalies musculosquelettiques ou de retard de crois- Placentoculture
sance intra-utérin (7 à 15 %). Un examen approfondi du On expose la face fœtale du placenta et on découpe avec un
nouveau-né est donc indispensable. En l'absence de décou- bistouri stérile un cube de tissu de 1 cm de côté environ près
verte de malformations, l’évolution des enfants est parfaite- de l'insertion placentaire. Ce fragment est déposé dans un
ment normale. tube stérile et adressé en bactériologie immédiatement ou
À la fin de l'examen du délivre, on n'oubliera pas de le conservé au réfrigérateur à 4 °C jusqu'au lendemain matin
peser : normalement, le poids du placenta et des membranes (planche 6.3).
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    95

Planche 6.3. Prélèvements bactériologiques sur le délivre


Réalisation du frottis placentaire

1. Prélèvement sur la face maternelle. 2. Prélèvement sur la face fœtale.

3. Étalement du prélèvement sur la lame qui sera examinée après


séchage à l'air.

Prélèvements pour placentoculture

1. Incision de la face fœtale. 2. Découpage d'un fragment de placenta de 1 cm × 1 cm près de


l'insertion du cordon.
96   Partie I. Accouchement normal

Prélèvements anatomopathologiques Il sera fait mention sur le carnet de santé de l'enfant du


Ces prélèvements peuvent être constitués par un fragment don de sang de cordon en demandant au couple d'informer
de cordon ou de placenta que l'on peut fixer dans le liquide l’Établissement français du sang en cas de maladie grave.
de Bouin. Après le prélèvement, le sang placentaire est transporté
Tout le délivre peut également être adressé au laboratoire. dans les 24 heures à la banque de sang placentaire associée à
l’établissement dans lequel la femme a accouché. S'il répond
aux caractéristiques fixées, en particulier le nombre de cel-
Indications des prélèvements lules souches, il sera conservé et répertorié dans une base
Elles sont les suivantes : de données internationale pour être mis à la disposition de
■ pour les prélèvements anatomopathologiques : hypotro- malades du monde entier ; 30 % seulement des prélèvements
phie fœtale, mort in utero, souffrance fœtale aiguë inex- ont assez de cellules souches pour justifier la conservation.
pliquée, hypertension artérielle, hématome décidual, Faut-il garder du sang de cordon pour l'enfant qui
toxoplasmose, antécédents de choriocarcinome ; vient de naître ? Des sociétés commerciales à but lucratif
■ pour les prélèvements bactériologiques (placentoculture, conseillent aux futurs parents de demander, lors de l'accou-
frottis de membranes, prélèvements périphériques) : chement, le prélèvement de 80 ml de sang de cordon de
infections du troisième trimestre (urinaires, cervicovagi- l'enfant en vue d'une congélation et d'une conservation de ce
nales), fièvre maternelle (38 °C), souffrance fœtale inex- sang et des cellules souches qu'il contient pendant plusieurs
pliquée, liquide amniotique teinté ou rupture prématurée
dizaines d'années pour le cas où l'enfant ou un membre de
des membranes.
sa famille en aurait besoin.
Ces sociétés à but lucratif, jouant sur le principe de
Don de sang de cordon précaution, suggèrent aux parents que les cellules souches
Il est organisé, dans certaines maternités publiques ou privées, peuvent être utiles, dans l'avenir, à l'enfant ou à l'adulte qu'il
avec l’Établissement français du sang (ESF) ou un établisse- deviendra pour traiter des leucémies ou, à plus long terme,
ment de soins public, pour récolter du sang de cordon dans des affections comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de
des banques dites de sang de cordon. Un réseau de banques est Parkinson, le diabète, des affections cardiaques, hépatiques
constitué en France sous l’égide de l'Agence de biomédecine. ou vasculaires, cérébrales, indications tout à fait inconnues
Si la femme accouche dans un de ces établissements, on et hypothétiques actuellement, mais susceptibles de se déve-
lui proposera de donner du sang du cordon de manière gra- lopper compte tenu des rapides progrès de la science dans
tuite et anonyme. En effet, ce sang de cordon contient des ce domaine.
cellules souches du sang qui peuvent servir pour le traitement Le CNGOF tient à dire que, en l’état actuel des connais-
des maladies de la moelle osseuse (leucémies, cancers, non- sances scientifiques :
fonctionnement de la moelle, hémopathies congénitales) à ■ il n'y a pas d'indication à conserver systématiquement
la place d'une greffe de moelle osseuse. Ces cellules souches du sang de cordon d'un enfant pour lui-même ; pour
immatures provoquent moins de réaction de rejet lors d'une certaines pathologies très rares, il est déjà possible de
greffe, permettant un certain degré de disparité entre don- conserver dans une banque publique autorisée le sang
neur et receveur. Elles se multiplient dix à 20 fois plus vite de cordon de l'enfant à naître pour un frère ou une sœur
que les cellules de la moelle osseuse et assurent une meilleure malade, sur demande du médecin spécialiste en charge
prise de greffe. La conservation possible du sang de cordon de l'enfant malade ;
par congélation lui confère une disponibilité immédiate. Ce ■ l'utilisation des cellules souches hématopoïétiques du
type de greffon est utilisé en priorité chez les jeunes enfants sang de cordon n'est porteuse d'espoir de traitement
atteints de leucémie aiguë. La transfusion de sang placentaire dans certaines leucémies ou maladies héréditaires de
a permis de sauver la vie de patients chez lesquels la méthode l'hémoglobine (thalasémie, drépnocytoses ) uniquement
habituelle de greffe de moelle osseuse n’était pas applicable. par greffe allogénique, c'est-à-dire utilisant les cellules
Ce don ne sera possible qu'avec le consentement de la femme, souches du sang de cordon d'un autre enfant ayant des
signé après un entretien avec une sage-femme qui posera groupes HLA compatibles. La conservation du propre
des questions concernant ses antécédents, ainsi que celui des sang de l'enfant n'est dans ces cas d'aucune utilité ;
proches. La franchise des réponses sera déterminante pour ■ on ignore tout de la survie par congélation des cellules
garantir la sécurité du malade qui va recevoir ce sang. souches hématopoïétiques et mésenchymateuses (très
Si la femme accepte de faire ce don, le prélèvement de 70 rares dans le sang de cordon, voire absentes) au-delà de
à 80 ml sera fait après la naissance et la section du cordon 20 ans et il s'agit d'un pari sur les progrès de la méde-
avant la délivrance. Il ne nuit en rien à l'enfant puisqu'il ne cine de penser que ces cellules pourront être utilisées 70
modifie pas les gestes médicaux de l'accouchement. à 80 ans plus tard pour traiter une maladie d'Alzheimer,
Si la femme choisit de ne pas participer au don du sang pla- de Parkinson ou toute autre affection. De plus, les cellules
centaire, elle doit être assurée que cela ne portera en rien pré- souches mésenchymateuses sont présentes chez tout un
judice aux soins qui lui seront prodigués à elle et à son bébé. chacun en grande quantité et facilement accessible dans
La sage-femme lui fera signer un consentement et lui la moelle osseuse tout au long de la vie ;
demandera de revenir une fois après l'accouchement pour ■ le recueil de ce sang de cordon par la sage-femme ou le
un prélèvement de sang afin de s'assurer qu'elle n'a pas eu médecin lors de la naissance pourrait avoir un retentis-
une infection depuis l'accouchement (VIH, hépatite B ou C) sement sur le lieu et les conditions de l'accouchement.
et un examen clinique de son bébé (naissance et 3 mois). La naissance doit rester un acte naturel d'accueil par le
Chapitre 6. Délivrance et examen du placenta    97

couple d'une nouvelle vie et non un acte à visée thérapeu- La sage-femme surveillera :
tique surmédicalisé détournant l'attention des soins qui ■ le pouls ;
doivent être prodigués à l'enfant et à sa mère. ■ la tension artérielle ;
Le CNGOF, suivant en cela l'avis du Comité consultatif ■ la coloration de la patiente ;
national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ■ les saignements vulvaires qui doivent rester inférieurs à
et l'Académie nationale de médecine, l'Agence de biomé- 500 cm3.
decine et de nombreux collèges professionnels (American L'abdomen doit être surveillé et l'utérus doit rester
College of Obstetricians and Gynaecologists, Royal College rétracté et sous l'ombilic.
of Obstetricians and Gynaecologists, Société canadienne de L'examen de ces paramètres est fait tous les quarts d'heure
gynécologie obstétrique) : et noté sur la feuille d'observations. On note ensuite les pres-
■ déconseille aux professionnels de la naissance (médecins criptions de suites de couches :
et sages-femmes) d'accepter de faire des prélèvements ■ type d'allaitement ;
de sang de cordon en vue d'une conservation autologue ■ éventuellement des ocytociques, parfois des antibiotiques.
(c'est-à-dire pour l'enfant lui-même) dans une banque Prévention des accidents thromboemboliques En l'ab-
privée à la demande des parents ; sence de facteurs de risque ou en présence de moins de
■ encourage le don gratuit et bénévole de sang de cordon trois facteurs suivants – âge > 35 ans, obésité (IMC > 30
pour alimenter les banques publiques présentant toutes ou poids > 80 kg), varices, HTA ; facteurs obstétricaux :
les garanties techniques et scientifiques pour la conser- césarienne, multiparité > 4, prééclampsie, alitement strict
vation, le typage HLA, la traçabilité et l'utilisation de ces
prolongé, hémorragie du post-partum, etc. ; maladie
cellules souches pour des greffes allogéniques (c'est-à-
dire à une autre personne), seules utiles actuellement. thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI
Ces banques publiques, qui existent actuellement en poussée, infection intercurrente systémique, etc.) –, la
en France dans plusieurs grandes villes (Paris, Créteil, patiente est considérée comme à faible risque et on ne lui
Bordeaux, Besançon, Marseille, Lyon, Grenoble, Poitiers, prescrira que des bas de contention. Dans les autres cas, la
Montpellier, Rennes), sous l’égide de l’Établissement fran- prescription d'anticoagulants suivra les recommandations
çais du sang, de centres hospitalo-universitaires, avec le sou- de la SFAR (voir « Prévention des accidents thromboembo-
tien de l'Agence de biomédecine, sont en nombre suffisant liques en obstétrique »).
compte tenu des besoins. Elles travaillent en collaboration
avec les maternités publiques et privées proches de leur lieu Références
d'implantation et recueillent du sang de cordon après infor-
[1] ACOG Practice Bulletin. Prophylactic antibiotics in labor and deli-
mation et consentement éclairé des parents, en respectant
very. Obstet Gynecol 2003 ; 102 : 875–82.
les contre-indications à ce don et une technique de prélè- [2] Ely J, Rijhsinghani A, Abowdler N, et al. The association between
vement et de conservation validée. Elles sont les seules à manual removal of the placenta and post partum endometritis fol-
assurer la solidarité entre bien-portants et donneurs, ainsi lowing vaginal delivery. Obstet Gynecol 1995 ; 86 : 1002–6.
que la recherche fondamentale et clinique qui doit profiter [3] Gerstenfeld T, Wing D. Rectal misoprostol versus intravenous oxyto-
à tous dans l'avenir. En décembre 2012, le nombre d'unités cin for the prevention of post partum hemorrhage after vaginal deli-
de sang placentaire disponibles en France s’élevait à 30 000, very. Am J Obset Gynecol 2001 ; 185 : 878–82.
ce qui est suffisant pour permettre les 250 greffes annuelles [4] L'Herminé-Coulomb A. Examen du placenta. EMC. 2005 15-5-070-C-20.
françaises, même si, pour des raisons de compatibilité HLA, [5] Magann EF, Evans S, Chauhan SP, et al. The length of the third stage
des importations sont nécessaires. Elles sont accessibles of labour and the risk of postpartum hemorrhage. Obstet Gynecol
2005 ; 105 : 290–3.
à l'ensemble des greffeurs mondiaux (1 250 greffes par an
[6] Nessman C, Larroche JC. Atlas de pathologie placentaire. Paris :
dans le monde), la France étant le deuxième exportateur Masson ; 2001. p. 168.
mondial. Les greffons français sont reconnus pour leur qua- [7] OMS. Recommandations pour la pratique clinique des soins obstétri-
lité, les critères de conservation étant très rigoureux dans les caux et néonataux d'urgence en Afrique. 2010.
banques publiques : un tiers seulement des sangs de cordon [8] Pierre F, Mesnard L, Body G. For a systematic policy of IV oxytocin
prélevés est conservé. induced placenta deliveries in a unit where a fairly active manage-
La liste des maternités qui participent à la collecte de sang ment of third stage of labour is yet applied. Results of a controled trial.
placentaire est sur le site de l'Agence de biomédecine : www. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1992 ; 43 : 131–5.
agence-biomedecine.fr/article/496. Le document destiné [9] Prindiville WJ, Elbourne D, McDonald S. Active versus expectant
aux professionnels sera trouvé sur : www.agence-biomede- management in the third stage of labour. Cochrane Database Syst Rev
2005 ; 19 : CD004665.
cine.fr/IMG/pdf/docpro-sang-placentaire.pdf.
[10] Prendiville WJ. The prevention of post partum haemorrhage : opti-
mizing routine management of the third stage of labour. Eur J Obstet
Gynecol Reprod Biol 1996 ; 69 : 19–24.
Surveillance de l'accouchée [11] Sepulveda W, Alcade JL, Schnapp C, et al. Perinatal outcome after prenatal
après la délivrance diagnosis of placental chorioangioma. Obstet Gynecol 2003 ; 102 : 1028–33.
[12] Soltani H, Dickinson F, Symonds I. Placental cord drainage after
En l'absence de toute pathologie, la surveillance sera atten- spontaneous vaginal delivery as part of the management of the third
tive pendant au moins deux heures en salle de travail. Elle stage of labour. Cochrane Database Syst Rev. 2005 CD004665.
peut être prolongée dans certaines circonstances patholo- [13] DRESS, Blondel B, Kermarrec M. La situation périnatale en France en
giques comme les césariennes, les antécédents hémorra- 2010. DRESS études et résultats 2011 ; 775 : . www.sante.gouv.fr/IMG/
giques et les délivrances artificielles. pdf/er775.pdf.
Chapitre
7
Déclaration de naissance
I. Boidron-Balligand

PLAN DU CHAPITRE
Quand faire la déclaration de naissance ? . . . . 99 Cas particuliers en fonction du statut
Qui doit faire la déclaration ? . . . . . . . . . . . . . 99 matrimonial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Comment doit être faite la déclaration
de naissance ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Nom de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Qui doit faire la déclaration ?


OBJECTIFS
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : L'article 56 du code civil stipule que la naissance doit être décla-
• de rédiger un certificat de naissance permettant la
rée par le père de l'enfant ou, à défaut, par les médecins, sages-
déclaration de naissance à l'état civil, conformément à la
femmes ou autres personnes qui ont assisté à l'accouchement,
loi ;
voire la personne chez qui la patiente a accouché, si l'événement
s'est produit hors du domicile habituel de la parturiente.
• d'expliquer à la mère et/ou au père les modalités de la
déclaration de naissance compte tenu de la situation
familiale. Comment doit être faite
la déclaration de naissance ?
La déclaration de naissance est obligatoire (article 55 du (figure 7.1)
code civil). Elle établit le lien juridique entre la mère et son
ou ses enfants en s'appuyant sur le témoignage de celui qui Il est indiqué sur l'acte de naissance :
a fait l'accouchement. Elle contribue à établir l'identité de ■ le jour, l'heure, le lieu de la naissance ;
l'enfant et, si elle y est inscrite, celle du père et ou de la mère. ■ le sexe de l'enfant ;
Elle est différente de la reconnaissance qui s'effectue par les ■ le (ou les) prénom(s) de l'enfant ;
parents et définit une filiation « sociologique ». ■ les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, profes-
sions, domiciles des père et mère ;
■ le nom, prénom, âge, profession, domicile du déclarant
Quand faire la déclaration s'il y a lieu.
Si l'un des parents n'est pas désigné, aucune mention ne
de naissance ? (figure 7.1) doit être faite sur ce parent dans l'acte de naissance. Il est
Elle doit être faite obligatoirement dans les trois jours qui interdit d'indiquer « né de père ou de mère inconnus ».
suivent l'accouchement. Le jour de l'accouchement n'est Habituellement, en milieu hospitalier ou en clinique, le
pas compté dans ce délai de trois jours. Si le troisième jour médecin ou la sage-femme qui a fait l'accouchement rédige
est un samedi, un dimanche ou férié, le délai est prorogé un certificat d'accouchement daté et signé avec la mention
au premier jour ouvrable suivant (décret du 25 novembre de la qualité du signataire, attestant de la naissance de l'en-
1960, JO du 1er décembre 1960). Si elle n'est pas faite dans fant (avec la date, l'heure et le lieu de naissance, si l'enfant
les trois jours, l'acte de naissance ne peut être dressé que est vivant, et son sexe) et comportant les renseignements
par jugement du tribunal de grande instance. Le soignant a d'état civil concernant la mère (nom, prénom et date de
donc un rôle informatif et incitatif important pour la réali- naissance). Ce certificat est remis au père qui ira à la mairie
sation de cette déclaration de naissance dans les délais par du lieu d'accouchement faire la déclaration.
les parents. Dans certains cas, la mairie peut déplacer un de ses agents
La déclaration est faite à la mairie de la commune où a dans l'établissement hospitalier, ou désigner un officier d'état
eu lieu l'accouchement. C'est l'expulsion de l'enfant qui tient civil parmi les administratifs de l'hôpital. Celui-ci est alors
lieu d'accouchement et non l'expulsion du placenta, dans les habilité à prendre les renseignements et documents pour éta-
cas d'accouchement à domicile ou d'accouchement inopiné. blir la déclaration, évitant un déplacement à la mairie.
Pratique de l'accouchement
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100   Partie I. Accouchement normal

Naissance d’un enfant vivant

Certificat d’accouchement

Service Enfant vivant Décès post-natal


obstétrique

Absence de certificat d’enfant Certificat d’enfant vivant


vivant viable viable +Certificat de décès

Mairie Acte de naissance Acte d’enfant sans vie Acte de naissance + Acte de décès
Article 55 du Code civil

Fig. 7.1. Déclaration à l'état civil d'un enfant né vivant.

Si le père est empêché pour des raisons de force majeure, faite et invitée à lire l'acte, a signé avec nous, I. B.,
la sage-femme ou le médecin qui a fait l'accouchement doit officier d'état civil par délégation du maire. »
faire la déclaration à la mairie ou à l'officier d'état civil dési-
gné à l'hôpital.
Depuis la loi du 8 janvier 1993, les parents ont libre choix Nom de l'enfant
dans les prénoms qu'ils donnent à leur enfant, ainsi que La loi du 4 mars 2002 modifiée permet aux parents de
pour l'orthographe de ces prénoms. L'officier d'état civil ne choisir d'un commun accord le nom de famille de leur
dispose plus de droit d'appréciation. Il subsiste cependant premier enfant commun. Ce nom peut être soit le nom
quelques restrictions mais l'officier d'état civil se doit d'éta- du père, soit le nom de la mère, soit le nom du père suivi
blir l'acte en l'état et secondairement de demander l'avis au de celui de la mère, soit le nom de la mère suivi de celui
parquet. du père.
Exemple Mme Durand vient d'accoucher. Son mari est Le nom choisi devra être mentionné dans une déclaration
en déplacement professionnel et ne peut faire la décla- sur l'honneur conjointe qui sera remise à l'officier d'état civil
ration dans les délais légaux. La sage-femme qui a fait au moment de la déclaration de naissance.
l'accouchement fera un certificat d'accouchement comme Sans déclaration de choix de nom, l'enfant portera le nom
ci-dessous : du père pour un couple marié et le nom du premier parent
« Je soussignée, Juliette RICHARD, sage-femme, qui l'a reconnu pour un couple non marié.
certifie avoir assisté, au 2, boulevard Tonnellé, Le choix du nom ne peut se faire qu'une seule fois et sera
à Tours, à l'accouchement de Mme Cécile Anne attribué d'office aux autres enfants communs à venir.
POIRIER, née le 28/01/1970 pour la naissance
d'un enfant vivant de sexe masculin, prénommé Cas particuliers en fonction
Pierre, le 17 avril 1999, à 5 h 30. Fait à Tours le
17 avril 1999. » du statut matrimonial
Ce certificat permettra l'établissement de la déclaration La femme est seule
de naissance comme ci-dessous :
Elle désire reconnaître son enfant
« Le 17 avril 1999 à 5 h 30 est né, 2, boulevard La déclaration ne portera que le nom patronymique de la
Tonnellé, à Tours, Pierre Paul DURAND, de sexe mère.
masculin, de Jean-Paul DURAND, ingénieur, né Elle n'est plus tenue de reconnaître son enfant après la
à Paris (5e arrondissement) le 2 avril 1968, et de naissance, dès lors qu'elle est désignée dans l'acte de nais-
Cécile Anne POIRIER, ingénieure, née à Tours le sance de celui-ci.
28 janvier 1970, mariés le 10 juin 1998, domiciliés Toutefois, il est toujours possible, surtout en cas de
à Tours (Indre-et-Loire), 15, rue des Oranges. mésentente avec le père, de lui conseiller au cours de la
Dressé le 18 avril 1999 à 10 h 58 sur déclaration grossesse de faire une reconnaissance anticipée à la mairie
de la sage-femme, Juliette RICHARD, qui, lecture de son choix. En effet, l'enfant acquiert le nom de celui de
Chapitre 7. Déclaration de naissance    101

ses deux parents à l'égard de qui sa filiation a été établie La loi du 5 juillet 1996 donne la possibilité à la mère, des
en premier. années après son accouchement, de revenir sur sa décision
d'anonymat et de confier son identité au cas où son enfant
Exemple de déclaration de naissance souhaiterait connaître ses origines. Si la transcription de
la reconnaissance paternelle n'a pas été possible du fait du
« Le 19 avril 2006, à 11 h 20, est né 2, boulevard secret de son identité imposé par la génitrice, le géniteur qui
Tonnellé, à Tours, Léo Pascal DURAND, de sexe aurait reconnu l'enfant avant sa naissance peut entreprendre
masculin, de Julie Durand née à Tours (Indre-et- des démarches auprès du procureur de la République.
Loire) le 27 juin 1980, postière, qui l'a reconnu L'enfant pourra, à sa majorité ou avec la demande de
à la mairie de La Rochelle (Charente-Maritime) son représentant légal s'il est mineur, s'adresser au CNAOP
le 20 février 2006, domiciliée à Tours, 5, rue des (10–16, rue Brancion, 75005 Paris) pour obtenir la levée de
Ursulines. » l'anonymat si la génitrice y a consenti. L'accès de la personne
à ses origines reste cependant sans effet sur l'état civil (nom,
La femme veut confier son enfant
prénoms) et sur la filiation si elle a été adoptée. Cette levée
en vue d'une adoption de l'anonymat n'entraîne ni droit ni obligations au profit ou
La femme peut demander l'anonymat (article 341-1 du à la charge de qui que ce soit (loi du 22 janvier 2002).
code civil). Aucune pièce d'identité n'est exigée ; il n'est La sage-femme prendra en charge la parturiente en
procédé à aucune enquête. Il peut lui être attribué un nom étroite collaboration avec l'assistante sociale et la psycho-
d'emprunt afin de faciliter les enregistrements administra- logue de façon à l'entourer au mieux dans cette difficile prise
tifs dans les établissements hospitaliers. Tout le dossier de de décision. Cette disposition de la loi française, ancienne-
la mère, y compris les examens complémentaires, est alors ment appelée « accouchement sous X », est contestée au nom
sous ce patronyme qui lui a été attribué dès la décision de des droits de l'enfant à connaître ses origines. En Europe,
consentement à l'adoption qui peut être prise tout au long cette disposition n'existe qu'au Luxembourg, en Italie et en
de la grossesse. La femme peut donner un ou deux pré- Espagne pour les femmes célibataires uniquement. Dans les
noms à l'enfant si elle le désire, elle est invitée à laisser une autres pays, l'enfant est déclaré sous le nom de sa mère et
lettre ou un quelconque objet adressés à son enfant, pou- c'est le jugement d'adoption qui rompt le lien de filiation
vant lui donner des informations sur ses origines, sa santé, antérieur, l'enfant adopté étant censé être né alors de ses
les motivations de sa décision, voire son identité, sous le parents adoptifs.
sceau du secret. Ce courrier sera joint au procès-verbal
de consentement à l'adoption de l'enfant. Celui-ci pourra,
s'il le souhaite, le consulter à sa majorité en s'adressant au La femme vit en couple
Conseil national pour l'accès aux origines personnelles Les deux parents sont célibataires
(CNAOP) créé par la loi du 22 janvier 2002 qui conserve Le certificat d'accouchement ne comporte que l'identité de
ces documents. Une autorisation de levée du secret doit la mère ; c'est au père d'aller faire la déclaration et recon-
être établie par la génitrice ou le cas échéant par le géni- naître l'enfant à la mairie sauf s'il y a eu reconnaissance du
teur, chacun pour sa propre identité. Cette démarche pour père ou des deux parents avant la naissance.
laisser des éléments consultables par l'enfant peut aussi Dans les deux cas, le couple disposera du choix du nom
être faite bien après la naissance ou complétée. L'enfant, de famille pour son enfant.
à la sortie de la maternité, est pris en charge par l'aide
sociale à l'enfance, de même que les frais d'hospitalisation La femme est mariée et vit avec un autre homme
de la mère. La femme a deux mois pour se rétracter dans qui est le père de l'enfant
sa décision d'abandon. Si elle change d'avis, elle peut le Si elle ne dit rien, la déclaration est établie au nom de la femme
reconnaître dans ce délai. et de son mari ; en effet, l'enfant conçu pendant le mariage a
La femme peut aussi conserver sa véritable identité pour pour père le mari (article 312 du code civil), ­celui-ci ne pou-
l'accouchement et son séjour hospitalier. vant que désavouer, s'il le souhaite, cette paternité.
Dans tous les cas, la déclaration de naissance ne donnera La femme peut le déclarer sous son nom de jeune fille.
aucune indication de l'identité de la mère. Le certificat d'ac- Cet enfant porte alors le nom de sa mère. Le père bio-
couchement pourra être rédigé comme suit : logique de l'enfant peut le reconnaître ; là encore, il faut
« Je soussignée, Juliette RICHARD, sage-femme, conseiller à la femme de faire pendant sa grossesse une
certifie avoir assisté à la naissance d'un enfant reconnaissance anticipée et éventuellement conjointe
vivant de sexe masculin, se prénommant Arnaud, avec le père de l'enfant, ce qui leur assure la filiation sur
Antoine, le 2 avril 2005 à 3 h 10, 2, boulevard leur enfant.
Tonnellé à Tours. »
Un ou deux prénoms sont donnés à l'enfant par la mère Prévoir la filiation de l'enfant
si elle le souhaite, ou à défaut par la sage-femme, ou à défaut Pour tout cas particulier, femme célibataire, couple séparé,
par l'officier d'état civil qui, lui, donnera aussi le troisième instance de divorce, etc., il est important que le profession-
prénom qui servira de patronyme à l'enfant jusqu'à son nel qui suit la femme enceinte l'oriente vers un service social
éventuelle adoption plénière après deux mois (article 24, loi ou la mairie de son domicile pour qu'elle puisse anticiper
du 5 juillet 1996). sur l'établissement de la filiation de l'enfant à naître.
102   Partie I. Accouchement normal

Enfant de sexe indéterminé Si l'enfant naît vivant et meurt dans les heures qui suivent,
Il ne faut pas indiquer le sexe sur la déclaration. Le parquet il faut faire une déclaration de naissance d'enfant né vivant
le fera par la suite en fonction des certificats médicaux éta- et viable puis un certificat de décès (loi du 8 janvier 1993,
blis et présentés par les parents. article 79-1 du code civil). En l'absence de certificat médical
On conseillera aux parents de donner un prénom mixte attestant que l'enfant est né vivant et viable, l'officier d'état
comme Camille, Sacha, Alix ou Morgan. civil établit un acte d'enfant sans vie.
En cas d'acte de naissance et de décès, l'inhumation ou
la crémation du corps est indispensable. Elle s'effectue à la
Enfant décédé à la naissance (figure 7.2) charge de la famille. La commune est tenue d'aider à la prise
Le décès périnatal touche en France environ 5 000 familles en charge des frais pour les personnes dépourvues de res-
par an. Que le décès soit « naturel » ou dû à une interruption sources suffisantes.
médicale de grossesse, la réaction à la perte est d'intensité S'il y a naissance d'un enfant décédé, un certificat d'ac-
comparable à celle de la mort d'un enfant plus âgé. couchement est établi en vue de la rédaction d'un acte d'en-
On proposera aux parents de voir l'enfant nu ou après fant sans vie.
l'avoir habillé, et de le prendre dans les bras. Des photo- Ce certificat est remis systématiquement aux parents
graphies de l'enfant pourront être prises et seront conser- quelle que soit leur intention d'enregistrement ou non à
vées dans le dossier médical de la mère, car, ainsi, les l'état civil. La déclaration éventuelle de l'enfant sans vie
parents qui n'ont pas souhaité ou pas pu voir leur enfant à l'état civil repose sur une démarche volontaire et n'est
lors de la naissance pourront plus tard demander à voir contrainte à aucun délai.
ces photographies. Ces photos, qui resteront les seules L'établissement de l'acte d'état civil permet et astreint les
images disponibles, les seuls témoins, nécessiteront beau- parents à la prise en charge du corps de leur enfant.
coup d'attention pour être correctement prises, nettes, et L'acte d'enfant sans vie est enregistré sur le registre des
belles à regarder, ainsi qu'être représentative d'un nou- décès, et comporte le jour, l'heure et le lieu de naissance, les
veau-né, pour ne pas créer un nouveau choc à ces parents. renseignements d'état civil des parents, et le prénom éven-
Une aide et un suivi psychologique doivent être proposés tuellement donné. L'enfant sans vie n'a pas de patronyme,
immédiatement à ces derniers et dans le temps qui suit la en conséquence l'éventuelle reconnaissance anticipée tombe
sortie de la maternité. de droit.
Pour les déclarations à l'état civil, les notions antérieures L'inscription sur le livret de famille est possible à la demande
de terme à 22 SA ou de poids à 500 g (définition OMS) ont des parents, et la délivrance d'un livret de famille s'il s'agit d'un
été supprimées par les décrets et arrêtés du 20 août 2008. Un premier enfant d'un couple non marié est aussi possible.
seuil de viabilité à 15 SA a été réintégré par la circulaire du L'organisation des funérailles par les parents se trouve
19 juin 2009. en général facilitée par une procédure mise en place entre

Enfant décédé
à la naissance

Service Certificat enfant


obstétrique : sans vie

Démarche volontaire des


parents

Mairie : déclaration Non déclaration

• Acte état civil

• Sur registre des décés


• Inscription possible sur livret Inhumation
famille (prénom) par établissement si
• Inhumation à la charge de la famille non réclamation du corps
Fig. 7.2. Déclaration à l'état civil d'un enfant décédé à la naissance.
Chapitre 7. Déclaration de naissance    103

l'établissement d'accouchement et la commune. La famille Circulaire DGS, Circulaire DGS n° 50 du 22 juillet 1993.
dispose de dix jours pour s'occuper du devenir du corps. Circulaire DHO/DGS/DACS/DGCL n° 2001-576 relative à l'enregistre-
Au-delà de ce délai et en l'absence de récupération du corps ment à l'état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés
avant la déclaration de naissance.
par la famille, l'établissement a deux jours supplémentaires
Circulaire interministérielle DGL/DACS/DHOS/DGS/2009/182 du 19 juin
pour procéder, à sa charge, à la crémation du corps ou à son 2009.
inhumation si une convention avec la commune existe. Si Décès périnatal. Prescrire ; 23. 2003. p. 515–21.
des prélèvements fœtopathologiques sont nécessaires sur L'accouchement sous X. Dossiers de l'obstétrique. 2000. p. 280.
l'enfant, ce délai est prolongé jusqu'à quatre semaines à Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil,
compter de la naissance. à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires
À la suite de la naissance d'un enfant sans vie, la femme familiales (JO du 9 mars 1993).
peut bénéficier des indemnités journalières du congé post- Loi n° 96-604 du 5 juillet 1996.
natal ainsi que son conjoint, comme après l'accouchement Loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des per-
d'un enfant vivant. sonnes adoptées et pupilles de l'État.
Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille modifiée.
Loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du
4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant
Références
diverses dispositions relatives à la filiation.
Arrêté du 20 août 2008 et décrets 2008-800 et 2008-798. Nés sous X : un accès limité aux origines personnelles. Prescrire 2005 ; 25 :
Articles R. 1112-7, R. 1112-75, R. 1112-76 du code de la santé publique, 134–5.
1993. Ordonnance du 4 juillet 2005.
Chapitre
8
Présentations de la face,
du front, du bregma et de l'épaule
J. Lansac, C. Ouedraogo

PLAN DU CHAPITRE
Présentation du front . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Présentation de la face . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Présentation du bregma . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Présentation de l'épaule . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

tionnelles) conduit obligatoirement à la césarienne, comme


OBJECTIFS la présentation de l'épaule [12].
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : La pratique montre que le diagnostic de présentation
• de faire le diagnostic de présentation de la face, du front, céphalique défléchie est le plus souvent tardif au cours
du bregma ou de l'épaule et d'en préciser la variété de du travail, parfois posé seulement à dilatation complète.
position ; Une certaine expectative peut être utile au cours du tra-
• d'expliquer les phénomènes mécaniques et plastiques vail, dans la mesure où, par exemple, certaines formes
caractéristiques de chaque présentation ; transitoires de bregma peuvent évoluer par flexion vers
• d'expliquer le retentissement de chacune de ces un sommet. Toutefois, cette expectative n'est envisageable
présentations sur la dynamique utérine, sur le fœtus et qu'en tout début de travail, si la confrontation céphalo-
sur le périnée ; pelvienne est favorable et tant que la présentation n'est
pas fixée. La prudence veut qu'elle ne soit pas prolongée
• de proposer une conduite à tenir en fonction du type
au-delà de deux heures en l'absence d'évolution favorable
de présentation et des anomalies observées pendant la
sous ocytociques.
dilatation ou l'expulsion.

Présentation du front
À l'inverse des présentations du sommet dans lesquelles
la tête est bien fléchie sur le tronc, les présentations de la Rare (environ 1/1 000), elle a été décrite par Lacomme
face, du front et du bregma sont des présentations défléchies comme une « présentation où la déflexion partielle du pôle
(seuls les diamètres sagittaux changent) (planche 8.1) : céphalique fixe de façon définitive et fait pénétrer dans le
■ soit partiellement : bregma (1er tiers de la déflexion) et détroit supérieur une partie plus ou moins voisine du front ».
front (2e tiers) ; La présentation du front persistante entraîne une dysto-
■ soit totalement : face (3e tiers). cie mécanique et conduit le plus souvent à une césarienne.
Elles sont la conséquence d'une mauvaise accommoda- Cependant, cette présentation, si elle n'est pas fixée, peut
tion fœtopelvienne, du fait : aussi évoluer vers un sommet ou une face, permettant une
■ d'un bassin anormal (bassin aplati), d'un utérus atone évolution du travail et un accouchement par voie basse dans
(grandes multipares) ou surdistendu (hydramnios) ; un tiers des cas [13].
■ d'un placenta ou d'un obstacle praevia (fibrome), d'un
circulaire du cordon ; Mécanique obstétricale
■ d'une malformation fœtale, en particulier de la région
Deux situations doivent être bien séparées.
cervicale (goitre, kyste branchial, tératome), de la char-
nière cervico-occipitale ou, rarement, d'une anencéphalie
non diagnostiquée en prénatal. Accouchement à terme d'un enfant
On ne saurait trop répéter l'importance de leur diagnos- de poids normal
tic précoce au cours du travail : les présentations de la face La tête, initialement haute et en position indifférente, se
et du bregma autorisent le plus souvent l'accouchement par défléchit au lieu de se fléchir, évoluant vers une présentation
voie basse, alors que celle du front (sauf situations excep- du front.
Pratique de l'accouchement
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108   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 8.1. Les différentes présentations céphaliques

Tête en position indifférente

TRAVAIL

FLEXION DÉFLEXION

SOMMET BREGMA FRONT FACE

b
a. Coupe sagittale. b. Coupe transversale.
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    109

Types de présentation céphalique en fonction de la déflexion de la tête

Sommet mal fléchi


Sommet

Position de la tête

Diamètre
d'engagement 9,5 cm 11 cm
Sous-occipito-bregmatique Sous-occipito frontal
Accouchement Eutocie : voie basse. Dystocie ± : voie basse Face

Front
Bregma
Bregma

Front Synciput

Occiput

Menton Sous-occiputput
Présterno-syncipital 13,5 cm

Bip
9,5
cm

9,5 cm
12 cm
Sous-mento-bregmatique
Occipito frontal
13 cm
Syncipito-mentonnier Eutocie (si menton antérieur) : voie
basse Dystocie (si menton postérieur) :
Dystocie + : voie base ou césarienne. Dystocie+++ : césarienne césarienne.
110   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 8.1. Suite


Types de présentation céphalique et leurs points de repères

Sommet très fléchi Sommet mal fléchi (variété antérieure)

Diamètre d'engagement

Point de repère Sous-occipito-bregmatique


Ce que l'on sent
Occiput (lambda)
La fontanelle postérieure au centre du
pelvis, la suture sagittale La fontanelle postérieure en périphérie, la
suture sagittale, la grande fontanelle

La fontanelle antérieure
Les orbites, le nez
9,5 cm
11 cm

9,5
Ce que l'on ne sent pas cm 9,5
cm

Dimensions

Sous-occipito-bregmatique
Sous-occipito frontal
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    111

Bregma Front

Face

Grande fontanelle Menton


La grande fontanelle au centre du pelvis, la Racine du nez Les orbites, le front, le nez, la
racine du nez Les orbites, le nez, la grande fontanelle bouche, le menton

12 cm Le menton, la petite fontanelle La grande fontanelle antérieure


13,5 cm 9,5 cm

9,5 9,5
cm 9,5 cm
cm

Occipito frontal
La petite fontanelle, la
Syncipito mentonnier Sous-mento-bregmatique
pyramide nasale
112   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 8.1. Suite


Diamètres d'engagement

Sus-occiput 9,5 cm
9,5 cm
12 cm FRONT
Occiput

13,5 cm

Sous-occiput

MENTON

Pronostic des types de présentation céphalique.


Présentation Eutocie Dystocie Accouchement Repère Diamètres sagittaux
Voie basse Césarienne
Sommet ++ ⊕ Lambda (petite Sous-occipito-
fontanelle) bregmatique 9,5 cm
Bregma ⊕ ⊕ ou ⊕ Grande Occipitofrontal 12 cm
fontanelle
Front ++ ⊕ Racine du nez Syncipitomentonnier
13,5 cm
Face ⊕ Variété Variété Menton Sous-mento-
antérieure postérieure bregmatique 9,5 cm
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    113

Fixée dans cette position, elle présente au détroit supé- L'engagement est en conséquence impossible ; toutefois,
rieur (DS) son plus grand diamètre sagittal, allant du syn- quelques très rares cas d'accouchement par voie basse ont été
ciput (point le plus saillant de l'occiput), à la pointe du rapportés avec des enfants de poids normal : cela n'est pos-
menton, c'est-à-dire le diamètre syncipitomentionnier sible qu'avec un bassin exceptionnellement grand, compor-
(environ 13,5 cm), supérieur aux plus grands diamètres du tant un diamètre antéropostérieur supérieur à 12,5 cm ; dans
bassin (les diamètres obliques et transverses n'excèdent pas les cas exceptionnels où la tête fœtale, ayant terminé sa des-
12,5 à 13 cm) (figure 8.1 et planche 8.1). cente, est arrivée au détroit inférieur (DI) en nasoantérieure.

Fig. 8.1. Rotation manuelle. a. Présentation du front en gauche antérieur. b. Présentation du front en nasotransverse après rotation manuelle.
c. Présentation du front en naso gauche postérieur. d. Occipitoantérieur gauche après flexion et rotation de la tête.
114   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Accouchement d'un enfant prématuré et/ Dégagement


ou de petit poids (jumeau) Il s'effectue autour du pivot formé par la symphyse pubienne
Cette possibilité représente une situation exceptionnelle et le maxillaire supérieur, réalisant un mouvement en « S »
chez un enfant de moins de 2 000 g. Si l'accouchement par avec, successivement :
voie basse est possible, il ne faut jamais oublier qu'il s'agit ■ flexion de la tête : apparition à la vulve de la partie de la
d'un accouchement difficile, se produisant en force et néces- tête fœtale allant du nez au sous-occiput ;
sitant, lorsqu'il a été accepté, une surveillance attentive. Ces ■ puis déflexion : le sous-occiput s'appuyant sur la four-
différents temps sont représentés à la figure 8.2. chette vulvaire, la tête se défléchit pour dégager la bouche
et le menton.
Engagement Lors du dégagement de l'occiput, l'ampliation périnéale
La tête s'engage dans un diamètre transverse ou oblique ; elle est importante et les indications de l'épisiotomie sont très
doit s'amoindrir avec, en particulier, un chevauchement des larges. La suite de l'accouchement est sans particularité.
os du crâne. L'apparition précoce d'une bosse sérosanguine
est fréquente. Le front plonge dans l'excavation alors que Clinique
l'occiput s'allonge vers le dos.
Examen abdominal
Descente et rotation Ces constatations sont, à des degrés divers, communes à
Elles sont lentes et difficiles, et amènent la tête en position toutes les présentations défléchies :
nasopubienne. La face est derrière la symphyse pubienne, ■ inspection : il s'agit d'une présentation longitudinale ;
maxillaire supérieur contre son bord inférieur, l'occiput ■ palpation : la présentation est haute, non mobilisable
se logeant dans la concavité sacrée. L'axe de la tête vient (fixée) ; la saillie arrondie de l'occiput séparée du plan
se superposer à l'axe antéropostérieur du DI ; le fœtus du dos par un sillon (coup de hache) est difficilement
« mord » la symphyse pubienne. Si la rotation se fait vers palpable, de même que de la saillie du menton du côté
l'arrière en nasopostérieur, l'accouchement est impossible opposé, traduisant la déflexion de la tête ;

1 2 3

Fig. 8.2. Accouchement en présentation du front.


1. Engagement :
– diamètre transverse ou oblique ;
– déformations plastiques importantes de la tête.
2. Descente-rotation :
– diamètre antéropostérieur ;
– tête en position nasopubienne (le fœtus mord la symphyse pubienne).
3. Dégagement :
– diamètre antéropostérieur ;
– maxillaire supérieur contre la symphyse pubienne ;
– dégagement en « S » (flexion – F – puis déflexion – D).
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    115

Toucher vaginal doigts. On utilisera la main droite pour une présentation en


On ne peut parler de présentation du front que sur une nasoantérieur droit et la gauche pour les présentations en
présentation fixée, toute présentation mobile pouvant ulté- nasoantérieur gauche. La tête est doucement repoussée, puis
rieurement se fléchir. C'est lui seul qui permet le diagnostic, tournée de façon à amener l'occiput en avant et le menton
d'autant plus facilement que le segment inférieur est plus en arrière. Une fois l'occiput en avant, on fléchit la tête lors
mince, la dilatation avancée, les membranes rompues, et de la contraction suivante (figure 8.1). Cette manœuvre
qu'il n'existe pas encore de bosse sérosanguine. Le toucher permet l'accouchement par voie basse dans les dix minutes
vaginal perçoit (figure 8.1 et planche 8.1) le front séparant : dans 50 % des cas [13].
■ la racine du nez, repère de la présentation formant une En cas de présentation fixée, d'échec de rotation manuelle
saillie pyramidale, dure, jamais déformée par la bosse ou de refus de la patiente, il faut césariser car, en présenta-
sérosanguine, de chaque côté les arcades sourcilières et tion du front fixée d'un enfant de poids normal chez une
les globes oculaires ; femme au bassin normal, l'accouchement est mécanique-
■ la grande fontanelle avec ses quatre côtés et ses quatre ment impossible.
angles, d'où partent quatre sutures. Si l'on n'intervient pas (front négligé), l'évolution se
Il détermine la variété de position selon la situation de la fait inéluctablement vers de graves complications fœtales
racine du nez par rapport au bassin maternel : et maternelles : absence d'engagement et enclavement au
■ variétés naso-iliaques gauche antérieure (NIGA) et droite niveau du détroit supérieur.
postérieure (NIDP) pour le diamètre oblique gauche ; Une hypertonie et une hypercinésie s'installent ; l'aug-
■ variétés naso-iliaques droite antérieure (NIDA) et gauche mentation de la bosse sérosanguine peut faire croire à tort
postérieure (NIGP) pour le diamètre oblique droit ; que la présentation progresse. L'échographie peut per-
■ variétés naso-iliaques gauche et droite transverse (NIGT mettre de se rendre compte que la tête n'est pas engagée si
et NIDT) pour le diamètre transverse. la distance périnée-présentation est supérieure à 60 mm.
(Le diamètre antéropostérieur du DS n'est jamais utilisé L'utilisation d'un forceps serait dangereuse. Il faut césariser,
en raison de sa trop petite dimension par rapport à celle de sinon il y a un risque de souffrance fœtale aiguë et de mort
la présentation.) fœtale, et pour la mère de rupture utérine et/ou de fistule
Les signes négatifs sont importants pour le diagnostic vésicovaginale comme on le voit encore en Afrique.
différentiel avec d'autres présentations : ne sont perçus ni la
petite fontanelle (sommet) ni le menton (face).
Présentation du bregma [9,10]
Examens complémentaires Le bregma est une présentation céphalique en légère
Il s'agit surtout de l'échographie qui peut avoir un double déflexion (planche 8.1), intermédiaire entre le front et le
intérêt : sommet. La grande fontanelle est le point déclive de la pré-
■ préciser une présentation difficile à apprécier clinique- sentation. On ne sent pas la petite fontanelle. Le bregma
ment (lorsque le diagnostic n'a pu être posé précocement) peut être confondu avec :
en visualisant la déflexion de la tête et l'augmentation de ■ une présentation du front (variété « bregmatique ») ;
la lordose cervicale ; ■ une présentation du sommet en occipitosacré (OS).
■ éliminer une anomalie fœtale (anencéphalie ou hydro- Dans les deux cas, le front est contre la symphyse
céphalie), le mauvais pronostic fœtal pouvant alors faire pubienne, mais en cas de présentation du bregma la petite
élargir les indications de la voie basse. fontanelle n'est jamais perçue, alors que, en cas de sommet
en OS, elle l'est toujours.
L'individualisation de cette présentation nous conduit à
Conduite à tenir commenter ses caractéristiques propres.
Avant dilatation complète
Si la tête est fixée à 7–8 cm, il faut césariser car l'accouche- Mécanique obstétricale
ment est mécaniquement impossible. L'engagement peut se faire grâce à l'asynclitisme et un com-
Si la tête est haute et mobile, en l'absence de signes de plément de flexion transformant le bregma en sommet.
souffrance fœtale, il faut savoir attendre car la tête peut se Sinon, l'engagement, la descente et la rotation sont diffi-
fléchir ou se défléchir et permettre dans un tiers des cas un ciles, le diamètre sagittal de la présentation étant le diamètre
accouchement par voie basse en sommet (80 %) ou en face occipitofrontal (12 cm). Les déformations plastiques de la
(20 %) [7]. tête sont importantes, la bosse sérosanguine fréquente. En
masquant précocement la grande fontanelle, elle peut rendre
À dilatation complète malaisée la détermination de la présentation. Le dégage-
Si la présentation est mobile en nasoantérieur et le rythme ment se fait en OS selon un mouvement en « S » autour d'un
cardiaque est normal, on peut tenter une rotation manuelle point pivot formé par la symphyse pubienne et la racine du
pour fléchir la tête et amener l'occiput en avant. Si la nez : un mouvement de flexion permet de dégager le front et
patiente est sous péridurale, après accord de celle-ci et éva- le bregma, l'occiput et le sous-occiput venant prendre appui
cuation de la vessie, l'opérateur introduit sa main dans le sur la fourchette vulvaire, puis un mouvement de déflexion
vagin et saisit la tête transversalement entre le pouce et les dégage le nez, la bouche et le menton (figure 8.3).
116   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

a b

Fig. 8.3. Dégagement du bregma en nasopubien. a. Le sillon nasofrontal se fixe sous la symphyse. b. Le sillon nasofrontal sert de point de
rotation. c. Le dégagement de la tête se fait en occipitosacré.

Clinique
Les constatations de l'examen abdominal sont celles de la
présentation du front, seules celles traduisant la déflexion de
la tête étant moins marquées.
Le toucher vaginal membranes rompues est capital :
■ il perçoit la grande fontanelle, repère de la présentation ;
au centre de celle-ci : signe de la croix (figure 8.4) ; la
racine du nez peut être perçue mais en périphérie et non
au centre comme pour la présentation du front ; on ne
sent pas la petite fontanelle ou lambda ;
■ c'est la région frontale qui détermine les variétés de pré-
sentation, fronto-iliaque droite ou gauche, antérieure ou
postérieure (les variétés antérieures sont de loin les plus
fréquentes : plus de 80 %).
L'évolution de cette présentation peut être :
■ soit favorable (dans la grande majorité des cas) si le bas-
sin est normal et l'enfant de poids normal. Le travail et
l'expulsion sont généralement plus longs, l'engagement se
fait difficilement grâce à l'asynclitisme et si possible une Fig. 8.4. Présentation du bregma en naso-iliaque gauche
flexion de la tête. On aura intérêt à mettre la femme en transverse au toucher vaginal : le « signe de la croix ».
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    117

position demi-assise ou position de Rosa pour favoriser


l'engagement. La descente et la rotation sont difficiles et
le dégagement se fait souvent en OS avec un taux élevé
d'aide à l'expulsion (de l'ordre de 40 %) [1] ; il peut être
utile de tenter une rotation manuelle de la tête [11] (voir
technique au chapitre 29, p. 341) cm
■ soit défavorable, avec un défaut d'engagement et un risque 5
à1
d'enclavement ; la césarienne s'impose, sinon on risque 13
une rupture utérine. Si la déflexion de la tête s'aggrave,
l'évolution peut se faire vers une présentation du front. cm
L'accouchement est alors impossible sauf césarienne. 9,5

Présentation de la face [2,3,5–8]


Il s'agit d'une présentation céphalique en déflexion maxi-
male (planche 8.1) amenant l'occiput contre le plan du dos,
de telle sorte que la tête et le tronc forment un bloc solidaire
et que la face pénètre la première et en totalité dans le DS.
Le pronostic de cette présentation est moins favorable
que celui du sommet : toutefois, l'accouchement reste euto- Fig. 8.5. Accouchement impossible dans les présentations en
cique, au prix d'une surveillance étroite. Sa fréquence est de mentopostérieur.
un à trois pour 1 000 accouchements.

Mécanique obstétricale Vers l'avant (+++)


La présentation de la face est exceptionnellement primitive ; Elle fait intervenir une rotation de 45° pour les variétés anté-
elle est le plus souvent secondaire à une présentation haute rieures, et une rotation plus difficile de 135° pour les varié-
et mobile, en position indifférente. L'évolution se fait par tés postérieures (planche 8.2).
une présentation du front rendant l'engagement impossible, La rotation est par nécessité précoce, amenant le menton
que seul un complément de déflexion peut autoriser. sous la symphyse pubienne, précédant obligatoirement la
descente.
Engagement Le glissement du menton sous la symphyse est rendu
possible par la plus grande longueur du cou par rapport
La face se présente dans sa totalité au DS, l'engagement est
à celle de la symphyse. Il va permettre l'effacement de ce
toujours synclite : le centre de la présentation correspond au
grand diamètre pré-sterno-syncipital ; par l'intermédiaire
centre du DS.
du menton, la tête pivote autour de la symphyse, amenant
La rotation haute du menton en avant lui permet de
l'occiput dans la concavité sacrée, et le bloc tête-tronc se
se fixer sous la symphyse. Celle-ci va alors servir de pivot
désolidarise. La présentation est dans l'axe antéroposté-
à la tête qui se fléchit, permettant à l'occiput de pénétrer
rieur du DI, permettant le dégagement. Seule cette évolu-
l'excavation.
tion est favorable.
L'engagement se produit sans difficulté : en effet, le dia-
mètre sagittal sous-mento-bregmatique (9,5 cm) corres-
Vers l'arrière
pond à l'un des diamètres obliques (surtout gauche) du DS
Le menton ne peut se dégager en arrière, butant sur le
(12 cm), alors que le diamètre transversal bimalaire (8,5 à
sacrum dont la hauteur est très supérieure à celle du cou du
9 cm) se loge facilement dans l'autre diamètre.
fœtus ; le sternum vient buter très vite sur la margelle posté-
Bien que l'on parle d'engagement, le plus grand diamètre
rieure du bassin, plus haute que la symphyse pubienne pour
de cette présentation ne franchit le plan du DS qu'au temps
les variétés antérieures. La descente est ainsi rendue impos-
suivant.
sible en l'absence de rotation du menton vers l'avant.
L'absence de rotation haute du menton en avant aboutit à
l'enclavement, rendant l'accouchement impossible.
Dégagement (variétés antérieures uniquement)
Descente et rotation Il s'accomplit par une flexion de la tête autour de la symphyse
Ce deuxième temps est capital pour l'issue de l'accouche- pubienne. Le menton se fixe sous la symphyse parfaitement
ment ; de lui dépend l'évolution favorable de l'accouchement centrée par la fente des releveurs. La tête se fléchit autour
ou au contraire l'arrêt de la progression. Cela tient au fait du pivot du bord inférieur de la symphyse. La bouche, le
que le fœtus présente un diamètre incompatible avec son nez, le front et la voûte crânienne apparaissent à la vulve. Il
franchissement du DS, le diamètre pré-sterno-syncipital de comporte cependant un risque périnéal lors du dégagement
13,5 à 14 cm. Ce diamètre est irréductible ; contrairement au de l'occiput, le diamètre sus-occipito-mentonnier (13,5 cm)
diamètre transversal, le biacromial est réductible à 9,5 cm. entraînant une ampliation périnéale maximale. Le périnée
La progression dépend totalement du sens de rotation de la se rétracte après dégagement de l'occiput.
tête (figure 8.5). Le reste de l'accouchement ne revêt aucune particularité.
118   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 8.2. Descente et rotation de la présentation de la face

Présentation de la face en mento-iliaque Présentation de la face en mento-iliaque Présentation de la face en mento-


gauche antérieure avec rotation en droite postérieure avec rotation en iliaque droite transverse avec rotation en
mentopubienne. mentopubienne. mentopubienne.

Clinique Conduite à tenir


Les données de l'examen abdominal sont celles d'une pré- Elle porte principalement sur les points suivants.
sentation céphalique pour laquelle les signes évocateurs
d'une déflexion sont très marqués. Sens de rotation de la tête
Le toucher vaginal doit être tout à fait atraumatique (dan-
ger oculaire) : Une rotation du menton vers l'avant (mentopubienne) est
■ le nez, toujours perceptible, même en présence d'une seule favorable ; la rotation vers l'arrière (mentosacrée) doit
bosse sérosanguine, est au centre de la présentation. D'un conduire sans retard à la césarienne. La lenteur du travail, le
côté, on perçoit le menton, structure en fer à cheval et défaut d'engagement et l'arrêt de la progression sont fréquents.
repère de la présentation, de l'autre, les arcades sourci- Le fœtus est menacé par la procidence du cordon, la
lières et le front, mais la grande fontanelle n'est jamais compression du cordon entre occiput et dos, et la gêne
atteinte. Les structures molles (globes oculaires, joues et de la circulation dans les vaisseaux du cordon du fait de
bouche) sont plus ou moins faciles à reconnaître ; l'hyperextension.
■ les variétés de présentation sont définies par la position
du menton (figure 8.6) : Dégagement (figure 8.7)
– mento-iliaque gauche antérieure : 20 % ; Apparaissent à la vulve le menton, la bouche, le nez, le front,
– mento-iliaque droite postérieure : 30 % ; le bregma, l'occiput puis le sous-occiput.
– mento-iliaque droite antérieure : 27 % ; Le dégagement doit être bien contrôlé, le périnée bien sur-
– mento-iliaque gauche postérieure : 10 %. veillé ; les indications de l'épisiotomie sont très larges (figure 8.8).
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    119

Si une extraction instrumentale est nécessaire, l'introduc-


tion des cuillers et la traction doivent être prudentes, celles-
ci devant reproduire le mouvement de flexion spontanée de
la tête autour de la symphyse pubienne.
C'est dans cette présentation que les déformations de
la tête à la naissance sont les plus impressionnantes, don-
nant à l'enfant un aspect en « gargouille » (tête déformée,
a b allongée vers l'arrière, lèvres et paupières tuméfiées).
L'hyperextension peut être à l'origine d'un cri rauque et/ou
de troubles de la déglutition. Tous ces signes régressent sans
séquelles en quelques jours.

Présentation de l'épaule
Il s'agit d'une présentation rare (environ 3/10 000), anormale
et incompatible avec l'accouchement par les voies naturelles.
c d La présentation est oblique, la tête siégeant dans l'une des
deux fosses iliaques, le moignon de l'épaule répondant au
Fig. 8.6. Les variétés de présentation de la face. DS (figure 8.9). Elle doit être distinguée des présentations :
a. En mento-iliaque droite postérieure : 30 %. ■ oblique avec le siège dans l'une des deux fosses iliaques, le
b. En mento-iliaque droite antérieure : 27 %. flanc du fœtus répondant au plan du DS ;
c. En mento-iliaque gauche antérieure : 20 %. ■ transversale, le fœtus étant selon un axe perpendiculaire
d. En mento-iliaque gauche postérieure : 10 %.
à celui du bassin [4].
Seules les variétés antérieures sont compatibles avec l'accouchement
par voie basse (mento-iliaque droite antérieure, mento-iliaque gauche
Tout ce qui laisse un excès de mobilité au fœtus ou au
antérieure). contraire empêche sa rotation peut être cause de présenta-
tion de l'épaule, qu'il s'agisse :

Descente et rotation Dégagement


Engagement vers l’avant mento-antérieur

Sous-mento-
bregmatique

Variéte mento-postérieure
enclavement
Pré-sterno-
Pré-sterno-
Bi-malaire syncipital
syncipital

Fig. 8.7. Présentation de la face : engagement, descente et dégagement.


120   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

d
Fig. 8.8. Dégagement de la face en mentopubienne. Apparition à la vulve du menton (a), de la bouche (b), du nez puis du front (c), et enfin
de l'occiput (d). Lors du dégagement, il faut surveiller le périnée de près et avoir l'épisiotomie facile.

■ d'un utérus atone (multiparité) ; Clinique


■ d'un utérus surdistendu (grossesse gémellaire [deuxième Le diagnostic doit être fait au début du travail. Il repose sur
jumeau ++], hydramnios) ; les pratiques suivantes.
■ d'un utérus malformé ou déformé par des myomes ;
■ d'un obstacle praevia (placenta, kyste ovarien ou myome Palper abdominal
utérin). Il n'y a pas de pôle fœtal à la partie basse de l'utérus ; en
Il n'y a pas d'accouchement possible par les voies naturelles. revanche, un pôle fœtal (la tête) est palpé dans une fosse
Chapitre 8. Présentations de la face, du front, du bregma et de l'épaule    121

a b c
Fig. 8.9. Position transversale.
a. Dorsoantérieure.
b. Dorsopostérieure.
c. Position transverse sur malformation utérine. 1. Éperon.

iliaque, l'autre (le siège) dans l'hypochondre opposé ; entre mie segmentaire peut être insuffisante et il est parfois néces-
les deux, le plan arrondi et dur du dos est sous la paroi abdo- saire de pratiquer un trait de refend pour pouvoir extraire
minale antérieure (le dos est toujours antérieur, répondant l'enfant par le siège.
à la saillie du rachis ; c'est seulement avec un enfant mort in En l'absence d'extraction, l'évolution se fait vers l'épaule
utero que la position du dos en arrière peut être rencontrée). méconnue avec apparition de troubles de la dynamique utérine
et, au stade ultime, vers l'épaule négligée (figure 8.10). Pour
Toucher vaginal que l'épaule soit négligée, il faut trois conditions formelles :
Il perçoit une présentation très haute, de taille beaucoup ■ la femme doit être en travail ;
plus réduite et de nature différente de celle d'une tête ou ■ les membranes doivent être rompues ;
d'un siège. Il s'agit de l'acromion, repère de la présentation. ■ l'utérus doit être plus ou moins rétracté, ce qui implique la
Selon sa position, on distingue quasi exclusivement deux notion d'un certain temps passé depuis le début du travail.
variétés (antérieures) : De ces conditions en découlent d'autres, peut-être moins
■ acromio-iliaque droite ; absolues :
■ acromio-iliaque gauche. ■ la présentation qui a tenté de s'engager, s'est immobilisée ;
■ l'infection ovulaire existe, déclarée ou latente ;
Échographie ■ le fœtus est mort ;
Elle peut lever les doutes diagnostiques et contribuer au ■ la version est devenue impossible, ou pour le moins
choix de la conduite à tenir. dangereuse.

Conduite à tenir Versions


Elle dépend de trois éléments essentiels : Si la femme est en début de travail et l'enfant est vivant,
■ l'intégrité de la poche des eaux ; membranes intactes, on peut tenter une version.
■ la mobilité du fœtus ; Les versions visent à transformer la présentation oblique
■ l'absence de souffrance fœtale. en une présentation longitudinale. Elles ne sont possibles
Deux situations peuvent se présenter. que sous certaines conditions :
■ fœtus mobile ;
Césarienne immédiate (dès le diagnostic fait) ■ bassin normal ;
Elle doit être formellement décidée : ■ absence d'obstacle praevia ;
■ si les membranes sont rompues, a fortiori s'il existe une ■ placenta normalement inséré.
procidence du cordon, voire d'un membre ; ■ membranes intactes
■ si la présentation est irréductible (utérus malformé, obs-
tacle praevia) ; Version par manœuvre externe
■ si un obstacle praevia rend impossible l'accouchement Elle doit être facile et prudente en raison des risques de
par les voies naturelles. rupture des membranes et de procidence du cordon, et ce
Pour la césarienne, la technique de Joël Cohen (voir d'autant plus que la dilatation est avancée.
Chapitre 31, « Ouverture») est déconseillée du fait de l'ab- Le pôle céphalique (ou à défaut le siège) est maintenu au DS,
sence de décollement vésico-utérin, ce qui peut entraîner permettant la rotation du fœtus dans la bonne position et la
des lésions vésicales lors de l'extraction. En effet, l'hystéroto- poursuite de l'accouchement qui peut se dérouler normalement.
122   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

a
Fig. 8.10. Présentation de l'épaule négligée (dos antérieur) avec procidence du bras. a. Schéma. b. Cliché du Professeur Kruy Leung Sim.

Version par manœuvre interne [5] Chaoui A, Achour M, El-Bakali A. La présentation de la face.
Elle n'est possible qu'à dilatation complète, avec un utérus J Gynecol Obstet Biol Reprod 1982 ; 11 : 731–8.
relâché non cicatriciel, membranes rompues. Elle est sui- [6] Chaoui A. La présentation de la face. EMC 1985. 5023-A-10.
[7] Cruikshank D, Cruikshank J. Face and brow presentation a review.
vie d'une grande extraction du siège. Actuellement, cette
Clin Obstet Gynaecol 1981 ; 24 : 333–51.
manœuvre n'est pratiquée que sur le deuxième jumeau. Elle [8] Duff P. Diagnosis and management of face presentation. Obstet
ne doit pas être faite sur un fœtus unique en raison de la Gynaecol 1981 ; 57 : 105–12.
morbidité fœtale et maternelle qu'elle comporte. [9] Dumont M. Comment définir la présentation du bregma ? J Med
Lyon 1985 ; 66 : 87–90.
Références [10] Gernez L. La présentation du bregma, cette méconnue. Rev
Fr Gynecol 1978 ; 73 : 757–65.
[1] Audra P, Jacquot F. Les présentations céphaliques défléchies. Rev Fr [11] Le Ray C, Goffinet F. Technique et intérêt de la rotation manuelle en
Gynecol Obstet 1988 ; 83 : 355–7. cas de variété postérieure. Gynecol Obstet Fertil 2011 ; 39 : 775–8.
[2] Audra P, Thoulon JM, Balsan M. Présentation de la face. EMC 1997. [12] Pierre F, Forveille F. Présentation du front et du bregma. EMC 1994.
5-049-L-20. 5-049-L-15.
[3] Benedetti T, Lowensohn R, Truscott A. Face presentation at term. [13] Verspyck E, Bisson V, Gomez A, et al. Prophylactic attempt at manual
Obstet Gynaecol 1980 ; 55 : 199–202. rotation in brow presentation at full dilatation. Acta Obstet Gynecol
[4] Brun G. Les présentations transversales. Rev Fr Gynecol 1972 ; 67 : Scand 2012 ; 91 : 1–4.
35–43.
Chapitre
9
Présentation du siège
F. Goffinet, L. Marcellin, T. Schmitz

PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Accouchement eutocique du siège :
Diagnostic, surveillance et prise en charge mécanique obstétricale . . . . . . . . . . . . . . . . 128
pendant la grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Expulsion spontanée (méthode de
Complications périnatales associées à un Vermelin) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
accouchement du siège . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Manœuvres obstétricales à l'expulsion :
L'accouchement par voie basse est-il accompagnement ou intervention
une option raisonnable et quelle information en cas de dystocie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
délivrer aux femmes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Conduite à tenir en cas de dystocie . . . . . . 138
Choisir le mode d'accouchement . . . . . . . . . . . 126 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Conduite pratique pendant le travail et
l'expulsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

Cependant, grâce aux données d'études hospitalières et de


OBJECTIFS l'étude prospective franco-belge PREMODA, de nombreux
L'interne ou la sage-femme doivent être capables de : pays recommandent maintenant un accouchement par
• faire le diagnostic de présentation du siège en voie basse si les conditions obstétricales sont optimales et
consultation en fin de grossesse, à l'entrée en salle de l'équipe entraînée à cette pratique [4, 5, 7, 12].
naissance et en cours de travail ; Plusieurs types de présentation du siège peuvent être
• décrire les problèmes obstétricaux spécifiques à la caractérisés :
présentation du siège ; ■ le siège décomplété, dit mode des fesses, où les membres
• proposer une conduite à tenir devant une présentation du inférieurs sont relevés en attelle, les pieds arrivant au
siège en fin de grossesse, en particulier concernant la voie niveau de la tête fœtale. Cette présentation, plus fré-
d'accouchement ; quente chez la primipare, est rencontrée dans deux tiers
des cas ;
• surveiller un accouchement par le siège ;
■ le siège complet où le fœtus est assis « en tailleur » au-­
• faire un accouchement par le siège ;
dessus du détroit supérieur (DS), cuisses et jambes fléchies,
• faire les principales manœuvres obstétricales ainsi qu'un augmentant les dimensions de la présentation particulière-
forceps sur tête dernière en cas de dystocie. ment irrégulière. Cette attitude est rencontrée dans moins
d'un tiers des cas, plus volontiers chez la multipare ;
Introduction ■ le siège semi-décomplété : un des membres inférieurs est
en extension devant le fœtus, l'autre en flexion.
La présentation du siège se définit par la présence du pôle ■ le siège en « footling » : existe essentiellement en cas de
pelvien fœtal au contact du détroit supérieur et du pôle grande prématurité, les deux membres inférieurs sont en
céphalique fœtal au niveau du fond utérin. Sa fréquence extension sous les fesses, en général dans le col et ou le
était de 4,7 % lors de la dernière enquête nationale périna- vagin.
tale de 2010.
L'accouchement du siège a été enseigné dans les diffé-
rentes écoles d'obstétrique pendant plusieurs siècles et la Diagnostic, surveillance et prise
voie basse était privilégiée dans de nombreux pays jusqu'à en charge pendant la grossesse
la fin du XXe siècle. Publiés en 2000, les résultats du Term
Breech Trial (TBT) étaient en défaveur de la voie basse et
(figures 9.3 et 9.4)
le fait qu'il s'agisse du seul essai randomisé a incité de nom- Le diagnostic de présentation du siège doit être fait au cours
breux praticiens à conclure que l'accouchement par voie de la grossesse vers 36 SA, ou avant en cas de menace d'ac-
basse en cas de présentation du siège était dangereux [6]. couchement prématuré. Le diagnostic est clinique, confirmé
Pratique de l'accouchement
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124   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Tableau 9.1. Facteurs favorisant la présentation Tableau 9.2. Critères optimaux de l'accouchement
du siège. par voie basse dans la présentation du siège.
Prépaturité Causes maternelles Causes ovulaires Critère Voie basse aceptée si :
Anomalie de Radiopelvimétrie Normale
l'insertion
Échographie Pas de déflexion de la tête
placentaire
Poids estimé de l'enfant 2 500–3 800 g
Malformations Hydramnios
utérines Type de siège Siège décomplété mode des
40 % des sièges sont fesses
Fibrome Oligamios
prématurés
Avis de la patiente Accepte la voie basse
Kyste ovaire Jumeaux CNGOF, 2000.

Anomalies du bassin Malformations :


hydrocéphalie,
anencéphalie
■ les lésions nerveuses et osseuses qui sont le fait de mau-
vaises techniques. Les lésions bulbaires et médullaires
cervicales sont liées à une traction brutale et inappropriée
au cours d'une rétention de tête dernière. La déflexion
secondairement par l'échographie. Au niveau du fond uté- primitive de la tête expose particulièrement à ce genre de
rin, on retrouve un pôle dur régulier, arrondi, légèrement lésions. Les paralysies du plexus brachial sont observées
ballottant, gênant souvent la patiente et correspondant au après manœuvre de traction asymétrique ou abaissement
pôle céphalique. II existe entre la position du dos et ce pôle d'un bras. Les fractures et les luxations des membres
céphalique une dépression abdominale correspondant au supérieurs ou inférieurs s'observent en cas d'abaissement
sillon du cou du fœtus (signe de Pinard). Le toucher vaginal inapproprié d'un bras ou d'une jambe.
est peu contributif en cours de grossesse. L'excavation est Les facteurs de risque de dystocie ont été décrits depuis de
souvent vide en cas de siège complet. nombreuses décennies. Il s'agit d'un bassin maternel rétréci,
Les facteurs favorisant la présentation du siège sont la d'une macrosomie (poids > 3 800 g) et d'une déflexion primi-
primiparité, l'antécédent d'une présentation de siège au tive de la tête. Ils ont été utilisés par le CNGOF pour définir
cours d'une grossesse précédente, la prématurité, le retard des critères optimaux pour décider un accouchement par voie
de croissance intra-utérin (RCIU), l'oligoamnios, le placenta basse [14] (Tableau 9.2). On peut noter que, dans ce tableau,
praevia, la présence de fibromes et les malformations uté- le mode du siège est utilisé dans les décisions. Or, si le mode
rines [1] (Tableau 9.1). complet est associé à un risque de césarienne plus élevé que le
Le suivi de la grossesse est le même que pour les autres mode décomplété, il n'est pas associé à un excès de risque péri-
présentations. Une version par manœuvre externe est pro- natal et de nombreuses équipes n'utilisent pas ce critère dans
posée entre 36 et 37 SA (voir chapitre correspondant). les éléments de décisions du mode d'accouchement.
En cas d'échec ou de contre-indication à la version par
manœuvre externe (VME) , on réalise un examen cli-
nique pour apprécier la morphologie du bassin et le poids
du fœtus, une scannopelvimétrie et une échographie fœtale
L'accouchement par voie basse
(biométrie), et pour juger des possibilités d'accouchement est-il une option raisonnable et
par voie basse. quelle information délivrer aux
femmes ?
Complications périnatales Les auteurs du TBT concluaient leur article en recomman-
associées à un accouchement dant une césarienne systématique en cas de présentation
du siège [6]. Or, les conditions obstétricales semblent dif-
du siège férentes de celles pratiquées dans des pays où une propor-
L'excès de la mortalité périnatale en cas de présentation du tion encore importante de femmes avec une présentation
siège est expliqué par plusieurs facteurs : du siège se voit proposer une tentative de voie basse. Ainsi,
■ association avec la prématurité et un certain nombre de en France, un certain nombre de recommandations établies
malformations fœtales ; par des groupes experts ou dans les « écoles d'obstétrique »
■ accouchement dystocique avec hypoxie fœtale et trauma- diffèrent de la pratique obstétricale présentée le TBT et qui
tisme au cours de la période d'expulsion. sont indiquées entre parenthèses. Parmi les critères d'accep-
L'hypoxie fœtale est due à la compression du cordon au tation de la voie basse, on recommande, en général :
cours de la descente et du dégagement du siège puis de la ■ une radiopelvimétrie (9,8 % des femmes dans le TBT) ;
tête fœtale. ■ une échographie pour vérifier l'absence de déflexion de la
Les lésions traumatiques classiques incluent : tête fœtale (68,7 % dans le TBT) ;
■ les lésions vasculaires intracrâniennes à type d'hémorra- ■ une estimation du risque de macrosomie à l'aide de l'exa-
gies cérébrales ou méningées. Elles sont secondaires à men clinique et échographique avant l'entrée en travail ;
l'hyperpression cérébrale au cours de l'expulsion et favo- ■ une discussion autour de la décision d'accouchement
risées par l'anoxie et les manœuvres en force ; par voie basse à partir de tous les éléments connus avant
Chapitre 9. Présentation du siège    125

le début du travail (43 % des femmes sont en travail au C'est le cas de l'étude prospective franco-belge
moment de la randomisation le TBT et donc au moment PREMODA [4]. La décision de ne pas réaliser un nouvel
de la vérification des critères d'inclusion et d'exclusion, ce essai randomisé était essentiellement liée à un choix métho-
qui empêche une certaine réflexion et une certaine plani- dologique et pas seulement à des contraintes de faisabilité.
fication pour le groupe voie basse). Cette étude prospective non interventionnelle avait pour
Parmi les règles de conduite du travail en cas de présenta- objectif principal de comparer la morbidité et la mortalité
tion du siège, on recommande, en général de : néonatales dans le groupe « tentative d'accouchement par
■ ne pas déclencher le travail, sauf si le col est très favorable voie basse » à celles du groupe « césarienne programmée »
(déclenchement de 14,9 % des femmes et pratique de dans les conditions de pratiques en France et en Belgique
déclenchements pour terme dépassé acceptée dans le TBT) ; pour toutes les femmes avec une présentation du siège à
■ faire un enregistrement continu du RCF (possibilité terme pendant la période de l'étude. Le recueil prospectif
d'écouter les bruits du cœur toutes les 15 min dans le des données a eu lieu dans 135 maternités volontaires en
TBT) ; France, représentant 225 999 naissances annuelles, et dans
■ ne pas utiliser d'ocytociques ou ne pas réaliser de rup- 36 maternités volontaires en Belgique, représentant 37 195
ture artificielle des membranes, sauf s'il y a stagnation de naissances annuelles. Au total, 8 105 cas de présentation du
la dilatation prouvée et dynamique utérine insuffisante, siège à terme ont été inclus dans cette étude, permettant de
certains contre-indiquant même l'utilisation d'ocyto- comparer 5 579 césariennes programmées (68,8 %) à 2 526
ciques (utilisation d'ocytociques dans 50 % des cas dans tentatives de voie basse (31,2 %). On ne retrouvait pas de
le TBT) ; différence significative entre les groupes « tentative de voie
■ fixer une vitesse optimale de dilatation du col de 1 cm/h, basse » et « césarienne programmée » (1,6 % versus 1,45 % ;
et non de 0,5 cm/h comme dans le TBT ; p = 0,62), même après ajustement sur les principaux fac-
■ ne faire pousser la femme qu'au maximum 15 à teurs de confusion comme l'indication de la césarienne ou le
20 minutes avec une présentation du siège partie basse poids de naissance (OR ajusté : 1,40 ; IC à 95 % [0,89–2,23]).
(1 h d'efforts expulsifs dans le TBT). La conclusion est qu'il existe peut-être un excès de risque lié
Enfin, les résultats à deux ans de vie des enfants de cet à la tentative de voie basse en cas de présentation du siège à
essai sont très rassurants dans une étude publiée quatre terme mais que cet excès de risque est très différent de celui
ans plus tard [15]. D'autres études, souvent réalisées dans rapporté par le TBT (risque relatif de 14 dans les pays déve-
des conditions de pratiques obstétricales homogènes, n'ont loppés dans le TBT contre 1,40 dans PREMODA) et que le
retrouvé ni l'excès de risque ni le niveau de risque néona- niveau du risque de décès ou de morbidité sévère est beau-
tal rapportés dans le TBT dans le groupe « tentative de voie coup plus faible dans le groupe « tentative de voie basse »
basse » (tableau 9.3). dans PREMODA que dans le TBT (1,6 % versus 5,7 %).

Tableau 9.3. Études sur les risques néonatals de la voie basse en cas de présentation du siège à terme.
Auteurs (année) Risque dans le groupe Critère de santé considéré Type d'étude
Nombre de femmes voie basse par rapport à la
incluses césarienne*
Cheng (1993) 3,9 [2, 2–7]* Mortalité périnatale Méta-analyse de 24 études
rétrospectives et prospectives.
Kayem (2002) 0,90 [0,4-2,2] Morbidité sévère néonatale Étude rétrospective dans un
n = 501 centre
Roman (1998) 9,0 [5–14, 5]* Score d'Apgar < 7 à 5 min Registre suédois
n = 15 818
Gilbert (2003) 9,2 [3,3–25,6]* Mortalité néonatale Registre californien
n = 100 730 (nullipares)
Hannah (2000) 3,03 [1, 5, 2] Décès néonatal ou morbidité sévère Essai randomisé
n = 2 088 14 [5, 2–14, 6]
Pays développés
n = 1 027
Hannah (2004) 0,91 [0,42–1,97] Décès ou retard psychomoteur à 2 ans Essai randomisé
n = 923
AUDIPOG (2002) 1,33 [0,63-2,8] Décès néonatal ou morbidité sévère Étude rétrospective
n = 2 136 multicentrique
Krupitz (2005) 0,5 % versus 0 % Décès néonatal ou Morbidité sévère Étude rétrospective dans un
n = 882 centre
PREMODA (2005) 1,4 [0,89-2,23] Décès néonatal ou morbidité sévère Étude prospective
n = 8 106 multicentrique observationnelle
* Comparaison non en intention de « traiter » : en général voie basse versus césarienne ou versus césarienne programmée en excluant les césariennes pendant le travail.
126   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Les décisions médicales pour un patient donné se Tableau 9.4. Critères utilisés pour décider du mode
prennent, d'une part, en prenant en compte les données de d'accouchement en cas de présentation du siège.
la littérature et, d'autre part, en essayant de confronter ces
Critères de décision de césa- Critères moins favorables
données aux caractéristiques de l'individu et aux conditions rienne avant travail mais ne contre-indiquant pas
médicales dans lesquelles il est pris en charge. L'ensemble un accouchement par voie
des caractéristiques (individuelles, environnement et pra- basse
tiques médicales) d'un individu donné est souvent différent – Dossier systématiquement – Utérus uni-cicatriciel
de la moyenne d'un groupe étudié dans une étude. C'est discuté au staff – Prématurité
toute la difficulté d'extrapoler les résultats de l'evidence- – Bassin anormal : – Présentation du siège
based medicine. Cette extrapolation est encore plus difficile diamètre promonto-rétro- complet
pubien < 10,5 cm, ou diamètre – Nulliparité
dans une situation obstétricale comme la présentation du
transverse médian < 12,0 cm ou – Indication médicale de
siège, compte tenu de tous les éléments à prendre en compte. diamètre biépineux < 9,5 cm déclenchement du travail
Elle est beaucoup plus difficile par exemple que l'extrapola- – Diamètre bipariétal fœtal et col favorable
tion des résultats d'un essai randomisé montrant l'efficacité supérieur au diamètre – Grossesse multiple
biologique d'une molécule. biépineux – Placenta bas inséré
Les résultats du TBT ont entraîné, dans les pays dévelop- – Suspicion de macrosomie : – Rupture prématurée des
pés qui avaient encore une pratique large de la voie basse, estimation de poids fœtal membranes
supérieur à 4 000 g ou
un « bond » important du taux de césarienne programmée BIP > 98 mm
comme cela a été montré en Hollande ou en France [3, 13]. – Retard de croissance
L'information complète qui doit être faite au couple ne nous intra-utérin
semble pas être la conclusion sans appel des auteurs du TBT.
Dans une maternité où existe une pratique large de la ten-
tative de voie basse avec des obstétriciens qui en ont l'expé- La décision de la voie d'accouchement est discutée en réu-
rience, il paraît raisonnable de proposer une attitude plus nion, au regard des données objectives qui tiennent compte
nuancée aux femmes. Les conditions d'acceptation de la voie des éléments cliniques et paracliniques réunis. La décision
basse ainsi que celles de la surveillance du travail doivent finale est alors proposée au couple, en consultation, afin de
bien sûr être rigoureuses. Sous ces conditions, il semble qu'il réexpliquer à nouveau les modalités de l'accouchement par
n'existe pas d'excès de risque néonatal important entre les le siège et connaître le souhait de la femme et son adhésion à
deux voies d'accouchement et que le niveau du risque néo- la stratégie choisie. S'il est préférable que le travail soit spon-
natal est faible. L'information donnée au couple doit être la tané en cas de présentation du siège, le déclenchement pour
plus complète possible mais surtout bien comprise. des raisons médicales est envisageable, si le col est favorable.
Le taux de césarienne en cas de présentation du siège est
élevé dans l'ensemble des pays développés. En Europe, la
Norvège, la Finlande, la France et les Pays-Bas gardent une Conduite pratique pendant
pratique de la voie basse avec un taux global de césarienne le travail et l'expulsion
(programmée + en travail) aux environs de 70–75 % [9].
Dans les autres pays, ce taux va de 85 à 100 % des naissances L'équipe complète (sage femme, obstétricien, pédiatre et
par le siège. anesthésiste) doit être présente au sein de la maternité
lorsqu'une femme entre en travail avec une présentation du
siège. Les éléments cliniques et paracliniques qui ont permis
Choisir le mode d'accouchement la planification d'un accouchement par voie vaginale doivent
être clairement recensés dans le dossier médical. Toutes les
L'échographie fœtale réalisée en fin de grossesse avant tra- données maternelles, obstétricales et fœtales seront consi-
vail précise le type de présentation fœtale, recherche une gnées de façon horaire sur le partogramme. Le tableau 9.5
rare déflexion permanente de la tête qui contre-indique la reprend les principes de surveillance et les éléments de déci-
tentative de voie basse et permet de réaliser une biométrie sion pendant le travail en cas de présentation du siège.
fœtale afin d'identifier les fœtus macrosomes ou, à l'inverse,
hypotrophes. La mesure des dimensions du bassin par
scannopelvimétrie, plus précises que l'examen clinique du Surveillance maternelle
bassin, permet, en tenant compte des données de l'écho- En cas de présentation du siège, en début de travail, la
graphie, une confrontation fœtopelvienne, et en particulier patiente est perfusée et l'anesthésie péridurale est réalisée
céphalopelvienne. selon le souhait de la patiente ; elle est néanmoins conseillée,
Aucun niveau de preuve élevé ne peut être tiré des don- d'une part, car il existe un risque de césarienne en urgence
nées scientifiques concernant les critères de décision de pendant le travail plus élevé que lorsque la présentation est
la voie d'accouchement du siège ; le CNGOF a établi des céphalique et, d'autre part, car l'analgésie de la femme doit
critères optimaux repris dans le tableau 9.2 mais chaque être obtenue au moment de l'accouchement. Cette analgésie
maternité a ses propres critères décisionnels [11]. À titre efficace doit permettre de garantir une parfaite synchronisa-
indicatif, les critères de décision de césarienne avant tra- tion entre la femme et l'équipe, primordiale afin de prévenir
vail utilisés à la maternité Port-Royal sont rapportés dans la réalisation des manœuvres obstétricales rendues difficiles
le tableau 9.4 [2]. à l'accouchement si la femme était hyperalgique.
Chapitre 9. Présentation du siège    127

Tableau 9.5. Principes de surveillance sans stagnation. Ce critère serait prédictif d'une issue favo-
et éléments de décision pendant le travail rable d'un accouchement par les voies naturelles.
en cas de présentation du siège. La dilatation doit se dérouler, dans la mesure du possible,
Première phase du travail
à membranes intactes, surtout dans les situations de présen-
tation du siège complet ou semi-décomplété pour permettre
Surveillance du RCF et de la dilatation du col comme pour tout une meilleure ampliation du segment inférieur et du col, et
travail
assurer sa dilatation harmonieuse. Il peut être nécessaire
Péridurale installée lorsque la dynamique utérine est bien avancée d'avoir recours à une rupture artificielle des membranes pen-
Rupture artificielle des membranes la plus tardive possible, dant le travail pour faciliter la dilatation du col, en cas de sta-
possible en cas de stagnation de la dilatation gnation de la dilatation pendant une heure. Celle-ci doit être
En cas de stagnation de la dilatation, perfusion d'ocytocine réalisée idéalement lorsque le siège applique correctement sur
autorisée à deux conditions : anomalie de dilatation secondaire le segment inférieur, surtout en cas de présentation du siège
à une hypocinésie d'intensité ou de fréquence ; dans l'heure qui complet, afin d'éviter une procidence du cordon. Dans le cas
suit le début de la perfusion, la dilatation progresse d'au moins contraire, il peut être opportun de commencer par une ponc-
1 cm/h. Dans le cas contraire, une césarienne est décidée tion à l'aiguille en position de Trendelenburg. En cas de proci-
Perfusion d'ocytocine systématique à dilatation complète dence du cordon, il paraît légitime de poser l'indication d'une
Indications de césarienne en cours de travail césarienne en urgence. Néanmoins, dans certaines situations,
en cas de présentation du siège : notamment en cas de siège complet chez une femme mul-
– Défaut de progression de la présentation jusqu'à la partie basse tipare, et si la tolérance fœtale reste parfaite (RCF normal),
– Stagnation 1 h à dilatation complète sans descente de la il est envisageable de sursoir à la pratique d'une césarienne
présentation d'emblée si un accouchement rapide est prévisible.
– Non-correction de la dilatation après 1 h de perfusion
L'enregistrement continu des contractions utérines par toco-
d'ocytocine
métrie externe permet de mettre en évidence précocement une
Phase d'expulsion dystocie dynamique relative à une hypocinésie de fréquence.
– Équipe obstétricopédiatrique au complet : obstétricien, sage- Celle-ci pourra être corrigée par l'administration d'ocytocique
femme, pédiatre, anesthésiste. en cours de travail s'il existe une stagnation de la dilatation.
– Forceps placés sur la table d'accouchement Enfin, il est classique d'utiliser systématiquement l'ocytocine
– Installation de la patiente pour le début des efforts expulsifs à dilatation complète pour garantir une bonne progression
lorsque la présentation est descendue en partie basse
– Épisiotomie non systématique
fœtale pendant les périodes d'engagement et d'expulsion.
– Dégagement du siège spontané ; les manœuvres de Lovset Pour autant, alors que toutes les conditions nécessaires
pour l'accouchement des épaules puis de Bracht pour celui de la à une bonne dilatation sont réunies, et en particulier que la
tête sont utilisées comme aide à l'accouchement dynamique utérine est de bonne qualité, lorsqu'une stagna-
tion de la dilatation cervicale est authentifiée à une heure
d'intervalle, et en particulier dans l'heure qui suit le moment
Surveillance obstétricale où le traitement par ocytocique est initié, la réalisation d'une
Le toucher vaginal horaire permet de juger de l'avancement césarienne est indiquée.
de la dilatation cervicale et de la hauteur de la présentation.

Hauteur et orientation de la présentation Surveillance fœtale au cours du travail


Le diagnostic de la présentation permet de suivre l'orien- Échographie en salle de travail
tation du dos fœtus au cours du travail et de l'anticiper au Lorsque les prérequis à l'acceptation d'une tentative de voie
moment de l'accouchement. C'est le sacrum fœtal qui est basse planifiée ont été satisfaits, à la fin du troisième trimestre,
le repère de la présentation du siège. Il permet en fonction la pratique d'une échographie en début de travail ne paraît pas
de son orientation dans le bassin maternel de définir quatre se justifier car le diagnostic d'une anomalie de croissance ou
orientations par ordre de fréquence décroissante : la sacro- d'une déflexion permanente de la tête ont été anticipées aux
iliaque gauche antérieur (SIGA), la sacro-iliaque droite pos- échographies précédentes. En revanche, elle est indiquée dans
térieure (SIDP), la sacro-iliaque gauche postérieur (SIGP) les cas de diagnostic tardif d'une présentation du siège, et sera
et la sacro-iliaque droite antérieure (SIDA). Les variétés essentielle pour la décision d'accepter ou non une tentative de
antérieures sont moins dystociques que les postérieures. Ces voie basse non planifiée. Elle sera utilisée aussi pour réévaluer
dernières peuvent faire craindre une orientation postérieure une mesure de diamètre bipariétal si un terme limite à ne pas
du dos fœtal qui, soit deviendra antérieur spontanément au dépasser avait été décidé précédemment.
moment du dégagement du sacrum fœtal, soit devra être
impérativement corrigée par l'opérateur au risque de rendre Enregistrement du rythme cardiaque fœtal
le dégagement de la tête impossible par la rétention du men- L'enregistrement du RCF doit être continu dès le début du
ton fœtal derrière la symphyse pubienne maternelle. travail, qu'il soit spontané ou déclenché, et ce pendant toute sa
durée jusqu'à la naissance. Cet enregistrement doit être couplé
Dilatation cervicale à l'enregistrement continu des contractions utérines par toco-
Une fois que la patiente entre en phase active du travail, la métrie externe afin de garantir sa bonne interprétation qui n'est
dilatation cervicale se doit d'être progressive et régulière, pas différente de celle d'un fœtus en présentation céphalique.
128   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Il n'existe pas actuellement d'examen de seconde ligne Lorsqu'ils sont décidés, seuls les efforts expulsifs contem-
pouvant être utilisé ou ayant fait la preuve de son utilité. La porains des contractions utérines doivent permettre le déga-
réalisation de pH in utero a fait l'objet de quelques études, gement du pôle pelvien fœtal jusqu'à l'apparition de l'angle
portant sur huit à dix cas, mais insuffisantes pour recom- inférieur des omoplates fœtales à la vulve : à tout moment
mander son utilisation. Il n'existe pas à notre connaissance une césarienne peut être envisagée pour arrêt de la progres-
de données publiées ayant évalué l'utilisation de l'oxymétrie sion ou une mauvaise tolérance fœtale. L'épisiotomie n'est
fœtale ou de l'ECG fœtal en cas de présentation du siège. pas systématique mais peut se justifier si la progression du
pôle pelvien fœtal semble « buter » sur le périnée alors que
Deuxième stade du travail : phases les efforts expulsifs sont de bonne qualité.
passive et active La deuxième phase du dégagement du siège, qui corres-
pond au dégagement des épaules et de la tête dernière, est
Dès la dilatation complète, une perfusion d'ocytocine est une phase critique pour le fœtus. Lorsque l'ombilic en pos-
instaurée. Pendant la phase dite « passive », il est possible térieur et l'angle des omoplates en antérieur sont à la vulve,
d'attendre deux voire trois heures à condition que la des- la compression cordonale est majeure dans le canal génital
cente du fœtus progresse après dilatation complète. entre le torse puis la tête et le bassin. D'ailleurs, l'enregistre-
L'accouchement doit se dérouler en présence de l'obstétri- ment du RCF n'est plus possible à ce stade puisque le cœur
cien, de la sage-femme, de l'anesthésiste et du pédiatre mobi- est au niveau de la vulve. Cette compression est responsable
lisés sur place. Il convient de vérifier, avant de débuter les d'une diminution des échanges fœtoplacentaires, justifiant
efforts expulsifs, d'avoir à portée de mains des champs sté- une durée la plus courte possible de cette phase. Même en
riles dépliés en prévision d'une réalisation de la manœuvre cas de politique de manœuvres d'accompagnement, il faut
de Lovset pour l'accouchement des épaules, des dérivés éviter toute traction précoce et respecter le plus longtemps
nitrés en cas de rétraction du col et d'un marche-pied pour possible la progression du mobile fœtal assurée par les
pouvoir réaliser une éventuelle pression sus-pubienne. Il est contractions utérines et les efforts expulsifs.
nécessaire aussi de disposer dans la salle d'accouchement de
forceps et/ou spatules, valves vaginales et ciseaux pour pallier
une éventuelle rétention de la tête dernière. À tout moment, Accouchement eutocique
même après le début des efforts expulsifs, y compris lorsque
le siège est dégagé du périnée, la réalisation d'une césarienne
du siège : mécanique obstétricale
en urgence doit être possible dans les plus brefs délais en cas (planche 9.1, )
d'anomalie, en particulier en cas d'arrêt de la progression ou L'accouchement physiologique du siège se compose de trois
de mauvaise tolérance fœtale. accouchements successifs [8, 10]: le siège, les épaules puis
Au moment de l'accouchement, la patiente doit être coo- la tête, que l'on doit considérer comme solidaires de l'entité
pérante et correctement soulagée. Pour autant, il faut, si « mobile fœtal ». Le moment du dégagement du siège est
possible, éviter de réinjecter la péridurale au moment des concomitant de l'engagement des épaules, le dégagement des
efforts expulsifs pour ne pas entraver un ressenti acceptable épaules est concomitant à l'engagement de la tête. Ainsi, le
des contractions par la femme, et ce afin de garantir sa par- déroulement de l'accouchement d'un siège se fait selon une
ticipation la plus efficiente au cours des efforts de poussée. phase continue sans à-coups, sans arrêt, ni retour en arrière.
La décision de débuter les efforts expulsifs est un moment Il est indispensable de respecter cette « entité fœtale » et évi-
crucial pour le succès d'un accouchement par les voies natu- ter toute traction, en particulier en dehors d'une contraction
relles. Cette décision est conditionnée par une appréciation utérine, qui risquerait de désolidariser les différents élé-
adéquate de la hauteur d'engagement du sacrum fœtal. Cette ments et entraîner un relèvement des bras.
appréciation est délicate et la hauteur d'engagement est faci- Comme l'écrit Lacomme, les risques de cet accouche-
lement surestimée, notamment en cas de siège complet. La ment sont liés à une progression du mobile fœtale avec sa
décision de débuter les efforts expulsifs doit être prise par « petite extrémité première » (passage de la tête mal préparée
l'obstétricien senior, à dilatation complète, lorsque la pré- par le passage du siège) et à « rebrousse-poil » (tout accroche
sentation, c'est-à-dire le sacrum fœtal, est idéalement enga- et se relève : pieds, bras et menton) [8].
gée à la partie basse du bassin maternel, parfois seulement à
la partie moyenne si les conditions semblent très favorables
lors d'un effort de poussée. Accouchement du siège
Décider de débuter les efforts expulsifs alors que la pré- Le diamètre bitrochantérien (9,5 cm) est le diamètre princi-
sentation n'est pas suffisamment descendue expose à deux pal, les diamètres sacrotibial (siège complet) et sacropubien
risques. D'une part, celui de « forcer » une situation dysto- (siège décomplété) sont plus modulables par tassement des
cique et se retrouver à faire des manœuvres difficiles avec membres inférieurs contre le bassin fœtal. L'engagement du
des risques néonatals. D'autre part, celui de prolonger exces- bitrochantérien s'opère dans un axe oblique du détroit supé-
sivement la phase d'expulsion avec, comme conséquences, rieur (diamètre droit le plus fréquent, en SIGA ou SIDP).
un épuisement maternel, un arrêt de la progression, voire Une fois engagé, la progression du siège s'accompagne d'une
une mauvaise tolérance fœtale. Cette situation peut conduire descente-rotation (1/8e de cercle) amenant le diamètre bitro-
l'opérateur à intervenir de façon inappropriée pour per- chantérien orienté suivant le diamètre antéropostérieur du
mettre une aide à l'expulsion qui pourra être à l'origine de bassin de la femme, le sacrum à droite ou à gauche (SIDT ou
complications mécaniques, en particulier du relèvement des SIGT) (figure 9.1). La hanche antérieure fœtale se cale alors
bras ou de la rétention de tête dernière. sous la symphyse. Le dégagement du siège s'effectue ensuite
Chapitre 9. Présentation du siège    129

Planche 9.1. Engagement et rotation du siège


Variétés de présentation du siège complet Descente et rotation du siège décomplété

Diamètre bi-trochantérien (BT)

b c

d e
a. Diamètre bitrochantérien.
b. Variété sacro-iliaque gauche antérieure (SIGA).
c. Variété sacro-iliaque droite postérieure (SIDP). c
d. Variété sacro-iliaque gauche postérieure (SIGP).
e. Variété sacro-iliaque droite antérieure (SIDA). SIDA SIGA

SIDP SIGP

d
a. Siège décomplété en sacro-iliaque
gauche postérieur.
b. Descente et rotation en sacrotrans-
verse.
c. Vue périnéale du siège en sacrotrans-
verse.
d. Rotation du siège en transverse à
partir des différentes positions initiales.

D'après Morin P. L'accouchement. Paris : Flammarion ; 1965.


130   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

a b

Fig. 9.1. Mécanisme de l'accouchement des épaules dans le siège.


a. Accouchement en présentation du siège (engagement du siège). b. Accouchement en présentation du siège (descente du siège).

généralement en sacrotransverse, où la hanche antérieure


précède la hanche postérieure alors que dans le même temps
l'épaule postérieure s'engage). Très caricatural lorsque le
siège est décomplété, le périnée postérieur va commander
l'inflexion vers le haut du dégagement du siège, avec un
enroulement du fœtus autour de la symphyse.

Accouchement des épaules


Le diamètre biacromial utilise en général le diamètre oblique a
déjà emprunté par le diamètre bitrochantérien pour les
variétés antérieures (diamètre oblique droit), parfois dans
un diamètre oblique perpendiculaire pour les variétés pos-
térieures (diamètre oblique gauche). Le dos tourne en avant,
ce qui correspond à l'engagement de l'épaule antérieure.
La descente des épaules s'accompagne d'une rotation qui
amène le diamètre biacromial dans l'axe antéropostérieur
du bassin. Par analogie au diamètre bitrochantérien, l'épaule
antérieure se cale sous la symphyse pendant que l'épaule
postérieure parcourt le périnée. Mais, souvent, le dos tourne
complètement en avant et les épaules se dégagent dans un
diamètre transversal .
b

Accouchement de la tête dernière


La partie la plus volumineuse passe en dernier et peut
être retenue à deux niveaux : le détroit supérieur osseux
et un col non suffisamment dilaté. La solidarisation entre
la tête et les épaules du fœtus est accentué par la flexion
de la tête sur le tronc fœtal. La tête reste fléchie si elle
est poussée par la contraction utérine et non tirée vers
le bas par l'opérateur. Le diamètre d'engagement de la
tête (diamètre sous-occipito-frontal) dans un diamètre
oblique perpendiculaire à celui déjà emprunté par le dia-
mètre biacromial. La descente de la tête dans l'excavation c
s'effectue par rotation afin d'obtenir une présentation en Fig. 9.2. Mécanisme de dégagement de la tête dans le siège.
occipitopubienne (OP), où le sous-occiput fœtal se place a. L'occiput se fixe sous la symphyse. b. La tête se défléchit sur la sym-
sous la symphyse. Le dégagement s'effectue autour de ce physe. c. La face apparaît à la vulve. D'après Morin P. L'accouchement.
point d'appui (figure 9.2). Paris : Flammarion ; 1965.
Chapitre 9. Présentation du siège    131

Ballottement Ballottement
céphalique céphalique
Silion du cou Silion du cou

Bruits du cœur Bruits du cœur


sus-ombilicaux sus-ombilicaux
se propageant se propageant
cers le bas cers le bas

Pôle inférieur Pôle inférieur


petit et régulier petit et régulier

a b c
Fig. 9.3. Éléments du diagnostic de la présentation du siège au palper abdominal. a. Présentation sacro-iliaque gauche postérieure.
b. Présentation sacro-iliaque droite antérieure. c. Présentation sacro-iliaque droite postérieure.

Fig. 9.4. Conduite à tenir devant une présentation du siège au troisième trimestre.
132   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Expulsion spontanée fœtus soit dégagé jusqu'à la pointe des omoplates puis l'opé-
rateur enchaîne avec une manœuvre de Lovset, suivie d'une
(méthode de Vermelin) (planche 9.2) manœuvre de Bracht ou de Mauriceau. Ces manœuvres
Cette attitude reproduit la physiologie, et l'expulsion du d'accompagnement ou d'assistance sont conçues pour assurer
mobile fœtal résulte des seules forces des contractions uté- le dégagement des épaules et de la tête dans un minimum de
rines renforcées par les efforts expulsifs. Lorsque l'expulsion temps. Elles sont plus directives qu'extractives, car adaptées à
est progressive, l'obstétricien ne touche pas au siège. Après une situation eutocique. Dans ce cas-là, elles ne sont pas cura-
le dégagement du siège, le dos tourne de façon spontanée tives d'une dystocie. Exercées dans le respect mécanique des
vers l'avant et les pieds fœtaux doivent reposer sur une axes de progression, les manœuvres s'effectuent avec le mini-
table placée à l'aplomb de la vulve de la femme. Les bras du mum de contrainte physique.
fœtus se dégagent ensuite successivement dans le diamètre
transversal, et le fœtus est à genoux sur la table. Un dernier Relèvement des bras, dégagement
effort de poussée permet le dégagement de la tête en orien-
tation occipitopubienne, éventuellement aidé par une main des bras (planche 9.3)
sus-pubienne pour fléchir la tête. Le dégagement jusqu'à Cette manœuvre est la première étape de la petite extrac-
l'ombilic fœtal représente le temps le plus long mais avec tion de siège. L'indication dystocique est le relèvement des
peu de risque de compression du cordon. En revanche, dès bras et un non-engagement des épaules associé à un arrêt
l'apparition de l'ombilic à la vulve, le cordon ombilical est de la progression du siège au niveau de l'ombilic. Les deux
comprimé, entraînant une diminution des échanges fœto- techniques les plus utilisées sont l'abaissement des bras et
placentaires. La deuxième phase du dégagement (épaules et la manœuvre de Lovset. Cette dernière est la manœuvre
tête dernière) doit donc être rapide (2 à 7 min en général), d'accompagnement utilisée et ne doit pas être débutée avant
où le fœtus effectue généralement quelques inspirations. II l'apparition de la pointe des omoplates à la vulve.
faut être prêt à intervenir durant cette dernière période si
l'expulsion tarde (manœuvres décrites ci-dessous). Manœuvre de Lovset
II s'agit d'une double conversion successive de l'épaule posté-
Manœuvres obstétricales à rieure en une épaule antérieure (rotation d'environ 180°) tout
en exerçant une traction douce vers le bas dans l'axe ombili-
l'expulsion : accompagnement cococcygien. Ces deux rotations se font toujours le dos du
ou intervention en cas de dystocie fœtus en avant. La réalisation de cette manœuvre est facilitée
[8, 10] en empoignant le fœtus au niveau de son bassin à l'aide d'un
champ stérile. La première rotation-traction amène le bras pos-
Dans les conditions obstétricales des années 1950 où les térieur sous la symphyse et le dégage. En effet, le bras posté-
conditions d'acceptation de la voie basse étaient beaucoup rieur, qui était au-dessus du promontoire, effectue une rotation
plus large, Lacomme retrouve une mortalité de 20 % en cas en avant en suivant la ligne innominée du détroit supérieur.
de petite extraction du siège sur singleton, ce qui montre Compte tenu de l'orientation du plan du détroit supérieur,
les risques en cas de dystocie et la nécessité de connaître les l'épaule se visse sur le « pas de vis » pelvien et va se retrouver
manœuvres qui la réduisent [8]. La grande extraction ne sous la symphyse pubienne en avant pour se dégager. Pour
devrait plus être réalisée sur un singleton vivant, elle est à compléter son dégagement, il peut être nécessaire de compléter
réserver à l'accouchement du deuxième jumeau. par un abaissement du bras en attelle. La deuxième rotation-
Il est admis que le dégagement du siège doit se dérou- traction s'effectue en sens inverse, afin de ramener l'autre bras
ler sans intervention. En effet, la grande extraction du siège devenu provisoirement postérieur dans sa position initiale
chez un singleton n'est pas recommandée. C'est pour le antérieure. Le dégagement complet du bras se fait de la même
dégagement des épaules et de la tête que les avis divergent façon.
entre « l'expectative » et des manœuvres dites d'accompa- Cette manœuvre doit être exécutée en souplesse et sans
gnement. Il n'y a pas de données comparant une attitude à-coups. Elle ne présente pas de danger si elle est correcte-
d'expectative ou interventionniste, et les données de l'étude ment exécutée, sans précipitation.
PREMODA rapportent 35 % de l'une et 30 % de l'autre.
Toute traction inopinée, tout incident rompant l'attitude du
fœtus en flexion et désolidarisant les parties fœtales expose à Abaissement des bras
l'accrochement et au relèvement des membres. L'extension des Le tronc est dégagé et le creux axillaire apparaît sous la
bras et la déflexion de la tête rendent l'accouchement sans inter- symphyse mais ne progresse plus. On débutera par l'abais-
vention impossible et nécessitent des manœuvres appropriées. sement du bras postérieur, plus facile. On glisse la main le
La plupart des manœuvres ont donc été décrites pour long du dos du fœtus, on remonte derrière l'épaule pour la
résoudre une dystocie. Cependant, à condition de les réali- contourner et pousser l'index et le médius le long de l'humé-
ser avec prudence, sans précipitation, beaucoup d'équipes rus jusqu'au pli du coude. On appuie sur toute la longueur
réalisent des manœuvres dites « d'accompagnement » afin de de l'os (« en attelle ») pour ne pas le fracturer et on abaisse
raccourcir et de diriger l'expulsion (source d'asphyxie per-par- le bras qui balaie la face du fœtus comme pour le moucher
tum par compression cordonale) mais aussi dans les services [8]. Il faut ensuite répéter la même manœuvre avec le bras
universitaires de faire faire ces manœuvres par les internes à antérieur en passant la main sous la symphyse. Parfois, il est
des fins de formation. Dans ce dernier cas, on attend que le difficile, par manque de place, d'abaisser le bras antérieur. II
Chapitre 9. Présentation du siège    133

Planche 9.2. Engagement et rotation du siège


Accouchement spontané du siège complet

1 2
3

5 6
4

1. Le pied antérieur apparaît à la vulve.


2. Le membre inférieur postérieur se dégage.
3. Les deux membres inférieurs sont expulsés
ainsi que le bassin, le dos tourne en avant.
4. Le plan du dos est sous la symphyse.
5. Le bras antérieur est dégagé.
6. Le bras postérieur est dégagé.
7. Expulsion spontanée de la tête dernière.

7
134   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 9.2. Suite


Méthode de Vermelin

Accouchement spontané du siège décomplété

3
1 2

5 6
4

7 8
9
1. Engagement du siège en transverse.
2. Descente du siège sur le périnée.
3. Début de l'expulsion du siège.
4. Le siège se dégage verticalement.
5. Le siège apparaît à la vulve, dos en avant, les membres inférieurs redressés
sur le ventre du fœtus forment une « attelle ».
6. Dégagement du membre inférieur antérieur.
7. Dégagement du membre inférieur postérieur et du bras antérieur.
8. Dégagement des deux épaules.
9. Expulsion spontanée de la tête.
Chapitre 9. Présentation du siège    135

Planche 9.3. Accouchement par le siège. Manœuvre de lovset

a b

e f

a. 1er temps : saisir le fœtus à deux mains ; les pouces sont de chaque
côté du rachis, les quatre autres doigts saisissent les hanches et
l'abdomen.
b. 2e temps : tourner le fœtus de 90°, pour amener le plan du dos
fœtal à gauche.
c. Même manœuvre qu'en b, vue en coupe.
d. Même manœuvre qu'en b, vue supérieure [1] ; l'épaule postérieure
passe sous le promontoire.
e. 3e temps : tourner le fœtus dos à droite ; l'épaule antérieure se
dégage.
f. Même manœuvre qu'en e, vue en coupe.
g. 4e temps : on ramène le dos en avant, le second bras s'engage et
g descend dans l'excavation
136   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Planche 9.3. Suite

Schéma expliquant le principe de la manœuvre : l'« écrou fœtal »


va se visser sur le « pas de vis » pelvien pour permettre le déga-
gement des bras.

faut alors effectuer une rotation du fœtus de façon à ce que le Manœuvre de Mauriceau (figure 9.6)
bras antérieur inaccessible devienne postérieur et renouve-
Cette manœuvre se décompose en trois temps : flexion de
ler l'opération d'abaissement du bras postérieur. Lacomme
la tête, rotation de la tête et dégagement. Dès l'apparition
proposait de réaliser cette manœuvre assez tôt dans la petite
de la pointe des omoplates, on place le fœtus à cheval sur
extraction, c'est-à-dire avant d'avoir trop descendu la tête
l'avant-bras. On laisse alors pendre un peu le fœtus pour
fœtale dans le bassin qui, alors, peut empêcher le passage
voir sortir le bras antérieur, puis on le relève pour aider
de la main de l'opérateur. Si c'est le cas, on peut tenter de
l'expulsion du bras postérieur. Alors, et alors seulement,
remonter la tête fœtale afin de réaliser la manœuvre.
l'opérateur intervient pour dégager la tête dernière : deux
doigts sont introduits dans la bouche du fœtus sur la base
Dégagement de la tête dernière de la langue et on place ensuite l'autre main en « bretelle »
avec l'index et le médius de chaque côté du cou du fœtus.
Manœuvre de Bracht (figure 9.5) La manœuvre débute en appuyant sur la base de la langue
Bracht aide à l'expulsion de la tête dernière une fois que comme pour amener le menton sur le sternum du fœtus
la pointe des omoplates du fœtus apparaît au niveau de la (flexion de la tête). Dans le même temps de la flexion, il faut
vulve. On empoigne le siège des deux mains en appliquant tourner la tête afin de l'orienter en occipitopubien (rota-
les pouces à la face interne des cuisses, qu'elles soient flé- tion de la tête). La traction est effectuée très en bas, dans
chies sur l'abdomen ou non. Les autres doigts de l'opérateur l'axe ombilicococcygien. La traction est assurée par la main
s'appliquent sur les fesses et la région lombosacrée du fœtus. droite qui maintient également la tête en flexion, la main
Le siège est alors relevé doucement sans aucune traction sur gauche n'ayant pour rôle que de solidariser la tête et le cou.
le ventre de sa mère, en faisant pivoter le fœtus autour de la Le dégagement de la tête commence en tirant vers le bas au
symphyse pubienne. Dès que les bras sont dégagés, un aide niveau de la base de la langue et au niveau des épaules pour
exerce une légère pression abdominale pour aider au déga- caler l'occiput sous la symphyse. Lorsque l'occiput est calé
gement de la tête. Dans cette manœuvre, l'accoucheur ne sous la symphyse, le fœtus alors est progressivement relevé
fait que guider l'expulsion qui doit rester spontanée. Aucune vers le ventre de la mère, ce qui permet le dégagement de la
traction sur le fœtus ne doit être exercée, y compris pour tête en faisant pivoter la nuque fœtale autour du bord infé-
l'extraction de la tête dernière. rieur de la symphyse.
Chapitre 9. Présentation du siège    137

a b
Fig. 9.5. Manœuvre de Bracht. a. Coupe sagittale. b. Vue de face.

a b

c d

Fig. 9.6. Manœuvre de Mauriceau . a. Premier temps : abaissement de la tête, occiput contre la symphyse. b. La main droite soutient le fœtus,
l'index et le médius de la main gauche appuient sur les épaules pour fixer l'occiput sous la symphyse. c. Deuxième temps : les doigts de la main
droite sont introduits dans la bouche et, en prenant appui sur le plancher buccal avec la main droite, on relève le fœtus ; l'occiput est appuyé sur
la symphyse. d. La main d'un aide peut exercer une pression sur le fond utérin pour favoriser la sortie de la tête.
138   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

La traction au niveau des épaules ne doit pas être bru- La pose des cuillères s'effectue selon une orientation occi-
tale sous peine de lésion du bulbe (traction violente globale pitopubienne, la tête étant la plus fléchie possible, obtenue
vers le bas) ou du plexus brachial (traction latéralisée pour par le début de la manœuvre de Mauriceau. La réalisation
faire passer une bosse pariétale). Le relèvement progressif du forceps doit se faire avec calme et sans utiliser de force
du fœtus vers le haut permet de voir sortir le menton, le nez, de traction importante. La tête doit être guidée et facilement
le front et le crâne. Le relèvement du fœtus peut également dégagée des parties molles génitales.
s'effectuer en le levant par les pieds.
Le risque principal de cette manœuvre est la paralysie du
plexus brachial par compression ou élongation. Initialement Conduite à tenir en cas de dystocie
décrite en cas de rétention de la tête au-dessus du détroit supé-
rieur, cette manœuvre est actuellement réalisée plus tardive- Au moment du dégagement du bitrochantérien en antéro-
ment dans la phase d'expulsion de la tête afin d'accompagner postérieur, le rachis doit tourner en avant pour que la tête
son dégagement et d'éviter toute traction au niveau des épaules. puisse finalement se dégager. Si cette rotation se produisait
occiput en arrière, la tête se défléchirait dans l'excavation,
le menton accrocherait le bord supérieur de la symphyse,
Forceps sur tête dernière (figure 9.7)
rendant tout dégagement impossible. Il n'existe pas de
En cas d'échec de la manœuvre de Mauriceau, un forceps manœuvre préventive hormis la surveillance attentive de la
sur tête dernière est nécessaire. Un aide lève au zénith le progression de la présentation. En cas de rotation en arrière,
corps du fœtus, pendant que l'opérateur applique le forceps. il faut exercer une contrainte en sens inverse (les mains pre-
nant appui sur les ailes iliaques fœtales) sans traction, tout en
laissant les contractions utérines générer la rotation en avant.
En cas d'arrêt de progression à l'ombilic, on réalise une
manœuvre de Lovset puis une aide à l'expulsion de la tête
(manœuvre de Bracht ou de Mauriceau). Le relèvement
des bras sera traité par l'abaissement des bras ou par la
manœuvre de Lovset.
En cas d'accrochage du menton sur le bord supérieur
de la symphyse, la tête se défléchit et l'occiput est arrêté en
arrière par le promontoire. Cette situation hautement péril-
leuse ne peut être résolue qu'en faisant pivoter le menton
vers le sacrum en arrière. La rotation doit se faire dans la
direction inverse de celle qui a amené le dos en arrière. Elle
peut être réalisée en introduisant la main opposée à la struc-
ture choisie soit par pression directe sur le malaire antérieur
associée à une pression sur la partie postérolatérale de la tête
exercée à travers la paroi abdominale maternelle, soit par
traction sur la commissure latérale postérieure de la bouche
associée à une pression sur la partie antérieure de la tête
exercée à travers la paroi abdominale maternelle. Le menton
dégagé de son obstacle, le mieux est d'utiliser la manœuvre
de Mauriceau. En cas d'échec, on réalisera un forceps sur
tête dernière.
La rétention de la tête dernière par non-engagement ne
devrait plus se voir compte tenu des critères très stricts de
la décision du mode d'accouchement, et de la conduite du
travail et de l'expulsion. Elle entraîne presque toujours des
lésions graves pour le fœtus. La manœuvre de Champetier
de Ribes représente l'ultime manœuvre décrite et néces-
site deux aides. L'orientation de la tête au-dessus se fait
naturellement en transverse, et commence à se défléchir,
bloquant ainsi toute progression de l'expulsion du siège.
La réduction débute par une rotation manuelle sur place
de la tête fœtale vers l'arrière, afin de supprimer l'appui
de l'os malaire antérieur fœtal. Le deuxième temps est
une flexion de la tête qui permettra d'engager la face et la
partie temporofrontale du crâne. II faut également pous-
ser la tête fœtale vers son arrière, afin de dégager la bosse
pariétale postérieure du promontoire et d'orienter la tête
Fig. 9.7. Le forceps sur tête dernière. a. Coupe sagittale prise en fœtale obliquement. L'engagement s'effectue par traction
position mentopubienne. b. Vue de face. D'après Merger R, Levy J, vers le bas. L'extraction par cette manœuvre doit être aidée
Melchior J, Précis d'obstétrique, 6e éd. Paris: Masson ; 2001. par une expression abdominale. Sa réalisation nécessite de
Chapitre 9. Présentation du siège    139

mettre deux doigts dans la bouche fœtale à la base de la [3] Carayol M, Blondel B, Zeitlin J, et al. Changes in the rates of caesa-
langue pour accrocher solidement le maxillaire. rean delivery before labour for breech presentation at term in France :
Dans certains cas, en particulier en cas de prématurité ou 1972–2003. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2007 ; 132(1) : 20–6.
[4] Goffinet F, Carayol M, Foidart JM, et al. Is planned vaginal delivery
d'hypotrophie fœtale, la tête peut parfois être retenue par le
for breech presentation at term still an option ? Results of an obser-
col de l'utérus qui n'est pas tout à fait à dilatation complète. vational prospective survey in France and Belgium. Am J Obstet
Dans cette situation, il peut être nécessaire de sectionner à Gynecol 2006 ; 194(4) : 1002–11.
l'aide de ciseaux droits la lèvre antérieure du col après expo- [5] Golfier F, Vaudoyer F, Ecochard R, et al. Planned vaginal delivery ver-
sition par un aide muni d'une valve vaginale. sus elective caesarean section in singleton term breech presentation :
a study of 1116 cases. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2001 ; 98(2) :
186–92.
Conclusion [6] Hannah ME, Hannah WJ, Hewson SA, et al. Planned caesarean sec-
tion versus planned vaginal birth for breech presentation at term :
À condition de bien poser l'indication de la tentative de voie a randomised multicentre trial. Term Breech Trial Collaborative
basse et de bien surveiller le travail, l'accouchement par les Group. Lancet 2000 ; 21 : 1375–83 356(9239).
voies naturelles d'un fœtus en présentation siège n'augmente [7] Kayem G, Goffinet F, Clement D, et al. Breech presentation at term :
pas la morbidité et mortalité périnatales de façon significa- morbidity and mortality according to the type of delivery at Port
tive. Une tentative de voie basse ne sera autorisée qu'après Royal Maternity hospital from 1993 through 1999. Eur J Obstet
Gynecol Reprod Biol 2002 ; 102(2) : 137–42.
avoir pris connaissance de l'anatomie du bassin, des biomé-
[8] Lacomme M. Pratique obstétricale. Paris : Masson ; 1960.
tries et de la position du fœtus, et de certains paramètres [9] Macfarlane A, Blondel B, Mohangoo A, et al. Wide differences in
maternels déterminants (préparation, coopération, situation mode of delivery within Europe : risk-stratified analyses of aggregated
obstétricale et médicale). routine data from the Euro-Peristat study. BJOG 2015 ; 9.
Une parfaite connaissance de la conduite du travail et de [10] Merger RLJ, Melchior J. Précis d'obstétrique. Paris : Masson ; 1985.
l'expulsion ainsi que des manœuvres obstétricales est indis- [11] Michel S, Drain A, Closset E, et al. Evaluation of decisional elements
pensable. En particulier, l'opérateur doit avoir à l'esprit les of vaginal delivery in case of breech presentation in 19 university hos-
principes suivants lors de l'expulsion : pitals in France. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2009 ; 38(5) : 411–20.
■ pas de traction s'il y a progression ; [12] Sibony O, Luton D, Oury JF, et al. Six hundred and ten breech versus
■ pas de traction avant que la pointe des omoplates ne soit 12,405 cephalic deliveries at term : is there any difference in the neo-
natal outcome ? Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2003 ; 25(2) : 140–4
visible à la vulve, pas de traction en dehors des contrac-
107.
tions utérines ; [13] Vandenbussche FP, Oepkes D. The effect of the Term Breech Trial
■ des manœuvres d'accompagnement sont possibles. on medical intervention behaviour and neonatal outcome in The
Netherlands : an analysis of 35,453 term breech infants. BJOG 2005 ;
112(8) : 1163.
Références [14] Taylor S. Is cesarean section indicated for breach presentation ?
[1] Benifla J, Venditelli F, Pons J. Présentation du siège. In : Cabrol D, J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29(2 Suppl) : 30–9.
Pons JC, Goffinet F, editors. Traité d'obstétrique. Paris : Médecine- [15] Whyte H, Hannah ME, Saigal S, et al. Outcomes of children at 2 years
Sciences F ; 2003. p. 821–36. after planned cesarean birth versus planned vaginal birth for breech
[2] Cabrol D, Goffinet F. Protocoles cliniques en obstétrique. Paris : presentation at term : the International Randomized Term Breech
Masson ; 2009. Trial. Am J Obstet Gynecol 2004 ; 191(3) : 864–71.
Chapitre
10
Accouchement des grossesses
multiples
T. Schmitz, F. Goffinet

PLAN DU CHAPITRE
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Quel intervalle de temps entre la naissance
Suivi de la grossesse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 de J1 et celle de J2 ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Risques maternels et fœtaux Prise en charge de l'accouchement du second
de l'accouchement des jumeaux. . . . . . . . . . . . 143 jumeau : différentes options . . . . . . . . . . . . . . 146
Choix de la voie d'accouchement en cas Prise en charge active de l'accouchement
de grossesse gémellaire : en pratique . . . . . . . 144 du second jumeau : en pratique. . . . . . . . . . . . 147
Prématurés et risque de rétraction du col. . . . 144 Cas particuliers : grossesses monochoriales
Terme d'accouchement des grossesses monoamniotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
gémellaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Accouchement des grossesses multiples
Travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 de haut rang. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Lieu de l'accouchement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Accouchement du premier jumeau . . . . . . . . . 146

bien que les jumeaux et les triplets représentaient respec-


OBJECTIFS tivement 3,5 % et 0,07 % des naissances lors de l'enquête
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : nationale périnatale de 2010. Les grossesses multiples sont
• d'expliquer les risques pour les enfants et pour la mère de de grandes pourvoyeuses de prématurité et d'hypotrophie,
l'accouchement multiple, qu'il soit par voie basse ou par ces complications pouvant influer sur les prises de décisions
césarienne ; au moment du travail et de l'accouchement. Cependant,
• d'expliquer le mécanisme physiologique de même en cas de grossesse normale et de croissances fœtales
l'accouchement gémellaire ; harmonieuses, l'accouchement des femmes porteuses de
• de discuter l'importance du type de présentation pour grossesses multiples reste une situation à risque en compa-
chaque jumeau et de leur âge gestationnel dans la raison avec celui des grossesses uniques. À chaque période
décision entre voie naturelle et césarienne ; du travail, des difficultés spécifiques aux grossesses mul-
tiples peuvent survenir : dystocie dynamique ou mécanique,
• d'assurer la surveillance clinique et le monitorage lors
complications mécaniques au moment de l'accouchement,
de l'accouchement par voie basse d'une grossesse
hémorragie de la délivrance. C'est pourquoi il est essentiel
gémellaire ;
qu'une attitude standardisée existe au sein de l'équipe obsté-
• de connaître la conduite à tenir et les manœuvres dans
tricale afin d'éviter toute improvisation en cas de difficultés.
l'accouchement du second jumeau ;
L'accouchement gémellaire, quelles que soient ses modalités,
• de reconnaître à l'examen du placenta les différents types impose la présence d'une équipe au complet et d'un plateau
anatomiques et d'éventuelles anastomoses. technique suffisant : obstétricien, sages-femmes, anesthé-
siste, pédiatres, ainsi que des moyens suffisants adaptés
à la situation (nombre de fœtus, prématurité, retard de
Introduction croissance intra-utérin) avec la possibilité de transférer les
enfants en néonatologie en cas d'accouchement prématuré.
La fréquence des grossesses multiples n'a cessé d'augmen- Nous aborderons principalement l'accouchement des
ter en France ces trois dernières décennies en raison d'un grossesses gémellaires, la problématique liée aux grossesses
recours grandissant aux techniques d'assistance médicale à d'ordre supérieur sera abordée uniquement à la fin de ce
la procréation et d'une augmentation de l'âge maternel, si chapitre.

Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 141
142   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Suivi de la grossesse ■ de préciser la chorionicité : bi- ou monochoriale, aux


complications plus fréquentes (figures 10.1 et 10.2) ;
Nous ne développerons pas ici le suivi et les complications ■ de mesurer l'épaisseur des nuques fœtales dans le but
potentielles de la grossesse gémellaire. Cependant, au cours d'estimer le risque de trisomie 21.
du suivi de la grossesse, des informations importantes seront Certaines maternités ont un recrutement important de
recueillies en vue de discuter de la voie d'accouchement. grossesse multiple et proposent un suivi spécifique :
Le diagnostic doit être fait au plus tard à 13 SA. ■ un arrêt de travail et le repos précoces, souvent dès de 22–24
L'échographie faite à ce terme permettra : SA ; avant, si les constatations cliniques ou l'importance de
l'activité professionnelle l'imposent ;

Nidation
distante

Zygote

Bichorial - Biamniotique 32 % (en tout)

Blastomère

Nidation
rapprochée

4j

Bichorial - Biamniotique 32 % (en tout)


Morula

Blastocyste

7j

Amnios Monochorial bi-amniotique 66 %

Mono-amniotique 1−2 %

13 j

Monstres doubles

Fig. 10.1. Embryogenèse et placentation des jumeaux monozygotes. D'après F. Le Roy. In: Vokaer R. Traité d'obstétrique (tome I). Paris:
Masson ; 1983.
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples    143

incomplètes. Aucun renseignement n'était fourni pour des


variables aussi fondamentales que le suivi des patientes, le
mode de sélection des patientes pour la voie d'accouche-
ment, l'intervalle de temps écoulé entre les deux naissances
et les manœuvres pratiquées, et parfois même pour la pré-
sentation du second jumeau (J2). Enfin, ce mode de recueil
des données empêchait toute analyse « en intention de trai-
ter », c'est-à-dire une comparaison des groupes « tentative de
voie basse » versus « césarienne programmée ». Toutes ces
limites méthodologiques, conjointement à des pratiques,
diamétralement opposées aux nôtres, conféraient à ces
études en population une très mauvaise validité interne et
externe.
Le second groupe comportait les études rétrospec-
tives unicentriques hospitalières [1,3,10,18,21,27], parmi
­lesquelles toute la littérature française sur le sujet [18,21,27].
Aucune de ces études n'a mis en évidence d'augmenta-
Fig. 10.2. Grossesse gémellaire, bichoriale, bi-amniotique. tion de la morbidité ou de mortalité néonatale associée à
l'accouchement par voie basse. Si elles n'avaient en général
pas la puissance nécessaire pour mettre en évidence des
différences significatives pour des événements morbides
■ une surveillance hebdomadaire par une sage-femme à
rares, elles permettaient cependant d'obtenir des informa-
domicile à partir de 22-24 SA.
tions précises sur les pratiques effectuées ; ces informations
■ des réunions pour les couples attendant des jumeaux
étant indispensables à la bonne interprétation des résultats
ou des triplés avec des obstétriciens, psychologues et
en raison de l'association évidente entre type de pratique
pédiatres, et également des rencontres de responsables de
et résultats en termes de santé dans une situation où de
d'association d'usagers impliqués dans les problèmes liés
nombreuses stratégies différentes sont possibles (avant et
aux grossesses multiples.
au moment de l'accouchement). Ce type d'étude permet-
Selon les recommandations du CNGOF, la surveillance
tait également de comparer la césarienne programmée à la
impose dès 15 SA un examen clinique mensuel précédé par
tentative de voie basse, et non plus la césarienne à la voie
une échographie, dont le but essentiel est de détecter un
basse. C'est sur ces études que le CNGOF s'était appuyé en
RCIU de l'un ou des deux jumeaux. La surveillance de la
2009 pour autoriser la tentative d'accouchement par voie
croissance fœtale par échographie est bimensuelle en cas de
basse aux patientes enceintes de jumeaux sans toutefois
grossesse monochoriale afin de dépister précocement un
privilégier cette voie d'accouchement par rapport à la césa-
RCIU plus fréquent dans ce cas-là, et surtout un syndrome
rienne programmée [7].
transfuseur-transfusé.
Ce débat pourrait être définitivement clos depuis la
Ce suivi étroit associé à des échographies régulières doit
publication de la TBS en 2013 [2]. Cet essai randomisé inter-
permettre d'identifier précocement les femmes à risque des
national a tiré au sort la voie programmée d'accouchement,
deux complications majeures, la prématurité et l'hypotro-
césarienne ou tentative de voie basse, pour 2 804 patientes
phie fœtale, qui peuvent influer sur les décisions obstétri-
enceintes de jumeaux entre 32 SA et 39 SA. Il n'y avait pas
cales autour de l'accouchement.
de différence significative entre le groupe tentative de voie
basse et le groupe césarienne programmée pour le critère
Risques maternels et fœtaux de jugement principal qui était une variable composite éva-
luant la morbimortalité périnatale (1,87 % [52/2782] versus
de l'accouchement des jumeaux 2,05 % [50/2781] ; OR : 1,1 ; IC à 95 % : 0,7–1,6 ; p = 0,66)
Jusqu'à la parution récente de la Twin Birth Study (TBS) [2], [24]. Le taux de césarienne dans le groupe tentative de voie
deux attitudes s'opposaient radicalement quant à la possibi- basse était de 40 %, le taux de césarienne sur J2 (second
lité de laisser les patientes enceintes de jumeaux accoucher jumeau) de 4 %. Enfin, cet essai a montré que J2 était environ
par voie basse. Un premier groupe de publications, constitué deux fois plus à risque que J1 (premier jumeau) de présenter
par des études rétrospectives anglo-saxonnes en population un événement morbide grave, et cela indépendamment de
réalisées à partir de registres, concluait à la nécessité de pro- la voie programmée d'accouchement (OR : 1,89 ; IC à 95 % :
poser une césarienne pour l'ensemble des grossesses gémel- 1,3–2,7 ; p < 0,001). Les auteurs concluaient donc à l'absence
laires, et cela même en l'absence de pathologie maternelle de bénéfices périnataux à la réalisation d'une césarienne
ou fœtale, en raison d'une augmentation de morbidité et de programmée pour les patientes enceintes de jumeaux entre
mortalité néonatale associée à la voie basse en comparaison 32 SA et 39 SA [2].
avec la césarienne [24,25,29,30]. Ces études, si elles permet- Compte tenu de la morbidité à court et long termes asso-
taient de mettre en évidence des différences significatives ciée à la pratique d'une césarienne, des résultats rassurants
pour des événements rares et graves, comme les convulsions des études françaises, et désormais de la TBS, la tentative de
néonatales ou la mort par asphyxie, présentaient des défauts voie basse devrait être proposée à la très grande majorité des
majeurs. Certaines données étaient erronées et/ou souvent patientes enceintes de jumeaux en France en 2015.
144   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Choix de la voie d'accouchement Dans toutes les autres situations, la tentative de voie basse
peut être une solution acceptable.
en cas de grossesse gémellaire : La présentation du second jumeau ne devrait pas influen-
en pratique cer le choix de la voie d'accouchement (tableau 10.2).
Il existe des indications absolues à la césarienne
programmée :
■ placenta praevia recouvrant ; Prématurés et risque de rétraction
■ J1 en présentation transverse ; du col
■ utérus pluricicatriciel ;
■ pathologie gravidique sévère et instable ; En cas de prématurité sévère (< 32 SA) ou de poids fœtaux
■ grossesse gémellaire monochoriale monoamniotique, J1 estimés inférieurs à 1 500 g, la tentative de voie basse est pos-
en siège, J2 en tête, pour laquelle le risque d'accrochage sible, l'impact de la voie d'accouchement sur l'état de santé
des mentons est théoriquement plus élevé qu'en cas de des enfants étant négligeable [24] ou même inexistant dans
grossesse gémellaire biamniotique. une récente série rétrospective française multicentrique [23]
La plupart des équipes proposent également une césa- en comparaison à celui de la prématurité.
rienne programmée en cas :
■ de RCIU sévère avec anomalies Doppler ; Rétraction du col
■ d'estimation de poids fœtal de J2 supérieur de 30 % au
Un accident peu étudié car rare est la rétraction du col sur
poids fœtal de J1.
la tête fœtale en cas d'accouchement du siège pour J2 (après
L'utérus cicatriciel est pour certains une indication de
ou non des manœuvres). En effet, compte tenu des poids des
césarienne mais la tentative de voie basse est possible et pra-
fœtus, il n'est pas rare que l'accouchement de J1 se déroule
tiquée car le risque de rupture utérine ne semble pas supé-
alors que la dilatation du col n'est pas complète.
rieur à celui observé en cas de tentative de voie basse pour
En présence de cet accident, il est nécessaire de pouvoir
les grossesses uniques [4].
intervenir sans délai :
La présentation du siège du premier jumeau est pour beau-
■ l'anesthésiste administrera des dérivés nitrés (spray ou
coup d'équipes une indication de césarienne programmée
voie intraveineuse lente) ;
en raison des risques théoriques d'accrochage des fœtus.
■ une manœuvre de Mauriceau ou une extraction par for-
Cependant, lorsque sont respectés les critères d'acceptation
ceps sera réalisée, ce qui permet dans la majorité des cas
de la voie basse des présentations du siège, et qu'en parti-
de résoudre cet accident.
culier l'équipe s'est assurée de la normalité du bassin par la
Si cette manœuvre échoue, une section de la lèvre anté-
réalisation d'une pelvimétrie, il ne semble pas qu'en France
rieure du col sur 2 à 3 cm aux ciseaux droits sera réalisée, un
cette pratique soit associée avec une augmentation de la
aide exposant l'opérateur avec une valve vaginale.
morbidité et de la mortalité néonatale [22] (tableau 10.1).

Normalité du bassin
Dans l'accouchement des jumeaux, il y a peu de problèmes
Tableau 10.1. Indications de la césarienne dans les de disproportion fœtopelvienne, le poids des enfants étant
grossesses gémellaires. inférieur à la moyenne des enfants uniques et l'accouche-
ment souvent prématuré. Cependant, en cas de présentation
Indications Indications liées à Indications
absolues l'état fœtal discutables
d'un des jumeaux en siège ou de version par manœuvre
interne et de grande extraction d'un second jumeau en som-
Placenta praevia RCIU sévère Utérus cicatriciel
met, certains posent la question d'un pelviscanner avant
recouvrant anomalies Doppler J1 en siège
J1 en présentation Poids de J2 > 30 %
l'accouchement pour s'assurer de la normalité du bassin.
transverse poids de J1 Il n'y a pas, dans la littérature, d'argument pour recom-
Utérus mander un pelviscanner pour l'accouchement des jumeaux,
pluricicatriciel quelle que soit la situation des jumeaux.
Pathologie Le RCOG ou l'ACOG ne la recommandent pas non plus.
gravidique sévère On peut donc dire que, si l'examen clinique du bassin est
et instable
Gémellaire
normal :
monochoriale ■ avant 37 SA : il n'y a pas d'indication à faire un pelviscanner ;
monoamniotique, J1 ■ après 37 SA : il n'y a pas de recommandation en faveur
en siège, J2 en tête d'un pelviscanner sauf en cas de J1 en siège.

Tableau 10.2. Répartition des présentations dans les grossesses gémellaires (d’après [6]).
J1 céphalique : 80 % J1 siège : 18 % Autres (J1 oblique ou
transverse quel que soit
J2 céphalique : 43 % J2 siège : 25 % J2 autre : 12 % J2 sommet : 7 %
J2) : 2 %
J2 siège et autres : 11 %
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples    145

Terme d'accouchement indiqué alors que les conditions locales sont encore défa-
vorables. Les protocoles de maturation cervicale utilisés en
des grossesses gémellaires cas de grossesse unique s'appliquent aussi aux grossesses
En cas de grossesse gémellaire bichoriale, le nadir de la mor- gémellaires, le pronostic de ces déclenchements du travail
talité et de la morbidité néonatales se situe à 38 SA [14]. n'étant pas plus péjoratifs que ceux des grossesses uniques
Au-delà de 40 SA, la mortalité néonatale augmente pour aux États-Unis [28] ou en France [10]. En cas de conditions
les deux jumeaux : J1 (OR : 3,5 ; IC : 2,3-5,4) ; J2 (OR : 2,5 ; locales favorables, le déclenchement se fait par perfusion
IC : 1,8-3,7) [16]. C'est la raison pour laquelle le CNGOF d'ocytocine comme pour les grossesses uniques.
a recommandé, en l'absence de travail spontané, que le
déclenchement du travail soit envisagé entre 38 SA et 40 Complications du travail
SA pour ces grossesses [7]. Une attitude fréquente en cas de
grossesse gémellaire bichoriale non compliquée est de pro- Une fois le travail débuté, les patientes enceintes de jumeaux
grammer un déclenchement à 38 SA en cas de col favorable, sont exposées à un risque de dystocie.
à 39 SA si le col est défavorable.
En cas de grossesse gémellaire monochoriale, et en l'ab- Dystocie dynamique
sence de complications, la difficulté de prédire la morta- La dystocie dynamique est plus fréquente, liée à la surdis-
lité néonatale et le risque de morbidité neurologique en tension utérine. L'indication de la mise en place d'une per-
raison de la possible survenue d'accidents aigus liés à la fusion d'ocytociques répond aux mêmes critères que les
présence d'anastomoses sont en faveur d'un accouche- grossesses uniques.
ment planifié. Le terme optimal d'accouchement d'une
grossesse monochoriale non compliquée est inférieur au
terme optimal d'accouchement d'une grossesse bicho- Dystocies mécaniques de la grossesse
riale. Le CNGOF propose d'envisager l'accouchement à gémellaire hors accouchement de J2
partir de 36 SA sans dépasser 38 SA + 6 jours avec une (planche 10.1)
surveillance rapprochée [7]. En cas de syndrome trans- Des dystocies spécifiques de la grossesse gémellaire
fuseur-transfusé traité et stable, l'accouchement peut être peuvent s'observer même si elles sont très rares [15].
envisagé entre 34 SA et 36 SA. Aucun argument scien- Ces complications s'observent essentiellement en cas
tifique ne justifie dans ce cas précis la réalisation d'une d'accouchement très prématurés avec de petits fœtus. Il
césarienne programmée. s'agit de :
■ la collision qui empêche l'engagement puisque les deux
fœtus abordent ensemble le détroit supérieur ; la seule
Travail issue est la césarienne ;
Du fait de la surdistension utérine, le travail des grossesses ■ la compaction qui s'observe exceptionnellement lorsque
gémellaires est le plus souvent spontané. Toutefois, dans les deux jumeaux se sont engagés ensemble mais ne
certaines situations cliniques, un déclenchement peut être peuvent progresser plus loin ;

Planche 10.1. Dystocies des accouchements de jumeaux

Compaction : les deux jumeaux en Impaction : J2 s'engage alors que


présentation céphalique s'engagent l'expulsion de J1 n'est pas terminée.
Collision : dans ces trois cas, la
ensemble et ne peuvent avancer plus
césarienne est la seule issue. Les deux
loin.
jumeaux en présentation céphalique
abordent ensemble le détroit supérieur.
L'engagement est impossible.
146   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

■ l'impaction s'observe lorsque J2 s'engage alors que l'ex- Accouchement du premier jumeau
pulsion de J1 n'est pas terminée. Le seul traitement est la
césarienne. Qu'il s'agisse d'une présentation céphalique ou podalique,
on procédera comme lors d'un accouchement single-
ton : la rupture de la poche des eaux est réalisée dans les
Surveillance du travail mêmes conditions, en ayant à l'esprit la plus grande fré-
Il est recommandé d'utiliser un appareil prévu pour enregis- quence des procidences du cordon sur le premier jumeau.
trer simultanément les deux fœtus sur le même support, ce Il faut attendre l'engagement et la descente sur le périnée
qui permet d'identifier plus facilement la situation dange- de J1 avant de faire pousser la parturiente, afin d'écour-
reuse. Le dépistage d'une aphyxie per-partum est plus diffi- ter la phase d'expulsion qui se fait souvent sans problème.
cile pour les deux jumeaux mais surtout pour le second (pas Finalement, le point essentiel est de ne faire accoucher
de possibilité d'apprécier la couleur du liquide amniotique, J1 que lorsque la dilatation est complète : dans le cas
accès parfois difficile pour l'enregistrement de la fréquence contraire, l'accoucheur s'expose à de grandes difficultés en
cardiaque, pH impossible). Devant une anomalie de la dila- cas de manœuvres sur J2.
tation, la mise en route d'une perfusion d'ocytociques paraît
tout à fait justifiée.
Même si elle n'est pas obligatoire, l'analgésie péridu-
Quel intervalle de temps entre
rale est souhaitable compte tenu du recours fréquent aux la naissance de J1 et celle de J2 ?
manœuvres obstétricales et du risque élevé de césarienne Plusieurs études ont montré que l'intervalle de temps écoulé
pendant le travail. Elle permettra de plus, juste après la nais- entre la naissance de J1 et celle de J2 influençait le pronostic
sance de J1, à l'anesthésiste d'obtenir rapidement une anal- néonatal de J2. C'est en effet après la naissance de J1 que J2
gésie profonde permettant des manœuvres endo-utérines est particulièrement exposé à la survenue d'un décollement
sur J2. placentaire, d'une procidence du cordon ou d'une hyperto-
nie utérine, se traduisant fréquemment par une bradycardie
fœtale, voire une asphyxie fœtale. Il a été montré que, plus ce
Lieu de l'accouchement délai était long, plus le pH artériel à la naissance de J2 était
bas [13] (NP3). De même, plus l'intervalle entre la naissance
Il doit tenir compte des besoins spécifiques des gros-
des jumeaux s'allonge, plus le risque de césarienne sur J2 aug-
sesses gémellaires et de la chorionicité. L'augmentation
mente. Cela est retrouvé dans les études rétrospectives hospi-
du risque de complications maternelles ainsi que le taux
talières [19] aussi bien qu'à partir des données en population
élevé d'intervention médicale (césarienne, extractions
de l'état de Washington aux États-Unis [12] et de la Nouvelle-
instrumentales et manœuvres) justifient la présence d'un
Écosse au Canada [17]. Or, il apparaît de plus que la morbidité
gynécologue-obstétricien expérimenté et formé à la réali-
et la mortalité de J2, et en particulier par asphyxie, sont for-
sation de ces manœuvres. Le choix de réaliser l'accouche-
tement corrélées au risque de césarienne sur J2 [24,25,29,30].
ment en salle de travail ou en salle de césarienne est laissé
Le CNGOF a recommandé en 2009 une prise en charge
à l'appréciation de l'équipe obstétricoanesthésique. Pour
active de l'accouchement de J2 afin de réduire l'intervalle de
ces mêmes raisons, les patientes doivent pouvoir béné-
temps écoulé entre les naissances de J1 et J2, le nombre de
ficier de façon large d'une analgésie péridurale et, ainsi,
césariennes sur J2 et ainsi la morbimortalité de J2.
de la présence d'un anesthésiste, en particulier lors de la
phase d'expulsion et de la délivrance, en raison du risque
accru d'hémorragie. Il est recommandé que le centre où Prise en charge de l'accouchement
a lieu l'accouchement ait un accès rapide à des produits du second jumeau : différentes
dérivés du sang. La disponibilité immédiate d'un pédiatre,
voire d'une équipe pédiatrique, est recommandée pour
options
la prise en charge des nouveau-nés. La femme doit y être Les modalités de cette prise en charge active de l'accou-
dirigée pendant la grossesse ou en tout début de travail. chement de J2 varient considérablement selon les pays, les
Dans l'établissement, il est indispensable de bien prépa- centres, les auteurs et le type de présentation (tableau 10.2).
rer le matériel de réanimation pour les enfants et de bien En cas de présentation céphalique haute et mobile, deux
répartir les rôles entre les différents membres de l'équipe, solutions sont possibles :
surtout s'il s'agit de prématurés. Les modalités de l'accou- ■ une version par manœuvre interne suivie d'une grande
chement doivent être précocement déterminées compte extraction de siège ;
tenu du terme optimal physiologique avancé. À partir de ■ une reprise des efforts expulsifs, une accélération du
38 SA, la surveillance doit être celle d'un terme dépassé débit de la perfusion d'ocytocine associée à une rupture
de grossesse monofœtale en raison de l'accroissement artificielle des membranes une fois la présentation pro-
démontré de la mortalité périnatale. En cas de conditions fondément engagée.
obstétricales favorables, un déclenchement peut être envi- En cas de présentation non céphalique, on peut proposer :
sagé après 38 SA. La surveillance par un double monito- ■ une version par manœuvre externe afin d'obtenir une
rage cardio-toco-graphique continu est indispensable. Le présentation céphalique ;
CNGOF [7] recommande donc que l'accouchement ait ■ une grande extraction de siège, précédée d'une version
lieu dans un établissement ou l'on puisse suivre ce cahier par manœuvre interne en cas de présentation transverse
des charges. ou oblique .
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples    147

Aucune étude n'a directement comparé ces différents Le premier jumeau est né. Il faut immédiatement :
types de prise en charge. Il ressort de la comparaison des ■ arrêter l'ocytocine si cela n'a pas été fait au moment du
taux de césarienne sur J2 associés à ces différentes prises en dégagement de la tête de J1 ;
charge que la version par manœuvre interne suivie d'une ■ poursuivre l'enregistrement du RCF jusqu'aux
grande extraction de siège en cas de présentation cépha- manœuvres éventuelles ;
lique haute et mobile [21,27] serait bénéfique par rapport à ■ demander à l'anesthésiste d'injecter 10 ml de xylocaïne
la reprise des efforts expulsifs, de la perfusion d'ocytocine dans le cathéter de péridurale ;
et de la rupture artificielle des membranes systématique ■ apprécier le type et la hauteur de la présentation au tou-
comme cela est pratiqué dans les pays anglo-saxons [1,3 cher vaginal .
11,24,25,29,30]. En cas de présentation du siège, les taux
de césarienne sur J2 sont très élevés (de 24 à 48 %) en cas
de tentative de version par manœuvre externe pour obte-
Faut-il faire une échographie
nir une présentation céphalique [5,26] alors qu'ils sont nuls après l'accouchement de J1 ?
dans les séries françaises pour lesquelles la grande extrac- L'échographie est utilisée par certaines équipes afin d'identi-
tion de siège est systématique [11,18,27]. Ces comparaisons fier la présentation de J2 et de guider les manœuvres. Nous
des taux de césariennes sur J2 expliquent les recommanda- pensons qu'elle n'est pas utile pour plusieurs raisons :
tions émises par le CNGOF en 2009. Celles-ci sont résu- ■ le repérage des pieds par échographie n'est pas toujours
mées dans la figure 10.3. aisé dans un contexte relativement urgent ;
■ cet examen ne renseigne pas sur le « chemin » que devra
emprunter la main de l'accoucheur pour réaliser ses
manœuvres ;
Prise en charge active ■ elle allonge l'intervalle de temps entre les deux naissances
de l'accouchement qui risque d'entraîner une reprise des contractions uté-
du second jumeau : en pratique rines, rendant très difficile les manœuvres ;
■ enfin, l'échographie ne renseigne pas sur la hauteur de la
Les risques associés à la réalisation de manœuvres seront présentation.
faibles à condition que l'équipe soit entraînée et qu'une atti- Ainsi, il nous semble que l'accoucheur, sans l'aide de
tude standardisée ait été mise en place au sein de l'équipe l'échographie et sans respecter d'intervalle libre après la
afin d'éviter toute improvisation. naissance de J1, doit rapidement :

J1 au grand couronnement

Arrêt perfusion Ocytocine

Naissance de J1

Examen immédiat de la parturiente


Prise en charge active de l’accouchement de J2

J2 non céphalique J2 céphalique

Siège Transverse Haute et mobile Fixée

Équipe Équipe non


entrainée entrainée
grande extraction du Ocytocine
VMI + Grande +RAM+Efforts
siège
extraction

Fig. 10.3. Algorithme des modalités d'accouchement du second jumeau [6].


148   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

■ examiner la femme juste après la naissance de J1 afin vulve dos en avant, il n'y a plus qu'à faire une petite extrac-
d'apprécier le type et la hauteur de la présentation ; tion du siège (voir chapitre sur le siège).
■ décider de réaliser des manœuvres si elles sont indiquées ;
■ faire confiance à son expertise clinique pour prendre les
bonnes décisions et repérer les pieds car seule la clinique J2 est en présentation céphalique
permettra de réaliser les manœuvres dans de bonnes Si la présentation est engagée ou en voie d'engagement, l'ac-
conditions. couchement pourra avoir lieu immédiatement. On réalise
Il ne faut pas faire : une rupture artificielle des membranes, on reprend l'ocyto-
■ de versions par manœuvres externes pour verticaliser cine et les efforts expulsifs.
une présentation ; Si la présentation est mobile et, a fortiori, haute, une
■ d'expression utérine ; manœuvre de version par manœuvre interne puis de
■ de manœuvres intra-utérines en cas de contraction uté- grande extraction de siège sera réalisée. L'accoucheur
rine ou de col restant ou rétracté. introduit sa main dans la cavité utérine et tente à mem-
L'important est de ne respecter aucun intervalle libre branes intactes de saisir les deux pieds après avoir suivi le
après l'accouchement de J1. Cette notion est fondamentale dos, les fesses puis les cuisses du fœtus. En cas de succès,
car elle permet d'intervenir alors que l'utérus est encore la version par manœuvres internes sera alors facile et, sou-
souple et la cavité utérine facilement accessible. vent, les membranes se rompent au cours de la version. En
même temps que l'opérateur exerce une traction des deux
pieds dans l'axe ombilicococcygien, sa main abdominale
controlatérale repousse vers le haut la tête fœtale douce-
J2 est en présentation non céphalique ment mais fermement. L'accouchement se termine alors
par une grande extraction du siège avec en général une
Les manœuvres appropriées – version par manœuvre interne manœuvre de Lovset et une manœuvre de Bracht, voire de
puis grande extraction de siège si présentation transverse/ Mauriceau si nécessaire. En cas de difficulté à identifier les
grande extraction de siège si présentation du siège – doivent pieds, une rupture artificielle des membranes est réalisée
être faites sans tarder. Les manœuvres d'extraction sont en pour saisir les deux pieds. Cette recherche des deux pieds
général faciles car le fœtus est dans un utérus à moitié vide, est importante pour le succès sans effort de la version. En
la dilatation est complète, la filière génitale prête pour laisser effet, il est préférable de perdre deux ou trois minutes dans
passer le second jumeau. cette recherche plutôt que de tirer sur un seul pied, même
Pour ce faire, les voies génitales de la patiente sont l'antérieur, car, parfois, la version est alors difficile, entraî-
désinfectées, et l'opérateur est habillé de façon stérile. Si nant une hypertonie utérine. Si l'accoucheur a la sensation
l'on intervient très rapidement après la naissance de J1, d'un début d'hypertonie utérine ou de rétraction du seg-
les contractions utérines n'ont pas repris et l'utérus est en ment inférieur, il doit sans délai demander à l'anesthésiste
général souple et la cavité vaste. En respectant les mem- d'administrer les dérivés nitrés.
branes, on introduit la main dans l'utérus pour repérer la
position du fœtus qui se présente dans l'aire de la dilatation.
En cas de siège décomplété ou de présentation transverse Délivrance
(en cas de siège complet, les deux pieds sont aisément sai- Le risque hémorragique est élevé, lié à la distension utérine
sis au détroit supérieur), le passage du détroit supérieur est et l'insertion basse du(des) placenta(s). La délivrance doit
généralement facile dans l'accouchement de J2 (au contraire être dirigée (5 UI d'ocytocine). Nous préconisons une déli-
de la grande extraction sur singleton) puis le repérage de vrance artificielle rapidement si la délivrance naturelle n'a
la cuisse antérieure permet d'accéder au pied antérieur. Si pas eu lieu dans les minutes qui suivent la naissance de J2.
celui-ci est très haut, il faut atteindre le creux poplité et un Une perfusion d'ocytocine pour prévenir une atonie utérine
doigt sur le tibia fléchira le genou et attirera le pied vers le est systématique et l'utilisation de la sulprostone est d'indi-
bas qui sera saisi. cation large.
Il peut être parfois difficile de différencier une main d'un L'examen du placenta est surtout intéressant pour vérifier
pied. L'identification du talon permet de les distinguer. Il son caractère complet, mais il est souvent décevant pour le
faut donc chercher à saisir le pied antérieur. En effet, une diagnostic de mono- ou bizygotisme. La délivrance est une
traction sur le pied postérieur uniquement risque d'enclaver phase dangereuse pour la mère ; elle doit donc être surveillée
la hanche antérieure au-dessus de la symphyse pubienne et de façon rapprochée durant les deux heures au moins sui-
d'empêcher la progression. vant la délivrance (voir chapitre sur la délivrance).
L'idéal est de saisir les deux pieds car la confusion
entre pied antérieur et postérieur est fréquente. Lorsque
les deux pieds sont saisis, on verticalise le fœtus, siège en Cas particuliers : grossesses
bas. La traction vers le bas par les pieds permet d'engager
le siège en oblique, puis le trochanter antérieur se place
monochoriales monoamniotiques
sous la symphyse pubienne. La traction ne nécessite pas de Il s'agit d'une éventualité rare, représentant environ 1 % des
force mais plutôt de la vélocité et une action continue . grossesses gémellaires. La principale complication redoutée
L'efficacité de l'action est immédiate, rompant de ce fait est l'enroulement et les nœuds des cordons ombilicaux, avec
la poche des eaux et amenant le fœtus dos en avant au anomalies du rythme cardiaque, souffrance fœtale et décès
moment du dégagement du siège. Le siège se présente à la éventuel. Par ailleurs, les manœuvres sur J2 sont rendues
Chapitre 10. Accouchement des grossesses multiples    149

plus difficiles puisque les membranes sont déjà rompues. Enfin, la délivrance doit être particulièrement surveillée du fait
Les recommandations pour la pratique clinique du CNGOF du risque élevé d'hémorragie du post-partum.
conseillent la réalisation d'une césarienne prophylactique
dans cette situation, même si quelques travaux montrent
qu'un accouchement par voie basse est possible sans aug- Références
mentation de la morbidité [8]. Le terme de naissance ne [1] Adam C, Allen AC, Baskett TF. Twin delivery : influence of the pre-
devrait pas dépasser 36 SA. sentation and method of delivery on the second twin. Am J Obstet
Gynecol 1991 ; 165 : 23–7.
[2] Barrett JF, Hannah ME, Hutton EK, et al. A randomized trial of plan-
Accouchement des grossesses ned cesarean or vaginal delivery for twin pregnancy. N Engl J Med
2013 ; 369 : 1295–305.
multiples de haut rang [3] Blickstein I, Schwartz-Shoham Z, Lancet M, et al. Vaginal delivery of the
L'accouchement des grossesses multiples de haut rang second twin in breech presentation. Obstet Gynecol 1987 ; 69 : 774–6.
[4] Cahill A, Stamilio DM, Paré E, et al. Vaginal birth after cesarean
(grossesses triples, quadruples et plus) est à très haut risque
(VBAC) attempt in twin pregnancies : is it safe ? Am J Obstet Gynecol
en raison des pathologies maternelles (diabète, HTA) et 2005 ; 193 : 1050–5.
fœtales (prématurité, hypotrophie) fréquemment associées. [5] Chauhan SP, Roberts WE, McLaren RA, et al. Delivery of the nonver-
Ces pathologies conduisent dans bien des cas à la césarienne tex second twin : breech extraction versus external cephalic version.
prophylactique, d'autant plus qu'il s'agit le plus souvent de Am J Obstet Gynecol 1995 ; 173 : 1015–20.
grossesses obtenues dans le cadre de l'aide médicale à la pro- [6] Chevernak F.A., Johnson R.E., Youcha S.. Intra partum of twin mana-
création chez des femmes stériles ou peu fécondes. gement Obst. Gynecol 1985;65:119–24.
Néanmoins, l'accouchement par voie basse est le plus [7] CNGOF (College national des gynecologues et obstetriciens francais).
souvent possible mais requiert la présence, en salle de nais- Recommandations pour la pratique clinique. Grossesses gemellaires. J
sance, de l'anesthésiste, de l'obstétricien et du pédiatre. Le Gynecol Obstet Biol Reprod 2009;38: S28S31.
[8] Demaria F., Goffinet F., Kayem G., et al. Monoamniotic twin pregnan-
suivi et l'accouchement de ces grossesses doivent se faire
cies : antenatal management and perinatal results of 19 consecutive
dans un établissement de type III [9]. cases. BJOG 2004;111:22–6.
Pour les grossesses triples (2/10 000 naissances), il est [9] Dommergues M., Mahieu-Caputo D., Dumez Y.. 1998 Is the route of
important de faire le diagnostic de placentation car les tri- delivery a meaningful issue in triplets and higher order multiples ?
plés bichoriaux ont un risque huit fois plus important de Clin Obstet Gynecol 1998;41:25–9.
mortalité périnatale que les triplés trichoriaux. [10] Ghassani A., Ghiduci M.C., Voglimaci M., et al. Induction of labor in
La majorité des équipes privilégie la césarienne vers twin pregnancies compared to singleton pregnancies; risk factors for
35 ou 36 SA avec une équipe d'accueil au grand complet. On failure. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015;44:237–45.
peut cependant accepter la voie basse en cas de grossesses [11] Grisaru D., Fuchs S., Kupferminc M.J., et al. Outcome of 306 twin
triples en dehors de la grande prématurité, des RCIU, de la deliveries according to first twin presentation and method of delivery.
Am J Perinatol 2000;17:303–7.
présentation transverse d'un des enfants ou d'un utérus cica-
[12] Hartley R.S., Hitti J.. Birth order and delivery interval : analy-
triciel [9]. Une évaluation de la biométrie fœtale doit être sis of twin pair perinatal outcomes. J Matern Fetal Neonatal Med
particulièrement rigoureuse compte tenu de la fréquence 2005;17:375–80.
d'observer une hypotrophie pour l'un des triplés. [13] Leung T.Y., Tam W.H., Leung T.N., et al. Effect of twin-to-twin deli-
L'attitude est une stratégie pour T2 et T3 comparable à very interval on umbilical cord blood gas in the second twins. BJOG
celle de J2 dans la grossesse gémellaire. Il faut, après la nais- 2002;109:63–7.
sance du premier enfant, interrompre la perfusion d'ocyto- [14] Minakami H., Sato I.. Reestimating date of delivery in multifetal pre-
ciques et raccourcir le plus possible les délais pour les fœtus gnancies. JAMA 1996;275:1432–4.
restants, en pratiquant si besoin une version grande extrac- [15] Nissen E.D.. Twins : collision XE "Collision", impaction XE
tion sur le deuxième et le troisième enfant. "Impaction", compaction XE "Compaction" and interlocking. Obstet
Gynecol 1958;11:514–26.
[16] Ong S., Lim M.N., Fitzmaurice A., et al. The creation of twin centile
curves for size. BJOG 2003;109:753–8.
Conclusion [17] Persad V.L., Baskett T.F., O'Connell C.M., et al. Combined vagi-
nal-cesarean delivery of twin pregnancies. Obstet Gynecol
Les grossesses multiples représentent des situations à risque 2001;98:1032–7.
pendant la grossesse et au cours de l'accouchement. La sur- [18] Pons J.C., Dommergues M., Ayoubi J.M., et al. Delivery of the second
veillance du travail sous anesthésie péridurale doit se faire de twin : comparison of two approaches. Eur J Obstet Gynecol Reprod
façon continue et rigoureuse, avec un enregistrement simul- Biol 2002;104:32–9.
tané des rythmes cardiaques des deux fœtus. La voie d'accou- [19] Rayburn W.F., Lavin Jr. J.P., Miodovnik M., et al. Multiple gestation :
chement dépend de multiples paramètres, mais une tentative time interval between delivery of the first and second twins. Obstet
Gynecol 1984;63:502–6.
de voie basse devrait être proposée dans la majorité des cas. La
[20] Riethmuller D., Schaal J.P.. Grossesse multiple, le role de l'echographie.
présence d'un anesthésiste et d'un néonatologiste au moment Apport de l'echographie dans l'appreciation du pronostic obstetrical
du travail est indispensable pour la sécurité maternelle et et interet en salle de travail CD-ROM des Journees d'echographie du
fœtale. Pour l'accouchement de J2, une attitude intervention- College national des gynecologues-obstetriciens francais. 2004.
niste avec d'éventuelles manœuvres endo-utérines est recom- [21] Schmitz T., de Carne Carnavalet C., Azria E., et al. Neonatal outcomes
mandée afin de réduire l'intervalle de temps entre J1 et J2, le in twin pregnancy according to the planned mode of delivery. Obstet
risque d'asphyxie néonatale et le risque de césarienne sur J2. Gynecol 2008;111:695–703.
150   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

[22] Sentilhes L., Goffinet F., Talbot A., et al. Attempted vaginal versus [27] Sibony O, Touitou S, Luton D, et al. A comparison of the neona-
planned cesarean delivery in 195 breech first twin pregnancies. Acta tal morbidity of second twins to that of a low-risk population. Eur
Obstet Gynecol Scand 2007;86(1):55–60. J Obstet Gynecol Reprod Biol 2003 ; 108 : 157–63.
[23] Sentilhes L, Oppenheimer A, Bouhours AC, et al. Neonatal outcome [28] Taylor M, Rebarber A, Saltzman DH, et al. Induction of
of very preterm twins : policy of planned vaginal or cesarean delivery. labor in twin compared with singleton pregnancies. Obstet Gynecol
Am J Obstet Gynecol 2015 ; 213 : 73.e1–7. 2012 ; 120 : 297–301.
[24] Smith GC, Fleming KM, White IR. Birth order of twins and risk of [29] Wen SW, Fung Kee Fung K, Oppenheimer L, et al. Neonatal mortality
perinatal death related to delivery in England, Northern Ireland, and in second twin according to cause of death, gestational age, and mode
Wales, 1994–2003 : retrospective cohort study. BMJ 2007 ; 334 : 576. of delivery. Am J Obstet Gynecol 2004 ; 191 : 778–83.
[25] Smith GC, Shah I, White IR, et al. Mode of delivery and the risk of [30] Wen SW, Fung KF, Oppenheimer L, et al. Neonatal morbidity in
delivery-related perinatal death among twins at term : a retrospective second twin according to gestational age at birth and mode of deli-
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[26] Smith SJ, Zebrowitz J, Latta RA. Method of delivery of the nonvertex
second twin : a community hospital experience. J Matern Fetal Med
1997 ; 6 : 146–50.
Chapitre
11
Direction du travail
C. Monrigal, J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
Moyens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

Moyens
OBJECTIFS
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : Rupture artificielle des membranes
• d'énumérer les indications, les contre-indications de la La rupture artificielle des membranes a deux effets : un effet
rupture artificielle des membranes et de la réaliser ; mécanique (elle permet un meilleur contact entre le col et la
• de prescrire les principaux ocytociques, en expliquant présentation) et un effet pharmacologique (elle occasionne
leurs effets généraux, utérins, fœtaux, leurs indications, une libération de prostaglandines endogènes).
leurs contre-indications, leur posologie ; Elle peut être faite au début du travail, et notamment en
• de prescrire les principaux tocolytiques, en expliquant début de déclenchement. Elle peut être réalisée de principe
leurs effets généraux, utérins, fœtaux, leurs indications, à 3–4 cm de dilatation, pour faciliter l'entrée dans la phase
leurs contre-indications et la posologie ; active du travail comme le recommandent les partisans
• de prescrire les principaux antalgiques utilisés pendant d'une conduite active systématique du travail. Une rupture
l'accouchement, en expliquant leurs effets généraux, réalisée tôt, parfois dès 2 cm, est ainsi un des éléments de
utérins, fœtaux, leurs indications, leurs contre-indications la direction active du travail selon l'équipe du National
et la posologie. Maternity Hospital de Dublin [12].
Elle est également réalisée pour corriger une anomalie du
travail. Dans ces cas, la rupture permet si nécessaire la mise
en place d'une tocographie interne et la réalisation d'un exa-
La direction du travail est l'ensemble des mesures mises en men de deuxième ligne comme un prélèvement sur le scalp
œuvre pour modifier le déroulement de l'accouchement. fœtal pour étudier le pH ou les lactates, éventuellement le
On peut rechercher, en dirigeant un travail : STAN (ECG fœtal).
■ soit le traitement des anomalies du travail et la norma-
lisation d'un accouchement dont le déroulement n'est Avantages et inconvénients
pas physiologique, car un travail trop long, mal toléré, Il est très difficile d'isoler les seuls effets de l'amniotomie
entraîne un surmenage maternel, par le biais de troubles du reste de la prise en charge de l'accouchement. De nom-
acidobasiques et une souffrance fœtale ; breuses études confirment [2–7] :
■ soit une direction « systématique » du travail dont l'ob- ■ un raccourcissement du travail, sans incidence sur l'état
jectif est de diminuer la durée du travail et de réduire fœtal ;
le risque de césarienne (active management of labour ■ une diminution des doses de Syntocinon® nécessaires ;
[AML]) des Anglo-Saxons. ■ une augmentation de troubles du rythme cardiaque fœtal
Quoi qu'il en soit : (6) , sans effets sur l'état fœtal, mais à l'origine, dans cer-
■ la direction du travail ne doit nuire ni au fœtus ni à la taines études, d'une augmentation plus ou moins signi-
mère ; ficative du taux des césariennes. Il est évident que si l'on
■ la direction du travail engage la responsabilité de l'équipe ne pratique pas de contrôle de l'état fœtal par étude de
obstétricale : obstétriciens, sages-femmes, anesthé- l'oxygénation ou de l'équilibre acidobasique du fœtus, le
sistes, etc. L'abstention pourrait aussi parfois engager leur taux de césarienne risque d'augmenter ;
responsabilité [2–14]. ■ une réduction de la fréquence des dystocies fonction-
Nous limiterons notre propos aux grossesses uniques et nelles définie comme une stagnation d'au moins quatre
en présentation céphalique. heures, avec une dilatation inférieure à 0,5 cm/h.

Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 151
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152   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

La rupture artificielle des membranes a plusieurs incon- (utilisation dans les cas où le travail est long, avec une
vénients supplémentaires : bosse sérosanguine ou un céphalhématome).
■ elle ouvre la cavité amniotique aux germes pathogènes
vaginaux ; Préparation, voie d'administration
■ elle peut favoriser une procidence du cordon ; On peut diluer l'ocytocine dans du sérum physiologique ou
■ elle interdit de « faire marche arrière » en raison du risque dans du sérum glucosé à 5 %. Une ampoule contient cinq
infectieux. unités. On peut mettre une ampoule dans 500 ml ou dans
Finalement, après plusieurs années de débats sur les avan- 250 ml de sérum. L'administration est contrôlée obligatoi-
tages et les inconvénients de la direction systématique du rement par un perfuseur comptant les gouttes (une goutte
travail dont la rupture artificielle, si le travail évolue bien (dila- représentant alors une demi à 1 milli-unité selon la dilution).
tation de 1 à 1,5 cm/h), il n'y a aucun argument scientifique Actuellement, le plus souvent, le médicament est administré
pour réaliser systématiquement une amniotomie précoce [11]. à la seringue électrique ; si une seringue électrique n'est pas
disponible, le dispositif de perfusion doit être sécurisé. Une
Technique voie veineuse spécifique devrait être dédiée exclusivement à
La technique est précise : elle est précédée d'un bon badi- la perfusion d'ocytocine car toute variation du débit, même
geonnage vaginal avec un antiseptique (chlorhexidine). Elle minime, peut déclencher une phase d'hypertonie utérine
est en général réalisée au cours d'un toucher vaginal avec la potentiellement dangereuse pour le fœtus
branche d'une pince de Kocher, ou avec un dispositif dédié,
qui va perforer les membranes saillantes lors de la contrac- Modalités d'emploi
tion. Il faut toujours tempérer le flux du liquide avec les Le Syntocinon® est utilisé en général après rupture des
doigts vaginaux lorsque l'on rompt avec la pince de Kocher membranes, même dans certains cas comme une présenta-
en raison du risque de procidence, et toujours enregistrer le tion encore haute avec une hypocinésie de fréquence.
RCF au décours de l'acte. La direction du travail pourra être représentée par la
L'amniotomie peut aussi, lorsque la présentation est séquence Syntocinon® suivie ultérieurement de RAM.
haute, être réalisée au cours d'une amnioscopie, une aiguille Schématiquement, trois schémas d'utilisation sont
intramusculaire étant portée au bout d'une pince longuette. décrits : les fortes posologies, les posologies moyennes et les
Dans ce cas, des mains abdominales appliqueront bien faibles posologies. Chaque publication détaille son proto-
la présentation et on réalisera l'amniotomie entre deux cole et chaque service a ses modalités d'emploi, notamment
contractions. la manière d'augmenter la posologie. La posologie doit être
exprimée en mU/minute.
Médicaments agissant sur la contraction Tous les auteurs s'accordent pour prescrire de façon à
utérine(8) éviter une hyperstimulation. La définition de l'hyperstimu-
lation varie : plus de 5 ou 6 CU/ 10 min, voire 7, ou plus
Ocytociques
de 7 CU /15 min (voir chapitre 13, p. 176). Elle est donnée
Ocytocine par le monitorage externe, et ne tient donc pas compte de
C'est une hormone naturelle, de neuf acides aminés, commer- l'intensité des contractions ni du tonus de base mieux appré-
cialisée sous le nom de Syntocinon®. Elle diffère de l'hormone ciés par la tocographie interne. Un début d'hyperstimula-
antidiurétique (ou vasopressine) par deux acides aminés. tion conduit à réduire la dose de Syntocinon®, en général
en revenant à la posologie précédente ; il ne faut pas arrêter
Propriétés le Syntocinon® mais simplement ralentir le débit. L'arrêt de
Effets généraux la perfusion entraîne une diminution de l'effet du produit
Ils ne s'observent qu'à des doses très importantes. Ce sont d'abord rapide ; une quarantaine de minutes sont toutefois
une hypotension et une tachycardie, suivies d'une hyperten- nécessaires pour revenir à la contractilité utérine antérieure
sion, d'une bradycardie et d'une augmentation de la pres- observée avant son utilisation :
sion veineuse centrale, et surtout d'un effet antidiurétique ■ les protocoles utilisant de « fortes doses » commencent
(on a décrit des cas d'intoxication par l'eau pour des doses avec des doses de 5 mU/min, avec des paliers de 5 mU
massives, supérieure à 50 UI). Cet effet doit rendre son utili- toutes les 15 minutes et une dose maximale de 30 ou
sation prudente en cas d'hypertension artérielle. 35 mU/min ;
■ un protocole intermédiaire : débute avec 4 mU, puis avec
Effets utérins des paliers de 4 mU par 15 minutes ; et une dose maxi-
L'ocytocine augmente l'intensité et la fréquence des contrac- male 30 à 40 mU. Ce protocole diffère surtout du précé-
tions, puis, si les doses augmentent, le tonus de base (tonus dent par la dose de départ ;
de repos). Son administration demande donc à être contrô- ■ les protocoles « faibles doses » commencent à 1 mU ou
lée par un monitorage des contractions utérines, ce d'autant 2 mU/min. Beaucoup commencent à 2 mU/min et aug-
plus qu'une même dose a des effets variables d'une personne mentent de 2 mU toutes les 20 ou 30 minutes. La dose
à l'autre. maximale autorisée est de 32 mU/min, mais elle est
longue à atteindre. On peut aussi commencer à 2 mU/
Effets fœtaux min, puis réaliser des paliers de 20 minutes, à 4 mU,
On a rendu le Syntocinon® responsable d'hyperbilirubi- 6 mU, puis 9 mU, 14 mU, 20 mU et 30 mU. Cette posolo-
némie néonatale. Cette responsabilité semble indirecte gie est atteinte si nécessaire après 120 minutes.
Chapitre 11. Direction du travail    153

Lors de l'administration d'une perfusion à débit constant, gnation de la dilatation (dilatation inférieure à 1/2 cm/h chez
l'activité utérine augmente progressivement pendant 20 à la nullipare et à 1,5 chez la multipare), ou une non-­descente
30 minutes, puis reste constante. Il faut donc respecter un de la tête après une heure à dilatation complète [11].
délai d'au moins 20 minutes avant d'augmenter à nouveau
les doses. Prostaglandines
Peu d'études sont conduites en tenant compte de l'inten- On ne les utilise plus par voie intraveineuse pour augmenter
sité des contractions mesurée par monitorage interne. Avec l'activité utérine.
la tocométrie interne, l'activité utérine est mesurée en unités En revanche, elles sont assez largement utilisées pour
Montevideo (ou en kilopascal), et elle est normalement com- préparer le col au déclenchement du travail, ou pour déclen-
prise entre 200 et 300 unités Montevideo (somme de l'inten- cher celui-ci (voir chapitre 28).
sité des contractions, en mmHg, par 10 min). Le but est de
maintenir une activité d'au moins 200 unités Montevideo. Tocolytiques
La comparaison des doses fortes avec les doses modérées
montre que des doses fortes s'accompagneraient de moins Les tocolytiques peuvent être utilisés pour diminuer les
d'applications instrumentales, de césariennes, de chorioam- contractions ou les supprimer en cas d'hypertonie ou d'hy-
niotites, et que le travail serait plus court. percinésie de fréquence associées à des anomalies du RCF.
Les plus utilisés sont les dérivés nitrés d'utilisation plus
Contre-indications simples et plus efficace que les bêtamimétiques. Leurs contre-
L'utilisation de l'oxytocine est associée à une augmentation indications générales sont détaillées dans le chapitre 25.
du risque :
■ d'hémorragie du post-partum avec un effet dose dépen- Dérivés nitrés
dant et un surrisque d'hémorragie grave, même avec des On utilise actuellement la trinitrine (Nitronal®) : on dilue
doses modérés d'ocytocine [1] ; 1 mg, soit un cinquième de l'ampoule, dans 10 ml de ClNa
■ d'hyperstimulation utérine avec risque d'hypoxie fœtale 0,9 (soit 100 μg/ml) ; injection de 1 à 2 ml en intraveineuse
et de césarienne [13]. directe, renouvelé au besoin deux à trois minutes après. Une
Elles sont indiquées dans le tableau 11.1. hypotension modérée peut survenir et répond bien à une
Les ocytociques ne doivent donc pas être employés de dose modérée (4,5 à 6 mg) d'éphédrine.(10)
façon systématique et uniquement sur indication médicale, En cas d'hypertonie et d'hypercinésie induites par une
c'est-à-dire en cas d'anomalie du déroulement du travail : erreur thérapeutique (administration inappropriée d'ocyto-
hypocinésie de fréquence ou d'intensité associée à une sta- ciques), administrer la trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/
ml, à diluer 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine
à 50 μg/ml) peut être injectée en intraveineuse directe à la
Tableau 11.1. Contre-indications de l'ocytocine. dose de 100 à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une à
deux minutes.
Contre-indicationsabsolues Contre-indicationsrelatives
Disproportion fœtopelvienne Utérus cicatriciel
Bêtamimétiques
Obstacle praevia
Présentation dystocique : Multiparité Les principaux bêtamimétiques sont répertoriés dans le
– front tableau 11.2.
– transverse Rappelons que les contre-indications absolues sont les cardio-
pathies décompensées, les coronaropathies, les myocardiopathies

Tableau 11.2. Différents bêtamimétiques.


Nom Dénomination Présentation Posologie Effets indésirables
commercial commune
Bricanyl® Terbutaline Ampoule de 0,5 mg Pompe intraveineuse : 15 à 20 g/j Tachycardie
Aggravation du diabète
Pas d'intramusculaire
Pre-Par ® Ritodrine Ampoule intraveineuse Perfusion intraveineuse : 2 ampoules Tachycardie
à 5 ml de 5 ml dans 500 ml de sérum Si diabète : risque d'acidocétose
Comprimés à 10 mg glucosé isotonique, 5 gouttes/min Si HTA : risque d'aggravation
→ 30 à 40 gouttes, 15 gouttes/min
à 0,15 mg/min de ritodrine
10 mg toutes les 2 à 6 h
Salbutamol Salbutamol Ampoules de 0,5 mg Perfusion intraveineuse : 5 ampoules Tachycardie
Glaxo® Ampoules de 5 mg dans 200 ml de sérum glucosé Si diabète : risque d'acidocétose
Suppositoires à 1 mg isotonique, 5 g/min → 30 à 40 g
Comprimés à 2 mg Intramusculaire : 1 ampoule toutes
les 4 à 6 h
2 comprimés 4 fois/j
154   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Tableau 11.3. Contre-indications des Les nouveau-nés exposés à des doses modérées de péthi-
bêtamimétiques. dine et jugés cliniquement normaux à la naissance (scores
d'Apgar normaux) peuvent présenter, lors d'une surveil-
Contre-indications générales Contre-indications
obstétricales lance respiratoire de longue durée, des épisodes d'apnée et
d'hypoxie (SaO2 < 90 %). À côté de cette dépression néo-
Absolues Infections ovulaire
natale existe un risque de dépression neurologique prolon-
Placenta praevia hémorragique
Cardiopathie gée : somnolence, diminution des réflexes, notamment de
Coronaropathie succion.
Myocardiopathie obstructive
La posologie et les modalités d'administration varient : on
Relatives utilise en général la voie intramusculaire ; la dose initiale est
Hypotension < 9 de 50 à 100 mg environ. Avec une dose de 50 mg, l'effet s'ob-
HTA sévère serve à 30 minutes, et dure trois heures environ. Les réinjec-
Diabète tions sont de 50 à 75 mg toutes les trois ou quatre heures. Le
Hyperthyroïdie Dolosal® n'est plus commercialisé en France depuis 2002 ;
seule existe la forme générique (Péthidine Renaudin®).
obstructives (tableau 11.3). L'ensemble des contre-indications
sont développées p. 294. Les bêtamimétiques sont peu utilisés Nalbuphine
actuellement en raison de leurs effets secondaires. La nalbuphine (Nubain®) est en France préférée à la péthi-
dine. Elle est théoriquement sans effet sur les récepteurs μ
Antispasmodiques et analgésiques des morphiniques, récepteurs responsables de la dépression
Les antispasmodiques ont théoriquement pour but de dimi- respiratoire, mais aussi d'une partie de l'effet analgésiant.
nuer les résistances segmentaires ou cervicosegmentaires. On Elle serait moins dépressive respiratoire que la péthidine,
doute de plus en plus de leurs actions, d'autant qu'il n'existe mais diminuerait davantage la réactivité fœtale à l'enregis-
quasiment pas de données scientifiques et les plus efficaces trement du RCF. On l'utilise par voie intramusculaire, à la
sont les produits qui possèdent une action analgésique, laquelle posologie de 20 mg. En principe, l'injection n'est pas renou-
peut suffire à expliquer les effets bénéfiques observés. Les pro- velée. En raison d'un effet plafond obtenu pour la posologie
duits à action analgésiante sont des dérivés morphiniques. de 0,5 mg/kg, il est inutile d'augmenter cette posologie.

Péthidine ou mépéridine (Dolosal®) Fentanyl


C'est un antispasmodique de synthèse à action musculo- Le fentanyl (Fentanyl®) est utilisable en intramusculaire
trope parasympatholytique. C'est aussi un puissant analgé- ou intraveineuse. Son délai d'action est rapide ; une dose
sique. Son effet utérin est très discuté : il pourrait augmenter de 50 à 100 μg donne une analgésie en cinq minutes mais
le tonus de base. C'est aux États-Unis le produit de réfé- brève, de 45 minutes. Il apparaît dans le sang fœtal une
rence. Beaucoup de données pharmacologiques existent, minute après l'injection, et sa concentration est maximale en
que l'on peut rappeler : administré par voie intraveineuse, cinq minutes. Le rapport des concentrations fœtus/mère est
il apparaît dans le sang fœtal 90 secondes après l'injection de 0,31. On peut l'utiliser à la seringue électrique à la dose
à la mère et le pic de concentration est obtenu après six de 50 à 200 μg/h.
minutes. Les concentrations maternelles et fœtales s'équi- Le fentanyl n'a pas de métabolite actif. Bien que l'élimi-
librent rapidement. Un métabolite, la norpéthidine est actif, nation chez le nouveau-né soit prolongée, variable et impré-
et plus dépresseur respiratoire chez le fœtus que la péthidine visible, les effets néonataux seraient moindres qu'avec la
elle-même. Le métabolisme et l'élimination de la péthidine, péthidine.
et surtout de son métabolite actif, sont lents chez le nou-
veau-né en raison de l'immaturité hépatique et rénale, d'où Sufentanil
un risque d'accumulation. La demi-vie d'élimination de la Le sufentanil est environ dix fois plus puissant que le fen-
norpéthidine chez le nouveau-né est de 30 à 60 heures. tanyl. Le transfert placentaire est plus lent ; l'exposition du
Les effets secondaires sont, chez le fœtus, un aplatisse- fœtus au produit pourrait être moindre qu'avec le fentanyl. Il
ment inconstant du RCF, chez la mère de la tachycardie, des est administré par ACP (analgésie contrôlée par la patiente).
nausées, des vomissements. Les effets néonatals ont été très Les risques de dépression respiratoire persistent.
étudiés. Ils dépendent, d'une part, de la dose, d'autre part,
du délai entre l'administration et la naissance :
■ délai inférieur à une heure, pas d'effet immédiat ; Rémifentanil
■ délai compris entre une et deux heures, dépression respi- Son métabolisme est intéressant en obstétrique ; il est
ratoire néonatale ; dégradé par des estérases non spécifiques, plasmatiques et
■ délai compris entre deux et trois heures, dépression néo- tissulaires, chez la mère comme chez le fœtus. Les fonctions
natale si la dose est de 75 ou de 100 mg ; peu ou pas d'effet hépatique et rénale n'interviennent donc pas. Son élimina-
pour une dose de 50 mg ; tion chez la mère est rapide (3 à 4 min) et il n'y a pas d'accu-
■ au-delà de 3 heures, pas d'effet dépresseur. On peut l'em- mulation du produit. Le pic de concentration est observé
ployer en toute sécurité si l'accouchement ne survient pas une minute 30 après l'injection ; l'effet maximal est obtenu
dans les six heures suivant l'injection. en 80 secondes. Il est administré par la patiente (ACP). Les
Chapitre 11. Direction du travail    155

posologies restent encore à évaluer ; néanmoins, actuelle- Tableau 11.4. Diagnostic différentiel entre le début
ment, la posologie la plus recommandée est de l'ordre de du travail (phase de latence) et le faux travail.
0,5 μg/kg en bolus. La présence de périodes réfractaires de
Phase de latence Faux travail
deux minutes fait que l'on n'emploie pas de débit continu. Début du travail
Aucun effet fœtal n'a été rapporté pour cette posologie. Pour
Contractions À intervalle régulier À intervalle régulier
des posologies plus importantes existe une sédation mater-
utérines Tendant à se rapprocher, Espacées
nelle non négligeable. Tendant à devenir plus Intensité irrégulière
intenses ou constante
Naloxone Augmentées par la marche Pas d'augmentation
La naloxone (Narcan®), antagoniste spécifique des récep- à la marche.
teurs μ, est l'antidote de choix des dépressions néonatales Col Non modifié Non modifié
dues aux injections de morphiniques à la mère. Seule la voie
intramusculaire à dose élevée (200 μg) est efficace.
L'emploi de naloxone ne dispense pas de la surveillance
respiratoire du nouveau-né exposé aux morphiniques. maturée des membranes varie d'une équipe à l'autre. Si les
contractions utérines persistent, on est en présence d'une
Analgésie péridurale et anesthésiques généraux phase de latence, prolongée, c'est-à-dire d'une dystocie de
(voir chapitre 12) démarrage. Si les contractions s'arrêtent, on est devant un
Indications faux travail.
Quelques règles générales doivent être rappelées : Pour dire que la phase de latence est prolongée, il faut
■ chaque service doit avoir des protocoles définissant les que la durée maximale autorisée de la phase de latence soit
drogues, leurs posologies et leurs indications, élabo- dépassée. La durée maximale de la phase de latence tolérée
rés et discutés en équipe par les obstétriciens, les anes- par les différents auteurs varie : 20 heures chez la nullipare
thésistes, les néonatologues et les sages-femmes ; les pour Friedman, moins de dix heures pour O'Driscoll).
drogues employées, leur posologie et le nom du pres- Attendre plus de 6 à 10 heures détériore le moral des
cripteur doivent être notés sur le partogramme et sur patientes les plus coopérantes. Un environnement correct
l'observation ; (présence attentive des personnels, présence de l'époux ou
■ l'accumulation des drogues n'est jamais bonne : les effets d'un proche) est nécessaire. Mais si les contractions sont mal
dépresseurs observés alors chez les fœtus peuvent être supportées, ou si le délai devient vraiment long, plusieurs
plus importants que ceux dus à l'addition des effets des alternatives sont possibles, après avoir réévalué les condi-
produits isolés [17]. tions obstétricales, et avoir revu le dossier.
Il faut donc anticiper si possible, en choisissant une ligne Si les conditions sont favorables, on peut déclencher le
d'action qui tienne compte des évolutions possibles, ce qui travail, par perfusion d'ocytocine avec amniotomie plus ou
sous-entend une évaluation aussi précise que possible de la moins précoce, avec ou sans anesthésie péridurale précoce
situation qui impose une direction du travail. Il faut que l'on (on donne « un coup de pouce »).
ait évalué la présentation, le bassin, le poids de l'enfant. Il Si les conditions sont médiocres, on peut dans un pre-
faut que l'on surveille attentivement le fœtus, par un monito- mier temps avoir recours à une sédation, ou reprendre une
rage et, si besoin, par une étude de l'équilibre acidobasique. tocolyse pendant deux heures, par exemple, en perfusion.
Puis, si les conditions locales sont meilleures, on pourra
enchaîner sur un déclenchement avec l'ocytocine. Mais si
Au début du travail
cela n'est pas le cas, se posera le problème soit de poursuivre
Phase de latence ou faux travail la sédation, soit de déclencher avec l'ocytocine dans des
On ne sait si l'on est en présence d'une phase de latence ou conditions moyennes.
d'un faux travail. La distinction est difficile. La phase de Toujours s'imposent des explications, des encourage-
latence peut être longue et réalise alors ce que l'on appelle ments répétés. La déambulation, les variations de position
une dystocie de démarrage. Le faux travail est un état où les maternelle, la balnéation qui peuvent être des adjuvants
contractions bien régulières s'estompent au bout de deux à précieux.
trois heures ; le travail reprendra plus tard et le faux travail S'il y a rupture des membranes, il faut être très vigilant.
peut se répéter ; si deux ou trois heures de contractions sont L'infection débutante peut se traduire par des contractions
ressenties douloureusement par la femme, se pose le pro- utérines régulières, sans effet sur le col si celui-ci n'est pas
blème d'une action thérapeutique. Les signes du vrai et du mûr ; l'emploi, dans ces cas-là, de sédatifs ou de tocolytiques
faux travail sont rapportés dans le tableau 11.4. Aucun des peut être dangereux. Il faut donc attacher la plus grande
critères n'est absolu. importance :
Un test thérapeutique peut être utilisé en injectant de ■ à une modification de l'aspect du liquide amniotique ;
la naléphine ou Nubain®, une demi-ampoule (= 10 mg) en ■ à un rythme cardiaque qui s'accélère, voire montre les
sous-cutané, qui pourra être renouvelé une seule fois après anomalies classées jaune ou orange ;
quatre heures sans dépasser 20 mg. ■ à un utérus, qui se relâche mal, ou reste douloureux dans
Ce test thérapeutique est en principe réservé aux cas où l'intervalle des contractions ;
les membranes sont intactes, où le rythme cardiaque fœtal ■ à des modifications du pouls maternel ou à un état
est normal. L'indication de ce test lorsqu'il y a rupture pré- subfébrile.
156   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Globalement, une attitude interventionniste paraît rai- Declan Meagher, introduit le concept de direction active du
sonnable s'il y a rupture des membranes. Il va de soi que travail (AML). Le point de départ de O'Driscoll était le refus
si le liquide est teinté, cette attitude interventionniste est de très longues durées du travail (« le soleil ne devait pas se
doublement de mise. Les prostaglandines par voie vaginale lever deux fois sur une femme en travail »), durées qui favo-
peuvent être utilisées. risaient les complications maternelles et fœtales, et dont le
vécu psychologique était souvent désastreux.
En cours de phase active L'AML concerne uniquement les primigestes, en présen-
Les agents modifiant l'activité utérine, les analgésiques ou tation céphalique, dont la grossesse n'a pas été compliquée,
l'analgésie péridurale doivent être utilisés en fonction du entrées spontanément en travail et dont le liquide amnio-
partogramme et du comportement de la femme. La conduite tique est clair. Avec l'AML, la plus longue durée de travail
à tenir devant une dystocie fonctionnelle ou devant une dys- tolérée est de 12 heures : dix pour la phase de dilatation,
tocie mécanique est étudiée au chapitre 13, p. 173. deux pour la seconde phase. La direction du travail a ensuite
Trois points sont à discuter : pour but d'obtenir une vitesse de dilation chez la nullipare
■ l'intérêt d'un monitorage des contractions et de l'effet du d'au moins 1 cm par heure.(9)
Syntocinon® par tocométrie interne, qui permet un enre- Les bases de cet AML réalisent « a package of care »(4).
gistrement beaucoup plus précis de la durée des contrac- Ce sont :
tions, de leur intensité et du le tonus de base. L'activité ■ une préparation à la naissance, avec des informations
utérine peut être calculée en unités Montevideo, et le précises sur le déroulement du travail : le travail ne durera
Syntocinon® peut être réglé pour obtenir une activité pas plus de 12 heures, et les parturientes ne seront jamais
utérine d'au moins 200 unités. Cette tocographie interne laissées seules ;
qui nécessite la rupture des membranes peut être utilisée ■ un accompagnement (one-to-one) par une même sage-
surtout en cas d'utérus cicatriciel, chez les femmes obèses femme en charge de la patiente ;
ou si on utilise de fortes doses d'ocytocine ; ■ un diagnostic précis du début du travail, porté par la
■ on considérait que la prescription d'une analgésie médi- sage-femme référente de la patiente, et une rupture artifi-
camenteuse parentérale n'était pas raisonnable si on cielle des membranes, si le diagnostic du travail est posé ;
n'avait pas une idée de l'issue de l'accouchement ou au ■ un examen vaginal est fait deux heures après ; si la dilata-
moins sans avoir défini la conduite à tenir pour la suite tion a progressé de 2 cm ou plus, un autre examen est fait
du travail. Actuellement, avec l'analgésie péridurale, on deux heures après le précédent ;
a davantage de souplesse. Cependant, il ne faut pas que ■ si cela n'est pas le cas, la ligne d'alerte du partogramme,
le confort de l'analgésie permette d'accepter un travail de 1 cm de dilatation par heure, est franchie, et l'emploi
dystocique trop prolongé, source d'asphyxie fœtale. de Syntocinon® est requis ;
L'avantage essentiel de l'anesthésie péridurale est de ■ une analgésie si jugée nécessaire par la femme.
pouvoir permettre d'utiliser toutes les techniques obs- Les résultats de cette direction active sont examinés régu-
tétricales adaptées à la situation fœtale et maternelle, y lièrement, et les cas sont revus régulièrement par un senior.
compris en urgence, en assurant le confort absolu de la Quelques points particuliers à ce protocole peuvent être
mère et en sauvegardant sa participation active à l'accueil soulignés :
du nouveau-né ; ■ le rôle de l'accompagnement est essentiel ;
■ une direction active est indiquée dans les anomalies de la ■ le rôle de la préparation à la naissance est important.
dilatation cervicale ou de progression de la présentation L'emploi systématique de la rupture artificielle des mem-
(NP4 RPC) [5]. branes et du Syntocinon® sont contestés car :
Dans l'accouchement normal, le bénéfice de la direction ■ il n'y a pas d'arguments scientifiques pour dire que la
du travail systématique reste toujours discuté. Cependant, rupture précoce et systématique des membranes rac-
l'analyse réalisée en 2008 par la Cochrane Library montre courcit la durée de la première phase du travail ou dimi-
que la direction active diminue le taux des césariennes. Mais nue le taux de césarienne en l'absence de stagnation du
si les partisans et les adversaires continuent de s'opposer, travail [15] ;
tous reconnaissent que l'environnement psychologique et ■ l'utilisation systématique de la RAM suivie d'une perfu-
que la qualité de l'accueil et de la prise en charge sont essen- sion de Syntocinon®, si elle diminue de 1 h 28 la durée
tiels. L'information sur les pratiques du service dans lequel du travail et baisse le taux de césariennes (RR : 0,87) [16],
on travaille devrait être donnée aux femmes, pour les aider à augmente le risque d'hémorragies du post-partum avec
« préparer leur projet de naissance ». Les cessions de prépa- un effet dépendant et expose aussi aux risque d'hypersti-
ration à la naissance sont un moment privilégié pour don- mulations et d'hypoxie fœtale ;
ner cette information. Malheureusement, la préparation ne ■ en France, en 2010, 64 % des femmes ont reçu des ocy-
peut pas toujours être assurée par la même équipe que celle tociques et 51 % ont eu une RAM dont le bénéfice n'est
qui prendra en charge la naissance. donc pas démontré pour une bonne partie d'entre elles.

Direction active du travail


Conclusion
L'école irlandaise du National Maternity Hospital est,
de manière systématique, interventionniste dès le début L'utilisation large de la rupture artificielle des membranes et
du travail. À la fin des années 1960, l'équipe du National des ocytociques doit être remis en question dans la première
Maternity Hospital de Dublin, avec Kieran O'Driscoll et phase du travail jusqu'à 6 cm.
Chapitre 11. Direction du travail    157

La rupture artificielle des membranes et les ocytociques [8] Hamza J. Médicaments utilisés en cours de travail : conséquences
ne devraient être administrés que sur indication médicale : pour le fœtus et le nouveau-né. In : Francoual C, Hureaux-rendu C,
hypocinésie de fréquence ou d'intensité associée à une sta- Bouillie J, editors. Pédiatrie en maternité. Paris : Médecine-Sciences
Flammarion ; 1999. p. 200–8.
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taneous labour. Cochrane Data Base of Systematic Reviews 2006 ; 3. durale en obstétrique. ALRF-AGORA (disponible sur internet).
Chapitre
12
Douleur
et analgésie obstétricale
R. Desprats

PLAN DU CHAPITRE
Analgésie locorégionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Autres méthodes d'analgésie . . . . . . . . . . . . . . 169
Autres techniques d'anesthésie locorégionale . . . 167 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Analgésie inhalatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

seule technique possédant toutes les qualités requises pour


OBJECTIFS l'accompagnement de la femme pendant l'accouchement.
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : Nous centrerons notre propos sur l'analgésie loco­
• d'expliquer la différence entre analgésie et anesthésie ; régionale rachidienne (péridurale et rachianesthésie) dont
• de décrire les différents procédés de réduction de la bénéficient actuellement plus de 75 % des parturientes en
douleur : psychoprophylaxie, anesthésie locale, régionale, France. Nous parlerons sommairement des méthodes psy­
tronculaire, extra- et intradurale, anesthésie générale ; chothérapiques (accouchement sans douleur) et physio­
• de décrire les effets pharmaceutiques sur la mère et thérapiques (acupuncture, anesthésie électrique) car leur
l'enfant des différentes drogues utilisées ainsi que les efficacité réelle est assez aléatoire et elles sont impuissantes
complications immédiates et secondaires ; dans la prise en charge d'une douleur chirurgicale.
• de montrer les avantages et les inconvénients de
l'anesthésie péridurale dans l'accouchement et Analgésie locorégionale
dans la césarienne, et de connaître les métamères
sollicités successivement au cours des deux phases de Anesthésie péridurale
l'accouchement. Elle est la plus utilisée des techniques d'anesthésie
­locorégionale. Elle a été réalisée par voie caudale pour la
Depuis l'origine de l'humanité, la douleur de l'accouche­ première fois en France en 1901 grâce à l'action conjointe de
ment a été subie et considérée comme une fatalité inhérente deux uro­logues : les Dr Sicard et Cathelin. En 1928, Pagès,
à la condition féminine et contre laquelle la médecine restait en Espagne, décrivit l'abord de l'espace péridural par voie
impuissante. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour commen­ lombaire et, en 1949, Curbello aux États-Unis fut l'initiateur
cer à trouver des moyens thérapeutiques capables de la com­ de la mise en place d'un cathéter dans l'espace péridural,
battre, avec des produits hypnotiques gazeux (chloroforme) ce qui permettait d'assurer l'entretien de l'analgésie sans
tout d'abord. La reine Victoria demanda au Dr John Snow contrainte de temps. Ce fut une découverte capitale pour
de lui en administrer pour son septième accouchement en son utilisation en obstétrique, qui ne prit vraiment son essor
1853. Cette décision « royale » leva en même temps deux que dans le dernier tiers du XXe siècle à la suite de perfec­
tabous. Il existait bien un procédé scientifique capable de tions techniques et pharmacologiques.
supprimer la douleur et il n'était plus sacrilège d'en bénéfi­
cier pour soulager la douleur « sacrée » de l'accouchement. Si Avantages
la reine le faisait, cela ne pouvait être que bon et bien, et cette Les parturientes participent consciemment, émotionnelle­
méthode fut immédiatement connue sous le nom d'« anes­ ment et sans douleur à la naissance de leur enfant, quelles
thésie à la reine ». À partir des années 1950, l'utilisation des que soient les modalités d'accouchement.
barbituriques pour l'anesthésie générale intraveineuse a Les obstétriciens et sages-femmes peuvent exercer leur
permis, dans des conditions plus ou moins périlleuses, de art en toute sérénité hors du contexte difficile, technique­
réaliser toute la chirurgie obstétricale. Dans la deuxième ment et psychologiquement, de l'agitation maternelle.
partie du XXe siècle, les perfectionnements techniques et Les anesthésistes ont à leur portée un moyen d'action
pharmacologiques de l'anesthésie péridurale en ont fait la tout aussi efficace que l'anesthésie générale, mais beaucoup
Pratique de l'accouchement
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160   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

plus élégant et moins dangereux. C'est la seule technique


qui puisse être utilisée aux différents temps de l'accouche­ Moelle
ment. Dans la première partie, elle s'avère être une excel­ épinière
lente méthode analgésique et, en fin de travail, elle peut être Ligament
utilisée, si nécessaire, comme technique d'anesthésie pour la jaune
chirurgie.
Le pédiatre recueille un enfant dont il peut immédiate­
ment évaluer l'état de santé, indépendamment de l'action des Dure-mère
médicaments administrés à la mère pendant le travail [32].
Ligament
sus-épineux
Principe et réalisation
La douleur de l'accouchement prend naissance au niveau Anesthésique
des terminaisons nerveuses de l'utérus et des muscles du
périnée. Ce message est acheminé via la moelle épinière
jusqu'aux structures cérébrales où il est reconnu et inter­
prété comme phénomène douloureux. L'injection d'un
Ligament
anesthésique local autour de la moelle épinière et des nerfs inter-épineux
rachidiens vient inverser la polarité membranaire des cel­
lules nerveuses et jouer en quelque sorte le rôle d'un inter­
Fig. 12.2. Coupe montrant l'emplacement de l'aiguille dans l'es-
rupteur dans un circuit électrique, et empêcher l'arrivée du
pace péridural. D'après Lansac J, Berger C, Magnin G. Obstétrique
signal douloureux jusqu'au cerveau. pour le praticien. Paris: Masson ; 2008.

Rappel anatomique
L'espace péridural est une formation anatomique virtuelle
fermée à ses deux extrémités. En haut, au niveau du trou
occipital, en bas, au niveau du canal sacré. La dure-mère
Anesthésie L1
tapisse sa face interne ; le ligament jaune et les corps ver­ péridurale Plexus
tébraux sa face externe. Cet espace est formé d'un tissu ovarien
cellulo­graisseux dense dans lequel cheminent racines ner­
Rachi-
veuses, réseaux veineux et lymphatiques, et de rares forma­ anesthésie
tions artérielles (figures 12.1, 12.2 et 12.3).
Plexus
Techniques d'abord de l'espace Nerf
hypogastrique
péridural (figure 12.2) parasympathique
supérieur
L'accès à l'espace péridural se fait par voie lombaire au Anesthésie
niveau des espaces intervertébraux L2-L3, L3-L4 ou L4-L5. caudale
Chez l'adulte, la moelle épinière se termine en L1. Le point Bloc paracervical
de repère le plus classique est celui de l'apophyse épineuse Nerf Bloc du nerf honteux
de L4 qui se trouve à l'horizontale des deux crêtes iliaques. honteux interne
Elle n'est pas toujours facile à repérer par la simple palpation
Fig. 12.3. Techniques d'anesthésie locorégionale. D'après Vokaer
R. Traité d'obstétrique (tome II). Paris: Masson ; 1983.

du dos du fait des modifications anatomiques liées à la gros­


Dure-mère sesse. Actuellement, grâce à l'aide de l'échographie, on peut
et arachnoïde situer de façon très précise le niveau de ponction.
La ponction se pratique en position assise ou en décubitus
Nerf spinal latéral gauche selon l'expérience ou le choix de l'opérateur.
La position en décubitus latéral gauche est probablement
plus confortable pour la patiente. Elle prévient mieux le
risque d'hypotension artérielle en permettant le dégagement
Filum terminale de la veine cave inférieure.
On franchit le revêtement cutané, puis on chemine dans
Espace péridural l'espace intervertébral pour arriver au contact d'un plan
ligamentaire peu résistant mais en général assez bien per­
Queue de cheval
ceptible, le ligament jaune. Dès que l'on a franchi prudem­
ment le ligament jaune on est dans l'espace péridural. On
Fig. 12.1. Espace péridural. D'après Vokaer R. Traité d'obstétrique sent une soudaine perte de résistance avec fuite en avant du
(tome II). Paris: Masson ; 1983. piston de la seringue. Il faut instantanément interrompre la
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   161

progression de l'aiguille car on arrive au contact de la dure- ■ mettre en place une voie veineuse de bon calibre
mère qui n'est pas reconnaissable par une résistance parti­ (18 gauges) sur laquelle on branche une perfusion pour
culière, mais qui se laisse refouler sur une profondeur de 3 à administrer un soluté de remplissage et des médicaments
5 mm. Il ne faut surtout pas la perforer car on ne serait plus vasopresseurs en urgence ;
dans l'espace péridural, mais dans le liquide cérébrospinal, ■ installer la patiente en décubitus latéral gauche pour libé­
ce qu'il faut surtout éviter. À travers l'aiguille de Thuohy, on rer la veine cave dès les premiers stigmates cliniques ou
introduit un cathéter qui permet d'entretenir l'anesthésie manométriques d'hypotension artérielle ;
sans contrainte de durée. On termine par le branchement ■ surélever les membres inférieurs de façon à assurer
d'un filtre antibactérien à l'extrémité libre du cathéter. Avant un meilleur retour veineux tout en maintenant la tête
d'injecter l'anesthésique local, il faut toujours s'assurer par en position légèrement surélevé en raison du risque de
aspiration qu'il n'y a aucun reflux par l'aiguille ou par le rachianesthésie totale non diagnostiqué ;
cathéter, soit de sang, soit de liquide cérébrospinal. Par sécu­ ■ avoir toujours prête à l'emploi une seringue d'éphédrine
rité, on commence par injecter une dose test de 3 ml d'anes­ diluée (3 mg/ml) pour traiter une chute brutale de la ten­
thésique local et on attend cinq minutes avant de compléter sion artérielle maternelle. Ce médicament agit comme
l'injection. Cette dose test est suffisante pour dépister un vasoconstricteur, mais aussi comme tonicardiaque. C'est
passage dans le LCS (anesthésie rapide et totale de l'hémi­ une drogue maniable, sans effet secondaire sur la conduc­
corps inférieur) ou en intravasculaire (saveur métallique tion intracardiaque et qui doit être facilement utilisée en
dans la bouche, tintements dans les oreilles et modification première intention en bolus de 3 à 6 mg renouvelables si
de la conscience). nécessaire [22].
De la qualité du geste dépendra la qualité de l'anesthé­ La surveillance de la tension artérielle doit être rappro­
sie. La ponction doit être strictement médiane pour que chée. Toutes les trois à cinq minutes pendant 15 minutes
l'anesthésie soit parfaitement symétrique. C'est l'un des après l'injection d'anesthésique local. Elle pourra ensuite
problèmes de la péridurale qui requiert une expertise par­ être espacée tous les quarts d'heure pendant 30 minutes,
ticulièrement élaborée, faute de quoi elle n'est plus satis­ puis adaptée à la symptomatologie maternelle et fœtale. Il
faisante ni pour la patiente ni pour son environnement est souhaitable d'associer à la surveillance tensionnelle le
médical, ce qui est rapporté dans plusieurs études dans monitorage de l'électrocardiogramme et de la SAO2[28].
10 à 15 % des cas environ. D'où l'adage bien répandu :
« La péridurale c'est bien… quand ça marche ! » Actions respiratoires
La musculature abdominale est plus ou moins relâchée sous
l'effet de l'anesthésie péridurale lombaire. Cela facilite la
Effets physiologiques
course diaphragmatique et, par voie de conséquence, amé­
Action sur les racines et les nerfs rachidiens liore la mécanique respiratoire. Du fait de la grossesse, cette
En fonction de la concentration de l'anesthésique local uti­ course diaphragmatique est limitée et les muscles inter­
lisé, la progression de l'effet anesthésique sur les trois types costaux jouent alors un rôle non négligeable. Lors d'une
de fibres nerveuses se fait dans l'ordre suivant : anesthésie péridurale pour césarienne, la paralysie pharma­
■ les fibres neurovégétatives qui sont les plus fines et les cologique des muscles intercostaux peut remonter jusqu'en
moins myélinisées sont les premières atteintes. Elles D4 et entraîner une sensation de dyspnée avec pâleur sans
gèrent essentiellement le tonus vasomoteur, effet non préjudice majeur pour la patiente en dehors de générer par­
souhaité mais inévitable ; fois un peu d'angoisse. Un apport momentané d'oxygène par
■ ensuite, les fibres sensitives : thermiques, puis celles sonde nasale suffit à restaurer une SAO2 normale.
conduisant la douleur et ensuite celles du tact et de la
pression. C'est le niveau d'action à atteindre ; Action sur l'utérus
■ enfin, les plus grosses et les plus myélinisées sont les La contraction utérine est sous déterminisme hormonal.
fibres motrices. Leur anesthésie entraîne un bloc moteur S'il en avait été du muscle utérin comme de tous les muscles
nécessaire pour un acte chirurgical mais pas toujours striés de l'organisme, l'anesthésie locorégionale interrom­
désiré pour la seule analgésie obstétricale. prait les contractions. Quand on utilise un anesthésique local
adrénaliné (effet systémique β+), l'intensité des contractions
Effets cardiovasculaires est légèrement diminuée [2].
Lorsqu'on pratique une anesthésie péridurale lombaire, on On observe parfois dans les dix à 15 minutes qui suivent
anesthésie essentiellement les fibres orthosympathiques l'administration d'une injection d'anesthésiques locaux dans
qui gèrent le tonus vasomoteur de tout l'hémicorps infé­ l'espace péridural une souffrance fœtale transitoire se tra­
rieur. En raison des faibles concentrations et des faibles duisant par une bradycardie fœtale plus ou moins intense et
volumes d'anesthésique local utilisés pour l'accouchement plus ou moins prolongée, [6] que l'on a longtemps attribuée
par voie basse, l'incidence de cet effet vasodilatateur sur les à l'hypotension artérielle maternelle initiée par le blocage du
constantes vitales maternelles et fœtales est en général très système orthosympathique décrit au chapitre 11. Quand un
discrète.(6) Mais elles peuvent être importantes en cas de monitorage de la pression intra-utérine est mis en place, on
nécessité d'anesthésie pour intervention obstétricale chirur­ constate que cet événement s'inscrit le plus souvent en symé­
gicale et entraîner une hypotension artérielle sévère.(29) trie d'une hypertonie utérine, sans variations notoires de la
Pour prévenir et traiter les conséquences de ce risque tension artérielle maternelle. La douleur augmente la sécrétion
d'hypotension artérielle, il faut : endogène d'adrénaline [27] qui a des effets bêtamimétiques.
162   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Cet effet modérément tocolytique joue probablement un rôle décuplées. Il y a donc des effets synergiques positifs sans
non négligeable comme régulateur du tonus utérin pendant effets antagonistes délétères. Seul le risque d'hypertonie
l'accouchement. Cela expliquerait en partie le fait que l'événe­ utérine semble augmenter, ce qui accrédite l'imputation
ment survient surtout après l'injection initiale quand la dou­ de la diminution de la sécrétion d'adrénaline endogène
leur est souvent intense [4]. maternelle d'autant plus soudaine que la douleur disparait
vite et mieux.
Actions sur les autres organes Le sufentanil est le seul morphinique à posséder l'AMM
Les fonctions endocriniennes, hépatiques, rénales ne sont pour administration en anesthésie péridurale obstétricale.
pas affectées par ce mode d'analgésie. On l'utilise en bolus à la dose de 2,5 à 5 μg et en entretien à
Le péristaltisme intestinal peut être augmenté. Cette la dose de 0,25 μg/ml de solution en PCEA (patient control-
accélération du transit est favorable dans les suites led epidural analgesia). Leur inconvénient principal est d'en­
postopératoires. traîner fréquemment du prurit.
La morphine, peu utilisée pour l'accouchement par voie
Pharmacologie basse, est un médicament très apprécié en association avec
les anesthésiques locaux pour l'accouchement par césa­
Anesthésiques locaux rienne car il permet d'obtenir une excellente analgésie pos­
Les anesthésiques locaux utilisés en anesthésie péridurale topératoire de 12 à 24 heures. À la très faible dose de 100 μg
sont de la famille des amides. en intrarachidien, la morphine n'a pas d'effet dépresseur
La ropivacaïne (Naropéine®) est devenue le gold standard respiratoire chez le fœtus ni d'incidence sur l'allaitement
des anesthésiques locaux utilisés pour l'accouchement. Elle a maternel [12-7].
supplanté la bupivacaïne car, à puissance analgésique égale, D'autres molécules ont été proposées : pour l'instant,
elle a l'avantage de donner un bloc moteur plus faible [7-30]. seule la clonidine reste rarement associée aux anesthésiques
De ce fait, la patiente obtient un meilleur confort avec moins locaux en anesthésie péridurale. Elle potentialise modéré­
de sensation de jambes lourdes et conserve un bon niveau ment leur action analgésique. Elle est moins maniable que
de tonus musculaire en phase expulsive. les morphiniques et peut majorer l'effet hypotenseur des
Un autre avantage est le seuil de toxicité cardiaque qui est anesthésiques locaux et générer un état de somnolence.
plus élevé que pour la bupivacaïne.
Cet anesthésique se présente en ampoules à 2 %, 7,5 %
et 10 %. Pour l'accouchement par voie basse, on utilise des Mode d'administration
concentrations de 0,125 % à 0,5 %. Pour la césarienne, la Les sensations douloureuses correspondant à l'étirement
ropivacaïne à 7,5 % peut aussi être associée en parties égales des fibres musculaires du corps et du col utérin se pro­
avec de la xylocaïne à 2 %. Cela permet d'obtenir une à trois jettent au niveau de la moelle en D10-D12 avec des rameaux
heures d'analgésie en postopératoire. accessoires pouvant aller de D9 à L1 (figure 12.3). Il suffit
d'administrer de faibles volumes (6 à 8 ml) et de faibles
Lidocaïne (Xylocaïne®) concentrations (0,25 à 1 %) de Naropéine® associée à des
Ses avantages sont la rapidité d'action (5 min) et son effi­ morphiniques pour obtenir une bonne analgésie. Une anes­
cacité analgésique. En revanche, la lidocaïne donne un bloc thésie aussi légère et aussi peu étendue n'a que de faibles
moteur important qui peut être considéré comme délétère répercussions neurovégétatives et motrices (tableau 12.1).
dans un accouchement normal, mais qui peut aussi faciliter Les douleurs provoquées par la compression des muscles
une terminaison instrumentale ou un acte chirurgical tel du petit bassin (psoas et releveurs du périnée) se projettent
que la césarienne. Pour ces mêmes raisons, elle peut s'avé­ dans les racines sacrées de S1 à S4.
rer précieuse lorsqu'il faut faire une extraction chirurgicale Dès que la tête est engagée, il faut réaliser une analgé­
en urgence devant une amorce de souffrance fœtale aiguë à sie étendue de D9-D10 en haut à S4 en bas, ce qui néces­
dilatation complète. site un volume d'anesthésique local plus important (8 à
12 ml). Théoriquement, chaque injection devrait se faire
en variant les volumes et les concentrations en fonction
Adjuvants des paramètres obstétricaux. C'est surement la meilleure
Morphiniques méthode mais cela exige la présence de l'anesthésiste exclu­
Initialement contre-indiqués dans l'accouchement, en rai­ sivement dédié à l'obstétrique, ce qui est rarement le cas.
son de leur passage transplacentaire rapide et du risque de
dépression respiratoire sévère chez le fœtus, ils sont désor­
mais devenus quasiment indissociables des anesthésiques Tableau 12.1. Voies nerveuses intervenant dans
locaux en analgésie obstétricale, et cela pour deux raisons : la transmission de la douleur pendant les deux
■ ils agissent sur la douleur par des mécanismes complè­ premières périodes du travail.
tement différents. Les morphiniques se fixent sur les Stades du travail Voies nerveuses
récepteurs μ de la moelle épinière et n'ont aucune action
sur la conduction neuronale. Ils n'ont donc pas d'effets Première période Fibres C empruntant le système
sympathique (D10-D11-D12-L1)
vasomoteurs indésirables ;
■ ils potentialisent fortement l'effet analgésique des anesthé­ Deuxième période Idem + afférences somatiques
siques locaux dont on peut alors diminuer les doses. La fibres A, nerfs honteux
internes S2 S3 S4
puissance et la rapidité d'installation de l'anesthésie en sont
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   163

Actuellement, le mode d'administration des anesthésiques qui engendrait des maux de tête, le plus souvent modérés,
locaux par pompes déclenchées par les patientes (PCEA) dans au moins 30 % des cas ;
a supplanté les réinjections itératives [10, 11]. Cela a pour ■ durée d'action limitée en raison de la réticence (toujours
avantage de diminuer la contrainte de disponibilité perma­ vraie) à accepter de positionner un cathéter à ce niveau ;
nente de l'anesthésiste en salle de travail et de permettre à ■ risque d'hypotension brutale secondaire au bloc neurové­
la patiente d'adapter le moment de l'injection à celui de la gétatif étendu et immédiat [21].
réapparition de la douleur. Ce mode d'injection qui donne Elle connaît actuellement un regain de popularité en rai­
une satisfaction globale à tout l'environnement obstétrical son de ses avantages :
nous a permis de nous rendre compte du fait que, malgré ■ sa facilité de réalisation technique. Il s'agit d'une simple
l'administration de doses standardisées que l'on croyait peu ponction lombaire ;
adaptées aux ajustements variables de la situation obstétri­ ■ sa rapidité d'action (inférieure à 5 min) contre 15 à
cale, cela n'avait que très peu d'incidence sur le déroulement 20 minutes pour la péridurale ;
du travail. De nombreuses variantes du mode de réglage du ■ la qualité d'analgésie obtenue. On apporte l'anesthésique
mode de perfusion par la PCEA ont été publiées, allant de local au contact du cône médullaire. Avec la péridurale,
la perfusion continue en passant par des systèmes hybrides on anesthésie les racines nerveuses pendant leur traver­
de bolus de base complétés par une perfusion continue sée de l'espace péridural. C'est la raison pour laquelle le
sans dépasser un volume de 10 à 12 mg/h. Logiquement, la risque d'échecs ou d'imperfections est de moins de 2 %
nécessité d'atteindre plusieurs métamères vertébraux pour versus 10 à 12 % pour la péridurale.
couvrir la zone à analgésier justifierait le fait de privilégier La rachianesthésie a été réhabilitée depuis la mise à
les injections par bolus qui permettent la diffusion rapide disposition d'aiguilles « pointe crayon » type Sprotte® ou
et étendue de la solution administrée, alors que la perfusion Whitacre® qui ont fait disparaître presque totalement la
très lente en continue se résorbe essentiellement autour du survenue des céphalées. Elle est choisie à titre quasi sys­
point de perfusion et l'extension est beaucoup plus limitée. tématique en chirurgie réglée pour l'opération césarienne.
En pratique, il est souhaitable, pour des raisons de sécu­ Dans cette indication, on associe 10 mg de bupivacaïne à
rité et pour adapter l'injection à la situation obstétricale, que des morphiniques. L'adjonction de 2,5 μg de Sufentanyl®
la parturiente informe l'équipe médicale avant de s'adminis­ plus 100 μg de morphine, ce qui permet une prise de bloc
trer un bolus. très rapide et une analgésie postopératoire prolongée de
La meilleure analgésie obstétricale est celle qui donne la 12 à 24 heures en moyenne [5-8]. Elle est aussi utilisée en
plus grande satisfaction à la mère et permet à l'équipe obsté­ fin de travail pour des souffrances intolérables. C'est très
tricale de travailler dans le confort la sécurité et la sérénité. prisé par les parturientes mais il faut que le travail ne se
prolonge au-delà des 60 à 90 minutes, durée d'action de
Rachianesthésie (figure 12.4) l'effet du produit administré, et l'accouchement reste un
Elle a été pendant longtemps marginalisée comme tech­ événement capricieux.
nique d'anesthésie locorégionale en obstétrique en raison de Elle est désormais de plus en plus utilisée en début ou
trois inconvénients majeurs : en cours de travail dans la technique dite de « rachi-péri-­
■ céphalées secondaires à la brèche dure-mérienne faite au combinée » où la ponction rachidienne est couplée avec
moment de la ponction (avec les aiguilles de Quinke) et la mise en place d'un cathéter dans l'espace péridural pour

Ligament
Inter-épineux
Moelle épinière
L2 Ligament
sus-épineux

2e, 3e et 4e
vertébres L3
lombaires Dure-Mère

Ligament jaune

L4
Queue de cheval

Fig. 12.4. Rachianesthésie.


164   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

­ rolonger l'analgésie autant que nécessaire [1]. Pour l'analgé­


p Le blood patch est en fait le seul traitement vraiment effi­
sie du travail, on utilise des doses très faibles d'anesthésiques cace. Il procure une disparition rapide des symptômes dans
locaux 2,5 mg de bupivacaïne associé à 2,5 μg de Sufentanyl®, les heures suivant sa réalisation. Malheureusement, son effi­
et on obtient une excellente analgésie pendant 60 à 90 cacité totale n'est que de 70 % et il est souvent nécessaire
minutes avec peu d'effets secondaires. Il y a des écueils à cette d'en faire deux ou plusieurs.
technique. La simplicité du geste, la rapidité d'action et la Cette complication considérée comme bénigne et suscep­
grande qualité du résultat obtenu contrastent parfois avec la tible de toujours guérir sans séquelles mais peut être respon­
médiocrité relative de la prise du relai par la péridurale dont sable dans de rares cas de symptômes à type de céphalées ou
la technique est plus complexe, le délai d'action plus long de troubles cochléovestibulaires qui peuvent durer plusieurs
et l'analgésie parfois incomplète. Il est toujours décevant de mois. Une bonne expertise et une grande rigueur dans l'exé­
commencer par le meilleur et de continuer par le moins bien. cution du geste en font une complication très rare. On ne doit
C'est une technique qui est de plus en plus utilisée. pas négliger cette complication qui est un grand traumatisme
pour les mères qui souffrent surtout beaucoup dès qu'elles
Complications de la péridurale [20–24] essayent de se lever et ne peuvent plus s'occuper de leur bébé.
Paralysies
Infections
Elles ont été la principale crainte et la principale cause de
refus de la péridurale. Heureusement, les années de pratique L'infection imputable au geste de la péridurale est rare. Il peut
intensive dans le monde nous ont montré que c'est un acci­ s'agir d'infection superficielle (cellulite ou abcès paraverté­
dent rarissime. braux) ou d'infections profondes (épidurites, méningites).
Trois mécanismes possibles président à leur survenue : Les principaux germes responsables sont le Staphylococcus
■ le traumatisme direct de la moelle épinière : si la ponc­ aureus, les germes de la flore commensale cutanée, les
tion au-dessous de L2 est respectée (ce qui est désormais bacilles à Gram négatifs et Pseudomonas aeruginosa.
facile en s'aidant du repérage échographique si besoin), Les germes les plus souvent retrouvés sont des com­
ce risque est écarté. mensaux de l'oropharynx du personnel présent autour du
■ l'hématome péridural : la blessure d'une veine de l'espace patient lors de la ponction et ne portant pas de masque
péridural est toujours possible au cours de la ponction. facial. L'anesthésiste doit aussi faire un lavage « chirurgical »
Cependant, si l'hémostase spontanée est normale, l'héma­ des mains, porter un masque et un calot. Il faut respecter les
tome n'atteint pas un volume suffisant pour comprimer la règles d'asepsie et d'utiliser des flacons à usage unique pour
moelle. Si on a le moindre doute, il faut savoir que détecté les produits de désinfection [13].
suffisamment tôt (grâce à l'IRM), l'évacuation chirurgi­
cale de l'hématome dans les quatre à six heures après les Complications obstétricales
signes de compression médullaire éviterait les séquelles ; L'augmentation du taux de césarienne est controversée [3-26].
■ l'abcès péridural : si les précautions d'asepsie sont res­ Une méta-analyse [18] a conclu que la pratique de l'anesthésie
pectées, on ne devrait pas le rencontrer. Toutefois, son péridurale augmentait le taux d'extractions instrumentales de
délai d'apparition retardé par rapport au moment de la 10 % environ sans modifier le taux de césariennes.
ponction et le contexte fébrile qui l'accompagne per­ La durée de la première partie du travail est inchan­
mettent d'en faire le diagnostic par l'apparition des gée sous péridurale. La seconde partie est prolongée en
signes déficitaires neurologiques dans un contexte de moyenne de 15 à 20 minutes sans conséquences délétères
violentes douleurs lombaires et il doit être confirmé par pour le fœtus [4-14].
l'IRM. Le traitement est chirurgical par laminectomie de Si une brèche de la dure-mère faite accidentellement au
décompression. cours de la ponction, et que l'on injecte un volume important
d'anesthésique local dans le liquide cérébrospinal, cela peut
Dorsalgies être responsable d'une rachianesthésie totale avec risque
Beaucoup de patientes attribuent des lombalgies postaccou­ d'arrêt cardiorespiratoire. Il s'agit d'une faute grossière. Les
chement aux conséquences de l'anesthésie péridurale. C'est vérifications d'usage (aspirer avant chaque injection pour
oublier que 10 à 12 % de patientes qui n'ont pas d'antécé­ s'assurer qu'il n'y a pas de retour du liquide cérébrospinal)
dents de lombalgies et qui ont accouché sans péridurale doivent suffire pour prévenir ce type d'accident.
souffrent du « dos » après l'accouchement. Ce chiffre est Pour la rachianesthésie, il ne faut pas mettre la patiente
sensiblement le même si l'accouchement a eu lieu sous péri­ en Trendelenburg car le niveau supérieur du bloc pourrait
durale [15, 16]. Il sera très important de donner cette infor­ s'étendre dangereusement vers les structures encéphaliques.
mation en consultation d'anesthésie en fin de grossesse.
Indications et contre-indications de la péridurale
Céphalées Très restreintes pour certains, très larges pour d'autres, elles
En pratique quotidienne, c'est la complication la plus fré­ sont plus le fait de la compétence et de la confiance réciproque
quente. Elle est provoquée par l'effraction dure-mérienne des membres de l'équipe médicale dans la gestion de l'accou­
accidentelle au cours de la ponction et se traduit par des chement sous péridurale que de la situation obstétricale elle-
céphalées, des rachialgies et des nucalgies extrêmement même. Actuellement, dans les maternités qui se sont organisées
sévères et très invalidantes [19]. Elles durent classiquement autour de la pratique de la péridurale, le taux dépasse les 80 % et
de deux à huit jours mais parfois 15 jours, parfois davantage. les contre-indications à la péridurale sont très exceptionnelles.
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   165

Indications ne dépassant pas 6 à 8 ml, cela n'entraîne pas de niveau


■ le confort maternel : dans le contexte d'un accouchement d'analgésie supérieur à D10. Si un épanchement périto­
parfaitement eutocique, c'est théoriquement la plus logique néal survenait, cela déclencherait des douleurs remontant
des indications. Depuis l'adoption de la loi Veil, la patiente jusqu'au niveau de D6 ou de D4 où elles seraient bien per­
est en mesure de demander qu'on lui fasse une péridurale çues. Le contexte clinique et la surveillance monitorisée de
sur sa simple demande, et le corps médical doit la lui faire, l'accouchement permettent de déceler aussi précocement
sauf contre-indication médicale, bien évidemment ; des signes de rupture.
■ l'agitation maternelle : dans ce cas, c'est du confort de
la patiente et aussi de celui de l'équipe obstétricale dont Contre-indications
il s'agit. Elle est en général bien volontiers acceptée et Contre-indications obstétricales
devient même fortement conseillée par l'équipe médicale ; Elles sont très rares. Une seule est absolue : la souffrance
■ le déclenchement du travail : il n'y a aucun inconvénient fœtale aiguë qui n'autorise pas de perdre le temps nécessaire
à sa mise en place très précoce à l'initiation du déclen­ à la mise en place de la péridurale à laquelle il faut ajouter
chement. Elle se justifie aussi par le fait que la phase de le délai d'action de l'anesthésique local injecté. Dans cette
latence entre le début du déclenchement et l'entrée en tra­ situation, seule l'anesthésie générale est adaptée. Dans des
vail proprement dite est souvent longue et douloureuse ; équipes très entraînées et sous certaines conditions, une
■ l'épreuve du travail : l'analgésie péridurale est un apport très rachianesthésie peut être envisagée.
intéressant à condition bien sûr qu'elle n'entraîne pas, par la
suppression de la douleur, le relâchement de la surveillance Contre-indications maternelles
obstétricale. Cette situation est de mieux en mieux évaluée Elles aussi sont rares.
grâce aux performances de l'échographie et de la radiologie,
et la césarienne réglée est le plus souvent choisie ; Troubles de l'hémostase
■ la souffrance fœtale chronique : elle est le plus souvent Il s'agit du risque d'hématome compressif de la moelle qui
secondaire à une pathologie maternelle ou fœtale en peut, s'il n'est pas traité dans les quatre à six heures, être une
cours de grossesse. Pour ces deux raisons, pathologie cause de paraplégie.
maternelle et fragilité du fœtus, l'anesthésie péridurale est Dans quelles situations peut-on le craindre
bien sûr la seule qui, à qualité de confort égale, n'a pas Les traitements anticoagulants constituent une contre-
d'influence directe sur le fœtus et permettra si besoin une indication formelle. Elle est réalisable si l'on a eu le temps de
extraction chirurgicale sans le retentissement fœtal d'une faire une « fenêtre thérapeutique » et si le bilan de coagula­
anesthésie générale ; tion est normalisé au moment de la ponction.
■ les dysgravidies légères et moyennes : la péridurale per­ Thrombopénie. Une thrombopénie est fréquemment
met de stabiliser la pression artérielle pendant le travail observée en fin de grossesse. Si elle est isolée et que le taux
par baisse des résistances vasculaires périphériques ; de plaquettes est supérieur à 80 000/mm3, il n'y a pas de
■ dans les toxémies sévères ou décompensées, l'anesthésie contre-indication à pratiquer une péridurale, mais il faut
locorégionale doit aussi être privilégiée en l'absence de alors disposer d'un bilan d'hémostase récent qui prouve qu'il
Hellp syndrome. n'y a pas de perturbations associées à la thrombopénie.
Dans certaines indications, la technique de la péridurale Le Hellp syndrome est bien évidemment une contre-indi­
et la surveillance obstétricale de la patiente nécessitent des cation en raison des perturbations de l'hémostase qui lui
ajustements : sont associées.
■ la présentation du siège : il faut préserver intactes les La prise d'aspirine inférieure à trois jours au moment de
capacités d'expulsion et pour cela ne pas réinjecter trop la ponction est aussi considérée comme une contre-indica­
près de la phase expulsive pour faire une analgésie totale tion relative à l'anesthésie péridurale.
et un bloc moteur. C'est à l'anesthésiste de bien moduler
son anesthésie ; Infection de la zone de ponction
■ la grossesse gémellaire : au moment de l'expulsion, l'anes­ Les infections localisées à distance du point de ponction et
thésiste doit être capable de gérer sa technique de façon à les états fébriles, en dehors d'une septicémie, ne sont pas
permettre l'expulsion spontanée (analgésie relativement une contre-indication. Il n'est pas toujours facile devant un
légère et peu de bloc moteur) la meilleure possible pour état fébrile sévère d'écarter l'état de septicémie et devant
le premier jumeau, et être prêt à assurer pour le second l'urgence de l'accouchement, on ne peut attendre l'aide de la
jumeau, une analgésie adaptée aux manœuvres que pense biologie pour le confirmer. Un bilan biologique d'hémostase
devoir entreprendre l'accoucheur. La qualité du résultat normal dans un contexte fébrile doit pouvoir autoriser une
passera par la compréhension réciproque des besoins de péridurale.
l'anesthésiste et de l'obstétricien, et de leur coordination
dépendra la réussite. Tatouage lombaire
■ l'utérus cicatriciel : classiquement, le maître symptôme Ce n'est une contre-indication que si le tatouage est récent
de la rupture utérine est une violente douleur abdomi­ et inflammatoire. Il est très rare de ne pas trouver une
nale et l'analgésie péridurale peut être discutée dans cette petite parcelle de peau saine et il est conseillé de laisser
indication. le mandrin complètement inséré dans l'aiguille de Tuohy
Cependant, si l'on utilise des concentrations faibles avant de débuter la ponction pour éviter un phénomène de
d'anesthésiques locaux et surtout si on administre des bolus carottage [17].
166   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Pathologies neurologiques évolutives (piqûre de la moelle épinière, risque de paraplégie, dangers pour
Les pathologies médullaires évolutives de type sclérose en le fœtus, etc.) sont autant de craintes pour ne pas oser deman­
plaques ou syndrome de Guillain-Barré ne sont pas modifiées der une péridurale. Il n'y a pas de choix sans connaissances et
dans leur évolution par la réalisation d'une anesthésie péridu­ pour les guider dans leur choix on doit, en consultation d'anes­
rale mais, dans cette indication, il faut être sûr que, après une thésie, bien expliquer la réalité du déroulement de l'acte. Quand
information détaillée, on a obtenu l'accord de la patiente. Il est cela est matériellement possible, il est extrêmement important
souhaitable de les adresser, pendant la grossesse, en consul­ d'organiser des réunions d'information collectives de groupes
tation auprès du neurologue. La décision étant collégiale, le de femmes enceintes vers le huitième mois de grossesse et de
choix de la patiente en sera d'autant plus éclairé. s'aider de la présentation de films médicaux qui ont l'avantage
d'illustrer la réalité du vécu de l'accouchement sous péridurale.
Refus de la patiente Le dernier en date est actuellement diffusé aux acteurs médi­
Il est exceptionnel qu'une patiente qui souffre et à qui l'on a caux de l'accouchement par les laboratoires Vygon.
fourni des explications précises sur la péridurale en consulta­ On doit aussi leur distribuer la plaquette éditée par la
tion d'anesthésie refuse d'y recourir. Les messages angoissants SFAR (encadré 12.1).

Encadré 12.1 Proposition de la Société française d'anesthésie-réanimation


Ce document est destiné à vous informer sur la technique Comment serez-vous surveillée pendant l'analgésie
d'analgésie péridurale, ses avantages et ses risques. Nous vous péridurale ?
demandons de le lire attentivement, afin de pouvoir donner Comme tout acte d'anesthésie, l'analgésie péridurale se déroule
votre consentement à la procédure qui vous sera proposée par dans une salle équipée d'un matériel adéquat, adapté à votre cas
l'équipe médicale, ou que vous demanderez vous-même pour et vérifié avant chaque utilisation.
votre futur accouchement. Durant l'analgésie péridurale, vous serez prise en charge par une équipe
Qu'est-ce que l'analgésie péridurale ? comportant le médecin anesthésiste-réanimateur, la sage-femme, et
éventuellement une infirmière anesthésiste diplômée d'État.
C'est une technique d'anesthésie locorégionale réalisée par un
médecin anesthésiste-réanimateur. Elle est destinée à supprimer Quels sont les inconvénients et les risques
ou à atténuer les douleurs de l'accouchement et/ou, si besoin, de l'analgésie obstétricale ?
à en faciliter le déroulement. C'est à ce jour la méthode la plus Tout acte médical, même conduit avec compétence et dans le
efficace. Son principe est de bloquer la transmission des sensa- respect des données acquises de la science, comporte un risque.
tions douloureuses au niveau des nerfs provenant de l'utérus en Les conditions actuelles de surveillance de l'anesthésie per-
injectant à leur proximité un produit anesthésique local associé mettent de dépister rapidement les anomalies et de les traiter.
ou non à un dérivé de la morphine. Pendant l'analgésie péridurale, une sensation de jambes lourdes et
Cette technique assure une bonne stabilité des fonctions vitales, une difficulté à les bouger peuvent s'observer. C'est un effet sans
bénéfique pour la mère et l'enfant. Ce blocage se fait à proximité gravité de l'anesthésique local. Au moment de la sortie du bébé,
de la moelle épinière dans l'espace péridural, par l'intermédiaire l'envie de pousser est souvent diminuée et une sensation de dis-
d'un tuyau très fin (cathéter) introduit dans le dos à l'aide d'une tension peut être perçue. Une difficulté transitoire pour uriner est
aiguille spéciale. Le cathéter reste en place pendant toute la durée fréquente lors d'un accouchement et peut nécessiter un sondage
de l'accouchement afin de permettre l'administration répétée de évacuateur de la vessie. Une baisse transitoire de la pression arté-
l'anesthésique. S'il est nécessaire de pratiquer une césarienne ou rielle peut survenir. Si les dérivés de la morphine ont été utilisés, une
tout autre intervention, l'anesthésie pourra être complétée par sensation de vertige, des démangeaisons passagères, des nausées
ce dispositif ; ce qui n'exclut pas le recours à l'anesthésie générale sont possibles. Des douleurs au niveau du point de ponction dans le
au décours de l'accouchement. dos peuvent persister quelques jours mais sont sans gravité.
Une consultation est réalisée par un médecin anesthésiste- L'analgésie peut être insuffisante ou incomplète pendant les
réanimateur dans les quelques semaines précédant votre contractions. Une nouvelle ponction peut alors être nécessaire,
accouchement. N'hésitez pas à cette occasion à poser toutes de même qu'en cas de difficulté de mise en place ou de dépla-
les questions que vous jugerez utiles. Au moment de bénéfi- cement du cathéter.
cier de l'analgésie péridurale, vous aurez la visite du médecin Exceptionnellement, des maux de tête majorés par la position
anesthésiste-réanimateur qui vous prendra en charge et les debout peuvent apparaître après l'accouchement. Le cas échéant,
données de la consultation seront actualisées. Il peut arriver, leur traitement vous sera expliqué. Dans de très rares cas, une dimi-
en fonction de votre état de santé ou du résultat des exa- nution transitoire de la vision ou de l'audition peut être observée.
mens complémentaires qui vous auront éventuellement été Des complications plus graves : convulsions, arrêt cardiaque, paralysie
prescrits, que l'analgésie péridurale ne puisse être effectuée, permanente ou perte plus ou moins étendue des sensations, sont
contrairement à ce qui avait été prévu. C'est le cas, par extrêmement rares. Quelques cas sont décrits, alors que des centaines
exemple, s'il existe de la fièvre, des troubles de la coagulation de milliers d'anesthésies de ce type sont réalisées chaque année.
du sang, une infection de la peau au niveau du dos ou toute Enfin, pour votre bébé, l'accouchement sous analgésie péridurale ne
autre circonstance pouvant être considérée à risque. Le choix comporte pas plus de risque qu'un accouchement sans péridurale.
définitif et la réalisation de l'acte relèvent de la décision du Texte publié dans les Annales françaises d'anesthésie-réani-
médecin anesthésiste-réanimateur et de sa disponibilité. mation 1998 ; 17:170-1.
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   167

Autres techniques d'anesthésie


locorégionale
Bloc paracervical (figure 12.5)
Principe
Techniquement facile, il consiste en l'injection de 10 mg
d'anesthésique local par l'obstétricien dans les culs-de-sac
vaginaux à 9 heures et à 15 heures, de part et d'autre du col
utérin. On infiltre ainsi le plexus hypogastrique pelvien dans
lequel passent les fibres conduisant l'influx douloureux en
provenance du col et du corps utérin. On peut utiliser une
aiguille spéciale : aiguille de Kobak ou de Iowa (figure 12.6).
Ce bloc procure une bonne analgésie du premier stade du
travail dans 80 % des cas mais le produit est rapidement
résorbé par le riche réseau vasculaire de cette zone.

Complications possibles
Les complications possibles sont :
■ le risque de ponction de la tête fœtale ;
■ le risque de souffrance fœtale aiguë car il y a une forte
résorption sanguine de l'anesthésique local dans cet
espace très vascularisé. Cela se traduit chez le fœtus par
une acidose et bradycardie sévère qui peuvent survenir
dans 15 à 20 % des cas. a b
Le bloc paracervical peut cependant être une alternative à
la péridurale lorsqu'un anesthésiste n'est pas disponible [22]. Fig. 12.6. Deux sortes d'aiguilles utilisables. a. Aiguille de Kobak.
b. Trompette d'lowa. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J.
La petite chirurgie obstétricale. Paris : Masson ; 1977.

Bloc des nerfs honteux internes


ou bloc pudendal
Il n'est efficace que sur la période d'expulsion et complète de
ce fait l'analgésie procurée par le bloc paracervical pendant
le travail. Les nerfs honteux internes quittent le bassin par la
grande échancrure sciatique. C'est donc le contact de l'épine
sciatique que l'on utilise comme repère pour la ponction
(figure 12.7).
L'accès à cette zone peut se faire par voie intravaginale
avec une aiguille de type aiguille de Kobak. On traverse le
ligament sacrosciatique et, dès la perte de résistance, on
injecte 10 ml d'anesthésique local de chaque côté. On peut
aussi utiliser la voie transpérinéale (figure 12.8). On pique à
2,5 cm en dedans et en arrière de la tubérosité ischiatique,
en utilisant une aiguille à ponction lombaire.
Ce bloc est réservé à la phase expulsive (assis­
tance à l'expulsion et à la réalisation, et réfection de
l'épisiotomie).

Analgésie inhalatoire
On donne à respirer un mélange de protoxyde d'azote et
oxygène. C'est la technique du MEOPA délivrée à l'aide d'un
appareil appelé Entonox®.
Cette technique n'assure pas une analgésie complète.
Elle ne devient vraiment efficace que lorsqu'on obtient des
Fig. 12.5. Anesthésie paracervicale. D'après Dumont M, Thoulon concentrations subanesthésiques, donc des modifications de
JM, Lansac J. La petite chirurgie obstétricale. Paris: Masson ; 1977. la conscience.
168   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

Anesthésie générale
Elle reste l'apanage exclusif de l'anesthésiste. Elle fait appel à la
séquence des hypnotiques, morphiniques, curares, et nécessite
le plus souvent une ventilation artificielle sous intubation oro­
trachéale. Seuls les curares ne passent pas la barrière placentaire.
Très facile et très rapide à mettre en œuvre, elle est encore
très utilisée en obstétrique dans le monde entier. En France, elle
n'est plus guère utilisée que pour l'urgence obstétricale absolue,
soit 1,7 % des analgésies hors anesthésie locorégionale [9].
Les risques maternels sont évalués à 17,8 fois plus fré­
quents et plus graves par rapport à l'anesthésie locorégio­
nale par Nordstrom. Lorsqu'elle est réalisée en urgence, le
risque majeur de l'anesthésie est celui de la survenue, rare
mais toujours redoutée, d'un syndrome de Mendelson qui
se traduit par l'inhalation de sucs gastriques acides pouvant
entraîner des lésions pulmonaires irréversibles. Dans cette
complication, la mortalité reste évaluée aux alentours de
50 % malgré les progrès de la réanimation. On peut essayer
d'administrer préalablement des médicaments antiacides
(par exemple citrate trisodique) pour diminuer ce risque.
Tous les médicaments anesthésiques administrés à la
mère par voie générale, sauf les curares, traversent la barrière
placentaire. La prise en charge du fœtus doit tenir compte de
1 leurs effets pharmacologiques.
Plusieurs produits sont utilisés.
2
Hypnotiques
Thiopental (Penthotal®)
Fig. 12.7. Anesthésie du nerf honteux. 1. À l'épine sciatique. 2. Au
Ses avantages sont la rapidité et la qualité de l'anesthésie.
canal d'Alcock. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J. La petite
chirurgie obstétricale. Paris : Masson ; 1977.
Bien que le produit traverse rapidement le placenta (3 min
en moyenne), les effets dépresseurs respiratoires sur le fœtus
sont de courte durée mais nécessitent la prise en charge du
fœtus par le pédiatre réanimateur à la naissance.

Propofol (Diprivan®)
Ce dérivé énolique est actuellement le plus employé des
anesthésiques intraveineux. On avait fondé de grands
espoirs sur cet anesthésique pour l'obstétrique car la qualité
du réveil est incomparablement meilleure qu'avec les barbi­
turiques. Malheureusement, cela ne s'applique pas au fœtus
en raison de son immaturité hépatique et le métabolisme du
propofol est exclusivement hépatique.
Kétamine (Kétalar®)
On peut l'utiliser en anesthésie obstétricale comme agent
d'induction à la dose de 1 mg/kg. Il serait analgésique à de plus
faibles doses : 0,25 mg/kg. Faible dépresseur respiratoire, il a
la particularité d'élever la tension artérielle, il est donc indi­
qué chez les patientes hypotendues et en cas d'hypovolémie. Il
est très peu dépresseur respiratoire et utilisé pour cette raison
dans des situations où la ventilation artificielle est difficile à
administrer. Il augmenterait aussi parfois le tonus utérin.

Curares
On a dit pendant longtemps qu'ils ne passaient pas la bar­
Fig. 12.8. Anesthésie du nerf honteux au canal d'Alcock, trajet rière placentaire, des travaux récents ont remis en cause
de l'aiguille. D'après Dumont M, Thoulon JM, Lansac J. La petite cette affirmation. Cependant, il n'y a pas d'effets néonataux
chirurgie obstétricale. Paris: Masson ; 1977. cliniquement décelables.
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   169

Morphiniques Anesthésiste
Ils sont théoriquement toujours contre-indiqués avant L'anesthésie péridurale a révolutionné les conditions de
l'extraction du fœtus en raison de leur passage transpla­ l'accouchement pour aboutir à ce « miracle » de permettre à
centaire important et rapide. Dans un environnement la femme de vivre, accompagnée de son partenaire et dans le
obstétrical et pédiatrique performant, l'administration de confort qu'elle souhaite, le bonheur d'accueillir son enfant.
faibles doses de morphiniques intraveineux à la mère peut Cela implique que la péridurale soit parfaite techniquement
être envisagé. lors de la ponction et rigoureuse dans sa surveillance et son
adaptation au déroulement de l'accouchement.
Réussir la ponction est déjà un challenge car une péridu­
Benzodiazépines rale parfaite, c'est merveilleux, une péridurale latéralisée ou
Elles passent la barrière placentaire. À très fortes doses, insuffisante, c'est décevant et même parfois un échec si la
elles peuvent être responsables d'ictère nucléaire et même terminaison est chirurgicale et doit se faire sous anesthésie
à faibles doses elles peuvent entraîner des retards d'adapta­ générale.
tion prolongés chez le fœtus. Il est conseillé de ne les utiliser Le plein succès de l'analgésie ne sera parfait que si le cathé­
qu'après extraction de l'enfant. ter est placé strictement médian dans l'espace péridural.

Autres méthodes d'analgésie Obstétricien


Psychologiquement
Psychoprophylaxie La gestion de l'accouchement sous péridurale a aussi changé
Développée par Lamaze et Leboyer, la psychoprophylaxie les conditions de travail de l'obstétricien. Avant l'usage de
prend en compte les composantes émotionnelles, affectives, l'anesthésie locorégionale, l'obstétricien intervenait pour des
cognitives et comportementales de la douleur obstétricale. extractions instrumentales par voie basse en urgence, soit
Elle se propose « d'éduquer la future parturiente », de l'infor­ dans des conditions très désagréables d'extrême urgence
mer du déroulement de l'accouchement et de réduire son sans anesthésie, soit sous anesthésie générale, la plus confor­
angoisse. Parmi les moyens mis en œuvre, il y a des séances table pour lui. L'anesthésie locorégionale a transformé les
d'information, l'acquisition de techniques de relaxation, le conditions de l'exercice de son art en l'obligeant à travailler
contrôle ventilatoire, l'apprentissage de l'effort de poussée, sous « contrôle » de la parturiente.
le détournement de l'attention et le soutien psychologique.
Cette méthode permet d'améliorer le vécu de l'accouche­ Techniquement
ment et favorise les liens mère-enfant. Elle réduit la consom­ L'anesthésie péridurale n'a pas d'action propre sur le
mation de produits analgésiques sans les supprimer. déroulement du travail. Elle peut néanmoins être à l'ori­
gine d'épisodes fugaces de bradycardie fœtale par hypoten­
Acupuncture sion maternelle ou par hypertonie utérine. Avec les faibles
L'acupuncture est utilisée pour le traitement des algies pel­ doses préconisées actuellement, ces deux événements
viennes, des dysménorrhées mais aussi pour les douleurs sont rares. Dès qu'il suspecte un événement susceptible
du travail en particulier en Suède. Son utilisation aide à la de nécessiter l'intervention de l'anesthésiste, l'obstétricien
relaxation de la parturiente et diminue le taux de péridu­ doit en l'informer ce dernier par anticipation pour qu'il ait
rales (12 % au lieu de 20 %) [23-31]. le temps d'administrer la bonne dose d'anesthésique local
en tenant compte du délai d'action nécessaire. Cela est
fondamental.
Autres méthodes Il doit aussi être conscient des risques de l'anesthésie
La déambulation pendant le travail, l'emploi du ballon, les générale en extrême urgence chez une patiente non à jeun
changements de position grâce à une table adaptée per­ qui reste à risque majoré d'inhalation pulmonaire poten­
mettent de réduire la douleur du travail. La relaxation dans tiellement gravissime dans la mesure où elle n'a pas pu être
des bains d'eau tiède, avant la rupture de la poche des eaux, préparée par un délai de jeûne de sécurité par rapport à
réduirait la durée du premier et second stade du travail. Ces l'intervention. C'est aussi un échec psychologique pour cette
méthodes associées à la psychoprophylaxie et au soutien psy­ parturiente ou ce couple qui avait tout planifié en vue de
chologique de la sage-femme ont le mérite de privilégier le l'accueil de leur enfant. Dans une équipe parfaitement sou­
côté humain, naturel, physiologique de la naissance, mais ont dée et coordonnée, cette situation reste exceptionnelle.
l'inconvénient de ne jamais procurer une analgésie suffisante
pour pratiquer un acte médicochirurgical pendant l'accou­ Pédiatre
chement. L'accompagnement par le personnel soignant
diminue la quantité d'ocytociques et le taux de césariennes. L'association quasi systématique des morphiniques aux
anesthésiques locaux ne saurait, aux très faibles doses à
laquelle ils sont utilisés en analgésie locorégionale en obs­
Collaboration entre les équipes tétrique, avoir une influence sur le comportement du nou­
En résumé, la réussite de l'anesthésie obstétricale passe par veau-né à la naissance. Cela est différent si on doit compléter
une collaboration et une coordination très étroite entre par une anesthésie générale en urgence pour la terminaison
anesthésistes, obstétriciens, sages-femmes et pédiatres. chirurgicale. Dans ce cas-là, l'association narcotiques plus
170   Partie II. Variantes de l'accouchement normal

morphiniques peut entraîner un certain degré d'hypo­ Références


tonie et de détresse respiratoire transitoire chez le fœtus.
[1] Abouleish A, Abouleish E, Camman W. Combined spinal-epidural
Contrairement à ce que l'on croyait comme très délétère, analgesia in advanced labour. Can J Anaesth 1994 ; 41 : 575–8.
les morphiniques qui sont administrés à la mère passent [2] Abrao KC, Francisco RP, Miyadahira S, et al. Elevation of uterine
en partie chez le fœtus mais avec une très bonne tolérance basal tone and fetal heart rate abnormalities after labor analgesia : a
chez ce dernier, cela d'autant plus que leur injection se fait randomised controlled trial. Obstet Gynecol 2009 ; 113(1) : 47. 7.
par voie péridurale et que la réabsorption vasculaire est [3] ACOG. Analgesia and cesarean delivery rate. Obstet Gynecol 2002 ;
indirecte par résorption tissulaire. Le type de morphinique 99 : 369–70.
et de narcotiques, et la dose doivent être communiqués par [4] Alexander JM, Sharma SK, Mcintire DD, et al. Epidural analgesia
l'anesthésiste au pédiatre qui, s'il le juge nécessaire, pourra lengthens the Friedman active phase of labor. Obstet Gynecol 2002 ;
administrer un antagoniste (Naloxone®) au fœtus. Dans les 100 : 46–50.
[5] Arkoosh VA, Cooper M, Norris MC, et al. Intrathecal sufentanyl dose
conditions normales d'administration, il n'y a pas non plus
response in nulliparous patients. Anesthesiology 1998 ; 89 : 364–70.
de conséquences sur la l'allaitement. [6] Capogna G. Effect of epidural analgesia on the fetal heart rate. Euro J
Obstet Gynecol Biol Reprod 2001 ; 98 : 160–4.
Sage-femme [7] Chestnut DH, Vandewalker GE, Owen CL, et al. The influence of
Toutes les recommandations décrites dans le chapitre sur continuous epidural bupivacaïne analgesia on the second stage of
l'obstétricien s'adressent aussi aux sages-femmes. De par labor and method of delivery in nulliparous women. Anesthesiology
leur présence constante auprès de la parturiente, elles 1987 ; 66 : 774–80.
[8] D'Angelo R, Anderson MT, Philip J, et al. Intrathecal sufentanyl com­
ont un rôle majeur dans la coordination de l'organisa­
pared to epidural bupivacaïne for labor analgesia. Anesthesiology
tion médicale autour de l'accouchement. Elles recueillent 1994 ; 80 : 1209–15.
et transmettent les souhaits et les besoins de la partu­ [9] DRESS. Situation périnatale en France en 2003. 383 : 2005 ; 1–8.
riente en analgésie, et participent à sa mise en place et à [10] Gambling DR, Yu P, McMorland GH, et al. A comparative study of
sa surveillance. Elles sont un partenaire privilégié et c'est patient controlled epidural analgesia (PCEA) and continuous infu­
pourquoi elles doivent avoir une formation théorique sion epidural analgesia (CIEA) during labor. Can J Anaesth 1988 ; 35 :
et pratique très complète sur l'anesthésie régionale dans 249–54.
leur cursus à l'école de sages-femmes, ou en formation [11] Gambling DR, Bogod D. Controversies in obstetric anaesthesia :
professionnelle de complément. Ceci d'autant plus que le Epidural infusions in labour should be abandoned in favour of
code de déontologie des SF autorise les sages-femmes, à patient-controlled epidural analgesia. Int J Obstet Anesth 1996 ; 5 :
59–63.
« effectuer la demande d'anesthésie loco régionale auprès
[12] Hill J, Alexander J, Sharma S. A comparison of the effects of epidu­
du médecin anesthésiste au cours du travail sans autorisa­ ral and Meperidine analgesia during labor on fetal heart rate. Obstet
tion de l'obstétricien. La première injection doit être réa­ Gynecol 2003 ; 102 : 333–7.
lisée par un médecin anesthésiste et la sage-femme peut, [13] Joly F. Les infections secondaires aux anesthésies péridurales. Lettre
sous réserve que ce médecin puisse intervenir immédia­ du gynécologue 2005 ; 298–299 : 22–4.
tement, pratiquer les réinjections par la voie du dispositif [14] Leighton BL, Halperm SH. The effects of epidural analgesia on labor,
mis en place par l'anesthésiste et procéder au retrait de ce maternal, and neonatal outcomes : a systematic review. Am J Obstet
dispositif."(Code de déontologie 2012). Gynecol 2002 ; 186(5Suppl Nature) : S78–80.
[15] Arthur Mac, Lewis M, Knox EG, et al. Epidural anaesthesia and long
term backache after childbirth. Br J Med 1990 ; 301 : 9–12.
Conclusion [16] MacArthur AJ, MacArthur C, Weeks SK. Is epidural anesthesia in
labor associated with chronic low back pain ? A prospective cohort
Pour les raisons que nous venons d'énumérer, l'anesthésie study. Anesth Analg 1997 ; 85 : 1066–70.
générale ne peut être qu'imparfaite pour une terminaison [17] Mercier F. Tatouage et péridurale lombaire. Vigilance SFAR 2009 ; 15 :.
chirurgicale mais c'est encore la technique la plus facile [18] Morton S, Williams M, Keeler E. Effect of epidural analgesia for labor
on the cesarean delivery rate. Obstet Gynecol 1994 ; 83 : 1045–52.
et la plus rapide en extrême urgence « procidence du cor­
[19] Orlikowski CE, Dickinson JE, Paech MJ, et al. Intrapartum analgesia
don ». Dans les urgences moins absolues qui sont la règle, la and its association with post-partum back pain and headache in nulli­
rachianesthésie exécutée par un anesthésiste qui a une très parous women. Aust N Z J Obstet Gynaecol 2006 ; 46 : 395–401.
grande habitude de la technique est le plus souvent réali­ [20] Paech MJ, Godkin R, Webster S. Complications of obstetric epidural
sable et toujours souhaitable car elle n'a pas d'effet direct sur analgesia and anaesthesia : a prospective analysis of 10.995 cases. Int J
l'état du fœtus. Obstet Anesth 1998 ; 7 : 5–11.
L'emploi de l'anesthésie péridurale ne doit pas conduire [21] Palkar NV, Boudreaux RC, Mankad AV. Accidental total spinal block :
à l'abandon de la préparation à l'accouchement et à l'utilisa­ A complication of an epidural test dose. Can J Anaesth 1992 ; 39 :
tion de ces « petits » moyens de lutte contre la douleur. Les 1058–60.
séances de préparation sont très utiles au couple et les tech­ [22] Pottecher J, Benhamou D. Douleur et analgésie obstétricales.
J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 179–91.
niques apprises parfois suffisantes chez une femme dont le
[23] Ramnero A, Hanson U, Kihlgren M. Acupuncture during labour : a
travail se déroule simplement car la douleur est une notion randomized controlled trial. BJOG 2002 ; 109 : 637–44.
personnelle et variable d'une femme à l'autre. L'information [24] Reynolds F. Obstetric Problems ? Blame the Epidural ! Regional
donnée lors de la préparation doit cependant être honnête et Ansthesia and Pain Medicine 2008 ; 33(5) : 472–6.
l'on doit prévenir la patiente de la nécessité éventuelle d'une [25] Santos AC, Arthur GR, Wlody D, et al. Comparative systemic toxicity
péridurale qui sera d'autant mieux acceptée que la femme y of ropivacaïne and bupivacaïne in nonpregnant and pregnant ewes.
sera préparée. Anesthesiology 1995 ; 82 : 734–40.
Chapitre 12. Douleur et analgésie obstétricale   171

[26] Sharma S, Sidawi E, Ramin S. Cesarean delivery : a randomised trial [29] Steiger RM, Nageotte MP. Effect of uterine contractility and maternal
of epidural versus patient controlled meperidine analgesia during hypotension on prolonged decelerations after bupivacaïne epidural
labor. Anesthesiology 1997 ; 87 : 472–6. anesthesia. Am J Obstet Gynecol 1990 ; 163 : 808–12.
[27] Shnider SM, Abboud TK, Artal R, et al. Maternal catecholamines [30] Stienstra R, Jonker TA, Bourdrez P, et al. Ropivacaïne 0.25% versus
decrease during labor after lumbar epidural anesthesia. Am J Obstet bupivacaïne 0.25 % for continuous epidural analgesia labor : a double-
Gynecol 1983 ; 147 : 13–5. blind comparison. Anesth Analg 1995 ; 80 : 285–9.
[28] Société française d'anesthésie-réanimation. Recommandations [31] Valette C. Acupuncture en gynécologie obstétrique. Paris : Masson ; 1982.
concernant la pratique de l'analgésie obstétricale. J Gynecol Obstet [32] Van Aken H, Van Assche A. Recent advances in epidural analgesia in
Biol Reprod 1994 ; 23 : 108–10. Obsterics. Europ J Obstet Gynecol Reprod Biol 1995 ; 59 : S1–67.
Chapitre
13
Accouchement dystocique
P. Gaucherand

PLAN DU CHAPITRE
La dystocie, l'indication la plus fréquente de Diagnostic de dystocie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
césarienne pendant le travail . . . . . . . . . . . . . . 175 Conduite à tenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Le travail normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Causes des dystocies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

représente l'indication la plus fréquente de césarienne pen-


OBJECTIFS dant le travail, l'asphyxie fœtale ne venant qu'en seconde
L'interne ou la sage-femme doit être capable : position. Aux États-Unis, 34 % des césariennes au cours du
• de décrire les causes des anomalies de la dilatation du col, travail sont faites pour dystocie et 23 % pour des anomalies
de faire le diagnostic d'une anomalie de la contraction du RCF [5].
utérine et/ou de la dilatation du col, et d'en proposer le Il existe des traitements obstétricaux de la dystocie et la
traitement approprié ; césarienne n'est justifiée que lorsque ces traitements sont
• de décrire les conséquences maternelles et fœtales des tenus en échec ou risquent d'entraîner une asphyxie fœtale.
dystocies dynamiques ; L'accouchement dystocique a plusieurs étiologies : la dis-
• d'évaluer par les moyens cliniques et paracliniques la proportion fœtopelvienne, les anomalies de l'activité utérine
confrontation fœtopelvienne ; et, plus accessoirement, les anomalies cervicales et des par-
ties molles. Dans la pratique, la dystocie se présente de deux
• de connaître la valeur normale des trois principaux
façons différentes :
diamètres du bassin osseux ;
■ le pronostic obstétrical est initialement favorable mais, au
• de connaître le déroulement du travail normal, les
cours du travail, la dilatation et/ou la progression de la
différentes phases et leur durée ;
présentation sont anormales ;
• d'être critique sur les notions de stagnation de la ■ le pronostic obstétrical est incertain car :
dilatation, d'échec d'épreuve du travail, d'anomalies du – un rétrécissement pelvien a été diagnostiqué lors du
RCF ; dernier examen prénatal ;
• de poser à bon escient les indications de la césarienne – le bassin est normal mais l'enfant est gros ;
pour dystocie. – l'accouchement précédent a été difficile, avec extrac-
tions instrumentales ou difficulté aux épaules ;
– l'accouchement par les voies naturelles semble pos-
La dystocie, étymologiquement « accouchement difficile »,
sible mais incertain et il faut réaliser une épreuve du
se définit comme une anomalie de la progression du travail
travail.
dont les étiologies sont multiples et dont la conséquence est
La lecture du partogramme prend toute sa valeur pour
une durée du travail excessive, avec risque d'asphyxie fœtale,
prendre une décision dans l'un ou l'autre cas.
d'extraction instrumentale et/ou de césarienne.

La dystocie, l'indication la plus Le travail normal


fréquente de césarienne pendant Nous avons vu, lors de la surveillance clinique du travail
(voir chapitre 3, p. 39), les normes du travail normal défi-
le travail nies par les travaux de Friedman [9]. Le travail est défini par
Dix à 15 % des parturientes avec une présentation cépha- deux phases, une de latence pendant laquelle le col se rac-
lique à terme auraient une anomalie dans la progression du courcit, s'efface puis se dilate jusqu'à 2–3 cm, puis une phase
travail. Dans 75 à 80 % des cas, l'accouchement se termine active au cours de laquelle le col va se dilater.
par les voies naturelles mais, dans 20 à 25 % des cas, une Les travaux de Friedman [9] dans les années 1950 ont été
césarienne est nécessaire [3]. C'est ainsi que la dystocie actualisés récemment par Zhang [21, 23] et ont permis de
Pratique de l'accouchement
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176   Partie III. Accouchements pathologiques

10 Tableau 13.2. Durée des différentes phases du


Friedman, 1955 travail (d'après l'étude de 10 293 dossiers) [9].
Friedman, 1978 Dilatation Parité 0 Parité 1 Parité 2 +
8 Zhang et al. cervicale (cm) Durée Durée Durée
moyenne en moyenne en moyenne en
Dilatation cervicale (en cm)

heure heures heures


(95e (95e (95e
6 percentile) percentile) percentile)
n = 25624 n = 16 755 n = 16219
3-4 1,8 (8,1)
4-5 1,3 (6,4) 1,4 (7,3) 1,4 (7,0)
4
5-6 0,8 (3,2) 0,8 (3,4) 0,8 (3,4)
6-7 0,6 (2,2) 0,5 (1,9) 0,5 (1,8)
2 7-8 0,5 (1,6) 0,4 (1,3) 0,4 (1,2)
8-9 0,5 (1,4) 0,3 (1,0) 0,3 (0,9)
9-10 0,5 (1,8) 0,3 (0,9) 0,3 (0,8)
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 2 stade avec
e
1,1 (3,6) 0,4 (2,0) 0,3 (1,6)
péridurale
Durée du travail (en heures)
2e stade sans 0,6 (2,8) 0,2 (1,3) 0,1 (1,1)
Fig. 13.1. Comparaison des courbes de dilatation cervicale chez péridurale
la nullipare selon Friedman et Zhang [19].

Ainsi, une dilatation normale de 1 cm durera entre 1,3


Tableau 13.1. Courbe de dilatation cervicale chez et 1,8 heure de 3 à 5 cm, et moins d'une heure entre 5 cm et
la nullipare et la multipare [9]. dilatation complète.
Phase du travail Durée La première phase du travail dure donc :
■ sans péridurale de 8,4 à 16,6 heures ;
Primipare Multipare
■ avec péridurale de 10,2 à 19 heures.
Phase de latence 9h 5 h 32 La deuxième phase du travail, entre la dilatation complète et
Phase active : 5h±3h 2 h 30 ± 1 h 30 la naissance, se subdivise là encore en deux phases : une phase
– pente moyenne 1,2 cm/h 1,5 cm/h passive et une phase active correspondant aux efforts expulsifs.
– pente maximale 3 cm/h 5,7 cm/h Cette deuxième phase du travail dure :
Phase de Durée maximale de 1 h 58 quelle que soit ■ sans péridurale de 54 à 132 minutes ;
décélération la parité ■ avec péridurale de 79 à 185 minutes.
Les études de Zhang montrent que, en tenant compte
du 95e percentile, la dilatation est plus lente que ne le disait
Friedmann et est située :
décrire de façon précise le travail chez la nullipare et chez la ■ chez la nullipare entre 0,5 et 0,7 cm/h ;
multipare) (figure 13.1) (tableau 13.1). Le travail est défini ■ chez la multipare entre 0,5 et 1,3 cm/h.
par deux phases : Entre 4 et 6 cm, la nullipare et la multipare se dilatent à
■ la première phase s'étend du début du travail jusqu'à dila- la même vitesse. Après 6 cm, les multipares se dilatent plus
tation complète ; rapidement. De ce fait, un travail prolongé avec une phase
■ la deuxième phase correspond à la période allant de la de latence supérieure à 20 heures chez la multipare et 14
dilatation complète à la naissance de l'enfant. heures chez la multipare ne serait pas en soi une indication
La première phase du travail allant jusqu'à la dilatation de césarienne [5].
complète se scinde elle-même en deux parties : une phase Il faut bien avoir ces données à l'esprit avant de parler
de latence pendant laquelle le col se raccourcit, s'efface et se de dystocie. Celles-ci sont cependant fortement discutées
dilate modérément jusqu'aux alentours de 2 à 3 cm. Cette car elles n'apportent pas la démonstration du fait que le
phase de latence peut durer jusqu'à 20 heures chez la nulli- prolongement de la durée du travail de plus de deux heures
pare et 14 heures chez la multipare. Lui succède une phase soit sans danger. On ne doit pas interpréter une courbe en
active, elle-même divisée en trois parties : dehors de son contexte et, pendant le travail, de nombreux
■ une phase d'accélération jusqu'à 5 cm ; paramètres jouent : la flexion de la tête, sa rotation, l'asyncli-
■ puis une phase de pente maximale jusqu'à 9 cm ; tisme, le modelage [7, 13].
■ puis une phase de décélération jusqu'à la dilatation
complète. Causes des dystocies
La durée de dilatation du col chez une nullipare en tra-
vail spontané a été analysée. Le tableau 13.2 en rapporte les Toute anomalie du travail impose une recherche étiologique
durées moyennes. précise. Il peut s'agir d'une anomalie du bassin (de plus en
Chapitre 13. Accouchement dystocique   177

plus rare actuellement), d'un gros enfant, d'une anomalie fémur supérieur à 77 mm fait suspecter une macrosomie.
des contractions utérines ou de la dilatation du col. La valeur prédictive de l'échographie est toutefois médiocre
pour l'évaluation du poids fœtal que l'on apprécie qu'à 15 %
près en plus ou en moins, dans 50 à 70 % des cas, quelles que
Disproportions fœtopelviennes soient les formules mathématiques proposées (voir chapitre
Anomalies du bassin 15, p. 191)
Ces anomalies du bassin peuvent être connues :
■ avant l'entrée en travail ; une radio aura été réalisée avant Anomalies de présentation
l'accouchement ;
■ en cours de grossesse ou elle peut être suspectée en fin de Nous avons vu dans les chapitres 4 et 8 qu'une présentaion
grossesse ; mal fléchie antérieure ou postérieure (bregma, front, face)
■ en début de travail. peuvent entraîner des dystocies et des difficultées pour l'ac-
L'examen clinique de fin de grossesse ou à l'entrée en couchement par voie basse d'un fœtus de poids normal chez
salle de naissance est essentiel. On tiendra compte : une maman dont le bassin est normal. Le modelage physio-
■ de la taille maternelle si elle est inférieure à 1,50 mètre ; logique de la tête fœtale (figure 13.2) combine ses effets à
■ de la hauteur utérine qui peut être trop élevée si le fœtus l'asynclitisme pour permettre l'accouchement. Toutefois, si
est « posé » sur le détroit supérieur en raison d'un bassin un décalage de quelques millimètres des os du crâne fœtal
anormal ; est acceptable, la constatation d'un chevauchement est une
■ du résultat du palper introducteur ; indication formelle d'arrêt de l'épreuve du travail.
■ du résultat du toucher vaginal avec recherche du pro- Il faudra donc tenir compte du type de présentation et
montoire ou suivi de la ligne innominée (voir chapitre 2, s'aider éventuellement de l'échographie en salle de naissance
p. 27) ; pour la préciser.
■ du débord symphysaire du mobile fœtal.
Les pelvimétries ou pelviscanner sont de plus en plus rare- Anomalies de la dynamique utérine
ment demandées en raison : Comment les reconnaître ?
■ de la rareté des rétrécissements pelviens importants dans
nos pays occidentaux, en dehors des fractures du bassin ; En dehors des situations très caractéristiques (hypercinésies
■ de la pertinence de l'examen clinique lors de la consulta- et hypocinésies de fréquence, hypertonie), les anomalies de
tion du neuvième mois de la grossesse ; la dynamique ne sont pas faciles à reconnaître cliniquement.
■ de l'absence d'utilité démontrée de la connaissance des Les informations données par la tocographie externe
mesures du bassin dans la conduite du travail ; sont le plus souvent insuffisantes car elles ne permettent que
■ du risque lié à l'irradiation du fœtus. de définir la durée et la périodicité des contractions, mais
On réserve l'indication du pelviscanner aux anomalies ne permettent pas de quantifier leur intensité. La tocogra-
cliniques du bassin, aux accouchements par le siège et aux phie interne peut être utile si l'entregistrement externe est
accouchements avec utérus cicatriciel. difficile, en particulier chez les obèses ou en cas d'utérus
Il importe de connaître les dimentions des principaux cicatriciel.
diamètres radiologiques normaux : La tocographie évalue la durée des contractions, l'inten-
■ le diamètre promonto-rétro-pubien supérieur ou égal à sité, le tonus de base (tableau 13.3).
10 ,5 cm ; L'activité utérine est exprimée en unités Montevideo
■ le diamètre transverse médian supérieur ou égal à (voir Chapitre 3, « Surveillance électronique »). Des inté-
12,5 cm ; grateurs expérimentaux calculent sur 15 minutes la surface
■ le diamètre bisciatique supérieur ou égal à 10 cm. des contractions exprimées en kPa/15 min et permettent de
Lorsque l'indice du détroit supérieur (encore appelé constater que l'activité utérine au cours de l'accouchement
indice de Magnin), qui correspond à la somme du diamètre
promonto-rétro-pubien et du diamètre transverse médian,
est inférieur à 20 cm, le bassin est qualifié de chirurgical.
Seule cette situation pelvimétrique doit conduire à la pra-
tique d'une césarienne prophylactique. Dans tous les autres
cas, l'épreuve du travail doit être tentée.

Poids de l'enfant
On peut avoir un petit bassin et accoucher par voie basse
d'un enfant de petit poids sans difficulté. À l'inverse, l'ac-
couchement peut se révéler dystocique bien que le bassin
soit normal car l'enfant est gros et pèse plus de 4 kg. La bio-
métrie échographique près du terme permet d'apprécier le
poids fœtal même si elle doit être interprétée avec prudence
compte tenu de son imprécision. La constatation d'un dia-
mètre bipariétal supérieur à 100 mm, d'une circonférence Fig. 13.2. Modelage du crâne fœtal en présentation transverse
abdominale supérieure à 380 mm ou d'une longueur du dans un bassin aplati.
178   Partie III. Accouchements pathologiques

Tableau 13.3. Paramètres des contractions utérines Dystocies cervicales fonctionnelles


normales [18].
Elles sont de beaucoup les plus rares. Elles sont sous la
Paramètres Dilatation du Dilatation du Alarme dépendance des anomalies contractiles, soit par hypociné-
col col sie, soit par arythmie contractile (succession de contractions
(4–6 cm) (6–8 cm) utérines irrégulières dans leur amplitude, leur durée, leur
Tonus de base 6 ± 4 mmHg 8 ± 5 mmHg > 20 mmHg fréquence), soit enfin par inefficacité. Dans ce dernier cas, le
Intensité de la 42 ± 12 mmHg 47 ± 16 mmHg > 70 mmHg diagnostic ne devrait être retenu qu'après avoir éliminé une
contraction disproportion fœtopelvienne, une présentation anormale ou
Fréquence des 3,8 ± 1,5 4,0 ± 1,6 >7
mal fléchie.
contractions Le diagnostic est porté sur la stagnation de la dilatation
pendant entre 4 et 7 cm, le col épais s'œdématie d'abord au niveau de
10 min la lèvre antérieure, puis sur toute sa circonférence, il devient
Durée des 86 ± 22 s 86 ± 19 s > 120 s dur lors des contractions.
contractions
Anomalies des parties molles
normal est caractérisée par une ascension rapide, suivie d'un Dystocies des parties molles
plateau qui reste stable jusqu'à la période d'expulsion. Le Elles sont rares et devraient être anticipées avant la mise en
niveau de l'activité utérine est très variable d'une parturiente travail de la femme lors du suivi de la grossesse.
à l'autre, allant de 750 à 1 300 kPa/15 min. Il peut s'agir :
Ces variations nécessaires pour obtenir une dilatation du ■ d'une cloison longitudinale du vagin le plus souvent
col ne font qu'exprimer les variations individuelles dans les incomplète qu'il faut sectionner avant la phase d'expul-
rapports céphalopelviens et les résistances des parties molles sion, l'hémostase des tranches de section étant faite après
(en particulier du col). Il est donc important, chez une par- l'accouchement ;
turiente présentant une anomalie de la dilatation, d'éliminer ■ d'un diaphragme vaginal : s'il est mince, on pourra faire
une disproportion fœtopelvienne, une présentation anor- des incisions radiaires ; s'il est épais, l'accouchement par
male, puis de rechercher une « dystocie dynamique ». voie basse ne peut avoir lieu et il faut faire une césarienne ;
■ d'une mutilation génitale féminine type infibulation
Anomalies par défaut ou hypocinésies découverte en salle de naissance chez une femme non
suivie. La désinfibulation peut être faite en début de tra-
Ce sont les plus fréquentes, responsables de 30 % des ano-
vail sous anesthésie locale ou sous péridurale. Il suffit de
malies de la dilatation. Les contractions sont rares, moins
sectionner la bandelette médiane antérieure pour per-
de trois contractions par période de dix minutes, de durée
mettre l'accès au vagin et au col pour la surveillance et
brève (inférieure à 70 s) et d'intensité faible (inférieure à
permettre l'accouchement par voie basse [4].
30 mmHg). L'anomalie peut porter sur les trois paramètres
■ les dystocies cervicales secondaires à une électrocoagu-
ou un seul : hypocinésie de fréquence, de durée, d'intensité,
lation, à un cerclage, ou à une conisation sont rares (6 à
comme le montre la tocographie.
11 %).
Les hypocinésies sont fréquentes chez les grandes multipares
ou en cas de distension utérine par un hydramnios ou une gros-
sesse gémellaire. Un traitement ocytocique, dont les modalités Obstacles praevia
sont précisées plus loin, corrige habituellement ces anomalies. Ils doivent normalement avoir été reconnus et traités avant
la grossesse, voire au cours de celle-ci.
Les fibromes ne constituent que rarement un obstacle
Anomalies par excès ou hypercinésies praevia, car ils ascensionnent et se ramollissent en cours de
Diagnostic grossesse.
Elles se définissent comme des contractions utérines trop Les tumeurs de l'ovaire sont en général opérées au deu-
rapprochées, toutes les 90 secondes (hypercinésies de fré- xième trimestre. Elles peuvent avoir un développement
quence), ou trop intenses, supérieures à 70 mmHg (hyper- abdominal. Elles n'imposent la césarienne que lorsqu'elles
cinésies d'intensité) ou avec un tonus de base trop élevé sont prolabées dans le cul-de-sac de Douglas.
(supérieur à 15 mmHg). La contraction peut également
se prolonger anormalement, ce qui réalise une hypertonie
utérine. Causes iatrogènes
Déclenchement du travail
Causes Actuellement, en France, un enfant sur cinq naît après un
Ces hypercinésies peuvent être primitives ; le plus souvent, déclenchement du travail. Ce chiffre est en très nette aug-
elles sont secondaires à : mentation depuis 2003, passant de 19,7 à 22,7 % en 2010 [3].
■ une disproportion fœtopelvienne ; Cette augmentation de la fréquence du déclenchement
■ une perfusion ocytocique mal dirigée ; s'accompagne également d'une augmentation du taux de
■ un hématome rétroplacentaire ; césarienne liée à l'échec du déclenchement aux alentours de
■ une infection chorioamniotique. 15 à 16 %.
Chapitre 13. Accouchement dystocique   179

Cette même augmentation est retrouvée dans la littéra- Diagnostic de dystocie


ture internationale, en particulier en Amérique du Nord
lorsque l'induction du travail est pratiquée chez une nulli- Avant le travail
pare dont le col n'est pas favorable. Dans ce cas, le taux de Consultation du neuvième mois ou examen à
césarienne en cours de travail est double par rapport au tra- l'entrée en salle de naissance
vail spontané [17].
Il importe donc, au sein de chaque équipe, face à toute Elle doit permettre de faire le diagnostic de dystocies méca-
décision d'induction du travail, de réfléchir à la balance niques et de porter les indications de césariennes prophylac-
bénéfice/risque autant pour la mère que pour l'enfant. Les tiques bien précisées par la HAS en 2012 [11] :
indications de déclenchement doivent être précises et dis- ■ obstacle praevia rendant l'acccouchement impossible :
cutées au cas par cas. En effet, nous ne sommes plus dans la placenta recouvrant, fibrome ou kyste praevia ;
situation d'une dystocie liée à des conditions obstétricales de ■ bassin avec un indice de Magnin inférieur à 20 ;
la mère ou de l'enfant, mais une dystocie liée à l'intervention ■ poids fœtal :
médicale, et donc iatrogène. – ≥ 5 000 g ;
Dans la conduite du travail induit, il est essentiel de rete- – > 4 500 g + diabète maternel ;
nir que l'objectif ultime est l'accouchement par voie vagi- ■ siège :
nale. Un col non favorable peut faire récuser l'indication du – avec confrontation fœtopelvienne défavorable ;
déclenchement. – avec déflexion de la tête ;
Il faut donc réserver le déclenchement avec maturation ■ malformation fœtale : kyste sacrococcygien, omphalocèle
du col aux patientes présentant une pathologie maternelle volumineux, jumeaux conjoints (voir chapitre 17).
ou fœtale, ou maternofœtale. En revanche, en dehors de
toute pathologie, le déclenchement doit être réservé aux Épreuve du travail
conditions cervicales favorables. Dans bien des cas, le bassin est normal et l'enfant paraît gros,
La première mesure préventive à prendre pour limiter le autour de 4 000 g, ou bien l'enfant est de poids normal mais
taux d'accouchement dystocique est d'avoir une politique de la femme de petite taille. L'issue du travail est incertaine
déclenchement de l'accouchement restreinte aux indications pour l'obstétricien ou la sage-femme. Tout va dépendre
médicales vraies. du type de présentation antérieure ou postérieure et de la
L'échec du déclenchement sera reconnu avant 5-6 cm, bonne ou mauvaise flexion de la tête. On peut proposer une
sur l'absence de changement de l'état cervical ou devant épreuve du travail ou tentative raisonnable d'accouchement
l'impossibilité d'obtenir une activité utérine régulière malgré par voie basse. Elle débute quand la femme est dans la phase
le recours de plusieurs heures à l'ocytocine, les membranes active du travail, vers 4 cm, membranes rompues. La sur-
étant rompues si leur accès est possible. veillance se fera avec le partogramme (voir chapitre 3).
Des tentatives de classification des patientes à leur entrée
en salle de naissance ont été proposées dans l'objectif de
L'anesthésie péridurale favorise-t-elle les définir le succès de l'épreuve du travail et de la tentative
dystocies ? d'accouchement par les voies naturelles. L'AUDIPOG en
Un certain nombre de faits sont actuellement bien démon- 2003, les équipes anglo-saxonnes en 2013 [8] ont ainsi pro-
trés concernant la péridurale [12] : posé des profils de patientes à risque augmenté de dystocie
■ elle n'augmente pas la durée de la première phase du (tableau 13.4 et 13.5).
travail ; Il sera ainsi possible de distinguer les patientes à bas
■ elle augmente la durée de la deuxième phase du travail ; risque des patientes à haut risque. La conduite et la surveil-
■ elle augmente le taux d'extraction instrumentale ; lance du travail pourraient être différentes, avec discussion :
■ elle n'augmente pas le taux de césarienne [10] ;
■ il faut tenir compte des durées du travail plus longues
Tableau 13.4. Tentative de classification des
sous péridurales avant de prendre une décision. patientes à l'entrée en salle d'accouchement [2].
Primipares « à bas risque » Multipares « à bas risque »
Les équipes obstétricales peuvent-elles
Âge ≥ 18 et < 35 ans Âge ≥ 18 et < 35 ans
favoriser les dystocies ?
Absence d'antécédent médical Absence d'antécédent médical
L'expérience des équipes obstétricales a été analysée dans ou gynécologique nécessitant ou gynécologique nécessitant
l'origine de certaines dystocies. Des études récentes corro- une surveillance particulière une surveillance particulière
borent le fait que l'expérience des professionnels de l'obsté- Absence d'antécédent
trique en charge de la salle de naissance va de pair avec une néonatal : ni prématurité, ni
diminution des complications maternelles obstétricales, en mort-né, ni mort néonatale
particulier sur le taux de dystocie et de césarienne. Enfin, Absence d'utérus cicatriciel
élément troublant mais révélateur d'une certaine iatrogénie Absence de pathologie au Absence de pathologie au
des équipes, le taux d'anomalie de déroulement du travail cours de la grossesse cours de la grossesse
est au plus bas lors des pics d'activité en salle de naissance. Grossesse unique Grossesse unique
N'oublions pas la régle hippocratique « d'abord ne pas
Présentation céphalique Présentation céphalique
nuire ».
180   Partie III. Accouchements pathologiques

Tableau 13.5. Tentative de classification des péridurale, de 1,1 heure pour une nullipare, de 0,4 heure
patientes à l'entrée en salle d'accouchement [19]. pour une primipare et de 0,3 heure pour une multipare.
Ainsi, une dilatation est considérée comme stagnante à
1 Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail
spontané
partir de 6 cm, avec des membranes rompues et l'absence
de modification du col pendant quatre heures en cas de
1 Nullipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, contractions régulières et adaptées, et pendant six heures
déclenchement ou césarienne programmée
lorsque les contractions sont irrégulières et insuffisantes.
2 Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, travail À dilatation complète, la non-progression (ni descente
spontané ni rotation) de la présentation sera admise chez la nullipare
3 Multipare, unique céphalique, ≥ 37 semaines, après trois heures sans péridurale et quatre heures avec
déclenchement ou césarienne programmée péridurale.
4 Antécédents de césarienne, unique céphalique, ≥ Chez la multipare, le passage de 4 à 6 cm est en moyenne
37 semaines de 2,2 heures et celui de 6 cm à complète de 1 heure. À dila-
5 Toutes les présentations du siège chez une nullipare tation complète, la non-progression (ni descente ni rotation)
de la présentation sera admise chez la multipare après après
6 Toutes les présentations du siège chez une multipare (y
deux heures sans péridurale et trois heures avec péridurale.
compris antécédents de césarienne)
Sous réserve d'un rythme cardiaque fœtal normal, il n'y
7 Toutes les grossesses multiples (y compris antécédents de a pas d'effet délétère de la durée de la deuxième phase (des-
césarienne)
cente et rotation à dilatation complète) sur l'état néonatal
8 Toutes les présentations anormales (y compris les apprécié par un score d'Apgar inférieur à 4 à cinq minutes,
antécédents de césarienne, mais en excluant les ou un pH au cordon inférieur à 7, ou d'intubation, voire
présentations du siège
d'admission en Unité de réanimation et de sepsis [14].
9 Toutes les grossesses uniques en présentation Ces constatations sont de nature à autoriser une prolonga-
céphalique, ≤ 36 semaines (y compris les antécédents de tion de l'attente à dilatation complète, avec un rythme cardiaque
césarienne) fœtal normal, certainement au-delà des deux heures classique-
ment admises, surtout si la femme est sous péridurale [20].
Sans aller jusqu'aux propositions de Zhang qui ne
reposent que sur des études de données de longueur des
■ enregistrement du RCF continu ou auscultation différentes périodes du travail et ne permettent pas d'affir-
intermittente ; mer qu'attendre autant n'est pas nocif pour l'enfant, il paraît
■ déambulation maternelle ; donc licite, dans la surveillance de la première et de la deu-
■ direction active du travail adapté ; xième phase du travail, d'avoir une attitude d'expectative
■ espacement des touchers vaginaux (toutes les 4 h recom- plus prolongée avant de prendre une décision de césarienne
mandées par l'OMS). pour échec de l'épreuve du travail, surtout si la femme a une
péridurale.
Il paraît raisonnable d'attendre jusqu'à :
Diagnostic pendant le travail ■ quatre heures si la dilatation stagne après 6 cm, mem-
Stagnation du travail branes rompues ;
Cette situation obstétricale constitue une des principales ■ trois heures à dilation complète.
occasions du diagnostic de dystocie en cours de travail.
Elle associe une stagnation de la dilatation en première
phase du travail et une absence de descente de la présentation Anomalies des contractions
à dilatation complète en deuxième phase de travail. Le rythme La stagnation du col en première phase du travail ou la non-
cardiaque fœtal est normal. progression de la présentation en deuxième phase du travail
peut être en relation avec des anomalies de la dynamique
Savoir attendre utérine. Elles ne sont pas toujours très faciles à reconnaître.
Les informations données par la tocographie externe sont
Dans ces conditions, il faut se garder de décisions obsté-
d'ailleurs souvent insuffisantes car elles ne permettent de
tricales hâtives de façon à prévenir la première césarienne
définir que la durée et la fréquence des contractions, mais en
[21]. Nous avons vu que Zhang [25] et l'American college
aucune façon de quantifier leur intensité.
of obstetricians and Gynaecologists [5] proposent des
Les hyspocinésies doivent être traitées par perfusion
seuils d'interventions différents de ceux proposés il y a plu-
d'ocytocique. Le but du traitement ocytocique est d'obtenir
sieurs décennies par les équipes utilisant le partogramme
une dynamique normale, mais en aucun cas on ne doit pro-
de Friedmann. Ainsi, cette équipe rapporte des durées
voquer une hypercinésie qui conduirait peut-être à la dilata-
moyennes ou maximales qu'il convient de retenir avant de
tion complète, mais au prix d'une asphyxie fœtale aggravée
définir une stagnation en cours de première phase du travail
par un probable forceps laborieux.
et l'absence de progression en deuxième phase.
Chez la nullipare, le passage de 2 à 6 cm prend en moyenne
six heures, et de 6 cm à dilatation complète 2,1 heures. Hypercinésies de fréquence et/ou d'intensité
La dilatation complète atteinte, une augmentation de la Ce sont les plus fréquentes, qu'il s'agisse de contractions
deuxième phase du travail est possible en cas d'anesthésie très intenses ou au contraire de faible intensité mais très
Chapitre 13. Accouchement dystocique   181

rapprochées, avec un tonus de base qui reste élevé. Parfois, ne donnant que des informations intermittentes et induisant
les contractions sont très rapprochées, elles prennent un un certain nombre d'actions iatrogènes ;
aspect bigéminé avec une contraction intense et l'autre ■ l'oxymétrie de pouls fœtal, et surtout l'enregistrement de
plus faible. Ces situations se retrouvent volontiers chez une l'électrocardiogramme fœtal (STAN), semblent promet-
patiente agitée en travail depuis plusieurs heures avec une teurs mais les effets sur une réduction du taux d'extrac-
progression médiocre de la dilatation malgré l'utilisation tion instrumentale ou de césarienne en cours de travail
des ocytociques. Le col est œdématié et rigide. Une dispro- n'ont pas été démontrés par les essais randomisés publiés
portion fœtopelvienne et une présentation défléchie doivent (voir chapitre 14).
toujours être recherchées. En l'absence de preuve évidente
en faveur de l'un de ces deux diagnostics, l'arrêt des ocyto-
ciques et la mise en place d'une analgésie péridurale per- Conduite à tenir
mettent souvent de corriger l'hypercinésie.
Une fois la péridurale installée, la perfusion de Indications de la césarienne
Syntocinon® doit souvent être remise en route pour réta- prophylactique
blir une dynamique suffisante. Le résultat de ce traitement Il persiste bien sûr des indications incontournables de césa-
doit être positif dans les deux heures qui suivent et, en cas rienne prophylactique et, de fait, des contre-indications
d'échec, la césarienne s'impose (voir chapitre 11, « Direction absolues à l'épreuve du travail :
du travail », p. 151). ■ obstacle praevia : placenta recouvrant fibrome ou kyste
paraevia ;
Anomalies du rythme cardiaque fœtal ■ présentation fœtale dystocique: transverse ;
■ macromie > 5 000 g ou > 4 250 + diabète ;
Elles peuvent être la conséquence de la dystocie. Leur ■ pathologie maternelle bassin chirurgical ;
apparition doit faire rechercher la cause, en particulier une ■ pathologie fœtale : kyste sacrococcygien, volumineux
hypercinésie liée a une disproportion fœtopelvienne. omphalocèle.
Nous avons vu (voir Chapitre 1, « Physiologie du fœtus in
utero en fin de grossesse ») qu'une pression intra-utérine de
plus de 80 mmHg interrompt la circulation dans les artères Épreuve du travail
utéroplacentaires et, dès que la pression atteint ou dépasse Dans toutes les autres situations à risque de dystocie,
30 mmHg, la circulation dans la chambre intervilleuse diminue. l'épreuve du travail peut être tentée.
Des contractions trop rapprochées, trop intenses, ou un tonus L'épreuve du travail est une tentative raisonnable d'ac-
de base trop élevé, modifient l'apport d'oxygène ou de glucose couchement par voie basse en présentation céphalique.
au fœtus, la persistance de l'hypercinésie va entraîner une Elle débute lorsque la patiente est dans la phase active du
asphyxie fœtale qui se traduira par une altération du rythme travail (c'est-à-dire à 3 cm, col effacé) et membranes rom-
cardiaque fœtal. Il faut donc diagnostiquer ces hypercinésies et pues (rupture spontanée ou rupture artificielle).
les traiter avant que n'apparaissent les signes de souffrance. L'indication a, en principe, été posée à la dernière visite.
Le monitorage du rythme cardiaque fœtal est très sen- L'obstétricien de garde et la sage-femme qui ont en charge
sible (car être très sensible est très bénéfique) mais peu spé- la parturiente reverront eux cette indication en début de
cifique ; cela signifie un taux très faible de faux négatifs avec, travail. Ils examineraont le bassin, reverront le palper intro-
en revanche, un taux important de faux positifs. Il enregistre ducteur, referont éventuellement une mesure du bipariétal
ainsi des anomalies du rythme qui ne sont pas obligatoire- ou de la corconférence abdominale.
ment significatives et cela conduit à des extractions instru- Les éléments du pronostic sont consignés dans le dos-
mentales ou des césariennes abusives par une application sier obstétrical, de même que les recommandations pour la
excessive du principe de précaution. durée de l'épreuve et la réalisation d'une éventuelle extrac-
Le rythme cardiaque fœtal normal met à l'abri, a priori, tion instrumentale (tableau 13.6).
d'une hypoxie ou d'une acidose. En revanche, l'interpréta-
tion des anomalies du rythme cardiaque fœtal est beaucoup
plus délicate (voir chapitres 3 et 14). Toute analyse reposant
sur l'interprétation reste subjective avec ce taux de faux posi- Tableau 13.6. Éléments du pronostic à noter
tifs très importants. au début d'une épreuve du travail.
Si le rythme cardiaque fœtal est normal ou franchement Âge
pathologique, il n'y a pas de place au doute quant à la prise Parité et poids du dernier enfant
en charge. Poids
Si le rythme cardiaque fœtal est intermédiaire, la décision Taille
est difficile. Des propositions de stimulation du scalp, de Prise de poids pendant la grossesse
Terme
changement de position, d'amnio-infusion, d'arrêt de per- Données du palper introducteur
fusion de l'ocytocine ont été faites mais les données dispo- Diamètre promonto-rétro-pubien
nibles n'ont pas démontré leur utilité pour réduire le risque Diamètre transverse médian
d'asphyxie per-partum. Diamètre bisciatique
D'autres alternatives peuvent également être envisagées : Indice du DS
■ le pH ou les lactates au scalp reste pour beaucoup la Diamètre bipariétal
Circonférence abdominale
méthode de référence mais constitue une méthode invasive,
182   Partie III. Accouchements pathologiques

Surveillance Tableau 13.7. Précautions d'emploi de la perfusion


Le partogramme est l'élément essentiel de la surveillance de ocytocique.
l'épreuve du travail. Dose :
Le partogramme débute lorsque la patiente entre dans – 5 unités d'ocytocine (Syntocinon®) dans 500 cm3 de sérum
la phase active du travail, col effacé, dilaté à 3 cm, que les glucosé isotonique ;
contractions sont régulières. L'épreuve commence lors de la – 2 gouttes/min = 1 mU/min
rupture des membranes (spontanée ou artificielle à 4 cm). Voie d'administration : intraveineuse (perfusion à la pompe)
Indication : doit toujours être précise surtout dans les sièges, les
La progression de la dilatation et de la présentation est
gémellaires, les multipares
surveillée, heure par heure. Les résultats des touchers pel- Surveillance : du RCF par capteur externe ou électrode, des
viens sont consignés sur le partogramme ainsi que le type contractions utérines par tocographie externe (parfois interne),
de présentation, sa flexion, la survenue d'une bosse sérosan- en particulier chez les obèses ou dans les utérus cicatriciels et
guine. La dynamique utérine est également régulièrement fragilisés (grande multipare, excès de liquide)
observée (fréquence et intensité des contractions) par la Début :
clinique et ou la tocographie. – commencer par petites doses : 4 à 6 gouttes/min
– augmenter progressivement le débit toutes les 10 à 15 min
Le bon état fœtal est également constamment surveillé – dès qu'une activité utérine stable est obtenue pendant
(rythme cardiaque, saturométrie, aspect du liquide amnio- 30 min, essayer de réduire le débit de 20 à 30 %
tique enregistrement de l'électrocardiogramme fœtal). – au-delà de 12,5 mU/min, le contrôle de la dynamique par
En cas de dilatation régulière, d'engagement de la présen- tocographie est souhaitable ;
tation, l'épreuve du travail se poursuit jusquà la naissance. – au-delà de 5 unités perfusées, il faut revoir de façon très
Si la dilatation progresse anormalement lentement, il est précise la nature de la dystocie justifiant le traitement et
n'accepter de débuter le « deuxième flacon » qu'avec des
important d'en envisager la cause :
arguments solides
■ en phase de latence de la première phase du travail, sous Complications :
réserve d'un rythme cardiaque fœtal normal, un tran- – en cas de saignement, de douleur anormale, d'hypercinésie,
quillisant peut être prescrit (hydroxine [Atarax®]), voire d'anomalie du RCF, toujours évoquer la rupture utérine surtout
un analgésique à visée sédative nalbuphine (Nubain®), chez la multipare
jamais en les associant ; – en cas d'hypertonie isolée, il faut arrêter la perfusion
– en cas d'anomalie du rythme cardiaque, il faut arrêter
■ en cas de présentation postérieure ou défléchie, des change-
la perfusion et, si une hypertonie est associée, injecter un
ments de position de la parturiente (position latérale, posi- cinquième d'ampoule de salbutamol (100 μg) en intraveineuse
tion assise ou semi-assise) ont été proposées pour favoriser directe
la rotation ou la flexion. Malheureusement, toutes les études – une intoxication par l'eau sera soupçonnée devant des
correcte (essais randomisés) sur ce sujet sont négatives : céphalées, une asthénie, des crampes musculaires, des crises
■ en cas d'hypocinésie de fréquence ou d'intensité des convulsives, une hyponatrémie
contractions utérines, il faut :
– réaliser l'amniotomie, si les membranes sont intactes,
car il est démontré que la rupture des membranes arrêt des ocytociques. Si le rythme cardiaque ne s'améliore pas
accélère le travail ; rapidement, il faudra césariser (voir chapitre 14).
– mettre en route une perfusion d'ocytocine (5 unités Si le RCF est normal, il ne faut pas césariser avant :
de Syntocinon® dans 500 cm3 de sérum glucosé iso- ■ quatre heures au moins de stagnation de la dilatation en
tonique). Le débit de perfusion est alors augmenté première phase du travail ;
progressivement jusqu'à l'obtention d'une activité ■ deux ou trois heures d'expextative à dilatation complète
utérine satisfaisante. On respectera les consignes du sans descente de la présentation en deuxième phase du
tableau 13.7. D'autres modalités concernant la dose et travail.
les paliers d'ocytocine peuvent être utilisées ; En cas de dystocie lors de la phase active de la deuxième
■ en cas d'hypercinésie de fréquence ou d'intensité des phase du travail :
contractions utérines, le risque d'œdème et de rigidité du ■ concernant la durée des efforts expulsifs, il paraît là aussi
col est grand, de même que celui d'anomalies du RCF. Il que nos habitudes françaises de les limiter à 30 minutes
faut rapidement arrêter les ocytociques et proposer une doivent être revues. Les équipes nord-américaines
anesthésie péridurale. Les antispasmodiques n'ont pas s'autorisent une durée des efforts expulsifs nettement
démontré leur efficacité. supérieure à celle autorisée en Europe avec, certes, des
Une hypercinésie sur utérus cicatriciel doit amener à efforts de puissance moindre que nos habituels efforts
considérer une possible rupture ou prérupture de la cica- expulsifs ;
trice antérieure et à césariser. ■ une étude rétrospective de patientes à bas risque sur 138
L'hypercinésie associée à des anomalies du RCF, une maternités françaises [14] confirme l'absence d'augmen-
douleur importante ou des métrorragies doit faire évoquer tation significative de l'acidose en fonction de la durée
un hématome rétroplacentaire et envisager une césarienne des efforts expulsifs. Prolonger cette période au-delà des
rapidement. 30 minutes classiquement admises par le dogme français,
En cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal ne rendant entraînerait :
pas immédiate la naissance, différentes solutions peuvent être – une diminution très nette des extractions instrumen-
proposées : oxygénothérapie, changement de position, correc- tales (baisse de 57 %) ;
tion d'une hypotension, stimulation du scalp, amnio-infusion, – une diminution des échecs d'extraction ;
Chapitre 13. Accouchement dystocique   183

– une diminution des déchirures périnéales graves ; La conduite à tenir doit faire une large part à l'expecta-
– l'absence d'aggravation de l'état néonatal ; tive dans les dystocies survenant au cours du travail. Cette
– mais une augmentation des hémorragies du attitude est rendue possible par la péridurale qui permet
post-partum de prolonger le travail sans inconfort pour la mère et sans
Dans un travail analytique rétrospectif effectué dans le risque pour le fœtus si le RCF est normal. Cette attitude
service [1], il semble que l'augmentation de la durée des d'expectative doit permettre d'éviter un certain nombre de
efforts expulsifs diminue le nombre d'extractions instru- césariennes au cours du travail. Cet avantage ne doit pas être
mentales, en particulier par forceps, sans aggravation de acquis au détriment de l'enfant.
l'état néonatal (liquide amniotique méconial, score d'apgar Il convient pour cela de disposer en permanence d'un
inférieur à 7 à 5 min, pH inférieur à 7,05) ni d'aggravation partogramme bien tenu et de respecter les délais que l'on
de l'état maternel (en termes d'hémorragie du post-partum). doit se fixer à l'avance, chaque fois qu'une décision théra-
L'analyse des données indique que ces résultats sont obtenus peutique est prise.
jusqu'à trois heures d'expectative à dilatation complète et Au cours du travail (y compris à dilatation complète), la
jusqu'à 40 minutes d'efforts expulsifs. Aucune amélioration réalisation systématique d'une césarienne après deux heures
n'est rapportée au-delà de ces délais. de stagnation de la dilatation doit être reconsidérée du fait
Il faut faire une extraction instrumentale (ventouse, spa- d'une diminution des césariennes en cas d'expectative pro-
tules ou forceps) si la présentation est engagée au détroit longée (NP2, RPC) [6].
moyen et stagne dans l'excavation depuis une à deux heures. À l'instar de nombreuses recommandations, il paraît
Il faut s'assurer de : possible de proposer des commandements pour changer les
■ la dilatation complète ; mentalités obstétricales :
■ la rupture des membranes ; ■ connaître les non-indications de césarienne ;
■ l'engagement effectif de la présentation ; ■ limiter l'induction du travail aux indications médicales,
■ l'absence d'une volumineuse bosse sérosanguine ; maternelles ou fœtales ;
■ l'orientation de la présentation (présentation antérieure, ■ revoir les définitions :
postérieure, transverse). – d'échec d'épreuve du travail ;
L'échographie de salle de travail a toute sa place en com- – de stagnation de la dilatation ;
plément de l'examen clinique pour préciser le type de pré- – de durée du travail (les différentes phases, la dilatation
sentation et son engagement si on a un doute du fait d'une complète, les efforts expulsifs) ;
bosse sérosanguine : – tenir un partogramme précis en continu ;
■ une échographie sus-pubienne repérera le côté du dos – être critique sur le rythme cardiaque fœtal ;
fœtal et les orbites répondent assez fidèlement à la ques- – former sans relâche à la voie basse instrumentale ;
tion de la présentation postérieure ou non ; – changer les mentalités sur la césarienne ;
■ une échographie périnéale avec mesure de la distance – informer les femmes et la population des consé-
périnée-boîte crânienne fœtale jugera de l'existence et quences de la première césarienne ;
de l'importance de la bosse sérosanguine et appréciera – revaloriser l'accouchement par voie basse ;
le caractère « possible » de l'extraction instrumentale. La – ne pas craindre les aspects médicolégaux.
distance périnée-boîte crânienne inférieure à 6 cm per- Enfin, les équipes médicales de « débriefing » devraient
met de penser que la tête est engagée [16] ; être plus précis :
■ toute extraction instrumentale au tiers supérieur de l'ex- ■ taux de voie haute sans indication médicale vraie ;
cavation doit être exceptionnelle. ■ taux d'induction du travail sans indication médicale ;
■ taux de stagnation ou d'échec de déclenchement ne
répondant aux critères ;
Cas particulier des présentations ■ taux de césarienne pour anomalies du rythme cardiaque fœtal ;
postérieures ■ taux de césarienne par groupe à risque de patientes.
Les présentations OIDP ou OIGP sont souvent mal fléchies
et sont la cause de dystocie, en particulier lors de la descente
de la tête dans l'excavation (voir chapitre 4). La rotation Références
manuelle après avoir vidé la vessie peut permettre de déblo-
quer la situation. La technique est décrite au chapitre 29. Le [1] Atallah A, Battie C, Gaucherand P. Conséquences néonatales et taux
d'extraction après prolongation de la 2e phase du travail XE "Travail".
taux d'échec est de 11 à 25 % [15].
A paraître.
Devant une présentation du front, la flexion suivie de [2] AUDIPOG. La santé périnatale en 2002-2003.Résultats du réseau sen-
rotation manuelle a aussi été proposée [22]. tinelle. Gynécologie Obstétrique Fertilité 2004 ; 32 : 1–22.
Dans tous les autres cas où une naissance rapide est [3] Blondel B, Kermarrec M. Enquête périnatale : les naissances en 2010
nécessaire et/ou l'application d'un instrument est impos- et leur évolution depuis 2003. 2010. www.perinat-france.org.
sible, il faut césariser. [4] Carcopino X, Shojai R, Boubli L. Les mutilations génitales féminines :
généralités, complications et prise en charge obstétricale. J Gynecol
Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 378–83.
Conclusion [5] Caughey AB, Cahill AG, Guise JM, et al. Safe prevention of the pri-
mary cesarean delivery. Am J Obstet Gynecol 2014 ; 210 : 179–93.
La dystocie est un problème quotidien dans les salles de [6] CNGOF. Rommandations pour la pratique clinique : la césarienne. J
naissance. Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29 : 1–109.
184   Partie III. Accouchements pathologiques

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Chapitre
14
Asphyxie fœtale
au cours du travail
B. Carbonne

PLAN DU CHAPITRE
Définition de l'asphyxie fœtale . . . . . . . . . . . . 185 Conduite à tenir devant une suspicion
Causes des altérations des échanges d'asphyxie fœtale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
maternofœtaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 Prise en charge néonatale de l'asphyxie . . . . . 191
Diagnostic de l'asphyxie : surveillance fœtale au Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
cours du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

■ l'existence d'une acidose métabolique à l'artère du cor-


OBJECTIFS don (pH artériel inférieur à 7 ; déficit de base supérieur à
Au cours du travail, le médecin, l'interne ou la sage-femme 12 mmol/l ; éventuelle hyperlactacidémie > 10 mmol/l) ;
doivent être capables : ■ l'existence d'un score d'Apgar à cinq minutes inférieur à 7.
• d'identifier les anomalies du rythme cardiaque fœtal à Cette situation représente de 0,5 à 1 % des accouche-
risque d'asphyxie fœtale per-partum ments à terme.
• de rechercher une étiologie et de mettre en route les L'association entre une asphyxie périnatale et la survenue
mesures correctrices immédiates de handicaps neuro-dévelopementaux dans l'enfance est
• d'utiliser les méthodes complémentaires (« de deuxième connue depuis le siècle dernier. Cependant, il a été clairement
ligne ») à bon escient ; démontré depuis que ces anomalies peuvent également avoir
été acquises avant l'accouchement. De même, certains cas
• de mettre en route le traitement d'urgence le plus
d'asphyxie péripartum peuvent se constituer après la nais-
approprié ;
sance du fait d'une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine.
• d'analyser les gaz du sang au cordon à la naissance.
Il est donc indispensable de recueillir dès la naissance les
éléments cliniques et biologiques permettant d'orienter vers
L'asphyxie per-partum se définit comme une altération des une asphyxie pendant le travail ou, au contraire, vers un évé-
échanges gazeux materno-fœtaux aboutissant à la consti- nement de survenue ante- ou post-partum.
tution d'une acidose métabolique fœtale profonde et à Les séquelles neurologiques, en particulier, concernent
l'apparition de manifestations cliniques, en particulier neu- 15 à 25 % des nouveau-nés en état d'asphyxie au cours du
rologiques, à la naissance. travail. Les critères permettant d'imputer un handicap neu-
L'expression « souffrance fœtale », longtemps usitée et par- rologique à une asphyxie per-partum ont été définis par le
fois employée comme synonyme d'asphyxie, n'a pas de défini- groupe de travail international sur la « paralysie cérébrale »
tion précise et ne devrait plus être utilisée aujourd'hui car elle et modifiés par l'American College of Obstetricians and
est source de grande confusion dans l'interprétation de sa signi- Gynecologists en 2003 [1] :
fication, en particulier dans la communication avec les parents. ■ critères majeurs (doivent être tous présents) :
– existence d'un pH artériel au cordon < 7 et déficit de
base > 12 mmol/l ;
Définition de l'asphyxie fœtale – encéphalopathie néonatale ;
– paralysie cérébrale à type de quadriplégie spastique ou
Éléments d'orientation dyskinétique ;
On retient comme éléments d'orientation vers le diagnostic – exclusion d'une autre cause : traumatique, infectieuse,
d'asphyxie per-partum : génétique ;
■ l'existence d'éléments anamnestiques au cours du travail, ■ éléments associés (critères suggérant ensemble une ori-
notamment anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) ; gine intrapartum mais non spécifiques en eux-mêmes) ;

Pratique de l'accouchement
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186   Partie III. Accouchements pathologiques

il faut la convergence de cinq critères qui, chacun pris Causes des altérations
séparément, sont insuffisants :
– événement hypoxique pendant le travail : hypertonie
des échanges maternofœtaux
utérine, procidence du cordon ; De nombreuses circonstances peuvent être responsables
– altération brusque et prolongée du RCF jusque-là d'une altération des échanges gazeux maternofœtaux, et
normal ; donc de l'asphyxie fœtale.
– score d'Apgar entre 0 et 3 au-delà de 5 minutes ; ou Certaines sont directement responsables de l'altération
– altérations multiviscérales précoces du nouveau-né à des échanges :
début précoce inférieures à 72 heures ; ■ hypercinésie ou hypertonie utérine ;
– imagerie néonatale précoce (scanner, IRM, écho- ■ compression du cordon (circulaire, procidence du cor-
graphie transfontanellaire) révélant une lésion aiguë don, oligoamnios, etc.) ;
(hémorragie cérébrale, intraventriculaire ou ménin- ■ syndrome compression cave ou aortique en décubitus
gée, hématome). dorsal ;
Alors que des encéphalopathies néonatales peuvent ■ hypotension maternelle (remplissage insuffisant avant
être fréquemment rapportées à une asphyxie per-partum, une analgésie péridurale, etc.) ;
la paralysie cérébrale ne semble liée à l'asphyxie que dans ■ hématome rétroplacentaire ;
moins de 10 % des cas si l'on applique les critères très stricts ■ insuffisance placentaire (contexte de pathologie vascu-
de l'International Cerebral Palsy Task Force. La grande laire placentaire, prééclampsie, RCIU, etc.).
majorité des paralysies cérébrales est vraisemblablement D'autres peuvent limiter la capacité d'adaptation et de
d'origine anténatale et leur incidence n'a pas diminué mal- tolérance du fœtus à l'agression hypoxique liée aux contrac-
gré les efforts de surveillance fœtale. tions du travail normal (tableau 14.2) :
■ prématurité ;
■ retard de croissance intra-utérin ;
Acidose métabolique ■ oligoamnios ;
Lors de la survenue d'une hypoxie fœtale au cours du ■ diabète maternel ;
travail, la réponse cardiovasculaire fœtale se fait vers une ■ infection ;
redistribution de la circulation, préférentiellement orien- ■ liquide amniotique méconial (source d'inhalation
tée vers le cerveau, le cœur, les glandes surrénales et le méconiale).
placenta. C'est la phase de compensation des phénomènes
hypoxiques, permettant de préserver l'intégrité du système
nerveux central. En revanche, la vasoconstriction périphé-
rique s'accompagne d'un métabolisme anaérobie dans les
territoires concernés et à la constitution progressive d'une Tableau 14.1. Valeurs moyennes et valeurs limites
acidose métabolique. Lorsque l'adaptation du fœtus à ces du pH et des gaz du sang artériel du cordon à la
phénomènes est dépassée, l'association de l'hypoxie et de naissance.
l'ischémie, due à la chute de la pression artérielle, conduit à Moyenne ± DS Valeurs limite
une diminution extrême des apports d'oxygène du cerveau, (± 2 DS)
à l'installation de lésions cérébrales et éventuellement à la pH 7,26 ± 0,07 < 7,12-7,15
mort fœtale.
PCO2 (mmHg) 54,5 ± 10,0 > 68,0-74,5
L'acidose métabolique traduit une dette d'oxygène pro-
longée entraînant un métabolisme cellulaire anaérobie. Des PO2 (mmHg) 15,1 ± 5,3 < 4,5-9,0
séquelles sont possibles en cas d'acidose métabolique pro- Déficit de base 2,7 ± 2,8 > 8,1-12,0
fonde à l'artère du cordon avec pH inférieur à 7 et déficit (mmol/l)
de base supérieur à 12 mmol/l. En revanche, en cas d'aci- Lactates (mmol/l) 2,5 ± 1,3 > 5,0-6,1
dose gazeuse pure (pCO2 élevée au cordon et déficit de
base normal), le pH se normalise très rapidement après la
naissance grâce à l'élimination rapide du CO2 par la voie Tableau 14.2. Causes de l'asphyxie fœtale.
respiratoire, ramenant à l'équilibre l'équation : CO2 + H2O
⇔ H+ + HCO3−. Causes directes : Causes indirectes :
Cette situation ne s'accompagne pratiquement d'aucune altération des échanges Foetus fragile s'adaptant mal
gazeux à l'hypoxie du travail normal
morbidité à long terme, notamment neurologique.
L'augmentation de la lactacidémie est également un Hypercinésie utérine Prématuré
bon marqueur de l'acidose métabolique. Néanmoins, Hypertonie utérine Retard de croissance intra
Compression du cordon : utérin
il n'existe pas de corrélation stricte entre le taux de lac- circulaire, procidence, Diabète maternel
tates et le risque de séquelles neurologiques. Un taux oligoamnios Infection fœtale
supérieur à 6 mmol/l est considéré comme anormal. Un Compression de la veine cave
taux de plus de 10 mmol/l est associé à un risque accru ou de l'aorte en décubitus
d'encéphalopathie. dorsal
Les valeurs habituelles des paramètres gazométriques à Hématome rétroplacentaire
Insuffisance placentaire
l'artère du cordon sont indiquées dans le tableau 14.1.
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail    187

Diagnostic de l'asphyxie : – les décélérations précoces (figure 14.1) : il s'agit de décé-


lérations uniformes, de courte durée pendant les contrac-
surveillance fœtale tions utérines, leur descente (et leur remontée) est lente
au cours du travail (> 30 s). Elles sont rarement associées à un mauvais état
Le fœtus, isolé du milieu extérieur, est d'évaluation difficile. néonatal. Elles ne doivent pourtant pas être négligées,
Malgré les différentes techniques de surveillance dévelop- surtout lorsqu'elles sont profondes et/ou répétées sur
pées au cours du travail, le diagnostic de certitude de l'as- une longue durée, et/ou lorsqu'elles surviennent chez un
phyxie ne peut être fait qu'après la naissance de l'enfant sur fœtus fragile (prématuré, hypotrophe, post-terme, etc.) ;
les critères précédemment définis. – les décélérations tardives (figures 14.2) : elles sont éga-
Les méthodes de surveillance au cours du travail ont lement uniformes, mais de début retardé par rapport au
donc pour but d'apprécier si la situation est à plus ou début de la contraction. Leur aspect comporte une pente
moins haut risque de survenue d'une acidose fœtale sévère. de descente lente (supérieure à 30 s) et une forme assez
symétrique. Elles sont beaucoup plus péjoratives, surtout
si elles s'accompagnent d'une perte de variabilité du RCF ;
Liquide méconial – les décélérations variables (figure 14.3) : elles sont
variables dans leur durée, leur intensité et leur chrono-
L'asphyxie s'accompagne d'un liquide méconial dans près de
logie par rapport aux contractions utérines. Néanmoins,
50 % des cas. Ce signe n'est toutefois absolument pas spéci-
dans tous les cas, la décélération est rapide, en moins
fique, présent dans 10 à 20 % des accouchements normaux
de 30 secondes. Leur interprétation est difficile car très
et avec une évolution fœtale et néonatale normale dans la
dépendante de nombreux critères de gravité : profon-
majorité des cas. Il n'est pas, en soi, un signe de mauvaise
deur, durée, durée du retour au rythme de base, exis-
tolérance fœtale ou d'asphyxie.
tence d'une tachycardie « compensatrice », etc. ;

Rythme cardiaque fœtal


L'enregistrement continu du rythme cardiaque fœtal au cours
du travail est une technique sensible, un rythme cardiaque
fœtal normal étant pratiquement synonyme de bien-être fœtal.
En revanche, l'existence d'anomalies du rythme cardiaque
fœtal ne signifie pas automatiquement « souffrance fœtale »,
en témoigne l'impressionnante proportion (de 71 à 95 %) de
nouveau-nés extraits par césarienne pour anomalies du rythme
cardiaque fœtal et n'ayant aucun critère néonatal d'asphyxie.
On peut concevoir que le monitorage a permis dans cer-
tains cas une intervention au moment opportun, avant l'appa-
rition d'une acidose métabolique notamment. Toutefois, les
anomalies n'ont le plus souvent qu'une signification de signal
d'alerte et ne témoignent pas d'une asphyxie fœtale patente.
Une classification des anomalies du RCF et des situations à
plus ou moins haut risque d'acidose fœtale a été proposée dans
les « Recommandations pour la pratique clinique » du CNGOF
[6] . Certaines terminologies obsolètes devraient aujourd'hui être
Fig. 14.1. Ralentissements précoces. Il s'agit de décélérations uni-
abandonnées (Dips 1 ou 2, etc.) au profit de cette classification.
formes dont le début, le nadir et la fin coïncident avec le début, l'acmé
L'analyse du RCF doit être systématique et porter sur et la fin de la contraction utérine. Ils sont liés à une réaction vagale lors
cinq paramètres : de la pression sur la tête fœtale. Doc. A. Fournié.
■ le rythme de base : c'est la valeur moyenne du RCF, sans
tenir compte des accélérations ni des décélérations. Il est
normalement situé entre 110 et 160 bpm. Une bradycar-
die est définie par un rythme de base < 110 bpm pendant
plus de 10 minutes (figure 14.4) ;
■ la variabilité du RCF : représentée par les oscillations
autour du rythme de base : elle doit être entre 6 et 25 bpm ;
■ les accélérations : définies par une accélération du
rythme cardiaque de plus de 15 bpm pendant plus de 15
secondes. Leur présence a un caractère rassurant sur le
bien-être fœtal, mais leur absence au cours du travail n'a
pas de caractère péjoratif ;
■ les décélérations : définies par une diminution du rythme Fig. 14.2. Ralentissements tardifs. Il s'agit de décélérations uni-
cardiaque de plus de 15 bpm pendant plus de 15 secondes. formes dont le début et la fin sont retardés par rapport au début et à
On en distingue plusieurs types : la fin de la contraction utérine. Doc. A. Fournié.
188   Partie III. Accouchements pathologiques

Fig. 14.4. Bradycardie sévère. La bradycardie atteint une fréquence


inférieure à 60 bpm et est associée à un risque majeur de survenue
d'une asphyxie fœtale profonde. Il existe un mauvais relâchement
utérin, probablement à l'origine de la bradycardie, qui peut justifier
Fig. 14.3. Ralentissements variables. Ces décélérations débutent l'administration d'un tocolytique d'action rapide, parallèlement à
par une pente rapide (< 30 s) et sont variables dans leur forme, leur l'organisation d'une césarienne en extrême urgence en cas de non-
durée et leur chronologie par rapport aux contractions utérines. Les récupération d'un rythme cardiaque satisfaisant en quelques minutes.
critères de gravité visibles sur les deux premières décélérations sont la Doc. A. Fournié.
profondeur (> 60 bpm) et surtout la durée (> 60 sec.). Doc. A. Fournié.

Dénominations CNGOF RDB (bpm) Variabilité Accélérations Ralentissements

Normal 110–160 bpm 6–25 bpm Présentes Pas de ralentissements

Quasi normal : faible 160–180 bpm 3–5 bpm < 40min Présentes ou Précoces Variables (< 60 s et
risque d'acidose 100–110 bpm absentes < 60 bpm d'amplitude)
Prolongé iolé < 3min

L'association de plusieurs critères fait passer à un RCF intermédiaire

Intermédiaire : risque > 180 bpm isole 3–5 bpm Présentes ou Tardifs non répétés Variables
d'acidose 90–100 bpm > 40 min absentes (< 60 s et ≥ 60 bpm d'amplitude)
> 25 min Prolongé > 3min

L'association de plusieurs de ces critères fait passer à un RCF pathologique

Pathologique : risque > 180bpm isolé si 3–5 bpm > 60 min Présentes ou Tardifs répétés Variables > 60 s ou
important d'acidose associé à autre Sinusoïdal absentes sévères Prolongés > 3 min répétés
critère < 90 bpm

Préterminal : risque Absence totale de variabilité (< 3pm) et de réactivité avec ou sans ralentissements ou bradycardie
majeur d'acidose

* La présence d'accélérations a un caractère rassurant. L'absence isolée d'accélération n'est pas considérée en soi comme pathologique.

Fig. 14.5. Classification des altérations du rythme cardiaque fœtal [7].

■ les contractions utérines : la dynamique utérine normale Une fois décrites les caractéristiques du RCF, l'interpréta-
varie de trois contractions par dix minutes en début de tion doit permettre d'évaluer la sévérité du risque d'acidose
travail à cinq contractions par dix minutes en cours de néonatale. On parlera ainsi de RCF normal, à faible risque
travail et à la fin de celui-ci. Au-delà, on parle d'hyperci- d'acidose, à risque, à risque élevé ou à risque majeur d'aci-
nésie de fréquence. Il peut y avoir aussi une hypertonie dose, et donc d'asphyxie au cours du travail.
utérine avec des contractions dépassant 60–80 mmHg Afin de faciliter cette interprétation, la figure 14.5 pro-
(8 kPa), ou avec un mauvais relâchement entre deux pose la conduite à tenir en complément des RPC [4] :
contractions et un tonus de base restant au-dessus de ■ en cas de RCF normal ou à faible risque d'acidose, la
20 mmHg. Ces anomalies doivent être repérées car elles poursuite de la surveillance est préconisée ;
précèdent les anomalies du RCF et sont souvent iatro- ■ en cas de RCF à risque d'acidose, le recours à une tech-
gènes, liées à une mauvaise utilisation des ocytociques. nique d'évaluation fœtale de deuxième ligne (pH ou lac-
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail    189

tates au scalp ou ECG fœtal) est recommandé. Lorsqu'elle La mesure des lactates au scalp peut être réalisée
n'est pas disponible, une extraction fœtale est souhaitable ; aujourd'hui par microméthode, avec un résultat obtenu en
■ en cas de RCF à risque important d'acidose, l'extraction 15 à 60 secondes selon les équipements et en n'utilisant que
fœtale est la règle sauf si une technique de deuxième ligne 5 μl de sang contre plus de 50 μl habituellement nécessaires
(pH ou lactates au scalp ou ECG fœtal) peut être réalisée pour la réalisation d'un pH au scalp [5]. Cette méthode a
dans des délais brefs ; également l'avantage théorique d'évaluer directement la part
■ le RCF à risque majeur représente une indication d'ex- métabolique d'une éventuelle acidose dont l'importance a
traction immédiate. été mentionnée précédemment.
On retient comme pathologique un taux de lactates
pH au scalp supérieurs à 6 mmol/l et une acidose sévère si supérieure à
Décrite par Saling en 1962 [10], l'analyse du pH fœtal par 7,5 mmol/l [9].
microponction du scalp est considérée comme la méthode de
référence pour diagnostiquer une asphyxie pendant le travail Valeur prédictive des lactates au scalp
en cas d'anomalies du rythme cardiaque fœtal [5]. Elle per- La principale étude randomisée, portant sur plus de 1 500
met une évaluation ponctuelle de l'équilibre acidobasique. patientes dans chaque bras, et comparant les lactates au
scalp au pH au scalp, montre que la valeur prédictive de ces
Technique deux tests est pratiquement superposable [11]. Il n'existait
Le prélèvement nécessite que les membranes soient rompues aucune différence entre les deux groupes concernant le taux
et que le col soit suffisamment dilaté (3–4 cm). La goutte de d'acidose métabolique sévère, de score d'Apgar inférieur
sang est recueillie à l'aide d'un tube capillaire hépariné. Pour à 7 à 5 minutes, de transfert en réanimation néonatale, de
la mesure du pH, une quantité sanguine de 25–35 μl est césarienne ou d'extraction instrumentale.
nécessaire, voire plus de 50 μl avec les pH mètres modernes.
Faisabilité
Indication
La technique de mesure des lactates au scalp garde l'incon-
Le prélèvement de sang au scalp est indiqué chaque fois qu'il y a vénient d'être discontinue, mais le très faible volume du
une anomalie du RCF faisant suspecter une asphyxie (figure 14.3, prélèvement par rapport au pH facilite les mesures itératives
risque important d'acidose). Il peut être réalisé à partir de 34 SA. au cours du travail. Toujours dans le même grand essai ran-
domisé, le risque relatif d'échec de prélèvement était dix fois
Contre-indication plus faible pour les lactates par rapport au pH [11].
Le pH au scalp est contre-indiqué chez les mères porteuses Au total, la valeur prédictive des lactates au scalp semble
du VIH, VHB ou VHC, mais pas en cas d'antécédent d'her- comparable à celle du pH au scalp et la réalisation pratique
pès en l'absence de lésion, ni de portage vaginal du strepto- d'une mesure de lactates s'avère techniquement beaucoup
coque B si la mère est sous antibiotiques. plus aisée et à moindre risque d'échec que celle du pH au
scalp. La méthode reste cependant invasive et discontinue.
Résultat
Un pH au scalp supérieur à 7,25 semble éliminer une aci-
dose fœtale sévère et autorise la poursuite du travail. Oxymétrie de pouls fœtal
Un pH compris entre 7,20 et 7,25 doit être considéré Le principe de l'oxymétrie fœtale est similaire à celui des
comme prépathologique et inciter à la répétition du prélève- oxymètres utilisés en néonatologie ; cependant, le niveau
ment dans les 30 minutes suivantes. moyen de saturation en oxygène du fœtus peut varier de 30 à
L'existence d'un pH au scalp inférieur à 7,20 correspon- 70 % dans les conditions normales, du fait de la faible pO2
drait à une acidose, justifiant l'extraction fœtale. fœtale à l'état normal, de l'ordre de 20 à 30 mmHg, ce qui
Malgré ces recommandations précises, l'analyse de l'en- correspond à la zone de pente maximale de la courbe de dis-
semble des naissances d'une maternité montre que près de la sociation de l'hémoglobine.
moitié (47,3 %) des acidoses néonatales ne sont pas correc- La valeur diagnostique de l'oxymétrie pour la prédiction
tement diagnostiquées en anténatal. d'un mauvais état néonatal est très proche de celle du pH au
La réalisation d'un prélèvement capillaire au scalp fœtal scalp [2]. En revanche, aucune étude n'a permis de mettre en
est une technique invasive, discontinue et techniquement évidence de bénéfice fœtal ou maternel en termes de réduc-
peu aisée si l'on tient compte des multiples écueils rencontrés tion des interventions ou d'amélioration de l'état néonatal,
en pratique (sang coagulé, volume insuffisant, présence d'une et l'oxymétrie a actuellement disparu de l'arsenal disponible
bosse sérosanguine, appareil en cours de calibration, etc.) et pour la surveillance fœtale.
qui expliquent sans doute la relative rareté de son utilisation.
Cependant, le pH au scalp est la seule méthode ayant fait
la preuve de son efficacité pour limiter l'augmentation des ECG fœtal
césariennes pour anomalies du RCF. Cette technique est basée sur l'extraction du signal ECG
fœtal à l'aide d'une électrode de scalp. En cas d'agression
Lactates au scalp hypoxique, le fœtus s'adapte initialement par une redistri-
La technique de prélèvement est la même que pour le pH bution sanguine vers les organes vitaux, cerveau et cœur
au scalp mais la quantité de sang nécessaire est plus faible et notamment, ce qui permet de préserver l'oxygénation myo-
l'appareil de mesure plus facile à utiliser. cardique et la normalité de l'ECG.
190   Partie III. Accouchements pathologiques

Lorsque la capacité d'adaptation fœtale à l'hypoxie est ■ césarienne en urgence vitale immédiate (figure 14.3,
surpassée, des modifications de la repolarisation sur- risque majeur d'acidose) en cas de procidence du cordon,
viennent : augmentation d'amplitude de l'onde T ou surve- d'HRP ou de rupture utérine.
nue d'un segment ST biphasique. L'analyse automatisée de À noter : l'administration d'oxygène à la mère qui a
ces paramètres semble pouvoir distinguer, de manière plus longtemps fait partie des mesures systématiques n'a plus
spécifique que le rythme cardiaque fœtal seul, les fœtus ne aujourd'hui d'indication en l'absence de bénéfice démontré
faisant plus face à l'agression hypoxique, permettant ainsi et du fait d'effets délétères possibles sur l'état néonatal.
une diminution des interventions injustifiées.
Pendant le travail, le STAN®-CTG permet une analyse
automatique de la morphologie des complexes, du segment Décision d'extraction fœtale
ST et le calcul du rapport T/QRS. En l'absence d'hypoxie, en cas d'altération du RCF
le rapport T/QRS reste stable, et le segment ST et l'onde T Dans tous les cas où les mesures immédiates ne permettent
sont normaux. En cas d'hypoxie, apparaissent une éléva- pas de corriger les anomalies du RCF, une évaluation com-
tion de l'onde T, une augmentation du rapport T/QRS et plémentaire du fœtus (pH au scalp, lactates, ECG) et/ou une
des ondes T biphasiques. L'appareil délivre de façon conti- extraction fœtale doivent être réalisées dans les meilleurs
nue les valeurs de l'amplitude de l'onde T ; le rapport T/ délais.
QRS est reporté sur le tracé sous forme de croix avec une Les décisions à prendre dépendent de facteurs multiples
échelle allant de 0,125 à 0,50. Il signale la présence des et parfois complexes, incluant notamment :
deux types d'anomalie sous forme d'un « ST-EVENT ». ■ la sévérité intrinsèque des anomalies du RCF ;
La sensibilité du STAN®-CTG n'est pas parfaite. Plusieurs ■ le stade d'évolution du travail et la rapidité de progression ;
études rapportent des cas d'acidose à la naissance alors que ■ les critères éventuels de fragilité du fœtus : prématurité,
le STAN® n'avait pas « parlé ». Le taux de faux négatifs est de retard de croissance intra-utérin, etc. ;
1,6 pour 1 000. En cas d'hypoxie fœtale précédant la pose, ■ l'ensemble du contexte obstétrical : grossesse prolongée,
des modifications de ST peuvent ne pas apparaître. Enfin, liquide méconial, fièvre au cours du travail, etc.
dans de rares cas, le RCF peut se dégrader sans l'apparition Lorsque les anomalies du RCF sont à risque majeur d'aci-
de ST-EVENT. dose, une extraction immédiate doit être réalisée :
Aussi, en cas d'anomalie majeure du RCF, le STAN®-CTG ■ une extraction instrumentale par voie basse si la dilata-
n'est pas indiqué et un STAN® normal ne doit pas retarder la tion cervicale est complète et la présentation engagée ;
prise de décision. ■ par césarienne immédiate dans tous les autres cas.
Après un premier grand essai randomisé montrant une
réduction des acidoses profondes à la naissance avec l'ad-
jonction de cette technique, cinq autres essais randomisés Cas particuliers
n'ont pas retrouvé de bénéfice maternel ou fœtal à l'utilisa- Fœtus prématuré et/ou en retard
tion de l'ECG fœtal.
Le seul bénéfice aujourd'hui admis de l'ECG fœtal (STAN® de croissance intra-utérin
CTG) est une réduction de l'utilisation du pH au scalp pour Les prématurés et les fœtus ayant un RCIU sont pourvus
les équipes qui font également appel à cette technique [8]. de réserves limitées pour faire face au stress du travail et
ont des mortalité et morbidité per-partum augmentées.
Ces fœtus développent plus rapidement que d'autres une
Conduite à tenir devant acidose métabolique car les phénomènes d'adaptation à
une suspicion d'asphyxie fœtale l'hypoxie sont souvent déjà sollicités, et le fœtus ne dispose
pas de marge de sécurité en cas de majoration de l'hypoxie.
Mesures thérapeutiques immédiates L'extraction fœtale doit avoir de plus larges indications,
en cas d'altération du RCF avant l'apparition de critères patents, trop tardifs, d'asphyxie
fœtale.
Des étiologies précédemment décrites découlent des
mesures correctrices immédiates qui peuvent permettre la
normalisation rapide du RCF dans certains cas : Liquide méconial
■ mise en décubitus latéral gauche ; On le trouve très souvent classé trop rapidement dans les
■ arrêt de la perfusion d'ocytocine en cas d'hypercinésie de signes d'asphyxie fœtale alors qu'il n'existe pas de différence
fréquence ou d'intensité et ou d'hypertonie ; dans le pH ou la saturation en oxygène des fœtus ayant un
■ perfusion de solutés cristalloïdes, voire de substances liquide méconial par rapport à ceux ayant un liquide amnio-
vasoactives en cas d'hypotension artérielle ; tique clair. La majorité des fœtus issus d'un liquide méconial
■ éventuelle tocolyse d'urgence (réanimation in utero) en ont un état normal à la naissance. Cette situation doit tou-
cas d'hypertonie utérine, reposant notamment sur les tefois être considérée comme à risque pour le fœtus car elle
dérivés nitrés : La trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/ survient surtout en cas de grossesse prolongée et/ou d'oli-
ml, à diluer 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine goamnios. Enfin, elle expose à une complication rare mais
à 50 μg/ml) peut être injectée en intraveineuse directe à parfois gravissime : l'inhalation méconiale. En cas d'appari-
la dose de 100 à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une tion d'anomalies du rythme cardiaque fœtal, les indications
à deux minutes ; d'extraction doivent être larges.
Chapitre 14. Asphyxie fœtale au cours du travail    191

Grossesse prolongée Imagerie


Cette situation peut aboutir à une insuffisance placentaire, L'imagerie cérébrale du nouveau-né peut apporter certains
diminuant les ressources du fœtus en cas d'hypoxie pen- éléments de datation d'un événement asphyxique. Elle ne
dant le travail. Elle est, de plus, fréquemment associée à un permet qu'inconstamment d'affirmer la nature anoxo-
oligoamnios et/ou à un liquide amniotique méconial. Là ischémique des images observées, ce qui souligne encore
encore, les anomalies du RCF nécessitent plus rapidement l'importance du contexte clinique dans l'interprétation de
une évaluation complémentaire du fœtus, soit par pH, soit l'imagerie.
par lactates au scalp, afin de s'assurer du bien-être fœtal.
Échographie transfontanellaire
Facteurs iatrogènes C'est en général l'imagerie de première intention chez le
De nombreuses études ont montré l'association entre per- nouveau-né ayant une encéphalopathie néonatale, à la
fusion d'ocytocine, hypercinésie utérine et anomalies du recherche d'une cause telle qu'une hémorragie ou un héma-
rythme cardiaque fœtal. Plus récemment, un lien indépen- tome sous dural post-traumatique, etc. En dehors de ces
dant entre la perfusion d'ocytocine et le risque d'hémorra- rares situations, son apport reste le plus souvent limité. La
gie du post-partum a également été mis en évidence. De la constatation d'un œdème cérébral suggère un phénomène
même manière, la rupture artificielle des membranes est récent, sans permettre une datation précise de l'événement
une cause reconnue d'altérations du RCF. Il est actuelle- hypoxique.
ment admis de n'avoir recours à ces méthodes que dans les
situations où existe une anomalie de progression du travail. Imagerie par résonance magnétique
C'est aujourd'hui l'examen de référence, en particulier
Diagnostic d'asphyxie après la naissance dans l'appréciation pronostique des encéphalopathies
Score d'Apgar asphyxiques. En effet, la valeur prédictive négative de l'IRM
L'asphyxie est responsable d'une mauvaise adaptation à la est excellente, proche de 100 % en ce qui concerne les
vie extra-utérine et d'un score d'Apgar bas (inférieur à 7) de séquelles sévères. Toutefois, l'interprétation de cet examen
manière prolongée, supérieure à cinq minutes. Cependant, nécessite une grande expérience en neuroradiologie néona-
ce signe n'est pas spécifique de l'asphyxie. Le score d'Apgar à tale et peut nécessiter le recours à un centre d'expertise pour
une minute n'est pas corrélé au pronostic neurologique à dis- l'interprétation des clichés.
tance. En revanche, 70 % des enfants ayant un score d'Apgar La valeur prédictive positive des lésions de la capsule
inférieur à 4 à cinq minutes ont un risque de développer une interne, souvent associées à des lésions diffuses des noyaux
encéphalopathie. En cas de pH au cordon inférieur à 7, un gris centraux, est proche de 100 % pour les séquelles
score d'Apgar supérieur ou égal à 7 à cinq minutes diminue motrices. Les lésions isolées des noyaux gris centraux sans
considérablement le risque d'encéphalopathie par rapport à atteinte de la capsule ont un pronostic plus incertain.
un score inférieur à 7.
Prise en charge néonatale
Mesure du pH et des gaz du sang de l'asphyxie
dans l'artère ombilicale à la naissance Les lésions cérébrales secondaires à l'asphyxie se constituent
Compte tenu de la nécessité d'évaluer nos pratiques et en deux temps : nécrose neuronale primaire, contemporaine
de pouvoir répondre sans ambiguïté à une plainte pour de l'ischémie, puis nécrose neuronale secondaire qui se
séquelles neurologiques en rapport avec une suspicion constitue au cours des heures ou des jours suivant l'épisode
d'asphyxie per-partum, il est souhaitable de réaliser systé- initial.
matiquement une gazométrie au cordon. Si la réalisation Nous verrons au chapitre 32 (p. 407) les modalités de la
systématique n'est pas possible, il est recommandé de l'effec- réanimation du nouveau-né en salle de naissance.
tuer en cas d'anomalie du RCF [6]. La prévention des séquelles neurologiques de l'asphyxie
C'est la seule méthode permettant d'affirmer ou d'infir- péri-partum repose aujourd'hui sur la mise en hypothermie
mer une asphyxie fœtale. On peut définir une acidose néo- du nouveau-né qui diminue le phénomène de nécrose neu-
natale par un pH inférieur à 7,15 dans l'artère ombilicale et ronale secondaire. L'indication d'hypothermie repose sur
une acidose sévère par un pH inférieur à 7. l'association de manifestations d'encéphalopathie néonatale
On peut aussi doser les lactates au cordon et on retient et d'anomalies gazométriques confirmant la nature anoxo-
comme pathologique des lactates supérieurs à 6 mmol/l et ischémique du tableau clinique.
une acidose sévère susceptible de laisser des séquelles neu- Il est important que les équipes obstétricales soient
rologiques des lactates supérieure à 10 mmol/l [3]. informées des modalités de l'hypothermie, de ses indica-
En cas d'acidose gazeuse, la PcO2 est élevée, supérieure à tions, des délais et des conditions de transfert des nouveau-
65 mmHg, et le déficit de base est inférieur à 8 mmol/l. nés répondant d'un tel traitement, notamment en l'absence
En cas d'acidose métabolique, le déficit de base est supé- d'un pédiatre sur place à la naissance, car l'absence de mise
rieur à 8 mmol/l. Une acidose métabolique sévère est définie en hypothermie en cas de signe d'encéphalopathie anoxo-
par un déficit supérieur à 12 mmol/l. Les acidoses mixtes ischémique peut être considérée comme une réelle perte
associent les deux phénomènes. de chance.
192   Partie III. Accouchements pathologiques

Conclusion [2] Carbonne B, Langer B, Goffinet F, et al. Multicenter study on the


clinical value of fetal pulse oximetry. II. Compared predictive
L'asphyxie fœtale au cours du travail reste un événement values of pulse oximetry and fetal blood analysis. The French
rare, dont la détection n'est pas toujours aisée. Study Group on Fetal Pulse Oximetry. Am J Obstet Gynecol 1997 ;
Les moyens à mettre en œuvre pour la dépister reposent sur : 177(3) : 593–8.
■ l'identification de facteurs de risque a priori : prématu- [3] Carbonne B, Nguyen A. Surveillance fœtale par mesure du pH et des
lactates au scalp au cours du travail. J Gynecol Obstet Biol Reprod
rité, retard de croissance intra-utérin, grossesse prolon-
2008 ; 37(Suppl1) : S65–71.
gée, liquide méconial, etc. ; [4] Carbonne B, Dreyfus M, Schaal J-P. Groupe d'experts des RPC sur la
■ la prise en compte de la progression du travail ; surveillance fœtale au cours du travail. [CNGOF classification of fetal
■ l'analyse rigoureuse du rythme cardiaque fœtale et l'éva- heart rate : color code for obstetricians and midwives]. J Gynecologie
luation du risque d'acidose qui permet de décider selon Obstetrique Biol Reprod 2013 ; 42(6) : 509–10.
les cas de la poursuite du travail ; [5] Carbonne B, Pons K, Maisonneuve E. Foetal scalp blood sampling
■ la mise en œuvre de mesures de surveillance de deuxième during labour for pH and lactate measurements. Best Pract Res Clin
ligne (pH, lactates au scalp ou ECG fœtal). Obstet Gynaecol. 2015.
L'analyse de ces données permet de décider d'une extrac- [6] CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : surveillance
tion fœtale et de prévenir le pédiatre. fœtale pendant le travail. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2008 ; 40(8) :
S101–7.
À la naissance, l'examen clinique associé à l'analyse des
[7] CNGOF. Retard de croissance intra-utérin : recommandations pour
gaz du sang au cordon permet de définir l'existence d'une la pratique clinique — Texte court. J Gynecol Obstet Biol Reprod
asphyxie et d'en évaluer la sévérité. 2013 ; 42 : 1018–25.
En cas d'asphyxie per-partum associée à des signes [8] Neilson JP. Fetal electrocardiogram (ECG) for fetal monitoring
d'encéphalopathie néonatale, la prise en charge immédiate during labour. Cochrane Database Syst Rev 2015 ; 12. CD000116.
peut nécessiter la mise en hypothermie du nouveau-né afin [9] Ramanah R, Martin ADR, Maillet RJS. Intérêt de la mesure des lac-
de diminuer le risque de séquelles neurologiques. tates au scalp fœtal au cours du travail : étude comparative avec le pH
au scalp. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005 ; 34 : 311.
[10] Saling E. Fetal scalp pH sampling. Arch Gynecol 1962 ; 198 : 82–6.
Références [11] Wiberg-Itzel E, Lipponer C, Norman M, et al. Determination of pH
[1] American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG). or lactate in fetal scalp blood in management of intrapartum fetal dis-
Neonatal encephalopathy and cerebral palsy : executive summary. tress : randomised controlled multicentre trial. BMJ 2008 ; 336(7656) :
Obstet Gynecol 2004 ; 103(4) : 780–1. 1284–7.
Chapitre
15
Accouchement du gros enfant
J.-F. Oury, O. Sibony, J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
Dépistage des gros enfants . . . . . . . . . . . . . . . 193 Accouchement des gros enfants . . . . . . . . . . . 194
Pronostic obstétrical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Dystocie des épaules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

■ les femmes obèses, surtout celles qui ne font pas de


OBJECTIFS régime pendant la grossesse et pour lesquelles le risque
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : de macrosomie est multiplié par quatre ;
• de faire le diagnostic de gros enfant par la clinique et ■ les diabétiques non ou mal équilibrées ;
l'échographie ; ■ les femmes dont la hauteur utérine dépasse 36 cm et le
• de faire le diagnostic de disproportion maternofœtale ; périmètre ombilical 105 cm (chiffres à interpréter en
• d'accoucher un gros enfant et de faire les manœuvres fonction de l'obésité) ;
nécessaires pour le dégagement des épaules. ■ les femmes dont le terme atteint ou dépasse 42 semaines.
Dans la pratique, seule une minorité de femmes avec un
de ces facteurs de risque aura un enfant de plus de 4 000 g.
(1-3-5)
En France, 7,5 % des enfants pèsent à la naissance plus de Les facteurs de risque de dystocie des épaules corrélés au
4 000 g [19]. Si le bassin est vaste, leur accouchement ne poids fœtal sont rapportés dans le tableau 15.2.
pose pas de problème. Les difficultés commencent lorsque
le poids fœtal dépasse 4 500 g (1 % des naissances).
Ces enfants ont un diamètre bipariétal qui dépasse sou- Comment faire le diagnostic
vent 100 mm et un diamètre biacromial de 140 mm (la nor- de gros enfant ?
male est à 120 mm). Ils sont donc exposés à deux sortes de L'examen clinique est attentif aux facteurs de risque que
risques : nous venons de voir. Le poids de la patiente, la mesure de
■ la disproportion céphalopelvienne malgré un bassin la hauteur utérine et le périmètre ombilical sont soigneuse-
apparemment normal ; ment notés.
■ la dystocie des épaules alors que l'expulsion de la tête L'échographie près du terme est impérative. La constata-
a souvent été obtenue plus ou moins laborieusement tion d'un diamètre bipariétal supérieur à 100 mm, d'un dia-
au terme d'un travail long, d'un engagement difficile et mètre abdominal transverse à 100 mm, d'une circonférence
d'une assistance instrumentale à l'extraction.
La prévention des complications de ces accouchements
repose sur le dépistage des gros enfants, la connaissance Tableau 15.1. Facteurs de risque de macrosomie
exacte des manœuvres pour traiter la dystocie des épaules fœtale (d'après [14]).
et, enfin, la présence en salle de travail d'un obstétricien che-
Antécédents Grossesse en cours
vronné pour traiter éventuellement une dystocie des épaules.
– Poids de naissance maternel – Diabète gestationnel
élevé – Prise de poids excessive
Dépistage des gros enfants – Dystocie des épaules à
l'accouchement antérieur
– Suspicion de macrosomie
– Grossesse prolongée
Qui aura un gros enfant ? (tableau 15.1) – Macrosomie
– Diabète préexistant
Les naissances de gros enfants sont plus fréquentes chez : – Diabète gestationnel lors de
■ les parturientes âgées ; grossesses précédentes
■ les multipares ayant déjà eu des enfants de plus de 4 000 g, – Obésité
le poids de naissance ayant tendance à augmenter d'une – Multiparité
– Âge maternel > 35 ans
grossesse à l'autre ;

Pratique de l'accouchement
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194   Partie III. Accouchements pathologiques

Tableau 15.2. Facteurs de risque ■ par ailleurs, l'évaluation clinique des dimensions du bas-
de dystocie des épaules [20]. sin est souvent difficile chez la femme obèse ; il est pré-
férable, lorsque l'examen n'est pas strictement normal,
Facteurs de risque Odds ratio Intervalle
de confiance de faire un pelviscanner et éventuellement une confron-
tation aux mensurations échographiques du fœtus (voir
Poids > 4 500 g 39,5 19,1–81,4
Chapitre 2, « Examens radiologiques »).
Poids 4 000–4 999 g 9 6,5–12,6
Macrosomie lors 3,8 1,0–13,9
de précédentes Accouchement des gros enfants
naissances (figure 15.1)
Extraction 4,1 2,6–6,4
instrumentale partie Consultation préanesthésique
moyenne Une consultation avec les anesthésistes est indispensable car
Diabète 3,5 1,7–6,9 les mères sont souvent obèses, hypertendues ou diabétiques.
Extraction 1,7 1,1–1,25
Les consignes anesthésiques en cas de césarienne au cours
instrumentale partie du travail ou de césarienne prophylactique sont jointes au
basse dossier obstétrical.
Obésité maternelle 0,9 0,5–1,6
Césarienne prophylactique
abdominale supérieure à 380 mm ou d'une longueur du Indication
fémur supérieur à 77 mm fait suspecter une macrosomie. Elle est fréquente en raison :
L'estimation de poids fœtal rapportée à l'âge gestationnel ■ d'une pathologie maternelle associée : diabète,
selon les courbes du CFEF (formule d'Hadlock 3 paramètres) hypertension ;
avec expression écrite de la marge d'erreur est recommandée. ■ d'une présentation du siège ;
Cependant, la valeur prédictive de l'échographie est médiocre ■ d'une dystocie des épaules avec ou sans paralysie du
pour l'évaluation du poids fœtal que l'on apprécie qu'à 15 % plexus brachial lors d'un précédent accouchement ;
près en plus ou en moins, dans 50 à 70 % des cas, quelles que ■ d'un utérus cicatriciel ;
soient les formules mathématiques proposées [10]. Cette esti- ■ d'un rétrécissement pelvien qui ferait poser l'indication
mation ne vaut guère mieux que la clinique [14]. d'épreuve du travail avec un enfant normal.
Cependant, en pratique, la mesure d'un périmètre abdo- L'indication de césarienne prophylactique pour prévenir
minal supérieur à 350 mm à l'entrée en salle de naissance une dystocie des épaules ne se discute pas dans les situations
permet de dépister 100 % des nouveau-nés de plus de extrêmes comme un poids fœtal estimé supérieur à 5 000 g
4 250 g (VPP 27,7 %) et donc de sélectionner une population ou supérieur à 4 500 g chez une diabétique insulinodépen-
à risque de dystocie des épaules pour que l'équipe obsté- dante (recommandation A [7]). En dehors de ces cas, la plu-
tricale et le pédiatre soient sensibilisés et prêts à intervenir part des auteurs et le CNGOF recommandent une épreuve
immédiatement à l'expulsion [21]. du travail car il faudrait faire entre 300 et 500 césariennes
La prédiction de la dystocie des épaules est également prophylactiques pour éviter une dystocie des épaules [28,
difficile, même en utilisant l'échographie ou la mesure du 29], et ces chiffres doivent être multipliés par cinq à dix pour
diamètre biacromial par l'IRM [16]. La différence entre le éviter une élongation du plexus brachial [26].
diamètre abdominal et le diamètre bipariétal a été propo-
sée, montrant un risque de dystocie des épaules important Réalisation
si cette différence est supérieure à 2,6 cm [9]. Cependant, La césarienne peut poser des problèmes car il s'agit la plupart
la valeur prédictive de ces méthodes est insuffisante et 50 à du temps d'une femme obèse, souvent difficile à intuber et
75 % des dystocies des épaules surviennent sans qu'aucun à ventiler du fait de l'insuffisance respiratoire fonctionnelle.
facteur prédictif ne soit connu. Il n'existe donc pas de cri- La péridurale est recommandée chaque fois que possible.
tères fiables de prédiction de poids fœtal ou de dystocie des L'opérateur lui-même doit être expérimenté, avoir prévu
épaules (NP3-RPC [7]). Aussi, tout accoucheur ou sage- une aide supplémentaire et des écarteurs adaptés. L'incision
femme se doit de connaître les manœuvres à effectuer en cas transversale dans une zone où le pannicule adipeux est
de dystocie des épaules. moins épais est préférable. Les suites opératoires doivent
être surveillées attentivement car les infections pariétales ne
sont pas rares et le risque thromboembolique est élevé.
Pronostic obstétrical
Une radiopelvimétrie (pelviscanner) s'impose chaque fois
qu'il existe un doute sur la qualité du bassin ou si le palper Déclenchement artificiel du travail
introducteur n'est pas franchement normal : Le déclenchement du travail peut être justifié par une patholo-
■ en effet, si un rétrécissement léger du détroit supérieur ne gie associée (hypertension, diabète gestationnel). L'indication
constitue pas un obstacle majeur pour un enfant de poids ne doit être acceptée que si les conditions sont favorables. La
normal, il risque d'être difficile à franchir pour un enfant maturation cervicale par les prostaglandines peut être utile
de 4 500 g ; (voir Chapitre 28, « Prostaglandines »), et la surveillance du
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant    195

Fig. 15.1. Conduite à tenir pour l'accouchement d'un gros enfant.

travail doit être rigoureuse en raison du risque de dystocie Des anomalies de la dilatation s'observent dans 20 % des
due à la macrosomie. cas. Elles sont d'autant plus fréquentes que l'enfant est plus
Le déclenchement prématuré du travail 15 jours à trois gros. Elles peuvent être dues à :
semaines avant le terme, destiné à éviter une aggrava- ■ une disproportion céphalopelvienne qui peut s'observer
tion de la macrosomie, ne peut être discuté que chez une même sur un bassin normal si l'enfant dépasse 4 500 g.
multipare avec un bassin vaste, un col déjà suffisamment C'est pourquoi les indications de la radiopelvimétrie
dilaté et une date de terme certaine. Les différentes études doivent être larges lorsque l'on suspecte une macrosomie,
concernant le déclenchement systématique des suspicions car c'est en fonction de la confrontation radioéchogra-
de macrosomie isolée n'ont pas permis de démontrer une phique que l'on décide de poursuivre le travail ; clinique-
diminution du taux de césarienne (au contraire) ou de dys- ment, un débord de la présentation sur le bord supérieur
tocie des épaules (NP1 [15, 27]) de lésions périnéales [30]. de la symphyse pubienne, membranes rompues, signe la
En l'absence de diabète maternel, la suspicion de macro- disproportion fœtopelvienne et indique le recours à la
somie n'est pas une indication à réaliser un déclenchement césarienne ;
du travail (NP2-RPC [7]). Cependant, une étude randomi- ■ une dystocie dynamique dont le diagnostic, ici encore,
sée française [4] est en faveur du déclenchement à 38 SA plus que chez les enfants de poids normal, ne doit être
pour les simples suspicions de macrosomie, car cela éviterait retenu qu'après avoir éliminé une disproportion. Il peut
des dystocies et des lésions du plexus brachial sans aug- s'agir d'une hypercinésie due à la lutte de l'utérus contre
menter le taux de césarienne. Le CNGOF recommande de un obstacle avec l'apparition d'un anneau de Bandl étape,
proposer déclenchement d'autant plus facilement que les ultime avant la rupture utérine. En l'absence d'amélio-
conditions locales sont favorables et le terme proche de 39 ration rapide, une césarienne s'impose. Seules les ano-
SA [28]. malies de la dilatation par hypocinésie de fréquence ou
d'intensité justifient un traitement ocytocique.
La constatation d'une anomalie de la dilatation doit
Évolution du travail rendre très prudent pour la suite de l'accouchement car des
Surveillance du fœtus études rétrospectives ont montré que le taux de dystocie des
épaules doublait avec des enfants de plus de 4 500 g et un
Elle doit être vigilante grâce au monitorage, surtout si la arrêt ou une lenteur anormale de la dilatation.
patiente est diabétique, hypertendue ou en cas de grossesse L'absence d'engagement doit conduire à la césarienne.
prolongée. Le diagnostic d'engagement peut être rendu difficile par
La prise en charge par le pédiatre doit être prévue, même une bosse sérosanguine parfois volumineuse. La situation
si le travail se déroule sans incidents. du moignon de l'épaule au-dessus de la symphyse à plus de
trois travers de doigt témoigne du non-engagement et doit
Surveillance du travail faire sursoir à la voie basse (signe de Fabre).
Le travail est normal dans 80 % des cas si le bassin est correct Les indications de la césarienne prophylactique, ou
et le fœtus d'un poids inférieur à 4 500 g. Lorsque le poids au cours du travail, doivent être larges en présence d'une
dépasse ce chiffre, il faut avoir un bassin avec des dimen- macrosomie et l'on admet comme raisonnable un taux de
sions au-dessus des normes pour que l'accouchement se 20 % dans cette situation. C'est à ce prix que l'on évite un
déroule spontanément. certain nombre de dystocie des épaules.
196   Partie III. Accouchements pathologiques

L'accouchement à 70 % des cas, elle s'observe chez des enfants pesant plus de
L'accoucheur, l'anesthésiste et le pédiatre doivent être pré- 4 000 g. La fréquence de la dystocie augmente avec le poids
sents lors de la naissance d'un enfant suspect de macrosomie des enfants. Elle double au-delà de 4 500 g. Elle est multi-
(mieux vaut se déplacer inutilement 5 min que de passer des pliée par deux à quatre chez les enfants de mère diabétique
heures dans l'antichambre d'un juge d'instruction). dont le diamètre biacromial fait 2 à 3 cm de plus que celui
Le personnel présent à la naissance doit être formé et en des enfants de même poids de mère non diabétique [14].
quantité suffisante pour aider aux manœuvres nécessaires Si l'on a la notion d'une anomalie du travail ou d'une
de façon efficace et sans perte de temps. extraction instrumentale, ce risque est encore multiplié par
Le dégagement de la tête n'a pas de particularité (voir deux. La fréquence est en augmentation du fait de l'élévation
Chapitre 4, « Dégagement de la tête » et « Dégagement des de l'âge maternel, de la baisse de la prématurité et de l'aug-
épaules »). En revanche, le dégagement des épaules (en dehors mentation du nombre de femmes obèses, bien que ce facteur
de la dystocie que nous verrons plus bas) peut être cause de soit discuté [25] (tableau 15.3).
déchirure du périnée puisque, chez le gros enfant, le diamètre La dystocie des épaules se complique dans 10 % des cas
biacromial est augmenté et mesure 12 à 14 cm. La pratique de la d'une souffrance fœtale et dans 10 % des cas d'une atteinte
du plexus brachial.
manœuvre de Couderc a pour but de réduire le diamètre
biacromial en abaissant le bras antérieur. Cette manœuvre, qui
réduit le diamètre de dégagement des épaules de 2 à 3 cm en Mécanique obstétricale
substituant le diamètre acromiothoracique au diamètre Accouchement normal des épaules (figure 15.2)
biacromial lors du franchissement du périnée, évite la déchi-
rure du périnée due au relief aigu de l'épaule postérieure. Le fœtus ne descend que s'il est poussé vers le bas, la résis-
La manœuvre de Couderc se pratique une fois la tête tance que la tête rencontre au niveau du bassin et des rele-
dégagée, la rotation de restitution effectuée et le plan du dos veurs solidarise la tête et le tronc, la progression de la tête ne
latéralisé. L'épaule antérieure glissant derrière la symphyse se fait donc aisément qu'en respectant cette solidarité entre
apparaît à la vulve dans l'espace libéré par l'abaissement de la tête et tronc.
tête. L'opérateur peut alors introduire l'index et le médius de Au moment où la tête se dégage, les épaules s'engagent
la main qui fait face au ventre du fœtus, le long de l'humérus dans un diamètre oblique (donc oppose à celui de l'engage-
jusqu'au coude fœtal. Les doigts en attelle le long de l'humé- ment de la tête).
rus, l'opérateur refoule le bras fœtal vers le dos du fœtus. Le diamètre biacromial, qui est de 120 mm, se réduit par
Dans ce mouvement, l'avant-bras se replie sur le bras et, tassement à 95 mm (rotation interne des épaules) de telle
lorsque le coude se dégage, l'avant-bras et la main s'extraient. sorte que l'épaule postérieure franchit en premier le détroit
Cette manœuvre ne s'adresse pas au traitement de la dys- supérieur en raison de la profondeur du sinus sacro-iliaque
tocie des épaules puisque l'épaule antérieure s'engage sous qui s'offre à elle alors que l'épaule antérieure est retenue par
la symphyse, mais elle est très efficace pour éviter les lésions la symphyse et ne s'engagera qu'ultéreurement.
du périnée au passage de l'épaule postérieure. Elle doit être Cette progression du mobile fœtal permet le dégagement
réalisée avec douceur sans faire d'appui perpendiculaire à complet de la tête.
l'humérus pour en éviter la fracture. Celle-ci, une fois dégagée, va accomplir spontanément
son mouvement de restitution mettant le cou en position
latérale pour que les épaules situées dans un diamètre
oblique se retrouvent dans un diamètre antéropostérieur au
Dystocie des épaules niveau du détroit inférieur.
La dystocie des épaules est définie par le recours a des L'épaule antérieure devra donc attendre le dégagement
manœuvres obstétricales autres que la traction douce sur la tête complet de la tête pour effectuer son engagement-dégage-
et/ou la manœuvre de restitution pour dégager les épaules [28]. ment sous l'effet des efforts expulsifs.
Le mouvement de restitution peut être complété, voire
exagéré, en accompagnant la rotation (sans traction) du
Fréquence même côté que la variété d'engagement jusqu'en transverse,
Elle varie de 0,5 à 1 % des accouchements par voie basse. Elle voire en postérieur, pour amener le diamètre biacromial
double chez les enfants naissant après 42 semaines. Dans 60 dans un axe antéropostérieur. La tête est alors rendue à sa

Tableau 15.3. Prévoir la dystocie des épaules [21].


Facteurs de risque
Liés aux antécédents Connus avant le travail Observations en cours de travail
Gros poids de naissance de la mère Diabète gestationnel Travail prolongé :
Dystocie des épaules Prise de poids excessive – dilatation longue
Macrosomie Gros enfant – engagement long et difficile
Diabète Petite taille Modelage de la tête
Obésité Anomalie du bassin (taille/forme) Nécessité d'aide instrumentale au détroit
Multiparité Terme dépassé moyen
Âge maternel élevé Abdominal transverse > BIP + 1,5 cm
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant    197

Fig. 15.2. Principes de l'accouchement en cas de dystocie des épaules. a. Dystocie des épaules : l'accouchement est impossible, le diamètre
biacromial supérieur à 120 mm ne peut s'engager dans le diamètre antéropostérieur. b. Abaissement du bras postérieur, ce qui réduit le dia-
mètre biacromial qui devient inférieur à 120 mm. c. Abaissement du deuxième bras pour réduire encore le diamètre biacromial. D'après Morin P.
L'accouchement. Paris: Flammarion ; 1965.

position spontanée et c'est à ce moment que l'on peut aider d'éviter des manœuvres inappropriées en cas de la survenue
au dégagement en exerçant une traction douce vers le bas d'une dystocie des épaules.
(axe ombilicococcygien) qui permet à l'épaule antérieure de
glisser derrière la symphyse et d'apparaître à la vulve. Diagnostic
Dans un bassin de dimensions normales, une dystocie des L'expulsion de la tête ayant été spontanée ou souvent instru-
épaules chez un enfant de poids normal peut se produire si mentale, la tête reste « ventousée » à la vulve, immobile sans
l'on ne respecte pas la progression dans les axes appropriés : tendance à faire son mouvement de restitution. Le moignon
■ se précipiter dès la tête dégagée, sans lui donner le temps de l'épaule antérieure n'apparaît pas à la vulve malgré une
de sa restitution, et tirer dans un plan parallèle au plan- traction douce vers le bas et peut être palpé au-dessus de la
cher ont pour effet d'entraver la rotation de l'épaule et symphyse.
son glissement sous la symphyse pubienne et au contraire
la bloque derrière cette symphyse ;
■ s'obstiner à tirer sur la tête alors que l'épaule antérieure est Conduite à tenir
bloquée fait pivoter le fœtus autour de ce point d'appui, En cas de dystocie des épaules, il ne faut pas perdre de temps
l'épaule postérieure continue de progresser et s'enclave. mais savoir agir sans précipitation.
Cet enclavement refoule encore le cou sous la symphyse Wood et al. [32] ont montré que le pH artériel chutait
aboutissant à un cercle vicieux interdisant tout engagement de 0,2 unité toutes les cinq minutes entre le dégagement de
de l'épaule antérieure. Toute traction inadéquate va alors la tête et celui du tronc. Pendant ce laps de temps, l'enfant
entraîner un étirement, voire une rupture, du plexus bra- est plus exposé aux lésions traumatiques iatrogènes qu'à
chial ou du bulbe rachidien. l'anoxie.
Lorsque l'enfant est macrosome (ou que le bassin est Il est donc important de :
rétréci), l'amoindrissement du diamètre biacromial peut ■ rester calme ;
être insuffisant pour permettre aux épaules de franchir le ■ ne pas être seul ;
détroit supérieur (≥ 120 mm) : c'est la dystocie vraie. ■ éviter les manœuvres inappropriées de traction et de
Cependant, si l'épaule postérieure s'engage, elle reste rotation (dans un sens puis dans l'autre) de la tête fœtale.
immobilisée dans l'excavation, l'épaule antérieure étant blo- L'analgésie péridurale ou l'anesthésie générale facilitent
quée sur la symphyse : c'est la dystocie dite fonctionnelle ou les manœuvres et évitent l'agitation de la patiente ; l'épisio-
modérée [18]. tomie élimine les obstacles surajoutés des parties molles et
Certes, la dystocie des épaules est en principe imprévi- évite les lésions du sphincter anal. Enfin, le pédiatre néona-
sible. Cependant, les antécédents et les facteurs de risque tologue devra être présent pour réanimer l'enfant si néces-
observés avant et pendant le travail (figure 15.1) doivent saire.(3-23)
attirer l'attention et faire prévoir l'éventualité de difficul-
tés : ce risque doit être mentionné dans le dossier obsté-
trical de façon à alerter l'obstétricien senior, le pédiatre et Manœuvre de Mac Roberts (figure 15.3 )
l'anesthésiste de garde dès que la patiente entre en salle de C'est la première manœuvre à effectuer.
naissance [22]. Elle consiste à exercer une flexion extrême des cuisses de
Leur présence à proximité de la salle de naissance lors de la mère en abduction sur le thorax (ramener les genoux au
l'expulsion doit permettre de gagner un temps précieux et niveau des épaules). Cela a pour effet :
198   Partie III. Accouchements pathologiques

Fig. 15.3. Dégagement de l'épaule antérieure par la manœuvre de Mac Roberts . 1. Le siège déborde du lit et les cuisses sont hyperflé-
chies, l'épisiotomie est faite ou agrandie. 2, 3. Un aide fait une pression modérée sur le moignon de l'épaule antérieure de façon à la faire passer
sous la symphyse. 4. La tête est abaissée, l'occiput tourné vers le bas. La traction est modérée.

■ de réduire la lordose lombaire et de basculer la base du


sacrum (nutation), l'angle du pelvis, qui était de 25° en décu-
bitus dorsal, atteint 10° dans la position de Mac Roberts ;
■ surtout, la symphyse pubienne subit une ascension
qui la fait glisser sur l'épaule antérieure et permet son
engagement.
Dans le même temps, un mouvement de rotation de la
tête sans traction assure la restitution amenant le diamètre
biacromial en antéropostérieur et une traction douce est
exercée vers le bas (axe ombilicococcygien).
Un aide exerce alors une pression avec le poing sur la
face postérieure du moignon de l'épaule antérieure en
appuyant avec douceur au-dessus de la symphyse pubienne
sur la ligne médiane afin de réduire le diamètre biacromial.
L'épaule antérieure étant dégagée, on relève la tête pour
Fig. 15.4. Manœuvre de Wood inversée ou manœuvre de
dégager l'épaule postérieure. Cette manœuvre, toujours ten- Rubin . La main est introduite en arrière de l'épaule postérieure et
tée en premier, est efficace dans 50 % des cas, en particulier exerce une poussée pour faire tourner le diamètre biacromial de
dans les dystocies modérées. 180°. Il ne faut pas tourner la tête.

En cas d'échec de la manœuvre de Mac Roberts


Il faut vérifier au toucher si l'épaule postérieure est engagée Manœuvre de Wood inversée (figure 15.4 )
et se trouve arrêtée mais palpable dans l'excavation. Dans ce Si l'épaule postérieure est engagée, palpable dans la filière pel-
cas, il faut faire la manœuvre de Wood inversée. vienne derrière la tête, la patiente restera en position de Mac
Si au contraire, l'excavation est vide et donc si l'épaule Roberts et l'on pratiquera la manœuvre de Wood inversée.
postérieure n'a pas franchi le détroit supérieur, il faut faire la Son but est de faire pratiquer à l'épaule postérieure, enga-
manœuvre de Jacquemier. gée, une rotation de 180° qui va l'amener en antérieur sous
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant    199

la symphyse et permettre, au cours de la rotation, l'engage- Technique


ment dans le sinus sacro-iliaque de l'épaule primitivement ■ Lubrifier l'avant-bras et le bras mais pas la main.
antérieure. ■ Introduire la main qui fait face au ventre du fœtus (main
La patiente reste installée dans la position de Mac Roberts gauche si le dos est à gauche), passer en arrière de la tête
pour élargir le détroit inférieur. fœtale puis dans le sinus sacro-iliaque dans une direction
La main correspondant au dos du fœtus (droite si le dos qui va du coccyx à l'ombilic de la patiente. L'accoucheur doit
est à gauche) est introduite en longeant la face postérieure donc se positionner à genou, avant-bras en extension sur le
de la tête fœtale puis le cou pour atteindre le moignon de bras pour traverser tout le bassin et pénétrer dans l'utérus.
l'épaule postérieure et se placer sur sa face dorsale au niveau ■ Repérer l'épaule postérieure au niveau du promontoire
de l'omoplate. La pression exercée à ce niveau a pour effet (repères : tête humérale, clavicule), puis suivre sans
d'entraîner une antépulsion de l'épaule et de réduire le dia- perdre le contact : le bras jusqu'au coude, l'avant-bras
mètre biacromial. Le thorax va pouvoir venir s'appliquer souvent fléchi, et attraper fermement la main du fœtus.
sur le sacrum, ce qui dégage un espace rétropubien pour ■ Retirer ensuite le bras en entraînant la main du fœtus
l'épaule antérieure bloquée. sans la lâcher.
La main vaginale va poursuivre sa pression pour entraî- ■ Le mouvement d'extraction du membre fœtal (exercer
ner la rotation de l'épaule primitivement postérieure et toujours la traction vers le bas) s'accompagne d'une rota-
l'amener en avant sous la symphyse (il peut être plus aisé de tion du tronc et le creux axillaire du bras que l'on tient (qui
changer de main au cours de cette rotation). Cette rotation était le bras postérieur) se retrouve en antérieur sous le
peut être aidée, dès le début, d'une pression sur la région pubis tandis que l'épaule qui était bloquée au-dessus de la
sus-pubienne de la mère, au niveau de la face antérieure de symphyse tourne en arrière et s'engage dans l'excavation.
l'épaule antérieure, pour induire le mouvement de rotation. ■ L'accouchement suit dans l'instant. Si exceptionnellement
Au cours du mouvement, l'épaule antérieure poussée ce n'était pas le cas, la manœuvre peut être renouvelée
en arrière va s'engager au niveau du sinus sacro-iliaque et sur l'épaule antérieure devenue postérieure et avec l'autre
l'épaule primitivement postérieure sera, en fin de rotation, main puisque le dos du fœtus a tourné du côté opposé et
située en avant, en position de dégagement. s'engage dans l'excavation [24].
Cette manœuvre, dans les formes graves de dystocie, n'est
Manœuvre de Jacquemier (figure 15.5 ) pas facile à réaliser et il est préférable qu'une anesthésie soit
Elle sera pratiquée immédiatement si l'épaule postérieure débutée dès que l'on commence à l'entreprendre. Elle ne
n'est pas engagée. s'improvise pas : c'est pourquoi les exercices sur mannequin
Les deux épaules fœtales sont donc situées au-dessus du sont utiles et diminuent le taux de lesions du plexus brachial
détroit supérieur et il va falloir intervenir à ce niveau en pas- sans diminuer la morbidité maternelle [28].
sant par l'orifice vulvaire obstrué par la tête fœtale. La réalisation systématique d'une épisiotomie n'est pas
La patiente est installée en position gynécologique clas- nécessaire lors de la réalisation de ces manœuvres.
sique le siège dégagé du plan de la table. Celle-ci est rehaus-
sée au maximum afin que l'accoucheur, agenouillé, puisse
avoir l'épaule au-dessous du plan de la table.
Manœuvres ultimes
Le but de la manœuvre est de saisir la main de l'enfant qui La symphyséotomie de Zarate, qui consiste à inciser les deux
correspond à l'épaule postérieure et de la tirer en ramenant tiers antérieurs de la symphyse pubienne, ne peut être envi-
le bras à l'extérieur, ce qui transforme le diamètre biacromial sagée que lorsque les manœuvres précédentes ont échoué
en acromio thoracique de 3 cm inférieur. [12]. Il en est de même pour la manœuvre de Zavanelli
au cours de laquelle on refoule la tête dans le vagin puis
dans l'utérus pour ensuite extraire l'enfant par césarienne.
Soixante-dix cas ont été rapportés dans la littérature avec
sept décès, deux enfants encéphalopathes et 14 paralysies du
plexus brachial [31].
Il est recommandé aux équipes d'avoir un procole de
prise en charge de la dystocie des épaules comme celui pro-
posé par le CNGOF (figure 15.6).

Complications de la dystocie des épaules


Complications fœtales
La dystocie des épaules peut entraîner le décès ou une asphyxie
fœtale grave mais les complications les plus fréquentes sont
traumatiques : fractures de la clavicule ou de l'humérus et
atteintes du plexus brachial dont la fréquence est de 1 sur 1 000
Fig. 15.5. Manœuvre de Jacquemier . La main de l'opérateur est accouchements par voie vaginale [6]. Ce taux de complica-
introduite en arrière de la tête foetale. Elle rencontre l'épaule posté- tions, en particulier les lésions du plexus brachial, augmente
rieure puis remonte le long du bras et de l'avant-bras jusqu'à la main avec le nombre de manœuvres réalisées. Il augmente de 30 %
qui est saisie et abaissée avec douceur. si on a fait plus de deux manœuvres. L'apprentissage des
200   Partie III. Accouchements pathologiques

Demander de l’aide (obstétricien si non présent, et si possible 3ème personne)


Bien installer la patiente en position gynécologique

Ne pas paniquer, garder son calme


Ne pas tirer de façon excessive sur la tête fœtale
Ne pas réaliser des mouvements de rotation intempestifs
Ne pas exercer d’expression utérine

Réaliser la manœuvre de Mc Roberts associée ou non à une pression sus-pubienne


Traction dans l’axe ombilico-coccygien

Si échec

Appel de l’anesthésiste et du pédiatre en salle de naissance


Si l’épaule postérieure est engagée => Manœuvre de Wood inversée
Si l’épaule postérieure n’est pas engagée => Manœuvre de Jacquemier
À adapter à l’expérience de l’opérateur

Si échec

Réaliser une épisiotomie si celle-ci n’avait pas été déjà réalisée


Refaire de nouveau les différentes manœuvres dans le même ordre
Si besoin plusieurs fois, en changeant d’opérateur et sous anesthésie générale

Si échec

Réaliser les manœuvres de 3ème intention :


Zavanelli, symphyséotomie, cléidotomie, laparotomie avec hystérotomie

Dans tous les cas, faire examiner l’enfant par un pédiatre et donner à distance des
explications claires à la patiente et au conjoint sur les circonstances de
l’accouchement.
Fig. 15.6. Proposition d'algorithme de prise en charge immédiate de dystocie des épaules [28].

manœuvres sur des mannequins améliore les résultats [13]. peuvent laisser des séquelles définitives dans 10 à 20 % des
Ces complications doivent être recherchées avec attention par cas [6, 11] qui feront immanquablement l'objet d'une plainte
le néonatologue. Elles seront clairement consignées dans le médicolégale pour coups et blessures involontaires.
dossier ainsi que la conduite à tenir dictée par le chirurgien Enfin, le fœtus macrosome, même en l'absence de trau-
orthopédiste pédiatrique. La kinésie précoce doit être instaurée matisme, doit être bien surveillé car il est exposé à l'hypogly-
et une consultation orthopédique doit être réalisée à un mois cémie, surtout si la mère est diabétique.
afin de déterminer la nécessité ou non d'un traitement chirur- Compte tenu de la morbidité néonatale associée à la
gical à partir de trois mois en cas de persistance de la paraly- dystocie des épaules et de l'importance d'un diagnostic pré-
sie [28]. Une continuité des soins parfaite et une surveillance coce d'éventuelles lésions traumatiques, le pédiatre doit être
étroite sont indispensables car si les fractures consolident sans immédiatement informé de la survenue de la dystocie, des
problème en quatre semaines, les atteintes du plexus brachial manœuvres pratiquées de leurs difficultés.
Chapitre 15. Accouchement du gros enfant    201

Complications maternelles Peut-on accoucher ultérieurement par voie


Après une dystocie des épaules, le risque d'hémorragies du basse après une dystocie des épaules ?
post-partum et de lésions périnéales sévères est augmenté Un antécédent de dystocie des épaules muliplie par dix à 20
(NP3), un examen soigneux avec des valves du col utérin, le risque de dystocie lors de l'accouchement suivant [28].
des culs-de-sac, du vagin et du sphincter anal est indis- Trente-trois pour cent des femmes qui ont eu un enfant avec
pensable, surtout si une manœuvre de Jacquemier a été une lésion du plexus brachial avaient dans leurs antécédents
nécessaire. La surveillance sera soigneuse pour éviter toute une dystocie des épaules [11]. On peut penser que la césa-
hémorragie. rienne prophylactique éviterait au moins un tiers des lésions
La mortalité et la morbidité fœtales ont diminué grâce du plexus brachial. Cependant, l'ACOG [2] ne recommande
à l'élargissement de la césarienne dans l'accouchement pas la césarienne systématique mais une décision réfléchie
du gros enfant, bien que les lésions du plexus brachial en fonction du poids estimé de l'enfant par rapport à la gros-
puissent se voir après césarienne [6]. Dans les cas où l'ac- sesse précédente, l'existence ou non d'un diabète, la sévérité
couchement par voie basse est accepté, des complications de la dystocie et l'avis de la patiente. Le CNGOF [8] conseille
peuvent survenir à l'expulsion alors que l'accouchement une césarienne en cas d'antécédent de dystocie des épaules
avait progressé jusque-là normalement. C'est pourquoi la avec complications néonatales ou maternelles sévère. Dans
prudence exige la présence de l'obstétricien le plus expéri- tous les autres cas, la voie basse est possible (accord pro-
menté chaque fois qu'un macrosome doit naître, de façon fessionnel). On préviendra la patiente, en cas de nouveau
à traiter dans les meilleures conditions une dystocie des macrosome, que l'on peut aussi avoir une lésion du plexus
épaules toujours possible. brachial en extrayant l'enfant par césarienne si ce dernier est
très gros.
Compte rendu d'accouchement
après dystocies des épaules
Étant donné le risque de complications fœtales (plexus bra- Prévention des facteurs de risque
chial, anoxie) et ses implications médicolégales, il est très L'activité physique pendant la grossesse (30 minutes par
important que l'obstétricien et ou la sage-femme fassent un jour, 3 à 5 fois par semaine) est recommandée car elle
compte rendu précis de la chronologie des manœuvres qui réduit la prise de poids maternel et le risque de macrosomie
ont eu lieu, de l'état de l'enfant à la naissance et des infor- fœtale, y compris chez les femmes obèses (IMC ≥ 25). Le
mations données aux parents. On peut proposer comme le traitement spécifique du diabète gestationnel (diététique,
Royal College anglais ou le CNGOF d'avoir une liste d'items autosurveillance glycémique, insulinothérapie si nécessaire)
à renseigner : est recommandé pour réduire le risque de macrosomie et
■ le nom des médecins (obstétriciens, pédiatres, anesthé- le risque de dystocie des épaules [17]. La chirurgie baria-
sistes), sages-femmes ayant participé à l'accouchement ; trique, lorsqu'elle est associée à une perte de poids, permet
■ le côté du plan du dos ; une réduction de l'incidence du diabète gestationnel et de la
■ le côté de l'épaule antérieure : épaule droite ou gauche en macrosomie (NP3). Cependant, l'indication d'une chirurgie
avant ; bariatrique ne doit pa reposer sur des critères obstétricaux.
■ la chronologie des différentes manœuvres : Mac Roberts,
Wood, Jacquemier ;
■ le délai en minute entre la sortie de la tête et celle du Références
corps de l'enfant ; [1] ACOG. Guidelines. Fetal Macrosomia 2000 ; 22 : 1–10.
■ l'épisiotomie ou la déchirure si elles ont eu lieu ; [2] ACOG. Clinical guidelines shoulder dystocia. Obstet Gynecol 2002 ;
■ le volume des pertes sanguines ; 100 : 1045–9.
■ le score d'Apgar à deux, cinq et dix minutes ; [3] Allen R, Sorab J, Gonik B. Risk factors for shoulder dystocia : an enginee-
■ le pH ou les lactates au cordon ; ring study of clinician. Applied forces. Obstet Gynecol 1991 ; 77 : 352–6.
[4] Boulvain M, Senat MV, Perrotin F, et al. Induction of labour versus
■ l'examen de l'enfant : fracture de la clavicule, paralysie
expectant management for large-for-date fetuses : a randomised
d'un membre en précisant le côté, transfert ou non en controlled trial. Lancet 2015 ; 385 : 2600–5.
service néonatal ; [5] Breart G, Dufour P, Vinatier D. Fetal macrosomia : risk factors and
■ la nature des informations données aux parents. out comme. A study of the outcome concerning 100 cases > 4 500 g.
L'utilisation d'un formulaire spécifique pour ce compte Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1998 ; 77 : 51–9.
rendu permet d'améliorer la documentation des informa- [6] Chauchan S, Rose C, Gherman R. Brachial plexus enjury : a 23-years expe-
tions médicales [28]. rience from a tertiary center. Am J Obstet Gynecol 2005 ; 192 : 1795–802.
En cas de procès, un compte rendu précis et détaillé sera [7] CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : la césarienne.
très utile à l'expert pour comprendre la qualité de la prise J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29(Suppl.2) : 1–109.
en charge. Il sera utile de mettre par écrit sous forme d'un [8] CNGOF, Sentilhes L, Senat MV, et al. Dystocie des épaules : recom-
mandations pour la pratique clinique - texte court. J. Gynecol . Obstet
compte rendu au médecin traitant ce qui s'est passé, ce qui a
Biol . Reprod 2015 ; 44 : 1303–10.
été fait et l'état de l'enfant en suivant cette liste. [9] Cohen B, Penning S, Major C. Sonographic prediction of shoulder dys-
Une réunion de l'ensemble de l'équipe ayant pris en tocia in infants of diabetics mother. Obstet Gynecol 1996 ; 88 : 10–3.
charge la patiente (surtout s'il y a eu des manœuvres de [10] Coomarasamy A. Accurancy of ultrasound biometry in the prediction of
seconde intention) est souhaitable pour évaluer la qualité de macrosomia : a systematic quantitative review. BJOG 2005 ; 112 : 1461–5.
la prise en charge et progresser dans la prise encharge des [11] Donnelly V. Neonatal brachial plexus palsy : an unpredictable injury.
dystocies des épaules. Am J Obstet Gynecol 2002 ; 187 : 1209–12.
202   Partie III. Accouchements pathologiques

[12] Gastler E, Vial Y, Hohfeld P. Aspects actuels de la symphysiotomie. [23] RCOG. Mars. Shoulder dystocia Guidelines n° 422012.
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[13] Gherman RB, Chauhan S, Ouzounian JG, et al. Shoulder dystocia : the tocie des épaules. Lettre du gynécologue 2004 ; 295 : 10–2.
unpreventable obstetric emergency with empiric management guide- [25] Robinson H, Tkatch S, Mayes D, et al. Is maternal obesity a predictor
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Chapitre
16
Accouchement sur utérus
cicatriciel
L. Sentilhes, S. Brun, H. Madar, J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
L'utérus césarisé : un problème fréquent . . . . 203 Cicatrices utérines autres que la césarienne . . 211
Césarienne programmée . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
Surveillance du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

Les autres causes d'utérus cicatriciel sont :


OBJECTIFS Les myomectomies uniques ou multiples par cœlioscopie
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : ou laparotomie
• de décrire les facteurs de pronostic défavorable chez une Les ruptures utérines après IVG ou hystéroscopie
femme enceinte ayant un utérus cicatriciel ; Les mini-césariennes après interruption tardives de
• de discuter les éléments du choix, du mode grossesse
d'accouchement (direction du travail, expulsion,
extraction) chez une femme porteuse d'un utérus L'accouchement par voie basse
cicatriciel ; avec un utérus cicatriciel est possible
• de décrire les différentes variétés étiologiques et En France, 36 % des femmes ayant un utérus cicatriciel
anatomiques des ruptures utérines ; accouchent par voie basse ; 51 % de ces femmes ont une
• de faire le diagnostic d'une rupture utérine et de mettre césarienne avant travail et, parmi celles qui débutent un tra-
en route la thérapeutique appropriée. vail, 75 % accouchent par voie vaginale.
Les modalités de l'accouchement doivent être détermi-
nées par un gynécologue-obstétricien senior après :
■ avoir récupéré les compte rendus opératoires (CRO) de
la ou des césariennes, ou des interventions chirurgicales
L'utérus césarisé : un problème utérines précédentes ;
fréquent ■ avoir apprécié de façon soigneuse le risque/bénéfice de
chaque voie pour la mère et pour l'enfant.
Une parturiente sur dix a un utérus
cicatriciel [5] Bénéfices et risques maternels
La cause essentielle de l'utérus cicatriciel est l'antécédent de de la tentative de voie basse
césarienne.
En France, en 2010, le taux de césarienne est de 20,8 % comparée à la césarienne programmée
contre 15,5 % en 1995. Parallèlement, la prévalence de l'uté- en cas d'antécédent de césarienne [3]
rus cicatriciel a augmenté de 8 à 11 % des parturientes, et de La mortalité maternelle demeure un événement très rare,
14 à 19 % des multipares, entre 1995 et 2010. quel que soit le mode d'accouchement après un antécédent
L'utérus cicatriciel constitue, dans les pays développés, de césarienne (NP2). Elle pourrait être moindre en cas de
le principal facteur de risque de rupture utérine dont l'inci- tentative de voie basse après césarienne (NP3).
dence globale est estimée entre 0,1 et 0,5 % chez les femmes Le risque de rupture utérine complète est significative-
avec antécédent de césarienne. C'est également un facteur ment augmenté en cas de tentative de voie basse après césa-
de risque majeur d'insertion placentaire anormale (pla- rienne par rapport à la césarienne programmée sur utérus
centa praevia et accreta), dont l'incidence augmente avec le cicatriciel (NP2). Ce risque est toutefois faible, d'environ 0,2 à
nombre de cicatrices. 0,8 % en cas d'utérus unicicatriciel.

Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 203
204   Partie III. Accouchements pathologiques

La survenue d'une plaie opératoire, principalement de la La prévalence d'encéphalopathie anoxo-ischémique est


vessie, demeure un événement rare (moins de 1 %), aussi faible et semble significativement plus importante dans le
bien après tentative de voie basse que par césarienne (NP2). groupe voie basse (0,8/1 000) comparé au groupe césarienne
Les risques de complications hémorragiques nécessitant (0/1 000) (NP3).
une hystérectomie ou une transfusion sanguine sont discutés Le taux d'intubation en cas de liquide amniotique méco-
en raison du caractère hétérogène des populations étudiées. nial est significativement plus important dans le groupe voie
Ces risques ne semblent toutefois pas très différents selon basse comparé au groupe césarienne (NP2).
le mode d'accouchement programmé, la tentative de voie Le taux de sepsis néonatal suspecté et prouvé est signifi-
basse ou la césarienne (NP3). cativement plus important en cas de voie basse (5 % et 1 %,
Les risques d'infections du post-partum et thromboembo- respectivement) comparé à la césarienne (2 % et 0 %, res-
liques veineux semblent identiques entre une tentative de pectivement) (NP2).
voie basse et une césarienne, et demeurent rares (NP3). Le Le risque de détresse respiratoire transitoire est significa-
risque infectieux est avant tout lié à la présence d'une obésité tivement plus important dans le groupe césarienne (6 %)
associée (NP2). comparé au groupe voie basse (3 %) (NP2). Pour diminuer
La durée de séjour hospitalière est plus longue après une ce risque, et en dehors de situations particulières, la césa-
césarienne qu'après une voie basse (NP3). rienne ne doit pas être réalisée avant 39 SA (grade B).
La morbidité maternelle en cas d'utérus cicatriciel est Les résultats des études sur l'impact du mode d'accou-
majorée après un échec de voie basse par rapport à l'accou- chement sur le score d'Apgar bas sont discordants et ne
chement effectif par les voies naturelles. La nécessité d'ef- permettent pas de conclure (accord professionnel) tandis
fectuer une césarienne en urgence augmente les risques de que la majorité des études ne retrouve pas d'augmentation
plaies opératoires, de complications hémorragiques néces- d'admissions en unité de soins intensifs selon le mode d'ac-
sitant une hystérectomie ou une transfusion sanguine, et de couchement (NP3).[12]
complications infectieuses (endométrite du post-partum)
(NP2). La morbidité maternelle d'un accouchement par
voie basse après un antécédent de césarienne diminue avec Facteurs influençant la voie
le nombre de succès d'accouchement par voie basse (NP2). d'accouchement en cas de tentative
de voie basse sur utérus cicatriciel [15]
Bénéfices et risques néonataux Trois facteurs sont fortement associés à la réussite de la ten-
de la tentative de voie basse comparée tative d'accouchement par voie basse :
à la césarienne programmée en cas ■ un antécédent d'accouchement vaginal , surtout si l'ac-
d'antécédent de césarienne (tableau 16.1) couchement par voie vaginale a eu lieu après la césa-
rienne (NP2) ;
Globalement, les complications néonatales sont rares quel ■ un score de Bishop favorable ou un col considéré comme
que soit le mode d'accouchement en cas d'antécédent de favorable à l'entrée en salle de travail (NP2) ;
césarienne. ■ un travail spontané (NP2).
La mortalité fœtale in utero est faible mais augmentée en Dans ce type de situation, la tentative d'accouchement
cas de voie basse (0,5/1 000 à 2,3/1 000) en comparaison de par voie basse doit clairement être encouragée.
la césarienne (0/1 000 à 1,1/1 000) (NP2). Le risque absolu de Plusieurs facteurs diminuent le taux de succès de la tenta-
mortalité périnatale en cas de voie basse est faible (1/1 000 à tive d'accouchement par voie basse :
2,9/1 000) mais significativement augmenté en comparaison ■ antécédent de césarienne pour non-progression du tra-
avec la césarienne (0/1 000 à 1,8/1 000) (NP2). De même, le vail ou non-descente de la présentation fœtale à dilata-
risque absolu de mortalité néonatale est faible en cas de voie tion complète (NP3) ;
basse (1,1/1 000) et significativement augmenté en compa- ■ antécédent de deux césariennes (bien que le taux de suc-
raison avec la césarienne (0,6/1 000) (NP2). cès de l'accouchement par voie basse reste élevé [70 %])
(NP3) ;
Tableau 16.1. Bénéfices/risques de la tentative ■ âge maternel supérieur à 40 ans (NP3) ;
d'accouchement par voie basse avec utérus ■ l'IMC supérieur à 30 (NP3) ;
cicatriciel (en comparaison avec la césarienne ■ une grossesse prolongée au-delà de 41 SA (NP3) ;
programmée). ■ un poids de naissance estimé supérieur à 4 000 g.
Cependant, il est rappelé que l'estimation de poids fœtal
Bénéfices/risques maternels Bénéfices/risques fœtaux
par échographie reste très imprécise, avec un risque d'en-
– Mortalité maternelle moindre – Mortalité in utero augmentée viron 50 % de faux positifs pour prédire un poids de nais-
– Rupture utérine augmentée – Encéphalopathie anoxo- sance supérieur à 4 000 g (NP2) ; autrement dit, lorsqu'on
– Morbidité maternelle hors ischémique augmentée
rupture moindre – Intubation si liquide
estime qu'un fœtus a un poids de naissance supérieur à
– Durée de séjour hospitalier amniotique méconial 4 000 g, on a une chance sur deux d'avoir raison, et une
moindre augmenté « chance » sur deux d'avoir tort ;
– Sepsis augmenté ■ le recours au déclenchement du travail, quelle que soit la
– Détresses respiratoires méthode utilisée, est associé à une diminution du taux de
diminuées succès de l'accouchement par voie basse (NP2).
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel    205

Les scores et nomogrammes (incluant dans des modèles le risque de rupture utérine augmente avec la réduction
mathématiques différents paramètres prédictifs d'échec et de de l'intervalle écoulé entre l'accouchement par césarienne
réussite d'une tentative de voie basse) sont d'une utilité cli- et la date de conception de la grossesse suivante (NP3).
nique limitée pour identifier le groupe de patientes à risque Une tentative de voie basse est autorisée même en cas de
de césarienne en cours de travail (accord professionnel). délai inférieur à six mois uniquement si les conditions
Les patientes qui multiplient les facteurs de risque obstétricales sont très favorables (voir modalités pra-
d'échec de césarienne (patiente de 40 ans, ayant un IMC à tiques infra) (accord professionnel).
35, à 41 SA, avec une suspicion de macrosomie fœtale et un ■ Antécédent de césarienne avant 37 SA avec cicatrice
antécédent de césarienne pour stagnation de la dilatation) segmentaire : acceptation d'une tentative de voie basse
ont des chances de succès d'accouchement par voie basse (accord professionnel).
supérieures à 50 % mais inférieures à 70 %. ■ Échographie pour estimer l'épaisseur de la cicatrice uté-
En conclusion, la multiplication des facteurs de risque rine : aucune utilité clinique. Elle n'est donc pas recom-
d'échec de voie basse n'est pas en soi une indication à propo- mandée au cours de la grossesse pour décider de la voie
ser ou à orienter la patiente vers une césarienne. d'accouchement (accord professionnel).
La réalisation d'une radiopelvimétrie pour accepter ou En conclusion, une tentative de voie basse est possible
non une voie basse est associée à une augmentation du taux dans toutes les situations étudiées, à l'exception de l'inci-
de césarienne itérative sans diminution du taux de rup- sion corporéale lors de la césarienne précédente (grade B)
ture utérine (NP2). Si le bassin est cliniquement normal, et d'un antécédent d'au moins trois césariennes (accord
le pelviscanner n'est pas nécessaire pour décider de la voie ­professionnel) [10]
d'accouchement ni pour la conduite du travail en cas de ten-
tative de voie basse (grade C). Situations cliniques particulières,
Si le bassin est cliniquement normal et la présentation en
sommet, la radiopelvimétrie ou le pelviscanner ne doit pas maternelles ou fœtales, influençant
être prescrit pour déterminer les modalités d'accouchement le choix du mode d'accouchement
en cas d'utérus cicatriciel. En revanche, il faut le faire dans en cas d'antécédent de césarienne
les accouchements du siège. ■ Grande multiparité : elle est associée à une réduction
significative des échecs de la tentative de voie basse et
Critères d'acceptation de la voie vaginale du risque de rupture utérine (NP3). La tentative de voie
basse devrait être encouragée pour les grandes multipares
selon les caractéristiques de la cicatrice (grade C).
utérine [8, 9] ■ Diabète préexistant à la grossesse : les diabètes
■ Utérus malformé : acceptation d'une tentative de voie ­gestationnels équilibrés sous régime ne constituent
basse en cas de présentation céphalique. pas un facteur de risque d'échec de la tentative de voie
■ Absence du compte rendu opératoire de la césarienne basse (NP3). Le diabète, gestationnel ou antérieur à la
précédente : acceptation d'une tentative de voie basse ­grossesse, n'est pas en lui-même un facteur de risque
(accord professionnel), sauf si des éléments du dossier de rupture utérine (NP3). En l'absence de macrosomie
font suspecter la possibilité d'une cicatrice corporéale fœtale, une t­ entative d'accouchement par voie basse est
(naissance d'un enfant de 700 g par exemple). possible pour les patientes diabétiques quelles que soient
■ Antécédent de cicatrice corporéale : une césarienne ité- la nature et l­'ancienneté du diabète (grade C). La prise en
rative est recommandée en cas d'incision corporéale en charge d'une patiente ayant un diabète gestationnel avec
raison du risque de rupture utérine élevé (grade B). un u­ térus cicatriciel est la même que celle des patientes
■ Antécédent de fièvre du post-partum : le surrisque de ayant diabète gestationnel sans utérus cicatriciel.
rupture utérine en cas d'antécédent n'est pas démontré. ■ Obésité maternelle morbide (IMC > 40) : elle est associée
Cet antécédent n'est donc pas une indication de césa- à une réduction des taux de succès de la tentative de voie
rienne itérative (accord professionnel). basse mais pas à une augmentation significative des rup-
■ Utérus bicicatriciel : la tentative de voie basse après deux tures utérines (NP3). La tentative de voie basse est pos-
césariennes pourrait augmenter le risque de rupture uté- sible pour ces patientes (grade C). Une césarienne avant
rine par comparaison aux patientes n'ayant eu qu'une travail est préférable à une tentative de voie basse en cas
seule césarienne (NP3). La tentative de voie basse en cas d'IMC supérieur à 50 en raison des taux d'échec très éle-
d'utérus bicicatriciel demeure cependant possible lors de vés de la voie basse (87 %) (grade C) et des difficultés de
situations obstétricales favorables (accord professionnel) mobilisation rapide de ces patientes dans le contexte de
car l'augmentation du risque de rupture utérine est faible l'urgence (accord professionnel).
(risque absolue : 1–2 %) et le taux d'accouchement vagi- ■ Version par manœuvre externe (VME) et siège : le
nal élevé (70 %) (voir modalités pratiques infra). taux de succès de la VME pour présentation du siège
■ Utérus tricicatriciel : une césarienne est recommandée ne semble pas être affecté par le caractère cicatriciel de
à partir de trois antécédents de césarienne en dehors du l'utérus (NP3). Il n'a pas été rapporté d'augmentation du
contexte de la mort fœtale in utero et de l'interruption risque de rupture utérine (NP4). Une VME devrait être
médicale de grossesse (accord professionnel). proposée aux patientes éligibles à une tentative de voie
■ Intervalle entre l'accouchement par césarienne et la date basse (grade C). En cas de confrontation favorable entre
de conception de la grossesse suivante inférieur à un an : la pelvimétrie et les biométries fœtales, et d'absence de
206   Partie III. Accouchements pathologiques

déflexion persistante de la tête fœtale, une tentative de une décision influencée par des intervenants extérieurs) ;
voie basse est possible pour les patientes avec un fœtus en ■ de faire valider par un obstétricien senior au cours du
présentation du siège (accord professionnel) et doit être huitième mois (accord professionnel) la décision de voie
encouragée comme pour les sièges sans utérus cicatriciel d'accouchement ;
(voir modalités pratiques infra). ■ de motiver et de noter dans le dossier médical, avec la
■ Grossesse gémellaire : le taux de succès de la tentative de date et le nom de l'obstétricien (accord professionnel),
voie basse en cas de grossesse gémellaire semble compa- l'option retenue, en particulier l'accord de la patiente avec
rable à celui rapporté en cas de grossesse unique (NP3), l'option choisie qui doit apparaître dans le dossier ;
sans qu'y soit associée dans le même temps d'augmenta- ■ d'expliciter dans le dossier l'attitude à adopter en cas
tion cliniquement significative du taux de rupture utérine d'entrée en travail inopinée avant la date d'une césarienne
(NP3)(1). Une tentative de voie basse est possible pour programmée (accord professionnel). En particulier, il
les patientes enceintes de jumeaux) (grade C) et doit être faut expliquer aux patientes que si un travail spontané
encouragée comme pour les sièges sans utérus cicatriciel survenait avant la date de la césarienne programmée, il
(voir modalités pratiques infra). est possible que l'équipe rediscute avec la patiente des
■ La macrosomie fœtale : elle est définie a posteriori par modalités de l'accouchement et d'une tentative de voie
un poids de naissance supérieur à 4 000 g, est associée à basse ;
une augmentation du risque d'échec de la tentative ■ de privilégier l'avis de la patiente, après une information
de voie basse (NP3) et à un taux de rupture utérine dou- éclairée et un délai de réflexion.
blé (NP3). Cependant, les taux de succès de la voie basse
restent suffisamment élevés (> 60 %) et l'augmentation
des taux de rupture utérine minime pour ne pas justifier Conduite de l'accouchement sur utérus
la pratique d'une césarienne avant travail en cas de sus- cicatriciel
picion de macrosomie (grade C). Néanmoins, en cas de La conduite de l'accouchement sur utérus cicatriciel
suspicion de macrosomie supérieure à 4 500 g, particu- expose au risque de rupture utérine avec ses conséquences
lièrement chez les patientes n'ayant jamais accouché par fœtales (anoxie aiguë, mort) et maternelles (hémorra-
voie vaginale, les chances de succès de la voie basse sont gie, hystérectomie). Grâce à une sélection correcte des
assez faibles (< 40 %) (NP3) et l'augmentation des taux patientes et à une surveillance rigoureuse de la tenta-
de rupture utérine assez élevée (× 3) (NP3) pour qu'une tive de voie basse, le taux de rupture de l'utérus varie en
césarienne soit recommandée (grade C). moyenne entre 0,3 et 1 %.
■ Accouchement prématuré : la tentative de voie basse doit
être encouragée pour les patientes accouchant prématu-
rément (grade C).
■ Grossesse prolongée : elle est associée à une réduction des Césarienne programmée
taux de succès de la voie basse mais pas à une augmen-
tation du risque de rupture utérine (NP3). Une tentative Indications (tableau 16.2)
de voie basse est possible pour les patientes dépassant le Elles sont liées au bassin, à l'obésité maternelle, à la cicatrice
terme de 41 SA (grade C). Ce n'est pas une situation en utérine et à la grossesse en cours.
soi justifiant une césarienne avant travail.
■ Retard de croissance intra-utérin : acceptation d'une Rétrécissements pelviens
tentative de voie basse. Aucune étude n'a traité spécifi-
quement de l'effet sur le risque de rupture utérine et sur Les bassins chirurgicaux (voir Chapitre 13, « Anomalies du
l'échec de la tentative de voie basse du fœtus en retard de bassin ») sont bien sûr une indication de césarienne itérative.
croissance intra-utérin. Dans les rétrécissements pelviens modérés, l'indication
de la première césarienne est souvent mixte et liée certes
Prise de décision au rétrécissement mais aussi à une présentation défléchie
ou à une dystocie dynamique. Il faut donc revoir dans le
Après information éclairée loyale et compréhensible de compte rendu de l'accouchement la variété de la présenta-
la patiente, une décision doit être prise en accord avec le tion, son degré de flexion, les tracés cardiotocographiques,
couple. le partogramme, et vérifier la réalité du rétrécissement par
Il est recommandé : l'examen clinique et, dans de rares cas, par une pelvimétrie
■ d'informer les patientes sur les particularités d'une qui sera confrontée au diamètre bipariétal de la grossesse
naissance avec utérus cicatriciel au décours de toute en cours. Les rétrécissements pelviens modérés ne sont pas
césarienne dès la période du post-partum, et notam- une indication de césarienne prophylactique itérative de
ment lors de la visite postnatale (accord professionnel). principe si la confrontation céphalopelvienne clinique est
L'information dispensée doit préciser qu'il est recom- favorable.
mandé d'attendre un an avant une nouvelle conception
(accord professionnel). Une information sera de nouveau
dispensée lors de la consultation préconceptionnelle ; Obésité maternelle avec un IMC supérieur à 50
■ d'aborder les modalités de l'accouchement le plus tôt pos- Une césarienne est préférable en raison du taux élevé d'échec
sible au cours de la grossesse (afin d'éviter d'aborder cette de la voie basse (87 %) et des difficultés de mobilisation de la
question au dernier moment quand la patiente a déjà pris patiente en cas de césarienne urgente.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel    207

Tableau 16.2. Indications formelles de césarienne programmée chez une femme antérieurement
césarisée.
Indications liées à la mère Indications liées à la cicatrice utérine Indications liées à la grossesse actuelle
– Bassin chirurgical – Cicatrice corporéale – Estimation de poids fœtal ≥ 4 500 g sans
– Rétrécissements avec – Utérus tricicatriciel antécédent d'accouchement par voie basse
disproportion fœtopelvienne – Utérus malformé, césarisé + présentation – Placenta praevia recouvrant
– Obésité morbide : IMC > 50 non céphalique – Suspicion d'acidose fœtale
– Délai césarienne : grossesse inférieur
à 3 mois

Cicatrice utérine dôme vésical est fréquente et expose davantage la vessie à


Elle peut être a priori de mauvaise qualité et justifier d'une une blessure, et il faut en tenir compte lors de l'ouverture
césarienne, qu'il s'agisse de : du péritoine. L'hystérotomie elle-même et sa suture ne
■ cicatrices corporéales ou de cicatrices segmentaires avec présentent pas de difficultés particulières même après trois
trait de refend corporéal ; césariennes.
■ cicatrices des minicésariennes pour interruption tardive Lors de la césarienne, l'état de la cicatrice ou la décou-
de grossesse, ou perforations utérines au cours d'IVG, verte d'une prérupture lors de l'intervention peut faire poser
compliquées d'infection ; une indication médicale de stérilisation, si on a le consente-
■ cicatrices utérines multiples (par exemple 3 césa- ment de la patiente.
riennes, césarienne + myomectomie ou myomectomies La stérilisation tubaire, même au cours d'une troisième
multiples) ; césarienne, doit être envisagée avec beaucoup de réticence
■ cicatrice de myomectomie percœlioscopique non sutu- chez les patientes de moins de 30 ans et, dans tous les cas,
rée ou compliquée avec une présentation autre que le il faut s'assurer au moment de lier les trompes que l'enfant
sommet ; que l'on vient d'extraire ne présente aucune pathologie
■ cicatrice de césarienne sur un utérus malformé ; majeure.
■ cicatrices utérines pour lesquelles on ignore l'indication, Elle n'a rien d'obligatoire car quatre, voire cinq, césariennes
la technique de réalisation, les suites, surtout si elles sont possibles si la femme le souhaite et si les conditions ana-
ont été réalisées dans un pays où la densité médicale est tomiques sont bonnes. En aucun cas l'opérateur n'est autorisé
faible. à lier les trompes si la patiente lui a signifié son refus ou s'il n'y
Le délai entre la césarienne et la grossesse suivante infé- a pas un délai de réflexion de quatre mois entre l'information
rieur à trois mois. et la réalisation de la stérilisation.
En pratique, il vaut mieux, sauf exception, séparer les
Grossesse actuelle deux interventions. Il est préférable de pratiquer une stérili-
sation secondaire qui peut être faite sans anesthésie par hys-
On décide d'une césarienne devant : téroscopie après discussion avec le couple et en connaissant
■ une surdistension utérine (macrosomie, > 4 500 g chez le devenir du nouveau-né.
une femme n'ayant jamais accouché, hydramnios) ;
■ une présentation autre que celle du sommet, bien que
certains acceptent l'accouchement du siège sur utérus
cicatriciel ; Surveillance du travail
■ un placenta praevia recouvrant. Dans ce cas, il faut pen-
ser au placenta accreta et essayer d'en faire le diagnostic
Conditions de réalisation
par échographie Doppler et/ou par IRM. Il y a un risque Les trois risques de la tentative d'accouchement par voie
important d'hémorragie grave lors de la délivrance. Ces basse sont la rupture utérine, l'acidose et l'anoxie fœtale
césariennes doivent être faites par un chirurgien entraîné, induites par la rupture et l'échec. La patiente doit être infor-
dans un établissement ayant une unité de réanimation mée du risque de rupture inférieure à 1 % en l'absence de
adulte, une structure d'embolisation, du sang doit être déclenchement.
prévu et la patiente informée du risque d'hystérectomie ;
■ une suspicion d'acidose fœtale qui, dans d'autres circons- Cas favorables (tableau 16.3)
tances, serait une indication de césarienne. Ces risques sont réduits au minimum si l'on prend soin de
vérifier qu'il n'existe aucun facteur péjoratif indiquant une
Date de la césarienne programmée césarienne prophylactique.
Les éléments du pronostic sont constitués par :
En l'absence de pathologie fœtomaternelle, la césarienne ne ■ l'indication, le compte rendu opératoire et les suites de la
doit être réalisée qu'à partir de 39 SA (NP1) [3, 4]. césarienne antérieure ;
■ une échographie avec biométrie fœtale normale et locali-
Particularités techniques sation placentaire fundique ;
La morbidité maternelle n'est pas augmentée lors des ■ un antécédent d'accouchement vaginal, surtout si l'accou-
césariennes itératives si elles sont réalisées par un opéra- chement par voie vaginale a eu lieu après la césarienne
teur entraîné à la chirurgie gynécologique. L'ascension du (NP2) ;
208   Partie III. Accouchements pathologiques

Tableau 16.3. Facteurs influençant le risque de rupture utérine lors d'une tentative d'accouchement par
voie basse sur utérus cicatriciel [4].
Critère Risque de rupture utérine Conséquences pratiques
Cicatrice corporéale Augmentation majeure (NP3) Césarienne programmée recommandée
(grade B)
Utérus multicicatriciel Augmentation modérée (NP3) Tentative de voie basse possible avec prudence
– utérus bicicatriciel Données insuffisantes (accord professionnel)
– utérus tricicatriciel et + Césarienne programmée recommandée (accord
professionnel)
Antécédent de rupture utérine Augmentation majeure (NP4) Césarienne programmée recommandée (accord
professionnel)
Antécédent de césarienne < 37 SA Augmentation minime (NP3) Tentative de voie basse possible (accord
professionnel)
Mesure échographique du segment Données insuffisantes Utilité clinique non démontrée. Examen
inférieur complémentaire non recommandé en routine
(accord professionnel)
Fièvre en post-partum Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Malformation utérine associée Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Myomectomie (laparotomie, cœlioscopie, Données insuffisantes Tentative voie basse possible en fonction des
hystéroscopie) données du compte rendu opératoire (accord
professionnel)
Suture utérine en 1 plan versus 2 plans Données insuffisantes Tentative voie basse possible (accord professionnel)
Intervalle entre la césarienne et début de Augmentation modérée (NP3) Tentative voie basse possible avec prudence
la grossesse suivante < 6 mois (accord professionnel)
Déclenchement versus travail spontané : Données insuffisantes Utilisation possible avec prudence (accord
– ballon transcervical Augmentation minime à modérée professionnel)
– ocytocine (NP2) Utilisation possible avec prudence (grade C)
– PGE2 Augmentation modérée à majeure À n'utiliser qu'au cas par cas (accord professionnel)
– misoprostol aux doses étudiées (NP2) Utilisation non recommandée
Augmentation majeure (NP4) (accord professionnel)
Antécédent(s) d'accouchement(s) par voie Réduction minime à modérée (NP3) Tentative d'accouchement par voie basse
vaginale encouragée (grade C)
Macrosomie : Aucune donnée Utilité de l'EPF échographique systématique non
– estimation échographique du poids Augmentation minime à modérée démontrée (accord professionnel)
fœtal > 4 000 g (NP3) Tentative de voie basse possible (accord
– poids de naissance > 4 000 g Augmentation modérée (NP3) professionnel)
– poids de naissance > 4 500 g Césarienne programmée recommandée si évaluation
du poids fœtal > 4 500 g (accord professionnel)
particulièrement chez les patientes n'ayant pas
accouché par voie vaginale
Gémellaire Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Siège Données insuffisantes Tentative de voie basse possible (accord
professionnel)
Grossesse prolongée Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Prématurité Réduction minime (NP3) Tentative de voie basse encouragée (grade C)
Diabète Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (grade C)
Obésité maternelle Non modifié (NP3) Tentative de voie basse possible (Grade C)
Césarienne programmée encouragée si IMC > 50a
(accord professionnel)
La décision du mode d'accouchement doit tenir compte de l'association éventuelle de plusieurs facteurs de risque et/ou protecteurs de
rupture utérine, ainsi que des facteurs influençant le taux de succès de la tentative de voie basse (accord professionnel).

EPF : estimation du poids fœtal ; IMC : indice de masse corporelle ; NP : niveau de preuve ; OR : odds ratio ; RU : rupture utérine ; TVBAC : tentative de voie basse
après césarienne ; CPAC : césarienne programmée après césarienne.
a
Cette recommandation a été élaborée en tenant également compte du taux de succès de la tentative de voie basse dans cette situation particulière.
Nous avons arbitrairement considéré dans ce tableau, les correspondances suivantes : OR = 1–2 : « augmentation minime » du risque de RU ; OR > 2–5 :
« augmentation modérée » du risque de RU ; OR > 5 : « augmentation majeure » du risque de RU.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel    209

■ un score de Bishop favorable ou un col considéré comme ils augmentent les chances d'accoucher par voie vaginale
favorable à l'entrée en salle de travail (NP2) ; (NP2).
■ un travail spontané (NP2). L'ocytocine peut être utilisée prudemment pour le
Lorsque tous ces éléments sont favorables, la tentative d'ac- déclenchement du travail (grade C) mais elle est associée à
couchement par voie basse est encouragée et l'accouchement une augmentation minime à modérée du risque de rupture
a toutes les chances de se faire par les voies naturelles [2]. utérine par comparaison au travail spontané (NP2). Le débit
de l'ocytocine doit être réglé de façon à ne pas avoir plus de
quatre contractions pendant une période de dix minutes.
Cas limites
Les prostaglandines E2 (PGE2) n'ont pas d'AMM en cas
Plusieurs facteurs diminuent le taux de succès de la tentative d'utérus cicatriciel et sont associées à une augmentation
d'accouchement par voie basse : significative du risque de rupture utérine (NP2). Il est
■ antécédent de césarienne pour non-progression du tra- observé une réduction du taux de succès de la tentative de
vail ou non-descente de la présentation fœtale à dilata- voie basse dans les situations pour lesquelles les prostaglan-
tion complète (NP3) ; dines sont utilisées (conditions cervicales défavorables).
■ antécédent de deux césariennes (NP3) ; Pour le CNGOF, « la décision de les utiliser comme méthode
■ âge maternel supérieur à 40 ans (NP3) ; de déclenchement doit tenir compte des facteurs obstétri-
■ indice de masse corporelle supérieur à 30 (NP3) ; caux et maternels pouvant influencer le succès d'une tenta-
■ grossesse prolongée au-delà de 41 SA (NP3) ; tive de voie basse. Leur utilisation doit être associée à la plus
■ poids de naissance estimé supérieur à 4 000 g ; grande prudence (accord professionnel) » [9]. Pour nous, les
■ recours au déclenchement du travail, quelle que soit la PGE2 sont contre-indiquées en cas d'utérus cicatriciel.
méthode utilisée (NP2). Le misoprostol semble augmenter de façon impor-
Comme pour tous les dossiers en cas d'antécédent de tante le risque de rupture utérine en cas d'utérus cicatri-
césarienne, il est nécessaire de noter sur le dossier l'accord ciel avec les protocoles étudiés (NP4). Son utilisation en
du médecin et de la patiente pour le choix décidé : tenta- l'état des connaissances n'est pas recommandée (accord
tive de voie basse ou césarienne programmée et modalités professionnel).
de prise en charge si un travail spontané survient avant la L'utilisation d'un ballon transcervical est possible avec
date de programmation de la césarienne programmée (césa- prudence car l'étude la plus robuste rapporte une augmen-
rienne en cours de travail ou possibilité de tentative de voie tation modérée de ce risque (NP4). Les modalités de la pose
basse du fait du travail spontané). sont décrites au chapitre 28 (p. 335). L'ablation de la sonde
se fait au bout de 24 heures avec réévaluation :
Déclenchement et utérus cicatriciel ■ si score de Bishop supérieur ou égal 6 : rupture des mem-
branes et perfusion d'ocytocine ;
Le déclenchement dans ce cas n'est pas contre-indiqué ■ si score de Bishop entre 4 et 5 : possibilité de déclenche-
(RPC) [3, 4]. ment par rupture des membranes et perfusion d'ocy-
En cas de déclenchement sur un utérus cicatriciel, le tocine en fonction des antécédents obstétricaux et des
risque de césarienne en cours de travail est modérément données obstétricales ;
augmenté tandis que celui de rupture utérine est environ ■ si score de Bishop inférieur ou égal à 3 : décision de césa-
doublé par rapport au travail spontané (NP2). rienne programmée.
Le déclenchement du travail sur utérus cicatriciel doit Les modalités de déclenchement chez une patiente ayant
donc : un utérus cicatriciel sont résumées dans le tableau 16.4.
■ être motivé par une indication médicale, et le déclen-
chement de convenance doit être évité (accord
professionnel) ; Conduite de la tentative
■ respecter les contre-indications : d'accouchement par voie basse
– utérus bicicatriciel ; La surveillance de l'accouchement, en particulier de la dila-
– intervalle entre l'accouchement par césarienne et la tation, devra être suivie dans la mesure du possible par le
date de conception de la grossesse suivante inférieur à même obstétricien.
six mois.
Dans certaines situations (terme dépassé, 41 SA + 5 jours, Éléments de surveillance
RPM > 48 h), il peut être préférable d'adopter une attitude
expectative pour permettre un déclenchement spontané Contractions utérines
ou un déclenchement sur des conditions locales plus favo- La dynamique utérine est surveillée par une tocométrie
rables, plutôt que de décider un déclenchement (ou une externe permanente tant que les membranes ne sont pas
césarienne itérative) sur des conditions locales défavorables, rompues (rupture artificielle ou spontanée au début du
la balance avantages/inconvénients n'étant alors pas en travail).
faveur d'un déclenchement. Cette attitude sera à discuter Tocométrie interne : il n'y a pas d'intérêt à la mise en
avec la patiente [7]. place systématique d'une tocométrie interne pour la sur-
En cas de déclenchement, un accouchement antérieur veillance du tonus et de l'activité utérine durant le travail
par voie vaginale et l'examen du col favorable sont des élé- chez des patientes avec antécédent de césarienne (accord
ments importants à intégrer dans la prise de décision car professionnel). La tocométrie interne peut être un outil
210   Partie III. Accouchements pathologiques

Tableau 16.4. Accouchement avec utérus cicatriciel. il est souhaitable d'éviter l'anesthésie générale (accord
Conduite de la tentative d'accouchement par voie professionnel), la réalisation d'une péridurale est encou-
basse. ragée (accord professionnel) [4]. Elle ne masque pas les
signes de rupture utérine. Selon les circonstances et en
Score de Bishop Modalités de déclenchement fonction du souhait de la parturiente, un cathéter péridu-
Bishop ≥ 6 Amniotomie + oxytocine ral peut être placé en attente en début de travail (accord
Bishop < 6 Expectative si possible ou professionnel).
déclenchement par ballon ■ Lorsqu'elle est possible, l'anesthésie locorégionale est la
intracervical technique de choix pour la césarienne même si l'antécé-
Bishop = 0-2 et naissance Déclenchement par ballon dent de césarienne est associé à une insertion anormale
souhaitée dans un délai court intracervical ou du placenta (accord professionnel) [6].
césarienne programmée en
fonction des antécédents Évolution du travail dans la tentative
obstétricaux et des données
obstétricales
d'accouchement par voie basse
■ En cas de stagnation et en l'absence d'anomalies du
rythme cardiaque fœtal :
utile pour enregistrer les contractions si la qualité d'enre- – en phase de latence (jusqu'à 5 cm chez la multipare et
gistrement en tocométrie externe est insuffisante mais jusqu'à 6 cm chez la primipare), il est conseillé d'at-
elle ne permet pas de prédire ou diagnostiquer la rupture tendre six heures après la rupture de la poche des eaux
utérine (accord professionnel). Elle est particulièrement avant de décider d'une césarienne ;
utile : – en phase active du travail, l'hypocinésie en est la cause
■ chez les femmes obèses ; la plus habituelle ; il est recommandé de pratiquer
■ devant une anomalie de la dilatation, la tocographie per- une amniotomie en première intention (accord pro-
mettant le diagnostic et le traitement de l'hypocinésie qui fessionnel) et de poser une perfusion d'ocytociques.
est la cause la plus fréquente de ce type d'anomalie ; Après deux heures de stagnation de la dilatation, on se
■ en cas de modification brutale de l'activité utérine (hyper- résoudra à pratiquer une césarienne.
ou hypocinésie) qui doit immédiatement faire penser à ■ La rotation manuelle n'est pas contre-indiquée en cas
une rupture utérine. d'utérus cicatriciel. Elle est conseillée en cas de présenta-
L'utilisation de l'ocytocine ne doit pas être systématique tion postérieure, surtout en deuxième partie de la phase
(accord professionnel). Il faut employer la dose d'ocytocine active et en cas de stagnation de la dilatation ou de non-
la plus faible possible, nécessaire à l'obtention d'une dyna- engagement du mobile fœtal.
mique utérine satisfaisante (accord professionnel). Il est
conseillé de diminuer les doses d'ocytocine en cas de dyna- Signes cliniques de prérupture utérine
mique efficace si ces doses sont supérieures à 10 mUI/min.
La perfusion doit être surveillée avec attention car le risque La rupture utérine survient dans 0,1 à 0,5 % des utérus cica-
de rupture utérine associée à l'utilisation de l'ocytocine est triciel et 0,2 à 0,8 % des tentatives de voie basse (NP2). Elle
dose-dépendante (NP3). est associée à une morbidité maternelle sévère de l'ordre de
15 % (hystérectomie, transfert en réanimation, lésions viscé-
Rythme cardiaque fœtal rales associées, transfusions sanguines) (NP2) ; la réalisation
d'un déclenchement artificiel du travail et l'utilisation des
Il doit être surveillé de façon encore plus précise que dans ocytociques en augmentent le risque (NP3).
l'accouchement normal, et donc en continu dès l'entrée en Les signes de prérupture sont inconstants mais peuvent
travail (NP3) [4]. survenir brutalement ou progressivement. Ils doivent être
Si le tracé n'est pas de qualité parfaite, la mise en place régulièrement recherchés. Il s'agit :
d'une électrode de scalp est nécessaire car les premiers ■ des anomalies du rythme cardiaque fœtal ;
signes de la rupture utérine peuvent n'être qu'une modifi- ■ de la douleur au niveau de la cicatrice pendant la contrac-
cation du rythme cardiaque fœtal [11]. Les anomalies du tion et persistant en dehors d'elle, qui est évocatrice, sur-
rythme cardiaque fœtal sont retrouvées dans 55 à 87 % des tout si elle apparaît sous analgésie péridurale ;
ruptures et sont donc un signe important [14]. ■ une hypocinésie avec stagnation de la dilatation, alors
que les contractions étaient régulières, sont un signe
Analgésie d'alarme, de même qu'une hypercinésie de fréquence ou
■ Une communication efficace entre l'équipe obstétricale et une élévation du tonus de base ; un arrêt des contractions
l'anesthésiste réanimateur est un prérequis pour la prise utérines ;
en charge optimale d'une femme ayant un antécédent de ■ un saignement vaginal même inconstant est évocateur ;
césarienne (accord professionnel). ■ un utérus en sablier avec anneau de Bandl est un signe
■ L'administration de la nabulphine est possible en cas tardif qu'il ne faut pas attendre ; il précède de peu la
d'utérus cicatriciel après avis du gynécologue-­obstétricien rupture ;
senior. ■ l'acidose fœtale aiguë, la tachycardie maternelle, l'état de
■ Dans cette circonstance marquée par un risque accru choc avec hématurie réalisent des tableaux de rupture
d'interventions obstétricales urgentes pour lesquelles évidents.
Chapitre 16. Accouchement sur utérus cicatriciel    211

Au total, c'est sur un ensemble de signes minimes que la Déhiscence de la cicatrice


prérupture ou la rupture doivent être évoquées, leur associa- Elle n'est pas toujours facile à différencier de son amin-
tion à une stagnation ou à un ralentissement de la dilatation cissement extrême. Le doigt cependant ne perçoit pas de
justifie la césarienne. L'utilisation des capteurs de pression brèche évidente. Son taux est identique à celui observé après
intra-utérine ne permettent pas d'anticiper le diagnostic de césarienne.
rupture utérine (NP3) [13]. Si la déhiscence est peu étendue, s'il n'y a pas d'hématome
au contact de la cicatrice et si les urines sont claires, l'abs-
Expulsion tention est possible, l'aspect de la cicatrice peut être apprécié
La durée des efforts expulsifs peut être de 30 minutes en six mois plus tard par une hystéroscopie. Une suspicion de
l'absence d'anomalies du RCF. Au-delà, il est préférable de déhiscence utérine asymptomatique lors d'une révision uté-
réaliser une extraction instrumentale. Les indications et rine après accouchement par voie basse ne nécessite pas de
modalités de réalisation d'une extraction instrumentale correction chirurgicale (accord professionnel) [4]. Dans ce
sont identiques à celles destinées aux patientes n'ayant pas cas, les données de la littérature ne permettent pas d'émettre
d'antécédent de césarienne. de recommandation sur les modalités de l'accouchement
de la grossesse suivante (accord professionnel). Cependant,
Révision utérine l'existence de cette déhiscence fera par précaution poser
Il n'est pas recommandé de réaliser une révision utérine sys- l'indication de césarienne avant travail lors de la grossesse
tématique du seul fait de l'existence d'une cicatrice utérine suivante (accord professionnel).
antérieure (grade C) car sa capacité à évaluer la qualité de la
cicatrice est médiocre et de maigre rendement (0,2 à 0,4 %)
(NP3-RPC) [3, 4]. Cicatrices utérines
La révision est conseillée en cas de rétention placentaire, autres que la césarienne
d'anomalies du RCF sévères au cours du travail (surtout si
une péridurale a été posée), de douleurs inexpliquées, de Myomectomie
métrorragies, d'urines hématuriques en cours de travail La conduite à tenir dépend du type de myomectomie. Il est
ou dans le post-partum et en cas de suspicion de rupture indispensable d'avoir le compte rendu opératoire avant de
utérine. prendre une décision :
■ s'il s'agit d'un myome sous-séreux pédiculé, l'accouche-
Rupture de la cicatrice ment par voie basse ne pose pas de problème ;
Lors de la révision utérine, la brèche est très facilement per- ■ la myomectomie unique ouvrant ou non la cavité utérine
çue avec le doigt, l'extension vers les pédicules utérins est ne constitue pas une contre-indication à une tentative
évidente s'il existe un volumineux hématome rapidement d'accouchement par voie basse ;
extensif. On recherche une brèche vésicale avec le doigt. ■ l'exérèse de plusieurs myomes sur un même utérus doit
Lors du sondage qui précède la laparotomie, les urines sont faire préférer la césarienne ;
sanglantes, le doigt utérin sent le contact du ballonnet en ■ la myomectomie percœlioscopique des fibromes intersti-
avant. tiels laisse une cicatrice fragile et une douzaine de cas de
La rupture de toute l'épaisseur de la cicatrice et sa propa- ruptures spontanées ont été publiés. L'électrocoagulation
gation éventuelle à la vessie, à la séreuse péritonéale ou aux nécessaire à l'hémostase et l'affrontement imparfait des
pédicules utérins est la plus grave et impose toujours la lapa- berges lors de la suture, voire l'absence de suture, sont les
rotomie. Le diagnostic est évident dès l'ouverture du ventre. causes de la fragilité utérine.
Lors de l'intervention, la présence de sang dans le ventre Il nous semble que l'on peut accepter un accouchement
signe la déchirure péritonéale. Après avoir décailloté, on par voie basse si le fibrome était unique, sous-séreux pédi-
repère les berges de la déchirure, l'atteinte d'un ou des deux culé ou sous-séreux superficiel (la myomectomie n'intéres-
pédicules, l'état de la vessie. sant que le tiers superficiel du myomètre) et à condition
Le plus souvent, en France, la suture de la brèche est pos- que les suites opératoires aient été simples. Il faut aussi que
sible après régularisation des bords de la brèche, même si un le fœtus soit en présentation céphalique et de poids nor-
seul pédicule utérin est intact, l'autre étant bien sûr lié. La mal. Il va de soi que, dans ce cas, l'obstétricien ne prendra
suture est faite comme dans les césariennes (voir Chapitre 31, sa décision que s'il est en possession d'un compte rendu
« La suture utérine »). On vérifie la vessie qui sera éventuelle- précis de l'intervention (dans lequel si possible l'opérateur
ment suturée avec un fil résorbable (Dexon® ou Vicryl®). aura donné son sentiment sur les possibilités d'accouche-
L'hystérectomie conservant les ovaires s'impose si les ment par voie basse) et qu'il tiendra compte des conditions
lésions intéressent les deux pédicules utérins ou s'étendent obstétricales.
au corps utérin. Si la myomectomie a porté sur plusieurs myomes avec
En cas de nouvelle grossesse, les patientes doivent être plusieurs incisions utérines, si la cavité utérine a été ouverte,
clairement informées du risque de récidive de rupture uté- s'il y a eu une infection, un hématome visible à l'échogra-
rine (accord professionnel) et une césarienne est recom- phie, il vaut mieux pratiquer une césarienne. Il en sera de
mandée (accord professionnel). La date de réalisation même si on n'a pas de compte rendu de cœliochirurgie ou si
de la césarienne doit être décidée au cas par cas (accord l'opérateur indique dans le compte rendu que la voie basse
professionnel). est contre-indiquée.
212   Partie III. Accouchements pathologiques

Résection hystéroscopique et délai de réflexion, il est légitime d'accéder à sa demande


Les résections de cloisons hystéroscopiques et les résec- (accord professionnel).
tions de fibromes sous-muqueux peuvent fragiliser la paroi Il faut prévenir les patientes qu'après une césarienne il
utérine soit parce que la section de la cloison a été menée vaut mieux attendre un an avant de mettre en route la gros-
­au-delà du fond utérin, soit parce que le fibrome réséqué sesse suivante.
avait plus de la moitié de son volume inclus dans le myo-
mètre, auquel il faut ajouter le traumatisme thermique du Références
courant électrique. Il est souhaitable, dans ce cas, avant de
prendre une décision, de lire le compte rendu opératoire [1] Barrett JF, Hannah ME, Hutton EK, et al. Twin Birth Study
dans lequel on doit faire figurer les difficultés, la durée de Collaborative Group. A randomized trial of planned cesarean or vagi-
l'intervention et l'impression d'une fragilité éventuelle de nal delivery for twin pregnancy. N Engl J Med 2013 ; 3(14) : 1295–305.
369.
la paroi utérine [16]. Un antécédent de section de cloison
[2] Beucher G, Dolley P, Lévy-Thissier S, et al. Maternal benefits and
utérine ou de cure de synéchie ou de myomectomie, surtout risks of trial of labor versus elective repeat caesarean delivery in
si elle a nécessité deux interventions chirurgicales ou si elle women with a previous caesarean delivery. J Gynecol Obstet Biol
a été compliquée d'une perforation utérine, doit être consi- Reprod 2012 ; 41 : 708–26.
déré comme un antécédent d'utérus cicatriciel. Une tenta- [3] CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : la césarienne.
tive de voie base est le plus souvent possible [4]. J. Gyneco Obstet.Biol . Reprod. 2000 ; 29 : 1–109.
[4] CNGOF. Utérus cicatriciel : recommandations pour les bonnes pra-
tiques ; 2012, http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/RPC_uterus_cicatri-
Cicatrices de salpingectomie ciel_2012.pdf.
ou d'anastomose isthmo-interstitielle [5] Deneux-Tharaux C. Women with previous caesarean or other uterine
Elles ne constituent pas une zone de fragilisation utérine scar : epidemiological features. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ;
41 : 697–707.
pendant le travail et les exceptionnelles ruptures utérines
[6] Diemunsch P, Pottecher J, Chassard D. Anesthetic management in
qui leur sont associées surviennent beaucoup plus tôt au case of previous cesarean section. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ;
cours de la grossesse. 4 : 817–21.
[7] Deruelle P, Lepage J, Depret S, et al. Induction of labor and intrapar-
tum management for women with uterine scar. J Gynecol Obstet Biol
Conclusion Reprod 2012 ; 41 : 788–802.
[8] Gallot D, Delabaere A, Desvignes F, et al. Information and facilities
L'accouchement sur utérus cicatriciel concerne 15 % des
recommendations concerning trial of labour in the context of scarred
multipares. womb. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 782–7.
Les femmes porteuses d'un utérus cicatriciel accouchent [9] Haumonté JB, Raylet M, Sabiani L, et al. Predictive factors for vaginal
une fois sur deux par voie basse. birth after cesarean section. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 :
Le rapport bénéfices/risques pour la mère à court et à 735–52.
long termes est favorable à la tentative de voie basse (accord [10] Kayem G, Raiffort C, Legardeur H, et al. Specific particularities of
professionnel). Mais le rapport bénéfices/risques à court uterine scars and their impact on the risk of uterine rupture in case of
terme pour l'enfant est favorable à la césarienne (accord pro- trial of labor. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 753–71.
fessionnel). Cependant, pour le CNGOF, la tentative de voie [11] Lehmann M, Hedelin G, Sorgue C, et al. Predictive factors of the deli-
basse est l'option à privilégier dans la grande majorité des very method in women with cesarean section scars. J Gynecol Obstet
Biol Reprod 1999 ; 28 : 358–68.
cas (accord professionnel) et peu de situations cliniques jus-
[12] Lopez E, Patkai J, El Ayoubi M, et al. Benefits and harms to the new-
tifient en elles-mêmes une césarienne avant travail (accord born of maternal attempt at trial of labor after prior caesarean versus
professionnel). En effet, une tentative d'accouchement par elective repeat caesarean delivery. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ;
voie basse bien conduite (sélection des patientes, surveil- 41 : 727–34.
lance du travail par tocographie, monitorage fœtal, correc- [13] Parant O. Uterine rupture : prediction, diagnosis et management.
tion ocytocique si nécessaire) est recommandée et permet J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 803–16.
à 50 % de ces patientes d'accoucher par les voies naturelles. [14] RCOG. Green Top Guide lines :Birth after previous caesarean birth.
Ainsi, une tentative de voie basse sans nuire au fœtus évite http://www.rcog.org.uk/files/rcog-corp/GTG4511022011.pdf 2007.
un grand nombre de césariennes itératives dont la morbidité [15] Schmitz T. Particular maternal or fetal clinical conditions influen-
et la mortalité sont dix fois plus élevées que celles observées cing the choice of the mode of delivery in case of previous caesarean.
J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 772–81.
après un accouchement par les voies naturelles.
[16] Sentilhes L, Vayssière C, Beucher G, et al. Delivery for women with
Le choix de la voie programmée d'accouchement doit être a previous cesarean : Guidelines for clinical practice from the French
partagé par la patiente et le médecin. Si la patiente souhaite College of Gynaecologists and Obstetricians (CNGOF). Eur J Obstet
une césarienne avant travail après information, discussion Gynecol Reprod Biol 2013 ; 170 : 25–32.
Chapitre
17
Accouchement d'un enfant
malformé ou mort
A. Benachi, J. Saada

PLAN DU CHAPITRE
Accouchement de l'enfant malformé. . . . . . . . 213 Accouchement d'un enfant mort in utero. . . . 220

Accouchement de l'enfant
OBJECTIFS
malformé
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• d'expliquer les grands principes de la prise en charge La présence d'une malformation ou d'une maladie géné-
obstétricopédiatrique d'un enfant présentant une tique fœtale concerne environ 2 à 3 % des grossesses selon
malformation mise en évidence in utero ; que sont prises en compte ou non les anomalies mineures
• de préciser les modalités d'accouchement (terme et voie) (pyélectasies, dilatations ventriculaires modérées et isolées,
des principales pathologies fœtales pouvant faire l'objet kystes de l'ovaire fœtal, etc.), soit entre 15 000 et 20 000
d'un diagnostic prénatal ; enfants par an en France. Les progrès du dépistage écho-
• d'affirmer la survenue d'une mort fœtale in utero (MFIU) graphique et des techniques de laboratoire font qu'actuel-
et d'en énumérer les étiologies possibles ; lement un nombre croissant d'anomalies est découvert au
• d'expliquer les grandes lignes de la prise en charge d'une
cours des premier et deuxième trimestres de la grossesse
patiente après mise en évidence d'une mort fœtale in
[2]. Ce diagnostic précoce permet, dans les cas d'une par-
utero dans une grossesse unique ou multiple.
ticulière gravité, de discuter une interruption médicale de
la grossesse. Il permet également de laisser du temps pour
l'évaluation du pronostic et d'organiser la prise en charge
périnatale. La naissance d'un enfant porteur d'une malfor-
mation nécessite une planification concertée entre l'obsté-
L'objectif principal dans l'accouchement d'un enfant mal- tricien, le pédiatre et, si nécessaire, le chirurgien pédiatre.
formé ou mort est de privilégier l'avenir obstétrical de la Cette organisation doit se faire au sein d'un centre pluri-
patiente en évitant, si possible, de réaliser une césarienne. disciplinaire de diagnostic prénatal agréé par l'Agence de la
Ainsi : biomédecine ou au sein du réseau développé à partir d'un
■ dans le cas d'un enfant malformé, l'attitude va dépendre tel centre (après avis du centre). Une fois la prise en charge
du pronostic établi de la malformation après un bilan le organisée, l'accouchement ne devra pas systématiquement
plus précis possible et du choix des parents. Les cas pour avoir lieu dans une maternité de type III. Si la malforma-
lesquels l'incertitude pronostique persiste malgré un tel tion ne met pas en jeu le pronostic vital et ne nécessite pas
bilan ou pour lesquels l'anomalie n'est découverte qu'au une prise en charge immédiate, la patiente pourra accou-
moment de l'entrée en travail peuvent poser de délicats cher dans sa maternité d'origine. Toutefois, la nécessité
problèmes de prise en charge ; d'un traitement in utero ou d'un geste chirurgical dès les
■ dans le cas d'un fœtus mort in utero, l'expulsion sera premières heures de vie peut faire préférer le transfert in
organisée dans les jours qui suivent le diagnostic. Dans utero auprès d'une équipe chirurgicale compétente, parfois
le même temps, le bilan étiologique sera débuté afin de loin du domicile parental si l'on veut donner les meilleures
rassembler le plus d'éléments possibles pour permettre chances à l'enfant.
un conseil génétique et obstétrical en vue des grossesses Deux situations peuvent être individualisées selon que la
ultérieures. malformation est connue ou non avant l'entrée en travail.

Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 213
214   Partie III. Accouchements pathologiques

Malformation inconnue avant l'entrée liquidienne sous contrôle échographique (ascite, kyste rénal,
en travail (tableau 17.1) etc.) peut être nécessaire si le périmètre abdominal est supé-
rieur à 400 mm.
C'est une circonstance maintenant rare en raison de la dif- Une césarienne est, dans certains cas, préférable en cas de
fusion de l'échographie prénatale et de l'amélioration de la volumineuse tumeur ou lorsque la ponction est impossible.
surveillance obstétricale. Trois tableaux cliniques doivent Il ne faut pas hésiter à réaliser une incision utérine verticale
toutefois faire suspecter la présence d'une anomalie fœtale. afin de ne pas traumatiser la malformation et de préserver le
pronostic obstétrical.
Accouchement prématuré inexpliqué Une hydrocéphalie volumineuse et de très mauvais pro-
La survenue d'un accouchement prématuré en dehors nostic peut, si le fœtus est en présentation céphalique et
de tout contexte infectieux ou de menace d'accouche- après accord des parents, faire l'objet d'une ponction trans-
ment prématuré connue doit faire envisager la possibilité fontanellaire (par voie basse) à dilatation complète.
d'une malformation fœtale. Cette hypothèse est d'autant
plus probable qu'il existe un excès de liquide amniotique Apparition d'un trouble inexpliqué du rythme
ou un hydramnios, ou encore un retard de croissance cardiaque fœtal
intra-utérin sans perturbation des Doppler ombilicaux et
Certains vont d'emblée orienter vers un trouble de la
cérébraux.
conduction qui peut, ou non, être associé à une malforma-
tion cardiaque. Il peut s'agir :
Apparition d'une dystocie inexpliquée ■ d'une bradycardie permanente, mise en évidence dès le
La survenue d'une dystocie imprévue doit aussi faire pen- début de l'enregistrement (60-80 bpm) et pouvant tra-
ser à la possibilité d'une malformation fœtale. La réalisation duire l'existence d'un bloc auriculoventriculaire (BAV).
d'une échographie en salle de naissance peut permettre de Le problème est alors d'éliminer une souffrance fœtale
clarifier la situation en mettant en évidence l'origine de cette aiguë qui justifierait une extraction en urgence. La mise
dystocie qui peut être liée : en évidence, à l'échographie, d'une dissociation des fré-
■ à un excès de volume de la tête fœtale ( hydrocéphalie, quences auriculaires et ventriculaires permet de confir-
œdème sous-cutané majeur d'une anasarque sévère) ; mer le diagnostic et d'éviter une césarienne en urgence ;
■ à une déflexion de la tête fœtale (goitre ou tumeur cervi- ■ d'une tachycardie (> 200 bpm) pouvant évoquer, en
cale) ou un défaut d'accommodation (anencéphalie) ; dehors d'un contexte fébrile, une tachycardie supraven-
■ à un excès de volume abdominal (ascite, uropathie obs- triculaire ou un flutter.
tructive majeure, syndrome de Prune-Belly, gros rein Dans ces deux cas, la surveillance du RCF est difficile.
dysplasique ou polykystose rénale, kyste ovarien fœtal En cas de doute sur des décélérations, une césarienne est
volumineux) ; préférable.
■ à une tumeur fœtale de gros volume (tératome sacrococ-
cygien, omphalocèle volumineuse) ;
■ à d'exceptionnels jumeaux conjoints. Malformation connue avant l'entrée
La voie basse est préférable, surtout si le pronostic n'est en travail (tableau 17.2)
pas bon. Dans de rares cas, une ponction d'une collection C'est actuellement la circonstance la plus fréquente. Le dia-
gnostic est fait avant la naissance et le couple est préparé. Le
pronostic a été évalué le plus précisément possible et une
consultation avec le pédiatre, le réanimateur ou le chirur-
Tableau 17.1. Accouchement des enfants avec gien pédiatre qui suivent les enfants porteurs de malfor-
malformations inconnues avant le travail. mations a permis de discuter des modalités de la naissance
et de la prise en charge néonatale de l'enfant [3]. De façon
Circonstances du diagnostic Conduite à tenir
générale, il faut respecter une certaine asepsie verbale en
Accouchement prématuré : – Privilégier la voie basse salle de naissance et éviter de parler du « laparoschisis », ou
hydramnios, RCIU surtout si mauvais pronostic de « la transposition des gros vaisseaux », mais du bébé por-
Dystocie : teur d'un laparoschisis ou de la patiente dont le fœtus est
– hydrocéphale – Césarienne si bon pronostic porteur d'un laparoschisis.
– anasarque et dystocie mécanique ou
– déflexion de la tête : goitre, anomalies du RCF
tumeur cervicale, anencéphale Principes généraux de la prise
– excès de volume abdomen : – Ponction transfontanellaire en charge périnatale
omphalocèle à dilatation complète si
– tératome sacrococcygien hydrocéphalie volumineuse en
Les éléments déterminants dans le choix de la conduite à
– jumeaux conjoints présentation céphalique après tenir sont le pronostic postnatal de la malformation et le
accord des parents choix des parents.
Troubles du rythme cardiaque :
– bradycardie par bloc Lorsque le pronostic est favorable ou incertain
auriculoventriculaire Une concertation préalable entre l'obstétricien, le réanima-
– tachycardie supraventriculaire
teur et le chirurgien pédiatre est indispensable afin de pré-
voir les modalités et le terme de l'accouchement. Lorsqu'une
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort    215

Tableau 17.2. Accouchements des enfants avec (prématurité induite, nécessité de réaliser une césarienne)
malformations connues avant le travail. et des bénéfices (meilleur pronostic fonctionnel de l'organe
atteint en cas d'intervention plus précoce, réduction de la
Type de malformations Conduite à tenir
durée d'exposition au risque). Cette difficulté justifie pleine-
Omphalocèle ≥ 7 cm Césarienne ment que de telles extractions prématurées soient décidées
Laparoschisis Voie basse ou césarienne (à au sein des équipes pluridisciplinaires de médecine fœtale.
discuter si RCIU) Lorsqu'il s'agit d'une grossesse pour laquelle une thérapeu-
Hernie diaphragmatique Privilégier la voie basse tique in utero a été instaurée (transfusion in utero, ponction
d'une collection ou d'un épanchement), il est parfois préfé-
Sténoses digestives : Voie basse (si le périmètre
œsophage, duodénum, abdominal le permet)
rable de faire naître l'enfant plus tôt (vers 34-35 SA) que de
jéjunale, iléale, anorectale l'exposer une nouvelle fois au risque du traitement.
Dans la mesure du possible, on évitera de faire naître un
Anomalies rénales : ectopie, Voie basse si périmètre
reins polykystiques, uropathies adominal < 400 mm
enfant en anasarque quel que soit le terme. L'œdème rend
obstructives difficile l'intubation et la ventilation ainsi que l'obtention
d'un équilibre hémodynamique. Chaque fois que cela sera
Malformations neurologiques : Voie basse si pas de dystocie
hydrocéphalie, spina bifida mécanique
possible, un traitement devra être mis en place avant la
naissance pour réduire l'œdème (pose de drain thoracique,
Malformations cardiaques Voie basse dans un réduction d'un trouble du rythme, etc.).
établissement avec centre
de cardiopédiatrie ou
cardiopédiatre Comment accoucher ?
En dehors des malformations dystociques (tératome sac-
crococcygien, omphalocèle ≥ à 7 cm de diamètre), il
intervention chirurgicale est nécessaire, le lieu et le délai n'y a pas d'indication à réaliser une césarienne élective.
avec lequel elle sera réalisée devront être précisés puisque L'accouchement doit être conduit comme en l'absence de
ceux-ci conditionnent la stratégie obstétricale. Une prise en malformation.
charge optimale nécessite de répondre à trois types de ques- Pour certaines anomalies, il est bien démontré que la
tions : où, quand et comment faire naître l'enfant malformé ? survie est corrélée à la qualité de la prise en charge néona-
tale immédiate. Les fœtus porteurs de hernie de coupole
Où accoucher ? diaphragmatique doivent bénéficier d'une réanimation
Le lieu de l'accouchement doit être déterminé à l'avance par une équipe rompue à ce type de ventilation. Encore
pour éviter toute rupture dans la continuité de la prise en aujourd'hui, en France, certaines structures, même de type
charge obstétricopédiatrique. Seules les pathologies fœtales III, ne peuvent pas assurer une prise en charge optimale
pouvant mettre en jeu le pronostic vital dans les premières 24 heures sur 24. Dans ces cas, une césarienne peut être dis-
heures de vie, soit par elles-mêmes, soit par la prématurité cutée. Certains enfants, de par la particularité de leur mal-
qu'elles peuvent induire, justifient formellement un trans- formation, seront plus sensibles à l'hypoxie (transposition
fert dans un centre de type III. Dans le cas où une inter- simple des gros vaisseaux par exemple) [7], par conséquent
vention chirurgicale est nécessaire dans les premiers jours des anomalies du RCF conduiront plus facilement à une
de vie, une naissance dans le même centre que celui où sera césarienne.
pris en charge l'enfant évite une séparation mère-enfant. En dehors de ces situations, un accouchement par les
Certaines pathologies fœtales peuvent nécessiter une théra- voies naturelles bien conduit et atraumatique ne modifie pas
peutique anténatale spécifique afin d'améliorer la qualité de le pronostic néonatal. Cependant, comme toujours en obs-
la prise en charge à la naissance. Par exemple, un hydrotho- tétrique, la décision ne doit être prise qu'après un examen
rax bilatéral peut nécessiter un drainage de l'épanchement obstétrical soigneux (mesure clinique du bassin, hauteur
juste avant la naissance afin de faciliter la ventilation. Pour utérine) et l'étude des antécédents de la mère (médicaux,
les pathologies ne nécessitant pas une prise en charge immé- chirurgicaux et obstétricaux).
diate, l'accouchement pourra avoir lieu dans la maternité Dans tous les cas, il faudra éviter la séparation mère-
choisie par la patiente si et seulement si les pédiatres de l'éta- enfant. Si le transfert de l'enfant est nécessaire, il est essentiel
blissement sont compétents pour ce type de prise en charge. de présenter au préalable l'enfant aux parents et de favoriser
les premiers contacts à la naissance.
Quand accoucher ? L'allaitement maternel n'est que rarement contre-indiqué,
La deuxième préoccupation est celle du terme de l'accouche- il devra être privilégié à chaque fois que cela est possible.
ment. Pour la majorité des pathologies fœtales, l'extraction Lorsque le pronostic est incertain ou mauvais (mais
prématurée est inutile et surajoute une morbidité propre. En non létale) (trisomie 21 par exemple), l'accouchement doit
effet, il est toujours préférable pour la prise en charge néo- être organisé et mené comme si l'enfant était porteur d'une
natale que l'enfant ait atteint un poids et une maturité pul- anomalie de bon pronostic afin de ne pas surajouter des
monaire suffisantes. Lors d'une extraction avant terme, le séquelles liées à l'accouchement lui-même.
facteur « prématurité » vient s'ajouter aux difficultés liées à la
prise en charge de l'anomalie elle-même. Dans ces circons- Lorsque la pathologie est létale
tances, la décision parfois difficile à prendre d'une extrac- Cette situation peut survenir lorsque le couple n'a pas
tion prématurée résulte d'une mise en balance des risques souhaité d'interruption médicale de grossesse. L'équipe
216   Partie III. Accouchements pathologiques

­ édicale doit avoir défini avant la naissance un protocole


m ■ la manipulation du nouveau-né avec précaution et asep-
précis de prise en charge. En particulier, l'enregistrement ou sie, celui-ci étant placé dans un sac chirurgical stérile
non du RCF et la nécessité de réaliser une césarienne en cas dont le cordon est noué sous les aisselles ;
d'anomalies du RCF doivent être consignés dans le dossier. ■ l'installation de l'enfant de préférence en décubitus latéral
Ces prises en charge sont toujours difficiles à vivre par les (pour éviter toute traction ou rotation du mésentère) ;
équipes. Le choix des parents doit être respecté. ■ l'aspiration gastrique par une sonde ouverte dans un sac
Après ces notions générales, la conduite à tenir doit être en déclive ;
envisagée en fonction du type de malformation. ■ l'abord veineux ;
■ la prévention de tout refroidissement ;
Anomalies de fermeture de la paroi ■ en cas d'omphalocèle, le clampage du cordon après
abdominale (planche 17.1) contrôle de l'absence d'anse intestinale y faisant hernie.
Le nouveau-né doit être opéré rapidement.
Omphalocèle
Il s'agit d'une hernie médiane à travers l'orifice ombilical Hernie diaphragmatique
d'une partie des viscères abdominaux contenus dans un sac L'évaluation pronostique est maintenant possible et tient
au sommet duquel est inséré le cordon ombilical. compte : du terme de découverte, du LHR (lung over head
Les décisions tiennent compte de : ratio) observé/attendu, de la position du foie et du volume pul-
■ l'existence de malformations associées (environ 30 % des monaire à l'IRM [4]. La voie d'accouchement privilégiée est la
cas) et d'une éventuelle anomalie chromosomique ; voie basse mais les conditions locales de prise en charge condi-
■ la taille de l'omphalocèle. Une omphalocèle de petite tionnent le choix de la voie d'accouchement (discuté plus haut).
taille sera plus fréquemment associée à des anomalies En postnatal (encore 20 à 30 % des cas sont non diagnos-
chromosomiques [14]. L'examen échographique doit tiqués en prénatal), le diagnostic peut être suspecté en salle
rechercher des signes d'association possible au syndrome de naissance devant :
de Wiedemann-Beckwith (macrosomie, macroglossie, ■ un mauvais score d'Apgar inexpliqué ;
néphromégalie) qui peut entraîner des hypoglycémies ■ une distension hémithoracique homolatérale avec un
néonatales qu'il faudra rechercher. abdomen plat ;
Il existe un consensus professionnel pour favoriser la ■ une cyanose majeure et généralisée ;
césarienne en cas de volumineuse omphalocèle ou lorsque ■ à l'auscultation, un refoulement des bruits du cœur, huit
la hernie contient une grande partie du foie. fois sur dix à droite avec diminution ou absence de mur-
mure vésiculaire du côté de la distension.
Laparoschisis Il s'agit d'une urgence vitale nécessitant une prise en
Il s'agit d'une éviscération de l'intestin fœtal à travers un charge bien spécifique. La ventilation au masque est contre-
défect de siège, le plus souvent paraombilical droit. Les indiquée. Le taux de survie est actuellement de 70 % toutes
malformations associées sont exceptionnelles et le plus formes confondues dans les centres de références.
souvent de type ischémiques [13]. Le pronostic dépend de L'intervention chirurgicale qui consiste en la fermeture
l'atteinte digestive. Une périviscérite peut se développer en du diaphragme est pratiquée une fois l'enfant stabilisé.
raison (i) de l'extériorisation des anses et de leur exposition Ces enfants doivent être pris en charge dans les centres
au liquide amniotique et (ii) des lésions ischémiques liées à de maladies rares (de référence ou de compétences) dédiés à
l'étroitesse du collet. On surveillera attentivement pendant cet effet. En cas de diagnostic prénatal, le transfert in utero
la grossesse la quantité de liquide amniotique et l'aspect des vers un de ces centres n'est pas discutable [6].
anses. Des amnio-infusions répétées peuvent être utiles en
cas d'oligoamnios sévère mais le bénéfice de celles-ci n'est Sténoses digestives
pas clairement établi en cas de quantité normale de liquide. Quelle que soit la localisation de sténoses (œsophagienne,
Le pronostic est, dans la majorité des cas, bon une fois pas- duodénale, jéjunale, iléale ou anorectale), le pronostic est
sée la période néonatale qui peut nécessiter une période de fonction de :
nutrition parentérale plus ou moins longue. ■ leur étendue ;
La voie et le terme d'accouchement sont encore contro- ■ leur caractère unique ou multiple ;
versés [1]. Cependant, les enfants porteurs de laparoschisis ■ l'existence d'une anomalie chromosomique associée. Plus
présentent dans 20 à 30 % des cas un RCIU et supportent la malformation est haute sur le tube digestif et plus le
mal les contractions utérines. Même si une césarienne sys- risque d'anomalie est important ;
tématique n'est pas recommandée, il est fréquent d'y avoir ■ l'association à d'autres malformations : cardiaques,
recours avant ou en cours de travail en raison d'anomalies anorectales, osseuses, etc. ;
du RCF. L'analyse de la littérature doit tenir compte du fait ■ l'existence d'un hydramnios. Plus la lésion est haute et
que les progrès récents de la prise en charge néonatale, en complète et plus le risque d'hydramnios et de prématurité
particulier en termes d'alimentation, ont largement amé- induite sont importants.
lioré le devenir de ces enfants [16]. L'accouchement, de préférence programmé, par voie
Devant une omphalocèle ou un laparoschisis, les princi- basse est la règle.
paux gestes à réaliser en périnatal sont : Le diagnostic d'atrésie de l'œsophage doit être fait en salle
■ l'incision de la césarienne, réalisée avec prudence en rai- de naissance, lors de l'aspiration buccogastrique, associée
son de la présence d'anses intestinales flottantes ; à un test à la seringue négatif. Lors de l'injection rapide de
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort    217

Planche 17.1. Malformation digestive

Omphalocèle. Profil (échographie de J. Saada)

Omphalocèle (Photo de C. Grapin)

Omphalocèle. Coupe (échographie de J. Saada)

Laparoschisis
premier trimestre

Laparoschisis en post-natal

Aspect des anses au deuxième trimestre

Hernie diaphragmatique. Coupe transversale du Atrésie duodénale (échographie


thorax avec mesure du Lung Over Head Ratio. Radio postnatale. Étoile sur la double
de M-.C. Aubry)
bulle (radio de V. Fouquet)
218   Partie III. Accouchements pathologiques

3 à 5 ml d'air, aucun bruit n'est perçu lors de l'auscultation Les hydronéphroses par syndrome de jonction et les
simultanée de la région épigastrique gauche. valves de l'urètre postérieur nécessitent rapidement l'avis du
Le nouveau-né doit être installé en position demi-assise chirurgien pédiatre.
avec une aspiration du cul-de-sac œsophagien supérieur
(pour éviter encombrement et fausses routes trachéobron- Malformations neurologiques (planche 17.2)
chiques, facteurs d'injection et d'atélectasie, sources de Elles posent essentiellement le problème des hydrocépha-
détresse respiratoire) avec une sonde à double courant. lies, parfois associées à d'autres malformations (spina bifida
Les atrésies de l'œsophage avec fistule (le type 3 est le plus en particulier) ou à des anomalies chromosomiques (sur-
fréquent) sont rarement diagnostiquées en prénatal en rai- tout trisomie 18 et trisomie 13).
son de l'absence d'excès de liquide amniotique. En postnatal, une hydrocéphalie pose dans des délais
variables le problème d'une éventuelle dérivation. Un
Malformations néphro-urologiques (figure 17.1) spina bifida avec myéloméningocèle implique que l'enfant
Anomalies rénales soit installé en décubitus ventral, la lésion recouverte d'un
Elles peuvent être de deux types : champ stérile sec.
■ unilatérales (agénésie ou ectopie rénale unilatérale, rein
multikystique unilatéral) : la malformation n'intervient Troubles cardiaques
en rien dans l'attitude obstétricale tant que le ou les kystes Deux types de problèmes cardiaques peuvent être détectés in
ne sont pas de volume important, que le périmètre abdo- utero par l'échographie et l'analyse du rythme cardiaque fœtal.
minal est inférieur à 400 mm et qu'aucun drainage n'est
nécessaire ; Anomalies du rythme cardiaque fœtal
■ bilatérales (polykystose, agénésie rénale bilatérale) : le Trois situations peuvent se présenter : rythme cardiaque
pronostic dépend de la fonction rénale qui peut être éva- irrégulier, rythme trop lent, rythme trop rapide.
luée par l'échographie et des dosages biochimiques. Une Arythmie
agénésie rénale bilatérale, ainsi qu'un oligoamnios sévère Il s'agit le plus souvent d'extrasystoles supraventriculaires
lié à une altération importante de la fonction rénale pou- ou ventriculaires, suivies d'une pause compensatrice qui
vant être responsable d'une hypoplasie pulmonaire et donne l'impression d'un battement cardiaque manquant.
de déformations plastiques des membres (syndrome de Cette anomalie rythmique est habituellement bénigne, tran-
Potter). L'accouchement par voie basse doit être privilé- sitoire et bien tolérée. Elle nécessite cependant une surveil-
gié lorsque le pronostic est mauvais. lance hebdomadaire en raison du risque de survenue d'une
tachycardie. Aucune précaution spéciale n'est nécessaire à
Uropathies obstructives l'accouchement.
Il peut s'agir d'une anomalie de la jonction pyélo-urétérale, Après la naissance, un électrocardiogramme permet de
de la jonction urétérovésicale, d'un urétérocèle ou de valves préciser la variété d'extrasystoles ; l'évolution se fait en prin-
de l'urètre postérieur. cipe avec leur disparition spontanée.
Les uropathies obstructives uni- ou bilatérales autorisent Bradycardie (rythme constamment inférieur à 100 bpm)
l'accouchement par voie basse. Le pronostic dépend de l'as- Il s'agit d'un bloc auriculoventriculaire (BAV) 2/1 ou bien
pect échographique du parenchyme rénal, de la biochimie d'un BAV complet. Si la fréquence cardiaque est inférieure
urinaire et sanguine et de la quantité de liquide amniotique. à 50 bpm, des signes de mauvaise tolérance peuvent appa-
En postnatal, les anomalies rénales unilatérales isolées raître : hypotrophie fœtale, insuffisance cardiaque fœtale
doivent être signalées au pédiatre et confirmées par une (ascite, épanchement pleural ou péricardique). L'absence
échographie. de possibilité de surveillance du RCF rend la césarienne
nécessaire. Un bloc peut être une complication d'une mala-
die auto-immune maternelle (lupus par exemple), souvent
cliniquement latente et qui doit être recherchée. Une corti-
cothérapie est parfois discutée en cas de découverte précoce.
Après la naissance, une stimulation cardiaque par pace-
maker est nécessaire si le BAV est complet et mal toléré.
Tachycardie (rythme en permanence au-dessus de
180 bpm)
Il s'agit le plus souvent d'une tachycardie supraventricu-
laire (flutter, tachycardie atriale polymorphe, etc.) ou jonc-
tionnelle. L'augmentation de la fréquence cardiaque peut
conduire à une insuffisance cardiaque fœtale avec anasarque
fœtoplacentaire. La conduite à tenir dépend du terme, du
type de trouble du rythme, de la tolérance, et passe par la
mise en place d'un traitement médicamenteux par l'inter-
médiaire de la mère (digoxine, flécaïne, cordarone, etc.).
Dans tous les cas, on évitera de faire naître un enfant en
Fig. 17.1. Malformations néphro-urologiques. Polykystose rénale anasarque. Le traitement et la surveillance sont poursuivis
autosomique réussie. après la naissance.
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort    219

Planche 17.2. Malformations neurologiques

Spinabifida (Photo de M. Zerah)

Spina et cerveau en citron avec hydrocéphalie


(échographies de J-.M. Jouannic)

Dilatation ventriculaire
(échographie de J. Saada)

Tumeurs des parties molles

Lymphangiome kystique (Photo


et échographie de S. Delahaye)
(S. Delahaye)
220   Partie III. Accouchements pathologiques

Planche 17.2. Suite

Tératome sacro-coccygien (photo et échographie de S. Delahaye)

Malformations cardiaques vail, il s'agit d'une mort per-partum. La mort fœtale in utero est le
Elles sont, quelle que soit leur gravité, souvent bien tolérées in plus souvent inopinée et psychologiquement lourde à supporter
utero grâce à la circulation fœtale qui permet de contourner pour un couple habituellement non préparé. La prévalence est
les obstacles. Les malformations les plus graves comportent entre 0,5 et 2 % des grossesses. Les complications maternelles sont
soit des défauts de cloisonnement du cœur, soit des anoma- aujourd'hui devenues exceptionnelles et le principal problème est
lies de position des vaisseaux, soit des cavités mal développées d'en préciser l'étiologie par un bilan le plus complet et précis pos-
ou dilatées, soit des valves auriculoventriculaires imperforées sible. En effet, des renseignements apportés par ce bilan pourront
ou uniques (ventricule unique, hypoplasie du cœur gauche, être dégagés des mesures préventives pour les grossesses ulté-
forme complète de canal atrioventriculaire, etc.). Des associa- rieures. Il faut informer le couple que, malgré les investigations,
tions de plusieurs anomalies cardiaques sont fréquentes. on ne trouvera pas de cause dans près de 30 % des cas.
Certaines malformations peuvent orienter vers une anoma-
lie chromosomique (notamment trisomies 13, 18 et 21) dont Diagnostic
la connaissance peut influer sur le mode d'accouchement. Affirmer le diagnostic est facile. Il repose sur des signes cli-
La conduite à tenir pour l'accouchement dépend du type niques et paracliniques.
de malformation :
■ s'il s'agit d'une malformation incompatible avec la vie ou Signes cliniques
impossible à réparer chirurgicalement, le raisonnement Il s'agit de :
sera celui décrit plus haut ; ■ la disparition des mouvements actifs fœtaux, souvent
■ dans le cas contraire, faire le diagnostic dans la période précédée de leur diminution ; et
prénatale permet d'organiser la naissance dans un centre ■ à l'examen, la disparition des bruits du cœur du fœtus.
avec un cardiopédiatre sur place. Cela est particulièrement
important pour les cardiopathies ductodépendantes qui Examens paracliniques
décèdent à la fermeture du canal artériel en l'absence de
diagnostic et de traitement. L'accouchement par voie basse Ils sont aujourd'hui limités à l'échographie. Cet examen
peut alors être envisagé dans les meilleures conditions. doit être réalisé au moindre doute car il est le seul à pou-
voir éliminer formellement une MFIU, d'autres examens
comme l'enregistrement cardiotocographique pouvant dans
Accouchement d'un enfant mort in certaines situations être pris en défaut (enregistrement des
utero mouvements transmis par l'aorte maternelle).
L'échographie visualise l'absence de mouvement et d'activité
On désigne par mort fœtale in utero tout décès fœtal avant la mise cardiaque fœtale, avec un aspect de double contour du crâne
en travail, survenant après la limite de viabilité fœtale telle qu'elle a fœtal lorsque le décès date de quelques jours. Dans certaines cir-
été fixée par l'Organisation mondiale de la santé, à savoir 22 SA ou constances où la disparition de l'activité cardiaque peut s'avérer
un poids de naissance de plus de 500 g. Avant ce terme, on parle difficile à affirmer (patiente obèse, échogène ou terme précoce),
de fausse couche tardive ; lorsque le décès survient en cours de tra- il faut s'aider du mode Doppler pulsé ou Doppler couleur.
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort    221

Étiologies des morts fœtales in utero recherche d'une thrombose, d'un nœud ou d'une insertion
Elles sont représentées dans le tableau 17.3 et se répartissent anormale. Cependant, le lien direct de cause à effet sera dif-
en causes maternelles, fœtales et placentaires. ficile à affirmer avec certitude.

Causes maternelles Causes placentaires


Le syndrome des antiphospholipides, caractérisé par l'asso- Toute dysfonction placentaire à l'origine d'une hypoxémie
ciation d'un titre significatif d'anticorps antiphospholipides fœtale peut aboutir au décès in utero en se majorant pro-
à un ou plusieurs critères cliniques (parmi lesquels une mort gressivement ou au décours d'un accident aigu (hématome
fœtale in utero), doit être systématiquement recherché. Il rétroplacentaire). Cela explique que la mise en évidence
faut rechercher un diabète, une HTA ou toute pathologie d'un RCIU soit un facteur de risque non négligeable mis en
chronique possiblement non diagnostiquée. L'interrogatoire évidence dans la plupart des études épidémiologiques sur le
de la patiente doit rechercher une prise médicamenteuse sujet. Pour Gardosi et al. [5], près de 67 % des morts in utero
(AINS par exemple) ou une toxicomanie. Le surpoids, le seraient accompagnées d'un RCIU, faisant de cette situation
tabac, l'âge maternel supérieur à 40 ans, la multiparité, un la première cause de décès fœtal.
terme dépassé (> 42 SA) et un niveau socioéconomique bas Enfin, une hémorragie fœtomaternelle devra systéma-
sont également des facteurs de risque. tiquement être recherchée par un test de Kleihaeur chez la
mère.
Causes fœtales
Les anomalies chromosomiques et des malformations sont
à rechercher de façon systématique. Les infections qu'elles Complications de la mort fœtale
soient virales (rubéole, cytomégalovirus, parvovirus B19 et Répercussions psychologiques
enterovirus), bactériennes (principalement la listériose) ou La mort fœtale constitue toujours une épreuve difficile pour
parasitaires (toxoplasmose), sont également à rechercher. la femme, nécessitant un soutien ; il importe de ne pas pro-
Le cordon ombilical doit être systématiquement analysé à la longer trop longtemps cette période sans tomber dans un
interventionnisme excessif.

Infection
Tableau 17.3. Étiologies des morts fœtales in utero. Elle peut apparaître secondairement, surtout lorsque les
Maternelle : membranes sont rompues. Dans ce cas, il est nécessaire
d'accélérer l'accouchement.
– diabète sucré de type I ou II
– prééclampsie ou hypertension artérielle (préexistante
ou gravidique) Troubles de l'hémostase
– syndrome des antiphospholipides ou pathologies L'existence de trouble de l'hémostase ne doit plus se voir.
dysimmunitaires (lupus) ou thrombophilie (déficit en protéine
L'accès rapide à l'échographie et la meilleure information
S ou C, déficits homozygotes en protéines régulatrices de la
coagulation) des femmes permettent que le diagnostic soit le plus souvent
– choc hypovolémique, cardiogénique ou vasculaire (septicémie) fait rapidement et l'expulsion organisée dans la semaine qui
ou toute pathologie ou intervention responsable d'une hypo- suit le décès.
perfusion placentaire (anesthésie générale)
– certaines prises médicamenteuses ou toxicomanies (tabac Répercussions sur le (ou les) autre(s) fœtus
++++, cocaïne, etc.)
d'une grossesse multiple
Fœtale :
La mort in utero d'un des fœtus d'une grossesse multiple
– malformation sévère ou anomalie chromosomique pose des problèmes particuliers liés à la chorionicité. Le
– infection virale (rubéole, CMV, parvovirus B19) ou bactérienne
décès inopiné d'un des jumeaux d'une grossesse bicho-
(Listeria) ou parasitaire (toxoplasmose)
– anémie fœtale (incompatibilté fœtomaternelle, infection à
riale, en l'absence de facteur de risque persistant tel une
parvovirus B19, transfusion fœtomaternelle) infection, ne pose pas de problème particulier pour le
– accidents du cordon ombilical (procidence, insertion jumeau survivant. En revanche, le décès d'un jumeau
vélamenteuse, thrombose, compression, brides ou nœuds du d'une grossesse monochoriale engendre des risques de
cordon) lésions cérébrales chez le survivant qui seront d'autant
– maladies métaboliques plus sévère que la survenue est précoce [10]. Ce risque
Placentaire : d'environ 30 % est liée à l'existence d'anastomoses vascu-
– insuffisance placentaire par anomalie d'insertion laires placentaires.
(placenta praevia ou malformation utérine), insuffisance de
développement (retard de croissance), sénescence placentaire
(grossesse prolongée) ou déséquilibre vasculaire (syndrome
Conduite obstétricale (figure 17.2)
transfuseur-transfusé) En cas de grossesse unique
– hématome rétroplacentaire
– tumeur placentaire (chorioangiome)
L'attitude unanimement admise est d'assurer une expul-
sion fœtale dans un délai rapide afin de raccourcir cette
Absence de cause retrouvée : 30 % des cas
période psychologiquement difficile. Cette attitude active
222   Partie III. Accouchements pathologiques

Examen clinique maternel :


− interrogatoire soigneux avec antécédents maternels +++,
− terme, déroulement de la grossesse,
− poids, pression artérielle, bandelette urinaire,
− hauteur utérine.
1 Bilan sanguin maternel :
− numération formule sanguine, bilan d’hémostase,
− groupe et rhésus si inconnus, RAI,
− si HTA : bilan hépatique, ionogramme sanguin, créatininémie, LDH, haptoglobine,
− sérologies Toxoplasmose et Rubéole si non immunisée,
− sérologies CMV et PVB19,
− test de Kleihauer.

Prélèvement de liquide amniotique :


− caryotype fœtal,
2 − recherche de CMV et PVB19 par PCR sur liquide amniotique si sérologies maternelles
positives.

3 Examen fœtopathologique +++

Étiologie vasculaire Pas d’étiologie vasculaire Pas d’étiologie retrouvée


Bilan de thrombophilie à Pas de bilan de thrombophilie Bilan de thrombophilie
distance de l’accouchement discutable

Fig. 17.2. Conduite pratique à tenir en cas de mort fœtale in utero.

a également pour avantage de permettre un examen fœto- Quelle que soit la procédure choisie, elle sera précédée,
pathologique de meilleure qualité en minimisant les phé- lorsque le col est fermé, de la mise en place, la veille au soir,
nomènes de macération fœtale. Il faudra s'assurer, avant de dilatateurs osmotiques (Dilapan®) ou, quatre heures
l'expulsion, que certains examens à visée étiologique avant le geste, de deux comprimés intravaginal de misopros-
(amniocentèse pour caryotype ou recherche d'une infec- tol (Cytotec®) afin d'éviter le traumatisme d'une dilatation
tion) ont bien été effectués [11]. L'attitude dépendra du instrumentale du col pouvant être responsable d'incompé-
terme de la grossesse. tence cervicale lors des grossesses ultérieures.

Avant 15 SA Entre 15 et 32 SA
Selon la nécessité ou non de disposer d'un examen fœto- Plusieurs protocoles sont possibles. Nous proposons ici un
pathologique et la préférence de la patiente, deux types de exemple de protocole.
prise en charge peuvent être proposés : J0 : 3 comprimés de mifépristone (RU 486) sont prescrits
■ un curetage aspiratif qui a l'avantage d'être rapide et per os.
d'épargner à la patiente (grâce à sa réalisation sous anes- En cas de MFIU, le travail est parfois déclenché par cette
thésie générale) l'épreuve toujours difficile de l'expulsion seule prise. La consultation d'anesthésie doit avoir lieu au
fœtale. Le principal inconvénient du curetage est de ne moment de la prise de mifépristone.
pas permettre d'examen fœtopathologique ; J1 le soir : si le col est fermé, il peut être nécessaire d'uti-
■ une induction du travail par prostaglandines sous anal- liser des dilatateurs osmotiques qui raccourcissent la durée
gésie locorégionale suivie de l'expulsion par voie vaginale du travail en permettant une rupture rapide des membranes.
selon une prise en charge identique à celle prévalant après La pose doit durer au moins trois heures mais ils peuvent
16 SA. Bien que ce type de prise en charge apparaisse être laissés la nuit.
souvent aux couples comme plus difficile, la possibilité J2 : passage en salle de travail, pose de la péridurale avant
d'un examen fœtopathologique après expulsion doit être le début du travail afin d'éviter toute douleur.
soulignée. Dans tous les cas, une prise en charge psycho- La poche des eaux sera rompue dès que possible.
logique doit être proposée. L'utilisation de Cytotec® (50 μg), deux comprimés toutes les
Chapitre 17. Accouchement d'un enfant malformé ou mort    223

quatre heures permet dans la grande majorité des cas, une ■ Examen fœtopathologique (++++) : il est indispensable.
expulsion dans la journée. La prescription sera adaptée à la Il sera parfois difficile à réaliser en raison de la macéra-
contractilité utérine surveillée par tocométrie. tion mais il faut insister auprès des patientes pour qu'elles
Il faut éviter plus de quatre prises. En cas d'inefficacité, l'acceptent tant cet examen est important et permet
il faut rechercher une poche des eaux encore intacte ou une d'orienter ou de faire le diagnostic dans plus de 50 % des
rupture utérine. cas. Il recherchera un RCIU, des malformations ou des
En cas d'utérus cicatriciel, une demi-dose de Cytotec® est signes d'infection. Il sera complété par l'examen du pla-
préconisée [9]. Noter que le Cytotec® n'a pas d'AMM dans centa et du cordon ombilical qui pourra orienter vers une
cette indication [8]. étiologie vasculaire, infectieuse ou malformative (cho-
riangiome, etc.).
Après 32 SA Si l'examen fœtopathologique est refusé par le couple,
Dans le cas d'une mort fœtale à terme sur col favorable, un il faut expliquer l'importance de la réalisation d'un exa-
déclenchement par ocytocine (Syntocinon®) pourra être men clinique soigneux du corps et si possible la réalisa-
réalisé dans des conditions similaires à celles respectées en tion de radiographies du corps entier. Depuis quelques
cas d'enfant vivant. Si le col n'est pas favorable, une matura- années, l'IRM post-mortem se développe et peut amener
tion par un quart de comprimé de Cytotec® (50 μg) toutes à réaliser le diagnostic de malformation en l'absence
les trois à quatre heures est possible (maximun trois poses). d'autopsie [15].
Après l'expulsion fœtale, la vérification de la vacuité Si une étiologie vasculaire est suspectée (nécrose isché-
utérine par échographie est nécessaire quel que soit le mique des villosités avec dépôts de fibrine [NIDF], throm-
terme. Une révision utérine pourra être faite après 32 SA bose placentaire, etc.), un bilan de thrombophilie sera
au moindre doute. Dans tous les cas, un curetage n'est pas demandé à distance (3 mois) de la MFIU. Ce bilan peut
recommandé en raison des risques de perforation. Si une être discuté également quand le bilan étiologique est négatif
rétention est notée, en l'absence de saignement, deux atti- mais l'existence d'une anomalie ne permettra pas d'établir
tudes sont possibles : soit expectative, soit ablation de la un lien direct avec la MFIU en l'absence de lésion isché-
rétention sous contrôle échographique et si possible à la mique placentaire.
pince à faux germe. L'antibioprophylaxie n'est pas systéma- Il est conseillé de revoir le couple à distance avec les
tique et dépend, comme pour un accouchement d'enfant résultats complets du bilan. Cette consultation est impor-
vivant, de la durée du travail ou de la survenue de fièvre. tante car elle permet de faire le point, de discuter du risque
de récidive, éventuellement de prescrire des examens com-
plémentaires et/ou une consultation génétique en fonction
Bilan étiologique des résultats.
À moins qu'il n'existe une étiologie évidente à la mort Il sera également possible de juger de l'état psychique de
fœtale, un bilan systématique sera nécessaire à la recherche la patiente et de s'assurer de l'existence d'un suivi psycholo-
d'une étiologie. Cependant, il est important de réfléchir par gique si nécessaire.
étape afin de ne pas prescrire des examens inutiles, coûteux
et souvent non interprétables dans le contexte de la gros-
Formalités administratives
sesse (anomalies de la coagulation par exemple). Ce bilan
est indispensable pour permettre un conseil obstétrical ou Elles doivent être envisagées avec le couple par la sage-
génétique de qualité pour les grossesses suivantes. femme, le médecin et l'assistante sociale :
■ la déclaration d'enfant né sans vie sera faite dans les
Exemple de bilan 24 heures à l'état civil par le père ou la sage-femme (voir
chapitre 7). Les notions antérieures de terme à 22 SA
Examen clinique maternel ou de poids à 500 g ont été supprimées par les décrets
■ Interrogatoire (antécédents, prise de médicaments ou et arrêtés du 20 août 2008. On n'est pas tenu de donner
toxiques). un prénom à l'enfant et on indiquera seulement « enfant
■ Terme, déroulement de la grossesse, hauteur utérine. présenté sans vie » pour un enfant mort-né. Cette décla-
■ Poids, pression artérielle, bandelette urinaire. ration donne des droits aux parents en matière d'alloca-
tions familiales, de retraite et d'héritage, mais également à
Bilan sanguin maternel l'enfant qui a obligatoirement une place dans le cimetière
■ NFS, hémostase, CRP, groupe, Rhésus, RAI. de la commune du lieu de décès. Cet acte est conditionné
■ ECBU, PV (avec recherche de Listeria), sérologies de la à la production d'un certificat attestant de l'accouche-
toxoplasmose et rubéole si non immunisée. ment de la mère ;
■ Sérologies CMV et parvovirus (entérovirus en fonction ■ une demande d'autopsie sera faite par le médecin après
du contexte). accord de la patiente.
■ Test de Kleihauer ; Le certificat d'enfant sans vie est remis systématiquement
aux parents, quelle que soit leur intention d'enregistrement
Bilan fœtal ou non à l'état civil. La déclaration éventuelle de l'enfant
■ Amniocentèse pour caryotype (avec éventuellement sans vie à l'état civil repose sur une démarche volontaire et
une comparative genomic hybridization (CGH) sur les n'est contrainte à aucun délai.
cultures en fonction de l'examen anatomopatholo- L'établissement de l'acte d'état civil permet et astreint les
gique) [12]. parents à la prise en charge du corps de leur enfant.
224   Partie III. Accouchements pathologiques

L'acte d'enfant sans vie est enregistré sur le registre des [3] Benachi A, Sarnacki S. Prenatal counselling and the role of the pae-
décès et comporte le jour, l'heure et le lieu de naissance, les diatric surgeon. Semin Pediatr Surg 2014 ; 23 : 240–3.
renseignements d'état civil des parents et les prénoms éven- [4] Cordier AG, Jani JC, Cannie MM, et al. Stomach position in the pre-
diction of survival in left-sided congenital diaphragmatic hernia with
tuellement donnés. L'enfant sans vie n'a pas de patronyme ;
or without fetoscopic endoluminal tracheal occlusion. Ultrasound
en conséquence, l'éventuelle reconnaissance anticipée Obstet Gynecol 2015 ; 46(2) : 155 61C.
tombe de droit. [5] Gardosi J, Kady SM, McGeown P, et al. Classification of stillbirth by
L'inscription sur le livret de famille est possible à la relevant condistion at death (ReCoDe) : population based cohort
demande des parents, et la délivrance d'un livret de famille study. BMJ 2005 ; 331 : 1113–7.
s'il s'agit d'un premier enfant d'un couple non marié est [6] HAS. www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-
aussi possible. 11/ald-hors-liste-pnds-sur-la-hernie-diaphragmatique-congeni-
L'organisation des funérailles par les parents se trouve tale.pdf.
en général facilitée par une procédure mise en place entre [7] Jouannic JM, Gavard L, Fermont L, et al. Sensitivity and specificity of
l'établissement d'accouchement et la commune. La famille prenatal features of physiological shunts to predict neonatal clinical
status in transposition of the great arteries. Circulation 2004 ; 28 :
dispose de dix jours pour s'occuper du devenir du corps.
1743–6.
Au-delà de ce délai et en l'absence de récupération du corps [8] Marret H, Simon E, Beucher G, et al. Collège national des gynécolo-
par la famille, l'établissement a deux jours supplémentaires gues obstétriciens français. Overview and expert assessment of off-
pour procéder à sa charge à la crémation du corps ou à son label use of misoprostol in obstetrics and gynaecology : review and
inhumation si une convention avec la commune existe. Si report by the Collège national des gynécologues obstétriciens fran-
des prélèvements fœtopathologiques sont nécessaires sur çais. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2015 ; 187 : 80–4.
l'enfant, ce délai est prolongé jusqu'à quatre semaines à [9] Pluchon M, Winer N. Misoprostol in case of termination of pre-
compter de la naissance. gnancy in the second and third trimesters. Trials. J Gynecol Obstet
Les congés de maternité sont identiques à ceux de l'accou- Biol Reprod 2014 ; 43 : 162–8.
chement d'un enfant vivant. Si elle n'est pas encore en congé, [10] Quarello E, Molho M, Ville Y. Incidence, mechanisms, and patterns of
fetal cerebral lesions in twin-to-twin transfusion syndrome. J Matern
on comptera 16 semaines à partir du jour de l'accouchement
Fetal Neonatal Med 2007 ; 20 : 589–97.
pour une première ou deuxième grossesse et 26 semaines pour [11] RCOG. Green top guidelines : late intrauterine fetal death and still-
une troisième. Cependant, la femme peut réduire son congé à birth. 2010.
huit semaines si elle le désire. Si la grossesse est de moins de [12] Reddy UM, Page GP, Saade GR, et al. Karyotype versus microarray
180 jours, on donnera un arrêt de travail type congé de maladie. testing for genetic abnormalities after stillbirth. N Engl J Med 2012 ;
Tous ces problèmes doivent être abordés et réglés avec la 367 : 2185–93.
sage-femme et l'assistante sociale qui se tiennent au courant [13] Ruano R, Picone O, Bernardes L, et al. The association of gastroschisis
des modifications législatives (voir chapitre 7). with other congenital anomalies : how important is it ? Prenat Diagn
2011 ; 31 : 347–50.
[14] Tassin M, Descriaud C, Elie C, et al. Omphalocele in the first tri-
Références mester : prediction of perinatal outcome. Prenat Diagn 2013 ; 33 :
497–501.
[1] Al-Kaff A, MacDonald SC, Kent N, et al. Delivery planning for pre- [15] Thayyil S, Sebire NJ, Chitty LS, et al. Post-mortem MRI versus
gnancies with gastroschisis : findings from a prospective national conventional autopsy in fetuses and children : a prospective validation
registry. Am J Obstet Gynecol 2015 ; 213(4) : 557.e1–8. study. Lancet 2013 ; 20 : 223–33.
[2] Beke A, Eros FR, Pete B, et al. Efficacy of prenatal ultrasonography in [16] Walter-Nicolet E, Rousseau V, Kieffer F, et al. Neonatal outcome
diagnosing urogenital developmental anomalies in newborns. BMC of gastroschisis is mainly influenced by nutritional management.
Pregnancy Childbirth 2014 ; 24 : 14 82. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009 ; 48 : 612–7.
Chapitre
18
De la fièvre en début
de travail : conduite à tenir
P. Dolley, G. Beucher, M. Dreyfus

PLAN DU CHAPITRE
Fièvre ou hyperthermie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Appréciation de l'état fœtal . . . . . . . . . . . . . . 230
Conséquences de la fièvre . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
Diagnostic étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

apparaissant de façon progressive, une pathologie authenti-


OBJECTIFS quement infectieuse à ses débuts pourrait être classée comme
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : hyperthermie simple, retardant des thérapeutiques efficaces.
• d'énumérer les causes d'hyperthermie en fin de grossesse La distinction entre fièvre et hyperthermie non infec-
et pendant le travail ; tieuse étant difficile, il est indispensable de lutter contre
• de conduire l'examen clinique d'une femme enceinte qui les facteurs favorisant l'hyperthermie pendant le travail : la
a de la fièvre en début de travail ; température des salles de naissance doit être maîtrisée et il
• de prescrire les examens complémentaires et/ou de est nécessaire de maintenir une hydratation des patientes en
réaliser les prélèvements nécessaires au diagnostic travail, qu'elle soit par voie veineuse ou orale (liquides clairs
étiologique ; autorisés selon les équipes anesthésiques). Un antipyrétique
peut être administré (paracétamol 1 g/6 h).
• de mettre en route les principales thérapeutiques.
L'apparition d'une température corporelle supérieure ou
égale à 38 °C nécessite dès lors sa surveillance rapprochée
(tableau 18.1) ainsi que la recherche d'autres signes d'infec-
La température doit être systématiquement prise à toute tion maternelle et fœtale (tableau 18.2).
femme arrivant en salle de naissance, puis surveillée. Deux
pour cent de ces femmes auront une température supérieure Tableau 18.1. Quand prendre la température à une
à 38 °C. accouchée ?
Au cours du travail Après l'accouchement
– Systématiquement dès – Systématiquement 2 h après
Fièvre ou hyperthermie ? l'entrée en salle de naissance la naissance
La fièvre est définie par une élévation de la température cen- – Toutes les 6 h en l'absence de – 1 h après l'accouchement
facteurs de risque si fièvre pendant le travail
trale (prise rectale) corporelle supérieure ou égale à 38 °C en
– Toutes les 3 h en cas de – Dès la naissance si détresse
réaction à une pathologie, le plus souvent infectieuse. facteurs de risque ou fièvre (> 37,8 °C) néonatale
L'hyperthermie pendant le travail est assez fréquente. Elle – Toutes les heures : – Matin et soir dans le
est de cause non infectieuse et liée à un ou plusieurs facteurs : • si température > 38,3 °C post-partum
travail musculaire prolongé, température élevée en salle de • si persistance d'un signe
naissance, déshydratation favorisée par le jeûne. Elle ne sera d'infection
– Dès l'apparition d'un signe
pas aisément distinguée d'une fièvre d'origine infectieuse
d'infection maternofoetale au
dans les délais cliniques nécessaires. Définir un seuil de tem- cours du travail
pérature en dessous duquel il s'agit d'une hyperthermie et
Informer le pédiatre de la température maternelle
au-delà duquel il s'agit d'une fièvre n'est pas justifié. La fièvre

Pratique de l'accouchement
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228   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Tableau 18.2. Facteurs de risque d'infection utérine qu'il favorise. Une infection, quelle qu'en soit l'ori-
maternofœtale. gine, peut être responsable de fièvre en début de travail.
– Antécédent d'infection maternofœtale lors d'une précédente
Certaines causes d'hyperthermie ne sont pas infectieuses.
grossesse L'existence d'une thrombose veineuse profonde ou d'une
– Rupture prématurée des membranes embolie pulmonaire peut s'accompagner d'un décalage
– Infection urinaire maternelle en cours ou dans le mois thermique modéré (< 39 °C).
précédant l'accouchement Un examen clinique soigneux devra être conduit, en
– Infection génitale maternelle et/ou prélèvement d'endocol sachant que la cause la plus fréquente de fièvre en cours de
positif à Streptococcus agalactiae dans le mois précédant
travail est la chorioamniotite aiguë. Elle est évoquée dans la
l'accouchement
– Cerclage du col plupart des études devant l'association d'une fièvre mater-
– Gestes invasifs intra-utérins récents ou répétés (amniocentèse, nelle et d'au moins deux des signes suivants : douleur uté-
fœtoscopie) rine, contractions, odeur anormale du liquide amniotique,
– Immunodépression (acquise ou iatrogène) tachycardie fœtale, hyperleucocytose ou cultures du liquide
– Travail long avec ouverture prolongée de la poche des eaux amniotique positives [1].
(≥ 18 h) ou touchers vaginaux répétés (déclenchement)
– Liquide amniotique teinté ou méconial
– Tachycardie fœtale ≥ 160 bpm ou décélérations répétées sur le Interrogatoire
tracé de RCF
– Accouchement prématuré (< 37 SA)
On cherchera à établir la durée d'évolution de la fièvre et les
éventuels signes d'accompagnement, qu'ils soient urinaires,
N.B. Le portage asymptomatique de Streptococcus agalactiae au cours du
ORL, pulmonaires, digestifs, neurologiques ou cutanés.
neuvième mois est une indication d'antibioprophylaxie au cours du travail.
On cherchera à dater le début d'une éventuelle perte de
liquide amniotique.
Conséquences de la fièvre On interrogera sur l'existence d'un contage viral (contexte
Risque néonatal épidémique), d'un voyage récent et sur le respect des pré-
Vingt pour cent des femmes fébriles donnent naissance à cautions alimentaires concernant la listériose.
un enfant infecté. Cinquante pour cent des enfants infec- En fonction du contexte épidémiologique, une prise en
tés sont nés d'une mère fébrile. Plus que la fièvre dont les charge protocolisée devra être établie, par exemple en cas
effets ont été assez mal étudiés chez le fœtus, c'est l'infec- de fièvre inaugurale chez une patiente de retour récent d'un
tion intra-amniotique qui présente un risque pour l'enfant. pays endémique pour le paludisme, le chikungunya ou pour
Cette infection intra-amniotique peut aller jusqu'à une des virus comme Ebola.
infection du nouveau-né (méningite, septicémie, entéro- Le résultat du prélèvement vaginal à la recherche de
colite) qui est d'autant plus grave qu'elle est associée à une streptocoque B devra être récupéré.
asphyxie per-partum. Elle augmente la mortalité périnatale
jusqu'à 25 %. On observe également une augmentation de Examen physique
la fréquence des détresses respiratoires et des hémorragies L'examen physique élimine une mauvaise tolérance mater-
intraventriculaires. Enfin, la fièvre est responsable de 20 % nelle : tachycardie, hypotension artérielle, frissons, poly-
des accouchements prématurés, l'élévation de la tempé- pnée, troubles digestifs (diarrhée), teint grisâtre, marbrures,
rature entraînant des contractions utérines. L'association lésions purpuriques. Dans un contexte de suspicion d'infec-
prématurité-­infection aggrave considérablement le pronos- tion, une hypothermie inférieure à 36 °C est également un
tic néonatal. signe de gravité.
Il recherche un foyer infectieux extraobstétrical : ORL,
Risque maternel pulmonaire, urinaire, digestif, neurologique, etc.
L'infection entraîne des endométrites, des bactériémies, L'examen obstétrical sera complet, recherchant un
des septicémies avec risque de choc toxi-infectieux et de contexte ou des signes évocateurs de chorioamniotite aiguë :
coagulopathie : la morbidité infectieuse après césarienne pose de spéculum à la recherche de pertes liquidiennes
augmente de 10 %. Le contexte infectieux est également méconnues dont l'aspect sera précisé, palpation utérine à la
connu comme un facteur de risque majeur d'hémorra- recherche d'une douleur utérine, toucher vaginal.
gie du post-partum par le biais de l'atonie utérine et des
coagulopathies.
Examens complémentaires
Risque obstétrical Recherche d'un syndrome inflammatoire
L'infection augmente le nombre des interventions obstétri- Ces analyses ne doivent pas faire retarder le traitement
cales du fait de la dystocie dynamique et de la mauvaise tolé- d'une fièvre pendant le travail. Cependant, prélevées dès le
rance fœtale. La fréquence des césariennes et des extractions diagnostic, elles vont permettre de débuter une surveillance
instrumentales peut atteindre respectivement 25 et 23 %. biologique afin de s'assurer de la régression de l'inflamma-
tion maternelle après l'accouchement.
Diagnostic étiologique Le syndrome inflammatoire s'apprécie par :
■ le dosage de la C-reactive protein (CRP) ;
Un contexte infectieux peut induire le début du travail par ■ la numération formule sanguine pour rechercher une
la fragilisation des membranes ovulaires et la contractilité hyperleucocytose.
Chapitre 18. De la fièvre en début de travail : conduite à tenir    229

La CRP peut s'élever en cas de chorioamniotite et parfois Prélèvement de liquide amniotique par amniocentèse
s'accompagner d'une hyperleucocytose. Une revue de la lit- Son intérêt a été largement étudié dans la littérature dans
térature a montré qu'en cas de chorioamniotite, le dosage l'optique d'approcher au mieux le diagnostic de chorioam-
de la CRP avait une sensibilité de 72,8 %, une spécificité de niotite. Il n'a pas sa place en cas de fièvre en cours de tra-
76,4 %, un taux de faux positifs de 23,6 % et de faux négatifs vail, ce d'autant qu'une colonisation du liquide amniotique
de 27,2 %, ce qui rend son intérêt très modéré dans l'aide au est possible sans qu'on puisse la différencier d'une infection
diagnostic de chorioamniotite en cours de travail [6]. réelle. L'invasivité du geste pour un résultat retardé et non
La procalcitonine augmentée de façon physiologique décisif lui retire toute indication dans cette situation.
chez la femme enceinte n'est pas un bon marqueur de cho-
rioamniotite [6] et ne doit pas être utilisée. Goutte épaisse
La vitesse de sédimentation et le dosage du fibrinogène Elle peut être demandée en cas de suspicion de paludisme.
n'ont pas leur place chez la femme enceinte, leur constante
augmentation n'apportant aucune information pertinente. Prélèvements après l'accouchement (tableau 18.3)
Ils doivent être faits dans tous les cas, que la mère ait reçu
Prélèvements bactériologiques une antibiothérapie (ce qui devrait être le cas) pendant le
Bien que les résultats ne soient disponibles le plus souvent travail ou non.
qu'après l'accouchement, ces prélèvements sont indispen- ■ sur les annexes : pour le placenta et les membranes, un
sables pour confirmer le diagnostic de chorioamniotite examen anatomopathologique (à la recherche de lésions
aiguë et pour guider l'antibiothérapie du nouveau-né et de histologiques de chorioamniotite, qui sera classée en dif-
la mère en post-partum. férents stades en fonction de l'atteinte du versant mater-
nel ± fœtal) et examen bactériologique ;
Hémocultures ■ sur le nouveau-né [3] :
Elles seront prélevées à trois reprises sur milieux aéroanaé- – liquide gastrique et prélèvements périphériques mul-
robies. Si la recherche de Listeria monocytogenes n'est pas tiples (conduit auditif externe + un autre au choix
pratiquée en routine par le laboratoire, il conviendra d'en parmi narines, bouche, yeux, ombilic, anus) ;
faire spécifiquement la demande. – hémoculture : c'est l'examen de référence pour confir-
mer l'infection néonatale. Elle est réalisée sur une veine
Prélèvements urinaires périphérique ou par l'intermédiaire du cathéter ombi-
Effectués aseptiquement, par sondage vésical évacuateur lical. La grande majorité des bactéries, causes de sep-
ou sur une miction spontanée, on y testera une bandelette sis néonatal, est détectée en moins de 48 heures. Il est
réactive à la recherche d'une leucocyturie et d'une nitriturie, recommandé d'attendre 48 heures d'incubation pour
bons témoins d'une infection en cours. Un examen cyto- que la négativité des hémocultures soit un argument
bactériologique des urines sera également demandé avec pertinent pour exclure le diagnostic d'infection chez
un examen direct, une numération des leucocytes et des un nouveau-né « asymptomatique ». Le tableau 18.4
germes, ainsi qu'un antibiogramme. montre les germes les plus fréquemment impliqués [1]
dans une infection néonatale.
Prélèvements vaginaux Ces germes proviennent le plus souvent :
Ils se pratiquent par un écouvillonnage du vagin, en par- ■ d'une infection amniotique après rupture prématurée des
ticulier à la recherche de streptocoque B et de bacilles à membranes (30 % des cas), l'infection ascendante latente
Gram négatif, germes les plus souvent impliqués dans les étant quasi constante à terme après 48 heures de rupture ;
chorioamniotites. ■ d'une amniotite à membranes intactes (dans 50 à 60 %
Un prélèvement de l'endocol n'est pas recommandé en des cas) ; l'amniotite précède le plus souvent la rupture
routine en cas de fièvre pendant le travail [5]. des membranes [6] ;
■ d'une infection urinaire responsable d'une bactériémie.
Recherche de virus influenzae Il est nécessaire de rappeler que le streptocoque du groupe
Dans un contexte d'épidémie grippale avec tableau clinique A est un germe dont le portage asymptomatique dans la
évocateur, un écouvillonnage nasal avec recherche de ces sphère ORL est fréquent, favorisant une transmission de soi-
virus devra être pratiqué. gnant à soigné. Cela impose une prévention par le port du

Tableau 18.3. Prélèvements après l'accouchement.


L'enfant Le placenta La mère
– Liquide gastrique (le témoin le plus fidèle – Placentoculture : prélèvement – Hémocultures, ECBU,
de l'infection maternofoetale) d'un fragment de placenta, de membrane, – Sérologie :
– Écouvillonnage des orifices : conduit de façon stérile – Listeria,
auditif externe + bouche ou narines, – Prélèvement anatomopathologique – toxoplasmose
ou anus du placenta, du cordon – syphilis,
– Lésions cutanées éventuelles – VIH,
– hépatite
(s'ils n'ont pas été faits avant le travail)
230   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Tableau 18.4. Répartition de la fréquence des Tableau 18.5. Évaluation du risque d'infection
germes responsables d'infections néonatales. ovulaire (chiffre en % par l'association de deux
paramètres) [4].
Germes %
Paramètres Risque infectieux (%)
Streptocoques B 35,9
Infection maternelle + liquide fétide 75
Escherichia coli 21,4
Liquide vert + prématurité 69
Streptocoques α-hémolytiques 11,3
Rupture prématurée des 54,6
Autres bacilles à Gram négatif 10,7
membranes + liquide fétide
Autres streptocoques 6,7
Liquide vert et fétide 50
Anaérobies 6,1
Infection gravidique + rupture 50
Staphylocoques 5,5 prématurée des membranes
Levures 1,7 Tachycardie + hypercinésie (non 47
expliquée)
Listeria 0,7
Rupture prématurée des 46,7
membranes + hypercinésie
masque pour tous les gestes réalisés chez une parturiente à
membranes rompues, y compris le toucher vaginal, comme Rupture prématurée des 46,15
membranes + tachycardie
le recommande le CNGOF.
Rupture prématurée des 45,9
membranes + prématurité
Appréciation de l'état fœtal Rupture prématurée des 45
membranes + dépassement de terme
Elle est essentielle pour la décision obstétricale.
L'âge gestationnel est estimé grâce aux biométries prati- Prématurité + hyperthermie 40
quées de préférence au premier trimestre, l'existence d'un Prématurité + tachycardie 37,5
travail prématuré étant un facteur de risque d'infection en soi. Dépassement de terme + tachycardie 37,5
Le rythme cardiaque fœtal (RCF) sera le principal guide
des équipes pour évaluer le bien-être fœtal. Près de 50 % des Dépassement de terme + hyperthermie 33
fœtus de mère fébrile présentent des anomalies du RCF. Il n'y
a pas de tracé type de l'infection fœtale. La tachycardie fœtale
(rythme de base > 160 bpm) est fréquente et peut s'accom- autant que possible la réalisation d'une césarienne inutile
pagner d'une réduction des oscillations. Des ralentissements qui, dans un contexte infectieux, peut entraîner une morbi-
de tous types sont possibles. Ces anomalies du tracé peuvent dité maternelle importante.
traduire une perturbation du bien-être fœtal, ce d'autant La stratégie thérapeutique associe :
qu'elles sont associées, devant faire envisager une extraction ■ une antibiothérapie systématique ainsi qu'une optimisation
fœtale en urgence si l'accouchement n'est pas imminent. de la dynamique du travail (direction du travail : rupture
Si les membranes sont rompues, un cathéter de tocométrie des membranes, ocytociques) qui devra être d'autant plus
interne pourra être posé sans augmenter le risque infectieux. rapide que des signes d'infection fœtale apparaissent.
On préférera cependant ne pas avoir recours à la pose d'une Lors d'une infection ovulaire, on note fréquemment une
électrode de scalp. hypercinésie qui peut permettre plus aisément un accou-
L'aspect du liquide amniotique est noté. L'association chement par voie basse ;
d'une fièvre maternelle à un liquide amniotique méconial en ■ une césarienne qui devra être envisagée devant des signes
présence d'un RCF tachycarde doit imposer une naissance modérés d'infection fœtale (tachycardie fœtale modérée
dans les plus brefs délais devant la forte suspicion de cho- isolée) en phase de latence ou chez une nullipare ou lors
rioamniotite avec atteinte fœtale. d'une phase active dystocique,
L'équilibre acidobasique par mesure de pH ou de la lac- ■ une césarienne en urgence sera la règle devant des signes
tacidémie par microponction du scalp est théoriquement d'infection fœtale sévère, à l'exception d'une patiente
discutable dans un contexte infectieux. En effet, l'altération multipare en toute fin de travail ou d'un fœtus en voie
de l'équilibre acidobasique fœtal dans la chorioamniotite est d'expulsion.
un signe d'infection sévère qu'il ne faut pas attendre pour ■ l'anesthésie péridurale est contre-indiquée par la plupart
indiquer l'extraction. des auteurs, du fait des risques infectieux et de coagulo-
Le risque de l'infection ovulaire peut être apprécié en pathie. Il ne s'agit d'une contre-indication absolue qu'en
fonction de plusieurs paramètres (tableau 18.5). cas de septicémie ou de bactériémie.

Conduite à tenir (figure 18.1)


Antibiothérapie
Gestion du travail Elle est systématique dès la constatation d'une fièvre en cours
L'objectif premier de la gestion d'une fièvre en cours de de travail et après réalisation des prélèvements bactério­
travail est de prévenir l'infection néonatale tout en évitant logiques. Son utilisation systématique dans cette situation
Chapitre 18. De la fièvre en début de travail : conduite à tenir    231

Examen clinique

Bilan maternel Bilan fœtal: signesde


- Clinique: signesde gravité gravité
- Biologique: orientation - Age gestationnel
NFS, CRP - Analyse RCF
Hémoculture - Liquide amniotique
ECBU
Prélèvement vaginal
Conduite à tenir

Infection extra-ovulaire Chorioamniotite Septicémie


évidente probable Choc toxi-infectieux

Mono antibiothérapie ciblée Bi-antibiothérapie Tri antibiothérapie


+ +
Direction du travail: Réanimation
Rupture PDE Bonnes conditions obstétricales Mauvaises conditions obstétricales
Ocytociques Direction du travail: ou
Rupture PDE Signes d’infection fœtale
Ocytociques

Accouchement VB Accouchement VB Césarienne Césarienne

Fig. 18.1. Conduite à tenir chez une femme fébrile au cours du travail après 35 SA.

réduit considérablement les colonisations néonatales à strepto- coagulation et débuter une antibiothérapie massive (double,
coque B et diminue le risque de bactériémie [1]. Ces quelques voire triple, par aminoside, céphalosporine de 3e génération
heures gagnées peuvent permettre d'éviter la constitution de et métronidazole).
lésions cérébrales dont le développement peut être rapide dans L'antibiothérapie est poursuivie chez le nouveau-né,
ce contexte. adaptée en fonction de l'état néonatal et des résultats des
En s'inspirant des protocoles de prévention de l'infection prélèvements, sachant qu'une antibiothérapie de courte
néonatale à streptocoque B, on prescrit de : durée ne les négative pas forcément.
■ la pénicilline G (5 millions d'UI puis 2,5 millions d'UI
toutes les 4 h en intraveineux jusqu'à l'expulsion) : son
spectre étroit et son efficacité constante sur le strepto- Après l'accouchement
coque B en font la molécule de choix. En revanche, elle La surveillance maternelle doit être poursuivie et les résul-
n'est pas toujours efficace sur l'Escherichia coli. tats des examens bactériologiques récupérés afin d'orienter
■ l'amoxicilline peut également être prescrite (2 g puis 1 g l'antibiothérapie débutée de façon probabiliste. Ces derniers
en intraveineux toutes les 4 h) ; seront également transmis au pédiatre puisqu'ils seront
■ l'érythromycine (500 mg en intraveineux/6 h), la clinda- connus avant les résultats néonataux.
mycine (900 mg en intraveineux/8 h) ou une céphalospo- En cas de suspicion d'infection néonatale, une antibio-
rine [1] sont des alternatives possibles en cas d'allergie à thérapie chez le nouveau-né sera poursuivie au minimum
la pénicilline. jusqu'au retour des prélèvements néonataux.
Dans le cas où un autre point d'appel infectieux (hors Du point de vue maternel, la sur veillance en
chorioamniotite) est connu, on le traitera de façon ciblée. ­p ost-partum immédiat sera intensive du fait du risque
En cas de chorioamniotite fortement suspectée, on pourra accru d'hémorragie du post-partum. L'antibiothérapie
mettre en place : par céphalosporine, débutée après la naissance de l'enfant,
■ une bithérapie, associant un aminoside à une céphalos- nécessite d'être poursuivie jusqu'au retour des prélève-
porine ou une aminopénicilline ; ments bactériologiques.
■ une trithérapie amoxicilline-amikacine-céfotaxime, Si les prélèvements bactériologiques faits à l'enfant
couvrant théoriquement l'ensemble des germes habi- sont stériles, l'antibiothérapie peut être arrêtée. Dans le
tuellement impliqués dans l'infection maternofœtale, à cas contraire, elle est adaptée à l'antibiogramme et à
condition de ne pas la prolonger au-delà des 48 heures l'existence d'un allaitement maternel. Afin de prévenir
nécessaires à l'instauration d'une antibiothérapie dirigée le risque d'endométrite secondaire du post-partum, elle
contre le germe impliqué. sera poursuivie 14 jours avec un relai per os dès 48 heures
Devant une septicémie, un choc toxi-infectieux, débutant d'apyrexie.
ou installé, la césarienne est urgente afin de traiter l'origine Une prévention de la maladie thromboembolique par une
de l'infection, mais elle ne doit être faite qu'en instaurant injection quotidienne d'une héparine de bas poids molécu-
une réanimation intensive. Il faut en particulier rétablir laire est à discuter du fait d'un risque accru de thrombophlé-
un état hémodynamique stable, corriger des troubles de la bite pelvienne.
232   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Conclusion Références
Deux pour cent des femmes en travail présentent de la [1] ANAES. RPC Prévention anténatale du risque infectieux bactérien
fièvre. Son origine infectieuse, en particulier la chorioam- précoce. 2001.
[2] ANAES. RPC Diagnostic et traitement curatif de l'infection bacté-
niotite, peut s'associer à de nombreuses complications
rienne précoce chez le nouveau-né. 2002.
maternelles, fœtales et néonatales. À un bilan étiologique [3] CNGOF. RPC Infections cervicovaginales et grossesse. 1997.
soigneux s'associe une antibiothérapie probabiliste qui [4] Sautiere JL, Maliki K, Colette C. Diagnosis of ovular infection associa-
sera adaptée à l'antibiogramme après l'accouchement. Une ted with premature rupture of the membranes. Rev Fr Gynecol Obstet
direction du travail peut être nécessaire afin de limiter 1991 ; 86 : 287–9.
les risques d'infection fœtale et de césarienne. Cette der- [5] Petit E, Abergel A, Dedet B, et al. Prématurité et infection : état des
nière ne doit pas être retardée dans un contexte obstétrical connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2012 ; 41 : 14–25.
défavorable. [6] Wiwanitkit V, et al. Maternal C-reactive protein for detection of cho-
rioamnionitis : an appraisal. Infect Dis Obstet Gynecol 2005 ; 13 : 179–81.
Chapitre
19
Rupture prématurée
des membranes en dehors
du travail : conduite à tenir
P. Gillard, L. Sentilhes, P. Descamps

PLAN DU CHAPITRE
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 Conséquences de la rupture prématurée des
Fréquence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 membranes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236
Moyens de défense contre l'infection . . . . . . . 234 Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Pourquoi la rupture prématurée des Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
membranes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246

La rupture est dite précoce lorsqu'elle survient au cours


OBJECTIFS du travail avant la dilatation complète.
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : Elle est dite prématurée lorsqu'elle se rompt avant le
• d'énumérer les causes des ruptures prématurées des début du travail.
membranes ; L'œuf étant ouvert, il est d'autant plus exposé à l'infection
• d'énumérer les conséquences maternelles et fœtales de la que le travail tarde à se mettre en route.
rupture ; La notion de délai entre la rupture et le début de travail
• d'énumérer les éléments favorisant la procidence du est donc très importante, et beaucoup d'auteurs n'appellent
cordon ; rupture prématurée des membranes que les ruptures surve-
nant plusieurs heures avant le début du travail, cette durée
• de faire le diagnostic d'une procidence du cordon et de
pouvant varier de deux à 24 heures selon les définitions
mettre en route le traitement le plus approprié ;
adoptées. Au-delà de 24 heures, on parle volontiers de rup-
• de décrire les moyens cliniques et paracliniques du
ture prolongée.
diagnostic de la rupture prématurée des membranes ;
Dans cette définition, le terme « prématuré » est donc
• de proposer une conduite à tenir en fonction de l'âge un faux ami. Il faut en pratique distinguer les ruptures
de la grossesse, de l'existence d'une infection et des qui se produisent à terme (rupture prématurée à terme
différents traitements utilisables. avant travail des Anglo-Saxons : 60 à 80 % des cas) des
ruptures prématurées qui se produisent avant terme,
c'est-à-dire avant 37 semaines révolues. Ce sont ces der-
La rupture prématurée des membranes ou rupture avant nières qui posent, surtout avant 35 semaines, les véritables
le début du travail concerne 5 à 10 % des grossesses. C'est problèmes de prématurité et d'infection. Avant 25 SA,
un sujet de controverse, et ce depuis sa définition jusqu'à la elles exposent en plus à une hypoplasie pulmonaire du
conduite à tenir, car il faut affronter deux risques : l'infection fait de la diminution du liquide amniotique dans l'arbre
et la prématurité. Des recommandations de bonne pratique trachéobronchique.
ont été faites par le CNGOF [6], l'ACOG [1] et le RCOG [21]. Après 37 SA, seules les anomalies obstétricales (causes
ou conséquences de la rupture prématurée des membranes)
sont à prendre en compte : procidence du cordon, présenta-
Définition tion irrégulière, dystocie dynamique. Il n'y a plus de risque
Dans les conditions physiologiques, les membranes de l'œuf de prématurité ; le risque infectieux est fonction de la latence
(chorion et amnios) se rompent spontanément au cours du entre la rupture et l'entrée en travail. Plus la latence est
travail à dilatation complète : c'est la rupture tempestive. courte, plus la probabilité d'infection sera faible.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 233
234   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fréquence pour le second, après 72 heures, en faveur d'une infec-


tion secondaire, à condition d'éliminer une transfusion
Du fait des variations de définition, la fréquence de la rup- fœtomaternelle.
ture des membranes varie de 3 à 18 % des accouchements, Au total, ce pouvoir bactériostatique varie beaucoup selon
Elle semble en diminution du fait de l'amélioration du le liquide considéré, le germe testé, l'âge gestationnel et la
niveau sanitaire des populations et de la plus grande préci- présence de sang ou de méconium. On ne sait pas accroître
sion des diagnostics. ce pouvoir mais il faut tenir compte de son existence.
Dans 70 % des cas, la rupture se produit après 37 semaines
et le fœtus n'est, dans ce cas, exposé qu'à un risque infectieux.
Dans 20 % des cas, la rupture se produit entre 34 et Pourquoi la rupture prématurée
37 semaines d'aménorrhée. des membranes ?
Dans 10 % des cas, elle se produit avant 34 semaines.
Le fœtus risque alors d'être prématuré et infecté ; le risque Deux phénomènes doivent nécessairement s'associer pour
de l'infection est directement corrélé à l'importance de la provoquer la rupture :
prématurité. ■ d'une part, une anomalie localisée de la structure
Avant 28 SA, les ruptures prématurées sont rares, de 1 à membranaire ;
7/1 000 grossesses, mais elles sont graves car elles ajoutent à la ■ d'autre part, une augmentation du tonus utérin qui fait
grande prématurité et au risque infectieux les conséquences de céder les membranes à un endroit où elles présentent une
l'oligoamnios, c'est-à-dire entre autres l'hypoplasie pulmonaire. fragilisation.
En pratique, le taux de ruptures à terme avant le travail Les différentes causes sont rapportées dans le tableau 19.1 ;
est de 8 % [1] et celui des ruptures prématurées avant terme mais le mécanisme précis est encore inconnu : on sait que
de 3 % des grossesses [18]. la résistance globale des membranes avant terme est plus
grande que celle des membranes à terme, que l'amnios est
trois fois plus fin que le chorion, mais cinq fois plus résistant
Moyens de défense contre à l'étirement du fait de propriétés viscoélastiques.
l'infection La composante élastique repose sur la trame du réseau de
collagène, qui peut être altérée par l'infection.
Le liquide vaginal contient 108 à 109 bactéries/ml, en La composante visqueuse est fonction de l'osmolalité du
moyenne sept espèces différentes dont une sur dix seule- liquide amniotique dans laquelle interviendrait la prolactine.
ment est aérobie. Cette flore est dynamique, en fonction de Force est donc d'admettre une fragilisation localisée d'un
variations hormonales. L'adaptation à la grossesse voit une tissu devenu inhomogène : l'infection semble jouer un grand
diminution relative des germes anaérobies et de ceux poten- rôle en cas de cervicite, d'amniotite ou de béance cervicale.
tiellement virulents. Interviennent tous à la fois :
Cette virulence est cependant très aléatoire, et n'importe ■ des enzymes bactériennes capables d'induire la sécrétion
quel germe peut devenir virulent pour le fœtus et la mère, locale de prostaglandines avec contractions utérines, par-
y compris le lactobacille. L'élément déterminant semble fois occultes, et maturation cervicale ;
l'importance de l'inoculum. Face à ce risque d'infection ■ une élastase, produite par les leucocytes neutrophiles qui
ascendante existent deux moyens de défense : le mucus ont infiltré les membranes, qui détruit le collagène de
endocervical et le pouvoir inhibiteur de la croissance bacté- l'amnios, en particulier celui de type III dont la réduction
rienne du liquide amniotique : paraît spécifique ;
■ le mucus endocervical représente une barrière mécanique ■ des enzymes du liquide amniotique ou des membranes
mais aussi biologique, puisqu'il contient des immuno­ qui, outre leur pouvoir cytotoxique et antibactérien,
globulines et le lysozyme à fortes concentrations ; peuvent dépolymériser le collagène et hydrolyser les pro-
■ le pouvoir inhibiteur du liquide amniotique repose sur de téines membranaires, fragilisant les membranes.
nombreuses substances : outre les leucocytes, citons encore Un cercle vicieux s'instaure alors, la dilatation cervicale
le lysozyme, la bêtalysine, ainsi que d'autres peptides catio- favorisant l'infection qui favorise à son tour la rupture.
niques, la transferrine, la peroxydase, la spermine, certains L'action de ces facteurs mécaniques et tissulaires est sché-
acides gras et stéroïdes. Insistons sur le complexe peptide- matisée dans la figure 19.1.
zinc dont l'efficacité est basée sur le rapport phosphates/ L'infection, cependant, ne saurait être reconnue comme
zinc : inférieur à 100, le liquide est bactéricide, entre 100 facteur causal unique (tableau 19.1) :
et 200, il est bactériostatique, au-dessus de 200, il n'est plus ■ les traumatismes, physiologiques (rapports sexuels) ou iatro-
inhibiteur. Des taux élevés de phosphates inorganiques gènes (amniocentèses, ponctions de sang fœtal), surtout
sont souvent retrouvés dans les chorioamniotites. répétés, semblent capables d'altérer à eux seuls la structure
Les immunoglobulines, enfin, ont un rôle. L'augmentation membranaire. Le rôle de l'activité sexuelle reste néanmoins
des IgG et des IgA a été observée dans le liquide amniotique très discuté : apport de germes, tractions sur les membranes
en cas de rupture prématurée des membranes et/ou de cho- du fait de l'orgasme et des prostaglandines du sperme,
rioamniotite. De même, les IgM et les IgA sont élevées dans enzymes séminales ayant un effet agressif sur les membranes ;
le sang du cordon. ■ les membranes peuvent voir leur résistance globale dimi-
L'observation de deux pics distincts, selon les cas, nuée par des facteurs nutritionnels ou toxiques ; la maladie
d'accroissement des IgA, plaiderait pour le premier, dans d'Ehlers-Danlos, surtout dans sa forme grave, prouve le rôle
les 12 premières heures, en faveur d'une infection causale, de la qualité du collagène dans la résistance de l'amnios ;
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    235

Tableau 19.1. Étiologies des ruptures prématurées des membranes.


Traumatisme Maladie des membranes Fragilisation des membranes Étiologies idiopathiques
Physiologique Distension utérine Malnutrition : Infections endocervicale et Femmes à risques :
Mouvements fœtaux – vitamine C amniotique (+++) – multiparité
Contractions utérines – Cu Infection urinaire – âge élevé
(Braxton-Hicks) – Zn Ischémie (?) avec surdistension : – bas niveau
Coït Autres avitaminoses – gémellaire socioéconomique
Pression barométrique Maladies du collagène – hydramnios – récurrence (1 fois sur 5)
Syndrome d'Ehlers-Danlos – macrosomie
Iatrogène Toucher vaginal
Tabac – présentation irrégulière
Amnioscopie
Autres toxiques (plomb, Sans distension :
Amniocentèse
etc.) – béance cervicale
Cerclage
– placenta praevia
Biopsie de trophoblaste
– menace d'accouchement
Ponction du cordon
prématuré
Fœtoscopie
– insertion marginale du cordon

Fig. 19.1. Rôle de l'infection endocervicale dans le mécanisme de la rupture des membranes. D'après Minkoff H. Prematurity : infection
as an etiologic factor. Obstet Gynecol 1983 ; 62:137-44.

■ la surdistension globale de la poche des eaux (hydram- surtout pratiqué tardivement, après 19 semaines, semble
nios), des tractions excessives localisées et une ischémie un facteur de risque prépondérant : infection locale sur
locale représentent des facteurs d'appoint. corps étranger, sécrétion de prostaglandines, voire fragi-
Parmi les facteurs de risque on retient : lisation ou rupture peropératoire ;
■ le placenta praevia ou l'insertion basse du placenta ; ■ les antécédents de rupture prématurée car le risque de
■ le bas niveau socioéconomique qui s'accompagne souvent récidive est estimé à 16–30 % [1].
d'infections cervicovaginales plus fréquentes, de rapports Comme on le voit, certains facteurs de risque sont évi-
sexuels avec de multiples partenaires plus fréquents, de tables : les infections cervicovaginales, le tabagisme, les
malnutrition, etc. ; prélèvements fœtaux (amniocentèses, ponctions de sang
■ le tabagisme ; fœtal) ; d'autres non : placenta praevia, insertion basse,
■ l'obésité ; grossesses multiples, hydramnios, antécédent d'accou-
■ la conisation ; chement ou de rupture prématurés. Dans de nombreux
■ la béance cervicale qui expose, certes, aux microbes et cas, la rupture survient chez des femmes sans facteur de
aux traumatismes directs mais, en regard, le cerclage, risque.
236   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Conséquences de la rupture Son augmentation paraît une indication à rechercher l'in-


fection par amniocentèse ou prélèvement d'endocol, mais
prématurée des membranes pas à interrompre la grossesse avant 33 semaines.
Mise en route du travail
Après rupture prématurée à terme avant travail, la moitié Dépistage bactériologique
des patientes accouchent dans les cinq heures et 95 % dans Prélèvements
les 28 heures [10]. Prélèvement cervicovaginal
Après rupture prématurée des membranes avant terme, De très nombreuses études sont consacrées à la bactério­
la durée moyenne de latence avant les naissances varie de logie vaginale en cas de rupture prématurée des membranes.
dix à 21 jours. Cinquante-sept pour cent des femmes auront Sont ainsi mis en cause :
accouché dans la semaine et 22 % dans le mois qui suit la ■ le streptocoque du groupe B, responsable de 40 % des
rupture. Durant la période de surveillance, 3 à 13 % des infections néonatales et des méningites. On admet qu'il
patientes voient la perte de liquide s'arrêter et le volume du multiplie par trois les risques de mortalité, de morbidité
liquide revenir à la normale [1]. et de rupture prématurée des membranes. La colonisa-
tion maternelle est estimée entre 5 et 35 %. Son dépis-
tage par des techniques de coagglutination sur lame est
Infection possible en quelques heures ; il est accusé d'avoir un rôle
Elle est souvent la cause de la rupture prématurée des mem- direct sur la rupture et de coloniser très précocement le
branes, et parfois la conséquence. Il est classique de dire que liquide amniotique ;
l'infection précède la rupture et nous avons vu par quels méca- ■ le gonocoque, assez rarement retrouvé ; cependant,
nismes. Cela explique que le liquide amniotique puisse être très aux États-Unis, 7,5 % des femmes enceintes en sont
rapidement contaminé par des germes d'origine vaginale (25 % porteuses ;
de culture positive à 6 heures de rupture, 50 % après 20 heures). ■ le colibacille, mais sa présence dans le vagin est d'une
Dans un délai de quatre heures après la rupture, Sarrut et al. grande banalité ; son rôle dans la colonisation serait plus
[22] trouvent 40 % de chorioamniotite histologique, taux tardif ;
quatre fois et demie plus élevé que dans la série témoin. ■ Klebsiella, plus rarement mise en cause ;
■ Chlamydia trachomatis dont le rôle pathogène est très
Infection fœtale discuté ;
Elle se propage par voie funiculaire, transcutanée et trans- ■ Trichomonas vaginalis, dont la fréquence est doublée en
muqueuse, pénétrant dans le fœtus par le tube digestif, les cas de rupture prématurée des membranes ;
voies respiratoires, les fosses nasales et le canal auriculaire. ■ les mycoplasmes (Mycoplasma hominis et Ureaplasma
La bactériologie positive du liquide gastrique et du sang urealyticum), dont la présence atteint 50 à 80 % de « por-
du nouveau-né augmente avec le temps de latence de la rup- teurs sains » aux États-Unis ;
ture. Cette agression microbienne peut être responsable de ■ les germes anaérobies, de plus en plus suspects, tant dans
pneumonie, d'otite, de méningite, d'infection cutanée et de la forme de la « vaginose bactérienne » à Gardnerella que
septicémie pour le fœtus. dans les colonisations par de très nombreux germes anaé-
robies associés, dont Bacteroides fragilis.
En revanche, la responsabilité du virus herpétique et des
Dépistage de l'infection
mycoses semble pouvoir être écartée.
Le but est de rechercher une infection subclinique, mais on Le diagnostic rapide de ces infections vaginales est
ignore : amélioré par l'utilisation des anticorps monoclonaux et de
■ si elle a un meilleur pronostic que la chorioamniotite avérée ; la polymerase chain reaction (PCR). Il a été montré que la
■ si, à l'inverse, elle justifie un déclenchement ou au moins valeur prédictive d'une infection amniotique par un pré-
une antibiothérapie orientée. lèvement vaginal positif est de 53 % avec un taux de faux
L'orientation des recherches est triple : biologique, bacté- positif de 25 % [5].
riologique et échographique.
Prélèvement amniotique sous spéculum
Dépistage biologique Il paraît logique que la bactériologie du liquide amniotique
L'interprétation de la numération des globules blancs est reflète le mieux le risque d'une infection néonatale.
aléatoire car la limite de la normale pendant la grossesse est
imprécise : 10 000 à 20 000/mm3. La vitesse de sédimenta- Prélèvement de l'endocol
tion, très accélérée pendant la grossesse, est inutilisable. Le prélèvement de l'endocol par sonde d'aspiration stérile
Le dosage quantitatif de la CRP semble un marqueur montée sur réceptacle a fait ses preuves ; mais on ne peut
plus précis et plus précoce ; cette protéine est sécrétée par exclure cependant la contamination du prélèvement par
le foie en cas d'inflammation, d'infection ou de nécrose tis- des germes vaginaux ou, à l'inverse, le risque d'infection du
sulaire. La spécificité n'est que de 50 %, mais il est bien rare liquide amniotique par voie ascendante.
qu'il existe une infection intra-amniotique avec une CRP
inférieure à 20 mg/l, en particulier avant 34 semaines. La Prélèvement par amniocentèse
fréquence nécessaire du dosage n'est pas clairement établie Il est prôné par Garite et al. [9] depuis 1979. Il est souvent
(tous les 1, 2 ou 3 jours). difficile du fait de l'oligoamnios. La mise en position de
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    237

Trendelenburg, au préalable, permet de réussir la ponction valeur prédictive négative soient bonnes : un test normal
dans au moins 50 % des cas ; l'échoguidage permet d'obtenir rend peu probable une infection (NP2).
96 % de réussite [22]. Les risques théoriques de traumatisme Il en est de même pour l'enregistrement du rythme car-
fœtal, d'hémorragie, d'infection ou d'induction de contrac- diaque fœtal tachycarde ou micro-oscillant et de la dispa-
tions utérines semblent très limités grâce à l'asepsie, au gui- rition des mouvements respiratoires qui signeraient une
dage échographique, voire à la tocolyse. infection fœtale (NP3). Néanmoins, le profil biophysique
Nous ne l'utilisons pas en pratique courante. n'a pas démontré sa pertinence lors de rupture prématurée
Examens à effectuer sur les prélèvements par le de la poche des eaux où l'oligoamnios est permanent. Il en
­biologiste Quel que soit le mode de prélèvement, les pre- est de même pour l'étude au Doppler de la circulation pla-
miers examens à effectuer sont : centaire ou fœtale.
■ la coloration extemporanée de Gram du liquide amnio- L'enregistrement du rythme cardiaque fœtal peut mon-
tique non centrifugé : la valeur reste discutée car la cor- trer une tachycardie. Celle-ci ne prédit que dans 20 à 40 %
rélation avec les cultures ultérieures, la chorioamniotite des cas une infection intra-utérine avec un taux de faux
ou l'infection néonatale varie beaucoup selon les auteurs. positif de 3 % [21].
Pour Garite et al. [9], la méthode après amniocen-
tèse a une spécificité de 78 % et une sensibilité de 81 % Infection maternelle
(il semble qu'il faille retenir le seuil de 103 germes/ml) ; Elle est consécutive à l'infection amniotique qui provoque
■ la recherche de globules blancs a fortiori altérés ou à une atteinte de la caduque et une endométrite.
noyaux polymorphes qui, en l'absence de germes, perd Ce foyer septique est un point de départ possible de
beaucoup de sa spécificité ; septicémie ; après 24 heures de rupture, 20 % des mères
■ les cultures aérobies et anaérobies. deviennent fébriles.
Ce sont bien sûr les cultures aérobies et anaérobies
qui permettent d'identifier de façon précise les micro-­
organismes et d'établir l'antibiogramme, mais malheureuse- Autres conséquences de la rupture
ment au prix d'un délai de 48 à 72 heures. prématurée des membranes
Le mode de recueil est très important, en particulier Prématurité
pour les germes anaérobies. L'amniocentèse apporte bien La prématurité est la complication majeure de la rupture
sûr une rigueur exemplaire ; elle a d'ailleurs démontré que prématurée des membranes car la rupture induit le travail
l'infection intra-amniotique est possible avec des mem- dans 78 % des cas.
branes intactes. La culture est positive dans plus d'un tiers Ce sont les plus jeunes grossesses qui attendent le plus.
des ruptures prématurées des membranes où l'infection Le fait que la rupture accélère la maturité pulmonaire fœtale
est inapparente ; par voie endocervicale, les taux de positi- et qu'il y ait moins de membranes hyalines si le délai entre
vité vont de 50 à 91 %, avec des taux de germes anaérobies rupture et début du travail dépasse 24 heures est discuté.
approchant les 20 %.
Par voie haute, les cultures sont positives dans 20 à 30 %
des cas de rupture prématurée des membranes contre 2 à Procidence du cordon (figures 19.1 et 19.2)
4 % dans les grossesses normales, avec prédominance du La fréquence de l'association procidence du cordon-
streptocoque B et des germes anaérobies, et ce dès quatre rupture prématurée des membranes varie de 0,3 à 1,7 %
heures après la rupture. En revanche, contrairement à une
idée solidement établie, passé quelques heures, le pourcen-
tage de cultures positives diminue : en effet, en cas d'infec-
tion vraie causale, le temps de latence avant le début du
travail est le plus souvent court.
Retenons cependant qu'une culture de liquide amnio-
tique positive ne prouve pas la chorioamniotite et encore
moins l'infection néonatale (qu'il faut bien distinguer de la
colonisation bactérienne).

Dépistage échographique
Depuis les travaux de Manning, l'établissement du profil
biophysique (rythme cardiaque fœtal, mouvements des
membres, mouvements respiratoires, tonus fœtal, grade pla-
centaire, quantité de liquide amniotique) permet d'estimer
de façon fidèle le bien-être fœtal.
Vintzileos et al. [24] estiment que le profil biophysique
peut dépister l'infection fœtale avec une sensibilité de 80 %
et une spécificité de 97,6 %. Néanmoins, personne n'a repro-
duit une telle sensibilité et un score biophysique doit être
réalisé toutes les 24 heures pour être fiable, ce qui ne semble
pas réalisable. Il semble en revanche que la spécificité et la Fig. 19.2. Procidence du cordon.
238   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

selon les auteurs. On doit donc toujours avoir cette com- césarienne afin d'éviter la rétention de tête dernière ; au-delà
plication présente à l'esprit de façon à en faire le dia- de 32 SA ou d'un poids fœtal supérieur à 1 500 g, c'est la voie
gnostic précocement et à mettre en route le traitement basse qui sera choisie.
(encadré 19.1).

Présentation du siège Oligoamnios précoce (< 26 SA) prolongé


Elle est fréquente du fait de la prématurité. Il est responsable de déformations des extrémités, surtout
La rupture prématurée des membranes assombrit légère- des pieds, de déformations articulaires, d'arthrogrypose,
ment le pronostic. de craniosténose, voire d'un véritable syndrome de Potter.
En deçà de 26 SA, nous privilégions l'accouchement par Le risque majeur est cependant l'insuffisance du dévelop-
les voies naturelles, le pronostic étant principalement celui pement du thorax avec hypoplasie pulmonaire, d'autant
de la prématurité. Entre 26 et 32 SA, nous réalisons une plus grave que la rupture est précoce (avant 26 semaines),

Encadré 19.1 Procidence du cordon (Voir figure 19.2).


Elle nécessite un accouchement immédiat : la gêne à la circula- C'est une tige turgescente pulsatile, synchrone au pouls fœtal.
tion fœtale, surtout pendant les contractions utérines, entraîne Parfois, le cordon est visible à la vulve.
un état d'asphyxie fœtale qui peut provoquer la mort. La latérocidence est plus difficile à diagnostiquer. Elle est suspec-
tée sur la notion de ralentissements variables sévères, non corri-
Définition
gés par le latérocubitus et l'oxygénothérapie. Le refoulement de

Procubitus du cordon: le cordon est situé en avant de la la tête peut corriger le ralentissement.
présentation, les membranes étant intactes.

Procidence du cordon : le cordon est situé en avant de la Traitement
présentation, les membranes étant rompues. Procubitus

Latérocidence du cordon: le cordon est situé latéralement à côté C'est une indication formelle de césarienne avant la rupture de
de la présentation, il n'est pas facilement repéré au toucher la poche des eaux.
vaginal. La latérocidence se traduit par de brefs ralentissements
du rythme cardiaque fœtal qui peuvent disparaître si l'on
Procidence
repousse la tête ou si l'on change la position maternelle. C'est l'urgence obstétricale type. Il faut :
La fréquence de la procidence varie de 0,21 à 0,66 pour 100 ■
maintenir la présentation élevée par le palper ou par le
accouchements selon l'inclusion d'une ou plusieurs de ces toucher vaginal appuyé qui refoule la présentation pour éviter
définitions. la compression du cordon (la femme est mise en position de
Trendelenburg). Le remplissage de la vessie avec 500 ml de
Facteurs favorisants sérum physiologique peut aussi être utile ;

Siège complet (risque × 40). ■
oxygéner la patiente ;

Présentation de l'épaule (risque × 40). ■
une tocolyse par injection de 0,25 mg de terbutaline en sous-

Prématurité (risque × 3 si poids < 2 500 g). cutané peut être utile si les contractions sont fortes [20] ;

Grossesses multiples. ■
réaliser une césarienne au plus vite quel que soit le type de

Placenta praevia. présentation ou le stade de dilatation car le fœtus est en

Hydramnios. danger de mort ;

Rupture prématurée des membranes. ■
la voie basse ne sera envisagée que si le fœtus est mort ou non

Disproportion fœtopelvienne. viable (grand prématuré).

Multiparité. Si la présentation est engagée et la dilatation complète, le refou-

Tumeurs praevia. lement de la présentation est impossible, et l'extraction par voie

Amniotomie ou rupture artificielle des membranes (surtout basse doit être très rapide. Dix-huit pour cent des accouchements
si la présentation est haute et mobile) qui est associée à la ont eu lieu par voie basse dans la série de Dufour et al. [8] chez
procidence dans 20 à 40 % des cas [8, 20]. des multipares à dilatation complète.
Diagnostic Latérocidence
Le procubitus est soupçonné devant le fait qu'à la palpation on Le mode d'extraction dépend du tracé, du pH et de la saturomé-
perçoit une masse pulsatile située dans la poche des eaux avant trie : c'est le problème d'une asphyxie fœtale en cours de travail
la rupture. La preuve du procubitus peut être fournie par un (voir chapitre 14, « Définition de l'asphyxie fœtale »).
ralentissement du rythme cardiaque fœtal, lorsque la présenta-
tion s'engage, ou par une image échographique. Le diagnostic Traitement préventif
différentiel est celui d'un vaisseau praevia, associé à une insertion Il repose sur la rupture artificielle des membranes à la fin d'une
vélamenteuse du cordon. L'échographie Doppler réalisée en salle contraction en s'aidant d'une pression sur le fond utérin.
de naissance peut aider au diagnostic. La procidence du cordon reste une complication grave, la morta-
La procidence est facile à diagnostiquer car le cordon est palpé lité fœtale étant de 10 à 20 %, mais elle est réduite à 2 % si la
dans le vagin lors de la rupture artificielle de la poche des eaux. procidence a lieu en salle de naissance [8, 20].
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    239

prolongée (plus de 5 semaines) et l'oligoamnios très sévère, Ce test a une sensibilité de 90 % lorsque le liquide n'est
sans être pour autant une complication obligatoire. pas souillé par du sang ou une solution antiseptique. Le col
doit donc être mouché très doucement avec une compresse
sèche stérile avant le prélèvement.
Diagnostic
Examen clinique Dosage de la diamine-oxydase
Le liquide à tester est recueilli sur une bandelette de papier
Dans 80 % des cas, le diagnostic est évident, marqué par un Whatman introduite entre deux doigts non lubrifiés dans
écoulement liquide bien clair, abondant, parfois teinté ou le vagin, au contact direct du col mais pas des membranes
mêlé à des particules de vernix. (qui peuvent positiver le test). Il ne faut pas faire de toilette
Cet écoulement survient de manière inopinée, soudaine, vulvaire ni mettre de spéculum pour éviter tout saignement
en dehors de tout travail. Il est continu, accru par la mobili- et toute contamination par un antiseptique.
sation du fœtus ou ses mouvements et imprègne en perma- Le papier est retiré au bout d'une minute et adressé
nence les garnitures. au laboratoire qui extrait le liquide absorbé par élution.
Les signes généraux sont absents. Il faut cependant C'est dans cet éluat que la diamine-oxydase synthétisée
prendre la température pour rechercher une infection. par le placenta, dès la 20 e semaine, est dosée par une
L'abdomen est souple. On repère la présentation et on méthode radio-isotopique. Le résultat peut être obtenu
recherche les bruits du cœur : on appréciera cliniquement la en deux heures : le taux de positivité est de 40 mU/ml. La
quantité de liquide amniotique résiduelle. méthode est exacte dans près de 90 % des cas. Elle n'est
Au spéculum stérile et non lubrifié, on voit bien le liquide plus utilisée.
qui sourd du col et baigne la valve postérieure et le cul-de-
sac. Il a une odeur fade. Il peut être mis en évidence par la Recherche du facteur de croissance de l'insuline ou IGFBP1
mobilisation de l'utérus, du fœtus, le changement de posi- Ce facteur est présent à taux élevé dans le liquide amnio-
tion, la toux ; il faut être patient. Il permet les prélèvements tique. Un test positif signe une rupture prématurée des
bactériologiques. membranes. Ce test a une bonne sensibilité et surtout
Le toucher vaginal augmente le risque infectieux et réduit une bonne spécificité, supérieure à 95 %. L'Actim® PROM
l'intervalle rupture-accouchement (NP2). Il doit donc être est un test fondé sur cette méthode, qui peut être lu au
évité dans tous les cas où la patiente ne présente pas de signes lit du malade : c'est celui que nous utilisons en pratique
de début de travail (recommandations du CNGOF [6]). courante.
Les difficultés diagnostiques peuvent venir d'un écoule-
ment abondant au départ qui s'est tari, et que l'on ne retrouve
pas au spéculum. La question se pose alors de savoir s'il Étude de la protéine α1-microglobuline (PAMG-1) in vitro
s'agit d'une fissure haute, de la rupture d'une poche amnio- provenant du liquide amniotique (AmniSure®)
choriale, voire d'une incontinence urinaire. Le test réalisé en salle de travail peut être lu en cinq à dix
Devant un écoulement minime, il faut savoir s'il s'agit minutes après l'immersion dans le flacon diluant. Sa sensibi-
d'une rupture vraie avec oligoamnios, d'une fissure ou d'une lité et sa spécificité sont voisines de 100 % [7].
hydrorrhée déciduale qui serait la conséquence d'une endo-
métrite déciduale et se traduit par des pertes intermittentes Test de la fibronectine
teintées de sang. Protéine de la matrice extracellulaire située au niveau
C'est dans ces cas difficiles que les examens complémen- des points d'ancrage du placenta et des membranes, elle
taires sont indispensables. ne doit pas être retrouvée au niveau des sécrétions vagi-
nales entre 25 et 37 SA. Sa sensibilité est excellente ; en
revanche, sa spécificité est moins bonne avec 20 % de
Examens complémentaires faux positifs. Il est également un bon facteur prédictif
Appréciation du pH alcalin du liquide amniotique de menace d'accouchement prématuré. Ce test n'est pas
Le pH endocervical est normalement acide (pH < 4) et recommandé dans le diagnostic de la rupture prématurée
devient alcalin en présence de liquide amniotique. Ce chan- des membranes, mais dans celui de la menace d'accou-
gement peut être apprécié par un simple papier à pH ou chement prématuré.
par le test à la nitrazine ou Amnicator® qui recherche aussi
une élévation du pH endocervical ou vaginal par réaction Injection de colorants intra-amniotiques
colorimétrique. Ce test a une excellente sensibilité, de plus C'est une technique plus agressive, à réserver éventuelle-
de 90 %. Un test négatif élimine pratiquement une rupture ment aux cas litigieux (indigo, carmin, bleu Evans, bleu de
prématurée des membranes. En revanche, il y a près de 20 % méthylène, fluorescéine, rifamycine). Le test est positif si
de faux positifs en raison de présence de sang, de sperme, l'on voit apparaître le colorant dans le vagin.
d'urine ou d'infection.
Échographie
Test de cristallisation Elle permet d'apprécier la quantité de liquide amniotique
Le liquide amniotique est prélevé au niveau de l'orifice restant, tout en sachant qu'il existe d'autres causes d'oli-
externe du col, puis étalé sur une lame et séché à l'air ou à la goamnios que la rupture prématurée des membranes. Elle a
chaleur. Il cristallise en formant des structures arborescentes l'avantage de l'innocuité mais un examen normal n'élimine
en feuilles de fougère, visibles au microscope. pas la rupture.
240   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Au total aux césariennes et aux extractions instrumentales (NP2) [4].


Les inconvénients et les avantages des différents tests en rendent Le délai entre la rupture prématurée des membranes et le
le choix difficile. Il semble justifié d'utiliser un test comme déclenchement ne devrait pas excéder 48 heures (NP5).
l'Amnicator® en première intention qui, s'il est négatif, élimi- La pratique du toucher vaginal avant l'entrée en travail
nera une rupture. En seconde intention, l'Actim® PROM ou spontané ou avant la décision de déclenchement doit être
l'AmniSure® pour affirmer la rupture seront réalisés (NP5). En limitée au minimum (NP4).
cas de doute persistant, il faut savoir que le pronostic des fuites En cas de déclenchement immédiat, une antibiothérapie
hautes, peu abondantes, transitoires, donc de diagnostic diffi- systématique ne semble pas justifiée, l'intervention pouvant
cile, est meilleur que celui des ruptures franches et massives. à elle seule éviter le risque infectieux (NP5). Si l'accouche-
ment est différé, l'antibiothérapie systématique diminue les
infections maternelles et néonatales (NP1) (recommanda-
tions du CNGOF [6]).
Conduite à tenir
Rupture prématurée des membranes Rupture prématurée
à terme avant travail des membranes avant terme
Nous avons vu que la moitié des femmes auront accouché Bilan initial (figure 19.3)
dans les cinq heures et 95 % dans les 28 heures [10].
Si le travail ne se met pas en route, il existe un bénéfice Le diagnostic de rupture ayant été fait, un bilan s'impose.
au déclenchement systématique du travail par rapport à une
attitude expectative sous antibiotiques : moindre morbidité Bilan clinique
maternelle, moindre morbidité néonatale et plus grande L'interrogatoire précise :
satisfaction des patientes (NP1). Lorsque les conditions ■ les antécédents tant médicaux qu'obstétricaux : val-
locales sont défavorables, le déclenchement par prostaglan- vulopathie, diabète, infection urinaire au cours de la
dines semble apporter un bénéfice en diminuant le recours grossesse ;

Fig. 19.3. Conduite à tenir devant une suspicion de rupture prématurée des membranes. Bilan initial.
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    241

■ le terme par la date des dernières règles, le résultat des ■ l'existence d'éventuelles malformations ou déformations
échographies du début de la grossesse. fœtales, en particulier après rupture très prolongée : le
L'examen clinique permet la mesure de la hauteur uté- diamètre thoracique vrai permettrait d'estimer les risques
rine et l'étude de la présentation ; on recherche l'existence de d'hypoplasie pulmonaire ;
contractions utérines. ■ l'appréciation des paramètres Doppler ombilicaux et
La pose du spéculum permet le prélèvement bactério­ fœtaux précédant souvent les anomalies du RCF ;
logique endocervical. Le toucher vaginal peut servir à élimi- ■ la localisation placentaire (praevia) ou une anomalie de
ner une procidence du cordon si celle-ci est suspectée.( Fig type hématome rétroplacentaire ;
19-1) Il est cependant déconseillé de le pratiquer de manière ■ éventuellement une malformation utérine ;
systématique et surtout s'il la patiente n'est pas en travail. ■ et, aussi, la hauteur de la présentation, la longueur et la
L'examen général s'attache à la recherche d'une infection. dilatation du col utérin, afin d'éviter le toucher vaginal
On prend donc la température, on recherche des fosses lom- rendu responsable d'infections iatrogènes.
baires douloureuses, une contracture utérine localisée, un
point urétéral moyen ou inférieur douloureux. On ausculte Bilan infectieux
le cœur et les poumons et on note le pouls. Nous avons vu les modalités de dépistage de l'infection sub-
clinique (voir Chapitre 18). Les prélèvements maternels sont :
Bilan fœtal ■ la NFS, le dosage de la CRP à répéter deux à trois fois par
La plupart des décisions obstétricales actuelles sont directe- semaine ;
ment dépendantes : ■ les prélèvements bactériologiques cervicovaginaux et de
■ de l'âge gestationnel ; l'endocol, l'ECBU avec uroculture à vérifier deux à trois
■ de l'estimation du poids fœtal ; fois par semaine ;
■ de la maturité pulmonaire ; ■ l'amniocentèse avec coloration de Gram, numération et
■ du bien-être fœtal. aspect des leucocytes et des germes, dosage du glucose
L'échographie et le monitorage du RCF permettent une et des lactates déshydrogénases (LDH) ou de l'interleu-
approche très étroite de ces paramètres. kine-6 qui est peu ou pas réalisée en pratique courante en
L'âge gestationnel est déterminé par les données clas- France.
siques, en particulier la biométrie échographique précoce.
Le poids fœtal peut être estimé avec une marge d'erreur Moyens thérapeutiques
d'environ 10 % par une biométrie incluant les diamètres Antibiotiques
bipariétal et abdominal transverse, la longueur du fémur
ou, mieux encore (car en cas de rupture, certains diamètres Les méta-analyses de Kenyon et al. (2003–2004) [13, 14] qui
sont réduits par déformation), les circonférences cépha- regroupent 22 essais ont bien montré que l'utilisation des
lique et abdominale, en se reportant aux courbes ou tables antibiotiques diminue le risque de chorioamniotite (RR :
habituelles. 0,57), le risque d'accouchement dans les 48 heures (RR :
La maturité fœtoplacentaire peut être indirectement 0,71) ou dans les sept jours (RR : 0,80), ainsi que le risque
extrapolée de critères tels que les points d'ossification, en d'infection néonatales (RR : 0,68).
particulier le point échographique fémoral inférieur (point Cependant, il n'a pas été mis en evidence d'amélioration
de Béclard) et son diamètre, l'échogénicité respective du de la mortalité périnatale. Dans ORACLE II [16], il y a une
poumon et du foie fœtal, l'aspect de la vallée sylvienne qui tendance significative à l'augmentation des cerebral palsy à
est en rapport avec la maturation cérébrale et la classifica- long terme.
tion placentaire de Grannum. Il est néanmoins recommandé de faire un traitement
Le bien-être fœtal est très régulièrement surveillé par antibiotique par de la pénicilline seule ou associée, ou par
l'enregistrement du RCF (pendant au moins une demi- un macrolide (érythromycine) en cas d'allergie dans la revue
heure 2 à 3 fois par jour, voire toutes les 4 h), ainsi que par de la Cochrane de 2013 [15].
l'influence sur celui-ci d'éventuelles contractions utérines. Nous avons pris pour habitude d'arrêter les antibiotiques
Le test au Syntocinon® est à l'inverse déconseillé du fait du dès que l'examen direct est connu et négatif.
risque augmenté d'infection ascendante. Si la femme a un prélèvement vaginal au streptocoque B
Le profil biophysique échographique selon Manning positif, on donnera de la pénicilline ou de la clindamycine
est établi deux à trois fois par semaine ; nous avons évoqué en cas d'allergie.
son intérêt dans le dépistage de l'infection fœtale, et, dans
cette optique, peut-être devrions-nous l'établir de façon Corticoïdes
quotidienne. La méta-analyse de Harding et al. [11], qui regroupe
L'échographie permet aussi d'estimer la quantité de 15 essais randomisés, montre bien que la prescription de cor-
liquide amniotique ; son intérêt est que : ticoïdes chez les femmes qui ont une rupture prématurée des
■ le diagnostic est confirmé ; membranes diminue le risque de détresse respiratoire (RR :
■ l'importance de l'oligoamnios est corrélée au pronostic 0,56) mais aussi d'hémorragie intraventriculaire (RR : 0,47)
fœtal, et ce d'autant plus que la grossesse est prématurée. ou d'entérocolites nécrosantes (RR : 0,21) et de décès néona-
L'échographie permet en outre de préciser : tal (RR : 0,68). Cette prescription n'augmente pas le risque
■ la présentation ; infectieux pour la mère ou l'enfant. Des corticoïdes doivent
■ le nombre de fœtus ; donc être prescrits entre 24 et 34 semaines de grossesse [23].
242   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Il semble que la bêtaméthasone soit la plus utilisée et Amnio-infusion


celle ayant montré le moins de leucomalacies périventri- La rupture prématurée des membranes avant terme expose
culaires : elle doit donc être préférée, mais aucune étude le fœtus au risque de compression : compression du cordon,
comparative n'a démontré la supériorité de la bêtamétha- hypoplasie pulmonaire. L'amnio-infusion a été proposée
sone sur la dexaméthasone [21]. La prescription de 6 mg pour éviter ces complications. Une revue de la Cochrane
en intramusculaire toutes les 12 heures sur 48 heures ou [12] et d'autres études ne montrent pas d'avantages avec
de dexaméthasone 1,5 mg en intramusculaire deux fois l'amnio-infusion. Elle n'est donc pas recommandée [21].
par jour pendant trois jours est reconnue, avec un effet de
24 heures à sept jours. Si une cure a démontré son inno- Colle biologique
cuité maternelle ou fœtale (NP1), l'effet de nombreuses
cures est délétère, entraînant un retard de croissance et du Plusieurs études ont proposé l'injection de fibrine intra-
développement cérébral après de nombreuses cures. Les amniotique afin de colmater la brèche. Dans certains cas, ce
recommandations sont donc de prescrire de la bêtamétha- patch a permis l'arrêt de l'écoulement et l'augmentation de
sone ou la dexaméthasone dès 24 SA. Il n'est pas recom- volume du liquide. L'utilisation de ce « blood patch » n'est
mandé de répéter une cure après 10-15 jours. Cependant, cependant pas recommandée en dehors d'essai contrôlés [21].
une deuxième cure peut être envisagée si la première a été
faite avant 26 SA (NP2) et que la naissance est imminente Transfert in utero
avant 34 SA [2, 21]. L'hospitalisation et le transfert maternel vers une maternité
de type II ou III, en fonction de l'âge gestationnel, est néces-
Le sulfate de magnesium saire devant une rupture prématurée des membranes avant
Pour la neuroprotection fœtale, l'uttilisation du sulfate de terme (de 24 à 34 SA). Après avoir éliminé un accouche-
magnésium est recommandée avant 33 SA. Son objectif est ment imminent et/ou des anomalies du rythme cardiaque
de diminuer le nombre de paralysie cérébrale de l'enfant fœtal ou une chorioamniotite imposant l'extraction fœtale
grand prématuré. Son utilisation diminuerait d'un tiers le immédiate, il est souhaitable d'effectuer un transfert dans de
nombre de séquelles neurologiques à l'âge de 2 ans. (Voir bonnes conditions après avoir mis en route le traitement par
chapitre 25) corticoïdes, la tocolyse et l'antibiothérapie. Une telle attitude
a permis de réduire de 30 % la mortalité néonatale (NP2).
Tocolytiques
L'efficacité des tocolytiques est amoindrie en cas de rupture Conduite obstétricale
prématurée des membranes et probablement quand l'infec- Quand faire naître l'enfant ?
tion est causale.
Les études faites ne démontrent pas que les femmes La prématurité reste la cause principale de la mortalité péri-
qui ont eu une rupture prématurée des membranes avant natale, et c'est en grande partie son association à l'infection
terme accouchent plus tard si elles bénéficient d'une toco- qui fait la gravité de cette dernière.
lyse préventive (NP1). Si la femme a des contractions, Depuis l'amélioration apportée par les corticoïdes, ainsi
la tocolyse pourrait même avoir un effet délétère sur que par le surfactant et les nouvelles techniques de réanima-
l'enfant en retardant la naissance d'un enfant infecté. La tion des prématurés, les syndromes de détresse respiratoire
tocolyse n'est donc pas recommandée sytématiquement ne sont plus aussi fréquents ni aussi sévères. L'infection a
[21]. Cependant, une tocolyse en l'absence de signe de pris une part prépondérante dans la survenue de séquelles
chorioamniotite évidente peut se discuter en cas d'activité néonatales. Le risque infectieux a de ce fait une importance
utérine jusqu'à 32 SA (NP3), voire pour certains jusqu'à capitale dans le choix thérapeutique et obstétrical proposé
34 SA (NP4), pour prolonger la grossesse le temps de aux patientes présentant une rupture prématurée des mem-
permettre l'efficacité de la corticothérapie et un éventuel branes. L'expectative, sous surveillance rigoureuse, permet
transfert in utero, si l'accouchement n'est pas imminent d'augmenter de façon sensible le délai de latence entre rup-
(NP5) [6]. ture et naissance (parfois plusieurs semaines), en particulier
L'intérêt des tocolytiques semble donc limité à la période entre 26 et 35 semaines. Elle permet au fœtus de poursuivre
de 26-34 semaines où quelques jours de gagnés peuvent sa croissance et d'accroître sa maturité au prix d'un risque
réduire un risque de prématurité, bien supérieur à celui infectieux relatif, qu'il faut chercher à dépister sans trêve.
de l'infection, qui n'est pas influencé, au-delà de quelques
heures, par le délai de latence. De plus, la tocolyse permet Interruption de la grossesse
de faire céder les contractions et de diminuer l'écoulement Elle s'impose en cas de chorioamniotite avérée et/ou de
de liquide amniotique. Une tocolyse initiale pour bloquer souffrance fœtale (figure 19.4).
les contractions est basée actuellement sur les inhibiteurs Le diagnostic clinique de la chorioamniotite repose sur :
calciques et l'atosiban (Tractocile®) en l'absence de contre- ■ la fièvre supérieure ou égale à 38 °C retrouvée dans 85 à
indication. Elle est inutile avant 24 SA. 100 % des cas ;
À partir de 34 semaines, il nous paraît critiquable de ■ la tachycardie maternelle et/ou fœtale (dans 30 à 80 % des
proposer une tocolyse sans s'être assuré au préalable de cas) ;
l'absence d'infection amniotique occulte par un bilan infec- ■ l'utérus tendu, douloureux, de même que le liquide
tieux ; il nous paraît même plus logique de laisser s'effectuer amniotique nauséabond, mais ils ne sont présents que
l'accouchement. dans 25 % des cas.
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    243

Fig. 19.4. Conduite à tenir devant une rupture prématurée confirmée des membranes.

La biologie et la bactériologie permettront de confirmer ■ la césarienne augmente le risque de morbidité maternelle ;


le diagnostic : ■ en revanche, un travail prolongé est péjoratif pour le
■ la leucocytose dépassant 20 000 GB/mm3, une CRP posi- nouveau-né, s'il est viable ;
tive, mais surtout un examen direct de prélèvements ■ en cas d'enfant mort, l'infection est très rapidement extensive.
bactériologiques : liquide amniotique, endocol, ECBU, Les anomalies du rythme cardiaque fœtal sont fréquentes
hémoculture ; en cas de rupture prématurée des membranes. En dehors du
■ l'association de la fièvre et de deux autres critères est très cas où le fœtus n'est pas viable (< 500 g), où la voie basse
significative, mais c'est alors un diagnostic tardif. On éli- est de rigueur, il faut induire le travail immédiatement si
minera d'autres localisations infectieuses par l'examen les conditions obstétricales sont favorables ; dans le cas
clinique complet et les prélèvements bactériologiques. Il contraire, le recours à la césarienne est préférable, car un
faut hydrater la patiente, calmer son anxiété, rechercher fœtus en souffrance, probablement infecté, ne peut pas sup-
d'autres causes de tachycardie maternelle ou fœtale et porter un travail prolongé.
retenir que l'activité utérine n'est pas une preuve absolue
d'infection intra-amniotique.
Une biantibiothérapie doit être instituée, associant une Conduite à tenir en fonction du terme (figure 19.5)
bêtalactamine et un médicament actif sur les germes anaé- Le pronostic pour l'enfant dépend (NP3) :
robies (pénicilline G, clindamycine, métronidazole ou cer- ■ de l'âge gestationnel à la rupture ;
taines céphalosporines de 3e génération) ; parfois, même, un ■ de l'existence ou non d'un oligoamnios (plus grande
aminoside est ajouté. citerne < 2 cm) ;
Le déclenchement doit être immédiat s'il est possible ; ■ de l'existence ou non d'une chorioamniotite.
la voie d'extraction dépend du terme, de l'état fœtal et des Dans tous les cas, la décision d'interrompre la grossesse
conditions locales, mais il faut savoir que : est multidisciplinaire, en coordination avec les pédiatres, et
244   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fig. 19.5. Conduite à tenir devant une rupture prématurée des membranes en fonction du terme.

la rencontre des pédiatres avec les parents en période anté- ■ une antibiothérapie de courte durée, systématique et
natale doit permettre d'intégrer ces derniers dans les déci- immédiate, qui diminue la morbidité infectieuse mater-
sions (NP5). nelle et néonatale, et prolonge la grossesse (NP1) ;
■ une corticothérapie systématique et immédiate à partir
Avant la viabilité fœtale (25 semaines) de la viabilité (NP1) ;
Cette limite peut être discutée et à fixer en accord avec les ■ une tocolyse, en faveur de laquelle il existe des arguments,
néonatologistes, en fonction du taux de survie de l'unité de en cas d'activité utérine jusqu'à 32 SA (NP3), voire pour
soins intensifs disponible [17]. certains jusqu'à 34 SA (NP4), qui prolonge la grossesse le
Une interruption médicale de grossesse ne devrait pas temps de permettre l'efficacité de la corticothérapie ;
être envisagée en l'absence d'anamnios ou de chorioamnio- ■ un éventuel transfert in utero vers une maternité de
tite (NP5) (recommandations du CNGOF [6]). niveau II ou III selon l'âge gestationnel, si l'accouche-
Si la patiente est en travail, il faut diriger le travail et ment n'est pas imminent (NP5) (recommandations du
accoucher par voie vaginale ; une tocolyse paraît comporter CNGOF [6]).
beaucoup trop de risques fœtaux et maternels. À ces termes, la prématurité est potentiellement viable.
En l'absence de travail, l'expectative avec repos et sur- L'expectative armée nous paraît logique car :
veillances clinique et biologique est de mise ; il faut cepen- ■ prolonger la latence est possible : avant terme, un gain de
dant apporter à la mère une information complète, claire et plus de sept jours est obtenu entre 19 et 41 % des cas, sans
objective sur les risques de cette expectative, que nous avons aggravation évidente du risque infectieux ;
décrits par ailleurs, en particulier les conséquences de l'oli- ■ cette latence est d'autant plus prolongée que l'on est avant
goamnios prolongé. Elle peut alors choisir la possibilité du terme et, dans un tiers des cas, avant 32 semaines ; il est
déclenchement de l'accouchement d'un fœtus dont le pro- possible de gagner plus de trois jours ;
nostic est très compromis [18]. ■ la suppression du toucher vaginal avec pénétration de
l'endocol réduirait considérablement le risque d'infection
Entre 25 et 34 semaines néonatale.
Le traitement initial doit comporter : En l'absence de travail, nous proposons l'abstention théra-
■ une hospitalisation ; peutique. Le déclenchement sera assuré à ce terme ou avant
Chapitre 19. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir    245

si les conditions l'imposent [19]. En effet, cette expectative Les recommandations concernant la surveillance s'ap-
ne nous semble possible que sous couvert d'une surveillance puient sur les pratiques plutôt que sur des études cliniques.
bactériologique, biologique et échographique répétée. La Il est proposé de surveiller (NP5) :
survenue d'une chorioamniotite, même a minima, infracli- ■ quotidiennement : la température et le pouls maternels,
nique (élévation de la CRP ou amniocentèse positive), ou la les mouvements actifs fœtaux et le rythme cardiaque
persistance d'un anamnios ou d'anomalies du RCF doivent fœtal ;
précipiter l'accouchement. Antibiothérapie, tocolyse et sur- ■ une à deux fois par semaine : la NFS, la CRP, l'examen
tout corticothérapie sont alors justifiées. L'antibiothérapie bactériologique d'un nouveau prélèvement vaginal
prescrite à large spectre nous semble devoir être arrêtée dès (recommandations du CNGOF [6]).
reception de l'examen direct négatif. Après 33 SA, la toco-
lyse n'est justifiée que pour permettre de réaliser la cure
de corticoïdes. Il est utile de rappeler que l'expectative est Cas particuliers
d'autant plus longue que le terme est précoce, qu'elle est en Rupture prématurée des membranes
moyenne d'une semaine si la patiente n'a pas accouché dans chez une patiente qui a un cerclage
les 24 heures et qu'il est exceptionnel qu'elle se prolonge au- La question se pose d'enlever ou non le cerclage. Certaines
delà de trois semaines. études ont montré un risque plus élevé d'infection si on
Il faut informer les parents du pronostic : laisse le cerclage en place avec peu de prolongation de la
■ avant 28 SA, une grossesse sur deux seulement aboutit à grossesse. Les études comportent peu de cas et ne sont pas
un enfant vivant, un sur deux né après 27 semaines décé- randomisées, et la date de retrait du cerclage est peu claire.
dera la première année de vie ; Nous retirons le cerclage 48 heures après la prescription des
■ après 28 SA, le taux de survie s'améliore franchement, corticoïdes et des antibiotiques.
passant à près de 90 % (voir Chapitre 25).
Rupture prématurée des membranes
Après 34 semaines chez une femme qui a un herpès génital
Quatre-vingts à 90 % des ruptures prématurées des mem- L'infection du fœtus se produit lors de l'accouchement et
branes après 34 semaines sont en travail dans les 24 heures. touche 30 à 80 % des enfants en cas de primo-infection et 1 à
Il faut alors instaurer un travail dirigé. Si la patiente ne se 5 % en cas de récurrence. Une série de 29 femmes ayant une
met pas en travail spontanément, deux attitudes sont pos- rupture prématurée des membranes avant 32 SA traitées de
sibles : soit le déclenchement de l'accouchement (modali- manière conservatrice malgré l'herpès ont eu toutes des enfants
tés à définir en fonction des conditions obstétricales), soit non infectés. La durée de la rupture a été de 1 à 35 jours et les
l'expectative. femmes ont été césarisées si elles avaient des lésions herpétiques
Jusqu'à quel terme aller si tout va bien ? La femme n'a évolutives. Ces données suggèrent que le risque de prématurité
pas de fièvre ni de contractions, les prélèvements sont néga- doit être mis en balance avec celui de l'infection herpétique
tifs, la CRP est basse, l'échographie montre un volume de chez les femmes ayant une récurrence. Un traitement prophy-
liquide amniotique normal, une bonne croissance fœtale ? lactique par l'aciclovir peut être ajouté [1].
La Cochrane a publié des résultats montrant qu'il n'y avait
pas de preuve de meilleurs résultats dans l'une ou l'autre Modalités d'accouchement et surveillance
attitude [3]. On peut donc en l'absence de signes cliniques Le choix entre la voie basse et la voie haute est fonction du
ou biologiques de chorioamniotite essayer de gagner encore terme, des conditions locales, de la présentation et de l'état
un peu de temps. fœtal (voir Chapitre 25, « Accouchement du prématuré »).
Si la femme avait été transférée dans un établissement Le taux de césarienne est accru (30 %) du fait de l'aug-
de niveau III, elle peut revenir dans un établissement de mentation des cas de procidence, de la dystocie dynamique,
niveau II. La question du retour à domicile peut même des présentations dystociques (siège avant 35 semaines) et
se poser chez certaines patientes qui sont stables, sans des grossesses multiples.
signes infectieux, coopérantes et dont le domicile est En cas d'accouchement par voie basse, nous acceptons
proche de l'établissement. Dans ce cas, la patiente doit de poser une tocographie interne ainsi qu'une électrode de
surveiller sa température toutes les quatre ou huit heures scalp ou une saturométrie qui ne majorent pas, à notre avis,
[21]. Il n'existe pas de données justifiant le repos strict le risque infectieux.
au lit [6]. Si la patiente accouche avant 37 SA, l'administration d'anti-
biotiques pendant le travail réduit le risque d'infection mater-
Surveillance après le traitement initial nelle et fœtale (NP3) (recommandations du CNGOF [6]).
L'hospitalisation initiale des patientes présentant une rup- Après l'accouchement, il faut faire tous les prélèvements bac-
ture prématurée des membranes avant 37 SA est justifiée tériologiques à la mère et à l'enfant ainsi que sur le placenta et
par le fait que plus de la moitié des patientes vont accou- les membranes (voir Chapitre 6, « Prélèvements sur le délivre »).
cher dans la semaine qui suit la rupture (NP3). Pour une L'enfant prématuré est potentiellement infecté. Il sera
petite proportion de patientes stables et sans critères de confié au néonatologue qui sera informé de tous les résultats
mauvais pronostic, une hospitalisation à domicile pourrait prénataux, en particulier bactériologiques.
être proposée dans le but de réduire les coûts de prise en Le placenta, les membranes et le cordon seront l'objet de
charge (NP3). Il n'existe pas de données justifiant le repos prélèvements bactériologiques et d'un examen anatomopa-
strict au lit. thologique complet.
246   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Conclusion methods for detection of rupture of membranes. Am J Perinatol 2005 ;


22 : 317–20.
■ L'immaturité pulmonaire et la prématurité en général [8] Dufour P, Vinatier D, Benanni S. Procidence du cordon. Revue de la
sont plus fréquentes et plus graves que l'infection en cas littérature à propos de 50 observations. J Gynecol Obstet Biol Reprod
de rupture prématurée des membranes. 1996 ; 25 : 841–5.
■ L'infection endocervicale favorise la fragilisation des [9] Garite TJ, Freeman RK, Linzey EM, et al. The use of amniocentesis in
patients with premature rupture of membranes. Obstet Gynecol 1979 ;
membranes : il faut donc la dépister et la traiter.
54 : 226–30.
■ La période de latence de 24 à 72 heures n'aggrave pas [10] Hannah ME, Ohlsson A, Farine D, et al. Induction of labor compared
franchement la morbidité infectieuse (car, quand l'infec- with expectant management for prelabor rupture of the membranes at
tion est préexistante, l'accouchement est le plus souvent term. TERMPROM Study Group. N Engl J Med 1996 ; 334 : 1005–10.
inévitable), mais ne réduit pas non plus de façon signifi- [11] Harding JE, Pang J, Knight DB, et al. Do antenatal corticosteroids
cative le risque de syndrome de détresse respiratoire. help in the setting of preterm rupture of membranes ? Am J Obstet
■ L'antibioprophylaxie systématique et prolongée est à reje- Gynecol 2001 ; 184 : 131–9.
ter ; elle doit être orientée sur les prélèvements de liquide [12] Hofmeyr GJ. Amnioinfusion for umbilical cord compression in
amniotique. labour. Cochrane Database Syst Rev. 2000. CD000013.
■ L'efficacité des tocolytiques est très réduite, mais leur uti- [13] Kenyon S, Boulvain N, Neilson J. Antibiotics for preterm rupture
of the membranes : sytematic review. Obstet Gynecol 2004 ; 104 :
lisation justifiée entre 26 et 34 semaines.
1051–7.
■ L'intérêt d'une cure de corticoïdes est indiscutable. [14] Kenyon S, Boulvain M, Neilson JP. Antibiotics for preterm rupture of
■ Le « bien-être » fœtal est de mieux en mieux appré- membranes. Cochrane database Syst Rev. 2003. CD001058.
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Chapitre
20
Liquide amniotique teinté
en début de travail :
conduite à tenir
L. Sentilhes, P. Gillard, P. Descamps

PLAN DU CHAPITRE
Pourquoi un liquide teinté ? . . . . . . . . . . . . . . . 247 Accueil du nouveau-né . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Signification du liquide teinté . . . . . . . . . . . . . 248 Prélèvements bactériologiques maternels et
Inhalation méconiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 fœtoplacentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Conduite à tenir devant un liquide teinté . . . 249 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251

Le méconium est le produit de la sécrétion gastro-intesti-


OBJECTIFS nale après « digestion » du liquide amniotique dégluti, asso-
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : cié à la desquamation intestinale.
• de reconnaître un liquide teinté ;
• d'énumérer les causes des liquides teintés ; Émission de méconium dans le liquide
• de dépister un risque d'acidose fœtale chez une femme amniotique
qui accouche avec un liquide teinté ;
La défécation est physiologique in utero avant 20 semaines
• de pratiquer les gestes de réanimation néonatale
d'aménorrhée. Au-delà, le sphincter anal est continent, et
permettant d'éviter l'inhalation amniotique.
l'émission de méconium en fin de grossesse pourrait, pour
certains, être un signe de maturation fœtale. Elle est en
revanche pathologique lorsqu'elle est la conséquence d'une
Dans 12 à 21 % des accouchements, on observe un liquide hypoxie ou d'une infection fœtale.
amniotique méconial au début ou en cours de travail [12]. L'hypoxie augmente le péristaltisme intestinal, relâche le
La valeur pronostique de ce signe est discutée ; on sphincter anal et provoque la contraction du diaphragme,
recherche cependant par le monitorage un risque d'acidose d'où l'émission de méconium. La signification de l'émission
fœtale secondaire à une hypoxie ou à une infection. de méconium est plus difficile à interpréter lorsqu'il s'agit
Il faut prendre des mesures préventives pour éviter l'in- de manifestations d'ordre réflexe (réflexe vagal), en cas de
halation de liquide méconial (que l'accouchement ait lieu compression isolée ou répétée du cordon (figure 20.1) [13].
par voie naturelle ou par césarienne) car le pronostic néo-
natal en est sévère. Heureusement, il ne touche que 2 % des Rôle de l'hypoxie
enfants nés avec un liquide amniotique teinté. L'hypoxie favorise l'émission de méconium dans le liquide
amniotique, mais aussi l'apparition de gasps qui vont favo-
riser l'inhalation du liquide amniotique méconial. Il s'ensuit
Pourquoi un liquide teinté ? une obstruction alvéolaire et bronchiolaire avec insuffisance
Le liquide amniotique a une double origine : maternelle respiratoire par bloc alvéolocapillaire sévère.
(par transsudation à travers les membranes à partir de la L'hypoperfusion bronchopulmonaire ainsi créée va entre-
caduque) et fœtale (sécrétion de l'épithélium amniotique, tenir le phénomène d'obstruction bronchique par réduction
liquide pulmonaire, urines). Sa couleur habituelle est claire des sécrétions, et donc du pouvoir d'« autonettoyage » des
transparente, opalescente, parfois chargée de particules de voies aériennes par le courant fluide habituel. Il s'y ajoute
vernix caseosa. une altération des propriétés tensioactives du surfactant.
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 247
248   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fig. 20.1. Causes et conséquences de l'émission de méconium dans le liquide amniotique.

date d'apparition, les anomalies du RCF. Cependant, ce qui


Signification du liquide teinté prime, c'est la présence ou non d'anomalies du RCF : un
Il est « historiquement » reconnu comme un facteur péjo- liquide teinté et a fortiori méconial, quels que soient sa flui-
ratif puisque, avant le monitorage, sa présence était asso- dité et son aspect, est clairement pathologique en présence
ciée, dans 1 à 13 % des cas, à la mortalité périnatale. La d'anomalies du RCF.
pratique des amniocentèses a montré qu'on avait 4,6 % Que le liquide soit clair ou teinté, si des anomalies du
de liquide teinté à 28 semaines, et 8 % à 38 semaines rythme cardiaque fœtal (DIP II en particulier) sont décelées
d'aménorrhée. dès le début du travail, la réalisation d'un pH capillaire sur
La discordance entre les fréquences respectives du liquide scalp s'impose. Le pronostic de ces anomalies est d'autant
teinté et des anomalies du rythme cardiaque fœtal (RCF) plus sombre que le liquide est plus épais. Si le liquide est
montre bien que le critère de liquide teinté est à lui seul insuf- teinté mais fluide, sans anomalie du RCF, le pronostic est
fisant pour parler de pathologie fœtale. Historiquement, identique à celui des accouchements où le liquide est clair et
d'autres paramètres étaient pris en compte : la fluidité, la le RCF normal (tableau 20.1).
Chapitre 20. Liquide amniotique teinté en début de travail : conduite à tenir    249

Tableau 20.1. Corrélations entre le rythme En cas de membranes intactes, le diagnostic d'ano-
cardiaque fœtal et la couleur du liquide malie de couleur (liquide teinté ou méconial) est difficile
amniotique [10]. et l'amnioscopie a une utilité très discutée. Par exemple,
État du liquide Rythme cardiaque Évolution de l'équi-
l'intérêt de l'amnioscopie dans la surveillance systéma-
amniotique au fœtal au début du libre acidobasique tique des grossesses à partir de 41 SA + 0 J n'a jamais été
début du travail travail démontré. En revanche, il a été montré que les taux de faux
Teinté, épais Pathologique Acidose précoce positif (diagnostic de liquide amniotique teinté ou méco-
nial alors qu'en réalité le liquide amniotique est clair) et de
Teinté, fluide Normal RAS
faux négatif (diagnostic de liquide amniotique clair alors
Clair Pathologique Acidose ± tardive que le liquide amniotique est en réalité teinté ou méconial)
Clair Normal RAS de l'amnioscopie sont élevés [8]. De plus, il a été montré
qu'une politique de déclenchement, lorsque le liquide amnio-
tique est considéré comme teinté ou méconial à l'amniosco-
pie, ne permettait pas de diminuer la morbidité néonatale
Inhalation méconiale [8, 9] et qu'il n'existait aucun lien entre la morbidité néona-
tale et la présence d'un liquide amniotique teinté ou méco-
C'est une complication grave qui multiplie par 20 la morta- nial diagnostiqué lors d'une amnioscopie. Ainsi, les sociétés
lité néonatale [11]. Le risque d'inhalation méconiale dépend savantes américaines, anglaises et canadiennes, ainsi que
de la consistance du méconium, et 95 % des nouveau-nés le CNGOF, ne recommandent pas de réaliser une amnios-
avec un syndrome d'aspiration méconial naissent à travers copie pour les grossesses à partir de 41 SA + 0 J [1, 14, 15].
un méconium épais. Sur une série de 238 enfants nés en pré- Cette recommandation de non-recours à l'amnioscopie en
sence d'un liquide méconial, 2,9 % des enfants exposés à un cas de grossesse prolongée traduit le faible intérêt de l'am-
liquide méconial léger ont développé un syndrome d'aspi- nioscopie, de manière générale, pour réduire la morbimor-
ration méconiale, contre 4,6 % exposés à un liquide teinté talité néonatale.
modéré et 19 % qui avaient un liquide teinté épais.
Surveillance fœtale
Diagnostic La signification du liquide teinté dépend, nous l'avons vu,
Le syndrome d'inhalation méconiale est difficile à prévoir avant essentiellement de la présence d'anomalies ou non du RCF.
la naissance, mais l'association d'un liquide méconial et d'ano-
malies du rythme cardiaque fœtal doit alarmer le clinicien.
L'inhalation méconiale se manifeste, après un accouche-
Conduite obstétricale avant
ment avec liquide amniotique méconial, par une détresse ou en début de travail (figure 20.2)
respiratoire secondaire chez le nouveau-né. La radiographie Les membranes sont intactes
pulmonaire permet le diagnostic en montrant des aspects en Si les membranes sont intactes et que l'anomalie de couleur
flocons de neige de la région périhilaire avec distension des du liquide amniotique a été suspectée lors d'une amniosco-
bases (poumon postasphyxique). pie, même si cet examen présente de faux positifs, et même

Traitement
Il doit être préventif : aspiration du méconium sous laryn-
goscope à la naissance. L'enfant doit être obligatoirement
transféré en réanimation néonatale pour une éventuelle
ventilation assistée, une équilibration hydrique et une anti-
biothérapie. Cette dernière est discutée en l'absence d'infec-
tion maternelle, car le méconium est a priori stérile mais
favorable à la prolifération bactérienne.

Conduite à tenir devant


un liquide teinté
Devant un liquide amniotique teinté, nous verrons successi-
vement comment faire le diagnostic, les éléments de la sur-
veillance et la prévention de l'inhalation méconiale.

Diagnostic de liquide teinté


en début de travail
Le diagnostic est facile à l'entrée en salle de naissance si les Fig. 20.2. Conduite à tenir chez une femme qui a un liquide amnio-
membranes sont rompues. tique teinté en début de travail.
250   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

en l'absence d'anomalies du RCF, il semble difficile de ne pas


déclencher par Syntocinon® et amniotomie.

Les membranes sont rompues


Si les membranes sont rompues spontanément ou artificiel-
lement, l'attitude dépendra du rythme cardiaque fœtal et de
l'aspect du liquide amniotique [2].

En cas de liquide teinté


Un RCF normal autorise une surveillance standard.
Un RCF pathologique d'emblée nécessite une prise en
charge qui dépend essentiellement des conditions obstétri-
cales et surtout de la sévérité des anomalies du RCF (et non
du caractère « teinté » du liquide amniotique) :
■ déclenchement du travail par Syntocinon® en cas de
conditions locales favorables, voire prostaglandines en
cas d'anomalies peu sévères du liquide sans pathologie
fœtale sous-jacente suspectée (exemple : suspicion de
retard de croissance intra-utérin) ;
■ césarienne si les anomalies du RCF sont jugées comme
hautement pathologiques.
En cas de liquide méconial :
■ un RCF normal autorise un déclenchement par
Syntocinon® en cas de conditions locales favorables, voire Fig. 20.3. Conduite à tenir chez une femme dont le liquide
amniotique se teinte en cours de travail.
par prostaglandines en l'absence de pathologie fœtale
sous-jacente suspectée (exemple : suspicion de retard de
croissance intra-utérin) avec une surveillance stricte du si le rythme cardiaque s'altère ou si la durée de l'expulsion se
RCF pendant le déclenchement ; prolonge anormalement. Une aide instrumentale à l'expul-
■ un RCF pathologique d'emblée doit fortement faire sion est alors indiquée.
évoquer la réalisation d'une césarienne, sauf exception
(travail brillant spontané, rapide, sans pathologie fœtale
suspectée, qui sera alors étroitement surveillée par moni- Accueil du nouveau-né (figure 20.4)
toring et/ou mesure de pH au scalp). Lorsque le liquide a été teinté pendant l'accouchement ou la
L'amnio-infusion n'est pas recommandée. césarienne, l'accueil du nouveau-né impose :
Autrefois, en cas de liquide méconial en cours de travail, ■ des gestes de prévention de l'inhalation méconiale ;
une amnio-infusion pouvait être proposée afin de diminuer ■ des prélèvements bactériologiques à la recherche d'une
le risque d'inhalation méconiale à la naissance. En particu- infection maternofœtale.
lier, il avait été émis l'hypothèse que la dilution méconiale
permettait de réduire la gravité d'un éventuel syndrome de
détresse respiratoire et de corriger l'oligoamnios parfois Prévention de l'inhalation
associé ainsi que les troubles du RCF provoqués par com- Si le liquide est d'aspect « purée de pois », il a été proposé
pression funiculaire [3, 7]. Les premiers résultats évaluant avant le dégagement des épaules, lorsque la tête est à la
cette pratique étaient encourageants. Cependant, une vaste vulve, d'aspirer avec une sonde souple le liquide dans la
étude randomisée multicentrique [4] n'a pas montré de bouche, l'oropharynx et le nasopharynx. L'essai randomisé
bénéfice en termes de mortalité périnatale ou de diminu- de Vain et al. [16] n'a pas montré de différence de l'inci-
tion du syndrome d'inhalation méconiale. Une diminution dence de l'inhalation méconiale entre le groupe aspiré aux
du risque de césarienne qui avait également été montrée par épaules ou non. Ce geste reste donc controversé. La majo-
certains n'a pas été retrouvée lorsqu'il y avait amnio-infu- rité des équipes l'ont abandonné (6). Le plus important est
sion. L'amnio-infusion ne peut donc plus être recommandée de transférer le plus rapidement possible l'enfant dans un
aujourd'hui en cas de liquide méconial pour la prévention lieu (salle de naissance elle-même ou salle de réanimation
de l'inhalation méconiale. néonatale dédiée devant être située à proximité de la salle
de naissance) permettant une prise en charge réanimatoire
adéquate de l'enfant (voir Chapitre 32).
Le liquide se teinte en cours Si l'extraction a lieu par césarienne, il faut prévoir rapide-
de travail (figure 20.3) ment une aspiration spéciale pour l'enfant, si possible avant
Si le rythme cardiaque fœtal reste normal, le travail peut être le premier cri ou la première respiration, aspirer le liquide
poursuivi ; toute altération du rythme cardiaque fœtal doit dans la bouche, l'oro- et le nasopharynx. Là encore, le plus
faire rechercher une acidose ; celle-ci oblige à une extraction important est de transférer l'enfant le plus rapidement pos-
par voie haute ou basse selon l'avancement du travail. Un sible en salle de réanimation néonatale devant être située à
liquide qui se teinte à l'expulsion ne doit pas inquiéter, sauf proximité du bloc de césarienne.
Chapitre 20. Liquide amniotique teinté en début de travail : conduite à tenir    251

allant de l'insuffisance respiratoire modérée à des formes


sévères qui peuvent conduire au décès de l'enfant malgré
une ventilation artificielle. Les données récentes montrent
que la gravité des formes sévères n'est pas uniquement liée
à l'inhalation méconiale, mais à des événements anténataux
(insuffisance placentaire, infection maternofœtale) ou à
l'hypoxie pendant le travail. Ainsi, une inhalation méconiale
chez un fœtus sans infection entraînera un syndrome d'in-
halation méconial léger ou modéré. À l'inverse, en présence
d'une infection amniotique, d'une insuffisance placentaire
ou d'une asphyxie per-partum, la même inhalation entraî-
nera une forme sévère [5]. L'aspiration du liquide est donc
nécessaire mais pas suffisante pour éviter la détresse res-
piratoire. Cependant, de véritables inhalations méconiales
massives isolément peuvent être responsables de lésions
anoxiques, voire de décès.

Prélèvements bactériologiques
maternels et fœtoplacentaires
Ils sont réalisés comme en cas de fièvre au cours de l'accou-
chement (voir Chapitre 18).

Conclusion
Le pronostic de l'accouchement avec un liquide teinté ou
méconial dépend essentiellement de la présence ou non
d'anomalies du rythme cardiaque fœtal. Le syndrome
d'inhalation méconiale est rare (11 %) mais grave pour les
formes sévères (létalité de 5 à 40 %) ; il peut être réduit par
une prise en charge adéquate à la naissance.

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fréquente, il faut assurer une bonne oxygénation et discuter [7] Hourdequin P, Kauffmann E, Gabriel R, et al. Amnioinfusion pendant
avec le pédiatre d'une ventilation assistée. le travail, expérience et revue de la littérature. Contracept Fertil Sex
Secondairement, la surveillance de l'enfant doit être très 1999 ; 27 : 222–30.
attentive, le moindre signe de détresse respiratoire nécessi- [8] Levran D, Shoham Z, Geranek M, et al. The value of amnioscopy in
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conduit à la conclusion que la laryngoscopie avec intubation [9] Meyer S, De Grandi P, Bossart H. Place of routine amnioscopy in the
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515–20.
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252   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

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Chapitre
21
Une hypertension artérielle
en début de travail :
conduite à tenir
F. Goffinet, J. Lansac, A. Fournié

PLAN DU CHAPITRE
L'accouchement : véritable épreuve d'effort. . 253 Prise en charge du nouveau-né. . . . . . . . . . . . . 261
Évaluation de la situation. . . . . . . . . . . . . . . . . 254 Surveillance après l'accouchement. . . . . . . . . . 261
Conduite à tenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257

Pour le fœtus, le danger est lié à l'acutisation d'une


OBJECTIFS souffrance fœtale chronique ou à la survenue d'un héma-
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : tome rétroplacentaire (HRP). En cas de mise en travail, les
• de faire le diagnostic d'hypertension gravidique, de contractions utérines risquent d'aggraver un état d'hypoxie
toxémie ; chronique ; enfin, la sévérité des maladies maternelle et fœtale
• de décrire les modifications physiologiques et ne sont pas forcément synchrones.
anatomiques des différents organes maternels ; L'accouchement des femmes présentant une hyperten-
• de décrire les conséquences de cet état sur le fœtus ; sion sévère devrait s'effectuer dans une maternité compor-
tant une unité de réanimation pour la mère. L'orientation
• de discuter les indications, contre-indications, effets
vers une maternité de type III doit être proposée en cas de
maternels et fœtaux des médicaments hypotenseurs ;
poids fœtal estimé à moins de 1 500 g ou de naissance prévi-
• d'établir un schéma thérapeutique et les surveillances
sible avant 32-34 SA [2]. Mais la patiente peut arriver en tra-
maternelle et fœtale pendant le travail chez une femme
vail avec tableau d'hypertension sévère, et la prise en charge
enceinte hypertendue.
de l'HTA pendant le travail doit faire l'objet de protocoles
écrits et connus de l'équipe, afin de limiter les risques dus à
une aggravation de la maladie.
En France, une prééclampsie survient chez 1 à 3 % des nul-
lipares et 0,5 à 1,5 % des multipares [6]. L'incidence de l'hy- L'accouchement : véritable
pertension gravidique est plus élevée, entre 5 et 10 % selon
les séries. épreuve d'effort
L'hypertension artérielle est à risque pour la mère comme L'accouchement est une véritable épreuve d'effort et entraîne
pour le fœtus. Pour la mère, les hypertensions de la gros- des modifications hémodynamiques du débit cardiaque et
sesse (gravidique et chronique) sont une des causes princi- de la pression artérielle.
pales de mortalité maternelle, la première au Royaume-Uni
et aux Pays-Bas. Le danger immédiat maternel est celui de la
poussée hypertensive et de ses complications neurologiques Débit cardiaque
(accidents vasculaires) et hémodynamiques (œdème aigu Il augmente pendant l'accouchement. Cette augmentation
du poumon). Une éclampsie est toujours possible en parti- est de 12 à 14 % en début de travail, 30 % en fin de première
culier en cas de prééclampsie sévère, avec ses complications phase, 45 % en fin de deuxième phase. Cette augmentation
propres gravissimes. Le traitement des formes graves est le du débit cardiaque est en partie due à la douleur et à l'an-
fait d'un travail d'équipe entre l'équipe obstétricale et celle xiété ; elle n'est guère constatée sous analgésie péridurale.
des anesthésistes réanimateurs. La contraction utérine augmente le débit cardiaque de 15 %

Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 253
254   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

environ, et cette augmentation est due au fait que chaque En dehors de ces troubles, les autres signes de gravité
contraction chasse 300 à 500 ml de sang hors de l'utérus, sont les suivants.
dans la circulation générale. Par ailleurs, le débit cardiaque
augmente après l'accouchement de 20 % environ, du fait de Hypertension artérielle
la disparition de l'obstacle au retour veineux au cœur, puis On considère comme un signe de gravité une pression arté-
de la mobilisation rapide du liquide extracellulaire. rielle systolique égale ou supérieure à 160 mmHg, et/ou
Enfin, la mise en position gynécologique augmente une pression diastolique égale ou supérieure à 110 mmHg.
transitoirement le débit de 15 % environ pendant une à Théoriquement, cette élévation doit être observée à deux
deux minutes. Ces valeurs sont des valeurs moyennes et de mesures séparées de deux heures ; la mesure pendant
grandes différences individuelles existent. 30 minutes avec un appareil automatique est sans doute
suffisante. La tension artérielle dans ces situations n'est pas
La pression artérielle augmente pendant stable, et on peut observer des variations spontanées de 20 à
le travail 40 mmHg pour la maximale, et de 15 à 30 mmHg pour la
minimale. Cette instabilité est surtout importante quand la
Elle augmente de : maladie est mal contrôlée.
■ 10 à 15 % pendant la première phase du travail ; Une pression artérielle trop élevée lèse le mur pariétal vas-
■ 15 à 25 % pendant la deuxième phase. culaire, et une poussée hypertensive peut alors entraîner un
La contraction utérine entraîne une élévation supplé- accident vasculaire cérébral : classiquement, ce danger existe
mentaire de 10 à 15 mmHg. Comme le débit cardiaque, la lorsque la pression artérielle moyenne (PAM) est égale ou
tension artérielle subit d'importantes variations d'un sujet à supérieure à 140-150 mmHg. En fait, c'est la systolique qui
l'autre. est corrélée au risque d'accident vasculaire cérébral ; et des
accidents peuvent survenir avec des PAM de 125 mmHg.
Évaluation de la situation Protéinurie
En fin de grossesse, on peut se trouver dans l'une des trois Elle est un signe de sévérité si elle est supérieure ou égale à
circonstances suivantes : 5 g par 24 heures. Mais elle ne met pas par elle-même la vie
■ la patiente a une hypertension connue, traitée, et équili- de la mère en danger, contrairement à l'hypertension.
brée : la surveillance doit alors être étroite. Une program-
mation de l'accouchement devra être envisagée en cas Oligurie
de signes suspects ou d'instabilité tensionnelle malgré le
Une diurèse inférieure à 400 ml par 24 heures ou plus sim-
traitement ;
plement inférieure à 20 ml/heure est un signe de sévérité.
■ la patiente entre en travail alors qu'elle n'est pas parfaite-
Cette oligurie est rare, mais elle doit conduire à réaliser une
ment équilibrée ;
étude de la diurèse horaire, et à vérifier l'absence d'insuffi-
■ l'hypertension est découverte au cours du travail.
sance rénale débutante (créatinine plasmatique) qui est un
Dans chacun de ces cas, il faut évaluer l'état maternel
signe de gravité supplémentaire (voir section suivante).
comme l'état fœtal. La gravité fœtale et la gravité maternelle
Tous ces signes sont des signes de sévérité et, s'ils ne
ne sont pas synchrones : une prééclampsie légère peut s'ac-
s'améliorent pas, ils doivent faire poser la question de faire
compagner d'une hypoxie fœtale chronique sévère, et une
naître l'enfant soit par césarienne, soit par déclenchement.
forme maternelle sévère peut n'avoir qu'un retentissement
Les formes sévères se définissent actuellement non seule-
fœtal modéré. La mère comme le fœtus peuvent s'aggraver
indépendamment l'un de l'autre. ment par la gravité maternelle mais encore par la gravité
fœtale : ce qui mélange des états différents avec d'un côté
un risque parfois vital pour la mère, de l'autre un risque de
État maternel séquelles pour l'enfant.
L'évaluation est clinique et biologique.
Œdèmes
Signes cliniques de gravité Ils ne sont pas un signe de gravité, mais peuvent aider à défi-
Ils sont constitués par : nir la maladie : ils sont significatifs des œdèmes d'apparition
■ des troubles visuels : amblyopie, phosphènes, amaurose ; récente ou des œdèmes rapidement aggravés.
■ des troubles cérébraux : céphalées pulsatiles, frontales
ou en casque. Dans ces deux circonstances, le risque Le terrain
d'éclampsie est majoré [12] ; L'existence d'une hypertension chronique ou d'une néphro-
■ il en est de même lorsque existent des troubles neurolo- pathie chronique est un facteur de sévérité. Le retentisse-
giques : réflexes particulièrement vifs, diffusés au côté ment fœtal peut être sévère ; par ailleurs, les néphropathies
opposé, et polycinétiques ; clonus du pied ou de la rotule ; chroniques représentent une situation à haut risque rénal :
■ des troubles hépatiques : douleur épigastrique ou signe chez elles, une hémorragie, un collapsus ou des troubles de
de Chaussier ; la douleur, due à la mise en tension de la la coagulation pourront être source d'insuffisance rénale
capsule de Glisson, est exacerbée par la percussion du aiguë, d'anurie, voire de nécrose corticale bilatérale, ou pour
foie ; elle fait rechercher un HELLP syndrome. le moins aggraver l'état rénal préexistant.
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir    255

Signes biologiques C'est dans les HELLP syndromes graves que l'on peut avoir
Les hypertensions artérielles et les prééclampsies peuvent une CIVD. Elle se caractérise avant tout dans ce contexte de
s'accompagner de nombreux troubles biologiques. Certains thrombopénie par une baisse du fibrinogène, et l'on parle ici
reflètent la maladie mais n'ont pas d'implication dans les de CIVD lorsque le taux de fibrinogène est inférieur à 2,5 g/l
modalités de l'accouchement ni dans la surveillance du ou à 3 g/l.
travail : c'est le cas par exemple de l'élévation de l'uricémie,
des perturbations des marqueurs de la cellule endothéliale Créatininémie
telle que l'augmentation du facteur Willebrand ou des fibro- Il s'agit d'un critère de gravité essentiel. Son augmentation
nectines. En pratique, ces marqueurs ne sont pas utilisés en est souvent contemporaine d'autres signes de gravité comme
pratique clinique. un état œdématoascitique sévère, une oligurie et une prise
En revanche, trois perturbations biologiques ont un inté- de poids quotidienne significative. Elle peut parfois égale-
rêt pratique immédiat. ment être le signe d'une néphropathie sous-jacente qu'il faut
savoir suspecter. Par ailleurs, il est important d'en vérifier le
Hémoconcentration taux pour adapter la posologie du sulfate de magnésie.
Elle est difficile à quantifier et est variable d'une femme à
l'autre. Elle se traduit par une élévation de l'hémoglobine État fœtal
ou de l'hématocrite, élévation au mieux appréciée compa- Rappelons que la gravité fœtale et maternelle ne sont pas
rativement à une mesure faite précédemment (par exemple corrélées à une hypertension légère pouvant s'accompagner
examen du 6e mois). Elle doit de toute façon être suspec- d'une hypoxie fœtale chronique et inversement.
tée lorsque le taux d'hémoglobine dépasse 12,5 g/dl. Ces Deux éléments interviennent dans le pronostic : la pré-
patientes hémoconcentrées risquent de présenter des varia- maturité, d'une part, l'hypotrophie, d'autre part.
tions tensionnelles sévères lors de l'installation de la péridu- L'hypertension peut entraîner un petit poids pour l'âge
rale. Elles toléreront mal les complications hémorragiques gestationnel (PAG) inférieur au dixième percentile ou un
et elles sont à risque d'œdème aigu pulmonaire en cas de retard de croissance intra-utérin (RCIU) qui se traduit par
surcharge. un arrêt ou infléchissement de la croissance à deux mesures à
trois semaines d'intervalle [2]. Ces anomalies de la croissance
Thrombopénie et éléments biologiques fœtale sont définies au mieux en utilisant des courbes ajus-
du HELLP syndrome tées en fonction de la taille et du poids de la mère, de la parité,
La thrombopénie est un signe de sévérité. Un taux de pla- du sexe du fœtus, comme les courbes de croissance in utéro
quettes inférieur à 50 000/dl fait courir un risque d'hémor- ajustées( 4) recommandées par le CNGOF (figure 21.1).
ragie lors d'un geste chirurgical. Lorsqu'il est inférieur à Plus l'enfant est prématuré et plus il est de petit poids,
30 000, il existe un risque d'hémorragie spontanée ou surve- plus il est fragile. L'association prématurité-hypotrophie
nant à l'occasion d'une agression minime. L'accouchement augmente nettement la mortalité et la morbidité périna-
dans ces cas-là représente une situation à haut risque mater- tales. Beaucoup proposent dans ce contexte une césarienne
nel et des transfusions plaquettaires sont à discuter avec lorsque le poids du fœtus est estimé à moins de 1 500 g.
l'équipe d'anesthésie-réanimation. Un fœtus de poids normal est également à risque. En
La thrombopénie peut être isolée ou être un des éléments effet, dans les hypertensions peuvent exister des pertur-
du HELLP syndrome qui associe une hémolyse (H), une élé- bations des échanges placentaires et une réduction de la
vation des enzymes hépatiques (EL) et une thrombopénie croissance fœtale, sans que les biométries ne placent l'enfant
(low platelet). On classe la sévérité des HELLP syndrome en dans la zone de l'hypotrophie. La pathologie hypertensive
fonction du taux de plaquettes. La classe 1 est la plus sévère, peut s'accompagner d'un début d'hypoxie chronique, ou
avec un taux de plaquettes inférieur à 50 000, dans la classe diminuer les réserves de l'oxygénation fœtale. La décom-
2 les plaquettes sont entre 50 000 et 100 000. La fréquence pensation lors du travail peut être rapide. Dans un contexte
des HELLP syndromes de classe 1 et 2 est aux États-Unis de de prééclampsie sévère, plus du tiers des enfants présentent
7,6 pour 1 000 grossesses. Ces cas représentent 24,4 % des des signes d'asphyxie lors de l'accouchement et demandent
prééclampsies sévères [9]. La fréquence des éclampsies est une extraction par césarienne, cela en sachant que beaucoup
de 13 % pour la classe 1 et 4 % pour la classe 2 ; de même, d'enfants n'ont pas été autorisés à subir le stress du travail.
la mortalité périnatale passe de 1,19 ‰ à 2,73 ‰. Le risque
d'HRP est également accru [12]. Dépistage du retard de croissance
Les autres signes biologiques du HELLP syndromes sont La mesure de la hauteur utérine garde sa place à partir de
intéressants pour la surveillance de la patiente mais ne 22 SA et peut contribuer à déceler un défaut de croissance
posent pas de problèmes d'urgence par eux-mêmes : ce sont entre les échographies de 22 SA et 32 SA, ou après 32 SA.
l'élévation des transaminases qui est corrélée au taux des La performance de l'échographie pour dépister les
plaquettes, et les signes de l'hémolyse. La présence de schi- enfants de petits poids pour l'âge gestationnel (PAG) sont
zocytes est caractéristique de l'hémolyse mais, en pratique, faibles, avec une sensibilité de 22 %. Il est recommandé de
les meilleurs témoins en sont la baisse du taux d'hémoglo- mesurer le périmètre céphalique et abdominal ainsi que la
bine de plus de 10 %, et surtout l'association d'une élévation longueur fémorale, et de calculer le poids fœtal avec la for-
des LDH et d'un effondrement de l'haptoglobine. mule de Hadlock utilisant ces trois paramètres.
256   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

5000

4500

4000

3500

3000
Poids (grammes)
97ème p
2500 90ème p
50ème p
10ème p
2000
3ème p

1500

1000

500

0
a 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Âge gestationnel

5000

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3500

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Poids (grammes)

97ème p
2500 90ème p
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10ème p
2000
3ème p

1500

1000

500

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b 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Âge gestationnel

Fig. 21.1. a. Courbe de poids EPOPé* des filles selon le modèle M1. b. Courbe de poids EPOPé* des garçons selon le modèle M1 [4]. * Equipe de
recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé)

Éléments de gravité La séquence observée, lorsque l'hypoxie fœtale chro-


Dans ce contexte, des éléments de gravité immédiats pour le nique s'aggrave, peut être schématisée comme suit : après
fœtus peuvent être identifiés à l'aide de : une période d'augmentation isolée de l'index de pulsatilité
■ l'étude du rythme cardiaque fœtal ; il n'y a pas d'argu- (IP) des artères ombilicales, on observe une diminution de
ments suffisants pour recommander ou non une surveil- l'index de pulsatilité dans la sylvienne, d'où la modification
lance par la variabilité à court terme en routine, même du rapport « cérébroplacentaire ». C'est le début de la redis-
avant 32 SA. Cependant, devant le caractère objectif et tribution ou « centralisation » de la circulation fœtale. Le
reproductible de l'analyse informatisée du RCF et de la rythme cardiaque fœtal est souvent encore normal. Le score
VTC, celle-ci peut être une aide à la décision d'extraction biophysique n'est pas modifié. Il s'agit de phénomènes de
pour les RCIU de moins de 32 SA [2], voir Chapitre 2, compensation avec un risque d'acidose encore faible.
« Enregistrement du rythme cardiaque fœtal » ; Si l'aggravation se poursuit, l'index diastolique ombilical
■ l'étude de la réactivité échographique fœtale comme le devient nul. C'est la phase de centralisation « avancée » ; la
« biophysical profile score » de Manning) (tableau 21.1) ; vasodilatation cérébrale est à son maximum, l'index de pul-
en pratique, actuellement, les équipes estiment la vitalité satilité cérébral est au plus bas.
fœtale de manière qualitative sans réaliser le score de Lorsque le Doppler ombilical est nul en permanence, le
Manning ; rythme devient souvent pathologique avec des modifica-
■ l'étude de la circulation ombilicale par effet Doppler. Elle tions au score biophysique de Manning des mouvements
peut participer aux décisions d'extraction. fœtaux, du tonus et du liquide amniotique. Les Doppler
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir    257

Tableau 21.1. Score de Manning (30 minutes d'observation).


Paramètres Normal (score = 2) Anormal (score = 0)
Mouvements respiratoires Au moins un épisode de 30 s Absent ou pas d'épisode > 30 s
fœtaux [1]
Mouvements du corps fœtal [2] Au moins 3 mouvementsdes membres sur le tronc. 2 mouvements ou moins
Une phase de mouvements se succédant sans interruption est
considérée comme un mouvement unique
Tonus fœtal [3] Au moins un épisode d'extension active du tronc ou des membres, Soit absence de mouvement
avec retour à la position fléchie ou bien ouverture et fermeture Soit extension faible
de la main Soit extension des membres
mais en totale extension
Quantité de liquide amniotique Au moins une citerne de liquide amniotique mesurant Pas de liquide amniotique
[4] 1 cm dans deux plans perpendiculaires ou citerne < 1 cm
Cœur fœtal (cardiotocographie) Au moins 2 épisodes d'accélérations de 15 s au moins Moins de deux accélérations
[5] et d'amplitude au moins = à 15 bpm, associées à des mouvements
fœtaux
Résultats du score Score > 6 Score < 6 Score = 6
Interprétation « Normal » « Pathologique » « Équivoque » (à répéter
Bien-être fœtal Décision rapide d'issuede quelques heures plus tard,
Satisfaisant la grossesse ou test au Syntocinon®)

veineux peuvent être encore normaux ou subnormaux. Le satisfaisant. Les cas dans lesquels il ne faut pas attendre
fœtus est hypoxique sept à huit fois sur dix et acidotique d'équilibre sont l'hypoxie fœtale aiguë et l'hématome
quatre à six fois sur dix. rétroplacentaire.
Enfin, en phase dite terminale, on a un reverse flow ombi-
lical. Il y a des perturbations des Doppler veineux (ductus Date de l'accouchement
venosus essentiellement). La réactivité fœtale disparaît et Elle dépend d'une part de la gravité de l'état maternel,
des décélérations tardives peuvent apparaître. Le score de d'autre part du retentissement fœtal apprécié sur le rythme
Manning est inférieur à 6. L'hypoxie fœtale est constante, cardiaque et les flux ombilicaux et/ou cérébraux. Si la situa-
et 83 % des nouveau-nés ont un pH inférieur à 7,20. Il n'y tion maternelle est particulièrement sévère, on peut inter-
a pas encore de lésions cérébrales mais des troubles de la rompre la grossesse en essayant de donner au fœtus toutes
perméabilité cellulaire cérébrale peuvent commencer, réver- ses chances. En dehors de ces cas, on va essayer au moins
sibles. L'accouchement et la période néonatale vont être un dans les âges gestationnels précoces de gagner du temps
moment périlleux car on risque de passer au stade de lésions avec des traitements conservateurs [7, 10]. Une cure de cor-
cellulaires irréversibles. ticoïdes est recommandée chez les patientes pour lesquelles
La dernière phase est la phase de décentralisation : les une extraction fœtale est envisagée avant 34 SA. Une pres-
modifications qui précèdent la mort fœtale sont irréver- cription de sulfate de magnésium pour la neuroprotection
sibles. Il y a une paralysie vasculaire fœtale. Un œdème dans les heures qui précèdent la naissance est recommandée
cérébral est présent, dû à l'accumulation d'acide lactique. en cas d'accouchement prématuré avant 32-33 SA (voir cha-
Le résultat est la mort cellulaire. Sur le plan biochimique, pitre 25, p. 295) :
la pression en oxygène est inférieure à quatre déviations ■ avant 25 semaines, la plupart des auteurs optent pour
standard. Le rythme cardiaque fœtal est dit terminal avec un abandon fœtal mais la décision dépendra d'un RCIU
une fréquence totalement fixe sans oscillations. Le score de associé ou non ;
Manning est inférieur à 2. L'importance des lésions céré- ■ avant 32 SA (figure 21.2) :
brales irréversibles rend à cette phase, en principe, la césa- – l'impact de la prématurité induite est majeur et justifie
rienne inutile. d'envisager une prolongation de la grossesse même en
cas de Doppler ombilical pathologique ;
– un arrêt de la croissance fœtale isolé (Doppler foetaux
Conduite à tenir normaux et RCF normal) n'est pas en soi une indica-
Chez une patiente ayant une tion d'extraction fœtale.
hypertension connue équilibrée traitée L'IP du ductus venosus (ou canal d'Arantius) supérieur
au 95e percentile et les anomalies du RCF (VCT < 3 ms ou
L'hypertension est sévère rythme peu oscillant ou décélérations répétées) sont des
La patiente est hospitalisée. L'accouchement est souvent critères indépendants de naissance des RCIU inférieurs à
programmé dans ses modalités et dans sa date, qui ont été 32 SA.
discutées en équipe avec les pédiatres et les anesthésistes. L'accouchement doit être discuté lorsqu'un de ces deux
Si l'état de la patiente s'est aggravé récemment, on peut paramètres est anormal de manière persistante.
avoir le temps d'obtenir un équilibre hémodynamique Après 32 SA (figure 21.3) :
258   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Prise en charge des RCIU avant 32 SA

- Âge gestationnel
- Estimation de poids fœtal
- Quantité de liquide amniotique
- Doppler ombilical et cérébral

Diastole ombilicale normale

- Biométrie
- Doppler ombilical
2 à 3 semaines

Diastole ombilicale positive mais réduite

Doppler cérébral normal Vasodilation cérébrale


Surveillance
ambulatoire

- Doppler ombilical/cérébral - Doppler ombilical


- RCF visuel et/ou VCT - RCF visuel et/ou VCT
1 fois / semaine 1 fois ou plus / semaine

Fig. 21.2. Prise en charge des RCIU avant 32 SA [2].

Diastole ombilicale nulle ou reverse flow

Hospitalisation à discuter
Cure de corticoïdes

RCF quotidien avec VCT


et Doppler veineux pluri-hebdomadaire

RCF normal RCF non oscillant Si utilisation de la VCT DV :


DV normal < 5bpm> 40 min ou VCT < 3ms - Onde a nulle
VCT normale décélérations répétées - Onde a inversée

Continuer
la
surveillance Extraction

Fig. 21.3. Prise en charge des RCIU après 32 SA [2] DV : Doppler veineux (Ductus venosus).
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir    259

■ la naissance ou l'expectative sont deux options possibles température et la diurèse. Une sonde à demeure est souhai-
selon la sévérité des éléments pronostiques ; table dans les formes sévères.
■ en cas de reverse flow ou de diastole nulle permanente La surveillance clinique doit rechercher régulièrement
sur le Doppler ombilical après 34 SA, un accouchement des signes d'hypertension artérielle maligne (céphalées,
devra être envisagé ; troubles visuels, troubles digestifs) et, en l'absence de péri-
■ en cas de Doppler ombilical anormal avec diastole durale, des anomalies des réflexes ostéotendineux.
positive, il est recommandé une surveillance renfor- Un hématome rétroplacentaire peut survenir au cours du
cée par Doppler ombilical, cérébral et RCF de manière travail. Il doit être suspecté devant deux des quatre signes
plurihebdomadaire ; suivants : des métrorragies ; une hypertonie d'apparition
■ une surveillance en ambulatoire est possible. brutale ; des douleurs utérines ou lombaires d'apparition
Une naissance peut être envisagée à partir de 37 SA en brutale ; une bradycardie fœtale [8]. Si le diagnostic d'HRP
fonction de l'estimation pondérale, de la quantité du liquide est porté, une césarienne en extrême urgence (code rouge)
amniotique et de la mesure des Doppler. La voie d'accou- doit être réalisée sans perdre du temps. En cas de récupéra-
chement tiendra compte des caractéristiques maternelles et tion du RCF, on pourra s'aider de l'échographie pour confir-
obstétricales (parité, utérus cicatriciel, indice de masse cor- mer le diagnostic mais cet examen ne doit pas faire perdre
porelle, conditions locales cervicales) [2] (figure 21.3). de temps dans le cas contraire.

Voie d'accouchement du fœtus petit pour l'âge Traitement antihypertenseur


gestationnel ou présentant un retard de croissance Il a été poursuivi jusqu'à l'entrée en travail. Il est rare qu'il
En cas de voie basse, l'enregistrement du rythme cardiaque soit nécessaire de le compléter à l'occasion d'une poussée
fœtal doit être continu pendant le travail et le délai hypertensive. Les poussées hypertensives importantes sont
d'intervention doit être plus rapide qu'en cas de situation à rares chez une femme équilibrée, ce d'autant qu'une péridu-
bas risque. rale est en place. Une variation des chiffres de 15 à 20 mmHg
■ Le recours à la césarienne est habituel à un terme pré- n'a pas de signification si elle est bien tolérée par la mère. Un
coce (avant 32-34 SA) ou en cas d'anomalies sévères du supplément de traitement antihypertenseur ne se conçoit
Doppler ombilical (index diastolique nul ou reverse flow), que si l'on note à deux ou trois reprises une diastolique égale
bien qu'il n'existe pas de données à l'encontre de la tenta- ou supérieure à 110 mmHg. Si la patiente est en traitement
tive de voie basse dans les situations favorables (col per- par voie intraveineuse, on adapte le débit en fonction de la
méable, multiparité, présentation céphalique). surveillance. Il est souvent recommandé d'utiliser le labé-
■ Dans les autres cas, il n'y a pas d'argument pour contre- talol ou, s'il est contre-indiqué, la clonidine injectable. Les
indiquer la réalisation d'un déclenchement pour RCIU, inhibiteurs calciques ont l'inconvénient d'être tocolytique,
même avant terme et/ou sur un col défavorable. ce qui est contradictoire avec l'objectif de faire accoucher
■ Sur col défavorable, prostaglandines intracervicales, intra- la femme en travail. Cependant, de nombreuses équipes les
vaginales ou ballonnet intracervical peuvent être utilisés en utilisent (nicardipine par voie intraveineuse) en raison de
dehors de situations à très haut risque (terme précoce et/ leur rapidité d'action, de leur simplicité d'utilisation et de
ou reverse flow au Doppler ombilical). Après pose de pros- l'absence d'effet bêtabloquants reproché au labétolol (risque
taglandines, ou d'un ballonnet intracervical, la surveillance potentiels néonatals d'hypoglycémie et d'hypocalcémie).
doit être poursuivie au-delà des deux premières heures.
■ L'utilisation d'un test à l'ocytocine avant déclenchement Direction du travail
pour RCIU n'est pas recommandée.
■ En cas de fœtus RCIU en présentation du siège, il n'y a Il faut diriger le travail avec une grande prudence, toujours
dans l'optique d'un travail à minimum de puissance.
pas dans la littérature d'arguments pour contre-indiquer
La péridurale aide à obtenir un bon contrôle tensionnel.
la voie basse. L'accord voie basse sera évalué en fonction
La dynamique utérine doit être particulièrement surveillée,
de la sévérité du retard de croissance et des conditions
en raison du danger potentiel pour l'enfant d'une hypertonie,
obstétricales.
d'une tachysystolie, ou d'une hypersystolie. Ce risque, que
l'on observait parfois avec les posologies des anesthésiques
Surveillance de l'accouchement locaux utilisés auparavant, est devenu exceptionnel avec les
Il va falloir surveiller étroitement l'enfant et la mère. doses actuellement utilisées de Naropéine®.
Si une analgésie péridurale ne peut être installée, en rai-
Surveillance de l'enfant son notamment d'un taux de plaquettes bas, la direction du
Elle ne se conçoit que par un monitorage permanent du travail peut employer soit des morphiniques, soit une tech-
rythme cardiaque fœtal et un examen de seconde ligne pour nique de type neuroleptanalgésie, en général administrée
évaluer la tolérance fœtale en cas d'anomalies du RCF est par PCA.
souvent utilisée (pH ou lactates au scalp). Il est raisonnable de limiter les efforts expulsifs, en raison
de l'élévation de la tension artérielle qui les accompagne et
Surveillance maternelle en raison de la fragilité du fœtus. Si l'expulsion spontanée
Elle comprend l'enregistrement régulier de la pression et est autorisée, sa durée sera décidée en fonction des valeurs
du pouls avec un appareil automatique. Il faut aussi noter la de pressions artérielle de la mère et d'éventuelles anomalies
260   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

du RCF. Une extraction instrumentale ou une épisiotomie Chez une patiente ayant une
systématiques ne sont pas recommandées. hypertension découverte à l'entrée en
Si une césarienne est nécessaire, en cours de travail, elle
peut facilement être réalisée en complétant l'analgésie. Pour
salle de naissance, et méconnue jusque-là
la malade, le bénéfice postopératoire sera important car les Il faut évaluer la situation, mettre en place éventuellement
suites seront moins douloureuses, moins agitées, et par là un traitement hypotenseur, assurer à la mère et au fœtus un
moins exposées à des variations tensionnelles. accouchement dans des conditions optimales. Ce cas est à
En cas de césarienne sous rachianesthésie, il faut s'atta- rapprocher de celui d'une patiente transférée après décou-
cher au maintien de la tension artérielle à sa valeur de base verte d'une HTA sévère et qui n'a pas eu le temps d'être
et de raccourcir le délai entre induction de l'anesthésie et équilibrée.
extraction fœtale (un obstétricien doit être présent).
Pour une césarienne élective, la rachianesthésie est pos- Évaluation de la situation
sible après un remplissage prudent ; elle expose davantage à Cette patiente est à risque d'éclampsie. Il faut, dès que la
un risque d'hypotension. patiente est admise, après l'interrogatoire habituel et la
recherche des signes de gravité que nous avons énumérés plus
Anesthésie générale haut, mettre en route une surveillance de la tension artérielle et
L'anesthésie générale peut être utilisée pour une césa- du pouls, par un appareil automatique, surveiller la fréquence
rienne si une anesthésie locorégionale est contre-indi- respiratoire, les réflexes ostéotendineux et la diurèse, prendre
quée, chez une patiente thrombopénique notamment une voie veineuse et débuter le traitement. Il faut tenir une
(moins de 70 000 plaquettes en taux stable ; on peut comptabilité précise des entrées et des sorties liquidiennes.
fixer un seuil à 50 000 en cas d'intubation difficile). On Sur le plan biologique, il faut obtenir rapidement une
peut aussi l'employer en cas d'extraction instrumentale numération des plaquettes et des globules rouges, et un taux
et d'inefficacité d'une anesthésie des nerfs honteux et si de fibrinogène. Une étude des électrolytes sanguins et uri-
la patiente ne bénéficie pas d'une anesthésie locorégio- naires, de la créatinine et des transaminases fait partie du
nale. Elle ne fait pas courir un risque d'hypotension mais bilan de départ.
au contraire, lors de l'induction et de l'intubation, un Sur le plan fœtal, il faut d'emblée enregistrer le rythme
risque d'hypertension. Une faible dose de morphiniques cardiaque fœtal et évaluer cliniquement et échographique-
(Sufentanil® ou mieux Rémifentanil®) peut être adminis- ment le poids de l'enfant. Une échographie ne doit pas retar-
tré avant l'intubation afin de diminuer le pic d'hyper- der la mise en route de la surveillance. Une hypoxie fœtale
tension induit par celle-ci. Pour l'induction, on utilise le peut en effet débuter très vite.
Thiopental®, et l'entretien est assuré par un mélange pro-
toxyde d'azote-oxygène à 50/50, jusqu'à la naissance de Traitement
l'enfant. Les inconvénients de la méthode sont fœtaux : Il comporte, sur le plan maternel, la prescription d'antihy-
il existe un risque de dépression néonatale, surtout si pertenseur et la mise en place de moyens anesthésiques.
plusieurs drogues ont été associées. Les pédiatres doivent
être avertis et entraînés à faire face à cette éventualité. Antihypertenseurs
Notons que le Rémifentanil® s'élimine très rapidement, en Ils sont justifiés s'il y a une minimale égale ou supérieure à
quelques minutes chez le nouveau-né du fait de sa méta- 100 mmHg.
bolisation par les enzymes plasmatiques. On a recours aux antihypertenseurs injectables :
■ le labétatol (Trandate®) est souvent utilisé. C'est à la fois
Examen du placenta un alpha- et un bêtabloquant. Sa tolérance maternelle
est bonne et ses effets fœtaux semblent modérés (peu de
L'examen anatomopathologique du placenta devra être réa- bêtablocage). Les risques de l'effet bêtabloquants sont
lisé en cas de RCIU et en cas de naissance avant 37 SA. La l'hypoglycémie et l'hypocalcémie néonatale :
demande d'examen doit s'accompagner d'une fiche de ren- – il est contre-indiqué dans l'asthme sévère et en cas de
seignements concernant le déroulement de la grossesse (voir BAV ;
chapitre 6, page 92). – notre protocole est le suivant :
injection en intraveineux de 25 à 50 mg en cinq
L'hypertension est modérée à dix minutes, puis, selon la réponse obtenue, 30 à
Les chiffres tensionnels sont compris entre 140/90 et 60 mg/h, à la seringue électrique, adaptée par paliers
160/100 mmHg, sans signes maternels ni fœtaux de gravité. de 20 min. La réponse est variable d'une patiente à
La patiente a été vue en consultation par l'anesthésiste l'autre, mais il n'y a pas d'hypotension brutale ; l'ac-
réanimateur. Le risque de poussée hypertensive est limité tion se manifeste en cinq à dix minutes, et dure de
par une analgésie péridurale, si elle n'est pas contre-indi- trois à six heures ;
quée. L'accouchement doit être surveillé avec autant de soin on associe le Trandate® au sulfate de magnésie (SMg)
que précédemment. Il doit être monitorisé et dirigé comme s'il existe des troubles visuels ou si les réflexes ostéo-
dans les cas plus sévères car un retard de croissance intra- tendineux sont diffusés et/ou polycinétiques, et sans
utérin peut être méconnu, et le fœtus peut être fragile. attendre ;
Comme dans le cas précédent, le recours à un traitement ■ les anticalciques ne sont en général pas recommandés
antihypertenseur par voie intraveineuse peut être nécessaire. pendant le travail, car ils sont tocolytiques, et les doses
Chapitre 21. Une hypertension artérielle en début de travail : conduite à tenir    261

antihypertensives sont les mêmes que les doses tocoly- s'agit d'une femme non hypertendue auparavant mais qui
tiques. Cependant, de nombreuses équipes les utilisent fait une élévation tensionnelle importante en cours de tra-
(nicardipine en intraveineux) en raison de leur rapidité vail. Le risque est surtout maternel si l'hypertension persiste.
d'action, de leur simplicité d'utilisation et du peu d'effets Inversement, si l'on diminue trop vite la tension maternelle,
secondaires maternels ou fœtaux rapportés. En pratique, il existe un risque d'asphyxie fœtale par baisse de la perfu-
les effets sur la progression du travail en cours semblent sion placentaire. On emploie le labétalol en commençant par
négligeables même s'ils n'ont pas été étudiés. un bolus de 20 mg en dix minutes, puis on adapte. Il faut
■ les autres antihypertenseurs injectables théoriquement éviter la nifédipine (Adalate®) par voie sublinguale, en rai-
utilisables sont : son du risque d'hypotension artérielle brutale préjudiciable
– la clonidine (Catrapressan®) : c'est un hypotenseur au fœtus et d'un arrêt des contractions utérines ; le recours
d'action centrale, bradycardisant. Son principal incon- aux anticalciques ne paraît pas logique en raison de son effet
vénient est l'existence d'un phénomène de rebond si le tocolytique.
traitement est interrompu brutalement. Par voie intra- L'analgésie péridurale n'est pas un traitement de la pous-
veineuse, l'effet est rapide, en deux minutes. Un effet sée hypertensive mais aidera à bien contrôler la situation
maximal s'observe à 30 minutes et l'hypotension se ensuite.
maintient pendant quatre à six heures. Ce médicament Si la poussée hypertensive survient en fin de travail, une
a peu d'effets secondaires mais son efficacité n'est pas assistance à l'expulsion peut être faite sous bloc honteux ou
constante : une bonne efficacité ne s'observe que dans sous anesthésie générale si une péridurale n'est pas en place.
85 % des cas. Il est actuellement très peu employé.
– l'Urapidil (Eupressyl®) n'est guère utilisé car un pro-
tocole d'utilisation n'est pas parfaitement établi et on Prise en charge du nouveau-né
manque singulièrement de recul ; Elle suppose la présence du pédiatre sur place.
■ le sulfate de magnésie a une action hypotensive, et transi- Il faut :
toire, insuffisante dans les HTA sévères [3]. L'association ■ lutter contre l'hypothermie par le maintien de la chaîne
à des inhibiteurs calciques n'est plus formellement de chaud (sac, couverture de survie) ;
contre-indiquée mais il y a un risque de potentialisation ■ ventiler l'enfant avec un insufflateur à pression contrôlée ;
sur les effets antihypertenseurs. Si la patiente était sous ■ surveiller la glycémie capillaire de façon rapprochée.
anticalciques et si l'on donne du SMg, on peut diminuer Le transfert en néonatologie sera fonction du poids et de
la posologie des anticalciques ; si la patiente est sous SMg l'adaptation à la vie extra-utérine.
et si l'on veut donner un anticalcique, il est prudent de
commencer par une dose faible, pour tester la réponse. Ce
cas se pose moins ici qu'au cours de la grossesse, puisque Surveillance après l'accouchement
l'on essaie de ne pas utiliser les inhibiteurs calciques au
cours du travail en raison de leur effet tocolytique. Suites immédiates
Finalement, le choix de l'antihypertenseur dépend des La surveillance doit être très attentive, surtout dans les
habitudes personnelles et des services. Chaque service doit 48 heures suivant l'accouchement. Il faut comptabiliser les
disposer d'un protocole écrit, et adopté par toute l'équipe. entrées et les sorties, surveiller les réflexes à la levée de la
Si la patiente est transférée et est déjà en traitement, il vaut péridurale. Il faut être très vigilant si une débâcle urinaire
mieux essayer de poursuivre le traitement déjà entrepris, ne survient pas, ne pas hésiter à faire un bilan électroly-
mais le relais pourra être pris avec du Trandate® si un accou- tique quotidien et à discuter la prescription de furosémide
chement par les voies naturelles est envisagé. (Lasilix®). La survenue d'un HELLP syndrome est possible
S'il y a une hyperréflexie, ou des troubles visuels ou si la dans les suites immédiates de l'accouchement.
TA est très instable, il faut associer le sulfate de magnésie Le risque de poussée hypertensive et de convulsions
pour prévenir une crise d'éclampsie. Ce produit, au début persiste au moins dans les 48 premières heures. Le risque
de son emploi, dans les dix à 15 premières minutes, peut théorique d'éclampsie existe pendant plusieurs jours. Il faut
favoriser la baisse tensionnelle modérée. Il n'a pas ensuite continuer de surveiller les réflexes ostéotendineux en rai-
d'effet notable sur la tension. Si une anesthésie générale est son du risque de convulsion et ausculter périodiquement
nécessaire, il impose des précautions en raison de la poten- les poumons en raison du risque d'œdème pulmonaire. Il
tialisation des curares.(11) ne faut pas interrompre le traitement antihypertenseur ni
le sulfate de magnésie dans les 24 premières heures en cas
d'HTA sévère et instable. Le traitement pourra ensuite être
Remplissage
relayé per os.
L'indication du remplissage est discutée au cas par cas. Le rem-
plissage ne doit être entrepris qu'après mise en route du traite-
ment hypotenseur et réception des résultats du premier bilan. L'avenir
Il ne faudra pas laisser sortir la patiente sans avoir envisagé la
surveillance régulière de la tension artérielle avec le médecin
Chez une patiente présentant une traitant et les modalités de la contraception : de préférence
poussée hypertensive au cours du travail stérilet ou progestatifs. Les œstroprogestatifs ne pourront
La poussée hypertensive est difficile à définir. Certains fixent être prescrits qu'avec prudence si la tension s'est normalisée
les chiffres tensionnels à 180-110 mmHg. Par définition, il et seulement après, s'il s'agissait d'une forme sévère.
262   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

En effet, après une prééclampsie sévère avec un doute Références


sur une néphropathie sous-jacente, un bilan néphrolo-
[1] Berkane N. Définitions et conséquences des hypertensions arté-
gique (consultation spécialisée) est à prévoir après le retour rielles de la grossesse. In : Pottecher T, Luton D, editors. Prise en
de couche et avant une nouvelle grossesse. On étudiera charge multidisciplinaire de la prééclampsie. Paris : Elsevier-
la morphologie rénale (échographie) et la coagulation, Masson ; 2009. p. 1–10.
notamment à la recherche d'un état thrombophilique, [2] CNGOF. Retard de croissance intra-utérin : recommandations pour
congénital (déficit en antithrombine, en protéine C, en pro- la pratique clinique. Texte court. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2013 ;
téine S, mutation sur le facteur II, le facteur V, recherche 42 : 1018–25.
d'une hyper-homo-cystéinémie) ou acquis (syndrome des [3] Dreyfus M, Beucher G. Les antihypertenseurs actuels dans le trai-
anticardiolipines). tement de la prééclampsie. In : Médecine Périnatale ; 36e Journées
Si la patiente souhaite une nouvelle grossesse, on l'infor- nationales de la SFMP. Paris : Arnette ; 2006. p. 35–53.
[4] Ego A, Prunet C, Lebreton E, et al. Courbes de croissance in utéro
mera du risque de récidive (particulièrement important –
ajustées et non ajustées adaptées à la population française. I.
de l'ordre de 50 % – dans les formes sévères et précoces) et Méthode de construction. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2016 ;
de la nécessité de consulter un obstétricien en tout début de 45(2) : 155–64.
grossesse. [5] Fournié A, Kessler S, Biquard F, et al. Hypotrophie, retard de
Avant la prochaine grossesse, il est recommandé : croissance intra-utérin, souffrance fœtale chronique. EMC. 2004
■ d'encourager les femmes à avoir un objectif d'IMC pré- 5-076-E-10.
conceptionel inférieur à 30 kg/m2 et supérieur à 18 kg/ [6] Goffinet F. Épidémiologie. In : Pottecher T, Luton D, editors. Prise en
m2 ; charge multidisciplinaire de la prééclampsie. Paris : Elsevier-Masson ;
■ d'arrêter le tabac, le cannabis ; 2009. p. 11–21.
■ en cas de diabète prégestationnel, de maintenir les objec- [7] Haddad B, Deis S, Goffinet F, et al. Maternal and perinatal outcomes
during expectant management of 239 severe preeclamptic xomen betxeen
tifs glycémiques en évitant les hypoglycémies ;
24 and 33 weeks'gestation. Am J Obstet Gynecol 2004 ; 190 : 1590–7.
■ en cas d'hypertension artérielle chronique, de maintenir [8] Hurd WW, Miodovnik M, Hertzberg V, et al. Selective management
des pressions artérielles entre 90 et 110 mmHg de pres- of abruption placentae : a prospective study. Obstet Gynecol 1983 ;
sion diastolique, et entre 40 et 160 mmHg de pression 61 : 467–73.
systolique, ce qui impose parfois l'arrêt du traitement [9] Martin JN, May W, Magann E. Early risk assessment of severe : admis-
hypertensif au cours de la grossesse ; sion battery of symptoms and laboratory tests to predict like hood
■ en cas d'antécédent de prééclampsie avant 34 SA et/ou de of subsequent significant maternal morbidity. Am J Obstet Gynecol
RCIU inférieur au cinquième percentile, de prescrire de 1999 ; 180 : 1407–14.
l'aspirine 100 à 160 mg/j au moins huit heures après le [10] Sibai B, Dekker G, Kupferminc M. Pre-eclampsia. Lancet 2005 ; 365 :
réveil avant 16 SA. 785–99.
[11] Wiltin A, Sibaï B. Magnesium sulfate therapy in preclampsia and
Il n'y pas d'arguments pour recommander la prise d'aspi-
eclampsia. Review Obstet Gynecol 1998 ; 92 : 883–9.
rine en cas d'hypertension artérielle chronique, de diabète [12] Wiltin AG, Saade GR, Mattar F, et al. Riks factors for abruptio pla-
prégestationnel, de lupus, de néphropathies chroniques de centae and eclampsia : analysis of 445 consecutively managed women
drépanocytose. with severe preeclampsia and eclampsia. Am J Obstet Gynecol 1999 ;
Il n'y a pas non plus d'arguments pour recommander le 180 : 1322–9.
repos dans la prévention des RCIU.
Chapitre
22
Des convulsions en cours
de travail : conduite à tenir
C. Monrigal, J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
Crise d'éclampsie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
Autres causes de convulsions . . . . . . . . . . . . . . 264

Signes annonciateurs
OBJECTIFS Ils sont classiquement résumés par l'aggravation des signes
L'interne ou la sage-femme doivent être capables de : de la prééclampsie. Mais les chiffres tensionnels ne sont pas
• faire le diagnostic clinique d'une crise d'éclampsie ; obligatoirement très élevés. La patiente peut n'avoir que des
• mettre en route et surveiller les thérapeutiques les plus œdèmes très discrets. Il existe en effet des formes « sèches »
appropriées à l'état maternel et fœtal ; d'éclampsie, qui ne sont pas les plus faciles à traiter.
• surveiller les suites de couches et mettre en route le bilan Globalement, l'hypertension est relative dans 20 % des cas,
d'une femme qui a eu une crise d'éclampsie la protéinurie est absente dans 19 % des cas et les œdèmes
manquent dans 32 % des cas [6].
Lors du travail, l'éclampsie peut survenir si la patiente
La survenue de convulsions en cours d'accouchement est est mal équilibrée : doses insuffisances d'antihypertenseurs,
en général due à une crise d'éclampsie, c'est-à-dire à la non prescription de sulfate de magnésium alors que cela
complication d'une prééclampsie. La survenue d'une crise aurait été nécessaire, notamment à l'occasion de céphalées,
d'éclampsie en cours de travail est actuellement très rare, de troubles visuels et de douleurs épigastriques.
grâce à une prise en charge correcte de la fin de la grossesse La réalisation d'une anesthésie locorégionale a participé
et du début du travail. à la diminution de l'incidence de l'éclampsie du travail, en
Devant une crise d'éclampsie survenant en cours d'ac- favorisant un bon contrôle de l'état maternel, mais elle ne
couchement, il faut dans l'immédiat contrôler la situation doit pas contribuer à relâcher la surveillance d'une patiente
maternelle, ce qui est en général simple, sans négliger l'en- présentant une prééclampsie et en travail.
fant. Dans un second temps, il faut faire accoucher rapide-
ment la femme puis organiser la surveillance des suites de Description
l'accouchement, le dépistage et le traitement des éventuelles C'est une crise comitiale tonicoclonique généralisée surve-
complications de la crise. nant chez une patiente présentant une prééclampsie, et due
La prise en charge d'une patiente éclamptique est un tra- à celle-ci. Le diagnostic est évoqué devant le contexte : il
vail d'équipe. Des protocoles définissant le rôle de chacun, s'agit d'une femme enceinte hypertendue et en général pro-
les modalités de surveillance et de traitement doivent avoir téinurique. Cela étant, la crise d'éclampsie évolue comme
été adoptés par toute l'équipe. une crise d'épilepsie en quatre phases.
La période d'invasion ne dure pas plus de 30 secondes.
Elle est caractérisée par l'apparition de petites secousses
Crise d'éclampsie fibrillaires localisées à la face : le front se plisse, les paupières
L'incidence de l'éclampsie est d'environ 1/1 000 grossesse en battent, les globes oculaires roulent en tous sens, les ailes du
France [1] de 1/2 000 grossesses au Royaume-Uni et 1/3 250 nez s'agitent ; à travers la bouche ouverte, la langue est ani-
grossesses aux États-Unis. Parmi elles, 20 à 30 % des éclamp- mée de mouvements de va-et-vient. La tête oscille, secouée
sies surviennent au cours du travail. par des petits mouvements de négation ; elle s'incline fina-
En France, les éclampsies sont encore la cause de 5 % des lement sur une épaule, le visage tourné du côté opposé.
décès maternels dont un sur deux sont évitables [7]. Rapidement les secousses fibrillaires atteignent le cou et les
Pratique de l'accouchement
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264   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

membres supérieurs dont les avant-bras se mettent en pro- ■ démarrer le protocole de sulfate de magnésium pour
nation forcée, les mains et les doigts étant hyperfléchis. arrêter les convulsions : 4 g de sulfate de magnésium en
La période tonique se caractérise par une hypertonie intraveineuse directe en cinq minutes ;
portant sur tout le corps : la tête est renversée en arrière, ■ poser une sonde vésicale à demeure ;
en rotation externe, la face est absolument figée : les yeux ■ mettre en place le monitoring obstétrical et maternel :
regardent en haut et en dehors ; la mâchoire serrée expose – sur le plan utérin, on peut observer une hypercinésie et
aux morsures de la langue, le tronc est cambré en opistho- une hypertonie, transitoires, pendant cinq à dix minutes ;
tonos, les membres supérieurs sont en flexion, les inférieurs – sur le plan fœtal, des troubles du rythme cardiaque
en extension, l'hypertonie atteint les muscles respiratoires : (aplatissement, décélérations) sont également pos-
la respiration est suspendue ; le larynx est fermé ; le faciès sibles, transitoires également ;
devient asphyxique. Cette phase est de courte durée (20 à ■ organiser une césarienne en urgence du fait des anoma-
30 secondes). lies des troubles du RCF . Il est rare qu'un accouchement
La période clonique débute par une inspiration et une puisse se faire par voie basse : femme en fin de travail,
expiration bruyantes et forcées auxquelles succèdent les stable sous sulfate de magnésium et RCF satisfaisant ou
convulsions. Celles-ci intéressent surtout la moitié supé- enfant décédé.
rieure du corps. La tête est rejetée rythmiquement en arrière
et sur le côté, les épaules en arrière et en avant ; la face
grimace ; les yeux sont animés d'un pseudonystagmus ; la
Évolution
bouche présente de vives contractions avec risque de mor- En l'absence d'un traitement approprié, les crises vont se
sure de la langue. Les membres supérieurs paraissent battre répéter, réalisant un état de mal éclamptique. C'est surtout
le rappel. La respiration est bruyante et saccadée. Souvent, dans ce contexte que peuvent survenir un accident vascu-
le tronc et les membres inférieurs restent immobiles ; laire cérébral, un œdème aigu pulmonaire, une insuffisance
la gestante n'a pas tendance à tomber du lit ou à uriner. rénale aiguë, un arrêt cardiorespiratoire, une inhalation du
Cette période peut durer plus d'une minute. contenu gastrique, etc.
À la période comateuse tous les degrés de profondeur du L'éclampsie peut aussi se compliquer d'un hématome
coma peuvent s'observer. L'examen pratiqué à ce stade révèle rétroplacentaire ou être associée à un Hellp syndrome ; les
une résolution musculaire complète. Le faciès est congestif ; signes doivent en être recherchés systématiquement (voir
la respiration est régulière mais stertoreuse, les pupilles sont chapitre 21).
en mydriase. On ne trouve aucun signe en foyer, l'aréflexie
est complète. La température centrale peut être élevée. Les
lésions du fond d'œil sont celles de la prééclampsie. Autres causes de convulsions
S'il existe un doute diagnostique, l'absence d'anomalies Toute crise convulsive au cours de la grossesse et de l'accou-
neurologiques latéralisées, l'étude des circonstances de sur- chement n'est pas une éclampsie, et de nombreuses autres
venue et des signes précédents la crise (céphalées, troubles causes de convulsions peuvent théoriquement s'obser-
visuels) peuvent aider à reconnaître l'éclampsie. La vivacité ver au cours du travail, éventuellement associées à une
des réflexes après la crise, élément diagnostique classique, hypertension.
est supprimée par un traitement adéquat au sulfate de
magnésium.
Notons que la survenue d'une éclampsie est possible sous Causes neurologiques
inhibiteurs calciques, et des convulsions survenant sous ce Épilepsie
traitement ne doivent pas écarter le diagnostic d'éclampsie. En général, la maladie est connue ; il n'y a pas de signes
En effet, la crise peut être due à une diminution de la per- d'accompagnement ; on peut retrouver des circonstances
fusion cérébrale, avec vasospasme majeur (dans ce cas les favorisantes. L'examen du dossier renseigne sur l'absence
anticalciques peuvent être préventifs), comme à une aug- de signes vasculaires, cliniques et biologiques, d'anomalies
mentation de cette perfusion (encéphalopathie hyperten- des Doppler, d'anomalie de la croissance fœtale conduisent
sive) ; le SMg est toujours le traitement de choix [2]. à temporiser et à réaliser dans le post-partum un scanner ou
une IRM cérébrale.
Conduite immédiate à tenir
Lors de la crise, il faut : Hémorragie intracérébrale et accidents
■ éviter une chute ou une blessure maternelle et une mor- ischémiques
sure de la langue (canule de Mayo ou de Guedel) ; L'hémorragie intracérébrale se traduit par la survenue bru-
■ prévenir les risques d'inhalation (mise en décubitus laté- tale d'une céphalée atroce et d'une perte de conscience ; elle
ral gauche dès la phase comateuse). Aspirer les secrétions peut être due à un anévrisme artériel ou artérioveineux ;
au niveau de la bouche et du nez ; elle complique parfois une maladie artérielle. Dans le cas
■ dès que possible, hyperoxygéner la femme (6 l/min) ; d'accidents ischémiques et hémorragiques, il peut exister
■ mettre en place un oxymètre, et contrôler le pH et les des signes de localisation après la crise. Le diagnostic, en
gaz du sang (cela est possible si l'on dispose d'un appa- général, est évoqué plus tard, mais il ne faut pas qu'il soit
reil destiné à étudier l'équilibre acidobasique fœtal par porté trop tard. Si l'on a fait l'accouchement sous anesthé-
microméthode) ; sie générale, la découverte d'une anomalie neurologique au
■ poser une voie veineuse avec un Ringer Lactate® ; moment du réveil doit faire évoquer le diagnostic.
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir    265

Thrombose veineuse cérébrale L'embolie gazeuse


Elle n'est pas à discuter ici, car elle survient dans le Elle peut exceptionnellement survenir dans les manœuvres
post-partum. de délivrance artificielle-révision utérine.
Toutes ces causes sont rarissimes. Un avis neurologique
Hystérie spécialisé et la réalisation d'examens d'imagerie cérébrale
Il est facile d'en faire le diagnostic. sont demandés après l'accouchement au moindre doute.

Causes toxiques Conduite à tenir (figure 22.1)


Intoxication à la cocaïne ou à l'ecstasy Surveillance maternelle et fœtale
La cocaïne entraîne une HTA paroxystique et peut entraîner Une fois la crise survenue, il faut renforcer la surveillance
des convulsions. maternelle et fœtale du travail, traiter et alerter l'équipe
pédiatrique.
Intoxication par l'eau
Aucun cas de convulsions dues à cette intoxication n'a été Surveillance maternelle
rapporté lors de l'accouchement. Elle peut survenir chez une La tension, le pouls, le rythme respiratoire doivent être pris
prééclamptique à la suite d'abus de perfusions de glucosé toutes les cinq minutes, puis toutes les 15 minutes dès que
réalisées sans contrôler la diurèse ou d'une patiente en res- l'état maternel s'est stabilisé. Le pouls doit rester bien frappé.
triction hydrique volontaire et en régime désodé sévère. Il Un pouls filant, associé à une tachycardie, surtout si la diu-
existe souvent des troubles digestifs associés. Ce diagnostic rèse est faible, doit faire craindre la survenue d'une insuffi-
est confirmé par une natrémie inférieure à 120 mmol/l. sance cardiaque.
La diurèse horaire doit être contrôlée par mise en place
Accident des anesthésiques locaux d'une sonde vésicale. Elle doit être supérieure à 50 ml/h. Le
Ils peuvent être dus à des doses excessives, à un passage rythme respiratoire doit être supérieur à 14 mouvements/
intraveineux, à un taux d'absorption plus rapide ou de min (voir supra).
détoxication plus lente. Sur le plan thérapeutique, il faut La mise en place d'une PVC (pression veineuse centrale)
oxygéner, curariser, intuber éventuellement après injection est actuellement très contestée. Elle est à réserver aux formes
de barbituriques d'action rapide. Ce traitement est compa- compliquées d'œdème pulmonaire aigu ou d'insuffisance
tible avec celui de la crise d'éclampsie. rénale aiguë rebelle à la thérapeutique symptomatique, donc
Sur le plan obstétrical, des signes de souffrance, en géné- une fois l'accouchement passé. Elle doit être faite par une
ral transitoires, accompagnent l'accident : une récupération personne parfaitement entraînée, car elle ne doit pas créer
fœtale est habituelle. un point d'appel à une hémorragie par fausse route, si une
CIVD apparaît.
Causes vasculaires et immunologiques
Surveillance obstétricale
Phéochromocytome
Elle doit être clinique dès la survenue de la crise. On aus-
On retrouve parfois à l'interrogatoire des antécédents culte et on enregistre le rythme cardiaque fœtal, on précise
d'accès hypertensifs paroxystiques, brutaux et transitoires. la présentation, la dilatation. Ces éléments aideront à pré-
Ils peuvent être associés à des palpitations, à des céphalées voir l'horaire de l'accouchement. La surveillance de l'équi-
pulsatiles, à une congestion nasale et à des sueurs. Le trai- libre acidobasique fœtal, parallèlement à celui de la mère, est
tement, au moins dans l'urgence, est comparable à celui de particulièrement souhaitable ; les troubles de la coagulation
l'éclampsie. maternelle n'en sont pas une contre-indication, car ils ne
sont pas transmis à l'enfant. L'étude du pH fœtal n'est pas
Purpura thrombotique thrombocytopénique, une urgence ; elle doit en revanche être réalisée 15 minutes
vascularites et syndromedes antiphospholipides par exemple après la crise, après une bonne oxygénation
Le purpura thrombotique thrombocytopénique associe à maternelle.
l'hypertension un purpura thrombocytopénique avec test La survenue d'une crise d'éclampsie n'est théoriquement
de Coombs négatif, une anémie hémolytique (haptoglobine pas en soi une indication à réaliser une césarienne. Elle sera
effondrée, LDH très élevées) et de la fièvre. cependant très fréquemment réalisée en raison de l'état de la
On peut dans le contexte de ces pathologies, rencontrer mère après la crise et ou des anomalies du RCF.
une leucoencéphalopathie réversible postérieure, compa-
rable à celle que l'on observe dans les éclampsies. Transfert
Si l'on est dans un établissement de niveau I, il faudra en
Embolie amniotique général assurer l'accouchement sur place, mais prévoir rapi-
Elle est tout à fait exceptionnelle. Elle associe aux convul- dement après l'accouchement le transfert vers un centre
sions un collapsus et une insuffisance respiratoire aiguë, pourvu d'une réanimation maternelle et néonatale en fonc-
avec coagulation intravasculaire disséminée d'installation tion du terme (niveaux II et III). Les protocoles de soins
rapide. doivent être communs aux établissements du réseau, et les
266   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fig. 22.1. Conduite à tenir chez une femme enceinte qui fait une crise d'éclampsie.

protocoles de transfert doivent avoir été définis et adoptés la voie intraveineuse expose théoriquement à un risque de
au sein du réseau de soins périnatals. surdosage. Actuellement, le sulfate de magnésium est admi-
nistré à la seringue électrique. On administre 4 ou 6 g en
Traitement médical dose de charge, en 20 mm, puis 1 g/h (recommandations
Il doit associer un traitement anticonvulsivant, un traitement françaises) ou 2 g/h (recommandations américaines).
antihypertenseur et une réanimation hydroélectrolytique. En l'absence de pousse-seringue électrique, une perfu-
sion est réalisable : on met 40 g dans 1 litre de sérum glu-
cosé à 5 % et on administre dans les 20 premières minutes
Traitement anticonvulsivant
100 ml : soient 4 g, puis 25 à 50 ml/h.
Il va permettre la suppression des crises. Si la crise survient La surveillance des réflexes rotuliens est effectuée toutes
au cours du travail, plusieurs produits ont été proposés. les 30 minutes ; le rythme respiratoire est surveillé au début
du traitement très régulièrement, toutes les 15 minutes ; il
Sulfate de magnésium (SMg) doit rester supérieur à 14 mouvements/min. On met en
C'est l'anticonvulsivant de choix. place une diurèse horaire. Les risques de surdosage sont
résumés dans le tableau 22.1. On doit disposer, à portée de
Administration main, de gluconate de calcium (1 g), qui est l'antidote.
Il est administré de préférence par voie intraveineuse. La Le contrôle de la magnésémie n'est pas nécessaire, avec
voie intramusculaire est abandonnée car douloureuse, mais les doses citées et au moins dans les 24 premières heures
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir    267

Tableau 22.1. Toxicité du magnésium [6]. Le relais sera pris par le sulfate de magnésium ; l'important
est, comme dans de nombreuses autres urgences, de s'en
Manifestations
tenir à un seul protocole, sans chercher à trop le modifier au
Disparition du réflexe rotulien 8–12 mg/dl gré de « l'inspiration du moment ».
Rash vasomoteur, sensation de 9–12 mg/dl
chaleur Traitement antihypertenseur
Somnolence 10–12 mg/dl Nous renvoyons le lecteur au chapitre 21. La grande variabi-
Paroles non articulées 10–12 mg/dl lité tensionnelle impose une grande surveillance. Le labéta-
lol (Trandate®) est l'antihypertenseur de choix.
Paralysie musculaire 15–17 mg/dl
Dépression respiratoire 15–17 mg/dll Réanimation hydroélectrolytique
Arrêt cardiaque 30–35 mg/dl L'apport hydrique doit être limité mais l'hypovolé-
1 mEq/l = 1,2 mg/dl = 0,5 mmol/l. mie doit être corrigée sans excès. On peut proposer un
programme de perfusions apportant 1 000 ml maxi-
mum/24 heures de sérum glucosé à 5 %, adapté à la
du traitement, sauf insuffisance rénale associée ou oligurie diurèse, ou, mieux, du Ringer Lactate ® , pour corriger
(moins de 30 ml d'urine/h). Le taux de magnésium doit être partiellement l'acidose.
compris entre 6 et 8 mg/l. Si l'hypovolémie est sévère, ou si la patiente est choquée,
se posera le problème de l'indication des perfusions d'ami-
Quatre actions du sulfate de magnésium dons (Voluven®) pour augmenter la volémie.
Il a un effet tocolytique léger pour les doses préconisées qui
n'empêche pas la poursuite de l'accouchement.
Il améliore le débit de l'artère utérine ; il traverse la bar-
Conduite obstétricale
rière placentaire mais des signes d'hypermagnésémie ne L'évacuation de l'utérus améliore l'état maternel. Le fœtus
s'observeront chez le nouveau-né qu'après une administra- in utero est en danger. En général, il n'y a pas d'indication
tion particulièrement prolongée. à réaliser une césarienne en extrême urgence, sauf HRP
Il a un effet très discret sur la coagulation. associé [6], mais l'état maternel et fœtal doit être stable. Le
Il a un léger effet antihypertenseur (voir chapitre 21). traitement médical ayant été installé pour contrôler l'état
Le sulfate de magnésium est actuellement admis par tous maternel, il faut apprécier l'état de l'enfant par le monitorage,
comme le traitement de choix. Il peut cependant rendre et voir si le travail est en cours ou non et à quel stade. On
difficile la gestion de la curarisation lors d'une anesthésie définira une conduite obstétricale à tenir avec les pédiatres
générale. et les anesthésistes. Les troubles du RCF qui accompagnent
D'autres produits ont été proposés. Les plus utilisés la crise sont transitoires et, dans l'idéal, il faudrait faire
étaient le diazepam (Valium®), clonazépam (Rivotril®) ou la un pH au scalp 15 à 20 minutes après la crise, la patiente
phénitoine. Ils sont abandonnés depuis l'étude MagPie. ayant été transportée éventuellement au bloc opératoire. On
tentera un accouchement par voie basse si le travail est en
Barbituriques phase active, la femme stabilisée est sous traitement préven-
tif, le RCF normal. Dans les autres cas, une césarienne est
Ils occupent encore une place pour certains auteurs dans
conseillée.
l'urgence convulsive. Ils sont surtout employés lorsqu'une
anesthésie est nécessaire.
Travail est en cours
En pratique C'est le plus souvent le cas. S'il y a une souffrance fœtale,
Le sulfate de magnésium est le médicament de choix. on peut avoir recours, selon l'état de la dilatation, soit à une
Une large étude multicentrique (le Magpie Trial) compa- césarienne, soit à une anesthésie générale. En l'absence de
rant le diazépam (Valium®) et la phénitoine au SMg a montré souffrance fœtale, il vaut mieux dans ce contexte pratiquer
la supériorité de ce dernier dans la prévention des récidives. une assistance instrumentale à l'expulsion si l'enfant est
Un avantage décisif du sulfate de magnésium est l'absence engagé.
d'effets fœtaux, voire même une possible action dans la pré- Dans tous les cas, que l'accouchement se fasse par voie
vention des accidents hémorragiques chez le nouveau-né. basse ou par césarienne, il faut compenser très exactement
Les autres produits, moins efficaces dans la prévention de les pertes sanguines.
la récidive de la crise, sont par ailleurs dépresseurs pour le Un hématome rétroplacentaire, associé à l'éclampsie, est
fœtus et leur effet dépresseur va s'associer à l'effet dépres- toujours possible. Il va dominer le tableau clinique, et impo-
seur d'une éventuelle anesthésie générale. ser une naissance très rapide.
La récidive de la crise sous traitement est tout à fait rare
quand la crise survient au cours du travail ; si une récidive Patiente en tout début de travail
survient, on peut refaire un bolus de 2 à 4 g en cinq minutes. La conduite obstétricale à tenir dépend de l'état du fœtus, de
Si la crise survient en en fin de travail à dilatation com- l'âge gestationnel et des conditions obstétricales.
plète, l'anesthésie générale reste un bon traitement car Si le fœtus est vivant, il faut s'assurer par un monitorage
elle contrôle les convulsions et permet d'extraire le fœtus. d'au moins 40 minutes, renouvelé toutes les deux heures,
268   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

qu'il ne présente pas de signe de souffrance. On équilibre la Une hémolyse peut s'observer avec l'apparition plus au
situation maternelle, on évalue les conditions locales. moins complète d'un Hellp syndrome. Elle pose le problème
En l'absence de souffrance fœtale : d'un traitement par les corticoïdes. Elle doit faire éliminer
■ si les conditions locales sont bonnes et l'âge gestationnel un purpura thrombotique thrombocytopénique.
supérieur à 34 semaines, on peut déclencher le travail Un œdème aigu du poumon est exceptionnel en l'absence
sous monitorage. Ce déclenchement n'est possible que de surcharge par des perfusions mal contrôlées. Sa survenue
par la technique Syntocinon®-rupture des membranes. est grave, il faut prescrire des diurétiques. La défaillance car-
Dans ce contexte, l'emploi des prostaglandines nous diaque aurait pu, en général, être dépistée par la surveillance
paraît trop aléatoire ; correcte du pouls et de l'auscultation cardiaque.
■ si les conditions locales sont mauvaises et l'âge entre 32 et Les troubles visuels sont rares, ils sont en général tran-
34 semaines, il faut césariser ; sitoires. Ils peuvent être dus aux lésions occipitales, réver-
■ si l'âge est inférieur à 32 semaines, si l'état maternel sibles, plus rarement à un décollement de la rétine, ou à un
s'améliore vite, et si la patiente n'est pas franchement en spasme des artères rétiniennes [3].
travail, si l'état fœtal est bon, on peut tenter un traitement La rupture du foie est un accident exceptionnel qui peut
conservateur, au moins de 48 heures pour assurer la cor- survenir dans un contexte de Hellp syndrome compliqué de
ticothérapie de maturation fœtale. Ce traitement ne se CIVD. Elle se traduit par un collapsus brutal, précédé par des
conçoit que comme une expectative « armée ». Le sulfate douleurs hypogastriques très importantes. Toute expression
de magnésium est tocolytique et pourrait traiter un faux abdominale pour aider l'expulsion est contre-indiquée, tout
travail. spécialement dans le contexte d'une pathologie vasculaire.
S'il y a une souffrance fœtale, l'extraction par césarienne Un accident vasculaire cérébral peut survenir. La persis-
paraît raisonnable dès 28–30 semaines. tance de troubles neurologiques : états comateux, signes de
Si le fœtus est mort, on peut déclencher l'accouchement, localisation dans les suites de l'accouchement doivent faire
avec les moyens habituels (voir chapitre 17). Il est excep- craindre un accident vasculaire cérébral, occasionné ou
tionnel que l'aggravation de l'état de la mère (répétition des favorisé par une poussée hypertensive.
crises, apparition d'une CIVD ou d'un Hellp syndrome dif- En pratique, après avoir traité et accouché la patiente,
ficile à contrôler, etc.) impose ici une césarienne sur enfant c'est dans le post-partum immédiat que l'on va, si néces-
mort. saire, demander un avis neurologique et des examens com-
plémentaires, notamment d'imagerie (IRM) qui aideront au
diagnostic.
Surveillance après l'accouchement Dans l'éclampsie, les images sont celles d'un syndrome
Suites immédiates d'encéphalopathie réversible postérieure (RPLS ou reversible
Dans les suites de l'accouchement, un transfert en service de posterior leukoencephalopathy syndrome, ou RPES, rever-
réanimation ne s'impose pas dans la grande majorité des cas ; sible posterior encephalopathy syndrome) : en T2 et surtout
la surveillance de la tension artérielle, du pouls, des réflexes en séquence FLAIR, on observe des hypersignaux de loca-
ostéotendineux, du rythme respiratoire et de la diurèse doit lisation corticale et sous-corticale, dans les régions surtout
se poursuivre pendant 12 heures au bloc obstétrical, puis occipitales, plus rarement frontopariétale [3]. Ce syndrome
pendant 48 heures dans les suites de couches. Le traitement s'observe dans plusieurs pathologies caractérisées par une
anticonvulsivant doit être poursuivi au moins pendant dysfonction endothéliale majeure.
24 heures. Il est arrêté lorsque la diurèse est parfaitement
établie, la tension est stable depuis plusieurs heures et quand Bilan après l'accouchement
les signes d'excitabilité neuromusculaire ont régressé. La surveillance de la pression artérielle par le médecin trai-
Le traitement antihypertenseur doit être poursuivi, tant guidera la diminution puis l'arrêt des antihypertenseurs.
adapté aux variations tensionnelles. L'allaitement maternel Comme après une prééclampsie sévère, un bilan néphro-
n'est pas contre-indiqué chez les patientes sous inhibiteurs logique est à prévoir après le retour de couches et, avant une
calciques. En ce qui concerne le labétalol, les posologies nouvelle grossesse, il sera souhaitable d'étudier la morpho-
moyennes sont possibles, à condition d'avertir les pédiatres. logie rénale (échographie) et la coagulation, notamment à la
Si la patiente n'allaite pas, on peut avoir recours aux inhi- recherche d'un état thrombophilique, congénital (et en pro-
biteurs de l'enzyme de conversion ou aux antagonistes des téine S, mutation sur le facteur II, ou le facteur V, recherche
récepteurs de l'angiotensine II. d'une hyperhomocystéïnémie) ou acquis (syndrome des
anticardiolipines).
Dépistage des complications Enfin, on envisagera une contraception de préférence
L'insuffisance rénale peut se traduire par une oligoanurie par les progestatifs ou le stérilet. Les œstroprogestatifs ne
persistante ou par une insuffisance rénale à diurèse conser- peuvent être prescrits qu'une fois ce bilan réalisé et unique-
vée. La surveillance de la diurèse, l'étude des électrolytes ment si la tension s'est normalisée. Il n'y a pas de contre-
au décours de l'accouchement aideront au diagnostic. Elle indication à une nouvelle grossesse ; il faudra cependant la
survient surtout lorsque l'éclampsie complique une néphro- surveiller très attentivement car il y a un risque de récidive
pathie chronique. de la prééclampsie.
Chapitre 22. Des convulsions en cours de travail : conduite à tenir    269

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Chapitre
23
Hémorragie en début
de travail : conduite à tenir
E. Verspyck

PLAN DU CHAPITRE
Conduite à tenir à l'entrée en salle de naissance . . . 271 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279
Conduite à tenir en fonction de l’étiologie . . . . 272

de phénomènes douloureux associés et la perception des


OBJECTIFS mouvements actifs du fœtus.
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : La vérification des échographies obstétricales de dépis-
• d’énumérer les causes d'hémorragie génitale en début de tage et du terme est importante.
travail ; L’examen général permet l'appréciation de la pâleur cuta-
• de décrire les éléments diagnostiques cliniques et néomuqueuse, de douleurs associées, la prise de la tension
paracliniques de chaque cause ; artérielle et du pouls, et la recherche d’œdèmes.
• de mettre en route et de surveiller le traitement le plus L’examen obstétrical permet la mesure de la hauteur uté-
approprié à chaque étiologie. rine, la palpation de l'utérus et l'appréciation de la tonicité
du muscle utérin, le diagnostic de présentation et l'ausculta-
tion des bruits du cœur.
L'examen au spéculum apprécie l’état du col utérin (cer-
vicite, polype, voire cancer du col) et précise l'origine intra-
Devant une hémorragie génitale au début du travail, deux utérine de l'hémorragie et son importance.
étiologies sont à rechercher en priorité, en raison de leur
gravité : le placenta praevia et l’hématome rétroplacentaire.
Gestes immédiats à faire
Avant de rechercher l’étiologie, certains gestes doivent être
Conduite à tenir à l'entrée en salle faits en urgence.
de naissance La mise en place d'une voie d'abord veineuse sûre et effi-
La démarche est triple, il faut : cace. Elle est installée pour permettre :
■ apprécier la gravité de l'hémorragie et son retentissement ■ un bilan biologique comportant une numération formule
sur la mère et le fœtus ; sanguine avec hématocrite, une étude de l'hémostase
■ rechercher la cause de l'hémorragie ; (TP, TCA, plaquettes, fibrinogène, PDF, D-dimères), du
■ mettre en œuvre une réanimation efficace. groupe sanguin avec phénotype si la patiente n'a pas eu
Ces trois étapes reposent sur un examen clinique soi- deux déterminations, la recherche d'anticorps irrégu-
gneux et quelques examens complémentaires simples. liers antiérythrocytaires, un ionogramme sanguin et une
créatininémie ;
■ la mise en place d'une perfusion veineuse pour garder la
Examen clinique veine et injecter des solutés de remplissage (cristalloïdes
L’interrogatoire précise les antécédents (utérus cicatriciel, pré- ou hydroxy-éthyl-amidon) dans le cas où il existe déjà
éclampsie, hématome rétroplacentaire), le déroulement de la des troubles hémodynamiques [23].
grossesse (prise de poids, complications éventuelles), le résul- Un examen d'urine est pratiqué à la recherche d'une pro-
tat des examens paracliniques (échographie, examen d'urine, téinurie et d'une hématurie. En cas d'hémorragie importante,
etc.), la notion de saignement antérieur pendant la grossesse, une sonde à demeure est posée pour surveiller la diurèse.
la notion de traumatisme éventuel, la quantité approximative Une échographie abdominale et endovaginale est effectuée
des pertes avant l'entrée en maternité, la présence ou l'absence en salle de travail sans déplacer la patiente pour examiner
Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 271
272   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

avant tout le placenta : préciser la topographie du bord infé-


rieur et rechercher un décollement éventuel de diagnostic dif-
ficile, surtout s'il est petit. Elle renseigne sur la présentation,
en cas de doute à l'examen clinique, et sur la présence d’une
activité cardiaque, parfois difficile à affirmer si une tachy-
cardie maternelle gêne l'auscultation. La présence d'un petit
appareil d’échographie « mobile » en salle d'accouchement est
indispensable.
Le toucher vaginal évalue les conditions cervicales une
fois le diagnostic de placenta praevia recouvrant éliminé.
Un monitorage externe est mis en route pour apprécier
les contractions utérines et surveiller la vitalité fœtale à
mesure que la réanimation et le traitement de la cause de
l'hémorragie sont mis en œuvre.
Une feuille de réanimation est préparée où figureront le
pouls, la tension artérielle, la diurèse, le volume des saigne-
ments et l’état de conscience de la patiente.
L’obstétricien et le médecin anesthésiste doivent être sur
place et auprès de la patiente dès l’entrée de la patiente en
salle de travail.

Conduite à tenir en fonction


de l’étiologie
Placenta praevia
C'est la première étiologie qu'il faut évoquer devant une
hémorragie en fin de grossesse.

Tableau clinique
Le placenta praevia se caractérise par l'insertion du placenta Fig. 23.1. Classification des variétés de placenta praevia.
sur le segment inférieur de l'utérus. Le placenta peut être
latéral (à distance de l'orifice interne du col et à moins de
Le sang coagule. Il n'y a pas de contracture utérine et l'utérus
5 cm de celui-ci), marginal (au ras du col), partiellement ou
se relâche entre les contractions.
totalement recouvrant (figure 23.1).
Une présentation oblique ou du siège peut se rencontrer
Le placenta praevia hémorragique se rencontre dans
et, même en cas de présentation céphalique, celle-ci reste
moins de 0,5 % des grossesses [36]. Dans la majorité des cas,
souvent haute et mobile.
la localisation basse ou praevia du placenta a déjà été correc-
Un point important est que la participation du fœtus aux
tement documentée lors des échographies recommandées
hémorragies du placenta praevia est estimée autour de 4 à
ou lors d’épisodes antérieurs d’hémorragies. En cas de doute
10 %. Cette hémorragie peut compromettre la vie du fœtus
diagnostique, une échographie en urgence doit pouvoir
dont le volume sanguin à terme ne dépasse pas 100 ml/kg.
confirmer le caractère praevia du placenta et sa position
C'est l’échographie qui représente l'examen capital, à pra-
par rapport à l’orifice interne du col. Certains facteurs de
tiquer avant le toucher vaginal. La précision de l’échographie
risques sont souvent associés au placenta praevia. Le facteur
endovaginale est meilleure (92,8 %) que celle de l’échogra-
de risque principal rapporté et l’antécédent de césarienne
phie abdominale (75,6 %), surtout dans les localisations pla-
qui augmente avec le nombre d’antécédents : risque multi-
centaires postérieures ou chez l'obèse [29,43]. Elle doit être
plié par 4,5 pour une césarienne, 7,4 pour deux césariennes
pratiquée en milieu hospitalier même si elle n’augmente pas
et 45 pour quatre césariennes et plus [24]. Les autres fac-
le risque hémorragique.
teurs de risques sont : l’âge maternel avancé, l’antécédent de
placenta praevia, l’assistance médicale à la procréation, la
multiparité et les antécédents d'avortements spontanés ou Où accoucher avec un placenta praevia ?
non (RR = 1,30) [4,22], les malformations utérines, et les Étant donné la gravité pour la mère et l'enfant de cette patho-
fibromes sous-muqueux. Le tabagisme serait moins mis en logie, une femme qui a un placenta praevia connu doit accou-
cause [12]. cher dans un centre approprié. Le transfert de la patiente
vers un établissement de niveaux II et III doit être systéma-
tiquement envisagé suivant le terme de la grossesse, sauf
Diagnostic situations d’urgence vitale et ou d’accouchement imminent.
L'hémorragie peut survenir n'importe quand, mais souvent Indépendamment du risque lié à la prématurité, la structure
lors de contractions utérines. Classiquement, il s'agit d'une qui va prendre en charge cette patiente doit avoir un plateau
hémorragie indolore de sang rouge, d'abondance variable. technique suffisant en cas d’hémorragie sévère (produits
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir    273

sanguins labiles, chirurgie d’hémostase, anesthésiste dispo- Avant 34 semaines d'aménorrhée


nible). N'oublions pas que l'hémorragie reste encore la pre- Si l'hémorragie est importante, la césarienne est le seul trai-
mière cause de mortalité maternelle en France [11]. tement permettant de contrôler l'hémostase. Dans ce cas, le
pronostic fœtal est d'autant plus réservé que l'on est loin du
Conduite à tenir (figure 23.2) terme.
Plusieurs circonstances peuvent se rencontrer suivant l'im- Si l'hémorragie est modérée et en l'absence d’anomalies
portance de l'hémorragie, la localisation placentaire et l’âge du rythme cardiaque fœtal, la mise au repos et un traite-
gestationnel. ment tocolytique prudent et de courte durée (48 h) peuvent
alors permettre la prolongation de la grossesse si possible
jusqu’à 34 semaines [9–14]. Dans ce cas, une corticothérapie
Après 34 semaines d'aménorrhée anténatale est indiquée, stimulant la synthèse de surfactant
La césarienne immédiate s'impose si le placenta est recou- alvéolaire ; elle réduit, de plus, le taux d'hémorragies intra-
vrant, si l'hémorragie est abondante, mettant en danger la ventriculaires et d'entérocolites nécrosantes (NP1).
mère, et s'il y a des anomalies du rythme cardiaque fœtal ou Les bêtamimétiques sont contre-indiqués en période
présentation autre que le sommet. hémorragique du fait de leur effet vasodilatateur. Ils néces-
La rupture artificielle des membranes peut être proposée sitent un contrôle du pouls et de la tension artérielle, un
si le placenta est latéral ou marginal, l'hémorragie modé- électrocardiogramme, l'enregistrement du rythme car-
rée, la présentation céphalique. Si la présentation descend diaque fœtal sur 30 minutes et un bilan sanguin (glycémie,
et l'hémorragie diminue, l'accouchement est souvent pos- ionogramme, hémogramme).
sible par les voies naturelles ; il faut cependant surveiller En pratique, 80 % des placentas praevia nécessitent
étroitement la patiente et la vitalité fœtale. En cas de reprise une césarienne (figure 23.3). Il faut prévoir du sang avec
de l'hémorragie, de dilatation traînante ou de souffrance le centre de transfusion, et se faire aider par un opérateur
fœtale, la césarienne est pratiquée. chevronné si on est un opérateur peu expérimenté car

Fig. 23.2. Conduite à tenir devant un placenta praevia.


274   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fig. 23.3. Indications de la césarienne dans le placenta praevia [15].

l'intervention peut être difficile et très hémorragique, sur- sion sanguine est 6,5 fois plus important et, dans 4,5 % des
tout si le placenta est antérieur. En cas de placenta anté- cas, une hystérectomie d'hémostase est nécessaire [42].
rieur, il est préférable de décoller rapidement le placenta
plutôt que de l’inciser car cela réduit les pertes sanguines Pronostic maternel
chez la mère et l’enfant. En l'absence d'hémorragie vaginale La mortalité maternelle diminue régulièrement pour être
très importante, l'anesthésie locorégionale est indiquée en inférieure à 1 %, voire nulle dans les dernières statistiques
première intention [19]. [10]. L'hémorragie et la défibrination sont responsables des
décès.
Complications du placenta praevia La morbidité maternelle reste élevée dans 20 à 60 % des
cas.
Il y a danger ici pour la mère et pour le fœtus. L’anémie prédispose aux accidents infectieux (endomé-
trite, septicémie) et thromboemboliques. La prévention de
La mère court un risque hémorragique l'iso-immunisation Rhésus chez les femmes Rhésus négatif
Si elle accouche par voie basse, c'est l'hémorragie de la est faite dans les suites de couches ; l'efficacité doit être véri-
délivrance. Le placenta est ici inséré sur le segment infé- fiée par le test de Kleihauer.
rieur qui se contracte mal. Il faut recourir alors à la déli-
vrance artificielle ou à la révision utérine si le placenta Pronostic néonatal
est expulsé. Une perfusion d'ocytociques est posée. En La mortalité périnatale liée à la prématurité et aux chocs
cas d'hémorragie persistante, on peut avoir recours aux hémorragiques maternels est en baisse : 3 à 8 % depuis dix
injections de prostaglandines, voire à une embolisation ans, voire 2,3 % pour Crane et al. [17]. L'extraction par voie
artérielle par voie fémorale rétrograde avec injection de haute améliore le pronostic dans toutes les variétés de pla-
Spongel®. centa praevia.
Si l’état hémodynamique de la patiente est instable et que La morbidité néonatale est consécutive aux détresses res-
l'embolisation n'est pas réalisable, on pratique une ligature piratoires (20 %), aux anémies (8,8 à 25,5 %) et aux hypotro-
bilatérale des hypogastriques [27], un capitonnage utérin phies nécessitant un accueil pédiatrique à la naissance.
(techniques de B-Lynch, de Cho), une triple ligature (tech-
nique de Tsirulnikov), voire même une hystérectomie d'hé-
mostase (voir chapitre 26, p. 303). Placenta accreta
La césarienne ne protège pas du risque hémorragique, Le placenta accreta est défini par l'insertion des villosi-
surtout en cas de placenta praevia antérieur. Comparée à une tés choriales placentaires directement en contact avec les
population témoin de césarienne, le risque relatif de transfu- fibres musculaires du myomètre sur tout ou partie de la
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir    275

face maternelle et pénétrant plus ou moins profondément ■ la transférer si elle arrive en urgence dans un établis-
dans le myomètre. Il est dit increta s'il envahit le myomètre sement non adapté pour la prise en charge de cette
et percreta s'il dépasse le myomètre, envahissant parfois la pathologie ;
vessie (figure 23.4). Le plus souvent, le terme de placenta ■ discuter avec le couple du choix entre l'hystérecto-
accreta est utilisé pour les trois formes. mie immédiate après la césarienne ou du traitement
L'incidence du placenta accreta a été multipliée par dix conservateur.
dans les cinquante dernières années et serait de 1 sur 2 500 L'intervention sera programmée vers 36-37 semaines en
accouchements [34]. Les facteurs de risque majeurs de l'absence de saignements. Les problèmes techniques de la
placenta accreta sont un placenta praevia ou un(plusieurs) césarienne sont détaillés dans le chapitre 31, p. 385.
antécédent(s) de césarienne. Il est particulièrement fréquent Une étude française [38] portant sur 167 cas de placenta
si la cicatrice est associée à un placenta praevia (surtout si accreta a montré que 131 (78 %) avaient eu un traitement
antérieur). Dans ce cas, le risque augmente avec le nombre conservateur avec succès mais une morbidité assez lourde,
de cicatrices, passant de 24 % chez la femme qui a eu une de 6 %. Par ailleurs, 36 femmes ont eu une hystérectomie
césarienne à 67 % chez celle qui a eu trois césariennes ou première et 18 une hystérectomie secondaire après échec
plus. du traitement conservateur (10 %). Le traitement conser-
Il est également plus fréquent chez les femmes âgées, vateur est donc possible en sachant que la résorption du
multipares, ayant eu recours à une assistance médicale à la placenta est en moyenne de 13 semaines (4 à 60 semaines).
procréation, ou avec un antécédent de chirurgie utérine. Après le traitement conservateur, 96 femmes ont été suivies :
Une patiente qui a un utérus cicatriciel et un placenta 8 avaient une aménorrhée du fait d'une synéchie ; 27 dési-
praevia antérieur est à haut risque de placenta accreta. raient une grossesse : 24 eurent 34 grossesses (dont une
Il faut essayer d'en faire le diagnostic par l’échographie grossesse extra-utérine, 2 IVG, 10 fausses-couches spon-
2D avec Doppler couleur, 3D, ou l'IRM qui serait plus tanées) et 21 accouchèrent après 34 SA (77 %), mais avec
performante pour apprécier la profondeur de l'envahisse- un fort taux de récidive (6/21 = 28 %) et 20 % eurent une
ment. L’IRM est particulièrement utile pour les placentas hémorragie du post-partum [39].
praevia postérieur qui sont difficilement analysables en Le choix du type de traitement conservateur ou non va
échographie obstétricale. Les critères échographiques dépendre de l’âge de la patiente, de sa parité, du caractère
classiques du placenta accreta sont : les lacunes intrapla- hémorragique du placenta et de son degré d’infiltration
centaires irrégulières et vasculaires, un aspect déformé (percreta).
pseudotumoral, et une interruption du liseré entre le
placenta et le myomètre. Les signes échographiques sont
visibles dès le début du deuxième trimestre de la gros- Hématome rétroplacentaire
sesse [37]. Tableau clinique
Si le diagnostic est suspecté on doit :
■ informer la femme et son compagnon des risques hémor- L'hématome rétroplacentaire (HRP) ou décollement préma-
ragiques, de complications chirurgicales (plaie vésicale et turé d'un placenta normalement inséré survient lorsqu'un
urétérale) et d'hystérectomie ; placenta normalement inséré se détache de la déciduale
■ prévenir la patiente qu'elle devra accoucher dans un éta- basale avant la naissance de l'enfant (encore appelé héma-
blissement ou il y a une équipe chirurgicale entraînée, tome décidual basal).
une banque de sang, un service d'embolisation et un ser- Le tableau est plus grave que celui du placenta praevia
vice de réanimation ; car, à l'hémorragie, liée au décollement, se surajoutent sou-
■ l'hospitaliser dans cet établissement à partir de vent des troubles de l’hémostase [1]. Les troubles de la crase
34 semaines ou la loger à proximité en étant accompagnée ; sanguine sont présents dans 20 à 30 % des cas [1]. Le méca-
nisme est lié à une coagulation intravasculaire disséminée
associée à une coagulation rétroplacentaire. Dans les formes
sévères, des taux de PDF ou de D-dimères sont significatifs,
1
augmentés avec une baisse importante du fibrinogène [30–
33]. Dans 20 % des cas, il faut redouter une inertie utérine
résistant au traitement par l'ocytocine. Sher [40], dans une
étude statistique de 850 décollements prématurés d'un pla-
centa normalement inséré, a retrouvé 86 coagulopathies de
consommation et a observé, dans 20 % des cas, une inertie
au traitement par l'ocytocine. Il a remarqué que l'inertie uté-
rine s'observait surtout dans les cas où les produits de dégra-
dation de la fibrine avaient un taux supérieur à 320 μg/ml.
L'inertie utérine serait liée à l’élévation du taux de PDF, de
2 3 thromboplastine et, peut-être, à d'autres facteurs liés à la
coagulopathie. Il est donc capital de dépister l'hémorragie
rétroplacentaire dès son début avant qu'une coagulopathie
grave ne soit installée. Une hypo-fibrino-génémie initiale
Fig. 23.4. Placenta accreta. 1. Placenta encreta. 2. Placenta percreta. inférieure à 1,5 g/l est un également un facteur de mauvais
3. Placenta accreta. pronostic d’emblée qui est associé à un recours plus f­ réquent
276   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

aux transfusions de produits sanguins labiles et à une chirur- Les urines sont rares et souvent la protéinurie est massive
gie d’hémostase. (bandelette urinaire fréquemment à ++ ou +++ à l’entrée) ;
Malgré les progrès réalisés dans la surveillance de la une sonde à demeure est posée pour contrôler la diurèse.
grossesse, et le traitement de la prééclampsie, la fréquence Le choc initial est rarement rapporté et survient le plus
de l'hématome placentaire semble peu diminuer : 0,5 % des souvent au moment de la délivrance, avec une intensité
accouchements. L'accident est responsable d'une mortalité variable. Celui-ci est d’autant plus prévisible s’il existe des
périnatale de 20 à 35 % et d'une morbidité néonatale impor- troubles de l’hémostase (hypo-fibrino-génémie. Il faut donc
tante, 10 % des enfants survivants développant des troubles installer une voie veineuse sûre et demander une numé-
neurologiques importants [47]. Le décollement placentaire ration globulaire et un bilan d’hémostase. Même si le bilan
entraîne une anoxie fœtale, et la mort du fœtus in utero sur- initial est normal, il faut le répéter d'heure en heure pour
vient si la zone décollée dépasse le tiers de la surface d'inser- authentifier une CIVD.
tion placentaire. L’échographie n’est pas indispensable pour porter le dia-
Un certain nombre de facteurs favorisent le décollement gnostic d’HRP mais elle est surtout indiquée pour apprécier
prématuré d'un placenta normalement inséré de façon la vitalité fœtale et/ou rechercher un placenta praevia en
spontanée : l'hypertension artérielle [3], le tabagisme ++++, cas de doute diagnostic clinique. Certains placentas praevia
la rupture prématurée des membranes prolongée [5,26], une peuvent se compliquer d’un hématome décidual marginal
chorioamniotite [8], des antécédents d’hématome rétropla- (décollement en périphérie de meilleur pronostic) et mimer
centaire [35], la consommation de cocaïne [25]. L'incidence un HRP. Les signes échographiques d'hématome rétropla-
des hématomes rétroplacentaires est en augmentation aux centaire sont souvent tardifs et n'existent que dans 25 % des
États-Unis et en Norvège du fait de l'augmentation de l’âge cas [41]. Classiquement, l'image caractéristique est une zone
des femmes enceintes mais aussi des diabètes, du tabagisme, anéchogène linéaire ou biconcave bien limitée, située au
de l'usage de drogues illicites ainsi que des mauvaises condi- niveau de la plaque basale. Parfois, la collection hématique
tions socioéconomiques [6]. plus ou moins coagulée présente une échogénicité hétéro-
gène voisine du placenta.
Diagnostic L'absence d'image évocatrice ne permet pas d'exclure le
diagnostic.
Le début est classiquement brutal, marqué par une douleur
abdominale violente diffusant rapidement à tout l'utérus,
des métrorragies noirâtres, l'apparition rapide d'un état de Différentes manifestations cliniques
choc chez une femme enceinte âgée de 30 à 40 ans, hyper-
tendue dans 20 à 50 % des cas. Critères cliniques de gravité
L’examen obstétrical montre : Ils sont importants à connaître car ils vont dicter en par-
■ des métrorragies, qui sont classiquement faites de sang tie notre prise en charge thérapeutique. La classification
noir incoagulable. La quantité d'hémorragies extériori- de Sher est la plus simple et la plus adaptée, décrivant des
sées n'est pas toujours en rapport avec l'importance du formes discrètes, modérées, ou sévères :
choc. Elles sont absentes dans 20 % des cas ; ■ grade I : il existe simplement des métrorragies dont
■ une contracture utérine : l'utérus est tendu, spontané- l'origine n'est rattachée à l'hématome que rétrospective-
ment douloureux et encore plus lors de la palpation. Sur ment. Cet hématome peut être retrouvé uniquement au
ce fond de contracture, il est difficile de percevoir les moment de la délivrance après un travail rapide et sans
contractions utérines ; anomalies notables du RCF ;
■ l'augmentation de la hauteur utérine qui traduit l'aug- ■ grade II : il existe des signes cliniques (décrits plus haut :
mentation du volume de l'hématome rétroplacentaire ; anomalie clinique, contractilité utérine, et anomalies du
■ au toucher vaginal, un segment inférieur dur, ligneux, RCF), mais l'enfant est encore vivant ;
tendu, comparé à une « bille de bois ». ■ grade III : l'enfant est mort ; on parle de grade IIIA s'il n'y
Les bruits du cœur fœtal peuvent être d’emblée absents a pas de trouble de la coagulation et de grade IIIB s'il y a
à l'entrée de la patiente. Il importe de s'aider d'appareils à des troubles de la coagulation.
ultrasons (en distinguant bien la fréquence cardiaque fœtale Des formes trompeuses peuvent simuler une menace d'ac-
et maternelle) ; l’échographie est indispensable pour appré- couchement prématuré.
cier la vitalité fœtale. Si le fœtus est encore vivant, l'enre- La patiente consulte pour des contractions utérines dou-
gistrement du rythme cardiaque peut mettre en évidence loureuses parfois associées à des anomalies du RCF mais
des anomalies du RCF : tachycardie ou bradycardie, rythme sans métrorragies. L’hématome rétroplacentaire doit être
aréactif ou plat, ralentissements. Mais le RCF peut être stric- évoqué en présence d’une hypertension artérielle transitoire
tement normal à la phase initiale. et d’une albuminurie (qu’il ne faut rattacher à une infection
D'après Hurs (cité par Fournié et Desprats [18]), une urinaire dans ce contexte de MAP). L’hématome peut être
patiente qui présente deux des quatre signes suivants, hémorra- visualisé à l’échographie mais pas toujours. En l’absence de
gie, douleurs (utérines ou du dos), anomalies de la contraction troubles du RCF et avec un bilan biologique parfaitement
utérine (hyperactivité utérine avec hypercinésie de fréquence) normal, il peut être discuté au cas par cas une éventuelle
et anomalies du rythme cardiaque fœtal (voir ci-dessus), doit tocolyse pour maturation fœtale. Mais la bonne décision
être considérée comme ayant un hématome rétroplacentaire. sera le plus souvent de laisser accoucher ou extraire car une
À la différence du placenta praevia, le diagnostic de l’héma- perfusion de tocolytique n'empêchera pas la poursuite du
tome rétroplacentaire est essentiellement basé sur la clinique. décollement placentaire [45].
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir    277

L’apparition d’anomalies du RCF chez une femme hyper- Quant à la perfusion de fibrinogène, la posologie est de 2
tendue ou hospitalisée pour une prééclampsie doit faire évo- à 4 g si le taux initial est inférieur à 0,5 ou 1 g/l.
quer un HRP même s’il n’existe pas de métrorragies. Les plaquettes sont transfusées en cas de thrombopé-
L’échographie standard n'apporte pas d’éléments supplé- nie (≤ 50 × 109/l pour une césarienne, ≤ 30 × 109/l pour un
mentaires dans la prédiction de l'hématome rétroplacentaire. accouchement par voie basse). Parfois, seules les unités stan-
dard sont disponibles : la posologie est d'une unité pour 7 à
Conduite à tenir pratique (tableau 23.1) 10 kg, soit huit unités à passer en une à deux heures, renou-
La prise en charge va dépendre de la gravité de l’HRP. En velable une ou deux fois [7].
dehors de rares situations ou l’expectative armée est possible Aux unités de plasma frais congelé est associée la trans-
(HRP peu sévère [grade 1] avec une grande prématurité fusion de concentrés globulaires pour corriger l'anémie.
attendue), la règle est d’obtenir un accouchement sans délai Les concentrés érythrocytaires doivent être phénotypés en
avec une réanimation maternelle adaptée. L’urgence obs- Rhésus et Kell, déleucocytés et si possible cytomégalovirus-
tétricale est telle qu’il n’est pas raisonnable d’envisager un négatifs. Il faut maintenir un hématocrite proche de 25 % et
transfert in utéro même avant terme. un taux de fibrinogène supérieur ou égal à 1 g/l.
L'utilisation des antifibrinolytiques et de l'héparine est
Réanimation maternelle déconseillée.
En revanche, la prévention thromboembolique s'impose
■ Faire les gestes d'urgence habituels : pose de deux voies dans le post-partum après traitement de la coagulation
d'abord veineuses périphériques et d'une sonde urinaire. intravasculaire disséminée.
■ Lutter contre l'hypovolémie est essentiel, le saignement
extériorisé étant toujours inférieur à la déperdition
réelle : on utilise des solutions de remplissage en atten- Obtenir un accouchement sans délai
dant : cristalloïdes et albumine dilués à 4 % (les dextrans Si le fœtus est encore vivant, il faut le faire naître le plus
sont contre-indiqués en ante-partum), sans dépasser un rapidement possible, soit par voie basse si l'accouchement
litre. est imminent (on aidera l'expulsion avec un forceps), soit
■ Traiter précocement les troubles de la coagulation. par césarienne si l'accouchement n'est pas imminent.
Le plasma frais congelé compatible dans le système ABO L’accouchement sans délai est la règle si le RCF est initiale-
et Rhésus est administré rapidement, dans les 30 minutes ment normal car celui-ci peut se dégrader à tout instant. Si
après réchauffement. le fœtus est mort, il faut éviter tout traumatisme maternel
et essayer d'obtenir le plus rapidement possible une nais-
sance par voie basse : rupture artificielle des membranes,
Tableau 23.1. Conduite à tenir devant au besoin perfusion de Syntocinon® à faible débit (5 à 10
un hématome rétroplacentaire.
UI/min) pour diriger le travail en l'absence de coagulation
Soins infirmiers Traitement médical Traitement intravasculaire disséminée maternelle. Les prostaglandines
obstétrical ne sont pas contre-indiquées si les conditions locales cer-
Voie veineuse : 2 Lutter contre Évacuer l'utérus vicales ne sont pas favorables. Il faut assurer une surveil-
Prélèvements l'hypovolémie Fœtus vivant lance avec contrôle du pouls et de la tension artérielle tous
sanguins – Solutés de – Césarienne ou voie les quarts d'heure. Les pertes hémorragiques sont pesées
– NFS, plaquettes remplissage, basse au fur et à mesure. La hauteur utérine est surveillée toutes
– Recherche en attendant – Si accouchement
les heures comme la diurèse horaire qui doit être supé-
sanguine cristalloïdes et imminent, forceps
– d'anticorps albumine diluée à Fœtus mort
rieure à 30 ml/h. On refera une numération et un bilan de
irréguliers 4% – Voie basse si l'hémostase d'heure en heure. En cas de perturbation de
– Fibrinogène – Concentrés absence de CIVD : l’hémostase et si l’accouchement n’est pas imminent, une
– Céphalique activée érythrocytaires rupture artificielle césarienne sur enfant mort peut être pratiquée pour sau-
– Temps de Quick phénotypés en des membranes vetage maternel.
– Prothrombine Rhésus et Kell, Syntocinon® : Une fois l’accouchement et la délivrance effectués, une
– Produit de déleucocytés 5 à 10 Ul/min
dégradation de la et, si possible, – Révision utérine
révision utérine soigneuse est indiquée ainsi qu'un examen
fibrine cytomégalovirus- + examen du col et minutieux de la filière génitale pour repérer toute déchirure
– D-dimères négatifs du vagin cervicale ou vaginale.
Sonde urinaire Lutter contre les – Césarienne si état L’anesthésie péridurale est formellement contre-indiquée
Surveillance troubles de la maternel très sévère dans tous ces cas.
– État de conscience coagulation
– Pouls, TA tous les – Plasma frais
quarts d'heure congelé, ABO- et Surveillance
– Diurèse horaire Rh-compatibles
(> 30 ml/h) – Fibrinogène
Après un hématome rétroplacentaire, la femme est à haut
– Volume des – Concentrés risque infectieux et thromboembolique. Il est donc rai-
hémorragies plaquettaires ± sonnable d'installer une antibiothérapie préventive et une
– NFS et hémostase – Héparine : non héparinothérapie pour lutter contre l'hypercoagulabilité
toutes les heures – Anti- réactionnelle.
– Feuille de fibrinolytiques : non La prévention Rhésus est essentielle du fait du risque élevé
surveillance
de passage d'hématies fœtales dans la circulation maternelle.
278   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Avenir obstétrical Elle est actuellement devenue exceptionnelle dans nos


■ L'hématome rétroplacentaire reste une des complications pays. Elle survient le plus souvent chez les patientes avec un
les plus graves de l'obstétrique. La mortalité maternelle antécédent de césarienne (risque de rupture utérine < 1 % en
est de 1 %. La mortalité périnatale est de 20 à 35 %. cas d’antécédent d’une césarienne), mais elle peut être spon-
■ Le risque de récidive est élevé, supérieur à 10 % et à 30 % tanée sur un utérus fragilisé (malformations utérines). De
si la patiente a respectivement un ou deux antécédents nouvelles étiologies sont apparues avec la chirurgie endos-
d'HRP [47]. copique : perforations utérines lors d'une hystéroscopie opé-
■ Si une nouvelle grossesse est souhaitée, il faut proposer ratoire (1,5 %), lors du traitement de synéchies complexes
l'arrêt du tabac, une supplémentation en acide folique, ou de cloisons [21,44], mais aussi lors d'hystéroscopies dia-
un repos strict avec hospitalisation au troisième tri- gnostiques (1 %) ou de myomectomies percœlioscopiques
mestre, une surveillance des signes cliniques, de la crois- [20] (voir chapitre 16, p. 201).
sance fœtale et de la vélocimétrie Doppler. L’exploration Le risque de rupture utérine en cas d’antécédent de césa-
vélocimétrique présente un intérêt d'ordre prédictif et rienne est plus fréquent, rapporté en cas d’échec d’épreuve
pronostique, surtout en cas d'antécédent d'hématome du travail et lors du déclenchement par prostaglandines.
rétroplacentaire.
Un index diastolique pathologique des artères utérines Diagnostic
associé ou non à une incisure protodiastolique (notch uté- Les anomalies du RCF en sont les manifestations cliniques
rin) multiplie par quatre le risque d'un tel accident chez les les plus fréquentes (60 % des cas, ralentissements surtout et
patientes hypertendues [46]. Le Doppler ombilical ne présente parfois bradycardie brutale) [2,48], ainsi que la douleur au
pas la même valeur prédictive du risque de récidive. Ainsi, niveau de la cicatrice utérine apparaissant sous anesthésie
une patiente ayant déjà un antécédent d'HRP doit bénéficier péridurale, et persistant en dehors de contractions utérines.
d'une surveillance intensive (un bilan par semaine) ; au bilan Le saignement vaginal est plus rare (18 % des cas) et la dyna-
classique (uricémie, hématocrite, plaquettes), on doit ajouter mique utérine est souvent conservée. L’échographie permet
le dosage des PDF, la vélocimétrie sanguine maternelle des parfois de voir la rupture avec protrusion du sac amniotique
artères utérines et fœtale de l'artère ombilicale. ou d'un membre par la brèche utérine. Mais le diagnostic
La prévention par aspirine, à raison de 100 mg par jour, de la rupture utérine est clinique et il faut recourir à une
est recommandée en cas d'antécédent de prééclampsie et de césarienne en urgence si l’accouchement n’est pas imminent.
retard de croissance intra-utérin avant terme et elle serait Les risques maternels sont associés aux traumatismes
d’autant plus efficace en cas de multiples antécédents. La chirurgicaux et à l’hémorragie : réparation difficile et trans-
seule notion d’HRP ne constitue pas une indication à l’aspi- fusion. La mortalité néonatale est élevée (5 %) ainsi que l’as-
rine préventive [15,16]. phyxie néonatale (pH artériel < 7,10 dans 15 % des cas). Il faut
distinguer la simple déhiscence de la rupture utérine complète.
En cas de déhiscence, l'enfant est encore vivant, et on voit
Autres causes d'hémorragies la présentation sous le péritoine à travers le segment infé-
Hémorragies cervicales ou vaginales : 4 à 17 % rieur déhiscent. Il faut l'extraire comme dans la césarienne
des cas en agrandissant au doigt l'orifice de rupture.
En cas de rupture complète, La brèche est réparée après
Le diagnostic est réalisé par l'examen au spéculum qui peut régularisation des berges aux ciseaux. La suture est faite au
montrer un polype accouché par le col, un cancer du col fil à résorption lente (Vicryl®) serti comme on le fait pour
utérin, la rupture d'une varice vaginale, une inflammation une hystérotomie. On peut avoir une atteinte d'un pédicule
du col ou un ectropion, une lésion traumatique vaginale ou utérin qui s'est déchiré et qu'il faut lier. Il faut rechercher
une déchirure cervicale (circonstance rare en début de tra- une plaie vésicale à suturer. Parfois, les difficultés de suture
vail). L'hémorragie est alors modérée et le traitement local ou d'hémostase obligent à une hystérectomie.
est effectué en fonction de la cause. La stérilisation tubaire est à éviter de principe car déci-
dée dans l'urgence. Il sera toujours temps de rediscuter de ce
Hématome décidual marginal (rupture de sinus problème ultérieurement avec le couple.
marginal veineux)
La fréquence est inférieure à 1 % des grossesses. Rupture d'un vaisseau praevia
Il s'agit souvent d'une multipare qui consulte pour des
Elle ne se voit qu'en cas d'insertion vélamenteuse du cor-
métrorragies abondantes avec menace d'accouchement
don. Il s'agit d'une hémorragie brutale après la rupture des
prématuré. Il est fréquemment rapporté en cas de placenta
membranes colorant le liquide amniotique et entraînant
praevia et rupture prématurée des membranes.
une bradycardie brutale (hémorragie de Benckiser) avec
Le pronostic fœtomaternel est généralement bon mais
fréquemment une mort néonatale par anémie aiguë, car le
il peut parfois décoller le placenta a retro et se comporter
volume sanguin du fœtus n'est que de 250 ml. Sa fréquence
comme un HRP.
est de 1 sur 6 000 naissances environ [28]. Parmi les facteurs
de risque, on retrouve le placenta prævia, les placenta bipar-
Rupture utérine tita, et les grossesses multiples [31]. Les vaisseaux praevia
C'est une solution de continuité complète ou incomplète, peuvent être détectés à l’échographie et une césarienne pré-
spontanée ou provoquée, de la paroi de l'utérus gravide. ventive est alors indiquée. La vélocimétrie-Doppler couleur
Chapitre 23. Hémorragie en début de travail : conduite à tenir    279

peut actuellement mettre en évidence des vaisseaux praevia [5] Ananth CV, Smulian JC, Vintzileos AM. Incidence of placental
et la nécessité de faire une césarienne préventivement [13]. abruption in relation to cigarette smoking and hypertensive disorders
Quant à la question de la date de la césarienne programmée, during pregnancy : a meta-analysis of obsvervational studies. Obstet
Gynecol 1999 ; 93 : 622–8.
certains auteurs proposent 35 SA. Le risque de mortalité
[6] Ananth C, Oyelese Y, Yeo L. Placental abruptio in the United States,
de l'enfant serait dans ce cas encore entre 3 et 10 %. Le dépis- 1979 through 2001 : temporal trends and potential determinants. Am
tage systématique des vaisseaux praevia en population géné- J Obstet Gynecol 2005 ; 192 : 191–8.
rale n'est cependant pas recommandé [32]. Il peut être utile si [7] Barbarino-Monnier P, Barbarino A, Bayoumeu F, et al. Hémorragies
le placenta est bas inséré ou bipartita de cotylédon accessoire graves au cours de la grossesse et du post-partum. Choc hémorra-
ou de métrorragie. Si le vaisseau praevia est diagnostiqué, la gique. EMC 1998 ; 5-082-A10.
SOGC recommande de faire une corticothérapie entre 28 et [8] Baron F, Hill WC. Placenta previa, placenta abruption. Clin Obstet
34 semaines et de césariser entre 34 et 35 SA [22]. Le risque Gynecol 1998 ; 33 : 406–13.
de récidive lors d’une grossesse ultérieure est très faible. Les [9] Besinger RE, Moniak CW, Paskiewicz LS, et al. The effect of tocolytic
vaisseaux praevia peuvent être suspectés cliniquement en use in the management of symptomatic placenta praevia. Am J Obstet
Gynecol 1995 ; 180 : 1572–8.
cours du travail avant la rupture des membranes. Ils peuvent
[10] Boog G. Placenta praevia. EMC 1996 ; 5-069-A-10.
être visualisés à l’amnioscopie. Une césarienne peut alors [11] Bouvier-Colle MH, Salanave B, Ancel PY, et al. Obstetric patients
être discutée. Si le diagnostic est évoqué devant un liquide treated in intensive care units and maternal mortality. Eur J Obstet
amniotique sanglant et des anomalies du rythme cardiaque Gynecol Reprod Biol 1996 ; 65 : 121–5.
fœtal, une césarienne en extrême urgence doit être pratiquée. [12] Castles A, Adam EK, Melvin CL, et al. Effects of smoking during pre-
L'enfant est pâle et anémique, comme le montre la NFS. gnancy. Five meta-analyses. Am J Prev Med 1999 ; 16 : 208–15.
Une transfusion sanguine à l'enfant peut être nécessaire. [13] Chen KH, Konchak P. Use of transvaginal color. Doppler ultrasound
Le risque de mortalité de l'enfant avoisine les 50 %. C'est to diagnose vasa previa. JAOA 1998 ; 98 : 116–7.
l'examen du délivre qui confirme le diagnostic en montrant [14] Chervenak F, Lee Y, Hendler M. Role of attempted vaginal delivery
l'insertion vélamenteuse et le vaisseau rompu. in the management of placenta praevia. Obstet Gynaecol 1984 ; 64 :
798–801.
[15] CLASP, A randomised trial of low-dose aspirin for the prevention and
Melaena intra-utérin ? treatment of pre-eclampsia among 9364 pregnant women. CLASP
C'est une affection exceptionnelle. Le liquide amniotique (Collaborative Low-dose Aspirin Study in Pregnancy) Collaborative
est rosé ou noirâtre. Il est souvent lié à une gastrite hémor- Group. Lancet 1994 ; 343 : 619–29.
ragique du fœtus. L’état général maternel est normal, mais [16] Clouqueur E, Subtil D, Robin G, et al. Que reste-t-il des indications
il y a des signes de souffrance fœtale. Il faut pratiquer une de l'aspirine en cours de grossesse ? Mises à jour en gynécologie et
césarienne. obstétrique. CNGOF ; 2010.
[17] Crane JM, van den Hof MC, Dodds L, et al. Neonatal outcomes with
Dans ces deux étiologies, le pronostic fœtal est fonction
placenta praevia. Obstet Gynecol 1999 ; 93 : 541–4.
de la précocité de l'intervention. [18] Fournié A, Desprats P. In : L'hématome rétroplacentaire. Mise à jour
en gynécologie-obstétrique. Paris : Vigot ; 1984. p. 285–311.
[19] Frederiksen MC, Galssenberg R, Stika CS. Placenta praevia : a 22 year
Conclusion analysis. Am J Obstet Gynecol 1999 ; 180 : 1432–7.
Toute hémorragie en début de travail doit faire rechercher [20] Friedmann W, Maier RF, Luttkus A, et al. Uterine rupture after lapa-
roscopic myomectomy. Acta Obstet Gynecol Scand 1996 ; 75 : 683–4.
avant tout un placenta praevia et un décollement placen-
[21] Gabrielle A, Zanetta G, Pasta F, et al. Uterine rupture after hysteros-
taire en raison de la gravité de ces deux affections. Même copic metroplasty and labor induction. A case report. J Reprod Med
lorsque ces deux diagnostics sont écartés, la surveillance de 1999 ; 44 : 642–4.
la patiente doit être rigoureuse car certaines causes rares, de [22] Gagnon R, Morin L, Bly S, et al. Guidelines for the management of
diagnostic difficile, peuvent être graves, telle la rupture d'un vasa previa. J Obstet Gynaecol Can 2009 ; 31 : 748–60.
vaisseau praevia qui peut mettre en jeu le pronostic vital [23] HAS. Recommandations pour la pratique clinique : hémorragies du post-
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le pronostic maternel est rarement en jeu à l'heure actuelle [24] Hendricks MS, Chow YH, Bhagavath B, et al. Previous cesarean
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Chapitre
24
Un état de choc en début
de travail : conduite à tenir
J.-F. Doussin, M.-P. Debord, E. Verspyck, F. Tourrel

PLAN DU CHAPITRE
Syndrome de compression aortocave . . . . . . . 281 Choc septique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Les gestes urgents dans tous les cas . . . . . . . . 282 Impact hémodynamique de l'anesthésie
Conduite à tenir en fonction de l'étiologie. . . 282 locorégionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Choc hémorragique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 Choc cardiogénique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Choc distributif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 Conséquences fœtales du choc . . . . . . . . . . . . 288
Embolie amniotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289

L'anesthésie locorégionale favorise la survenue du syn-


OBJECTIFS drome de compression aortocave. Après quelques minutes
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : de décubitus dorsal apparaît une sensation de malaise,
• d'énumérer les différentes causes d'un choc chez la bâillements, puis une lipothymie, avec ses signes : sueurs,
femme enceinte au troisième trimestre ; pâleur, nausées ou vomissements. À l'examen, on trouve une
• de faire le diagnostic d'un état de choc et de ses hypotension artérielle et souvent une bradycardie initiale.
principales étiologies ; Le délai d'apparition de ces troubles est variable suivant les
• de mettre en route les thérapeutiques les plus appropriées patientes. Si l'hypotension se prolonge, elle peut entraîner
pour la mère et l'enfant. une souffrance fœtale par réduction de la perfusion utéro-
placentaire. Pendant le travail, c'est souvent un ralentisse-
ment du rythme cardiaque fœtal qui sera le premier signe
L'état de choc se définit comme un tableau d'insuffisance d'alerte [15].
circulatoire aiguë qui altère de façon durable l'oxygénation
et le métabolisme des différents tissus et organes. Il se tra- Physiopathologie
duit par une hypotension non spontanément réversible et En décubitus dorsal strict, les études cavographiques ont
une habituelle tachycardie, souvent associées à une tachy- montré une obstruction quasi complète de la veine cave
pnée, une oligurie et des troubles de conscience. Sur le plan inférieure au niveau abdominopelvien par l'utérus gravide
biologique, l'acidose lactique est le témoin de la souffrance et une disparition du flux sanguin fémoral. Cet obstacle
tissulaire qui résulte de l'état de choc. au retour veineux vers le cœur droit entraîne une baisse
Des signes complémentaires s'associent à ce tableau en du débit cardiaque responsable des manifestations cli-
fonction de la cause initiale du choc. niques. Le développement de la circulation collatérale par
Une particularité de la femme enceinte va influer sur le plexus sacré, les veines paravertébrales et le système
l'impact et les conséquences de ces différentes perturbations azygos est un facteur de prévention de ces malaises en
hémodynamiques. maintenant une circulation de retour. Mais ce réseau de
suppléance n'est pas développé de façon égale chez toutes
les femmes et il peut être lui-même partiellement com-
Syndrome de compression aortocave primé en décubitus dorsal.
Tableau clinique
Le syndrome de compression aortocave, appelé jadis « choc
Prévention du syndrome
postural », s'observe dès la 28e semaine, lorsque la patiente est de compression aortocave
mise en décubitus dorsal, pour un examen gynécologique, Il est capital de prévenir ce syndrome, spécialement pen-
une amnioscopie, une intervention (césarienne notamment). dant le travail, où, sous l'effet d'une contraction utérine,
Pratique de l'accouchement
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282   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

l'utérus contracté peut aussi comprimer l'aorte ou les artères Tableau 24.1 Les différentes causes de choc
iliaques en décubitus dorsal (effet Poseiro). L'anesthésie, chez la femme enceinte en début de travail.
tant générale que locorégionale par ses effets de vasodila- 1. Choc hémorragique
tation et d'hypotonie musculaire, aggrave la compression – extériorisé :
et ses conséquences. Toute patiente, pendant le travail, en • placenta praevia
particulier en cas d'anesthésie péridurale, doit être mise en • hématome rétroplacentaire
décubitus latéral gauche. L'opération césarienne doit être – non extériorisé :
effectuée jusqu'à la naissance de l'enfant, sur une patiente • rupture utérine
• hématome rétroplacentaire
en décubitus latéral gauche modéré soit par inclinaison de
• rupture vasculaire splénique, hépatique
la table, soit par la mise en place d'un coussin sous la fesse
droite. En cas d'impossibilité, un aide doit déplacer l'utérus 2. Diminution du volume sanguin circulant :
– choc postural
vers la gauche.
– choc anaphylactique
Si ce syndrome est souvent bénin pour la mère, il peut
cependant être grave pour le fœtus si la réduction de la vas- 3. Embolie amniotique
cularisation utéroplacentaire se prolonge. Dans tous les cas, 4. Choc septique
cette particularité doit être prise en compte au cours de la 5. Choc d'origine anesthésique
réanimation hémodynamique de la femme enceinte.
6. Choc cardiogénique

Les gestes urgents


dans tous les cas travail proviennent en général de l'aire d'insertion placen-
Certains gestes élémentaires doivent être effectués pendant taire (placenta praevia, hématome rétroplacentaire) [31] ou
que l'obstétricien et l'anesthésiste-réanimateur se préparent : d'une lésion traumatique (rupture utérine).
■ mettre en place d'une voie veineuse efficace, prélèvement Le traitement est urgent. Il faut :
de sang pour numération globulaire, bilan d'hémostase, ■ oxygéner, réchauffer la patiente, en raison des effets délé-
hémocultures, ionogramme ; tères de l'hypothermie sur la vasoconstriction, réflexe et
■ oxygéner la patiente ; la coagulation ;
■ réchauffer la patiente ; ■ mettre en place deux voies veineuses de bon calibre : 16
■ mettre en place un moniteur de surveillance cardiovascu- voire 14 gauges ;
laire : fréquence et rythme cardiaques, pression artérielle, ■ restaurer la volémie par :
saturation en oxygène (SpO2) ; – une perfusion de cristalloïdes : Ringer Lactate® ;
■ mesurer les pertes sanguines en cas d'hémorragie – une perfusion de colloïdes : longtemps interdits en
extériorisée ; France (jusqu'en 2008) chez la femme enceinte par
■ mettre en place une sonde vésicale à demeure pour crainte d'une réaction allergique aux conséquences
contrôler la diurèse. maternelles et fœtales graves, les colloïdes et préfé-
Toute patiente doit avoir dans son dossier une carte de rentiellement les hydro-éthyl-amidons (Voluven®,
groupage sanguin (deux déterminations) et une recherche Hestéril®, Restorvol®, etc.) sont maintenant autorisés et
d'anticorps irréguliers antiérythrocytaires faits systémati- trouvent ici toute leur indication en première intention ;
quement au huitième mois de grossesse. Sans ces examens, ■ corriger l'anémie aiguë responsable de souffrance tis-
il est impossible de transfuser sans risque. Si ces examens sulaire par défaut d'apport en oxygène : transfusion de
n'ont pas été pratiqués pendant la grossesse, il faut obliga- concentrés de globules rouges strictement isogroupes,
toirement les avoir demandés en début de travail, à l'entrée phénotypés, déleucocytés et si possible CMV-négatifs,
à la maternité. d'où l'importance d'avoir chez toute femme enceinte
un groupage sanguin phénotypé et vérifié, la recherche
d'anticorps irréguliers datant elle de moins de 48 heures ;
Conduite à tenir en fonction l'objectif est de maintenir une hémoglobine supérieure à
de l'étiologie 7-8 g/100 ml [2,3].
■ corriger les troubles de coagulation associés à l'étiolo-
Nous envisagerons successivement les principales causes de gie ou secondaires à l'importance de l'hémorragie par la
choc en début de travail avec leurs particularités symptoma- transfusion de PFC (10 à 15 mg/kg, de concentrés de pla-
tiques et leur conduite à tenir (tableau 24.1). quettes CMV négatifs (1 U/10 kg) de fibrinogène (3 g).
Les recommandations récentes sur le choc hémorragique
rappellent le rôle prééminent du fibrinogène dans la coa-
Choc hémorragique gulation, la gravité de son déficit secondaire à l'hémor-
Les hémorragies survenant en début de travail sont préoc- ragie et la nécessité d'un apport précoce, avant même
cupantes car elles peuvent s'aggraver rapidement. En l'ab- les PFC plus longs à préparer (temps de décongélation à
sence de traitement efficace rapide, elles peuvent entraîner l'EFS) et sûrement sans attendre les résultats du labora-
un véritable choc hypovolémique et hypoxique (par défaut toire, afin de le maintenir au-dessus de 1,5 à 2 g/l. Les
d'apport d'oxygène aux tissus) et mettre en jeu le pronostic PFC quant à eux seront administrés dans un ratio de 1
vital de la parturiente. Les hémorragies graves en début de pour 1 à 2 concentrés de globules rouges ;
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir    283

■ adjoindre si nécessaire des sympathomimétiques après Un très faible taux d'antigènes peut ainsi induire une
correction de l'hypovolémie. En première intention, ce réaction d'hypersensibilité immédiate grave. C'est l'anaphy-
sont l'éphédrine et la phényléphrine (Néosynéphrine®) laxie vraie.
qui seront utilisés en bolus. Pour un traitement continu, D'autres mécanismes ne faisant pas intervenir de réaction
on prescrira de la noradrénaline (Lévophed®) qui agit sur antigène-anticorps – on parle de réaction anaphylactoïde –
les récepteurs α1, entraînant une vasoconstriction intense peuvent aboutir à des manifestations cliniques similaires :
dose-dépendante. La posologie est comprise entre 0,05 et ■ l'histaminolibération non spécifique qui correspond à
3 mg/kg/min en intraveineux au pousse-seringue électrique une exagération de l'effet pharmacologique du produit
strict et en augmentant très progressivement les doses. injecté ;
■ l'activation du complément.
Si l'hémorragie est extériorisée De nombreux accidents de ce type surviennent lors de
Il est capital de recueillir soigneusement les pertes sanguines la pratique de l'anesthésie, d'où la recherche des patients à
pour évaluer la correction à effectuer, et surtout ne pas sur- risque que font les anesthésistes lors de la consultation [10].
charger les patientes par des perfusions massives risquant Mais tous ces accidents ne sont pas déclenchés par un pro-
d'entraîner un œdème pulmonaire. duit d'usage exclusivement anesthésique. La connaissance
Parallèlement à ce début de réanimation, la cause de l'hé- large de ces accidents, des facteurs déclenchants et de leur
morragie est recherchée et le traitement est fonction de l'origine prise en charge est donc indispensable.
du saignement, de la situation obstétricale (voir Chapitre 23). Des enquêtes épidémiologiques régulières sont réalisées
en France pour recenser les réactions peranesthésiques de
Si l'hémorragie n'est pas extériorisée type anaphylactique [22]. Ce sont les curares qui sont à l'ori-
gine de la majorité des accidents (près de 60 %). Le latex
Cette situation est plus rare, il faut penser à :
arrive en deuxième position, avec une fréquence voisine de
■ un hématome rétroplacentaire (voir Chapitre 23, « Hématome
20 % (dernière enquête), d'où l'importance du dépistage.
rétroplacentaire ») ;
Viennent ensuite les antibiotiques (13 %), les hypnotiques
■ une rupture utérine.
de l'anesthésie générale, les colloïdes (3 %) et plus spéciale-
La présence d'un collapsus cardiovasculaire (pâleur,
ment les gélatines.
hypotension, tachycardie), de douleurs abdominales persis-
tant entre les contractions utérines, et la chute de l'héma-
tocrite font évoquer une hémorragie intrapéritonéale et Tableau clinique
imposent la laparotomie. Dans les minutes qui suivent l'administration ou le contact
La notion de cicatrice utérine, la discordance entre l'acti- (latex) du produit déclenchant apparaissent une détresse
vité utérine appréciée cliniquement et son enregistrement par respiratoire et un collapsus cardiovasculaire ou un état de
tocographie interne (voir Chapitre 16, « Déclenchement et uté- choc d'emblée. Les manifestations cutanées avec prurit et
rus cicatriciel »), et l'apparition d'anomalie à l'enregistrement urticaire sont caractéristiques, mais sont souvent retardées.
du rythme cardiaque fœtal doivent faire suspecter la rupture. Des manifestions gastro-intestinales avec nausées, vomisse-
Exceptionnellement, la laparotomie trouvera une étio- ments, crampes abdominales et diarrhées sont fréquentes.
logie hémorragique extragénitale : rupture vasculaire splé-
nique ou hépatique. Traitement
Devant l'urgence et le diagnostic souvent incertains, la Le traitement immédiat comporte chez la femme enceinte :
laparotomie sera pratiquée par voie médiane de préférence ■ l'arrêt du produit suspect s'il est en cours ;
pour permettre une meilleure exploration de la cavité abdo- ■ l'oxygénation (O2 pur) et le contrôle rapide des voies
minopelvienne et de l'étage sus-mésocolique. aériennes, si besoin par intubation trachéale ;
■ le traitement de la vasoplégie par éphédrine à forte
dose : 10 mg en intraveineux direct toutes les une à deux
Choc distributif minutes (dose totale 0,7 mg/kg) et mise en décubitus
Choc anaphylactique latéral gauche. Si l'éphédrine est inefficace, donner rapi-
dement de l'adrénaline par titration toutes les une à deux
Mécanisme minutes : 10 à 20 μg pour les hypotentions modérées, 100
Lors d'une sensibilisation antérieure au produit ou à une à 200 μg pour les collapsus cardiovasculaires (1 mg toutes
substance chimiquement apparentée (allergène), les lym- les minutes en cas d'arrêt cardiaque, puis 5 mg à compter
phocytes B du patient synthétisent des IgE spécifiques de la troisième) (protocole SFAR).
(anticorps) qui se fixent sur les récepteurs spécifiques mem-
branaires des mastocytes tissulaires et des basophiles circu-
lants ainsi que sur des récepteurs spécifiques situés sur les
plaquettes et les éosinophiles.
Embolie amniotique
Lors d'une réintroduction ultérieure, l'interaction de C'est un accident grave, mortel dans 40 % des cas. Cette
l'antigène avec son IgE entraîne la réponse anaphylactique. embolie est la cause de 8 à 13 % des décès maternels et
L'activation membranaire des basophiles et mastocytes, puis elle est heureusement, exceptionnelle (2 sur 100 000
des plaquettes, provoque des réactions en cascade abou- accouchements) [1-16-23]. C'est la troisième cause de
tissant à une libération massive de médiateurs : histamine, mortalité maternelle en France. Que la femme survive
tryptase, prostaglandines, leucotriènes, sérotonine, etc. ou meure, l'enfant, s'il survit, aura souvent des séquelles
284   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

­ eurologiques graves [29]. L'embolie amniotique peut


n gine utérine, souvent plusieurs heures après la délivrance, et
survenir au cours du travail ou en post-partum immédiat, des hémorragies gingivales ainsi qu'aux points de ponction
à la suite d'une délivrance artificielle et/ou une révision veineuse.
utérine par exemple. La mort survient le plus souvent lors Cette coagulopathie peut provenir soit d'une activation
de la phase primaire respiratoire et neurologique. Lorsque de la coagulation avec thrombopénie, hypo-fibrino-géné-
la patiente survit, la phase secondaire est caractérisée par mie, activité fibrinolytique du sérum inchangée, taux de
des troubles hémorragiques de type coagulation intra- plasminogène normal ou légèrement diminué, présence
vasculaire disséminée qui apparaissent dans un délai de de monomères de la fibrine dans le plasma, diminution
30 minutes à quelques heures. Lorsque la coagulopathie du taux de prothrombine, soit d'une activation du système
est corrigée, le pronostic est fonction des lésions cardio- fibrinolytique avec conservation d'un taux de plaquettes
pulmonaires et rénales consécutives au choc, et à la coagu- normal, diminution du fibrinogène, élévation considé-
lation intravasculaire disséminée. rable des produits de dégradation de la fibrine, taux de
prothrombine normal.
Le diagnostic précoce de l'embolie amniotique est diffi-
Facteurs favorisants cile. L'aide du laboratoire est trop tardive. Il s'agit donc d'un
On peut retenir un certain nombre de facteurs favorisants [5] : diagnostic d'exclusion après avoir éliminé une éclampsie, un
■ l'association à une pathologie elle aussi responsable de choc anaphylactique, un choc septique, une rupture utérine,
coagulopathie : décollement prématuré d'un placenta une embolie gazeuse, un infarctus du myocarde, une embo-
normalement inséré, mort du fœtus in utero, accouche- lie cruorique.
ment compliqué ou difficile, liquide amniotique méco-
nial, hypertonie utérine, traumatisme obstétrical avec
déchirure utérine ou vaginale, grande multiparité ;
■ l'embolie amniotique survient volontiers chez les Pathogénie
patientes âgées de plus de 35 ans [1] ; Pour que survienne une embolie amniotique, il semble
■ certaines manœuvres ont été notées à l'origine de ce syn- nécessaire que la pression intra-utérine soit élevée, sou-
drome : telle la mise en place difficile d'un cathéter de vent sur un liquide anormalement abondant, ce qui entraî-
tocographie interne, le déclenchement du travail ; nera par une brèche veineuse (rupture utérine, césarienne,
■ enfin, un élément est quasi constant : l'embolie amnio- déchirure d'une veine endocervicale ou séparation précoce
tique survient presque toujours après la rupture des utérus-placenta) le passage de débris amniotiques vers la
membranes, qu'elle soit spontanée ou artificielle ou lors circulation maternelle.
de la césarienne ou le post-partum immédiat [25]. Le mécanisme du choc de l'embolie amniotique repose
sur plusieurs hypothèses.
Trois principales voies d'irruption du liquide amniotique
Tableau clinique ont été décrites : les veines endocervicales, l'aire d'insertion
Phase aiguë placentaire, la paroi utérine en cas de solution de continuité.
Le syndrome d'embolie amniotique associe une défaillance Pour les accidents cardiorespiratoires, plusieurs hypo-
cardiorespiratoire, parfois des signes neurologiques, une thèses ont été proposées :
hémorragie par afibrinogénémie. ■ l'hypertension artérielle par obstruction plus ou moins
Le tableau typique débute avec une cyanose, associée complète des capillaires pulmonaires par le liquide
à une dyspnée à type de tachypnée, parfois précédée d'un amniotique et la formation de plusieurs micro-thrombus
« intense » mauvais goût dans la bouche ; ce signe pouvant dans le lit pulmonaire, sous l'effet des thromboplastines
traduire l'irruption du liquide amniotique dans la circulation amniotiques ;
maternelle. Une toux sèche, ou ramenant une fine expecto- ■ l'action d'une substance vasoactive, l'endothéline d'ori-
ration, peut se surajouter. Il peut être utile de rechercher des gine amniotique – un phénomène anaphylactique à la
cellules amniotiques à ce niveau. L'auscultation pulmonaire suite d'une sensibilisation par passage répété de petites
peut être normale, ou trouver des râles fins, diffus, évoquant quantités successives de liquide amniotique.
l'œdème pulmonaire. L'examen trouve également des signes Les troubles de la coagulation sont essentiellement repré-
de cœur pulmonaire aigu, avec turgescence des jugulaires, sentés par une coagulation intravasculaire disséminée,
et signes électrocardiographiques d'hypertrophie ventricu- déclenchée par une thromboplastine amniotique. De plus,
laire droite [12]. Un collapsus cardiovasculaire complète la la lyse des plaquettes libère une thromboplastine endogène.
scène clinique, et l'étude des gaz du sang artériel montre La fibrinolyse, induite par un activateur du plasminogène
une hypoxie avec souvent acidose métabolique. Dans les cas qui est transformé en plasmine, aboutit à la destruction de
graves, des signes d'irritation cérébrale avec mouvements la fibrine. CIVD et fibrinolyse éventuelle entraînent une afi-
convulsifs, hypertonie musculaire, apparaissent (15 % des brinogénémie, responsable d'accidents hémorragiques.
cas) [30].

Coagulopathie Conduite à tenir


Après cette phase aiguë se constitue, dans un délai de Il s'agit du traitement d'urgence d'une défaillance cardiocir-
30 minutes à neuf heures, dans plus de la moitié des cas, une culatoire précédée ou non de convulsions ou d'un coma, et
coagulopathie qui s'extériorise par une hémorragie d'ori- suivie souvent rapidement d'une coagulopathie grave.
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir    285

Gestes de réanimation Conduite obstétricale


Il faut d'emblée : Elle pose moins de problèmes. Souvent l'enfant est mort in
■ assurer la liberté des voies aériennes, ventiler au masque utero ; il n'y a qu'à attendre l'expulsion spontanée, d'autant
en oxygène pur, puis rapidement réaliser une intubation que le travail souvent se déclenche et s'effectue rapidement. Si
trachéale et mettre en route la ventilation mécanique ; l'enfant est vivant, il doit être extrait rapidement. L'extraction
■ monitorer le rythme cardiaque, la pression artérielle, la fœtale facilitera par ailleurs la restauration hémodynamique
saturation en oxygène (SpO2) et en gaz carbonique expiré maternelle par la suppression de l'unité fœtoplacentaire, qui
dès que la patiente est ventilée ; détourne une partie du débit cardiaque à son profit, et par la
■ mettre en place un abord veineux supplémentaire de gros levée du syndrome de compression aortocave.
calibre pour le remplissage vasculaire et poser une voie Une fois la phase aiguë passée, il est nécessaire de sur-
veineuse centrale pour la mesure de la pression veineuse veiller l'état pulmonaire et surtout la fonction rénale des
si la situation le permet ; patientes, et de poursuivre l'héparinothérapie pour prévenir
■ prélever un bilan biologique que l'on réalisera dès que le risque de thrombose secondaire [26].
possible en fonction des priorités de l'urgence : iono-
gramme sanguin, numération formule sanguine, gazo-
métrie artérielle, bilan de coagulation (temps de Quick
Diagnostic cytologique et histologique
et temps de céphaline activé), avec en particulier les Étant donné la gravité de cette urgence et le « branle-bas
dosages des cofacteurs du complexe prothrombinique (II, de combat » que doit provoquer l'évocation du diagnos-
V, VII + X), des produits de dégradation de la fibrine, des tic, il n'est pas question bien sûr d'attendre le diagnostic
D-dimères et la recherche de complexes solubles ; histologique. On peut cependant rechercher des cellules
■ traiter le collapsus en assurant le remplissage vascu- épithéliales, colorées par le bleu de Nil, au niveau du sang
laire par cristalloïdes, voire colloïdes. Compte tenu de prélevé dans le cœur droit lors de la mise en place d'une voie
la défaillance cardiaque droite et gauche, ce remplissage veineuse centrale, ou dans le liquide d'aspiration pulmo-
doit rester prudent et être contrôlé. De plus, une hémo- naire, mais des cellules squameuses sont souvent retrouvées
dilution trop marquée pourra aggraver les troubles de la dans la circulation maternelle lors de grossesses normales,
coagulation liés à la CIVD ; et même chez des patientes non enceintes. La présence de
■ corriger l'anémie aiguë et la coagulopathie par des concen- débris squameux dans la circulation pulmonaire n'est donc
trés de globules rouges et des PFC dans un rapport de un pas spécifique. On a proposé la recherche de dérivés de la
pour un, du fibrinogène et des concentrés plaquettaires [7]. mucine du méconium et du liquide amniotique. C'est une
glycoprotéine qui est reconnue par l'anticorps monoclonal
Médicaments cardio- et vasoactifs TK-H2 par une technique immuno-histo-chimique. Il s'agi-
La place des médicaments cardio- et vasoactifs, en particu- rait d'une méthode de détection sensible [13,17], mais diffi-
lier des catécholamines, est grande. Le choix de la meilleure cile à pratiquer en urgence.
drogue, ou de la meilleure association, et la précocité de sa Les dosages d'endothéline I dans la vascularisation pul-
mise en place sont des éléments essentiels du traitement monaire des patientes suspectes d'avoir fait une embolie
d'urgence. amniotique est une voie de recherche actuelle [14]. Il serait
Dans un contexte de prise en charge initiale : en effet très important, sur le plan médicolégal, d'avoir
L'adrénaline est le médicament de base du traitement en un marqueur diagnostique fiable. Si malheureusement la
cas d'arrêt cardiaque. Utilisée en bolus de 1 à 5 mg, renou- patiente décède, il faut prélever du sang par ponction intra-
velables en fonction de l'évolution, elle est associée bien cardiaque et du liquide de lavage bronchopulmonaire pour
entendu au massage cardiaque externe ininterrompu. la recherche de cellules du liquide amniotique et dosage
La noradrénaline est la drogue de choix pour le traite- sanguin de la tryptase. Il est souhaitable de demander une
ment de l'hypotension artérielle sévère. Elle est utilisée à des autopsie et de prélever des fragments tissulaires du poumon,
posologies de 0,5 à 10 μg/kg/min [12]. du rein et du cerveau [28].
Étant donné la gravité pour la mère et l'enfant de cette
Traitement de la coagulopathie pathologie, qui peut se produire aussi après une amnio-
centèse ou un amniodrainage,[20] il serait utile d'avoir en
Le plasma frais congelé apporte les facteurs de coagulation
France un registre des embolies amniotiques, comme il en
consommés.
existe un au Royaume-Uni ou aux États-Unis, afin d'avancer
On prescrira du fibrinogène, en cas de diminution impor-
dans le diagnostic et la prise en charge de ces patientes.
tante et de toute façon si sa concentration plasmatique devient
inférieure à 1 g/l. De même, des concentrés de plaquettes
seront transfusés si la thrombopénie est inférieure à 80 × 109/l Choc septique
associée à des manifestations hémorragiques diffuses [6].
On associera si besoin des antifibrinolytiques comme Pourquoi ?
l'acide tranxénamique (Exacyl®), voire du facteur VII activé Le choc septique est défini comme un état d'insuffisance
recombinant (Novoseven®). circulatoire aiguë secondaire à la réponse inflammatoire
systémique de l'hôte à une infection grave. Il associe une
Traitement obstétrical vasodilatation, une diminution de la fonction systolique
La mortalité fœtale est de 50 %. Pour les autres cas, une césa- ventriculaire et une altération de la répartition du débit car-
rienne en extrême urgence s'impose. diaque à l'origine d'une dysfonction d'organes.
286   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Les germes en cause peuvent être les bacilles à Gram Le traitement est mis en œuvre immédiatement et repose
négatif : Escherichia coli, Pseudomonas, Klebsiella, Proteus, sur trois volets :
mais aussi les cocci à Gram positif : staphylocoque, strepto- ■ le traitement du choc et de ses complications ;
coque, Clostridium perfringens ou des levures [4]. ■ le traitement anti-infectieux ;
En début de travail, la principale cause de choc septique ■ le traitement du point de départ de l'infection.
est l'infection amniotique.
Traitement symptomatique du choc
Diagnostic et de ses complications
Signes cliniques Il s'agit des premières mesures immédiates.
Le transfert en réanimation s'impose une fois prise la
Des frissons sont souvent les premiers signes traduisant la
décision du traitement obstétrical car la gravité du tableau
bactériémie ou la libération de toxines dans la circulation.
clinique pourra faire appel pour le traitement à des tech-
Surviennent ensuite :
niques lourdes de ventilation ou de surveillance hémodyna-
■ une température supérieure à 38 °C ou inférieure à 36 °C ;
miques qui n'ont pas à être développées ici.
■ une hypotension par vasodilatation et une tachycardie
Dès le début il faut assurer :
réactionnelle ;
■ l'oxygénation de la patiente, au masque en oxygène pur ;
■ une polypnée.
Si l'hypovolémie a été corrigée, la patiente a les extrémités ■ la restauration d'un volume circulant adéquat par les
solutions suivantes.
chaudes, sèches, bien perfusées, et le pouls est habituelle-
ment bondissant ; dans le cas inverse ou en cas d'aggrava-
tion, les extrémités sont marbrées, le pouls filant et les ongles Sang
cyanosés [21]. Il semble souhaitable chez ces patientes de maintenir l'hé-
Les autres signes vont traduire l'hypoperfusion viscérale moglobine au-dessus de 10 g/l et l'hématocrite aux alentours
diffuse : des modifications de l'humeur, de la conscience ou de 30 %. Une transfusion de concentrés de globules rouges
une confusion sont souvent d'apparition précoce ; une oligu- pourra donc si besoin être prescrite dans le respect des
rie est rapidement constatée. règles propres à la femme enceinte.
En fait, les tableaux inauguraux peuvent être variés parfois Le plasma frais n'a pas d'indication sauf en présence de
d'emblée gravissimes avec défaillance cardiaque précoce [8]. troubles graves de la coagulation, rares au début.

Solutés de remplissage
Signes obstétricaux Les cristalloïdes, sérum physiologique et soluté de Ringer,
En début de travail, la principale cause du choc septique est ont un pouvoir d'expansion modéré et leur demi-vie courte
l'infection amniotique, compliquant souvent une rupture n'en font pas les produits de première intention dans ce
prématurée des membranes. L'utérus est sensible, souvent cadre. Toutefois, si le remplissage doit se poursuivre, ils per-
hypertonique. L'enregistrement du rythme cardiaque fœtal mettent une réanimation efficace.
montre une tachycardie fœtale, souvent associée à des signes Les colloïdes sont à éviter lors de la réanimation des
de souffrance. patients en choc septique [24].
Les manifestations hémorragiques se produisent en géné- La simple expansion du volume circulant constitue le
ral dans un second temps lors de l'évacuation utérine. meilleur traitement. Son efficacité est d'autant plus rapide
qu'il est assuré plus tôt. Le débit cardiaque augmente et les
Conduite à tenir [8] signes de choc s'amendent. Mais la réplétion vasculaire ne
doit pas être excessive car le risque d'œdème aigu du pou-
Dès les premières manifestations, il faut mettre en condition mon est réel.
la patiente : L'expansion volémique doit être considérée comme suffi-
■ surveillance continue du rythme cardiaque, de la pres- sante si les signes de choc ont disparu, ou bien s'ils persistent,
sion artérielle et de la saturation en oxygène (SpO2) ; lorsque la pression veineuse centrale s'élève au-dessus de
■ abord veineux pour le traitement immédiat et pour la 15 cm d'eau, témoignant d'une incompétence myocardique
réalisation d'examens biologiques : ionogramme sanguin latente et nécessitant le recours aux drogues inotropes [9].
(pour évaluer la fonction rénale, l'équilibre acidobasique),
dosage des lactates (qui vont traduire la souffrance tissu-
laire), bilan hépatique, numération formule sanguine et Médicaments cardio- et vasoactifs
plaquettaire et bilan de coagulation ; Ils doivent être utilisés lorsque le remplissage est insuf-
■ gazométrie artérielle pour mesurer le retentissement pul- fisant à corriger à lui seul les signes de choc, s'il persiste
monaire dès le début du choc ; une hypotension. Cela résultera soit d'une vasodilatation
■ pose d'une voie veineuse centrale si nécessaire, notam- intense nécessitant le recours à des agents vasoconstricteurs
ment en cas de nécessité d'utilisation de noradrénaline ; α-agonistes, soit d'une défaillance cardiaque imposant l'uti-
■ sondage vésical à demeure. lisation d'agents β-agonistes, souvent des deux mécanismes
Dans le même temps, on réalise des prélèvements bacté- associés. La pression artérielle systolique sera maintenue
riologiques : hémocultures aéro- et anaérobies, ECBU, pré- voisine de 90 mmHg et la pression moyenne de 70 mmHg,
lèvements locaux avec demande d'examens directs. en l'absence de pathologie préexistante. L'obtention par les
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir    287

médicaments vasoactifs d'une pression artérielle plus élevée Impact hémodynamique


va augmenter inutilement le travail cardiaque et comporte
donc un risque.
de l'anesthésie locorégionale
Outre un accident anaphylactique que nous avons déjà évo-
Noradrénaline (Levophed®) qué, des complications graves secondaires à la réalisation
Lors de la prise en charge initiale du choc septique, elle d'une anesthésie locorégionale peuvent survenir.
est la seule drogue vasoactive formellement indiquée. Elle Pour ce qui est de l'anaphylaxie, il faut savoir que les
agit sur les récepteurs α1, entraînant une vasoconstriction allergies aux anesthésiques locaux de type amide, dont font
intense dose-dépendante qui montre une efficacité bien plus partie les produits utilisés en obstétrique (lidocaïne, bupi-
fréquente que la dopamine pour restaurer la pression arté- vacaïne, ropivacaïne), sont exceptionnelles. Ce ne sera donc
rielle. Si cette vasoconstriction concerne tous les systèmes jamais le diagnostic évoqué en première intention.
artériels, y compris la vascularisation rénale, hépatique et Il s'agit essentiellement, en salle de naissance, des compli-
splanchnique, aucun effet délétère sur leur perfusion n'a été cations de l'anesthésie péridurale qui doivent toujours être
mis en évidence dans le choc septique sous réserve d'une envisagées lors de la survenue d'un accident brutal.
correction satisfaisante et précoce de toute hypovolémie. Le seul fait du blocage sympathique dans le territoire
Elle est ainsi l'amine vasopressive de choix dans le traite- anesthésié entraîne par vasodilatation une hypotension arté-
ment du choc septique à des posologies de 0,05 à 1 μg/kg/ rielle et une diminution du retour veineux. Si ce territoire est
min pour restaurer une PAM satisfaisante. important, on peut aboutir par baisse du débit cardiaque à
Des associations à d'autres catécholamines pourront un collapsus cardiovasculaire. Il y a souvent dans ces mani-
éventuellement être secondairement proposées en fonction festations une intrication avec le syndrome de compression
des éléments recueillis par le monitoring hémodynamique aortocave dont nous avons déjà parlé, les deux phénomènes
en réanimation (adjonction d'adrénaline par exemple). ayant une action cumulative. Le traitement jouera sur les
deux aspects : décubitus latéral gauche plus surélévation
Traitements associés des membres inférieurs et remplissage vasculaire rapide par
En cas de coagulopathie associée, on prescrira du plasma solution de Ringer® ou hydro-éthyl-amidon (Voluven®, etc.)
frais pour apporter les facteurs de coagulation. et administration de vasoconstricteur comme l'éphédrine
Les corticostéroïdes n'ont pas fait la preuve de leur effica- (bolus de 3 à 6 mg répétés si besoin) ou la phényléphrine
cité dans ce cadre. (300 μg dans 500 ml de Ringer Lactate®, intraveineux lent)
jusqu'à disparition des signes.
Antibiothérapie Une anesthésie péridurale étendue par injection exces-
Devant l'urgence liée à la gravité et en l'absence de germe sive d'anesthésique local ou par malposition du cathéter
identifié, il convient, après la réalisation de tous les prélève- qui peut se trouver dans l'espace sous-dural, une rachianes-
ments, de débuter un traitement antibiotique. thésie totale, forme majeure de ces accidents avec injection
Le choix initial sera fonction du contexte clinique, de intrathécale, directement dans le LCS, d'une grande quantité
l'existence ou non d'un foyer infectieux (rupture prématurée d'anesthésique local peuvent survenir. Outre le collapsus
des membranes, pyélonéphrite, thrombophlébite sur cathé- avec bradycardie, ces complications entraînent au moins une
ter, etc.) et d'une hospitalisation préalable. dépression respiratoire, voire un arrêt respiratoire deman-
En l'absence d'orientation diagnostique, le traitement devra dant une ventilation assistée en urgence, d'abord manuelle
être efficace au minimum sur les bacilles à Gram négatif et l'on au masque et dès que possible par intubation endotrachéale.
mettra en route une bithérapie associant une céphalosporine Ces manifestations sont en principe précoces par rapport à
de troisième génération telle que le céfotaxime (Claforan®) ou la réalisation du geste [10].
la ceftriaxone (Rocéphine®) et un aminoside tel que la gen- L'injection intravasculaire directe (ou la résorption
tamicine 3 à 8 mg/kg/24 heures. La crainte d'une infection à sanguine rapide ou cumulative) d'anesthésique local peut
germes anaérobies fera ajouter un imidazolé : le métronidazole entraîner plusieurs troubles :
(Flagyl®). En cas d'allergie à la pénicilline, on pourra débuter ■ des troubles neurologiques (convulsions souvent précé-
le traitement par la clindamycine (Dalacine®), traitement qui dées de prodromes) : céphalées, confusion ou somno-
sera adapté en fonction des résultats bactériologiques [18]. lence, goût métallique, engourdissement des lèvres, de la
langue, troubles de l'accommodation, diplopie, etc. Les
Conduite obstétricale premiers signes objectifs consistent en frissons, secousses
L'infection amniotique est la principale cause de choc sep- musculaires ou trémulations affectant d'abord le visage et
tique en début de travail. Souvent, le travail s'est mis en la partie distale des membres, nystagmus, empâtement de
route spontanément, et l'idéal est d'obtenir un accouche- la voix, etc. Leur durée est variable selon l'anesthésique
ment rapide par voie basse. local utilisé. La crise convulsive généralisée peut surve-
En cas de dystocie, la césarienne doit être pratiquée sans nir très rapidement après. Attention, l'hypercapnie favo-
tarder. rise l'apparition des phénomènes convulsifs. Pendant la
Il faut alors surveiller particulièrement les bilans d'hé- crise, la fonction respiratoire est compromise ; des régur-
mostase au cours du travail et redouter une hémorragie gitations avec inhalation de liquide gastrique peuvent
lors de la délivrance par coagulopathie (voir Chapitre 26, se produire. Une dépression respiratoire peut persis-
"Pathologie de l'hémostase"). ter secondairement. La marge de sécurité entre doses
288   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

t­ hérapeutiques et doses toxiques est très faible, ce qui L'option de la thrombectomie chirurgicale peut être discu-
rend ces accidents relativement fréquents (1 pour 1 000 tée devant une embolie pulmonaire grave dans ce contexte.
toutes anesthésies confondues) ;
■ des troubles cardiaques avec diminution de la force Cardiopathies
contractile, troubles de conduction à type de bloc auri-
culoventriculaire (allongement de l'intervalle PR) ou L'augmentation du travail cardiaque pendant l'accouche-
intraventriculaire (élargissement du QRS) et rapide- ment peut être à l'origine d'une décompensation brutale s'il
ment de sévères troubles du rythme ventriculaire. Les existe une altération de la fonction cardiaque.
anesthésiques locaux ont des effets antiarythmiques Toutes les cardiopathies préexistantes à la grossesse,
connus utilisés, comme cela est le cas pour la lidocaïne, congénitales ou acquises, déjà connues et expertisées, feront
en thérapeutique. Mais là aussi, l'index de sécurité est l'objet pour l'accouchement d'une prise en charge multidis-
faible. Les accidents cardiaques apparaissent en prin- ciplinaire organisée.
cipe à des concentrations sériques supérieures à celles La myocardiopathie du péripartum : d'incidence rare
qui entraînent des accidents neurologiques, sauf pour la et d'étiopathogénie précise inconnue, s'il s'agit d'une myo-
bupivacaïne (Marcaïne®) largement utilisée en anesthésie cardiopathie acquise pendant le dernier mois de la gros-
locorégionale, en obstétrique, et qui est l'un des produits sesse et le premier semestre du post-partum. C'est en fait
les plus toxiques. La prévention est essentielle par l'utilisa- un diagnostic d'élimination d'autres causes possibles de
tion de concentrations faibles, une technique rigoureuse : cardiopathies.
c'est le rôle de l'anesthésiste. Cela justifie la surveillance Elle se présente cliniquement comme un choc cardiogé-
cardiaque continue des parturientes sous anesthésie péri- nique avec dyspnée d'apparition brutale, orthopnée, et des
durale. La réglementation impose d'ailleurs, en salle de signes cliniques d'œdème pulmonaires. L'échographie car-
naissance, un équipement de surveillance identique à diaque confirme le diagnostic.
celui d'un bloc opératoire. En cas d'accident, immédiat La prise en charge initiale fait intervenir l'oxygénation,
ou secondaire, c'est le traitement d'urgence d'un arrêt les diurétiques de l'anse tels que le furosémide et les ino-
cardiorespiratoire qui est mis en jeu avec intubation et tropes de type dobutamine.
ventilation en oxygène pur et massage cardiaque externe La sévérité du tableau imposera le transfert en réanima-
efficace et prolongé. L'utilisation d'adrénaline, bien que tion pour une surveillance hémodynamique continue et, si
nécessaire, reste dans ce cas modérée pour ne pas ren- besoin, une ventilation artificielle.
forcer le bloc de conduction. En revanche, on met en
route dès que possible le protocole de traitement par les
solutions lipidiques dont les publications récentes ont Conséquences fœtales du choc
montré l'efficacité dans cette indication avec un bolus ini-
tial de 3 ml/kg d'intralipides à 20%. Un « kit » de prise en Si l'état de choc est grave pour l'organisme maternel, il
charge des accidents toxiques aux anesthésiques locaux entraîne souvent des signes de souffrance fœtale.
comportant la fiche thérapeutique et la solution lipidique Le fœtus, au cours d'un état de choc maternel, souffre
doit être rapidement disponible dans tous les lieux où l'on surtout par la diminution de la perfusion utéroplacentaire.
pratique l'anesthésie locorégionale [19] Les résistances du fœtus à cette diminution d'échanges
placentaires sont limitées. L'hypoxie entraîne une augmen-
tation du débit du canal artériel pour maintenir un débit
Choc cardiogénique [27] cardiaque et une pression artérielle suffisante, malgré une
diminution de la fréquence cardiaque. Une augmentation
Embolie pulmonaire fibrinocruorique du diamètre du foramen ovale permet alors un remplissage
Si elle est la première cause de mortalité obstétricale directe, correct du cœur gauche.
elle est rare en début de travail. La symptomatologie n'est Par ailleurs, l'hémoglobine fœtale présente une courbe de
pas différente de celle observée hors de la grossesse. dissociation oxyhémoglobinique déviée vers la gauche, par
Une embolie pulmonaire massive peut se manifester par rapport à l'hémoglobine adulte, ce qui permet au fœtus de
l'installation soudaine d'un état de choc avec tachycardie, fixer plus facilement l'oxygène maternel.
dyspnée, tachypnée. Une syncope peut être inaugurale. Les L'hypercapnie entraîne une vasodilatation cérébrale au
signes d'insuffisance ventriculaire droite sont au premier profit d'une réduction de la vascularisation des territoires
plan. Outre le traitement du choc qui nécessite l'apport périphériques, ce qui permet une circulation préférentielle
d'oxygène au masque et un remplissage vasculaire sous sur- pour l'encéphale.
veillance hémodynamique constante et l'apport d'inotropes Cependant, si les perturbations hémodynamiques mater-
de type dobutamine 5 à 15 μg/kg/min, le traitement spéci- nelles ne sont pas rapidement corrigées, la souffrance fœtale
fique repose sur l'héparinothérapie intraveineuse continue s'accentue avec apparition d'une acidose et la mort du
qui doit être débutée sans délai : dose de charge 5 000 UI fœtus. Dans certaines conditions, une autre agression peut
et administration à la seringue automatique de 15 à 20 UI/ atteindre le fœtus : l'anémie, en cas de décollement placen-
kg/heure. Le TCA sera maintenu entre deux et trois fois le taire, l'infection, en cas de septicémie maternelle.
témoin. Il importe donc de surveiller étroitement la vitalité fœtale
L'utilisation de thrombolytique pendant la grossesse est et, en cas de souffrance fœtale, d'intervenir dès que l'état
contre-indiquée en raison du risque hémorragique élevé. maternel le permet pour sauver l'enfant.
Chapitre 24. Un état de choc en début de travail : conduite à tenir    289

Conclusion [12] Gueugniaud PY, Macabeo C, Ruiz J, Zeghari M. In : Catécholamines


dans les états de choc. Paris : Elsevier, SFAR ; 2001. p. 49–60 Médecine
Tout état de choc chez la femme enceinte peut revêtir une d'urgence.
gravité extrême tant pour la mère que pour l'enfant. [13] Hidekazu OI, Kobayashi H, Hirashima Y, et al. Serological and
Il importe de mettre en œuvre un bilan soigneux pour immunohistochemical diagnosis of amniotic fluid embolism. Semin
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Obstétriciens et réanimateurs doivent conjuguer leurs [17] Kobayashi H, Ooi H, Hayakawa H, et al. Histological diagnosis of
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Chapitre
25
Menace d'accouchement
prématuré : conduite à tenir
P. Gillard, P. Descamps, L. Sentilhes

PLAN DU CHAPITRE
Pourquoi la prématurité ? . . . . . . . . . . . . . . . . 291 Accouchement du prématuré . . . . . . . . . . . . . 302
Conséquences de la prématurité . . . . . . . . . . . 293 Prise en charge néonatale . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Diagnostic de menace d'accouchement Conduite à tenir après l'accouchement . . . . . . 304
prématuré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296 D'où pourraient venir les progrès ? . . . . . . . . . 304

des grossesses tardives chez des femmes âgées de plus de 35


OBJECTIFS ans [9]. Il était de 6,6 % en 2010.[27]
L'interne ou la sage-femme doivent être capables ; La fréquence de la menace d'accouchement prématuré
• de définir une menace d'accouchement prématuré ; reste en revanche élevée (9 % des grossesses) et sans doute
• d'énumérer les différents facteurs favorisant une menace surestimée.
d'accouchement prématuré ; La prématurité est surtout responsable de 75 à 90 % de
• d'énumérer les examens cliniques et paracliniques l'ensemble des décès néonataux hors malformation, et de 50 %
à mettre en œuvre pour confirmer une menace des handicaps neurologiques. Il faut donc en connaître les
d'accouchement prématuré ; facteurs de risque pour les dépister et si possible les traiter.
• d'énumérer les agents tocolytiques disponibles,
d'expliquer leur mécanisme d'action, leurs effets Pourquoi la prématurité ?
bénéfiques et leurs dangers, et de les intégrer dans un
plan de traitement ; Prématurité par décision médicale
• de discuter les modalités d'accouchement du prématuré Vingt à 25 % des accouchements prématurés se font par
en fonction du terme et de la présentation. décision médicale, liée à une pathologie fœtale, maternelle
ou fœtomaternelle. Il s'agit en général de femmes bien sui-
vies. L'accouchement se fait le plus souvent par césarienne.
Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé, La décision est prise en fonction de la gravité de l'affection et
on appelle accouchement prématuré toute naissance se pro- du risque pour l'enfant à naître, en accord avec les néonato-
duisant entre 22 et 37 semaines d'aménorrhée (SA) révolues logues, et après avoir éliminé une malformation fœtale non
d'un enfant respirant ou manifestant tout signe de vie et de compatible avec la vie ou une anomalie chromosomique. En
plus de 500 g. dessous de 27 SA, la décision relève du cas par cas en concer-
La fréquence de l'accouchement prématuré pour les gros- tation avec les néonatologues et les parents. Depuis 1997 et
sesses uniques est passée en France de 8,2 % en 1972 à 5,5 % les résultats de la première étude EPIPAGE, la proportion
en 2010 ; 1,2 % de ces accouchements se font entre 28 et 32 des enfants ayant survécu sans morbidité sévère a augmenté
SA, définissant la grande prématurité, et 0,7 % au-dessous de 14 % chez les prématurés nés entre la 25e et la 29e semaine
de 28 SA [9]. Calculé sur les seules naissances vivantes, le d'aménorrhée, et de 6 % pour les enfants nés entre la 30e et la
taux de naissances prématurées qui avait régulièrement 31e semaine. Par ailleurs, 59 % des enfants nés à 25 semaines
baissé en France de 1971 à 1989 a tendance à augmen- d'aménorrhée et 75 % de ceux nés à 26 semaines d'aménor-
ter depuis le début des années 1990. Il est passé de 6,8 % rhée ont survécu tandis que les proportions des survivants
en 1998 à 7,2 % en 2003 en raison de l'augmentation des sans pathologie néonatale grave étaient respectivement de
grossesses multiples liées au développement des techniques 30 et 48 %. Pour les enfants de 24 SA, la survie totale est
d'assistance médicale à la procréation et de l'augmentation de 31 % dont 12 % sans séquelles graves [4]. Au sein des

Pratique de l'accouchement
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292   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

équipes prenant en charge l'extrême prématurité, ces chiffres Bien que souvent asymptomatiques, ces infections aug-
doivent être pris en considération [4]. mentent de façon significative le risque d'accouchement
prématuré [2,3].
Accouchement prématuré spontané Causes utérines
Il représente 80 % des accouchements prématurés. Les Elles sont constituées par les malformations congénitales,
causes sont maternelles ou fœtales (tableau 25.1). les anomalies acquises (prise de Distilbène®, fibrome, cica-
trice utérine) et la béance cervico-isthmique (anatomique
Causes maternelles ou fonctionnelle).
De manière générale, toute pathologie maternelle aggrave le
Facteurs favorisants
risque de prématurité ; nous retiendrons surtout les facteurs
Ils sont liés à l'âge (< 18 ou > 35 ans), aux conditions socio-
suivants.
économiques et à la multiparité, à l'origine ethnique (plus
fréquent chez les Noirs), à la faible prise de poids, à la prise
Pathologie infectieuse
de drogues. Ces facteurs sont rapportés dans le tableau 25.1.
La présence d'une chorioamniotite a été retrouvée dans 20
Insistons sur le gros coefficient de risque de récidive que
à 75 % des accouchements prématurés. L'infection peut
représente à lui seul l'antécédent d'accouchement prématuré.
se produire par voie ascendante à partir de la flore vagi-
nale, par voie hématogène, transplacentaire ou iatrogène Causes ovulaires
(amniocentèse).
Il y a donc un risque d'accouchement prématuré en cas : Elles concernent à la fois le fœtus et les annexes, qu'il
■ d'infection maternelle systémique ; s'agisse de grossesses multiples (10 à 20 % des menaces
■ d'infection urinaire haute ou basse ; d'accouchement prématuré), de malformations, de retards
■ d'infection cervicovaginale ; les germes en cause peuvent de croissance, de placenta praevia (10 % des menaces
être le streptocoque B, le gonocoque, le Chlamydia, le d'accouchement prématuré), d'hématome rétroplacentaire
Trichomonas et la vaginose bactérienne liée à la proliféra- ou d'hydramnios. Les techniques d'assistance médicale à la
tion de germes anaérobies. procréation sont actuellement responsables de 7 % des nais-
sances très prématurées [44].

Causes physiopathologiques
Tableau 25.1. Causes de l'accouchement prématuré. L'activation physiologique du travail avant terme répond à
une cascade de réactions encore mal connues dans l'espèce
Décision médicale Accouchement prématuré spontané
(20 % des cas) humaine. Elle fait intervenir l'axe hypothalamo-hypophyso-
Causes maternelles Causes ovulaires surrénalien fœtal en tant qu'initiateur, ainsi que l'unité
– Hypertension Générales Foetales fœtoplacentaire (voir figure 1.8, p. 19. La figure 25.1 indique
artérielle – Infections : – Grossesses
– Retard de grippe, rubéole, multiples (10 à 20 %
croissance cytomégalovirus, des menaces
– Allo-immunisation toxoplasmose, d'accouchement
– Diabète listériose, prématuré)
– Placenta praevia salmonellose – Malformations
hémorragique – Infections – Retard de
– Hématome urinaires +++ croissance
rétroplacentaire – Ictère Annexielles
– Souffrance fœtale – Dysgravidie – Placenta praevia
– Anémie (10 % des menaces
– Diabète d'accouchement
Locorégionales prématuré)
– Malformations – Insuffisance
– Fibromes placentaire
– Béances – Hydramnios
– Infections cervicales
Facteurs favorisants
– Âge : < 18 ans,
> 35 ans
– Tabagisme
– Conditions
socioéconomiques
basses
– Multiparité
– Origine ethnique
– Faible prise
de poids
– Consommation
de drogues
Fig. 25.1. Physiopathogénie du travail prématuré.
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    293

comment le stress maternel ou fœtal, ou l'insuffisance pla-


centaire, peuvent déclencher un travail prématuré [8].
Par ailleurs, de nombreuses substances sont impli-
quées dans le mécanisme de la contraction utérine et
permettent de comprendre les modalités thérapeutiques
(figure 25.2).

Conséquences de la prématurité
Les accouchements entre 34 et 37 semaines posent peu de
problèmes. Ce sont les accouchements avant 34 semaines
qui sont problématiques, et ce d'autant plus que le terme est
plus précoce.
L'immaturité pulmonaire, digestive, hépatique et immu-
nologique (figure 25.3) va entraîner une mortalité et une
morbidité fœtale importante. L'ensemble des enfants de
petit poids de naissance (< 2 500 g, soit environ 34 semaines)
ne représente que 2 à 5 % de la population des nouveau-
nés mais fournissent 75 % de la mortalité périnatale et des
séquelles neuropsychiques.
On retrouve dans la figure 25.4 le pronostic en fonction
du terme et du poids. Un éventuel retard de croissance intra-
utérin aggrave le pronostic. Le poids minimal à prendre en
charge varie selon les auteurs et le niveau technologique des
centres de néonatologie : il se situe entre 500 g (25 semaines)
et 1 000 g (28 semaines). Chaque jour gagné apporte 2 % de
survie en plus à ces termes. C'est pourquoi la prévention de
Fig. 25.2. Mode d'action des tocolytiques habituels [25]. la prématurité est indispensable.

Fig. 25.3. Conséquences de la prématurité.


294   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

L'enregistrement des contractions utérines (bien que


Mortinatalité
90 sa valeur prédictive soit faible) fait partie, avec le toucher
80 vaginal et l'échographie du col, de l'évaluation d'une menace
70 d'accouchement prématuré. Il permettra notamment d'ob-
60
jectiver l'efficacité de la tocolyse et d'adapter celle-ci. Il n'y
50
a pas, en revanche, d'indication à réaliser un dépistage sys-
%

40
30 tématique des contractions utérines par des enregistrements
20 réguliers de celles-ci, notamment à domicile [42].
10
0
22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 Modifications du col
Semaines d’aménorrhées
En situation de menace d'accouchement prématuré, les
Fig. 25.4. Mortinatalité des enfants nés entre 22 et 32 semaines
modifications du col sont malgré tout un élément d'appré-
d'âge gestationnel en 1997 dans la cohorte EPIPAGE [15]. ciation, surtout s'il s'agit d'une menace sévère. Témoins
d'une distension passive de la région isthmique, ces modifi-
cations débutent vers la 24e–25e semaine.
Elle implique : On remarque au toucher vaginal :
■ une amélioration du suivi médical des grossesses, en par- ■ une formation précoce du segment inférieur ;
ticulier dans les populations défavorisées ; ■ une présentation qui appuie sur le col ;
■ une meilleure maîtrise des techniques de procréation ■ un col court centré mou, qui tend à s'ouvrir.
médicalement assistée qui représentent 1 % des nais- La pratique systématique, en consultation, du toucher
sances mais 7 % des naissances très prématurées ; vaginal dans le but de dépister la menace d'accouchement
■ une amélioration du dépistage, de la prévention et du prématuré n'a cependant aucun intérêt [11].
traitement des infections maternelles ou maternofœ- En pratique, le toucher vaginal sera donc réservé aux
tales, notamment les infections urinaires et les infections patientes ayant des contractions utérines dont les mem-
cervicovaginales, causes de ruptures prématurées des branes sont intactes. Il sera associé à l'évaluation par
membranes ; enregistrement des contractions utérines et à l'échogra-
■ une amélioration du diagnostic et du traitement des phie du col.
menaces d'accouchement prématuré.
La prise en charge de ces grossesses n'est concevable que
dans le cadre d'un réseau périnatal permettant l'accouche- Marqueurs biochimiques
ment, s'il est prématuré, dans une maternité dotée d'une Fibronectine
unité de néonatologie (maternité de type II ou III).
La fibronectine est une glycoprotéine localisée dans le
plasma et la matrice extracellulaire. La fibronectine fœtale
est synthétisée par le trophoblaste au niveau de l'interface
Diagnostic de menace maternofœtale puis diffuse à travers les membranes vers le
d'accouchement prématuré liquide amniotique. Elle permet la cohésion entre le chorion
et la caduque. C'est donc une protéine d'ancrage, véritable
Il suppose la datation précise du début de la grossesse (der- colle biologique localisée entre le chorion et la caduque. Elle
nières règles, rapport fécondant, échographie précoce). Il est rarement détectable (3 % des cas) entre la 21e et la 37e SA
repose sur les symptômes décrits ci-après [10]. chez les femmes asymptomatiques qui accoucheront à
terme. Sa présence avant terme dans les voies génitales peut
Rupture prématurée des membranes témoigner soit d'une rupture prématurée des membranes,
Liée à une modification cervicosegmentaire passée inaper- soit d'une séparation précoce de l'interface choriodéciduale
çue, elle est habituellement suivie d'un accouchement dans liée à des contractions utérines ou à une réaction inflamma-
des délais assez courts. Elle est un tournant dans la menace toire locale [26].
d'accouchement prématuré, car elle ouvre l'œuf et ajoute un Le prélèvement doit avoir lieu à membranes intactes, en
risque infectieux à la prématurité ; elle impose, dans un pre- présence d'une dilatation inférieure à 3 cm et entre 24 et
mier temps, l'hospitalisation [29]. 34 SA. Celui-ci est réalisé lors de l'examen au spéculum dans
le cul-de-sac postérieur à l'aide d'un coton-tige. Les rapports
sexuels, les métrorragies et les touchers vaginaux sont sus-
Contractions utérines ceptibles de modifier les résultats du test.
Si le dépistage du risque d'accouchement prématuré par une La principale utilité de la fibronectine fœtale repose sur
surveillance systématique des contractions utérines a peu sa très haute valeur prédictive négative chez les patientes
d'intérêt, l'évaluation de celles-ci chez une patiente qui pré- symptomatiques. Un test négatif assure à 96–99 % l'absence
sente une suspicion de menace d'accouchement prématuré d'accouchement dans les 14 jours qui suivent [25].
reste d'actualité. Régulières, ces contractions surviennent Cependant, sa valeur diagnostique ne semble pas être
au moins toutes les dix minutes, parfois fréquentes, parfois supérieure à celle de l'échographie du col [36]. Bien que
espacées, parfois douloureuses. Un facteur déclenchant peut sa valeur prédictive positive soit supérieure à d'autres
être retrouvé : voyage récent, déménagement, stress. moyens diagnostiques (toucher vaginal, monitoring, score
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    295

de risque), sa place dans l'algorithme décisionnel est encore canal cervical et l'orifice externe. Deux mesures doivent
mal définie. être réalisées et c'est la plus petite qui est prise en compte.
La mesure de l'orifice interne fermé à l'orifice externe est
Autres marqueurs réalisée. L'orifice interne du col est également mesuré, on
D'autres marqueurs (cytokines, corticotropin releasing peut évaluer sa largeur mais on préférera mentionner la
hormone [CHR], œstriol salivaire [Saltest®]) sont en cours présence d'une protrusion des membranes sans la chiffrer.
d'études et de validation. La mesure retenue sera celle de la longueur cervicale fermée
(figures 25.5 et 25.6).
Plus le col est court, plus le risque d'accouchement pré-
Échographie maturé augmente. En revanche, il n'existe pas de seuil au-
Échographie du col (figures 25.5 et 25.6) delà duquel le risque d'accouchement prématuré est quasi
nul [5]. Il est donc difficile de recommander un seuil uni-
L'avantage de l'échographie, par rapport au toucher vaginal,
versel, d'autant que chaque population doit être son propre
est sa meilleure reproductibilité inter- et intraobservateur.
témoin. Néanmoins, les seuils les plus discriminants se
L'échographie permet également de mesurer la portion
situent entre 20 et 30 mm et le seuil de 25 mm peut être uti-
supravaginale et la morphologie de l'orifice interne du col
lisé en pratique courante. Si le col est supérieur à 25 mm, la
utérin. La courbe d'apprentissage est rapide et l'examen est
menace n'est pas grave et la patiente ne sera pas hospitalisée,
peu invasif.
sauf rupture des membranes.
La technique de mesure est standardisée par voie vaginale,
la voie abdominale a été abandonnée et n'est pas validée.
L'utilisation de la sonde vaginale, même en cas de rupture Indications de l'échographie du col
des membranes, est autorisée et n'a pas montré d'augmenta- L'utilisation de l'échographie pour le dépistage et le dia-
tion du risque infectieux, contrairement au toucher vaginal. gnostic des menaces d'accouchement prématuré doit être
On réalise l'examen vessie vide. Après avoir posé la sonde recommandé aux patientes présentant des signes cliniques
sur le col, on repère en coupe sagittale l'orifice interne, le de menace ou des facteurs de risque [17].
Il n'y a pas d'indication à réaliser une échographie de
dépistage du risque d'accouchement prématuré par mesure
de la longueur du col dans une population à bas risque.
Cette pratique entraînerait une médicalisation et des hospi-
vessie talisations non justifiées dans une majorité de cas [17].
Dans le contexte de patientes avec antécédents d'accou-
A chement prématurés et de fausse couche tardive entre 14 et
22 SA, un col court inférieur à 25 mm avec ou sans contrac-
B tion est associé à une augmentation de fausse couche tardive
(NP2). La conduite à tenir sera vue ultérieurement (voir
C Chapitre 25).

fœtus Échographie utérine


L'échographie utérine permet :
■ la recherche de certaines causes de la menace d'accou-
chement prématuré : grossesse multiple, malformation
Fig. 25.5. Schéma de la mesure du col en échographie vaginale. utérine, fibrome, placenta praevia ;
A : longueur cervicale fonctionnelle. B : longueur de l'entonnoir. C : ■ l'étude du fœtus : estimation du poids fœtal par biomé-
diamètre de l'entonnoir. trie ultrasonore, recherche d'une malformation, étude
du bien-être fœtal, évaluation du volume du liquide
amniotique (hydramnios ou oligoamnios après rupture
des membranes), étude des mouvements respiratoires qui
sont diminués en cas d'infection amniochoriale.
Les grossesses gémellaires sont un cas particulier. Il s'agit
d'une population à haut risque d'accouchement prématuré.
À ce titre, un dépistage systématique au deuxième trimestre
de la grossesse en plus du suivi habituel pourrait être pro-
posé. Reste à déterminer quelles mesures devraient être
prises à la suite d'un dépistage positif puisque le repos et l'ar-
rêt de travail sont déjà préconisés de manière systématique.

En pratique
En présence d'une patiente symptomatique, on réalisera
Fig. 25.6. Échographie vaginale : col court avec un aspect en l'évaluation de la fréquence et de l'intensité des contractions
entonnoir. à l'aide d'un cardiotocographe.
296   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Le toucher vaginal demeure un examen de référence et Tocolyse


permet d'apprécier la dilatation, la consistance du col et la La plupart des tocolytiques prolongent la grossesse en dimi-
hauteur de la présentation. Plus le col sera dilaté et raccourci nuant le pourcentage d'accouchements prématurés à 24-48
et la présentation basse, plus la menace sera jugée sévère. heures et au septième jour. Cependant, ces traitements
L'évolution de ces modifications cervicales sous tocolyse restent sans effet prouvé sur le pronostic néonatal (NP2).
sera un élément important d'appréciation de l'efficacité de
celle-ci. Le toucher vaginal ne doit pas être réalisé s'il y a une
rupture prématurée des membranes sauf suspicion de début
Moyens médicamenteux
de travail en raison du risque infectieux. Le traitement tocolytique est un traitement symptomatique
L'échographie du col est un examen de deuxième ligne visant à arrêter les contractions utérines. Son objectif est
qui complète l'appréciation clinique. Elle permet de « chif- d'essayer de retarder l'accouchement afin d'améliorer la
frer » les modifications cervicales et fournit donc des morbidité et la mortalité néonatales.
éléments objectifs de comparaison au décours de la sur- Le traitement idéal serait de maintenir la grossesse jusqu'à
veillance. En retenant un seuil de 25 mm entre 24 et 34 SA, 37 SA, et ce sans effet secondaire ; or les tocolytiques ne pro-
la valeur prédictive négative est élevée (> 90 %) et permet longent la grossesse que de deux à sept jours maximum. Le
d'exclure un accouchement prématuré dans les 15 jours, traitement idéal n'existe donc pas et l'objectif est de :
et ainsi d'éviter un nombre important d'hospitalisations ■ prolonger la grossesse de 48 heures au minimum afin de
inutiles. pouvoir administrer les corticoïdes et améliorer la matu-
Quelle est la place de la fibronectine fœtale ? Il n'y a pas rité fœtale ;
d'intérêt d'utiliser à la fois l'échographie et la fibronectine ■ envisager, si possible, un transfert in utero afin de per-
fœtale, et aucune étude ne permet de déterminer l'approche mettre la naissance dans un établissement dont le niveau
optimale. de soins est adapté à l'âge gestationnel de l'enfant.
Au-dessous d'une longueur de col de 15 mm, l'échogra- ■ permettre la cure de sulfate de magnésium avec au moins
phie seule suffit pour décider de l'hospitalisation. quatre heures de perfusion avant l'accouchement pour un
terme inférieur à 33 SA.

Bilan étiologique À quel terme faire la tocolyse ?


Selon l'urgence de la situation, il peut précéder ou non la tocolyse. Il n'existe pas de preuves évidentes pour déterminer le
Chez la mère terme à partir duquel une tocolyse peut être instaurée
On demande : ou ne doit plus être mise en place. La plupart des recom-
■ une numération formule sanguine et un dosage de la mandations s'accordent cependant pour ne pas envisager
CRP ; de tocolyse avant 20 SA et après 34 SA, la morbidité et la
■ un examen cytobactériologique des urines ; mortalité périnatales diminuant de manière importante à
■ un prélèvement bactériologique endocervical (strepto- partir de 34 SA. Au-delà de 36 SA, la tocolyse n'est plus
coque B, Chlamydia, gonocoque, mais aussi recherche indiquée [1,13,34]. Son efficacité n'est pas démontrée
d'une vaginose à Gardnerella vaginalis) ; dans les grossesses multiples bien qu'elle soit largement
■ un test de Kleihauer en cas de métrorragies ; utilisée [34].
■ la recherche d'une rupture des membranes (voir Chapitre 19, La tocolyse est contre-indiquée lorsque la prolongation
« Pourquoi la rupture prématurée des membranes ? »). de la grossesse induit plus de risques pour la mère et/ou
l'enfant que la prématurité elle-même.
Chez le fœtus Les principales situations sont : la mort fœtale in utero,
On étudie le rythme cardiaque fœtal et on pratique une écho- une anomalie fœtale létale, une suspicion d'anoxie fœtale
graphie avec une biométrie fœtale ; on apprécie le nombre de chronique, le retard de croissance intra-utérin sévère, un
fœtus, leur présentation, la maturité, la vitalité, le volume du hématome rétroplacentaire, la prééclampsie sévère ou
liquide amniotique, l'absence de malformation, ainsi que la l'éclampsie, une hémorragie génitale dont l'origine n'est pas
topographie du placenta, l'existence d'une malformation uté- déterminée et enfin une chorioamniotite, situation la plus
rine. L'état fœtal peut être apprécié en utilisant le score de fréquemment rencontrée dans la menace d'accouchement
Manning (voir Chapitre 21, « Eléments de gravité »). prématuré. De toute façon, en présence d'une chorioamnio-
tite, la tocolyse se révélera inefficace.

Conduite à tenir Tocolytiques


Le traitement repose sur quatre éléments : Plusieurs classes thérapeutiques sont utilisées, les inhibi-
■ la tocolyse ; teurs calciques, les antagonistes de l'ocytocine, les bêtami-
■ la prévention de la maladie des membranes hyalines par métiques ,les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines,
la corticothérapie ; le sulfate de magnésium et la progestérone (tableau 25.2).
■ la neuroprotection par sulfate de magnésium avant 33 SA ;
■ le traitement étiologique éventuel. Inhibiteurs calciques
Le repos à l'hôpital où à domicile n'a pas fait la preuve de Les molécules les plus utilisées sont la nifédipine (Adalate®)
son efficacité. et la nicardipine (Loxen®).
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    297

Tableau 25.2. Médicaments tocolytiques.


Classe Dénomination Nom spécialité Présentation Posologie Effets indésirables
thérapeutique commune
Salbutamol Salbumol® fort Amp. 2 amp./500 cm3 glucosé Vertiges
5 mg/5 mL isotonique 15 à 20 gouttes/min Hyperglycémie
Hypokaliémie
Inhibiteurs Nifédipine Adalate® 20 mg LP cp 20 mg 3 cp/j Tachycardie
calciques Chronadalate® LP cp 30 mg 2 à 3 cp/j Hypotension
Rougeurs du visage
Nausées
Céphalées
Bouffées de chaleur
Nicardipine Loxen® cp 20 mg 3 à 4 cp/j
Inhibiteurs Atosiban Tractocile ®
Amp. IV Bolus de 6,75 mg Tachycardie
ocytocine 37,5 mg/5 mL IV/1 min + perfusion 37,5 mg/ Hypotension
glucosé isotonique 24 ml/h Nausées
pendant 3 h puis 8 ml/h Vomissements
Ne pas dépasser 48 heures Céphalées
Bêtamimétiques Salbutamol Salbumol® Amp. IV IV : 5 amp./500 ml Ringer Tachycardie maternelle et fœtale
0,5 mg/ml Lactate® débit 25 ml/h ou 5 Œdème aigu du poumon
Cp 2 mg amp./50 ml débit 2,5 ml/h Nausées Vomissements
Suppo. : 1 mg 4 cp/j Agitation
1 suppo. toutes les 4 à 6 Tremblements
heures
Anti- Indométacine Indocid® Gélules 25 mg 2 à 3 gél./j Fœtaux : fermeture du canal
inflammatoires Suppo. 50 mg 2 à 3 suppo./j artériel, oligoanurie
non stéroïdiens Avant 32 SA Traitement
court : 2 à 3 j

Les inhibiteurs calciques n'ont pas l'autorisation de mise niveau du réticulum sarcoplasmisque et favorisent le flux
sur le marché dans l'indication de tocolyse. Ils sont cepen- de calcium en extracellulaire. Cela induit une diminution
dant utilisés comme traitement tocolytique de première du calcium intracellulaire libre et un relâchement de la
intention dans les recommandations pour la pratique cli- fibre musculaire utérine via l'inhibition de l'interaction
nique française du CNGOF et dans les principales recom- actine-myosine.
mandations internationales récentes [2,35]. Il n'est pas recommandé de faire un traitement tocoly-
Dans un avis d'expert, le CNGOF [14] indique que la tique d'entretien qui n'a jamais fait les preuves de son effi-
nifédipine a une efficacité supérieure au placebo et aux cacité [21,33].
bêtamimétiques pour prolonger la grossesse au-delà de Les effets secondaires sont modérés et ne nécessitent
48 heures. Son efficacité est similaire aux antagonistes de généralement pas l'interruption du traitement. Il s'agit prin-
l'ocytocine. Le risque de détresse respiratoire du nouveau- cipalement de céphalées, flush et nausées survenant habi-
né est diminué avec la nifédipine. tuellement en début de traitement.
Il existe cependant des effets indésirables graves constatés Les hypotensions sont exceptionnelles chez la femme
avec les inhibiteurs calciques, en particulier, en cas d'utilisa- enceinte non hypertendue. Il n'y a pas d'effets secondaires
tion dans les grossesses multiples : fœtaux décrits.
■ en cas de cardiopathie préexistante, de diabète, de rem- En pratique, on prescrit :
plissage vasculaire ; ■ la nifédipine (Adalate®) : 1 gélule à 10 mg par voie orale,
■ en cas d'utilisation concomitante de corticoïdes ou renouvelable toutes les 20 minutes, jusqu'à quatre gélules
séquentielle de bêtamimétiques ; sur une heure en cas d'inefficacité. Le relais pendant les
■ en cas d'utilisation de fortes doses cumulées, ou recours à heures suivantes est Adalate® LP20, trois par jour, ou
la voie veineuse pour la nicardipine. Chronoadalate® 30 mg deux à trois fois par jour.
Les experts concluent : « La réglementation actuelle
reconnaît qu'une utilisation hors AMM d'un médicament
est possible sous certaines conditions. Si l'on fait le choix Antagonistes de l'ocytocine
d'utiliser un inhibiteur calcique à visée tocolytique, le rap- L'atosiban est un antagoniste sélectif des récepteurs à l'ocy-
port bénéfices/risques est en faveur de l'utilisation de la tocine vasopressine. Il est en compétition avec l'ocytocine
nifédipine, molécule la plus étudiée. » [14-20-43] au niveau des récepteurs à l'ocytocine. Il empêche, en se
Les inhibiteurs calciques agissent en empêchant directe- liant à ces récepteurs, l'augmentation du calcium libre
ment l'entrée des ions calcium en intracellulaire. Ils inhibent ­intracellulaire, inhibant par là même l'interaction actine-
également le largage intracellulaire du calcium contenu au myosine et la contraction [31].
298   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Cette molécule s'est avérée plus efficace que le placebo ■ disposer d'un bilan sanguin avec notamment un iono-
et aussi efficace que les bêtamimétiques, avec une quasi- gramme, car il y a un risque d'hypokaliémie.
absence d'effets secondaires. Elle n'est pas plus efficace que Pour toutes ces raisons, nous n'utilisons plus les bêta-
la nifédipine. mimétiques, ni en hospitalisation ni pour les transferts in
L'utilisation de l'atosiban (Tractocile®) n'a qu'un seul utero au sein du réseau des Pays de la Loire. Les inhibiteurs
inconvénient : son coût. calciques et les antagonistes de l'ocytocine ont, à notre avis,
En pratique, son utilisation est la suivante : une balance bénéfice/risque plus avantageuse.
■ administration par voie intraveineuse exclusive, un bolus L'utilisation pratique des bêtamimétiques peut être envi-
de 6,75 mg par voie intraveineuse directe dans 0,9 ml de sagée selon le protocole suivant : salbutamol (ampoules à
sérum physiologique en une minute ; 0,5 mg) – diluer 5 ampoules dans 500 ml de Ringer Lactate®
■ consolidation par 300 μg/min dans du glucosé à 5 % pen- au débit initial de 25 ml/h afin de diminuer le volume per-
dant trois heures ; fusé. Le débit est adapté en fonction de la tolérance (tachy-
■ ensuite, 100 μg pendant 15 à 45 heures. cardie notamment) de façon à obtenir la dose minimale
Comme pour les autres traitements tocolytiques, la efficace.
durée du traitement ne doit pas excéder 48 heures, et il
n'y a pas de traitement d'entretien. En cas de récidive des Anti-inflammatoires non stéroïdiens
contractions utérines, un autre cycle de Tractocile® peut Ils agissent en inhibant la cyclo-oxygénase, enzyme res-
être mis en place. ponsable de la transformation de l'acide arachidonique en
prostagalandines. L'indométacine (Indocid®), à petites doses
Bêtamimétiques (100 à 150 mg) et pendant une période courte, est aussi effi-
cace que les bêtamimétiques. Cependant, les effets secon-
Ils ont été considérés comme le traitement tocolytique daires fœtaux (fermeture précoce du canal artériel, oligurie
de référence ; leur efficacité est prouvée par de nom- et entérocolite néonatale) limitent son utilisation.
breux travaux. Une revue de la Cochrane incluant 1 332 En pratique, ils ne doivent pas être utilisés en première
patientes dans 11 essais randomisés met en évidence une intention et la durée d'utilisation doit être courte (moins de
diminution de patientes accouchant dans les 48 heures, 72 h). Ils ne doivent pas être prescrits au-delà de 34 SA.
voire dans les sept jours, d'environ 35 % versus placebo.
Il y avait également une tendance à la diminution du syn-
drome de détresse respiratoire mais elle n'était pas signi- Progestérone
ficative [6]. Il faut distinguer plusieurs situations pour l'utilisation de la
Le mode d'action des bêtamimétiques repose sur la sti- progestérone.
mulation des récepteurs β-adrénergiques, ce qui induit une Les patientes en phase aiguë de menace d'accouchement
diminution en calcium intracellulaire libre, inhibe l'interac- prématuré, celles qui ont un antécédent d'accouchement
tion actine-myosine avec finalement un relâchement de la prématuré, celles dont on découvre un col court à l'échogra-
fibre myométriale. phie de 20 SA même si elles n'ont pas d'antécédent obsté-
Cependant, cette action n'est pas sélective et les effets tricaux et enfin le cas particulier des grossesses gémellaires.
secondaires, principalement cardiovasculaires, sont un frein
à leur utilisation. Patientes avec un antécédent d'accouchement prématuré
Au niveau maternel, les bêtamimétiques induisent prin- L'utilisation de la progestérone entre 17 et 34 SA chez les
cipalement une tachycardie, des palpitations, des trem- patientes avec un antécédent d'accouchement prématuré
blements, une sensation de constriction rétrosternale, est associée à une diminution de la mortalité périnatale et
d'oppression. Au pire, une tachycardie supraventriculaire du taux d'accouchement prématuré avant 34 et 37 SA. Il y
ou une ischémie myocardique peuvent être constatées. a moins d'enfants pesant moins de 2 500 g et d'assistance
L'œdème aigu du poumon survient dans 0,3 % des cas, sur- ventilatoire. La voie vaginale et la voie intramusculaire ont
tout dans les grossesses multiples. été étudiées.
Au niveau fœtal, la tachycardie et l'hypoglycémie néona- Il est cependant encore difficile de déterminer la voie
tales sont les principaux effets secondaires. idéale d'administration, la posologie ainsi que le meilleur
Il est donc indispensable, si l'on souhaite utiliser les bêta- terme pour débuter ce traitement. Il est possible de propo-
mimétiques, de respecter les règles d'utilisation ainsi que les ser chez ces patientes avec un antécédent d'accouchement
contre-indications. Il faut : prématuré et dans le cas d'une grossesse monofœtale, l'ad-
■ vérifier les contre-indications : absolues (cardiopathies ministration intramusculaire de 17 hydroxyprogestérone
décompensées, coronaropathies, myocardiopathies) ou 250 mg par semaine en commençant entre 16 et 20 SA, et
relatives (hypotension, diabète, hyperthyroïdie, HTA ce jusqu'à 34 SA.
sévère) ;
■ utiliser un faible volume de perfusion ; Patientes avec un col court sans antécédent
■ surveiller la balance entrée-sortie ; Il n'y a pas lieu de proposer un dépistage systématique de la
■ arrêter le traitement s'il apparaît une tachycardie supé- longueur du col avant 24 SA, et ce sans antécédent.
rieure à 120 par minute ou un malaise, une dyspnée ; Enfin, la progestérone n'a pas sa place dans la phase aiguë
■ éviter l'association aux corticoïdes ; de la menace d'accouchement prématuré, ni dans la prise en
■ ne pas l'utiliser en cas de grossesse multiple ; charge des grossesses gémellaires [16,37,39].
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    299

Sulfate de magnésium dans ce dernier cas semble moindre et elle doit se faire sous
Dans le cadre d'une tocolyse, il est surtout utilisé aux États- antibiothérapie pour éviter les risques de chorioamniotites.
Unis. Il n'a pas fait la preuve de son efficacité. Leur prescription impose la recherche d'une telle infec-
Pour la neuroprotection fœtale, son utilisation est recom- tion par examen bactériologique ainsi que par l'ECBU et la
mandée avant 33 SA. Son objectif est de diminuer le nombre mesure de la CRP. Il n'est pas nécessaire d'attendre les résul-
de paralysie cérébrale de l'enfant grand prématuré [7]. Son tats bactériologiques pour démarrer la corticothérapie sous
utilisation diminuerait d'un tiers le nombre de séquelles neu- réserve d'absence de chorioamniotite clinique.
rologiques à l'âge de 2 ans [28]. La FIGO [19] recommande Il est possible d'utiliser :
une injection de 4 g en 30 minutes, quatre à six heures avant ■ la dexaméthasone ou Soludécadron® 6 mg en intramus-
l'accouchement et cela jusqu'au terme de 31 SA + six jours. culaire matin et soir pendant 48 heures ;
Nous donnons dans le tableau 25.3 le protocole utilisé au ■ la bêtaméthasone ou Célestène® 12 mg en intramuscua-
sein de notre service. laire répétée à 24 heures ou 4 mg toutes les 12 heures pen-
Des effets secondaires peuvent être observés chez la dant 48 heures.
mère lors de la mise en route du traitement dont il faut Les effets secondaires des deux produits sont assez simi-
prévenir les patientes : rougeur, sueurs, sensation de cha- laires, à savoir une diminution de la réactivité du RCF pour
leur et, plus rarement, nausées, vomissements, céphalées, la bêtaméthasone associée à une diminution momentanée
palpitations, hypotension artérielle, dépression respira- des résistances vasculaires fœtales. Pour la dexaméthasone,
toire, troubles de la conscience dont la survenue impose son effet sur les leucomalacies périventriculaires n'est pas
l'arrêt du traitement. Plus exceptionnellement, un œdème démontré. Il semble que la bêtaméthasone soit la plus utili-
pulmonaire peut être observé à la suite d'une injection trop sée et celle ayant montré le moins de leucomalacies périven-
rapide d'une dose importante. Malgré ses effets secon- triculaires ; elle doit donc être préférée. Le bénéfice de la
daires, l'effet protecteur chez le prématuré est démontré répétition des cures n'est pas démontré. Certaines études
d'après la Cochrane [7]. ont même montré une augmentation des décès des petits
poids de naissance, voire des conséquences à long terme sur
le développement de l'enfant [18,40].
Corticoïdes Il n'est donc pas justifié de répéter systématiquement les
Ils peuvent et doivent être employés car leur bénéfice sur cures de manière hebdomadaire. Cependant, si le risque
la mortalité périnatale et l'incidence de la maladie des d'accouchement très prématuré (< 28 SA) semble s'aggraver
membranes hyalines, des entérocolites nécrosantes et des et que la femme n'a pas accouché huit jours après la pre-
hémorragies intraventriculaires a été démontré. Plusieurs mière cure, une nouvelle cure peut être prescrite (NP5) [13].
méta-analyses et des conférences de consensus ont conseillé Dans les grossesses gémellaires, la réalisation de la corti-
leur prescription de 24 à 34 SA (NP1). Au-delà, leur béné- cothérapie est identique.
fice n'a pas été démontré [30]. Les bénéfices de la corticothérapie prénatale sont suffi-
Il faut utiliser ces produits en intramusculaire car l'effi- samment importants pour justifier une tocolyse et une prise
cacité est moindre per os. Aucune étude ne permet de en charge active de la menace d'accouchement prématuré
connaître l'efficacité de la voie intraveineuse. afin d'obtenir les 48 heures nécessaires à leur prescription.
L'efficacité des corticoïdes est démontrée à partir de
24 heures après le début du traitement et jusqu'à sept jours
(NP1). Il peut être réalisé quelle que soit la pathologie pré- Antibiotiques
sentée par la patiente, en particulier lors de situation de préé- L'administration systématique d'une antibiothérapie en
clampsie ou de rupture de la poche des eaux [41]. Son efficacité cas de menace d'accouchement prématuré à membranes

Tableau 25.3. Utilisation du sulfate de magnésium pour la neuroprotection fœtale au CHU d'Angers.
Contre-indications maternelles Posologie Précautions d'emploi Arrêt immédiat et appel du
Surveillance maternelle médecin
– Insuffisance cardiaque Dose initiale 4 g en perfusion Prévention du syndrome de – Fréquence respiratoire < 10/
– Troubles du rythme cardiaque intraveineuse lente sur 30 min, compression aortocave par min ou
maternel soit 26 ml de MgSO 4 à 15 % pur décubitus latéral gauche – Hypotension artérielle ou
– Traitement digitalique (débit 52 ml/h) Surveillance : fréquence – Abolition ROT ou
– Désordres hydroélectrolytiques Perfusion de relais 1 g/h à la SAP respiratoire, fréquence – Troubles de conscience ou
graves soit 6,5 ml/h de MgSO 4 à 15 % cardiaque, SaO2, pression – Diurèse des 4 h < 100 ml (les
– Insuffisance rénale pur artérielle, conscience, réflexes signes régressent rapidement à
– Myasthénie Arrêt à la naissance de l'enfant ostéotendineux l'arrêt du sulfate de Mg et sous
– Circonstances de détresse Arrêt à H12 si pas avant la mise en route du traitement symptomatique)
maternelle ou fœtale d'accouchement traitement 10 min après le début L'antidote gluconate de calcium
nécessitant une extraction en de la dose de charge à la fin de 10 % en IV lente sur 10 min est
grande urgence (< 30 min) la dose de charge (30 min) puis rarement utile sauf si surdosage
toutes les 4 h si perfusion de accidentel
relais, diurèse toutes les 4 h si
perfusion de relais
300   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

intactes n'est pas recommandée (NP1), car cette prescrip- Avant 34 semaines, la tocolyse s'impose en l'absence de
tion ne réduit pas la prématurité et n'améliore pas l'état contre-indication à la tocolyse et aux tocolytiques, en res-
néonatal. pectant soigneusement les précautions d'utilisation. Il n'y a
Les traitements locaux vaginaux systématiques n'ont pas pas d'arguments pour réfuter une tentative de tocolyse en
fait la preuve de leur efficacité (NP2). Il n'y a pas d'argu- fonction d'une limite inférieure d'âge gestationnel (NP5).
ments formels en faveur d'un traitement antibiotique Même en cas de dilatation avancée (5 ou 6 cm), l'accou-
lorsque la menace d'accouchement prématuré est associée à chement peut être retardé de 48 heures dans 20 à 50 %
un prélèvement vaginal positif (germes banals, Ureaplasma des cas. L'instauration d'une tocolyse est donc licite afin
ou Chlamydia) ou à une vaginose bactérienne (NP4). de permettre la réalisation d'une corticothérapie à visée de
En cas de bactériurie (> 100 000 germes/ml, il faut trai- maturation pulmonaire fœtale (NP3). Il n'y a pas de béné-
ter en raison du risque de pyélonéphrite et de prématurité fice à poursuivre le traitement au-delà de 48 heures en cas
(NP1) [13,22,23]. de tocolyse efficace (NP2). L'instauration d'un traitement
En cas de rupture des membranes, la prescription d'éry- d'entretien après 48 heures de tocolyse efficace n'a pas d'in-
thromycine prolonge la grossesse de 48 heures, réduit le térêt pour la prolongation de la grossesse ou l'état néonatal
nombre d'hémocultures positives et la morbidité sévère (NP1). Il pourrait cependant réduire les réhospitalisations et
(entérocolites nécrosantes, séquelles neurologiques) [22,23] les retraitements tocolytiques par voie intraveineuse (NP3).
(voir chapitre 19, p. 297). Seules les menaces d'accouchement prématuré sévères et/
Au total, on peut dire que : ou précoces avant 32 semaines nécessitent l'hospitalisation.
■ l'efficacité des tocolytiques est faible puisque 9 à 13 % Un bilan étiologique complet doit toujours être réalisé. Le
seulement des femmes n'auront pas accouché au bout but de la tocolyse est d'atteindre la maturité pulmonaire
de huit jours, en comparaison avec l'utilisation d'un fœtale en s'assurant de l'absence de souffrance fœtale par
placebo ; l'étude du rythme cardiaque fœtal et du score de Manning,
■ leur utilisation ne modifie pas la morbidité néonatale ; ainsi que de l'absence d'infection ovulaire.
■ il s'agit d'un traitement symptomatique qui ne traite pas La maturité pulmonaire doit, avant 34 semaines, et si l'es-
la cause ; pérance de durée de tocolyse est réduite, être accélérée par
■ leur efficacité n'est pas démontrée dans les grossesses les corticoïdes. Les menaces moyennes peuvent être traitées
multiples ; en ambulatoire après une courte hospitalisation, cela en
■ l'efficacité est de courte durée, ne dépassant pas 48 fonction de la coopération de la patiente, de l'éloignement
heures ; de son domicile, des conditions socioéconomiques, des pos-
■ leur prescription sert surtout à permettre aux corticoïdes sibilités de surveillance par le médecin traitant ou la sage-
d'atteindre leur efficacité maximale et à organiser le femme de PMI, et bien entendu de l'étiologie.
transfert dans une maternité de niveau II ou III, seules Les grossesses gémellaires ou multiples nécessitent une
mesures utiles ; hospitalisation entre 30 et 34 semaines du fait de la gravité
■ les différents produits ont une efficacité comparable ; il potentielle de la menace d'accouchement prématuré. En
faut donc utiliser ceux qui ont le moins d'effets secon- effet, le retard de croissance est fréquent. Il existe des risques
daires et les moins chers. Dans ce cadre, la nifédi- accrus d'effets cardiovasculaires des bêtamimétiques (à
pine (Adalate®) devrait devenir le traitement de choix. ne pas utiliser) et des inhibiteurs calciques. L'hydramnios
L'atosiban (Tractocile®), beaucoup plus cher, doit être complique souvent la tocolyse et la double poche, l'appré-
réservé systématiquement aux grossesses gémellaires, aux ciation de la maturité. L'efficacité de la tocolyse semble
transferts in utero, aux femmes ayant une pathologie car- proche de celle obtenue dans les grossesses uniques (NP4).
diovasculaire [32] ; Les antagonistes de l'ocytocine peuvent être proposés ici
■ la durée du traitement ne doit pas dépasser 48 heures et il en première ligne du fait de la rareté des effets secondaires
ne faut pas faire de traitement prolongé ; cardiovasculaires.
■ l'utilisation de l'association de plusieurs tocolytiques est La menace d'accouchement prématuré fébrile néces-
déconseillée. site un bilan étiologique complet que nous avons déjà vu
p. 232. Lorsque tous les prélèvements bactériologiques
Indications thérapeutiques sont faits, incluant pour certains une amniocentèse à la
recherche d'une chorioamniotite, la tocolyse avec le trai-
Elles sont schématisées dans la figure 25.7. tement antibiotique est licite. Nous utilisons l'association
Après 36 SA, les menaces d'accouchement prématuré ne amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin®, 3 injections
nécessitent aucun traitement. intraveineuse de 1 g/24 h). Si la localisation infectieuse est
Entre 34 et 36 SA, les bénéfices néonatals attendus évidente, il faut utiliser un traitement plus adapté.
d'une tocolyse sont à évaluer en fonction des risques et
effets secondaires maternels des traitements utilisés et
des conditions d'accueil du nouveau-né (NP5). Un traite- Cas des fausses couches tardives
ment étiologique et une réduction des facteurs de risque Les patientes avec antécédents d'accouchement prématu-
sont utiles (anémie, infection urinaire, suractivité). Une rés et de fausse couche tardive entre 14 et 22 SA avec un
hospitalisation est nécessaire lorsque, à la menace, s'asso- col court inférieur à 25 mm ont un risque de récidives
cient des métrorragies, une rupture prématurée des mem- (NP2).
branes, une fièvre ou des conditions socioéconomiques Un bilan est recommandé (grade B) avec recherche de
défavorables. fièvre, examen au spéculum recherchant un protrusion de
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    301

Examen • Contractions utérines


clinique • Modifications cervicales
• Rupture des membranes
• Hémorragie

• Échographie
Bilan • CBU
• Prélèvement endocol
• Rythme cardiaque fœtal

Membranes rompues Membranes non rompues

< 28 semaines 28 à 34 sem. > 34 semaines Menace Menace sévère


modérée

< 34 sem. > 34 sem.

Retour à • Tocolyse 48 h Arrêt


• Tocolyse • Tocolyse • Accouchement
domicile tocolyse
• Antibiotiques + Antibiotiques • Antibiotiques + Corticoïdes
• Corticoïdes + Corticoïdes

Fig. 25.7. Conduite à tenir devant une menace d'accouchement prématuré.

la poche des eaux dans le col, prélèvement vaginal, numéra- de type III) (NP2). Il faut donc, si l'accouchement n'est pas
tion formule sanguine, CRP et tocométrie externe. imminent, envisager le transfert in utero pour adapter le lieu
En présence d'un col court avec ces antécédents, et en d'accouchement au risque que comporte la grossesse. Un
l'absence d'une chorioamniotite, avec ou sans protrusion de contact doit être pris avec l'établissement d'accueil du réseau
la poche des eaux, il est recommandé de réaliser un cerclage régional pour s'assurer qu'il y a de la place, en particulier en
selon la technique de Mac Donald combiné à une tocolyse réanimation néonatale. Il faut expliquer à la femme et à sa
par indométacine et à une antibiothérapie (grade C). famille l'importance de ce transfert et enfin l'organiser avec
Il n'existe pas de données permettant d'indiquer la pose le SAMU.
d'un pessaire dans ce contexte. Le transfert vers une maternité de niveau II est suffisant
Toujours en cas de menace de fausse couche tardive pour des naissances entre 32 et 34 SA et/ou pour des enfants
caractérisée par un col court isolé (< 25 mm), non dilaté et de poids estimé entre 1 500 et 1 800 g, et les grossesses
sans contraction utérine associée, un traitement par pro- gémellaires entre 34 et 36 semaines. Le transfert doit obli-
gestérone vaginale quotidienne (90-200 mg/j) maintenue gatoirement se faire vers une maternité de niveau III pour :
jusqu'à 34 SA est recommandé (grade A). les naissances avant 32 semaines et/ou de poids inférieur à
Le repos n'a pas fait la preuve de son efficacité [15]. 1 500 g ; les grossesses gémellaires de moins de 34 SA ou
les grossesses triples ou plus ; des pathologies fœtales sévères
(malformations, retard de croissance intra-utérin), voire
Transfert vers une maternité maternelles (toxémie, HELLP syndrome, placenta praevia)
de type II ou III nécessitant une extraction de l'enfant avant terme. La mater-
La prise en charge du nouveau-né de faible poids de nais- nité référente pourra transférer à nouveau la mère dans son
sance pose des problèmes spécifiques principalement pour établissement d'origine si la menace d'accouchement est
les enfants de poids inférieur à 1 500 g. Il existe des données passée et si le terme dépasse 34 SA (retour en type II), ou
suffisantes pour affirmer que la mortalité et la morbidité 36 SA pour le retour en niveau I.
néonatales sont diminuées si l'accouchement à lieu dans une Il est cependant probable qu'il y aura toujours des
maternité où existe une réanimation néonatale (maternité accouchements prématurés dans des maternités sans
302   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

service de néonatologie car l'on ne pourra pas transfé-


rer la mère si l'accouchement est imminent ou en cours
lorsqu'elle arrive à la maternité. Il est donc nécessaire que
les pédiatres et les sages-femmes de ces établissements
soient formés à la prise en charge de ces nouveau-nés et
disposent d'un plateau technique un minimum adapté et
vérifié régulièrement car ils devront l'utiliser en atten-
dant l'arrivée du SAMU pédiatrique qu'ils auront prévenu
au plus tôt.

Prise en charge de la menace


d'accouchement prématuré à domicile
La littérature ne fournit pas d'éléments satisfaisants pour
décider des indications de sortie dans les menaces d'accou-
chement prématuré. Le suivi à domicile de femmes ayant
été traitées et hospitalisées ne réduit pas la prématurité
(NP1). L'enregistrement des contractions en ambulatoire
semble inutile (NP3), même dans les grossesses multiples.
Cependant, cette surveillance augmente la satisfaction des
femmes qui en bénéficient [13].

Accouchement du prématuré
Si la tocolyse échoue, il faut se préparer à l'accouchement
sur place ou mieux après transfert dans une maternité dotée
d'un service de néonatologie ou de réanimation néonatale
selon la gravité. Il faut avec le pédiatre et l'anesthésiste déci-
der des modalités de l'accouchement.

Choix de la voie d'accouchement


Le mode d'accouchement est controversé et dépend du
terme, du poids fœtal et des conditions obstétricales Fig. 25.9. Conduite à tenir au cours et au décours d'un accouche-
(figures 25.8 et 25.9). ment prématuré.

Bilan

Poids
Terme présentation
Avis pédiatre

26−28SA 28−32 SA > 32SA

Sommet siège

Voie basse Voie basse Césarienne Voie basse


Si choriamniotite
ou césarienne systématique
Fig. 25.8. Choix de la voie d'accouchement prématuré.
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    303

La césarienne systématique est discutée : rythmes moyennement différenciés est plus rapide en cas de
■ avant 28 semaines : elle paraît très critiquable, sauf en cas prématurité. Les tracés pathologiques sont plus nombreux,
d'indication maternelle. L'accouchement se fera donc par jusqu'à 80 % des cas, chez les fœtus de moins de 2 500 g.
voie basse. Si le poids est inférieur à 800 g, voire 600 g, Le pH au scalp n'est pas contre-indiqué mais son utili-
la voie basse spontanée est une meilleure solution qu'une sation n'apporte pas d'amélioration de l'état néonatal et ne
césarienne qui est difficile à ce terme, d'autant que le permet pas de réduire le nombre de césariennes.
pronostic dépend plus de l'âge gestationnel que de la voie L'amniotomie précoce ou les ocytociques ne sont pas
d'accouchement ; contre-indiqués.
■ au-delà de 32 semaines, il paraît logique d'accepter la voie
basse en l'absence de contre-indication ; Expulsion et dégagement du prématuré
■ entre 28 et 32 semaines, la césarienne systématique en
cas de présentation du sommet n'apporte pas de béné- Il n'existe pas de données pour justifier la pratique systéma-
fices démontrés en termes de mortalité et de séquelles tique d'une extraction instrumentale dans le but de protéger
neurosensorielles (NP4). Pour les sièges, aucun argu- le fœtus contre la survenue d'hémorragies intra- ou périven-
ment décisif ne plaide pour une voie d'accouchement triculaires (NP3). Il n'existe pas de données pour privilégier
plutôt qu'une autre. Il n'existe actuellement aucune un instrument : forceps, spatules ou ventouses.
restriction spécifique portant sur le poids ou le terme Il n'y a pas de contre-indications à l'utilisation de la ven-
de naissance pouvant justifier la pratique systématique touse, même chez le prématuré ayant un retard de croissance
d'une césarienne (NP5). Cette notion reste valable in utero. Il n'existe pas de données permettant d'indiquer ou
en cas de grossesse gémellaire ou d'utérus cicatriciel de contre-indiquer la pratique d'une épisiotomie (recom-
(recommandations du CNGOF [12]). Le risque semble mandations du CNGOF [13]). Dans le service, nous pri-
plus être lié aux causes de l'accouchement prématuré vilégions une expulsion courte aidée éventuellement de
qu'à la voie d'abord elle-même. Cependant il faut être spatules, avec ou sans épisiotomie selon la taille de l'enfant.
prudent avec la voie basse du siège entre 28 et 32 SA Dans les grossesses multiples, l'accouchement différé a
car il y aurait une tendance non significative à plus de été proposé avant 26 SA (voir Chapitre 10). Cette pratique
rétention de tête dernière sur les enfants de petits poids reste mal évaluée. Elle doit être discutée avec la patiente
(< 1500 gr). La césarienne pourrait cependant appor- car elle expose à des complications maternofœtales poten-
ter un bénéfice dans le cas des chorioamniotites chez tiellement graves. Si elle évite parfois la mort du deuxième
les grands prématurés en diminuant la fréquence des jumeau, elle permet rarement d'éviter la grande prématurité
leucomalacies périventriculaires (NP3). Enfin, chez le et ses risques de séquelles sont lourdes (NP4).
grand prématuré, la césarienne peut se faire par une
hystérotomie verticale basse si le segment inférieur
n'est pas amplié, ce qui est préférable à une incision en Prise en charge néonatale
T (NP3) (recommandations du CNGOF [12]). Réanimation néonatale
C'est un facteur déterminant du pronostic. La proximité
Analgésie en cours de travail d'une unité de réanimation néonatale est indispensable et
Elle revêt une grande importance du fait du contexte et de il est largement démontré qu'un transfert in utero est plus
l'angoisse maternelle. raisonnable qu'un transfert néonatal, beaucoup plus coû-
En cas d'accouchement par voie basse, la technique de réfé- teux et moins sûr. Il faut donc dépister le plus tôt possible les
rence est la péridurale ; elle évite les efforts inappropriés sur femmes à risque d'accouchement prématuré et les transférer
un fœtus fragile et permet une analgésie chirurgicale en cas de dans des centres comportant une unité périnatale.
nécessité de césarienne (NP4). On a pu constater un meilleur La réanimation néonatale doit être faite par un spécialiste
état fœtal chez les prématurés après péridurale par rapport aux à même de juger :
accouchements sans anesthésie. Il ne faut pas prescrire d'opia- ■ l'indication et les modalités de cette réanimation ;
cés responsables de modifications du rythme cardiaque fœtal, ■ l'intérêt d'intuber ;
de travail trop rapide et de dépression respiratoire néonatale. ■ des précautions à prendre en cas d'arrêt récent de la
En cas de décision de césarienne, l'anesthésie locorégio- tocolyse.
nale présente des avantages pour la mère et le fœtus. Les progrès de la prise en charge immédiate et de la réa-
En cas d'indication de césarienne en urgence pour ano- nimation néonatale dans son ensemble permettent une sur-
malies du RCF par exemple, les données de la littérature vie de 80 % des enfants d'âge gestationnel supérieur ou égal
ne permettent pas de choisir entre anesthésie générale et à 29 semaines et de poids de naissance supérieur ou égal à
rachianesthésie. Le choix se fera en fonction de l'expérience 1 000 g [38].
de l'anesthésiste et du temps dont il dispose (recommanda-
tions du CNGOF [12]). Prise en compte des séquelles néonatales
Cette réduction de la mortalité s'accompagne aussi d'une
Surveillance du travail réduction de la morbidité ; les séquelles doivent être prises
Il faut surveiller en continu le rythme cardiaque fœtal en en compte : c'est la raison pour laquelle nous les avons sché-
cours de travail : la mortalité baisse de 63 à 37 % si le monito- matisées dans la figure 25.10.
rage est assuré (NP3). Les modifications du rythme cardiaque L'hémorragie intra- ou périventriculaire est mieux dépis-
fœtal ont la même signification, mais la détérioration des tée par l'échographie transfontanellaire ; elle est d'autant plus
304   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

■ de faire des prélèvements bactériologiques chez le


­nouveau-né (voir Chapitre 18).
Ultérieurement, on pratique :
■ une échographie et/ou une hystérosonographie à la
recherche d'une malformation utérine ;
■ une information de la mère pour ses grossesses
ultérieures.
Pour les autres grossesses, on effectue :
■ un cerclage précoce au cours du premier trimestre en cas
d'antécédents de deux avortement tardifs ou de béance
cervicale prouvée ;
■ un arrêt de travail en cas de facteurs de risque ;
■ un dépistage et un traitement correct de toute infection
génito-urinaire ;
■ un dépistage des facteurs de risque.
Quant au traitement préventif tocolytique éventuel, en
cas de risque élevé, celui-ci n'a aucune raison d'être, n'ayant
pas fait la preuve de son efficacité.

Conclusion
Fig. 25.10. Morbidité des enfants prématurés survivants en La prématurité reste la première cause de handicap de
fonction de l'âge gestationnel à la naissance [28].
l'enfant.
La prévention passe dans les pays développés par la maî-
fréquente que le nouveau-né est prématuré, la présentation trise des grossesses multiples liées à la procréation médica-
et le mode d'accouchement n'étant pas significatifs. lement assistée et, dans tous les pays, par le traitement des
Le handicap neuropsychique majeur est le plus redouté ; il infections cervicovaginales.
est noté dans 5 à 8 % des petits poids de naissance mais dans Le diagnostic repose sur la clinique et la mesure échogra-
7 à 44 % des très petits poids de naissance selon les études. phique du col, et le diagnostic de rupture prématurée des
Dans ce dernier groupe, une étude méticuleuse a montré membranes souvent associée.
une survie de 58 % et un taux de handicap moyen de 18 % La tocolyse a peu d'efficacité et ne permet dans le meilleur
atteignant : des cas que la prescription de corticoïdes, la cure de sulfate
■ 30 % si une ventilation prolongée est nécessaire ; de magnésium et le transfert dans un établissement adapté.
■ 44 % s'il y a un transfert préalable du nouveau-né. La mortalité et la morbidité périnatales liées à l'accou-
Le taux de séquelles est de 50 % en cas de retard de crois- chement prématuré restent élevées, malgré les gros progrès
sance intra-utérin associé.(24) de la réanimation. Les soins anténataux sont moins coûteux
De nombreuses autres séquelles, souvent non comptabi- que les soins néonataux et, en l'absence d'indication fœtale à
lisées, doivent être prises en compte, qu'il s'agisse de diffi- la naissance, le temps gagné in utero réduit les risques et les
cultés scolaires (25 %), de handicaps visuels (50 % des très séquelles néonatales.
petits poids de naissance), de troubles bronchopulmonaires, Par ailleurs, même si les échecs sont d'autant plus fré-
de difficultés gastro-hépato-entérologiques avec retard quents que le terme est précoce, environ 50 % des tocolyses
de croissance persistant, de la fréquence des morts subites tentées avant 28 semaines permettent un accouchement
(multiplié par 10 en cas de très petit poids de naissance), après 36 semaines.
de la nécessité d'hospitalisations itératives, des difficultés de Il faut savoir enfin que la prématurité iatrogène (décidée
relation mère-enfant. pour conflit fœtomaternel) n'excède guère 20 % et que le
Le chiffre de seulement 30 % d'enfants normaux pronostic y est aussi bon, sinon meilleur, qu'en cas de pré-
dans le groupe des très petits poids de naissance est maturité inévitable, du fait de la meilleure prise en charge.
avancé. Il faut avoir bien présent à l'esprit ces chiffres
avant de prendre une décision qui devrait être toujours
obstétrico-pédiatrique. D'où pourraient venir les progrès ?
■ De drogues tocolytiques nouvelles ? Les inhibiteurs cal-
Conduite à tenir ciques (Adalate®) et l'atosiban (Tractocile®), antagoniste
après l'accouchement des ocytociques, n'ont en effet pas amélioré les résultats
en termes de prématurité ou de conséquences néonatales.
Dans un premier temps, il est nécessaire : ■ D'une identification plus précise des menaces d'accou-
■ de bien contrôler la vacuité utérine et parfois de faire chement prématuré « vraies » nécessitant une tocolyse ?
une révision utérine soigneuse d'autant plus souvent que L'utilisation de la fibronectine et de l'échographie du col a
l'accouchement sera plus précoce ; déjà permis de progresser.
■ d'adresser le placenta pour examens bactériologique et ■ D'une meilleure appréciation de la maturité fœtale, en
anatomopathologique (voir Chapitre 6) ; particulier pulmonaire ? En effet, contrairement à ce qui
Chapitre 25. Menace d'accouchement prématuré : conduite à tenir    305

a pu être dit, le syndrome de détresse respiratoire par [19] FIGO. Best practice in materno foetal medicine. 2015.
membranes hyalines est loin d'avoir disparu. La micro- [20] Guid O, Mol B, De Kleine M, et al. Nifedipine versus ritodrine for
viscosimétrie semble la méthode la plus fiable. suppression of preterm labor ; a meta analysis. Acta Obstet Gynecol
Scand 1999 ; 78 : 783–8.
■ De méthodes plus efficaces de « maturation artificielle » ?
[21] Gyetvai K, Hannah M, Hodnett E, et al. Tocolytics for preterm labor.
Les corticoïdes ont encore une place prédominante, mais A systematic review. Obstet Gynecol 1999 ; 94 : 869–77.
l'avenir viendra des « surfactants artificiels ». [22] Kenyon SL, Taylor W, Tarnove-Mordi W. Broad-spectrum antibiotics
■ De l'identification des femmes à risque d'accouchement for the spontaneous preterm labour : the Oracle II randomized trial.
prématuré, de leur admission précoce en centre périnatal Lancet 2001 ; 357 : 989–94.
de référence pour qu'elles puissent y accoucher ? [23] Kenyon SL, Taylor W, Tarnove-Mordi W. Broad-spectrum antibiotics
À l'heure actuelle, retenons que seuls les accouchements for the spontaneous preterm labour : the Oracle I randomized trial.
prématurés avant 34 semaines peuvent être préjudiciables à Lancet 2001 ; 357 : 979–88.
l'enfant et que, progressivement, cette limite se déplace vers [24] Larroque B, Ancel PY, Marret S, et al. Neurodevelopmental disabili-
32 semaines. Ne perdons pas de vue, en ce qui concerne ties and special care of 5 years old children born before 33 weeks of
gestation (The Epipage study) : a longitudinal cohort study. Lancet
les très petits poids de naissance, que 90 % des mères ayant
2008 ; 371 : 813–20.
donné naissance à un enfant de moins de 1 000 g décédé ont [25] Leitich H, Egarter C, Kaider A, et al. Cervicovaginal fetal fibronec-
ultérieurement un enfant vivant et en bonne santé. tin as a marker for preterm delivery : a meta-analysis. Am J Obstet
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Chapitre
26
Hémorragie du post-partum
L. Sentilhes, S. Brun, H. Madar, J. Lansac

PLAN DU CHAPITRE
Définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 Prévention thromboembolique
Incidence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308 en post-partum après HPP par voie
Causes des hémorragies du post-partum. . . . . 308 basse ou césarienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 Transport interhospitalier . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Prise en charge anténatale ou préventive Prise en charge des placentas praevia
des hémorragies du post-partum . . . . . . . . . . . 311 et accreta. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Traitement d'une hémorragie Prise en charge du thrombus vaginal. . . . . . . . 322
du post-partum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314 Prise en charge de la rupture utérine. . . . . . . . 324
Spécificités obstétricales et anesthésiques Prise en charge de l'inversion utérine . . . . . . . 324
de la prise en charge d'une hémorragie Hémorragie secondaire du post-partum . . . . . 324
du post-partum associée à la césarienne.. . . . . 321 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326

la situation ne se dégrade, une conduite à tenir appro-


OBJECTIFS priée tant par la sage-femme, l'obstétricien que par
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : l'anesthésiste-réanimateur.
• de faire le diagnostic d'hémorragie du post-partum ; Ce chapitre repose essentiellement sur les recomman-
• de faire le diagnostic étiologique d'une hémorragie du dations du Collège national des gynécologues obstétriciens
post-partum ; français (CNGOF) élaborées en 2004 [14] et révisées en
• de mettre en route le traitement d'urgence d'une 2014 [33].
hémorragie du post-partum ;
• de réaliser une délivrance artificielle et une révision
utérine ;
Définition
• de suturer une déchirure du col ou du vagin ; L'hémorragie du post-partum est définie comme une perte
• d'appliquer les mesures préventives des hémorragies du sanguine supérieure ou égale à 500 ml après l'accouche-
post-partum lors d'un accouchement. ment, et l'HPP sévère comme une perte sanguine supérieure
ou égale à 1 000 ml, quelle que soit la voie d'accouchement
(accord professionnel) :
L'hémorragie du post-partum (HPP) reste une complication ■ la tolérance clinique est souvent excellente jusqu'à 1,5 l,
majeure de l'accouchement. Elle est en France la première souvent sans modifications tensionnelles ;
cause de mort maternelle et représente 16 % des décès dont ■ l'hémorragie peut se manifester cliniquement unique-
80 % sont évitables [17]. ment par des signes d'hypovolémie (pâleur, tachycardie,
Dans l'ensemble des pays développés, l'HPP est la prin- hypotension, etc.), mais, attention, ces signes cliniques
cipale cause de morbidité maternelle sévère. Outre les sont tardifs : une simple tachycardie témoigne d'un retard
conséquences directes de l'hypovolémie aiguë, elle expose la au remplissage et/ou d'un saignement actif tandis qu'une
femme aux complications de la transfusion, de la réanima- hypotension artérielle témoigne d'un retard majeur au
tion, et à l'infertilité en cas d'hystérectomie (1 accouchement remplissage et/ou d'un saignement actif majeur.
sur 2 000 donne lieu à une hystérectomie d'hémostase en Le seuil d'intervention clinique doit donc tenir compte
France), et majore le risque de thrombose veineuse pro- du débit du saignement et du contexte clinique car toutes
fonde, et de stress post-traumatique. Enfin, le risque de réci- les hémorragies ne sont pas extériorisées. Ainsi, il peut être
dive lors d'un accouchement ultérieur est multiplié par trois justifié de débuter une prise en charge active avant que le
et croît avec le nombre d'HPP. seuil de 500 ml de perte sanguine ne soit atteint, si le débit
La survenue, souvent imprévisible, d'une hémorragie de saignement est élevé ou la tolérance clinique mauvaise. À
du post-partum grave, nécessite d'appliquer, avant que l'inverse, dans le contexte de l'accouchement par césarienne,

Pratique de l'accouchement
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308   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

compte tenu de la perte sanguine inhérente au geste chirur- séparation (voir chapitre 6). En cas d'atonie utérine, cette
gical lui-même, le seuil d'action peut être fixé à un niveau de hémostase mécanique ne se produit pas ou mal et entraîne
perte sanguine plus élevé que celui de 500 ml si la tolérance un saignement abondant et potentiellement mortel.
clinique le permet (accord professionnel).
Attention à la tendance à la sous-estimation des pertes, Rétention placentaire
donc au retard au diagnostic et au retard de la prise en
charge La rétention placentaire est la deuxième cause d'HPP, impli-
quée dans environ 10 à 30 % des HPP.
La rétention placentaire est définie par la persistance de la
Incidence [7] totalité ou d'un fragment de placenta dans la cavité utérine.
Elle résulte de circonstances isolées ou associées : troubles
Dans les études en population, l'incidence de l'HPP est dynamiques à type d'inertie ou d'hypertonie utérine.
autour de 5 % des accouchements lorsque la mesure des
pertes sanguines est imprécise, et autour de 10 % lorsque
les pertes sanguines sont quantifiées. L'incidence de l'HPP Plaies des voies génitales
sévère de 1 000 ml est autour de 2 %. Les plaies des voies génitales sont responsables de 15 à 20 %
L'atonie utérine est la principale cause d'HPP. Les plaies des HPP ; il peut s'agir :
de la filière génitale sont responsables d'environ un cas ■ de déchirures périnéales (y compris l'épisiotomie) : elles
d'HPP sur cinq, et leur contribution est plus grande parmi sont rarement responsables d'hémorragies graves mais le
les HPP sévères. retard dans leur réparation peut entraîner une spoliation
Le cas particulier de la césarienne mérite d'être souligné. sanguine non négligeable ;
Il faut prendre conscience que, lorsque les pertes sanguines ■ de déchirures vaginales, de deux types :
sont comptabilisées systématiquement au cours d'une césa- – les déchirures des parois et du dôme vaginal : elles sont
rienne (comme cela doit être le cas), le taux de patientes faciles à diagnostiquer lorsqu'elles prolongent une
ayant des pertes sanguines supérieures à 500 ml et 1 000 ml déchirure périnéale. Souvent, il faut les rechercher par
(et donc d'HPP et d'HPP sévère) est d'environ, respective- une exploration soigneuse à l'aide de valves. Les déchi-
ment, de 47 % et 12 % des cas [20]. rures du dôme vaginal sont souvent associées à une
déchirure du col utérin. Elles peuvent être favorisées
par une fragilité de la muqueuse vaginale : malforma-
Causes des hémorragies du post- tion, cicatrice, infection, et sont souvent provoquées
partum (tableau 26.1) par un accouchement dystocique ;
– les déchirures cervicales : elles sont en général latérales
Atonie utérine au niveau d'une commissure et peuvent s'étendre au
L'atonie utérine est la première cause d'HPP, responsable de dôme vaginal le plus souvent, mais parfois au segment
50 à 80 % des cas. Elle correspond à un défaut de contrac- inférieur rendant leur traitement difficile. Elles peuvent
tilité de l'utérus après la naissance. Normalement, après la se rencontrer après des efforts expulsifs à dilatation
naissance de l'enfant, l'utérus se contracte afin d'assurer incomplète, après des manœuvres obstétricales et après
l'hémostase mécanique : la contraction utérine entraîne un accouchement rapide. Toute hémorragie du post-
l'occlusion des artères restées béantes et permet de tarir le partum immédiat doit faire rechercher une déchirure
saignement. L'importance de la perte sanguine associée à la cervicale car ces dernières sont fréquentes (11 % des
séparation et à la délivrance placentaire dépend de la rapi- accouchements de primipares, 4 % chez les multipares) ;
dité avec laquelle le placenta se sépare de la paroi utérine et ■ d'un saignement lié à l'hystérotomie provenant du décol-
de l'efficacité de la contraction du muscle utérin autour du lit lement vésico-utérin ou d'un pédicule utérin qui saigne
placentaire et des vaisseaux sanguins pendant et après cette après une césarienne.

Tableau 26.1. Les causes des hémorragies du post-partum.


Troubles de la dynamique Plaies de la Anomalies du Troubles Faute technique
filière génitale placenta de la coagulation
Inertie Hypertonie Faute technique
– Inertie due à : Enchatonnement Rupture utérine Rétention CIVD Expression utérine
travail trop rapide ou du placenta Déchirure du col, placentaire Embolie amniotique Inversion utérine
trop long vagin, périnée Cotylédons HRP
– surdistension : Épisiotomie accessoires MFIU
jumeaux Anomalies Chorioamniotite
– hydramnios d'insertion du
– anomalie du placenta : placentas
muscle (fibrome, praevia, accreta,
malformations) percreta
– causes iatrogènes :
ocytociques,
bêtamimétiques
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    309

Hématome périgénital ou thrombus tique, ces hématomes peuvent apparaître après des accou-
vaginal chements normaux sans qu'aucun de ces facteurs de risques
ne soit retrouvé. Sa survenue est donc imprévisible.
L'hématome périgénital (HP) est aussi nommé hématome
puerpéral ou improprement « thrombus génital ». Il cor-
respond à un décollement du tissu conjonctif paravaginal, Ruptures utérines
paracervical ou paramétrial par des lésions vasculaires Une rupture utérine complète est l'existence d'une déchi-
généralement dues à un traumatisme direct lors de l'accou- rure du myomètre et du péritoine viscéral ou une déchirure
chement. La cause immédiate est une rupture vasculaire de du myomètre s'étendant dans la vessie ou le ligament large
capillaires, avec une rapide extension dans le tissu adipeux (rupture latérale à risque de plaie du pédicule utérin), surve-
car aucun élément anatomique ne s'oppose à la progression nant pendant la grossesse ou le travail. Une rupture utérine
de la collection entraînant potentiellement une spoliation incomplète (déhiscence) est une déchirure ou une solution
sanguine importante plus ou moins associée à une coagula- de continuité du muscle, sans ouverture de la séreuse. Elles
tion intravasculaire disséminée. Bien que la pathogénie soit représentent un cas pour 1 500 accouchements.
encore discutée, il semblerait que la rotation intrapelvienne On peut en distinguer trois types :
de la tête fœtale, qu'elle soit spontanée ou manuelle, puisse ■ les ruptures par altération de la paroi utérine, qui
être incriminée. L'HP est unilatéral car sa diffusion est limi- surviennent :
tée par le raphé médian et est le plus souvent droit du fait – sur un utérus cicatriciel (césarienne, myomectomie
d'une part du rôle potentiel de l'épisiotomie et, d'autre part, avec ouverture de la cavité utérine, résection hystéros-
de la plus grande fréquence de présentation occipito-iliaque copique, hystéroplastie, antécédents de perforation et
postérieure droite que gauche (qui nécessitera souvent une ruptures suturées) (voir chapitre 16) ;
rotation manuelle). Il apparaît généralement dans les heures – sur un utérus fragilisé (multiparité, curetages répé-
qui suivent l'accouchement car, pendant le travail, la tête tés, hydramnios, grossesses multiples, malformations
fœtale assure l'hémostase en comprimant les parois vagi- utérines) ;
nales et le périnée. ■ les ruptures par disproportion fœtopelvienne ou travail
Son incidence est variable dans la littérature mais sem- prolongé, qui peuvent survenir sur un utérus cicatriciel
blerait être de 1 pour 1 000 accouchements. ou non ;
Différents types d'hématomes en fonction de leur locali- ■ les ruptures iatrogènes : elles relèvent de trois causes :
sation sont décrits (figure 26.10) [31] : manœuvres obstétricales, extractions instrumentales, admi-
■ l'hématome vulvaire : tuméfaction unilatérale d'une nistration mal contrôlée d'ocytociques ou de prostaglandines.
grande lèvre devenue oblongue ;
■ l'hématome vaginal : tuméfaction palpée au toucher vagi-
nal refoulant la paroi opposée ; Inversion utérine
■ l'hématome vulvovaginal (le plus fréquent) : il s'agit de
l'association des deux précédents, dont la pathogénie et Elle représente une complication grave de la délivrance. Elle
le pronostic sont similaires ; en effet, l'hématome inté- est rare, un cas sur 100 000 accouchements en France, mais
resse la vulve, les tissus paravaginaux, le périnée, la fosse se voit plus souvent dans les pays en développement.
ischiorectale. Les vaisseaux les plus souvent concernés Elle peut être spontanée en cas de distension utérine
sont les branches de l'artère pudendale ou honteuse après un accouchement rapide ou favorisée par la présence
interne et l'artère vaginale longue ou bien les vaisseaux d'un myome sous-muqueux, ou provoquée par traction
périnéaux et labiaux ; intempestive sur le cordon, ou expression utérine violente
■ l'hématome supravaginal ou sous-péritonéal : l'héma- déprimant le fond utérin. Trois degrés sont décrits suivant
tome est au-dessus des aponévroses pelviennes dans la l'importance de l'inversion.
région rétropéritonéale ou intraligamentaire. Toujours
graves, ils sont la conséquence d'une lésion traumatique
du col, du segment inférieur ou d'un cul-de-sac vaginal. Anomalies du placenta
Les vaisseaux concernés sont l'artère utérine ascendante Anomalies d'insertion
ou la vaginale longue ou les vaisseaux cervicovaginaux ou Le placenta praevia est une cause fréquente d'hémorragies
vésicovaginaux. du post-partum (11 %) [4] ; l'insertion du placenta siège
Des facteurs favorisants ont été incriminés comme la pri- sur le segment inférieur, sur une cloison d'un utérus mal-
miparité, la macrosomie, les grossesses multiples, les varices formé, sur une zone où la paroi est plus mince et l'action
vulvovaginales, les anomalies de la coagulation. L'extraction des contractions utérines est moins efficace pour le décoller.
instrumentale, a fortiori accompagnée d'une rotation, pour-
rait augmenter le risque de survenue d'HP. Le CNGOF
contre-indique formellement la rotation instrumentale [30]. Adhérences anormales
D'autres facteurs sont plus controversés, comme l'épisioto- Elles sont essentiellement représentées par le placenta
mie, « protectrice » pour certains, facteur de risque, à part accreta où les villosités placentaires adhèrent au myomètre
entière, pour d'autres. Elle est, dans la littérature, observée sans interposition de caduque basale. Parfois, même les vil-
dans 85 à 93 % des cas d'HP. Celui-ci peut survenir à la suite losités pénètrent profondément dans le myomètre (placenta
d'une réparation insuffisante d'une épisiotomie ou d'une increta) et peuvent traverser tout le myomètre jusqu'à la
déchirure dont l'angle d'incision n'a pas été suturé. En pra- séreuse (placenta percreta).
310   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Cette éventualité est heureusement assez rare (1/2 000 à Tableau 26.2. Séquences des événements
1/5 000 accouchements) car la délivrance n'est possible qu'au survenant au cours des coagulations
prix d'une lésion de la paroi utérine rendant souvent néces- intravasculaires disséminées [11].
saire une hystérectomie d'hémostase. Le placenta accreta
peut être partiel, localisé et se rencontrer dans la zone uté- FACTEURS DÉCLENCHANTS
rine où la prolifération déciduale est amoindrie, au niveau
du segment inférieur notamment, ou en cas d'anomalie de
la paroi utérine : cicatrice, synéchie, fibrome, hypoplasie de ACTIVATION INTRAVASCULAIRE DE LA COAGULATION
l'endomètre, adénomyose, endométrite, malformation.
La prise en charge des placentas praevia et accreta est
abordée dans le chapitre 23. Coagulation de
Dépôts de fibrine
dans la consommation
Anomalies morphologiques microcirculation
Il s'agit des cotylédons accessoires séparés du gâteau placen-
taire principal et sur lesquels les contractions utérines n'ont
pas assez de prise pour les décoller. Fibrinolyse
secondaire
Fautes techniques
Il s'agit de manœuvres intempestives pratiquées avant la TENDANCE
délivrance dans le but de hâter celle-ci : HÉMORRAGIQUE
■ tractions sur le cordon pouvant entraîner une déchirure
placentaire avec rétention de cotylédons ;
■ expression utérine avant le décollement placentaire.
Facteurs de risque
Pathologie de l'hémostase Le tableau 26.3 montre les principaux facteurs de risque
La survenue d'une coagulopathie est particulièrement grave. d'HPP en distinguant ceux liés aux caractéristiques mater-
Elle peut se rencontrer au cours de certaines pathologies nelles préexistantes à la grossesse et ceux liés aux caractéris-
obstétricales : tiques de la grossesse, du travail et de l'accouchement. Les
■ hématome rétroplacentaire ; facteurs de risque d'HPP les plus classiquement rapportés
■ embolie amniotique ; sont :
■ mort fœtale in utero ; ■ des facteurs de risque d'atonie utérine, cause dominante
■ chorioamniotite. de l'HPP : grande multiparité, surdistension utérine
Elle vient très souvent compliquer une hémorragie de la dans les contextes de grossesse multiple, hydramnios ou
délivrance si celle-ci n'est pas traitée rapidement. macrosomie fœtale, travail prolongé ou chorioamniotite ;
La coagulation intravasculaire disséminée désigne une ■ l'existence d'antécédents d'HPP qui est un des facteurs de
décompensation globale de l'hémostase, à laquelle parti- risque les plus fortement associés (RR : 3,3 ; IC à 95 % :
cipent les parois vasculaires, les plaquettes et les systèmes 3,1-3,5) ;
de la coagulation, de la fibrinolyse, des kinines et du ■ l'administration d'oxytocine pendant le travail et le
complément. mode d'accouchement. L'existence d'une association
La séquence des événements intervenant dans la coagu- entre l'administration d'oxytocine pendant le travail et la
lation intravasculaire disséminée est schématisée dans le survenue d'une HPP a été rapportée [3]. La relation est
tableau 26.2. dose-­dépendante. Cependant, ces résultats restent issus
Divers facteurs déclenchants, dont l'action est essentielle- d'études observationnelles qui ne permettent pas d'affir-
ment modulée par des facteurs favorisants, conduisent à une mer le lien de causalité entre l'exposition à l'oxytocine et
activation intravasculaire de la coagulation. Une activation la survenue d'une HPP. Mais ce résultat est néanmoins
intense de la coagulation peut conduire à une coagulopathie à prendre en compte dans l'évaluation de la balance
de consommation. De plus, les dépôts de fibrine peuvent bénéfice/risque de cette intervention, destinée à éviter le
activer secondairement la fibrinolyse. Tous ces facteurs recours à la césarienne en cas de travail dystocique, car
peuvent entraîner une tendance hémorragique. l'ocytocine est particulièrement utilisée en France (64 %
L'activation intravasculaire de la coagulation peut être des femmes en travail et 58 % des femmes en travail
induite par trois mécanismes différents : spontané), ce qui suggère une utilisation en pratique cou-
■ l'activation de la voie extrinsèque de la coagulation due au rante au-delà des indications médicales validées.
relargage de thromboplastines tissulaires. C'est le méca- La césarienne avant travail est associée à un risque aug-
nisme le plus souvent mis en jeu en obstétrique. L'œuf est menté d'HPP sévère par rapport à l'accouchement par voie
en effet très riche en thromboplastines tissulaires ; basse spontanée (OR : 2,33 ; IC à 95 % : 1,08-2,56).
■ l'activation de la voie intrinsèque de la coagulation ; La césarienne réalisée en urgence en cours de travail aug-
■ l'activation directe du facteur II (c'est-à-dire la prothrom- mente encore ce risque de 55 % par rapport à la césarienne
bine) ou du facteur X (c'est-à-dire le facteur Stuart) par avant travail. Le risque maximal est atteint en cas de césa-
des enzymes protéolytiques. rienne en cours de travail après déclenchement.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    311

Tableau 26.3. Principaux facteurs de risque d'HPP balance bénéfice-risque doit prendre en compte le risque
dans les études en population les plus récentes associé d'HPP (accord professionnel).
(modifié d'après Deneux-Tharaux et al. [7]). Ces facteurs de risques et leur combinaison sont cepen-
dant globalement peu prédictifs d'une hémorragie, soit
Facteurs de risque d'HPP OR ajustés (IC 95%) en
analyse multivariée parce qu'ils sont très prévalents mais peu discriminants, soit
parce qu'ils sont rares. Cette impossibilité à identifier cor-
Caractéristiques maternelles
préexistantes à la grossesse
rectement les femmes à risque d'HPP justifie que les straté-
gies de prévention s'adressent à toutes les parturientes.
Âge maternel
15–19 ans 0,8 (0,6–1,1)
20–34 1
Prise en charge anténatale
35–39 1,1 (1,0–1,2)
ou préventive des hémorragies
≥ 40 ans 1,4 (1,1–1,7)
du post-partum [12]
Primipare 1,7 (1,4–2.0) La prise en charge anténatale des patientes à risque d'hé-
morragie du post-partum (hors anomalies de l'insertion
Grande multiparité 1,2 (0,8–1,9)
placentaire) repose sur la prévention de l'anémie, le repérage
Antécédent de césarienne 1,9 (1,4–2,6) des femmes ayant des troubles de la coagulation ou un trai-
Caractéristiques de la grossesse tement anticoagulant et la délivrance dirigée.
Grossesse multiple 3,8 (2,2–6,5)
Polyhydramnios 1,9 (1,2–3,1) Supplémentation en fer
Chorioamniotite 2,5 (1,9–3,3) La numération formule sanguine doit être faite au premier
trimestre ou au sixième mois. Même si elle est très impar-
Pathologie hypertensive 1,9 (1,2–2,8)
gravidique
faite, elle permet de sélectionner les patientes qui ont une
anémie ferriprive, en particulier parmi les femmes à risque :
Caractéristiques du travail et de grossesses rapprochées, grossesses gémellaires, adolescentes,
l'accouchement
femmes en situation de précarité. La prise en charge de ces
Déclenchement 1,2 (1,0–1,5) anémies a pour objectif de faire en sorte que ces femmes
Travail prolongé 1,7 (1,4–2.0) abordent l'accouchement sans anémie.
Épisiotomie 2,2 (1,8–2.6)
Le traitement de l'anémie sévère repose sur une supplé-
mentation en fer le plus souvent par voie orale.
Accouchement voie basse 2,3 (1,5–3.4) En cas d'anémie modérée (Hb < 10,5 g/dl), il faut prévoir
instrumentale
une supplémentation en fer par voie orale.
Césarienne avant travail 2,3 (2,1–2,6) En cas d'anémie sévère (Hb < 8 g/dl) et/ou mal tolérée et/
Césarienne pendant travail 3,2 (2,4–4.2) ou accouchement imminent, on discutera la supplémenta-
Macrosomie 1,7 (1,3–2.2)
tion en fer injectable (Ferinject®).

Patientes atteintes d'une pathologie de


la coagulation ou ayant un groupe de
L'extraction instrumentale est également associée à une sanguin rare
augmentation marquée du risque d'HPP par rapport à la Les patientes atteintes d'une pathologie de la coagulation
voie basse spontanée, et ce surrisque est indépendant de doivent bénéficier d'un suivi de grossesse en étroite collabo-
l'épisiotomie qui, elle aussi, est un facteur de risque signi- ration avec un médecin compétent en hémostase qui anti-
ficatif d'HPP. cipera la prise en charge spécifique lors de l'accouchement.
La primiparité est un facteur de risque d'HPP dans les Les situations immunologiques complexes dont les
études plus récentes réalisées dans des pays à niveau de groupes sanguins rares doivent faire l'objet d'une attitude
ressources élevé. Elle a remplacé la grande multiparité, rare concertée en période anténatale avec le site de l'Établisse-
dans nos pays mais cause d'HPP dans les pays en voie de ment français du sang.
développement. L'accouchement des femmes atteintes d'une pathologie
L'obésité maternelle et un âge supérieur à 35 ans semblent de la coagulation ou porteuses d'un groupe sanguin rare
aussi être des facteurs de risque d'HPP. devra se faire dans un établissement ayant un service com-
Au total, de nombreux facteurs de risque d'HPP ont pétent dans la prise en charge des troubles de l'hémostase et/
été décrits mais ils sont globalement peu prédictifs indi- ou ayant un centre de transfusion.
viduellement. La plupart sont des facteurs de risque d'ato-
nie utérine. Une attention particulière doit être portée aux
facteurs de risque correspondant à des éléments de prise Patientes sous anticoagulants/
en charge du travail (ocytocine), ou de l'accouchement antiagrégants plaquettaires
(épisiotomie, extractions instrumentales, césariennes) car En cas d'anticoagulation à dose préventive, le risque d'HPP
ils sont potentiellement modifiables et l'examen de leur n'est pas augmenté et l'accès à l'anesthésie périmédullaire
312   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

(APM) est le plus souvent possible compte tenu d'un délai nelle, une mise au sein précoce et la vidange vésicale
supérieur à 12 heures depuis la dernière injection. Dans systématique n'ont pas d'impact sur l'incidence des
cette situation, il n'est pas recommandé de proposer sys- HPP. La mise en place de ces mesures est laissée au
tématiquement un déclenchement au cours d'une fenêtre libre choix des équipes ;
d'anticoagulants parfois dénommée fenêtre « thérapeutique ». – le misoprostol intrarectal (2 comprimés de 200 μg)
En revanche, il sera proposé d'évaluer le score de Bishop une fois donné après le clampage du cordon peut être utilisée.
par semaine à partir de 38 SA. En cas de score de Bishop supé- Cette prescription n'est pas plus efficace que l'ocyto-
rieur ou égal à 6, il sera proposé à la patiente (mais ce n'est pas cine [13] et présente plus d'effets indésirables [15]. Elle
obligatoire) un déclenchement dont le seul but est de permettre est cependant utile dans les pays en voie de dévelop-
d'augmenter pour la patiente l'accès à une analgésie péridurale. pement du fait de sa résistance à la chaleur et de son
L'anticoagulation curative par héparine de bas poids faible coût [34] ;
moléculaire (HBPM) s'accompagne d'une augmentation – en cas de rétention placentaire observée sur l'examen
minime du risque hémorragique et impose le respect d'un du délivre : il faut faire une délivrance artificielle entre
délai supérieur à 24 heures avant d'avoir recours à l'anesthé- 30 et 60 minutes après l'accouchement en l'absence de
sie périmédullaire. Dans cette situation, il n'est pas recom- saignement et le plus rapidement possible en cas de
mandé de proposer systématiquement un déclenchement saignement ;
au cours d'une fenêtre d'anticoagulants ou fenêtre « théra- – l'administration d'un ocytocique par voie intrafuni-
peutique ». En revanche, il sera proposé d'évaluer le score culaire ou par voie intraveineuse ou intramusculaire
de Bishop une fois par semaine à partir de 38 SA. En cas de n'est pas efficace et donc pas recommandée.
score de Bishop supérieur ou égal à 6, il sera proposé à la – après un accouchement par voie basse en cas d'utérus
patiente (non obligatoire) un déclenchement dont le princi- cicatriciel, la révision utérine systématique n'est pas
pal but est de permettre d'augmenter pour la patiente l'accès recommandée (planche 26.1).
à une analgésie péridurale. Lors des naissances par césarienne :
La prise d'aspirine n'augmente pas la fréquence ni l'in- ■ la délivrance par traction contrôlée du cordon est asso-
tensité des HPP et ne contre-indique pas le recours à une ciée à des pertes sanguines moins importantes et est
rachianesthésie et/ou une péridurale. recommandée à la place de la délivrance manuelle ;
■ une injection en intraveineuse lente sur au moins une
minute de 5 UI d'oxytocine est recommandée sauf en cas
Délivrance dirigée de risque cardiovasculaire avéré où la durée d'injection
C'est la prévention clinique et pharmacologique de l'hémorra- doit être d'au moins cinq minutes afin de limiter les effets
gie du post-partum lors de la troisième phase du travail [10]. hémodynamiques ;
Dans les accouchements par voie basse, il convient de : ■ un traitement d'entretien systématique par une perfusion
■ vérifier dès l'entrée en salle de travail la disponibilité du intraveineuse d'oxytocine (10 unités dans 500 cm3 de
résultat des examens immunohématologiques (groupes sérum glucosé à 5 %) peut être entrepris sans dépasser 10
et phénotypes sanguins, RAI). En cas de risque hémorra- UI par heure. Le traitement peut être interrompu au bout
gique identifié, une RAI datant de moins de trois jours est de deux heures si la tonicité utérine est satisfaisante et en
recommandée ; l'absence de saignement anormal.
■ poser systématiquement une voie veineuse à partir de En pratique, en l'absence de saignements, la perfusion
5 cm de dilatation ; doit être « finie » quand la patiente est transférée en suites
■ injecter après le dégagement de l'épaule antérieure 5 UI de couche et la dose totale maximale d'ocytocine doit être
(1 ampoule) ou 10 UI d'oxytocine par voie intraveineuse de 20 UI.
direct lente, idéalement sur une minute en raison du L'estimation du volume des pertes sanguines en pesant
risque cardiovasculaire : les compresses et mesurant le volume de sang aspiré est
– en l'absence de voie veineuse : l'oxytocine 5 UI sera essentielle lors de la césarienne, et doit apparaître dans le
injectée en intramusculaire ; compte rendu opératoire.
– en cas de facteurs de risque cardiovasculaire : l'injec- La carbétocine (Pabal®) est un analogue synthétique de
tion en intraveineux d'oxytocine sera faite sur cinq l'ocytocine humaine. De plus longue durée d'action (environ
minutes ; 5 h au lieu de 1 h 30 pour le Syntocinon®), cette molécule est
– une perfusion d'entretien systématique par oxytocine utilisée en prévention de l'atonie utérine suivant un accou-
n'est pas recommandée ; chement par césarienne. Elle est administrée en dose unique
– une poche de recueil graduée placée sous les fesses de (1 ml dosé à 100 μg par voie intraveineuse) après la naissance
la parturiente après la naissance permettra d'évaluer le de l'enfant [27]. La carbétocine n'a pas d'AMM après un
volume et le poids des pertes sanguines ; accouchement par voie basse. Enfin, la carbétocine ne paraît
– une surveillance stricte des signes vitaux, hémodyna- pas plus efficace que l'oxytocine pour prévenir les HPP après
miques (pouls, tension), du volume des saignements toutes un accouchement par voie basse ou par césarienne [15]. En
les 15 minutes en salle de naissance sera faite et notée ; l'absence d'essai de non-infériorité, l'oxytocine constitue le
– le drainage systématique du cordon, la traction contrô- traitement préventif de référence pour la prévention de l'HPP
lée du cordon, le massage utérin, la position mater- pour les césariennes pour le CNGOF [20].
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    313

Planche 26.1. Délivrance artificielle


Matériel � Empaumer le fond utérin avec la main gauche et abaisser le
� Des linges propres. fond utérin vers le pubis (c).
� Du liquide pour nettoyer la vulve : Mercryl®, Bétadine®. � Décoller le placenta avec le bord cubital de la main que l'on
� Une paire de gants stériles. introduit entre utérus et placenta, de façon à les décoller l'un
L'anesthésie est inutile, vous n'avez pas le temps, vous êtes seul de l'autre, comme avec un coupe-papier.
et ce n'est pas douloureux. � Ramener le placenta dès qu'il est décollé (d).
� Réintroduire la main dans l'utérus pour vérifier qu'il ne reste
Indications plus rien : on sent bien la zone d'insertion placentaire qui est
� Rétention placentaire. rugueuse.
� Hémorragie de la délivrance. � Masser le fond utérin avec la main gauche pour sentir la
contraction ; le muscle devient ferme et dur.
Technique
� Faire injecter le Méthergin® en intraveineuse ; sinon, faire
� Réaliser l'asepsie des mains et mettre les gants. masser le fond utérin à travers la paroi abdominale et, après
� Réaliser l'asepsie de la vulve. avoir mis les gants, faire soi-même l'injection intraveineuse.
� Introduire la main droite repliée dans le vagin puis l'utérus (a et b).

a
a. Position de la main qui doit pénétrer dans le vagin et l'uté-
rus pour la délivrance artificielle ou la révision utérine. b. Introduction de la main gantée dans les voies vaginales ;
on suit le trajet du cordon.

c d
c. La main droite étant introduite dans les voies génitales d. La main intra-utérine clive l'espace intro-utéro-placentaire
et l'utérus, la main gauche empaume le fond utérin et avec le bord cubital de la main. La main abdominale maintient
l'abaisse vers le vagin. le fond utérin.
314   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Planche 26.1. Suite

e f
e. Compression de l'utérus après révision utérine. f. Compression avec le poing en cas d'hémorragie de
la délivrance.

Traitement d'une hémorragie ■ fait une délivrance artificielle si le placenta est toujours
en place. Cette révision utérine ou délivrance artificielle
du post-partum (figures 26.1 à 26.3) peut être réalisée sous ocytocine et ne doit pas retarder
[2,9,21,26] l'administration d'ocytocine ;
Le protocole doit être connu de tous et affiché en salle de ■ révise sous valves le col et le vagin et suture des lésions du
naissance : col et ou du vagin ;
■ le diagnostic d'hémorragie doit être fait dès que les pertes ■ suture rapidement l'épisiotomie ou les déchirures périnéales ;
sanguines dépassent 500 ml ; ■ masse l'utérus pour obtenir un utérus bien dur et contracté.
■ la sage-femme doit alors mettre en route les mesures ini-
tiales de premier niveau : Conduite médicales
– prévenir toutes les personnes concernées : obstétricien
Dès que l'utérus est vide et les plaies suturées, il faut mettre
et anesthésiste ;
en route la conduite médicale :
– noter l'heure de début de l'hémorragie ;
■ injecter 10 UI d'oxytocine par voie intraveineuse lente
– débuter une feuille de surveillance.
suivie d'une perfusion d'entretien de 10 UI par heure
Les conduites obstétricale et médicale doivent être réali-
pendant deux heures, relayée par une deuxième perfu-
sées concomitamment :
sion de 10 UI dans 500 ml pendant huit heures ;
■ vérifier les résultats du groupe Rhésus-RAI et de la
■ dans les pays en voie de développement où il n'y a sou-
numération formule sanguine ;
vent pas accès aux ocytociques, on peut utiliser le miso-
■ mettre en place le Dinamap® et le scope pour le monito-
prostol (5 comprimés en intrarectal = 1 000 μg) ou en
rage de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et
sublingual 800 μg [22,25].
de la SpO2 ;
■ faire une antibioprophylaxie par :
■ vérifier le bon accès à une voie veineuse, voire mettre une
– Augmentin® (2 g par voie intraveineuse lente) ;
deuxième voie d'abord veineuse en fonction de l'impor-
– Érythrocine® (1 g par voie intraveineuse lente en cas
tance de l'hémorragie ;
d'allergie) ;
■ mettre en route :
■ lutter contre l'hypothermie par une couverture chauf-
– le remplissage : cristalloïdes (Ringer Lactate®, NaCl
fante, le réchauffement des solutés de perfusion et des
0,9 %) de 500 cm3 en 15-30 minutes ;
produits sanguins ;
– Oxygénothérapie au moyen de lunettes nasales (2-4 l/
■ surveiller :
min)
– le volume des pertes sanguines :
■ mettre en place un sondage vésical à demeure.
- dans le sac de recueil qui doit être pesé ;
- la coloration des téguments ;
- le pouls, la tension artérielle ;
Conduite obstétricale – la diurèse horaire : 50 cm3 de l'heure ;
L'obstétricien, en tenue opératoire masqué et ganté après – la dureté du globe utérin ;
obtention d'une analgésie adéquate : ■ l'HemoCue® permet en salle de suivre le taux d'hémo-
■ vérifie la vacuité utérine par une révision utérine si la globine (Hb) : une chute de 2 g d'hémoglobine équivaut
délivrance est faite ; environ à 800 ml de sang perdu ;
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    315

Fig. 26.1. Algorithme de prise en charge d'une hémorragie du post-partum après accouchement par voie basse élaboré par le CNGOF
[33]. IVL : intraveineux lent ; IM : intramusculaire ; UI : unité internationale ; RAI : recherche d'agglutinines irrégulières ; LBAU : ligature bilatérale
des artères utérines ; LBAH : ligature bilatérale des artères hypogastriques ; rFVIIa : facteur VII activé recombinant. *À titre indicatif et sera adapté
en fonction de l'importance des saignements.

■ on fera partir un bilan d'hémostase complet (NFS, TP, ■ contre-indications :


TCA, fibrinogène) si l'hémorragie est importante ou si – asthme, bronchite spasmodique, affections cardio-
elle ne s'arrête pas dans les dix à 15 minutes. vasculaires (angine de poitrine, maladie de Raynaud,
Si l'hémorragie persiste, les mesures de deuxième niveau troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA), anté-
s'imposent rapidement. Elles comprennent une perfusion cédent thromboembolique, trouble grave de la fonction
de sulprostone (Nalador®) qui doit être posée dans la demi- hépatique ou rénale, diabète décompensé, glaucome,
heure qui suit le début de l'hémorragie car, passé ce délai, thyréotoxicose, colite ulcéreuse, ulcère gastroduodénal ;
l'efficacité du produit est diminuée par huit : – en cas d'hémorragie massive, il faudra évaluer le rap-
■ elle se fera uniquement par voie intraveineuse à la port bénéfice/risque entre une éventuelle contre-indi-
seringue électrique en présence de l'anesthésiste ; cation et le bénéfice possible.
316   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Prise en charge d’une HPP en cours de césarienne

Diagnostic d’HPP:
Mesure du volume aspiré
(sans liquide amniotique) ≥ 500 ml
+ pesée des champs

+/−altération des constantes maternelles

Equipe anesthésique
Equipe obstétricale

− Oxytocine 5 à 10 UI IV Lente (40 UI au max)


Hémostase chirurgicale rapide Communication − Feuille de surveillance HPP
(hystérorraphie, suture des plaies) − Maintien de l’hémodynamique
(expansion volémique par cristalloïdes)

HPP persistante et/ou avec troubles hémodynamiques


(échec de la prise en charge initiale)

- 2ème voie veineuse périphérique ≥ 16G


Utérotoniques (Sulprostone) - bilan biologique initial : NFSp, TP, TCA, Fibrinogène +/- hémocue®
- Mise en réserve de culots de globules rouges

Echec

− Oxygène
Hémostase chirurgicale conservatrice : − Prévention de l’hypothermie
capitonnage ou compression − Maintien de la pression artérielle
et/ou ligatures vasculaires (LBAU ou) remplissage cristalloïdes +/− colloïdes
+/− vasopresseurs

− Conversion éventuelle en AG,


Echec si instabilité hémodynamique
− Limiter la concentration des halogénés,
notamment si atonie

+/− Acide Tranéxamique


Hystérectomie inter-annexielle +/− Transfusion de culots de globules rouges
+/− rFVIIa (totale ou subtotale) +/− Plasma frais congelé
+/− Fibrinogène
+/− Plaquettes

Fig. 26.2. Algorithme de prise en charge d'une HPP en cours de césarienne élaboré par le CNGOF (2014) [33].

En pratique : ■ en présence de facteurs de risque cardiovasculaire, aug-


■ diluer une ampoule de 500 μg de sulprostone (Nalador®) menter si nécessaire par palier de 1,7 μg/mn, soit une
dans 50 cm3 de sérum physiologique ; vitesse de 10 ml/h sans dépasser ni 8,3 μg/min (soit une
■ à la seringue électrique, débuter avec un débit de 1,7 μg/ vitesse de 50 ml/h), ni une ampoule en une heure ;
min (soit 100 μg/h ou 1 ampoule sur 5 h, soit 10 ml/h). ■ une fois l'hémorragie contrôlée, un relais sera systéma-
Ce palier est surtout important pour les patientes présen- tiquement réalisé avec une perfusion de Syntocinon®
tant un risque cardiovasculaire ; (10–20 UI dans un glucosé à 5 %) sur 8 heures.
■ en l'absence de facteurs de risque cardiovasculaire, aug- Les mesures réanimatoires peuvent être débutées au deu-
menter rapidement le débit pour atteindre une vitesse xième niveau (voir infra).
de 50 ml/h, soit une ampoule en 1 heure (8,3 μg/ Dans tous les cas, le volume total de solutés de remplissage
min) avec un relais d'une ampoule sur cinq heures. (cristalloïdes et colloïdes) doit être aussi modéré que possible,
Exceptionnellement, une troisième ampoule de sul- leur réelle indication étant le maintien de la perfusion et de
prostone (sur 5 h) pourra être prescrite ; l'oxygénation tissulaire en attendant la transfusion sanguine.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    317

Prise en charge d’une HPP retardée* après césarienne

Diagnostic :
saignement vaginal excessif
. Remplissage (cristalloïdes +/– colloïdes) et/ou altération des constantes
. +/−vasopresseurs maternelles
. Bilan biologique : NFSp, TP,TCA, Fibrinogène.
± Hémocue® +/− Echographie abdo-pelvienne
. Evaluation hémodynamique (rétention, hémopéritoine)
. Feuille de surveillance HPP
. Concertation anesthésiste/obstétricien

Atonie utérine Hémopéritoine


ou autre cause de saignement
(notamment doute sur une plaie utérine,
− Massage utérin du pédicule utérin, lombo-ovarien, autre)
− Oxytocine IV Lente (40 UI au maximum)
− Sulprostone si échec ou d’emblée selon gravité

Echec Patiente instable

Laparotomie
Patiente stable (AG si instable)

. Ballon intra-utérin Echec


. Embolisation +/− transfert

- Prévention de l’hypothermie
* Suture éventuelle des plaies et - Maintien de la pression artérielle
déchirures +/− Ligatures vasculaires remplissage cristalloïdes +/−colloïdes
+/−vasopresseurs
* Techniques d’hémostase chirurgicale - Limiter la concentration des halogénés,
conservatrices : Echec notamment si atonie
capitonnage ou compression
et/ou ligatures vasculaires (LBAU ou LBAH) - Poursuite des utérotoniques
(oxytocine ou sulprostone)

+/− Acide Tranexamique


+/− Transfusion de culots de globules rouges
Hystérectomie inter-annexielle +/− Plasma frais congelé
+/− rFVIIa (totale ou subtotale) +/− Fibrinogène
+/− Plaquettes

Fig. 26.3. Algorithme de prise en charge d'une HPP retardée après césarienne élaboré par le CNGOF (2014) [33].

« Mesures invasives » :
Après 30 minutes de perfusion de sulprostone (Nalador®)
si l'hémorragie persiste, en cas d'inefficacité, il faut envisager Ballon de tamponnement intra-utérin
les mesures de troisième niveau: Le tamponnement intra-utérin par ballon n'a pas une efficacité
■ des mesures « invasives » : ballon intra-utérin, chirurgie clairement démontrée. Il peut être proposé en cas d'échec de la
ou embolisation ; prise en charge par sulprostone et avant un recours à une prise
■ des mesures de réanimation concomitantes : transfusion en charge chirurgicale ou par radiologie interventionnelle.
de culots globulaires (CGR), plasma frais congelés (PFC), Son utilisation est laissée à la libre appréciation du praticien
fibrinogène, culots plaquettaires (CP). et doit être encouragée dans les pays où l'accès aux produits
■ Dans les pays en voie de développement où il n'y a sanguins et/ou à l'embolisation ou la chirurgie n'est pas aisée.
souvent pas accès au sulprostone, on peut utiliser le En pratique :
­misoprostol (5 comprimés en intrarectal = 1 000 μg) ou ■ le ballon dégonflé est introduit à travers le col et posi-
en Sublinguale 800 μg . [22,25] en cas d'echec il faut pas- tionné au niveau du segment inférieur. Il ne faut pas
ser rapidement aux méthodes chirurgicales . ­tenter de le monter en force dans le corps utérin ;
318   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

■ le ballon est ensuite rempli avec du sérum physiologique L'embolisation est exécutée par un radiologue vascu-
au minimum avec 300 ml, mais idéalement 500 ml à laire interventionnel assisté d'au moins un manipulateur.
l'aide d'une seringue de 50 ml ; Ce geste est habituellement effectué sous anesthésie locale
■ le ballon est maintenu en intra-utérin à l'aide de champs sauf si l'état hémodynamique, l'agitation, la douleur ou
tassés dans le vagin ; l'épuisement de la patiente impose une anesthésie géné-
■ on vérifie la bonne localisation du ballon à l'aide de rale. Idéalement, l'embolisation est réalisée après l'arrêt du
l'échographie ; sulprostone pour éviter tout spasme artériel et diminuer le
■ on poursuit la sulprostone et l'antibiothérapie ; risque d'échec d'une embolisation suprasélective.
■ un arrêt immédiat du saignement doit être constaté à
la mise en place du tamponnement. En cas d'échec, un Indication
recours à une prise en charge chirurgicale ou par radio­
logie interventionnelle doit être immédiatement envisagé. L'embolisation pour toutes les raisons ci-dessus évoquées
ne peut donc être proposée qu'à des patientes dont l'hémo-
dynamique est stable et qui sont transportables (avec des
Embolisation
pertes sanguines distillantes) [24,32] (figure 26.5)
L'embolisation a pour principe d'occlure la lumière artérielle La réalisation d'une embolisation dans le cadre de l'hé-
des vaisseaux à l'origine de l'hémorragie par l'injection sélec- morragie du post-partum impose une prise en charge pluri-
tive de différents matériaux. L'accès vasculaire est obtenu disciplinaire. La procédure se fait en présence des différentes
grâce à des introducteurs artériels de calibre 4 ou 5 French. équipes et ne s'envisage qu'après :
Les sondes les plus utilisés sont de type « Cobra ». Ces sondes ■ prise en charge par les anesthésistes-réanimateurs pour
sont montées en intravasculaire à l'aide de guides de calibre stabilisation de l'hémodynamique, correction de l'hypo-
0,032 ou 0,035 inches (soit 0,8 ou à 0,9 mm), les plus employés volémie et des troubles de l'hémostase. Noter que ces der-
étant les guides hydrophiles de Terumo® (figure 26.4). niers ne contre-indiquent pas l'embolisation ;
L'embolisation sélective des deux artères utérines ou, à ■ examen gynécologique précisant l'origine du saignement
défaut, des troncs antérieurs des artères iliaques internes et échec du traitement initial (révision utérine, examen
sans utilisation de microcathéter est recommandée. sous valve et utérotoniques) ;
L'embolisation artérielle doit être préférentiellement prati- ■ évaluation initiale de la gravité et de la faisabilité du
quée à l'aide de fragments résorbables de gélatine plutôt qu'à transfert en embolisation.
l'aide de « bouillie » ou de poudre. L'embolisation artérielle est indiquée préférentiellement
L'embolisation a comme principal inconvénient de en cas d'atonie utérine résistante aux utérotoniques, en parti-
nécessiter : culier après un accouchement par voie basse, en cas d'hémor-
■ une salle d'embolisation généralement située dans un ragie cervico-utérine, de thrombus vaginal ou de déchirure
autre bâtiment que celui de la maternité ; cervicovaginale suturée ou non accessible à un geste chirur-
■ un transfert dans l'unité d'embolisation dans un même éta- gical. L'embolisation reste possible après échec des ligatures
blissement ou dans un autre dans une situation à risque ; artérielles (sélectives ou proximales) ou après une hystérec-
■ un délai d'environ d'au moins une heure entre la prise de tomie, même si elle est de réalisation technique plus difficile.
décision de l'embolisation et la réalisation de celle-ci ; L'existence d'une coagulopathie n'est pas une contre-
■ un radiologue interventionnel disponible 24 heures sur 24. indication à la réalisation d'une embolisation.

Efficacité
L'arrêt de l'hémorragie après une séance d'embolisation
artérielle est obtenu dans 73 à 100 % des cas. L'arrêt de l'hé-
morragie après une deuxième embolisation est obtenu dans
85 à 100 % des cas.
Le taux de complications ischémiques (vésicale, utérine,
neurologique) imputables à l'embolisation est d'environ 5 %.
En fin d'intervention :
■ l'obstétricien contrôle l'efficacité de l'embolisation par la
surveillance des saignements et du globe utérin ;
■ l'introducteur artériel est laissé en place, notamment en cas
de trouble de l'hémostase. Cela permet de limiter le risque
d'hématome et de compression prolongée ; de plus, en cas
de récidive hémorragique, l'accès artériel sera déjà en place,
facilitant la réalisation d'une nouvelle artériographie ;
■ la surveillance est réalisée dans une structure adaptée de
type salle de réveil, soins intensif ou réanimation. Cela
permet de poursuivre la réanimation et de dépister rapi-
dement un échec de la procédure permettant d'envisager
une nouvelle embolisation ou une prise en charge chirur-
Fig. 26.4. Embolisation artérielle. gicale dans les plus brefs délais.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    319

Fig. 26.5. Angiogrammes respectivement avant et après une embolisation des artères utérines prophylactiques pour un placenta per-
creta du côté gauche (a et b) et droit (c et d) de la patiente. Noter la différence significative de vascularisation à la fin de la procédure.

Après embolisation, le potentiel de fertilité est conservé o


et les grossesses sans retard de croissance sont possibles. Le
taux de récidive d'HPP ne paraît pas significativement diffé-
rent après des ligatures artérielles ou après une embolisation ur
artérielle. ut

Chirurgie : si hémodynamique instable v


et/ou hémorragie massive [16,19,32]
En absence d'études comparatives portant sur l'efficacité des 1
différentes techniques chirurgicales, aucune des techniques 2
de chirurgie conservatrice n'est à privilégier plutôt qu'une
autre (accord professionnel).
Cependant, nous proposons l'algorithme suivant :
■ première intention : ligature étagée des artères uté-
rine bilatérales associées à une ligature bilatérale
des ligaments ronds et utéro-ovariens (Tsirulnikov)
(figures 26.6 et 26.7)
■ en cas d'échec et si l'hémodynamique est stable, les tech-
niques de compressions utérines de type : Fig. 26.6. Ligature étagée distale du pédicule utérin [32]. Ligature
– B-Lynch (figure 26.8) [30], qui a décrit une ligature en bilatérale des artères utérines 2 à 3 cm sous l'hystérotomie si elle existe
masse ayant pour but de lutter contre l'inertie utérine (1). Ligature basse des artères utérines prenant les branches cervicales
en comprimant le corps utérin. À ventre ouvert, avec 2 à 3 cm sous la ligature précédente (2). o : ovaire ; ut : utérus ;
une aiguille sertie de 70 mm de fil résorbable 0 ou 1, on v : vessie ; ur : uretère.
perfore le segment inférieur 3 cm en dessous de l'hysté-
rotomie (ou à ce niveau s'il n'y a pas eu de césarienne). segment inférieur postérieur, remonter de l'autre côté
L'aiguille ressort 3 cm au-dessus de l'incision puis sur la face postérieure, enjamber le fond et redescendre
contourne le fond utérin et redescend en arrière, en sur la face antérieure où elle entre à nouveau dans le
dedans des cornes utérines, pour perforer à nouveau le segment inférieur comme du côté opposé. Après avoir
320   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

Fig. 26.7. Ligature étagée du pédicule utérin du côté droit. Utérus Fig. 26.9. Capitonnage utérin en cadre selon Cho (d'après [32]).
tracté en haut et en dehors par l'aide, le ligament rond (LR) a été
sectionné et la vessie refoulée par la valve vaginale. Ouverture d'une
fenêtre péritonéale (FP) puis aiguillage d'arrière en avant, prenant lar- crase sanguine, de faire correctement l'hémostase du moi-
gement le myomètre permettant de réaliser une ligature haute (LH) gnon. Ces techniques sont décrites dans la Pratique chirur-
puis basse (LB) du pédicule utérin.
gicale en Gynécologie obstétrique (19)page 273.
La multiplication des traitements chirurgicaux conser-
vateurs (ligatures vasculaires et compressions utérines) ne
doit en aucun cas retarder la réalisation d'une hystérectomie
d'hémostase, en particulier en cas de multiparité et d'hémo-
dynamique instable.
L'efficacité sur l'arrêt des saignements des techniques de
ligatures vasculaires (ligature bilatérale des artères utérines
ou ligature bilatérale des artères hypogastriques) en première
ligne de traitement chirurgical conservateur de l'HPP serait
de l'ordre de 60 à 70 %. La ligature bilatérale des artères uté-
rines est une technique chirurgicale simple à faible risque de
complications immédiates sévères. La ligature bilatérale des
artères utérines et la ligature bilatérale des artères hypogas-
triques qui est faite avec des fils résorbables ne semblent pas
affecter la fertilité et le devenir obstétrical ultérieur.
L'efficacité des techniques de compression (B-Lynch) ou
de plicature utérine (Cho) sur l'arrêt des saignements en
cas d'HPP résistant au traitement médical serait de l'ordre
Fig. 26.8. Compression utérine en bretelle selon B-Lynch (d'après de 75 %. Aucune technique de compression utérine n'a
[32]). démontré de supériorité de l'une par rapport à l'autre dans le
traitement de l'HPP. Les grossesses obtenues après plicature
comprimé l'utérus, l'opérateur serre les fils et noue de utérine ne semblent pas plus pourvoyeuses de complications
façon à maintenir la compression ; de grossesse.
– Cho [5] (figure 26.9), qui propose de réaliser des Le recours à une deuxième technique chirurgicale au
sutures multipoints en cadre avec un gros fil résor- cours de la chirurgie conservatrice initiale après échec de
bable, appliquant entre elles les faces antérieures et ligature vasculaire ou de compression utérine a une effica-
postérieures de l'utérus. Ces techniques peuvent être cité pour arrêter l'HPP comprise entre 44 et 100%. Elle est
réalisées en cas d'atonie résistant à l'ocytocine et aux donc possible, après concertation avec le médecin anesthé-
prostaglandines ; siste, mais elle ne doit pas retarder la réalisation d'une hysté-
■ en cas d'échec et si l'hémodynamique est toujours stable, rectomie d'hémostase.
la ligature bilatérale des artères hypogastriques.
En cas d'échec, la seule solution est l'hystérectomie d'hé- Mesures réanimatoires [2,26]
mostase totale ou subtotale. Mais elle sacrifie évidemment Les conditions d'obtention et les circuits logistiques doivent
l'avenir obstétrical de la patiente. La technique varie très peu être connus des prescripteurs pour leur permettre d'optimi-
de celle décrite en dehors de la grossesse. Il ne semble pas ser la prise en charge des situations hémorragiques sévères.
exister de différence entre hystérectomie totale et subtotale Tous les prescripteurs doivent connaître les différentes pro-
en termes d'efficacité. Nous préférons l'hystérectomie totale cédures, en particulier celle d'urgence vitale qui doit être
car il est souvent difficile, surtout s'il y a des troubles de la rédigée et mise en œuvre dans chaque établissement.
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    321

En fonction de la sévérité du tableau clinique, le recours cas d'utilisation, le CNGOF propose de l'utiliser en cas
à un accès veineux central et à un cathéter artériel périphé- d'HPP résistant à la sulprostone à la dose de 1 g en intra-
rique peut être envisagé. veineuse lente renouvelable une fois au bout d'une heure
Les mesures de l'HemoCue® sont plus précises que celles en cas d'échec.
des méthodes non invasives de monitorage de l'Hb. Aussi,
outre le recours au laboratoire central d'hématologie, l'He- Facteur VII activé recombinant (rFVIIa)
moCue® est recommandé dans le monitorage du taux d'Hb
au cours de l'HPP. La concentration retenue est alors soit la La prescription ne doit, pour le moment, être envisagée
moyenne de trois mesures sur des prélèvements capillaires que dans l'hémorragie non contrôlée, après échec des thé-
consécutifs sur le même point de ponction, soit la mesure rapeutiques conventionnelles (essentiellement après échec
faite sur la troisième ou quatrième goutte de sang. d'hystérectomie d'hémostase), et après avoir entrepris la
L'évolution parfois rapide de la coagulopathie au cours correction des effecteurs et autres paramètres de l'hémos-
de l'HPP justifie le monitorage de la coagulation. Si les exa- tase : fibrinogène supérieur à 1 g/l, numération plaquettaire
mens réalisés au laboratoire central d'hématologie restent supérieure à 50 000 g/l, hématocrite supérieure à 24 %, pH
la référence, le rendu de leur résultat nécessite un délai supérieur à 7,2, un taux normal de calcium plasmatique et
incompressible. Dans ce contexte, les systèmes de monito- une température corporelle aussi proche de la normale que
rage délocalisé de l'hémostase, tels que la thromboélastogra- possible.
phie et le thromboélastomètre rotatif, pourraient être une
aide à la décision et peuvent être utilisés pour le monitorage Vasoconstricteurs
de l'hémostase au cours de l'HPP pour guider le traitement Les vasoconstricteurs peuvent être utilisés pour soutenir
hémostatique [2]. la pression artérielle au cours de l'HPP. Si l'éphédrine et la
phényléphrine peuvent être considérées comme les agents
Culots globulaires et plasmas frais congelés de première ligne, le recours à la noradrénaline est possible
La prescription des culots globulaires est envisagée princi- en cas de choc hémorragique
palement sur la base des signes cliniques de gravité de l'HPP,
sans nécessairement attendre les résultats du laboratoire Anesthésie générale
d'hématologie. Le recours à l'anesthésie générale est recommandé lorsque
La transfusion a pour objectif de maintenir une concen- l'état hémodynamique est instable, même si un cathéter
tration d'hémoglobine au-dessus de 8 g/dl. péridural est en place.
La première commande pourrait comporter trois culots Le protocole anesthésique choisi pour l'anesthésie géné-
globulaires, la suivante trois culots et trois trois plasmas frais rale doit prendre en compte l'existence d'une hypovolémie
congelés, le rapport PFC/CGR visé étant compris entre 1/2 et d'un « estomac plein ».
et 1/1. La prescription plus précoce de PFC en fonction de Si une embolisation est réalisée sous anesthésie locale ou
l'étiologie de l'HPP est laissée à l'appréciation du clinicien. locorégionale, l'équipe anesthésique reste impliquée dans la
Le prescripteur doit anticiper la demande de PFC du fait surveillance et la stabilisation de l'état de la patiente.
de la mise à disposition retardée (temps de décongélation) Le retrait du cathéter péridural ne doit être envisagé
de ce produit sanguin. qu'après normalisation de la coagulation.

Fibrinogène
Le taux normal de fibrinogène au cours de la grossesse (4 à
Spécificités obstétricales
7 g/l) est plus élevé qu'en dehors de la grossesse. et anesthésiques de la prise en
Il semble exister un seuil autour de 2 g/l en dessous duquel charge d'une hémorragie du post-
la réserve de fibrinogène devient insuffisante, ce qui est asso- partum associée à la césarienne
cié à une évolution plus fréquente vers une HPP sévère.
Au cours d'une hémorragie active, il est souhaitable de (figures 26.2 et 26.3) [23].
maintenir un taux de fibrinogène supérieur ou égal à 2 g/l. Le seuil d'intervention pour déclencher une prise en charge
Cependant, en fonction de l'importance de l'hémorragie ou active dépend du débit du saignement, de la cause et du
de la coagulopathie, il est possible d'administrer du fibrino- contexte clinique. Il peut être supérieur à 500 ml après
gène sans attendre le résultat du dosage. césarienne.
Le facteur de risque hémorragique principal est la réalisa-
Culots plaquettaires tion de la césarienne en cours de travail.
Il est souhaitable d'anticiper la commande de concentrés Les pertes sanguines en cours de césarienne sont difficiles
plaquettaires afin de maintenir une numération plaquettaire à évaluer. L'estimation des pertes par la mesure du volume
supérieure à 50 g/l. aspiré duquel on retire le volume de liquide amniotique
associé à la pesée des compresses imbibées est la méthode à
Acide tranéxamique utiliser en pratique. Le saignement évacué par la filière géni-
L'acide tranéxamique pourrait avoir un intérêt dans la tale doit également être comptabilisé.
prise en charge des HPP, même si son intérêt clinique Les étiologies de l'HPP associée à la césarienne com-
n'est pas démontré en contexte obstétrical. Son utilisa- prennent les causes liées à la délivrance (atonie utérine essen-
tion est laissée libre à l'appréciation des praticiens. En tiellement) et les complications traumatiques ­peropératoires
322   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

(notamment les déchirures utérines et les plaies d'un pédi- Le transport interhospitalier d'une patiente présentant
cule utérin). une HPP en vue d'une embolisation est possible à condition
La prise en charge obstétricale peropératoire d'une HPP d'avoir éliminé une indication préférentielle de laparotomie
dépend du contexte clinique et de son étiologie ; elle doit se (hémopéritoine) et si l'état hémodynamique le permet.
faire en collaboration étroite avec l'anesthésiste (figure 26.2). Une évaluation hémodynamique précise doit être de
Le traitement chirurgical immédiat en cas d'HPP résis- nouveau réalisée avant le départ.
tant au traitement médical doit être privilégié, l'embolisa- La transfusion sanguine doit être poursuivie pendant le
tion n'étant pas recommandée. transport avec un objectif de maintenir une Hb supérieure
Si une anesthésie générale s'avère nécessaire, il est recom- à 8 g/dl [8]. Les traitements spécifiques de l'HPP (oxytocine,
mandé de limiter les halogénés en cas d'atonie utérine sulprostone, ballonnet de tamponnement intra-utérin) initiés
Chaque équipe médicale doit mettre en place une pro- dans la maternité d'origine doivent être poursuivis pendant le
cédure de surveillance spécifique en salle de surveillance transport.
postinterventionnelle, comportant également les modalités Si le saignement est trop abondant ou en cas de choc
d'appel en urgence de l'équipe médicale. hémorragique incontrôlable, le transfert est dangereux et une
La surveillance spécifique liée à la césarienne en posto- hémostase chirurgicale sur place (ligature vasculaire, capi-
pératoire doit porter sur l'abondance des saignements vagi- tonnage, hystérectomie d'hémostase) doit être privilégiée.
naux extériorisés, le volume et la tonicité utérine ainsi que
sur l'aspect de la paroi abdominale, auxquels les infirmières
de salles de soins postinterventionnels doivent être formées. Prise en charge des placentas
La rétraction utérine doit être vérifiée au minimum praevia et accreta [18]
toutes les 30 minutes durant les deux heures de surveillance
post-partum en salle de surveillance postinterventionnelle. Elle est traitée au chapitre 23, p. 267.
Une échographie abdominopelvienne doit pouvoir être
rapidement réalisée au lit du patient, notamment en cas d'hy-
povolémie sans hémorragie extériorisée. Prise en charge du thrombus
En postopératoire, un hémopéritoine ou une suspicion vaginal [31]
de plaie vasculaire impose une laparotomie urgente, sous
Le thrombus vaginal ou l'hématome périgénital (HP) est
anesthésie générale (figure 26.3).
une complication rare mais potentiellement gravissime de
Dans le cas contraire, un utérotonique (oxytocine ou sul-
l'accouchement, dont la symptomatologie peut être retardée
prostone selon la gravité) doit être administré.
(figure 26.10). Il faut l'évoquer devant toute symptomatolo-
Un ballon de tamponnement intra-utérin ou une emboli-
gie douloureuse et/ou hémorragique du post-partum.
sation peuvent être discutés en l'absence d'instabilité hémo-
Le diagnostic est exclusivement clinique avec la survenue
dynamique (figure 26.3).
d'une douleur ou l'apparition d'une tuméfaction, dont la
taille est variable et repousse latéralement la fente vulvaire.
La tuméfaction est de forme oblongue et la muqueuse qui
Prévention thromboembolique la recouvre est violacée, amincie, comme prête à se fissu-
en post-partum après HPP rer (figure 26.11). L'hémorragie est rarement extériorisée.
par voie basse ou césarienne [23] L'HP peut provoquer un ténesme dans les formes étendues.
Secondairement, un choc hypovolémique peut survenir, que
Les femmes ayant reçu une polytransfusion après un accouche- n'explique pas la perte de sang visible. Il faut alors penser que
ment par voie basse pourraient bénéficier d'une thrombopro- le choc est lié à une hémorragie non extériorisée ; Lorsque
phylaxie par HBPM pendant sept à 14 jours en post-partum. l'hématome est strictement intravaginal, il faudra s'aider du
La durée peut être prolongée s'il existe des facteurs de toucher vaginal, plus ou moins du toucher rectal, pour faire
risque thromboembolique supplémentaires. le diagnostic. Le scanner abdominopelvien peut évaluer l'ex-
tension en profondeur de l'hématome et ne se discute qu'en
cas d'hématome sous-péritonéal suspecté (figure 26.12).
Le traitement s'apparente à celui d'une hémorragie
Transport interhospitalier [29] du postpartum, il doit être rapide et multidisciplinaire
Un contact direct est indispensable entre la maternité d'ori- (gynécologue-­obstétricien, radiologue interventionnel,
gine et l'équipe du centre multidisciplinaire qui va recevoir anesthésiste réanimateur). Le pronostic est double : vital et
la patiente afin de transmettre toutes les informations médi- fonctionnel. La majorité des auteurs s'accordent à être rapi-
cales et de valider l'indication et la faisabilité du transfert. dement interventionnistes.
La décision finale de réaliser le transport est multidis- Après correction de l'hypovolémie et d'éventuels troubles
ciplinaire (médecins régulateur et transporteur du SAMU, de la coagulation, un bilan lésionnel précis est indispen-
médecins anesthésistes réanimateurs et obstétriciens de la sable. Au bloc opératoire ou en salle de naissance, après
maternité demandeuse et receveuse). avoir complété l'analgésie péridurale ou sous anesthésie
Le transfert médicalisé doit être réalisé après correction générale, une exploration complète de la filière cervicovagi-
des défaillances vitales. nale est nécessaire. Un examen sous valves permet d'établir
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    323

Fig. 26.10. Classification des thrombus vaginaux (d'après [28]) 1. Péritoine. 2. Col de l'utérus. 3. Vagin. 4. Plan des releveurs. 5 Petites lèvres.
6. Grandes lèvres. a. hématome vulvaire ; b. hématome vaginal ; c. hématome vulvovaginal ; d. hématome -supravaginal ou sous péritonéal.

Fig. 26.12. Tomodensitométrie de la patiente de la figure 26.11 à j3


du traitement chirurgical et de l'embolisation bilatérale des troncs
hypogastriques ; thrombus bien circonscrit en paravaginal droit.

un bilan lésionnel complet. Le traitement est ensuite avant


tout chirurgical, associé ou non à l'embolisation artérielle.
Le traitement chirurgical consiste à inciser largement l'hé-
matome à son point le plus bas, en cas d'hématome vulvaire,
Fig. 26.11. Hématome du fond vaginal après l'accouchement et à son point culminant dans le sillon nymphohyménéal
d'un enfant en position occipitosacrée. dans la forme vaginale. En cas d'épisiotomie, cette dernière
324   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

est à ouvrir. Les caillots sont évacués au doigt prudemment sur le segment inférieur, une palpation manuelle intra-utérine
afin de ne pas créer des décollements qui n'existaient pas devra être réalisée à la recherche d'une solution de continuité, la
jusqu'alors. L'hémostase, si nécessaire, sera réalisée avec face postérieure de l'utérus devra être examinée (au besoin en
des aiguilles rondes ou des clips vasculaires. La recherche extériorisant l'utérus) et tout hématome du ligament large devra
du saignement actif peut être rendue difficile par l'impor- faire évoquer l'existence d'une rupture latérale. Le but du traite-
tance des saignements. Il s'agit malheureusement rarement ment chirurgical sera d'essayer d'être conservateur en suturant
d'un vaisseau unique mais plus souvent d'un saignement en la solution de continuité au niveau de l'utérus, en un ou deux
nappe dont l'origine est difficile à déterminer au sein de tis- plans, à l'aide de fil résorbable, de façon hémostatique. Il faudra
sus friables, œdématiés et remaniés. L'exploration doit rester bien s'attacher à vérifier l'intégrité vésicale. L'apparition d'une
malgré tout limitée en surface afin de ne pas s'exposer à des hématurie sera d'emblée évocatrice d'une plaie vésicale. Toute
complications hémorragiques difficiles à maîtriser. Il paraît rupture proche de la vessie devra donc suspecter une plaie
« raisonnable » de ne pas poursuivre la dissection au-delà du vésicale associée. La suture vésicale est réalisée par un surjet
ligament sacroépineux. Une fermeture plan par plan est à en un plan (plan total incluant la muqueuse) ou en deux plans
discuter en limitant au minimum les espaces virtuels ; pour (un plan muqueux et un plan détrusorien), grâce à des fils à
d'autres, il paraît plus souhaitable de privilégier une com- résorption lente type PDS® ou Vicryl® 3/0 ou 4/0. Un contrôle
pression mécanique par compresses par exemple. Un drai- de l'étanchéité vésicale en fin d'intervention sera bien entendu
nage est controversé mais semble, selon notre expérience, à réalisé (remplissage de la vessie par un colorant bleu). La suture
privilégier. Une lame de Delbet paraît plus appropriée qu'un doit être étanche. Nous préconisons de garder la sonde urinaire
système de drainage clos. Cela permet théoriquement l'exté- au minimum pendant sept jours. L'hystérectomie est parfois la
riorisation des saignements. Un tamponnement vaginal seule solution quand le délabrement myométrial est important.
par compresses intravaginales impose une sonde urinaire La nécessité de recourir à une hystérectomie (hémostase ou
à demeure. L'intérêt théorique de ce dernier est de réduire utérus non suturable) en cas de rupture utérine est inférieure à
au minimum les espaces morts et de contrôler les hémor- 10 % dans les pays développés [6].
ragies à faible pression. Le traitement chirurgical peut être
complété par une embolisation artérielle. À l'ablation des
mèches, il a été décrit des récidives de saignement ; l'équipe
Prise en charge de l'inversion
doit donc se tenir prête à une nouvelle intervention, mais le utérine
plus souvent l'évolution est favorable. Une antibiothérapie L'inversion du fond utérin en doigt de gant représente une
prophylactique, couvrant les bacilles à Gram négatifs, les complication grave de la délivrance mais heureusement rare
streptocoques et les anaérobies, est à prescrire systématique- (1/2 000 accouchements). Elle peut être spontanée en cas de
ment du fait du risque d'infection de l'hématome. distension utérine après un accouchement rapide ou favori-
L'embolisation artérielle d'emblée avant tout traitement sée par la présence d'un myome sous-muqueux, ou provo-
chirurgical a l'avantage de ne réaliser le drainage chirurgical quée par traction intempestive sur le cordon ou expression
qu'à 48 heures. Le but est de réaliser l'hémostase par embo- utérine violente déprimant le fond utérin. Trois degrés sont
lisation car l'hémostase chirurgicale peut s'avérer difficile, décrits suivant l'importance de l'inversion. La symptomato-
voire périlleuse, surtout en cas d'hématome supravaginal. logie associe une douleur violente et une hémorragie modé-
Cette option d'embolisation première a notre préférence. rée entraînant un état de choc souvent sévère.
Son efficacité est d'au moins 90 %. La réduction est d'autant plus facile qu'elle est pratiquée
L'embolisation peut aussi être réalisée dans un deuxième plus précocement. Elle sera faite par voie vaginale en réinté-
temps après un bilan lésionnel chirurgical et l'évacuation de grant l'utérus en commençant par le fond. En cas d'échec, la
l'hématome. réduction peut se faire par voie abdominale en tirant sur les
Quasiment aucun cas de mortalité maternelle n'a été ligaments utérins, un aide repoussant le fond par voie basse.
rapporté. En revanche, la morbidité maternelle est non
négligeable, avoisinant les 30 %. Les complications les plus
fréquemment rapportées sont l'anémie et les troubles de
l'hémostase, les complications infectieuses avec les abcès Hémorragie secondaire
de la fosse ischiorectale et les difficultés de cicatrisation, la du post-partum [1]
récidive de l'hémorragie, les douleurs avec notamment des
dyspareunies séquellaires, sources de réintervention. Les Les hémorragies secondaires du post-partum (0,5 et 2%)
thromboses veineuses profondes, avec très rarement des correspondent aux hémorragies survenant entre 24 heures
fistules rectovésicales ou utérovaginales, ont été observées. et six semaines après l'accouchement et nécessitant une
action thérapeutique quelle qu'elle soit. Elles surviennent
dans 0,5 à 2% des naissances.
Prise en charge de la rupture Les principales causes sont les suivantes :
utérine [6] ■ la rétention de fragments placentaires : l'échographie est
le premier examen à proposer pour faire le diagnostic
Le premier temps chirurgical consiste à faire une inspection de étiologique. Le meilleur signe de rétention placentaire
la déchirure, c'est-à-dire de son étendue, de ses limites, de ses est la mise en évidence d'une masse échogène intra-uté-
berges, des organes proches éventuellement concernés. Si une rine unique. Ce type d'image n'est pas toujours facile à
laparotomie est réalisée pour suspicion de rupture utérine et si différencier d'une image hétérogène intra-utérine qui
l'examen simple ne met pas en évidence de déchirure évidente correspond en général à des caillots et n'est pas, dans la
Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    325

quasi-majorité des cas, associée à une rétention placen- la grande majorité des cas, le taux d'HCG est très élevé
taire. La mise en évidence d'une cavité utérine vide ou ne (> 10 000 UI/l). Il est essentiel devant une hémorragie
contenant qu'un peu de liquide témoigne d'une involu- secondaire du post-partum de penser à réaliser un dosage
tion normale et de bon pronostic ; d'HCG même si l'incidence du choriocarcinome dans le
■ une endométrite, qui sera suspectée devant des lochies post-partum est rare (1/50 000 naissances vivantes). Il
malodorantes, une sensibilité utérine augmentée, un uté- n'existe pas de courbes de décroissance de l'HCG après
rus subinvolué, une hyperthermie ; un accouchement, mais on estime que les HCG sont
■ les faux anévrismes de l'artère utérine et fistules artério- négatifs un mois après un accouchement ;
veineuses : des cas d'anomalies vasculaires existent après ■ les coagulopathies.
césarienne ou curetage. Il faut les suspecter devant une
zone peu échogène dans le myomètre remplie de multiples Bilan et prise en charge thérapeutique
images arrondies hypoéchogènes de taille variable dans le
myomètre. La mise en évidence d'un flux vasculaire pul- (figure 26.13)
satile turbulent au sein d'une zone hypoéchogène dans le Devant une rétention placentaire et/ou endométrite il faut
myomètre évoque le diagnostic. Cependant, il a été montré faire :
que, même avec le Doppler couleur, l'aspect d'une réten- ■ des prélèvements bactériologiques cervicaux ;
tion de fragments placentaires peut simuler une malfor- ■ une hémocultures en cas d'hyperthermie ;
mation artérioveineuse. L'artériographie sélective permet ■ une NFS, plaquettes, CRP ;
de confirmer le diagnostic et d'en réaliser le traitement ; ■ une échographie pelvienne.
■ la tumeur trophoblastique gestationnelle : elles sont dans La prise en charge thérapeutique sera fonction de l'étiolo-
la quasi-majorité des cas des choriocarcinomes. Dans gie et de la sévérité de l'hémorragie.

Si HPP majeure d’emblée : traitement qui rejoint celui d’une HPP primaire (dont les grandes
lignes sont rappelées) :
• Révision utérine sous analgésie adéquate
• Oxytocine +/– sulprostone si échec de l’oxytocine
• Antibioprophylaxie
• Evaluation des pertes sanguines
• Bilan d’hémostase complet et pré opératoire
• Monitorages de l’hémodynamique maternelle
• +/– commande de CG et PFC et fibrinogène
• +/–Ballon intrautérin et/ou embolisation si échec de sulprostone

Fig. 26.13. Arbre décisionnel pour la prise en charge d'une hémorragie secondaire du post-partum élaboré par le CNGOF (2014) [1].
Si HPP majeure d'emblée : traitement qui rejoint celui d'une HPP primaire (dont les grandes lignes sont rappelées : révision utérine sous analgésie
adéquate ; oxytocine ± sulprostone si échec de l'oxytocine ; antibioprophylaxie ; évaluation des pertes sanguines ; bilan d'hémostase complet et
préopératoire ; monitorages de l'hémodynamique maternelle ± commande de CG et PFC et fibrinogène, ± ballon intra-utérin et/ou embolisation
si échec de sulprostone.
326   Partie IV. Complications au cours du travail et de l'accouchement : conduite à tenir

En cas de suspicion d'endométrite, il faut réhospitaliser la [9] Dolley P, Beucher G, Dreyfus M. Initial obstetrical management of
patiente et prescrire : post-partum hemorrhage following vaginal delivery. J Gynecol Obstet
■ un utérotonique : Misoprostol® (3 comprimés en 24 h par Biol Reprod 2014 ; 43 : 998–1008.
[10] Dupont C, Ducloy-Bouthors AS, Huissoud C. Clinical and pharma-
voie orale) ;
cological procedures for the prevention of postpartum haemorrhage
■ des antibiotiques : in the third stage of labor. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 :
– Augmentin® : 1 g trois fois par jour pendant dix jours ; 966–97.
– si allergie : clindamycine 900 mg trois fois par jour [11] Fondu P. Les syndromes de défibrination. In : Vokaer R, editor. Traité
pendant dix jours. d'obstétrique, II. La grossesse pathologique et l'accouchement dysto-
En cas de persistance de l'hémorragie et de rétention de cique. Paris : Elsevier-Masson ; 1985.
fragments placentaires : [12] Fournet-Fayard A, Lebreton A, Ruivard M, et al. Antenatal mana-
■ aspiration-curetage prudente sous contrôle échogra- gement for patients with increased risk of post-partum hemorrhage
phique en présence d'un sénior ; (excluding abnormal placentation). J Gynecol Obstet Biol Reprod
■ ou hystéroscopie opératoire à l'anse diathermique, sans 2014 ; 43 : 951–65.
[13] Gerstenfeld T, Wing D. Rectal misoprostol versus intravenous oxyto-
utilisation du courant bipolaire si possible.
cin for the prevention of post partum hemorrhage after vaginal deli-
En cas de doute sur les anomalies vasculaires, on fera une very. Am J Obset Gynecol 2001 ; 185 : 878–82.
artériographie sélective pour confirmer une anomalie vas- [14] Goffinet F, Mercier F, Teyssier V, et al. Postpartum haemorrhage :
culaire et la traiter par embolisation. recommendations for clinical practice by the French College of
En l'absence d'étiologie de type endométrite ou rétention Obstetricians and Gynecologists (December 2004). Gynecol Obstet
placentaire, on demandera un dosage d'HCG pour ne pas Fertil 2005 ; 33 : 268–74.
méconnaître un exceptionnel choriocarcinome. [15] HAS, Commission de la transparence. Avis du 17 janvier 2007. Pabal. www.
has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ct-3445_pabal_.pdf.
[16] Haumonté JB, Sentilhes L, Macé P, et al. Surgical treatment of
Conclusion postpartum hemorrhage. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 :
1083–103.
La gravité des hémorragies obstétricales du post-partum [17] INVS. Mortalité maternelle en France : bilan 2001-2006. BEH 2010 ;
immédiat justifie une attitude préventive tout au long de la 2-3 : 1–24.
dilatation et de l'accouchement. [18] Kayem G, Keita-Meyer H. Management of placenta praevia and
En cas d'hémorragie, une collaboration étroite entre accreta. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 : 1142–60.
anesthésiste-réanimateur et obstétricien est nécessaire. [19] Lansac J, Body G, Magnin G. In : Pratique chirurgicale en gynécologie
Après la mise en place des conditions élémentaires de obstétrique. 3e éd Paris : Elsevier-Masson ; 2011. p. 275 et suivantes.
[20] Misme H, Dupont C, Cortet M, et al. Distribution of blood loss
surveillance, une révision utérine soigneuse avec examen
during vaginal delivery and cesarean section. J Gynecol Obstet Biol
minutieux de la filière génitale suture des plaies et admi- Reprod 2015 ; 24 : pii : S0368-2315(15)00031-9.
nistration d'ocytociques permet de traiter l'hémorragie de [21] Morel O, Perdriolle-Galet E, Mézan de Malartic C, et al. Management
façon efficace et rapide dans la plupart des cas, les causes of severe or persistent postpartum hemorrhage after vaginal delivery.
les plus fréquentes étant l'atonie utérine, la rétention placen- J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 : 1019–29.
taire et la déchirure cervicale ou vaginale. [22] OMS. Recommandations pour la pratique clinique des soins obstétri-
Dans les autres étiologies, le traitement adapté est mis caux et néonataux d'urgence en Afrique. 2010.
en œuvre en fonction du diagnostic précis de la cause de [23] Parant O, Guerby P, Bayoumeu F. Obstetric and anesthetic specifici-
l'hémorragie. ties in the management of a postpartum hemorrhage (PPH) associa-
ted with cesarean section. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014 ; 43 :
1104–22.
Références [24] Pelage JP, Fohlen A, Le Pennec V. Role of arterial embolization in
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2014 ; 43 : 1030–62. [26] Rackelboom T, Marcellin L, Benchetrit D, et al. Anesthesiologists at
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Chapitre 26. Hémorragie du post-partum    327

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[33] Sentilhes L, Vayssière C, Mercier FJ, et al. Hémorragie du post-par- 61923–4.
tum : recommandations pour la pratique clinique. Texte des recom-
Chapitre
27
Versions par manœuvre
externe
F. Goffinet

PLAN DU CHAPITRE
Indications et contre-indications. . . . . . . . . . . . 331 Version par manœuvre externe
Facteurs de succès de la version . . . . . . . . . . . . 332 en cas de présentation transverse. . . . . . . . . . . 334
Version par manœuvre externe : en pratique. . . 332 Complications de la version
Stratégies pour augmenter le taux de succès. . . . 333 par manœuvre externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Position de la patiente. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 Intérêt d'une politique de VME :
Manœuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 données scientifiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Surveillance après la version
par manœuvre externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334

Tableau 27.1. Indications et contre-indications


OBJECTIFS de la version par manœuvre externe.
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
Indications Contre-indications
• d'énumérer les indications, les contre-indications et les
complications des versions par manœuvre externe ; Absolues Relatives
• d'expliquer la technique de la version par manœuvre externe ; Présentation du Rétrécissement Malformation
siège fœtus unique pelvien avec fœtale
• de surveiller une femme qui vient de bénéficier d'une
Présentation accouchement (laparoschisis, spina
version par manœuvre externe. transverse par voie basse bifida)
impossible Rupture prématurée
Utérus des membranes
L'interne doit être capable de poser l'indication, réaliser et multicicatriciel Début de travail
Placenta praevia et présentation
surveiller une version par manœuvre externe.
Souffrance fœtale oblique ou
La version par manœuvre externe (VME) a pour but de Grossesse transverse
transformer avant tout travail une présentation du siège en gémellaire Oligoamnios
présentation céphalique. Compte tenu du taux très élevé de Iso-immunisation Utérus malformé
césarienne programmé en cas de présentation du siège, la Sérologie VIH + Utérus unicicatriciel
VME est un des moyens pour le réduire. Refus de la femme avec bassin normal
Cette manœuvre doit être réalisée proche d'un bloc obs-
tétrical avec une salle d'opération.
elle est moins fréquente mais plus difficile à réaliser. La plu-
part des équipes la proposent vers 36-37 semaines d'aménor-
Indications et contre-indications rhée. Chez les patientes vues plus tard, elle peut être tentée
en l'absence de contre-indications, mais le taux d'échec est
(tableau 27.1) d'autant plus élevé que le terme est plus avancé [1].
La présentation du siège est la principale indication de cette La sécurité de la version dépend du respect des contre-
manœuvre ; cependant, elle peut être proposée dans les pré- indications qui sont absolues ou relatives (tableau 27.1). Les
sentations transverses, et pour certains sur le second jumeau contre-indications relatives regroupent des situations où la
en siège après l'accouchement du premier (voir chapitre 10). version par manœuvre externe peut être tentée si elle s'avère
Le choix du terme est essentiel. Faite tôt, elle est facile facile ; cependant, elle doit être immédiatement interrom-
mais souvent inutile, le fœtus tournant seul ou reprenant sa pue si la rotation du fœtus s'avère laborieuse. Pour d'autres
position initiale avant la date de l'accouchement. Faite tard, équipes, ces situations contre-indiquent la tentative.
Pratique de l'accouchement
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332   Partie V. Techniques obstétricales

Facteurs de succès de la version Version par manœuvre externe :


Ils peuvent être : en pratique
■ maternels : multiparité, utérus souple, tête fœtale facile à
palper du fait de l'absence d'obésité
Principes organisationnels
■ fœtaux : siège complet, liquide amniotique abondant, La patiente doit avoir eu une consultation d'anesthésie et
présentation haute non engagée, placenta fundique être à jeun. La version est réalisée à proximité d'une salle
[8,9,12]. d'opération libre dans l'éventualité d'une bradycardie ne
Newman a proposé un score qu'il faut utiliser avec pru- récupérant pas à l'issue de la version et nécessitant une césa-
dence car il n'a pas été validé sur une autre population [12]. rienne. La patiente doit avoir reçu une information sur les
Les résultats sont cependant intéressants à titre indicatif : risques et les avantages de la version et doit avoir donné son
aucune version n'a été couronnée de succès quand le score accord. À titre indicatif, une fiche proposée par le CNGOF
était inférieur ou égal à 2, et tous les sièges ont tourné en cas est présentée dans l'encadré 27.1.
de score supérieur ou égal à 9. Si aucun ou un seul facteur
de réussite est présent, les auteurs proposent de ne pas tenter Quand faire la VME à 34 SA ou à 37 SA ?
la VME. En revanche, si tous les facteurs sont favorables, en Trois essais randomisés comparant le moment de réalisa-
cas d'échec d'une première VME les auteurs proposent d'en tion de la VME (34-35 versus 37-38 SA) et regroupant près
tenter une seconde. de 2 000 femmes ont été inclus dans une méta-analyse [7].

Encadré 27.1 Fiche d'information des patientes : version par manœuvre externe.
Madame, La manipulation de l’abdomen peut provoquer un désagré-
Votre médecin ou votre sage-femme vous a proposé de modifier ment passager, voire une douleur qu’il faudrait alors signaler à
la position de votre bébé par une version. La pré- sente feuille l’accoucheur. Très rarement, certains incidents peuvent sur- venir
a pour but de renforcer les informations qui vous ont été au cours ou au décours immédiat de la version : perte des eaux,
apportées oralement par le médecin ou la sage-femme afin de saignements par le vagin, contractions de l’utérus. Ces situations
vous expliquer les principes, les avan- tages et les inconvénients peuvent parfois nécessiter de rester hospitalisée en surveillance.
potentiels de la version qui a été conseillée. Exceptionnellement, des anomalies du rythme cardiaque fœtal
peuvent nécessiter d’extraire rapidement le bébé par césarienne.
Qu’est-ce qu’une version par manœuvre externe ?
Un contrôle du rythme cardiaque fœtal est réalisé avant la sortie
La version par manœuvre externe consiste à retourner un et généralement quelques jours après la version.
fœtus qui se présente par le siège (fesses en bas) ou en posi-
tion transverse pour lui amener la tête en bas, dans la position En pratique
habituelle pour un accouchement normal. ■
l Vous aurez un rendez-vous à la maternité le jour de la version.
La version se fait par manipulation du fœtus à travers le ven- ■
l La version est précédée du contrôle de la présentation et d’un
tre de la mère par l’accoucheur. Après vérification de la position enregistrement du rythme cardiaque fœtal.
de l’enfant (par palpation et/ou par échographie), les mains de ■
l Un traitement pour faciliter le relâchement de l’utérus est
l’accoucheur aident le fœtus à se retourner tête en bas. parfois nécessaire.

l La version elle-même ne dure que quelques minutes.
Quel est l’intérêt d’une version ? ■
l Un contrôle du monitoring ainsi parfois qu’une prise de sang
Au moment de la naissance, près de 5 % des enfants sont en sont effectués ensuite.
présentation du siège. Ce type de présentation nécessite un ■
l En cas de groupe Rhésus négatif, il sera nécessaire de vous
environnement médical. C’est pourquoi la version par manœuvre faire une injection intraveineuse d’immunoglobulines anti-D si
externe peut être proposée. le procréateur est Rhésus positif, pour éviter une incompatibilité
La version peut se pratiquer en général à partir de la 36e semaine. sanguine.
Son taux de succès est de 50 à 60 %. ■
l Après la version, le retour à domicile se fait le jour même.
En cas d’échec de la version, l’accoucheur évaluera les chances ■
l Un nouveau contrôle de la présentation et du monitoring est
de succès d’un accouchement naturel ou la néces- sité éventuelle prévu quelques jours plus tard.
de programmer une césarienne en fonction de votre parité et des Cette feuille d’information ne peut sans doute pas répon- dre à
modes d’accouchement antérieurs, ainsi que de la position du toutes vos . Dans tous les cas, n’hésitez pas à poser à l’accoucheur
fœtus et de son poids estimé. La taille de votre bassin, estimée toutes les questions qui vous viennent à l’esprit en utilisant la
cliniquement, pourra être précisée par radio- ou scanopelvimétrie. case suivante.
Y a-t-il des risques ou inconvénients ? Questions et commentaires :

La version est un acte courant et bien réglé dont le déroule- ment Modèle déposé. Ne peut être modifié sans l’accord du CNGOF. Édition d’avril
est simple dans la grande majorité des cas. 2009.
Chapitre 27. Versions par manœuvre externe    333

Une VME précoce entraîne une réduction du nombre de amples et profonds. Le décubitus latéral, la patiente ayant le
présentations non céphalique à l'accouchement (RR : 0,81 ; dos calé contre un plan dur et l'opérateur étant assis face à
CI à 95% : 0,74–0,90) mais n'entraîne pas de réduction l'abdomen, est utilisé par certains auteurs. Cet artifice pour-
significative du risque de césarienne (RR : 0,92 ; IC à 95 % : rait être utile lorsque le pôle céphalique, logé dans la corne
0,85–1,00). De plus, une VME précoce entraîne un excès de utérine droite, est difficile à mobiliser.
risque de mise en travail prématuré (RR : 1,51 ; IC à 95 % :
1,03–2,21). Finalement, les bénéfices d'une VME précoce ne
semblent pas démontrés et la plupart des équipes ont opté Manœuvre
pour une VME vers 36-37 SA. Le premier temps consiste à remonter le siège avec le bord
cubital de la main et à le refouler vers le côté où se trouve
Examen préalable à la version le dos fœtal (figure 27.1.a). Ce temps, qui est aisé lorsque
Un examen clinique doit s'assurer de l'absence de contre- la présentation est mobile, s'avère plus difficile lorsque le
indication et préciser le type de présentation. La vessie doit siège est fixé. La mise en position de Trendelenburg et un
être vidée, un enregistrement simple du rythme cardiaque refoulement prudent avec deux doigts vaginaux sont des
fœtal est réalisé pendant 30 minutes. Une échographie est techniques utilisées par certains et peuvent permettent de
pratiquée ; elle précise la position exacte du fœtus avant, désenclaver la présentation.
pendant et après la manipulation. Elle localise le placenta Une fois le siège refoulé et maintenu dans cette position,
dont l'insertion praevia contre-indique la version. l'autre main repère la tête fœtale pour la fléchir vers la face
ventrale du fœtus puis l'abaisser tandis que le siège est tou-
jours poussé vers le haut (figure 27.1.b). Le franchissement
du diamètre transverse par les deux extrémités fœtales est
Stratégies pour augmenter habituellement marqué par un ressaut qui signe le succès de
le taux de succès la version. Il ne reste plus alors qu'à orienter la tête vers le
détroit supérieur.
De nombreuses équipes utilisaient des bêtamimétiques Dans quelques cas, la version, en utilisant le sens de la
avant la tentative afin de relâcher l'utérus, de faciliter le repé- rotation classique, est impossible. Un essai doit être fait
rage des pôles fœtaux et leur préhension et d'éviter d'éven-
tuelles contractions induites par la manœuvre. L'utilisation
de tocolytiques (Ritodrine® 111 μg/min en perfusion de plus
de 20 min) semblait améliorer le taux de succès des versions
chez la nullipare après 36 SA qui passe de 25 à 43 % dans un
petit essai [11]. La quasi-disparition des bêtamimétiques en
obstétrique associée au niveau preuve faible (voir données
scientifiques plus loin) quant à leur bénéfice réel en cas de
VME a conduit de nombreuses équipes à ne plus les utiliser
avant une VME.
La réalisation de la VME sous anesthésie péridurale ne
semble pas avoir une efficacité très supérieure avec l'incon-
vénient d'alourdir la technique et peut-être d'augmenter des
complications graves et rares compte tenu de la force que
l'opérateur pourrait exercer grâce à une analgésie parfaite
[5,13]. Une méta-analyse montre que si l'échec de la version
est diminué dans le groupe péridurale (RR : 0,61 ; IC à 95 % :
0,43-0,86), il n'existe aucune différence sur le taux de pré-
sentation céphalique au moment du travail (RR : 1 ; 63 ; IC à
95 % : 0,75–3,53), ni sur le taux de césarienne (RR : 0,74 ; IC
à 95 % : 0,40–1,37) [2].
Cette méta-analyse de la Cochrane a repris l'ensemble
des essais ayant testé l'apport de différentes stratégies
(tocolytiques, péridurale, hypnose, moxibustion, position
maternelle, dérivés nitrés, stimulation vibroacoustique,
amnio-infusion, etc.) pour améliorer le succès de la tenta-
tive de VME et conclut qu'aucune de ces techniques ne peut
être recommandée avec un niveau de preuve suffisant [2].

Fig. 27.1. Version par manœuvre externe. a. Premier temps : le


Position de la patiente siège est soulevé (1), refoulé latéralement (2) du côté du dos fœtal
avec une ou deux mains. b. Deuxième temps : le siège et refoulé le
Elle est habituellement mise en décubitus dorsal. Le relâ- plus haut possible et maintenu dans cette position. La tête est à son
chement abdominal doit être total et est favorisé par une tour fléchie et abaissée. D'après Magnin G. Versions obstétricales.
demi-flexion des cuisses et par les mouvements respiratoires EMC 1994 ; 5-098-A-10.
334   Partie V. Techniques obstétricales

rupture utérine. Le respect des contre-indications et du pro-


tocole opératoire rend ces complications exceptionnelles.
En cas de douleurs pendant la rotation fœtale, il faut :
■ stopper la manœuvre ;
■ vérifier l'activité cardiaque fœtale ;
■ si la douleur persiste, repositionner le fœtus en situation
antérieure ;
■ si la douleur est toujours persistante, on évoquera un
décollement placentaire et on fera un enregistrement du
rythme cardiaque fœtal prolongé ainsi qu'un bilan de
coagulation.
En cas de métrorragies, il faut évoquer un décollement
placentaire et, comme précédemment, faire un enregistre-
Fig. 27.2. En cas d'échec de la version dans le sens habituel, un ment et un bilan de coagulation.
essai doit être tenté dans l'autre sens. D'après Magnin G. Versions En cas de de bradycardie, il faut :
obstétricales. EMC 1994 ; 5-098-A-10. ■ évoquer un décollement placentaire ou un accident
funiculaire ;
dans « l'autre sens », c'est-à-dire en refoulant le siège vers le ■ repositionner le fœtus dans la situation d'origine, si possible ;
haut mais du côté du ventre fœtal, puis en abaissant la tête ■ si la bradycardie persiste quelles que soient les circons-
du côté du dos fœtal (figure 27.2). Lorsque ces essais ont tances : faire une césarienne.
échoué, il est inutile d'insister : tout effort violent est vain et
dangereux.
Intérêt d'une politique
Surveillance après la version de VME : données scientifiques
par manœuvre externe Taux de succès
Le rythme cardiaque fœtal est enregistré pendant 30 minutes Le taux de succès de la VME varie dans la littérature de
après toute tentative, quel qu'ait été son résultat. Un aplatis- 40 à 82 %. Il varie en fonction des facteurs de succès pré-
sement du rythme ou une diminution de la réactivité sont sents dans la population de l'étude mais également de l'expé-
souvent observés et peuvent persister plusieurs heures. La rience de l'opérateur, critère jamais connu dans les études.
constatation d'une bradycardie sévère est exceptionnelle, et Sur une série continue au CHU de Poitiers, le taux de succès
peut nécessiter la réalisation d'une césarienne si l'anomalie était de 57 % et a permis une réduction du nombre de siège
persiste. Chez les patientes à Rhésus négatif, une injection à 2,79 % au lieu du taux de 4 % habituellement observé [4].
de gammaglobulines est systématiquement réalisée. Dans la série de Port-Royal, le taux de succès est de 50 %,
Quelle que soit l'issue de la tentative, la patiente est recon- permettant de faire accoucher par voie basse 67 % des sièges
voquée le lendemain pour un examen clinique, un enregis- et de diminuer le taux de césarienne dans les sièges de 20 %
trement du rythme cardiaque fœtal et une échographie afin [10]. Dans une étude américaine un peu ancienne portant
de vérifier la présentation. Un test de Kleihauer est réalisé sur 1 339 VME, le taux de succès est à 65 %, faisant passer le
par certaines équipes. taux de césarienne dans le siège de 83 à 37 % [14].
Enfin, la VME réussie n'est pas toujours définitive. Le
taux de reversion dans la littérature varie de 0 à 4,7 %.
Bénéfices d'une politique de VME
Sept essais randomisés portant au total sur plus de 1 200
Version par manœuvre externe femmes ont été regroupés dans une méta-analyse de la
en cas de présentation transverse Cochrane [6]. Les auteurs retrouvent une réduction du
C'est une excellente indication de la version par manœuvre nombre de présentation non céphalique à la naissance (RR :
externe qui doit être effectuée de principe en l'absence de 0.46 ; IC à 95 % : 0,31–0,66) et du nombre de césarienne
contre-indications. La manœuvre est en général aisée et (RR : 0,63 ; IC à 95 % : 0,44–0,90) dans le groupe tentative
ne diffère pas de celle décrite plus haut. Cette version est de VME par rapport au groupe sans tentative. Il n'y avait
possible au début du travail si les membranes sont intactes, aucune différence sur les issues néonatales.
lorsqu'une présentation transverse accidentelle est décou- Lorsque la VME a réussi, il semble que le pronostic
verte fortuitement. obstétrical ne soit pas aussi favorable que dans la popula-
tion générale sans VME préalable. Dans une méta-analyse
incluant trois cohortes et huit études cas-témoins, et portant
Complications de la version sur 46 641 femmes, les auteurs montrent qu'en cas de succès
par manœuvre externe de la VME, le taux de césarienne reste plus élevé que chez
des femmes après présentation céphalique sans VME pré-
La pratique de la version par manœuvre externe expose à alable [3]. Dans cette étude, on retrouve dans le groupe des
plusieurs risques qui sont l'asphyxie fœtale , l'hématome VME réussies un excès de césarienne pour dystocie (OR :
rétroplacentaire, la rupture prématurée des membranes et la 2,2 ; IC à 95 % : 1,6-3,0), pour anomalies du RCF (OR : 2,2 ;
Chapitre 27. Versions par manœuvre externe    335

IC à 95 % : 1,6-2,9), un excès d'extraction instrumentale [6] Hofmeyr GJ, Kulier R. External cephalic version for breech presenta-
(OR : 1,4 ; IC à 95 % : 1,1–1,7). La raison de ce pronostic tion at term. Cochrane Database Syst Rev 2012 ; 10 : CD000083.
moins favorable n'est pas claire mais pourrait être due à [7] Hutton EK, Hofmeyr GJ, Dowswell T. External cephalic version for
breech presentation before term. Cochrane Database Syst Rev 2015 ;
la tonicité de l'utérus, la forme du bassin ou la fragilité du
7 : CD000084.
fœtus. Les auteurs concluent cependant qu'il faut faire trois [8] Kok M, Cnossen J, Gravendeel L, et al. Clinical factors to predict the
VME pour éviter une césarienne. outcome of external cephalic version : a metaanalysis. Am J Obstet
La tentative de VME est donc une intervention efficace Gynecol 2008 ; 199 : 630e1–7. discussion e1-5.
pour réduire le taux de césarienne dans les sièges. [9] Lau TK, Lo KW, Wan D, et al. Predictors of successful external cepha-
lic version at term : a prospective study. Br J Obstet Gynaecol 1997 ;
104 : 798–802.
Références [10] Le Bret T, Grange G, Goffinet F, et al. External cephalic version : expe-
rience about 237 versions at port-royal maternity. J Gynecol Obstet
[1] Bewley S, Robson SC, Smith M, et al. The Introduction of External
Biol Reprod 2004 ; 33 : 297–303.
Cephalic Version at Term into Routine Clinical Practice. Eur J Obstet
[11] Marquette GP, Boucher M, Theriault D, et al. Does the use of a toco-
Gynecol Reprod Biol 1993 ; 52 : 89–93.
lytic agent affect the success rate of external cephalic version ? Am J
[2] Cluver C, Gyte GM, Sinclair M, et al. Interventions for helping to turn
Obstet Gynecol 1996 ; 175 : 859–61.
term breech babies to head first presentation when using external
[12] Newman RB, Peacock BS, Van Dorsten JP, et al. Predicting success
cephalic version. Cochrane Database Syst Rev 2015 ; 2 : CD000184.
of external cephalic version. Am J Obstet Gynecol 1993 ; 169 : 245–9
[3] de Hundt M, Velzel J, de Groot CJ, et al. Mode of delivery after
discussion 49-50.
successful external cephalic version : a systematic review and meta-­
[13] Schorr SJ, Speights SE, Ross EL, et al. A randomized trial of epidural
analysis. Obstet Gynecol 2014 ; 123 : 1327–34.
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vious cesarean section : a series of 38 cases. Eur J Obstet Gynecol
[14] Zhang J, Bowes Jr. WA, Fortney JA. Efficacy of external cephalic ver-
Reprod Biol 1998 ; 81 : 65–8.
sion : a review. Obstet Gynecol 1993 ; 82 : 306–12.
[5] Dugoff L, Stamm CA, Jones OW, et al. The effect of spinal anesthesia
on the success rate of external cephalic version : a randomized trial.
Obstet Gynecol 1999 ; 93 : 345–9.
Chapitre
28
Déclenchement artificiel
du travail
M. Doret

PLAN DU CHAPITRE
Déclenchement artificiel du travail sur Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
enfant vivant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Déclenchement du travail en cas de mort
fœtale in utero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344

Déclenchement artificiel
OBJECTIFS
du travail sur enfant vivant
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• d'expliquer les risques maternels et fœtaux liés au Indications de déclenchement
déclenchement ; (tableau 28.1)
• d'énumérer les indications et contre-indications du Le déclenchement est réalisé soit parce qu'il existe un béné-
déclenchement ; fice pour la mère ou l'enfant à mettre fin à la grossesse
• de sélectionner les patientes dont le déclenchement peut (déclenchement d'indication médicale), soit pour des rai-
être tenté avec de réelles chances de succès ; sons organisationnelles, sociales ou psychologiques sans
• de surveiller un accouchement déclenché, de prévenir et qu'il y ait d'indication médicale (déclenchement de conve-
de traiter les éventuelles anomalies du travail ; nance ou d'opportunité).
• de discuter les différents moyens de déclenchement
du travail, leurs avantages, leurs inconvénients, leurs
indications et contre-indications. Tableau 28.1. Indications du déclenchement.
Indications médicales Indications de convenance

Le déclenchement du travail est l'induction artificielle des Fœtales : Conditions indispensables :


contractions utérines avant leur survenue spontanée, dans le – grossesses prolongées (32 %) – terme précis
– diabète 1 ou 2 (4,2 %) – ≥ 39 SA
but d'obtenir un accouchement par les voies naturelles chez – RCIU (3,7 %) – présentation céphalique
une femme qui n'est pas en travail. Il peut être réalisé au – grossesses gémellaires – pas de disproportion
troisième trimestre, à terme ou à distance du terme, pour – incompatibilité sanguine fœtomaternelle
des raisons médicales ou dans le cadre d'un accouchement fœtomaternelle – état fœtal normal
programmé. Les techniques utilisées pour le déclenche- – malformations – utérus non cicatriciel
ment du travail au deuxième ou au troisième trimestre pour Maternofœtales : – score de Bishop ≥ 7
– rupture prématurée des – information de la patiente
mort fœtale in utero ou interruption médicale de grossesse,
membranes (21 %)
doivent être formellement distinguées, tant les méthodes et – prééclampsie
les contraintes de surveillance sont différentes. Elles seront – syndromes vasculorénaux
traitées séparément. (9,2 %)
La dernière enquête périnatale révèle qu'en France, en Maternelles pures :
2010, plus d'une femme sur cinq est déclenchée (22,7 %). Ce – cardiopathies
– pneumopathies
taux avait doublé entre 1981 (10,4 %) et 1995 (20,5 %), puis
– cancer (indications rares)
s'était stabilisé (20,3 % en 1998 et 19,7 % en 2003) [6–8].
Cette même enquête a montré qu'il y avait peu de disparité * Pourcentage moyen des indications de déclenchement pour
géographique dans les taux de déclenchements en 2010 [6]. l'étiologie considérée d'après F. Goffinet (4).

Pratique de l'accouchement
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338   Partie V. Techniques obstétricales

Déclenchement d'indication médicale diabétiques. La HAS indique qu'en cas de diabète insu-
Il est envisagé lorsque le bénéfice pour le fœtus ou la mère à linodépendant, le déclenchement relève d'une décision
abréger la grossesse est supérieur à une attitude expectative, pluridisciplinaire au cas par cas. Si le diabète est mal
qui peut potentiellement prolonger la grossesse de plusieurs équilibré ou avec retentissement fœtal, il est recommandé
semaines. Le bénéfice pour le fœtus doit être évident au vu de ne pas dépasser 38 SA + six jours [28]. En cas de dia-
du risque d'échec de déclenchement conduisant à une césa- bète gestationnel, un déclenchement sera envisagé en cas
rienne, ou du risque de d'hypoxie fœtale pendant le travail, de diabète mal équilibré ou de macrosomie fœtale. Il sera
qui pourrait alors plutôt conduire à choisir une césarienne programmé à partir de 39 SA du fait d'une augmentation
d'emblée. En 2003, en France, il représentait 75 % des indi- du risque de détresse respiratoire avant ce terme. Dans le
cations de déclenchements [26]. autres cas, il n'y a pas d'argument qui justifie une conduite
Les indications de déclenchement d'indication médi- à tenir différente de celle d'une grossesse normale [13,
cale sont en perpétuelle évolution du fait de l'évolution des 28]. Noter que la macrosomie chez la femme non diabé-
connaissances et des risques liés aux différentes situations tique n'est pas une indication de déclenchement [28, 35] ;
obstétricales. Ainsi, si les recommandations du CNGOF ■ le retard de croissance intra-utérin (3,7%) [26]. Les
datent de 1995 et celle de la HAS de 2008, de nombreuses recommandations les plus récentes sont celles du
recommandations pour la pratique clinique (RPC) publiées CNGOF publiées en 2013 [37] : « En comparaison du
depuis, concernant une situation obstétricale particulière fœtus de poids normal pour l'âge gestationnel, le fœtus
(par exemple le diabète gestationnel en 2010), viennent porteur d'un RCIU est un fœtus fragilisé pour qui l'ac-
compléter ces données [12, 28]. Les RPC françaises sont couchement représente une période à risque d'acidose
consultables en accès libre sur le site du CNGOF [16] et sur métabolique ou d'asphyxie périnatale […] Bien qu'à un
le site de la HAS [27]. terme précoce le recours à la césarienne soit fréquent, il
À l'heure actuelle, les principales indications sont : n'existe pas de preuve de la supériorité de la césarienne
■ la grossesse prolongée et le dépassement du terme. systématique par rapport à la voie vaginale, en parti-
C'est la principale cause de déclenchement d'indication culier quand la patiente est en travail. Un déclenche-
médicale en France (31,9 %) [26]. Quinze à 20 % des ment, même sur col défavorable, est envisageable sous
patientes n'ont pas accouché avant 41 SA. Le déclenche- surveillance continue du rythme cardiaque fœtal dans
ment est recommandé à partir de 41 SA car il réduirait la les situations obstétricales favorables et en l'absence de
mortalité périnatale (qui augmente d'autant plus que la perturbations hémodynamiques fœtales sévères. » Les
grossesse se prolonge au-delà de 42 SA), sans augmenter indications de naissance sont issues d'un faisceau d'argu-
le risque de césarienne [15, 28, 35]. En 2011, en l'absence ments incluant l'âge gestationnel, la sévérité du RCIU et
de pathologie, le CNGOF recommandait de proposer un des perturbations Doppler, de l'enregistrement du RCF
déclenchement à partir de 41 SA, après avoir informé la et de l'état maternel (association ou non à une préé-
patiente des bénéfices et risques du déclenchement et de clampsie) [39] ;
l'expectative [15] ; ■ les grossesses gémellaires. Le risque de complications
■ la rupture prématurée des membranes (21,3 % des obstétricales augmentent au troisième trimestre, justi-
déclenchements d'indication médicale) [26]. Selon les fiant une surveillance rapprochée et un déclenchement
recommandations de la HAS de 2008, si les conditions de l'accouchement à partir de 38 SA et avant 40 SA pour
cervicales sont favorables, un déclenchement immé- les grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques non
diat peut être envisagé avec l'accord de la patiente. compliquées, à partir de 36 SA sans dépasser 38 SA + six
L'expectative, sauf exception, ne devrait pas excéder jours pour les grossesses monochoriales biamniotiques.
48 heures (voir 24 heures en cas de portage chronique Pour les grossesses monochoriales monoamniotiques, la
de streptocoque B) car le risque de chorioamniotite et césarienne est privilégiée (entre 32 et 36 SA) [14].
d'infection néonatale et d'endométrite augmente avec le Il existe beaucoup d'autres indications, moins fré-
délai entre la rupture et la naissance. Une antibiothérapie quentes, qu'elle soient fœtales (par exemple l'allo-immu-
sera instaurée dès la rupture en cas de portage de strepto- nisation fœtomaternelle, certaines malformations fœtales
coque B et systématiquement à partir de 12 heures [28] ; pour une organisation optimale de la prise en charge
■ la prééclampsie et l'hypertension artérielle gravidique chirurgicale) ou maternelles comme dans les pathologies
(9,2 % des déclenchements d'indication médicale) [26]. maternelles chroniques susceptibles de s'aggraver avec la
La naissance est le seul traitement curatif. Le choix entre grossesse et plus particulièrement au troisième trimestre
déclenchement et césarienne dépendra des chances de (par exemple certaines cardiopathies, pneumopathies),
succès du déclenchement et de l'état fœtal. Un déclen- ou lorsqu'un traitement maternel nécessite une inter-
chement n'est concevable qu'en l'absence d'altération du ruption ou un changement de traitement pour une durée
rythme cardiaque fœtal. Selon les recommandations de la limitée (par exemple anticoagulant à dose curative chez
HAS, une hypertension artérielle isolée, sans signes fonc- les femmes avec une valve mécanique), ou encore devant
tionnels, une hyperuricémie ou une protéinurie isolées la nécessité de débuter rapidement un traitement toxique
ne constituent pas une indication de déclenchement du pour le fœtus dans l'intérêt maternel (par exemple le can-
travail ; une surveillance est cependant nécessaire [28] ; cer). Dans ces cas, les modalités du déclenchement et son
■ le diabète de type 1 ou 2 et le diabète gestationnel (4,2 terme optimal seront discutés au cas par cas avec les dif-
%) [26]. Les risques de mort fœtale in utero inexpliquée férents professionnels en charge de la patiente et/ou de
et de macrosomie sont plus importants chez les femmes l'enfant à naître.
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail    339

Déclenchement de convenance l'accouchement par voie basse est mécaniquement impos-


Dans ce cas, il n'y a aucune pathologie maternelle ou fœtale sible et exclu (par exemple bassin chirurgical, disproportion
justifiant de déclencher l'accouchement. Il n'a jamais été fœtopelvienne, placenta praevia, obstacle praevia, présen-
démontré qu'il y ait un bénéfice à anticiper la naissance tation transverse) ou à risque de lésions périnéales sévères
lorsqu'une grossesse évolue normalement. Les avantages (par exemple antécédent de lésions périnéales sévères, cure
du déclenchement sont alors d'ordre social, psychologique de prolapsus).
ou organisationnel pour le couple ou pour la maternité. Une RCF pathologique ou préterminal est une contre-
Un antécédent de travail rapide (< 2 h) ou l'éloignement indication au déclenchement et la césarienne s'impose.
de l'hôpital peuvent aussi être des motifs pour proposer un Devant des anomalies mineures, sans autre pathologie
déclenchement de convenance. maternelle ou fœtale, un déclenchement par ocytocine avec
Les conditions à réunir pour accepter un déclenchement surveillance continue du RCF pourra être discuté au cas par
d'opportunité sont les suivantes [12, 28] : cas et envisagé avec l'accord de la patiente.
■ le terme doit être précis ; Quelle que soit l'indication, les bénéfices et risques de la
■ déclenchement après 39 SA ; césarienne devront être mis en balance avec le déclenche-
■ l'état fœtal et maternel doivent être rigoureusement ment. Lorsqu'une naissance très rapide s'impose ou si le
normaux ; fœtus est à très haut risque d'acidose, la césarienne devra
■ l'utérus n'est pas cicatriciel ; être envisagée.
■ la présentation doit être céphalique ; Le déclenchement de convenance est formellement
■ il ne doit pas y avoir de doute sur une disproportion contre-indiqué en dehors des conditions locales favorables,
céphalopelvienne ; d'une présentation céphalique et à un âge gestationnel supé-
■ le score de Bishop doit être supérieur ou égal à 7 ; rieur ou égal à 39 semaines.
■ la patiente doit être informée des risques potentiels et son
consentement doit être obtenu. Méthodes de déclenchement (tableau 28.3)
La maturation du col par les prostaglandines ne devra
De nombreuses techniques ont été décrites pour déclencher
être en aucun cas acceptée pour obtenir ces conditions car
le travail mais ne seront traitées ici que les méthodes classi-
elle expose au risque d'hyperstimulation et d'asphyxie fœtale
quement utilisées en France.
ou d'échec conduisant à une césarienne. Les risques et le
coût d'une telle procédure ne sont pas compatibles avec une
grossesse par ailleurs normale. Décollement des membranes
La patiente ayant été informée et ayant donné son consen- Il consiste, par un mouvement circulaire du doigt intro-
tement, la responsabilité de la décision incombe au médecin duit dans le col déjà ouvert, à séparer les membranes de la
responsable de la salle de naissance qui réévaluera les condi- caduque au niveau du segment inférieur. Il est associé à une
tions maternelle et fœtale et initiera le déclenchement après augmentation de la prostaglandine F2-alpha plasmatique et
avoir inscrit dans le dossier ses constatations, l'information de phospholipase A2 endocervicale, qui favoriserait, d'une
donnée à la patiente et son accord, et confirmé l'absence de part, la maturation cervicale et, d'autre part, la contracti-
contre-indication [12]. lité utérine [34]. Ce geste peut être pratiqué en ambulatoire
et ne nécessite pas de surveillance maternelle ou fœtale
particulière.
Contre-indications au déclenchement Concernant son efficacité pour déclencher le travail, les
(tableau 28.2) données de la littérature sont de faible niveau de preuve
Il s'agit des contre-indications obstétricales à l'accouchement du fait de faible effectif des études publiées et d'une grande
par voie basse qui regroupent toutes les circonstances où hétérogénéité dans les méthodologies (âge gestationnel,

Tableau 28.2. Contre-indications au déclenchement du travail au troisième trimestre.


Contre-indications obstétricales Contre-indications liées à la technique Contre-indications liées au statut cervical
Accouchement par voie basse impossible Amniotomie interdite : Conditions locales défavorables pour le
d'origine maternelle : – présentation haute mobile (risque de déclenchement de convenance (score de
– disproportion fœtomaternelle procidence) Bishop ≤ 7)
– obstacle praevia Prostaglandines interdites :
Accouchement par voie basse impossible – utérus cicatriciel
d'origine fœtale : – allergie aux prostaglandines
– RCF pathologique – asthme
– présentation transverse – glaucome
– ovulaire : placenta praevia
Contre-indications relatives au
déclenchement :
– utérus cicatriciel
– Siège
– grossesses multiples
– grande multiparité
340   Partie V. Techniques obstétricales

décollement unique ou itératif, objectif fixé, etc.). Lorsque En dehors des contre-indications au déclenchement, il
le décollement des membranes est comparé à l'expectative n'existe pas de contre-indication spécifique à l'ocytocine.
entre 37 et 42 SA, il augmente de 23 % la probabilité d'entrer
en travail dans les 48 heures et de 29 % dans la semaine. Prostaglandines
Une politique de décollement entre 38 et 40 SA réduirait de
41 % le risque de dépassement de terme (> 41 SA) et de 72 % Prostaglandine E2 par voie vaginale
le risque d'atteindre 42 SA. Le décollement diminuerait de En France, elle est utilisée sous forme de gel intravaginal ou
40 % le recours aux méthodes de déclenchement dites « clas- de dispositif intravaginal à libération prolongée.
siques » [9]. En réalisant un décollement chez huit patientes, La Prostine E2® (dinoprostone) est présentée sous forme
on évitait un déclenchement « classique ». de gel vaginal dans une seringue prête à l'emploi, contenant
En revanche, le décollement est douloureux. Il peut pro- 1 ou 2 mg de dinoprostone. Le gel est placé dans le cul-de-
voquer des saignements et augmente le risque de dystocie de sac vaginal postérieur et peut être renouvelé toutes les six
démarrage. La patiente doit en être informée. Il n'y a aucune heures, sans dépasser deux poses.
différence en termes de rupture des membranes avant tra- Le Propess® (dinoprostone) est un dispositif se présen-
vail, de fièvre maternelle pendant le travail, d'infection néo- tant comme une bandelette souple que l'on place dans le
natale, de césarienne, d'extraction instrumentale [9, 36, 43]. cul-de-sac postérieur du vagin. Il contient 10 mg de dino-
Les études comparant le décollement aux prostaglandines prostone mêlé à un hydrogel permettant une libération
sont peu informatives compte tenu des faibles effectifs et des prolongée (0,3 mg/h). Le dispositif peut être laissé en place
différents types de prostaglandines utilisées (intravaginale pendant 24 heures. Il sera retiré en cas de mise en travail,
en gel ou insert, intracervicales) [9, 36]. d'hyperstimulation, d'anomalie du RCF ou de rupture des
membranes car l'inondation par une grande quantité de
liquide est susceptible de modifier la cinétique de libéra-
Ocytocine en perfusion intraveineuse tion du produit, conduisant à des hyperstimulations. En
L'ocytocine synthétique (Syntocinon®) est identique à l'ocy- revanche, la rupture des membranes antérieure à la pose
tocine naturelle et présente les mêmes propriétés phar- n'est pas une contre-indication. Le dispositif doit être retiré
macologiques. Elle augmente la fréquence et l'intensité 30 minutes avant le début d'une perfusion d'ocytocine.
des contractions utérines mais elle n'a aucune action de D'autres prostaglandines existent (la prostaglandine
maturation sur le col. L'association à une rupture des mem- E2 par voie intraveineuse [Prostine E2® en solution et l'ana-
branes précoce réduit le délai déclenchement-naissance et logue de la prostaglandines E2, Nalador®]) mais elles sont
augmente le nombre de naissance dans les 24 heures [1]. Le formellement contre-indiquées pour la maturation cervicale
risque de procidence du cordon existe mais il est très faible à terme en raison de l'hyperstimulation qu'elles entraînent
et d'autant plus que la présentation est appliquée. Les infec- et du risque majeur d'asphyxie fœtale. Les prostaglandines
tions fœtales et maternelles sont rares si une antibiothérapie intracervicales (Prepidil®) ne sont plus utilisées en France.
est réalisée selon les protocoles en vigueur. Globalement, les PGE2 favorisent les modifications cer-
Avec un col favorable, l'induction du travail par ocyto- vicales dans les 12 à 24 heures comparé au placebo (80 %
cine permet d'obtenir un accouchement par voie vaginal versus 59 %) et augmentent le taux d'accouchement par voie
dans les 24 heures dans 90 % des cas, sans augmenter signi- vaginale dans les 24 heures (80 %) par rapport à l'expecta-
ficativement le taux de césarienne par rapport à un travail tive ou au placebo (0 à 1 %) [42].
spontané (11,5 % versus 9,5 %) [1]. En cas de col défavorable, il n'y a pas d'augmentation
Avec un col défavorable, en comparaison avec les pros- significative du risque de césarienne par rapport à un pla-
taglandines E2 intravaginale, le taux de césarienne est aug- cebo ou à l'expectative (20,6 % versus 23,5 %), pas de modi-
menté si les membranes sont intactes (32,9 % versus 13,5 %), fication du recours à l'ocytocine pendant le travail et pas
sauf en cas de rupture prématurée des membranes avant le d'augmentation du risque d'hémorragie du post-partum.
début du déclenchement (10,9 % versus 10,7 %) [19]. En Le gel intravaginal de PGE2 favorise les modifications du
comparaison avec le déclenchement par misoprostol par col dans les 12 à 24 heures (73,5 % versus 51,7 %) mais il
voie orale, le taux de césarienne est significativement aug- augmente le risque d'hyperstimulation avec anomalies du
menté, de l'ordre de 23 % [2]. RCF (4,75 % versus 0,5 %) [42]. Comparé aux fortes doses,
l'application de faible dose de PGE2 ne modifie pas le risque
de césarienne mais a tendance à réduire le risque d'hypers-
timulation avec ARCF (3 % versus 20 %) [42]. Le dispositif
Tableau 28.3. Méthodes de déclenchement avec intravaginal à libération prolongée de PGE2 semble avoir
enfant vivant ayant démontré leur efficacité. une efficacité similaire au gel mais il est moins douloureux
[44].
Méthodes physiques Méthodes médicamenteuses Lorsque le col est favorable, des essais randomisés ont
Décollement des membranes Ocytocine IV (Syntocinon®) montré une efficacité comparable de l'ocytocine et des pros-
Ballonet Prostaglandines : taglandines [42].
Amniotomie – voie vaginale : dinoprostone
Stimulation mamelonnaire (Prostine E2®, Propess®)
– misoprostol (Cytotec®) Prostaglandine E1
Voie orale : misoprostol Le misoprostol (Cytotec®) est une prostaglandine E1 (PGE1)
(Cytotec®)
de synthèse qui est capable d'induire le travail et la matura-
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail    341

tion du col. Il est utilisable par voie vaginale ou orale, bien – si le score de Bishop est inférieur ou égal à 3 : envisager
qu'il n'ait pas d'AMM dans cette indication [23]. Il a l'avan- un autre mode de maturation si le temps le permet ou
tage d'être très bon marché et de se conserver à la tempéra- une césarienne.
ture ambiante. En 2008, dans les recommandations de la HAS, l'utili-
Comparé au placebo, le misoprostol par voie orale aug- sation de la sonde de Foley n'était pas recommandée en
mente le taux d'accouchement par voie vaginale dans les routine dans le déclenchement artificiel du travail. Depuis,
24 heures (93,6 % versus 59,2 %) et réduit de 30 % le risque plusieurs publications ont montré que la maturation méca-
de césarienne [2]. Il réduit le recours à l'ocytocine pendant le nique est aussi efficace que les PGE2 et le misoprostol par
travail de près de 60 %. L'efficacité de la voie vaginale semble voie vaginale (même taux d'accouchement par voie vagi-
identique à la voie orale pour les accouchements par voie nale et de césarienne) mais avec un risque d'hypercinésie
basse dans les 24 heures et le taux de césarienne [23, 42, 43]. et d'hémorragie du post-partum moindre [29, 30]. La
Comparé au gel de PGE2 intravaginal, le taux d'accou- durée du déclenchement est plus longue mais la réévalua-
chement par voie vaginale dans les 24 heures est similaire tion du col se fait 12 à 24 heures après la pose, alors que
mais le taux de césarienne est diminué de 22 % avec le ce délai n'est que de six heures pour la PGE2 et trois à six
misoprostol par voie orale [2]. Plusieurs études randomisées heures pour le misoprostol, permettant une poursuite du
ont montré que le délai déclenchement-naissance était plus déclenchement plus précoce. La maturation par double
court avec le misoprostol par voie orale qu'avec les PGE2 en ballonnet n'est pas plus efficace que la maturation par
gel intravaginal ou en dispositif à prolongation libérée. simple ballonnet.
En revanche, le risque d'hyperstimulation avec ou sans En plus des contre-indications au déclenchement, il existe
ARCF est accru avec le misoprostol, et ce d'autant plus que des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale
la dose utilisée est importante [43], avec, dans un étude mécanique. Elle ne doit pas être utilisée en cas de rupture
française, une augmentation significative du risque d'aci- prématurée des membranes du fait d'un risque infectieux
dose néonatale [38]. maternel accru. À membranes intactes, le portage de strep-
Les recommandations du CNGOF de 2014 pour le tocoque B n'est pas une contre-indication.
déclenchement sur fœtus vivant proposent d'utiliser le
misoprostol par voie vaginale, à la dose de 25 μg, toutes les Autres méthodes
trois à six heures [23].
Les donneurs de NO ne sont pas efficaces pour induire le
En plus des contre-indications au déclenchement, il existe
travail à terme sur enfant vivant [41]. La stimulation mame-
des contre-indications spécifiques à la maturation cervicale
lonnaire semble efficace pour induire le travail dans les 72
par prostaglandines. Elles sont proscrites en cas d'allergie
heures chez les patientes avec un col favorable, mais moins
aux prostaglandines, d'asthme et de glaucome. Elles ne
que l'ocytocine [31].
doivent pas être utilisées en cas d'utérus cicatriciel car elles
L'amniotomie seule, l'acupuncture, les rapports sexuels et
sont associées à une augmentation du risque de rupture
l'homéopathie n'ont pas été suffisamment évaluées.
utérine [18]. En revanche, elles n'augmentent pas le risque
infectieux maternel ou fœtal en cas de rupture prématurée
des membranes [42]. Choix de la méthode de déclenchement
Un élément clé : l'appréciation de l'état de maturité
Maturation mécanique du col (tableau 28.4)
La maturation mécanique peut se faire à l'aide d'une sonde L'appréciation des caractéristiques physiques du col utérin
Foley (au moins 30 ml), de Dufour no 18, d'un ballon de Cook constitue un des éléments essentiels à analyser pour déter-
glissé à travers le col ouvert). Ces dispositifs sont à usage miner les modalités de déclenchement et la chance de réus-
unique et doivent être posés dans des conditions d'asepsie site. En effet, ces caractéristiques conditionnent, pour une
stricte après badigeonnage du vagin et du col à la Bétadine®. motricité utérine donnée, la vitesse de dilatation jusqu'à
Avant la pose, il faut tester la résistance du ballonet, puis : 5 cm. Au-delà, cet élément devient secondaire par rapport
■ tenir le dispositif à l'aide d'une pince désinfectée et l'in- aux autres facteurs que sont la posture de la parturiente, la
troduire doucement dans le col ; position de la présentation, le poids du fœtus et les dimen-
■ veiller à ce que le ballonnet gonflable se trouve au-delà de sions du bassin.
l'orifice interne ; Un col défavorable est un col qui expose à une aug-
■ gonfler le ballonnet avec un minimum de 30 cm3 d'eau mentation significative du risque de césarienne en cas de
stérile jusqu'à 60 cm3 idéalement ; déclenchement par ocytocine, sans phase de maturation
■ fixer le dispositif sur la cuisse de la patiente sans traction ; cervicale préalable. Le seuil définissant un col favorable
■ enlever le ballonet au bout de 12 ou 24 heures (en fonc- reste incertain. Il semblerait qu'un score de Bishop infé-
tion de la tolérance maternelle, de l'activité utérine et du rieur ou égale à 5 soit associé à une augmentation signi-
degré d'urgence pour la naissance) puis réévaluer : ficative du risque d'échec de déclenchement et définisse
– si le score de Bishop est supérieur ou égal à 6 : rupture donc un col défavorable. En France, une enquête récente
des membranes et perfusion d'ocytocine ; a montré qu'un score de Bishop supérieur ou égal à 7 était
– si le score de Bishop est entre 4 et 5 : possibilité de considéré comme favorable pour 90 % des maternités
déclenchement par rupture des membranes et perfusion interrogées [3].
d'ocytocine en fonction des antécédents obstétricaux et À l'heure actuelle, la supériorité de l'échographie du col
des données obstétricales ; (longueur, angle cervical) ou de la distance tête-périnée sur
342   Partie V. Techniques obstétricales

Tableau 28.4. Étude du col par le score de Bishop.


Score de Bishop 0 1 2 3
Dilatation (en cm) 0 1–2 3–4 5 ou +
Effacement 30 % 40-50 % 60-70 % 80 %
Descente Haute, mobile –3 –1 –2 0 +1 +2
Consistance Ferme Moyenne Molle
Position Postérieure Moyenne Antérieure

le score de Bishop pour prédire le succès d'un déclenche- maturation par les prostaglandines et pourra donc envisager
ment n'a pas été démontrée [21, 22]. d'emblée [1].

Quelle méthode pour quelle patiente ? Grossesse gémellaire


Lorsque le col est favorable La grossesse gémellaire n'est pas une contre-indication
La perfusion d'ocytocine est la méthode de choix. La PGE2 a au déclenchement du travail. Néanmoins, les méthodes
une efficacité comparable mais le rapport coût/bénéfice est de maturation ont été peu évaluées dans cette population.
en faveur de l'ocytocine [1]. Une étude française récente n'a pas montré de différence en
termes de succès avec une population de grossesse unique
Lorsque le col est défavorable avec l'utilisation de la dinoprostone en gel ou dispositif à
Une maturation cervicale est recommandée pour amélio- libération prolongée intravaginale [24].
rer le score de Bishop et permettre un déclenchement par
ocytocine, si tant est que la maturation n'ait pas induit le Présentation du siège
travail. En France, l'enquête publiée en 2014 sur 46 mater- La présentation du siège n'est pas une contre-indication
nités a montré que la dinoprostone en dispositif à libération absolue au déclenchement artificiel du travail en cas de
prolongée était majoritairement utilisée (89,1 %), suivi des bonnes conditions obstétricales.
PGE2 en gel vaginal (65,2 %), du ballonet (50 %) et du miso-
prostol (17,4 %) [3]. Grande multiparité (≥ 5 accouchements antérieurs)
L'efficacité des différentes méthodes pour obtenir un Le déclenchement du travail par l'ocytocine peut être
accouchement par voie vaginale semble proche. Le miso- associé à une augmentation du risque de rupture utérine.
prostol permettrait d'aboutir à un accouchement plus Cependant, la grande multiparité n'est pas une contre-
rapide, au prix d'un risque accru d'hypercinésie et d'hy- indication absolue au déclenchement artificiel du travail,
poxie fœtale. Il est donc à déconseiller sur les fœtus à haut sous réserve d'une indication médicale, d'une information
risque d'acidose, comme le RCIU [43]. De plus, il faut rap- appropriée de la femme et d'une utilisation prudente de
peler que le misoprostol n'a pas d'AMM dans cette indica- l'ocytocine.
tion et qu'il est recommandé à la dose de 25 μg par prise, Utérus cicatriciel L'utérus cicatriciel n'est pas une
alors qu'il est commercialisé sous forme de comprimé à contre-indication au déclenchement artificiel du travail
200 μg, nécessitant une préparation par le pharmacien mais les prostaglandines sont contre-indiquées du fait
de la structure. À l'inverse, la maturation mécanique est d'un risque accru de rupture utérine. Un antécédent
associée à un délai maturation-naissance plus long que les d'accouchement par voie vaginale et un col favorable sont
prostaglandines. C'est donc à la fois le degré d'urgence de des éléments de bon pronostic du déclenchement [18].
l'accouchement et le risque fœtal d'acidose qui guidera le L'ocytocine est la technique de référence mais, en cas de
choix de la méthode. col défavorable, la maturation avec une sonde à ballonnet
Le décollement des membranes n'est réalisable que permet d'aboutir à 50 % d'accouchement par voie basse
lorsque le col est déjà ouvert, à membranes intactes. Il [33]. Le déclenchement doit être mis en balance avec la
trouve sa place dans les déclenchements non urgents, qu'il césarienne du fait d'un risque de rupture utérine multi-
soit d'indication médicale ou de convenance. Il peut être plié par deux environ en cas de déclenchement par ocy-
utilisé au-delà de 38 SA de façon itérative pour réduire les tocine et les avantages et inconvénients des deux modes
dépassements de terme, après avoir informé la patiente des d'accouchement doivent être exposés à la patiente qui
désagréments lié au geste et obtenu son accord ou en amont devra donner son consentement [18].
d'un déclenchement médical pour limiter le recours aux
méthodes de déclenchement médicales, comme dans le dia- Déclenchement avant terme
bète gestationnel non équilibré ou avec retentissement fœtal Avant 34 SA, le col physiologiquement défavorable et la
[13, 15]. faible concentration des récepteurs à l'ocytocine au niveau
de l'utérus expose à un déclenchement long alors que le
Cas particuliers fœtus est potentiellement à risque d'hypoxie. Ce qui n'est
Rupture prématurée des membranes pas pour autant une contre-indication absolue au déclen-
En cas de col défavorable, un déclenchement par ocytocine chement, mais l'ocytocine sera la méthode de choix devant
n'augmente pas le risque de césarienne par rapport à une un col favorable. Après 34 SA, un déclenchement peut être
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail    343

discuté au cas par cas, avec des méthodes similaires au régulières toutes les trois minutes ou un débit maximal de
déclenchement à terme. L'utilisation du misoprostol qui 20 mUI/minutes (soit 120 ml/h ou 12 ml/h). Les protocoles
n'a pas d'AMM dans cette indication, de la dinoprostone peuvent différer légèrement d'un service à l'autre avec un
en dispositif intravaginal à libération prolongée qui a une débit initial et des paliers compris entre 1 à 4 mUI/h, mais la
AMM au-delà de 38 SA et du ballonnet ne semble pas judi- progression lente et la dose maximale doivent être respectées.
cieuse. Les PGE2 en gel intravaginal et l'ocytocine seront L'amniotomie doit être réalisée précocement pour
privilégiées. réduire la durée du déclenchement et la quantité totale d'ocy-
tocine administrée. Elle ne doit être réalisée que lorsque la
Déroulement du déclenchement perfusion d'ocytocine a induit des contractions régulières,
Avant de débuter le déclenchement toutes les trois à quatre minutes, et à condition que le col
Information de la patiente (encadré 28.1) soit ouvert, quelle que soit la dilatation. Elle ne doit pas être
Quelle que soit l'indication, la patiente et son conjoint réalisée sur une présentation haute et mobile, surtout si la
doivent être informés de l'indication, des modalités et des dilatation est avancée. Ces conditions sont généralement
résultats attendus du déclenchement. L'utilisation de médi- réunies 30 à 60 minutes après le début de la perfusion.
cament hors AMM doit être clairement expliquée. Un docu- La surveillance comprend un monitorage continu du
ment comme celui préparé par le CNGOF peut leur être rythme cardiaque fœtal et des contractions utérines [17].
remis après avoir été commenté et avoir répondu aux ques- L'efficacité de la perfusion est jugée sur les modifica-
tions du couple. tions cervicales. Lorsqu'une activité utérine régulière entraî-
L'accord de la patiente doit être indiqué clairement dans nant une dilatation du col d'au moins 1 cm/h est obtenue,
le dossier. L'obstétricien en charge du déclenchement est le débit est maintenu stable. Le débit efficace et la quantité
responsable de cette information. totale d'ocytocine sont très variables d'une patiente à l'autre.
Il a été monté que l'utilisation d'un protocole d'administra-
tion écrit basé sur la réponse clinique (RCF et évaluation de
Hospitalisation la contractilité utérine) plutôt que sur des débits ou doses de
Le déclenchement du travail, quelle que soit la méthode, perfusion permettait de réduire les doses injectées d'environ
se fait en hospitalisation car les études n'ont pas permis de 20 %, sans modifier la durée du travail [43]. La dose efficace
s'assurer de l'innocuité d'un déclenchement conduit à domi- minimale doit être utilisée car il a été montré que l'utilisa-
cile [32]. tion de forte dose d'ocytocine augmentait significativement
le risque d'hyperstimulation sans modifier le taux de succès
Disponibilité des moyens ou réduire le délai déclenchement-naissance [10].
En cas d'hypercinésie de fréquence sans anomalies du
Il faut s'assurer de la disponibilité des moyens nécessaires à rythme cardiaque fœtal, le débit doit être réduit. En cas
la surveillance maternelle et au monitorage de la fréquence d'hypertonie ou de RCF pathologique, la perfusion doit
cardiaque fœtale et de la contractilité utérine. Il doit être être arrêtée immédiatement. Une tocolyse d'urgence com-
possible de réaliser une césarienne en urgence dans un délai plémentaire peut être nécessaire. Cette tocolyse peut être
raisonnable. réalisée par les dérivées nitrés, qui ont remplacés les bêtami-
métiques induisant de nombreux effets secondaires mater-
Évaluation de l'état fœtal nels. La trinitrine (Nitronal® injectable 1 mg/ml, à diluer
Un monitorage fœtal doit être réalisé immédiatement avant 0,5 mg dans 10 ml, soit solution de trinitrine à 50 μg/ml)
le déclenchement. Le RCF doit être normal, en dehors peut être injectée en intraveineuse directe à la dose de 100
des rares indications de déclenchement pour anomalies à 150 μg (2 à 3 ml), renouvelable après une à deux minutes
mineures du RCF. [20]. En cas d'échec, le traitement de référence reste l'anes-
thésie générale avec de fortes concentrations d'halogénés.
Antibioprophylaxie contre le streptocoque B
Elle est identique à celle du travail spontané. En cas de maturation cervicale
Selon l'organisation locale, la patiente est installée à proxi-
Conduite du déclenchement mité d'une salle de césarienne (salle de travail, de prétravail
ou service proche) et un monitorage fœtal continu doit être
En cas de déclenchement par ocytocine réalisé pendant au moins deux heures après l'administration
La patiente est installée en salle de travail, à jeun si le déclen- du produit choisi. En l'absence d'anomalie, le monitorage
chement est programmé. peut être ensuite intermittent jusqu'au début du travail.
La perfusion d'ocytocine est débutée à la dose d'une En l'absence de mise en travail et en fonction de l'urgence
ampoule (1 cm3 = 5 UI) diluée dans 500 cm3 de sérum glu- de la naissance, la situation pourra être réévaluée toutes les
cosé isotonique avec une pompe péristaltique (débit 15 ml/h trois à six heures avec le misoprostol, toutes les six heures
= 2,5 mUI/min) ou dans 49 cm3 avec un pousse-seringue avec la PGE2 en gel intravaginal, toutes les 12 heures avec
électrique (débit 1,5 ml/h = 2,5 mUI/min). Le débit initial le dispositif intravaginal à libération prolongée ou un
est de 2,5 mUI/min et sera maintenu 20 à 30 minutes pour ballonnet.
apprécier la réponse utérine qui est propre à chaque patiente. Si le col n'est toujours pas favorable, la prise de misoprostol
Le débit est ensuite augmenté de 2,5 mUI/min toutes les 15 peut être renouvelée deux fois le premier jour et trois fois le
à 30 minutes jusqu'à l'obtention de contractions utérines deuxième jour. La pose de gel de PGE2 peut être renouvelée
344   Partie V. Techniques obstétricales

En cas de col favorable, le déclenchement sera poursuivi


Encadré 28.1 Fiche d'information des par une perfusion d'ocytocine qui pourra être débutée 30
patientes : déclenchement du travail sans minutes après l'ablation du dispositif intravaginal à libéra-
indication médicale tion prolongée ou du ballonnet, six heures après la pose d'un
gel de PGE2, quatre à six heures après l'administration de
Madame,
misoprostol.
Vous souhaitez ou votre médecin vous a proposé que votre
En cas de déclenchement par un dispositif intravaginal,
accouchement soit déclenché artificiellement. La présente
la survenue d'une RPM ou d'une hypertonie utérine doit
feuille a pour but de renforcer les informations qui vous ont été
conduire à l'ablation immédiate du dispositif. Une tocolyse
apportées oralement par le médecin ou la sage-femme afin de
d'urgence complémentaire peut être nécessaire.
vous expliquer les principes, les avantages et les inconvénients
potentiels du déclenchement qui vous a été proposé ou que
vous avez sollicité. Place de l'analgésie péridurale
Qu'est-ce qu'un déclenchement ? La pratique de l'analgésie péridurale au cours du déclen-
chement du travail est bénéfique en limitant le stress (qui
Le déclenchement consiste à provoquer des contractions de
augmente les catécholamines circulantes et diminue le débit
l'utérus pour induire le travail (c'est-à-dire le processus qui
sanguin utérin), en supprimant la douleur et la fatigue
aboutit à l'accouchement). Lorsqu'il n'y a pas de raison médi-
maternelle. Elle est particulièrement indiquée lorsque les
cale pour provoquer l'accouchement, on appelle cela (selon les
conditions laissent prévoir un travail de longue durée.
équipes) un déclenchement « de convenance » ou « de prin-
Cependant, une pose trop précoce peut favoriser la surve-
cipe », ou encore un « accouchement programmé ».
nue d'une dystocie dynamique et augmenter le risque de
Cette technique peut présenter des avantages pour l'organisa-
césarienne.
tion des familles (présence du père, garde des enfants, trans-
port sans précipitation à la maternité). En revanche, il n'existe
pas à ce jour de bénéfice médical démontré. La décision défini-
tive sera prise par le responsable médical. Déclenchement du travail
Comment se passe un déclenchement ?
en cas de mort fœtale in utero
Les conditions nécessaires pour réaliser un déclenchement sans La mort fœtale est définie comme un arrêt spontané de
indication médicale sont : une présentation céphalique avec tête l'activité cardiaque au-delà de 14 SA [5].
suffisamment basse, une grossesse d'au moins 39 semaines d'amé- L'accouchement est rarement une urgence, sauf en cas de
norrhée (environ 8 mois et demi) et un col de l'utérus favorable. décollement placentaire pour limiter le risque de troubles
de la coagulation maternelle ou de rupture prématurée des
En pratique membranes afin de réduire le risque infectieux maternel.

Vous serez admise à la maternité en général le matin même
du déclenchement. L'équipe vous indiquera le moment à
partir duquel il vous faudra être à jeun. Il est parfois nécessaire Avant terme
de vérifier par téléphone la disponibilité de la salle de travail La maturation cervicale est presque toujours nécessaire.
avant de vous déplacer. Elle associe les techniques médicamenteuses et les moyens

La méthode de déclenchement la plus répandue comporte une mécaniques.
perfusion d'ocytocine (Syntocinon®), produit qui provoque La mifépristone est une antiprogestérone, dont l'usage est
des contractions, associée à une rupture artificielle de la réservé au déclenchement sur enfant mort, car elle n'est pas
poche des eaux. La technique utilisée vous sera expliquée. efficace pour déclencher l'accouchement sur fœtus vivant
Cette feuille d'information ne peut sans doute pas répondre à terme [4]. Plusieurs études randomisées ont montré une
à toutes vos interrogations. Dans tous les cas, n'hésitez pas à bonne maturation cervicale et un raccourcissement du délai
poser au responsable médical toutes les questions que vous prise de médicament-accouchement quand le déclenche-
souhaitez. ment associe de la mifépristone avec de l'ocytocine ou du
Après avoir pris connaissance de ces informations, nous vous misoprostol [11, 19, 25].
demandons de confirmer que vous souhaitez cet accouche- Le CNGOF en 2014 a donc recommandé l'administration
ment programmé. préalable d'une dose de 200 mg de mifépristone per os, au
Fait le : ................................ à :....................................... moins 24 heures avant la maturation cervicale proprement
Signature de la patiente : dite. Elle permettrait de réduire les délais d'expulsion et de
diminuer les besoins en misoprostol [5, 11]. La maturation
Modèle déposé. Ne peut être modifié sans l'accord du CNGOF. Édition d'avril se fait classiquement par misoprostol à la dose de 200 à
2009.
400 μg toutes les trois à quatre heures par voie orale ou vagi-
nale. Une maturation mécanique peut être associée par des
laminaires ou une sonde de Foley et permettrait une réduc-
deux fois. Le dispositif intravaginal à libération prolongée tion du délai induction-expulsion.
de PGE2 peut être laissé en place 24 heures au total. Le bal- En pratique, le protocole suivant peut être proposé :
lonnet ne doit pas être laissé en place plus de 12 heures. En administration de 200 mg de mifépristone (possible en
cas d'échec de maturation, une autre méthode de maturation ambulatoire), suivi 24 heures plus tard de la pose de lami-
peut être utilisée [3]. naires (en hospitalisation) si le col n'est pas dilaté de plus de
Chapitre 28. Déclenchement artificiel du travail    345

un doigt, puis 12 heures plus tard, l'administration de miso- de cette phase de l'accouchement peut être discuté avec la
prostol per os est débutée à la dose de 200 à 400 μg toutes les patiente au cours du travail, afin de s'adapter à son souhait.
trois à quatre heures (réduite à 100 à 200 μg en cas d'utérus En général, il est préférable de disposer des champs de façon
cicatriciel), avec amniotomie précoce. Dès l'administration à ce que la patiente n'assiste pas en direct à l'accouchement
de misoprostol, la patiente est hospitalisée dans un secteur de ce nouveau-né sans pour autant le lui camoufler.
permettant la pose d'une péridurale et la surveillance mater- Dans de très rares cas, il est nécessaire de faire un geste
nelle adaptée. L'analgésie péridurale peut être mise en place complémentaire comme une craniocentèse en cas d'hydro-
précocement (avant même l'administration du misoprostol) céphalie. Elle sera réalisée par voie vaginale si la présenta-
afin de limiter la douleur, le stress et de ne pas renforcer la tion est céphalique et par voie abdominale à l'aiguille de
douleur psychique de la patiente. En cas d'échec après trois Tuohy (aiguille utilisée pour la péridurale) s'il s'agit d'une
à quatre prises, le déclenchement sera arrêté (même si les présentation du siège.
membranes sont rompues) et repris le lendemain. L'antibioprophylaxie n'est pas systématique et dépend,
comme pour un accouchement d'un enfant vivant, de la
durée du travail ou de la survenue de fièvre.
À terme
Si le col est favorable, la perfusion d'ocytocine associée à une
amniotomie précoce sera utilisée d'emblée. Après l'expulsion
Si une maturation cervicale est nécessaire, le même pro- Après l'expulsion, la révision utérine n'est pas systématique.
tocole que précédemment peut être utilisé mais la dose de Elle sera effectuée en fonction du terme de l'interruption,
misoprostol sera réduite (100 μg/prise). Il est également de l'aspect du placenta, de l'existence d'un saignement.
possible d'utiliser un protocole semblable à celui de l'enfant Concernant la délivrance artificielle, dans les recommanda-
vivant à terme, avec la même prudence en ce qui concerne tions pour la pratique clinique de 2014 du CNGOF, il est
l'utérus cicatriciel. précisé qu'« en cas de non-délivrance, il est recommandé de
Quel que soit le terme, en cas d'échec de ce protocole pratiquer une délivrance artificielle en l'absence de saigne-
après 48 heures de misoprostol, l'utilisation de sulprostone ment entre 30 et 60 minutes après l'accouchement (accord
(Nalador®) peut être exceptionnellement nécessaire si les professionnel) » [40]. Elle sera d'autant plus fréquente que le
conditions cervicales restent défavorables, ne permettant terme d'accouchement est précoce.
pas la rupture des membranes. On utilise une ampoule de La prévention de l'hémorragie du post-partum est iden-
sulprostone (Nalador®) diluée dans 250 cm3 de sérum salé et tique à celle de l'accouchement normal (voir chapitre accou-
perfusé par voie intraveineuse avec une pompe électrique, chement normal).
en débutant avec un débit de 5 gouttes/min augmenté de
5 gouttes toutes les 20 minutes jusqu'à obtenir une activité
utérine suffisante, le débit maximal étant fixé à 20 gouttes Rencontre du couple et du nouveau-né
par minute. Cette perfusion aura lieu en salle de travail en Il est important, au fil de l'information préalable et dans
surveillant l'activité utérine. L'amniotomie sera la plus pré- l'accompagnement, de prévoir et d'organiser la rencontre
coce possible. Cette perfusion de sulprostone ne sera qu'ex- entre la femme, le père et le nouveau-né, même malformé,
ceptionnellement renouvelée et limitée à trois ampoules. qui aura été habillé. Cette rencontre, dans une démarche
conjointe entre l'obstétricien, les sages-femmes et les pro-
fessionnels qui prennent en charge l'aspect psychologique,
Cas particulier de l'interruption est très importante pour la démarche de deuil. Si la femme
médicale de grossesse refuse de voir son enfant, il en sera fait des photographies
En cas d'IMG avec un fœtus vivant, un fœticide devra être pra- qui seront laissées dans le dossier car parfois, secondaire-
tiqué avant le déclenchement de l'accouchement. Les étapes ment, elle demandera à les voir et cela l'aidera à accepter ce
du déclenchement sont identiques mais le fœticide est clas- deuil (voir chapitre 17).
siquement réalisé la veille de l'administration du misopostol.

Conclusion
Surveillance
Lorsque les conditions locales sont favorables (score de Bishop
La surveillance maternelle est identique à tout accouche-
≥ 7) , le déclenchement par perfusion de Syntocinon® et la rup-
ment (voir chapitre accouchement).
ture artificielle des membranes sont les techniques de choix.
La surveillance de la dilatation doit s'effectuer toutes
Lorsque les conditions locales sont défavorables (score de
les une à deux heures et avant toute réadministration de
Bishop < 7), une maturation du col par les prostaglandines
prostaglandines.
par voie vaginale ou par ballonnet est nécessaire.Les prosta-
glandines sont contre-indiquées en cas d'utérus cicatriciel.
Expulsion
Elle sera réalisée sous anesthésie locorégionale sauf contre-
indication. L'anesthésie générale n'amène pas d'avantages Références
psychologiques pour la femme. Au contraire, elle obture et [1] Alfirevic Z, Kelly AJ, Dowswell T. Intravenous oxytocin alone for cer-
perturbe souvent le travail de deuil. Il faut avoir une analgé- vical ripening and induction of labour. Cochrane Database Syst Rev
sie efficace, le plus souvent par péridurale. Le déroulement 2009 ; 4 : CD003246.
346   Partie V. Techniques obstétricales

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Chapitre
29
Extractions instrumentales :
forceps, spatules, ventouses
J. Lansac, J.-F. Oury, O. Sibony, J.-P. Renner

PLAN DU CHAPITRE
Instruments. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348 Y a-t-il des mesures à prendre pendant le travail
Indications de l'extraction instrumentale. . . . . 353 pour diminuer les extractions instrumentales ?. . . . 354
Contre-indications de l'extraction Réalisation de l'extraction instrumentale . . . . 355
instrumentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374

La répartition entre forceps, spatules et ventouses s'est


OBJECTIFS modifiée en 2010 : 5,3 % des extractions se font par ven-
L'interne et la sage-femme doivent être capables de : touses, 3,9 % par forceps et 2,9 % par spatules et [5]. En
• décrire les différents types de forceps, leurs principes, 2002, les forceps étaient utilisés dans 5,2 % des naissances,
leurs avantages et leurs inconvénients ; les ventouses dans 4 % et les spatules dans 2,4 % et [2].
• décrire les spatules de Thierry, leurs principes, leurs Lorsqu'il y a extraction instrumentale, les ventouses sont
avantages et leurs inconvénients ; utilisées dans 40,7 %, les spatules dans 24,8 % et les forceps
• décrire les différents types de ventouses obstétricales, dans 34,5 %, en diminution [22]. Ces dernières années,
leurs principes, leurs avantages et leurs inconvénients ; l'utilisation des ventouses a augmenté de façon significative
dans les pays européens, anglo-saxons et en France (44 % en
• discuter les indications maternelles et fœtales des
2010 [5]).
extractions instrumentales ;
Au Royaume-Uni, le taux d'extractions instrumentales varie
• décrire les complications maternelles et fœtales des
de 4 à 26 % selon les établissements, avec une moyenne à 10,5 % ;
extractions instrumentales, et leur traitement préventif et
il est de 10 à 15 % aux États-Unis [1] et de 16 % au Canada [30].
curatif ;
Aux États-Unis comme en France, les taux de césarienne
• réaliser une extraction instrumentale dans les indications et d'extraction instrumentale ont une fréquence qui tend à
courantes. évoluer de façon inverse depuis les années 1990.
Aux États-Unis, entre 1989 et 1994, il y avait 23 % de
césariennes et 10 % d'extractions instrumentales, et, en 2006,
La pratique des extractions instrumentales ne s'apprend pas 32 % de césariennes et 5 % d'extractions instrumentales [16].
dans les livres. En France, en 1994, on comptait 14,2 % de césariennes
Cependant, rien n'est plus odieux pour un assistant qui et 18,8 % d'extractions instrumentales, et, en 2004, 18,4 %
veut aider un jeune interne à réaliser son premier forceps de césariennes et 11,9 % d'extractions instrumentales [2].
de s'apercevoir à 4 heures du matin que celui-ci ignore tout Mais l'enquête périnatale 2010 de l'Inserm [5] montre une
de ce qu'est un forceps et ne sait pas reconnaître la cuillère stabilité des chiffres entre 2003 et 2010 : taux de césarienne
droite de la gauche. Il est indispensable que l'interne, avant (20,2 % versus 21 %) et d'extractions instrumentals (11,1 %
sa première garde, ait lu ce chapitre, essayé de comprendre versus 12,1 %).
les mécanismes de l'extraction et soit allé en salle d'autœæn- La diminution de la fréquence des extractions instru-
seignement poser forceps ou ventouse sur un mannequin mentales liée à l'augmentation du taux de césarienne est
avec un moniteur. également due à la réduction de l'enseignement de la méca-
En France, en 2010, 12,1 % des naissances se font par nique obstétricale et des manœuvres visant à aider à la nais-
voie basse avec extraction instrumentale [5]. Ce taux est sance par voie vaginale. L'expérience des obstétriciens de
stable depuis plus de dix ans (11,9% en 2002 [2] ; ce taux est terrain vise à se réduire et, aux États-Unis, moins de 58 %
variable selon la structure et la region de 5,3 % à 34,1 % des des résidents (internes) se sentent capables de réaliser une
accouchements). extraction par forceps [25].

Pratique de l'accouchement
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348   Partie V. Techniques obstétricales

Il est donc impératif de poursuivre l'enseignement et la Les manches permettent donc de transmettre à la tête
formation en garde par le compagnonnage. L'enseignement fœtale les forces de traction, d'orientation et de flexion
sur des mannequins permet également d'aider à l'utilisation nécessaires à la terminaison de l'accouchement.
des différents instruments et d'en comprendre les indi-
cations mais également de pallier la réduction des temps Principe
d'enseignement en garde. Le forceps permet l'extraction de la tête fœtale sans trauma-
tisme, en imprimant à celle-ci les mouvements de la physio-
logie normale (voir Chapitre 9, « Forceps sur tête dernière »)
Instruments . C'est en ce sens que le forceps, instrument de préhen-
Forceps sion, doit non seulement être considéré comme un instru-
ment de traction, mais aussi d'orientation (par rotation) et
Description de flexion de la tête fœtale.
Nous ne décrirons que les plus utilisés en France : 700
types de forceps sont utilisés dans le monde sans qu'aucune Préhension
étude n'ait montré la supériorité de l'un ou de l'autre. Il en
existe deux grands types, ceux à branches croisées et ceux à Elle doit être à la fois efficace et non dangereuse, nécessitant
branches convergentes. deux conditions préalables :
Ces instruments ont en commun d'être constitués de : ■ il faut avoir fait le diagnostic exact de la présentation
■ deux branches droite et gauche s'articulant de façon avant toute pose de forceps ;
variable ; chaque branche est composée d'une cuillère et ■ la prise doit être aussi symétrique que possible par rap-
d'un manche ; port à l'axe médian de la tête et exercée sur des parties
■ la cuillère qui constitue la partie essentielle du forceps. solides (la saillie des malaires), de telle sorte que la trac-
Elle est formée d'une spatule évidée appelée fenêtre. La tion se fasse selon l'axe occipitomentonnier et que la pré-
fenêtre est constituée d'une branche antérieure, la jumelle sentation ait le plus petit diamètre possible (figure 29.2).
antérieure, et d'une jumelle postérieure, réunies en avant
au niveau du bec. La cuillère présente deux courbures : Orientation
– une courbure céphalique ou courbure sur le plat des- On doit, avec le forceps, s'efforcer de reproduire l'évolution
tinée à s'appliquer sur la tête du fœtus et conçue pour naturelle de la tête dans l'excavation :
correspondre à la convexité des faces latérales de la ■ flexion ;
tête selon un axe occipitomentonnier pour la préhen- ■ rotation en occipitopubien, voire en occipitosacré ;
sion de celle-ci ; ■ asynclitisme.
– une courbure pelvienne ou courbure sur le bord, des-
tinée à s'adapter à la courbure de la filière génitale
(figure 29.1) ;
■ le manche prolonge l'axe de la cuillère et fait un angle
avec celui-ci (courbure pelvienne) ; il est porteur des sys-
tèmes de :
– solidarisation des deux branches ;
– pression exercée sur la tête fœtale ;
– traction, exercée soit directement sur les manches
(forceps de Pajot, de Levret ou de Suzor), soit par l'in-
termédiaire d'un tracteur monté sur deux tigelles soli-
daires de la partie proximale des cuillères (forceps de
Tarnier), voire de lacs (forceps de Demelin, de Suzor).

Fig. 29.2. Principes de la prise d'un forceps. La prise doit être


correcte, les cuillères prennent appui sur les malaires. L'axe du forceps
est l'axe occipitomentonnier. a. Prise en OP. b. Prise en OS. c. Prise
Fig. 29.1. Les différentes parties d'un forceps. asymétrique en gauche transverse avec un forceps de Tarnier.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    349

Traction articulée avec le centre d'un cylindre horizontal ou palon-


Elle assure la descente de la tête ; l'axe de cette traction est nier sur lequel s'effectue la traction des deux mains. Toutes
adapté à la situation de la tête dans l'excavation, selon qu'il les articulations de ces pièces sont mobiles, laissant le jeu
s'agit d'une variété antérieure ou postérieure de la tête. des branches indépendant de la traction.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ces instruments La tête enserrée par les cuillères leur imprime ses propres
ont été élaborés pour être utilisés sur une présentation occi- mouvements liés à sa progression dans l'excavation qui la
put en avant ; outre le diagnostic exact de présentation, il confronte aux tissus maternels et l'oblige à se fléchir et à
conviendra donc toujours de vérifier, voire de provoquer, tourner. Les manches jouent alors un rôle d'indicateur de
la rotation en avant de l'occiput avant de pratiquer la pose l'orientation de la tête fœtale.
de l'instrument. Si cela s'avère impossible, c'est en connais- Grâce aux articulations du tracteur, la direction de celui-
sance de cause que le forceps sera utilisé à l'envers en ayant à ci peut rester indépendante de celle de la tête.
l'esprit la mécanique de l'extraction en variété postérieure et La traction sur le palonnier ne provoque donc pas
en prenant les précautions qui s'imposent. d'orientation particulière de la tête qui reste soumise aux
seuls impératifs des guides pelviens maternels, osseux et
Différents types de forceps musculaires.
Pour que l'application de la force de traction garde une
Forceps croisés direction cohérente par rapport à l'orientation de la tête
Forceps de Tarnier (figure 29.3) fœtale, on guidera le tracteur pendant la traction de sorte
C'est un grand forceps (39,5 cm ; 908 g), présentant une que les tigelles restent à deux travers de doigts sous les
courbure céphalique et une courbure pelvienne assez pro- branches.
noncées. Le bec (extrémité de la cuillère) est très accentué et Concernant l'utilisation de ce forceps, il faut ajouter que :
doit être appliqué sur une surface résistante : l'os malaire, de ■ la solidarisation n'est facile que si la prise est symétrique,
façon symétrique pour éviter tout traumatisme. minimisant le risque de prise asymétrique ;
À la base de la cuillère existe un œillet dans lequel ■ le forceps posé, les tigelles ne doivent pas affleurer la
s'adapte le bouton (G pour branche gauche, D pour droite) fourchette vulvaire car la présentation ne serait alors pas
d'une tigelle qui, avec celle de l'autre branche, permet l'arti- engagée : il contribue à préciser la hauteur de la présen-
culation au tracteur. tation lorsqu'une bosse sérosanguine a pu faire poser par
L'entablure fait suite à la cuillère, elle n'existe que dans les erreur le diagnostic d'engagement ;
forceps croisés et permet l'articulation des branches. ■ il assure un axe de traction correct, à condition de respec-
L'articulation se fait par vis. La branche gauche est ter un espace de deux travers de doigt entre les tigelles et
toujours la branche dite mâle porteuse du pivot à vis. La les manches ;
branche droite dite femelle est porteuse de l'encoche rece- ■ l'articulation souple forceps-tracteur laisse une mobi-
vant le système d'articulation. lité suffisante à la tête fœtale pour suivre la courbure du
Le manche présente à son extrémité distale un crochet bassin.
dirigé vers l'extérieur pour empêcher les mains de glisser et Ce forceps impose une prise symétrique, la pose sur une
pour faciliter la prise lors de son introduction. présentation transverse est impossible et, dans ce cas, un
Sur le manche se trouve une vis dite de pression dont autre instrument doit être choisi.
l'ailette située sur la branche gauche est reçue dans une
mortaise incluse dans la branche droite. Cette vis, dont la Forceps de Pajot (figure 29.4)
fonction est d'assurer un contact étroit entre les cuillères et C'est un petit forceps croisé à courbure céphalique très pro-
la tête, ne doit être que fixée et non serrée (un tour complet noncée alors que la courbure pelvienne est presque nulle.
du papillon rapproche les becs de 23 mm). L'articulation entre les deux branches se fait au moyen d'un
Le système de traction comporte trois parties. Une tige pivot situé sur la branche gauche qui s'enclenche dans une
horizontale distale est terminée par une douille munie d'un encoche située sur l'autre branche. Le serrage est modulé
curseur, qui permet l'articulation avec les tigelles. Elle s'arti- en cours d'extraction par la main située sur les manches. La
cule avec une tige verticale intermédiaire qui est elle-même traction s'effectue avec l'index et le majeur de l'autre main,
protégés par des compresses et repliés sur le versant fœtal de
l'intersection des deux branches.

Fig. 29.3. Forceps de Tarnier articulé [24]. Fig. 29.4. Forceps de Pajot.
350   Partie V. Techniques obstétricales

Les forceps croisés de type Tarnier ou Pajot ne seront pas ­ résentation dans l'axe de la filière pelvienne. L'emploi des
p
utilisés sur les présentations transverses car il est impossible lacs (2 mètres) permet une traction douce et souple et de
d'obtenir une prise symétrique et l'asymétrie expose aux jouer sur l'indépendance des deux branches [14].
traumatismes (embarrures occipitales, paralysies faciales, Les lacs seront préalablement imprégnés de savon liquide
etc.). pour minimiser le frottement avec les tissus maternels et
faciliter leur insertion dans les œillets des jumelles (jumelle
Forceps à branches convergentes : antérieure pour les variétés antérieures, jumelle postérieure
Demelin-Suzor pour les variétés postérieures).
Le forceps de Suzor (figure 29.5) est le plus utilisé en France. Après le passage dans l'œillet, les lacs sont noués à leur
Il s'agit d'un forceps de Demelin n° 8 modifié, mesurant extrémité.
33 cm de long et pesant 440 g. Ce qui caractérise ce forceps est que :
Les deux branches sont parfaitement symétriques : ■ la taille et la convergence des cuillères favorisent un
■ la cuillère évidée ou fenêtre est formée de deux jumelles contact étroit et la possibilité d'une manipulation directe
qui se rejoignent en U au niveau du bec peu accentué. de l'opérateur pour guider la tête dans la filière génitale ;
Elle présente une courbure céphalique de grand rayon ; la ■ l'absence de croisement des branches autorise une pré-
courbure pelvienne est très faible et se termine dans l'axe hension asymétrique (présentation asynclite) ou une
du manche. Chaque jumelle est percée en son centre d'un prise en transverse.
œillet pour le passage de lac servant à la traction ;
■ le manche est droit et léger, et se recourbe vers le bas à
son extrémité où se trouvent les vis d'articulation de la
barre transversale qui solidarise les branches et qui se Spatules de Thierry (figures 29.6 à 29.8)
trouve ainsi dans l'axe des cuillères ; Ce sont des instruments d'orientation et de propulsion et
■ la barre d'articulation (16 cm) en extrémité distale des non de traction, ce qui les différencie des forceps. Ces spa-
manches les écarte plus que les cuillères, d'où la conver- tules doivent êtres considérées comme le prolongement des
gence vers la tête fœtale ; mains de l'obstétricien :
■ la double articulation de la barre avec les manches laisse
les deux branches indépendantes dans le sens longitudi-
nal ; ainsi, les deux cuillères peuvent ne pas s'appliquer à
la même hauteur sur la tête, ce qui permet des prises asy-
métriques, surtout en cas d'asynclitisme et dans la prise
en transverse ;
■ la vis de pression n'a pas de place fixe, elle s'adapte sur les
manches sur lesquels elle glisse et doit être placée près de
la vulve. Elle n'est pas réellement destinée à produire une
pression ; la convergence des branches et la résistance des
tissus maternels suffisent à maintenir le contact avec la
tête. Son emploi évite cependant les risques de dérapage.
La traction peut être appliquée directement par les mains
tenant les manches (doigts sur le bord supérieur, pouces sur A A
le bord inférieur).
On peut également utiliser un système de traction par
l'intermédiaire de lacs glissés dans les œillets situés au milieu Coupe AA
de la convexité des jumelles. Le point d'appui de la traction,
situé du fait de la large courbure céphalique au-delà de la
grande circonférence de la tête, est idéal pour guider la

B B

Coupe BB

C C

Coupe CC

Fig. 29.5. Forceps de Suzor articulé [24]. Fig. 29.6. Spatules de Thierry [24].
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    351

■ les spatules ne sont pas articulées et ne comportent pas


1 1
d'entablure ;
■ les deux branches identiques sont formées de trois par-
ties : – la cuillère est pleine, pratiquement dans l'axe du
manche ; elle a peu de courbure pelvienne avec un bord
antérieur presque droit et un bord postérieur légèrement
courbe ;
– la courbure céphalique est très marquée, à grand rayon
sur le tiers distal (portion faciale), beaucoup moins 2 2
accentuée sur ses deux tiers proximaux (portion
céphalique), réalisant presque une contre-courbure
qui fait office de pare-chocs au crâne fœtal et qui, par
sa face externe, sert de levier sur les parois pelviennes ;
– le manche est un fer plat qui est prolongé par la
poignée ;
– la poignée crantée est de type ergonomique avec sur
son bord inférieur des encoches destinées aux quatre
derniers doigts et sur son bord supérieur un cran
prévu pour le pouce ; la tenue se fait essentiellement
entre, d'une part, le pouce et, d'autre part, l'index et le
majeur. 3
Il en existe plusieurs tailles ; nous n'utilisons que la taille 4
moyenne ou les petites. Les spatules de Tessier, plus récentes,
Fig. 29.8. Principes d'action des spatules. 1. Point d'appui distal sur
sont de dimensions plus réduites. l'os malaire. 2. Point d'appui pelvien. 3. Suppression de la résistance
pelvienne. 4. La force de traction s'exerce au niveau des manches.

Mode d'action
Les spatules ne sont pas un instrument de préhension mais
se comportent comme deux leviers indépendants mais
d'utilisation synchrone. Elles prennent appui sur la partie
postérieure du malaire fœtal par l'extrémité de leur face dis- se fait aussitôt. Leur extrémité va propulser la tête fœtale qui
tale légèrement concave, avec un couple de déflexion faible glisse entre les cuillères puisqu'elle n'est plus soumise à la
puisque près de l'occiput. résistance des tissus maternels.
Dès la manœuvre commencée en écartant légèrement les L'appui du levier sur la paroi pelvienne suit la progres-
poignées, les spatules vont chercher à fuir vers l'extérieur sion de la présentation.
mais entrent en contact avec la paroi pelvienne et le levier Le point de levier sur la paroi pelvienne se fait spontané-
ment par le tiers proximal de la face convexe des cuillères
(portion céphalique).
Libre entre les cuillères, la tête, ayant progressé, est
confrontée aux contraintes directionnelles de l'excavation.
Si on laisse les spatules revenir librement sous le rap-
pel élastique des tissus maternels, celles-ci se retrouveront
au contact de la tête, se positionnant suivant sa nouvelle
orientation.
Il est donc indispensable, pour suivre correctement le pro-
cessus et conserver cette indication, de ne pas contraindre le
mouvement des spatules (surtout au relâchement).
Les manches doivent rester parallèles, sans torsion selon
leur axe sous peine de mettre en danger les tissus maternels
ou fœtaux et de perdre l'indication directionnelle indispen-
sable à la poursuite du bon trajet (figures 29.9 et 29.10).
La manipulation peut être asymétrique comme dans le
cas où la présentation en transverse ne permet pas d'écar-
ter la spatule postérieure, bloquée par le sacrum. Cette
manœuvre dite du « toboggan » ne mobilise qu'une spatule à
la façon d'un levier, mais sur un trajet et une rotation limitée
à 45°. La spatule postérieure va alors servir de guide ; l'écar-
tement de la spatule antérieure est suffisant pour libérer la
tête qui va glisser et descendre dans le creux de la spatule
Fig. 29.7. Les spatules sont en place, selon l'axe occipitomen- postérieure. Dans le mouvement, la rotation sera amorcée et
tonnier. la spatule postérieure sera déplacée pour suivre l'évolution

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352   Partie V. Techniques obstétricales

Ventouses obstétricales (figure 29.11)


Ce sont surtout des instruments de flexion et accessoirement
de traction. Il s'agit de cupules en métal ou en plastique
rigide ou souple de 30, 40, 50 (minicup), voire 60 mm de
1 2 diamètre, à l'intérieur desquelles on peut créer une dépres-
sion réglable. À leur sommet s'attache un fil ou une chaînette
qui permet la traction. La traction doit s'exercer perpendi-
culairement au plan de la cupule afin d'éviter le dérapage.
L'utilisation d'une ventouse souple en silicone (silc cup de
Kobayashi) (figure 29.11c) entraîne moins de lésions du cuir
chevelu mais un peu plus d'échec (NP1) [17]. L'utilisation
d'une pompe électrique par rapport aux pompes manuelles
n'apporte pas d'avantages en termes de détachements ou de
lésions du cuir chevelu (NP1) [19].

Contre-indications
Les ventouses obstétricales connaissent des contre-indica-
tions qui leur sont propres :
■ la prématurité (< 36 SA) ;
■ l'existence de troubles de la coagulation chez le fœtus : throm-
bopénies, hémophilie, prise de phénobarbital par la mère ;
Fig. 29.9. Variation de l'axe de traction avec la progression de la ■ la présence de scarifications du cuir chevelu du fœtus
présentation. Les tractions s'exercent dans l'axe occipitomentonnier, pendant le travail (pH ou électrode) ;
amenant le sous-occiput sous la symphyse pubienne. En cartouche : ■ une présentation du front, de la face, du siège ou
1. Manière de tenir la spatule lors de l'extraction. 2. Manière de tenir transverse.
la spatule pour la retirer lors du dégagement. Une volumineuse bosse sérosanguine constitue une
contre-indication relative [27].

Avantages
Les ventouses obstétricales semblent particulièrement
adaptées aux arrêts de progression de la présentation par
déflexion, en particulier dans les variétés transverses et
postérieures. En effet, elles permettent un complément de
a b flexion qui rend possible la poursuite de la rotation dans
l'excavation. Les séquelles concernant la continence anale
seraient moindres qu'avec le forceps [26].

Inconvénients
Ce sont :
■ les lésions du cuir chevelu : hématomes sous-cutanés,
céphalhématome, plus fréquents (14-16 %) qu'avec le for-
c d ceps 2 % [1] ;
■ le dérapage ;
Fig. 29.10. Manœuvre du toboggan en présentation occipito-
■ l'échec conduisant à l'utilisation d'un forceps ; certains en font
iliaque droite postérieure. a. Spatules en place. b. La spatule
antérieure est amenée vers la cuisse droite. c. Élévation de la spatule
un test justifiant plutôt une césarienne si la tête est haute ;
droite. d. Rétablissement du parallélisme des spatules. ■ les hémorragies rétiniennes plus fréquentes avec le
vacuum (38 %) qu'avec le forceps (17 %) [1] ;
■ les hémorragies cérébroméningées (0,3 à 4 %) qui ne
semblent pas plus fréquentes qu'avec le forceps ; il est dif-
de l'ovoïde fœtal jusqu'à ce qu'elle retrouve une mobilité ficile de dire si elles sont liées à l'instrument lui-même ou
permettant de recourir à une manipulation symétrique. à la souffrance qui a conduit à son utilisation.
Les avantages et les inconvénients de ces différents ins- Dans certains pays, les ventouses ont remplacé le for-
truments sont résumés dans le tableau 29.1. Les forceps ceps en raison de leur facilité d'emploi et de leur réputation
entraînent plus de déchirures périnéales sévères que les ven- d'innocuité. Une méta-analyse a montré que leur utilisation
touses mais moins de céphalhématomes et de dystocies des était associée à moins de lésions périnéales maternelles,
épaules [6]. moins d'anesthésies et moins de césariennes. Les études
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    353

faites sur les enfants jusqu'à l'âge de 10 ans n'ont pas montré of Gynecology and Obstetrics fait actuellement l'objet d'un
de différences sur le développement psychomoteur, que l'ac- essai de phase 1 en Australie et en Nouvelle-Zélande [3].
couchement ait été spontané, avec forceps ou ventouse [1].

Indications de l'extraction
Le dispositif d'Odon
instrumentale
C'est un nouvel outil d'extraction instrumentale créé par un
Argentin, Jorge Odon. Peu coûteux, il est fabriqué à partir Elles sont rapportées dans le tableau 29.2. L'indication
d'un film de polyéthylène et est composé de deux élements : majeure est l'asphyxie fœtale nécessitant une naissance
■ un manchon plissé qui permet la progression de la tête rapide. Vient ensuite le prolongement de la période d'expul-
grace aux mouvements de glissement en doigt de gant sion au-delà d'une heure (20 à 30 minutes d'efforts expulsifs)
des deux membranes qui le composent. La membrane et la fatigue maternelle. Le CNGOF [8] recommande d'envi-
interne est munie d'une chambre à air que l'on gonfle, sager le recours à une extraction instrumentale à partir de
permettant la solidarisation avec la tête fœtale ; 30 minutes d'efforts expulsifs avec un RCF normal, dans la
■ un applicateur composé de trois spatules et d'un cone mesure où l'intensité des efforts expulsifs a été jugée suffi-
d'application. sante sans progression du mobile fœtal (accord profession-
Cet instrument est présenté comme sûr et facile à mettre nel). Les États-Uniens conseillent l'extraction instrumentale
en œuvre par un personnel peu qualifié. Ce dispositif qui a quand la deuxième phase du travail (c'est- à-dire après dila-
retenu l'attention de l'OMS et de l'International Federation tation complète) dépasse trois heures chez une primipare

Tableau 29.1. Avantages, inconvénients et indications des différents types de forceps.


Type Avantages Inconvénients Indications
Tarnier Bonne préhension (courbure Pose peu rapide Présentation engagée partie moyenne
céphalique prononcée) Décroisement si OIGP ou OIDA (voire haute) de l'excavation : donc
Traction selon un axe Risque de pose asymétrique et de présentations « hautes »
correct (courbure pelvienne traumatisme sur présentation tranverse Efforts expulsifs inefficaces
prononcée) et asynclite Extractions jugées urgentes pour anomalies
Moins adapté aux variétés postérieures du rythme cardiaque fœtal
Pajot Pose rapide Ne permet qu'une traction peu Présentation au détroit inférieur
importante sur une présentation basse Césarienne
(faible courbure pelvienne) Siège avec rétention de tête dernière
Décroisement si OIGP ou OIDA
Demelin Pose rapide Idem forceps de Pajot sauf décroisement Présentations au détroit moyen et inférieur
Suzor Pas de décroisement Mêmes indications que le Tarnier si
utilisation des lacs
Peut être utilisé sur présentation transverse
Siège avec rétention tête dernière
Spatules de Pose rapide Risque de traumatisme du vagin Aide au dégagement
Thierry et de Ne permet qu'une traction faible Forceps de « protection » des prématurés
Tessier Peut être utilisé sur présentation transverse

Fig. 29.11. Ventouses obstétricales. a. Système assurant la dépression. b. Les trois tailles de ventouses type Bird (40, 50 et 60 mm). c. Ventouse
souple en silicone.
354   Partie V. Techniques obstétricales

Tableau 29.2. Indications des extractions Y a-t-il des mesures à prendre


instrumentales.
pendant le travail pour diminuer
Indications maternelles Indications fœtales les extractions instrumentales ?
Contre-indications aux efforts Prolongement de
expulsifs l'expulsion > 30 minutes Pendant la première phase du travail
Cardiopathies Efforts expulsifs inefficaces ■ L'emploi systématique du partogramme s'accompagne
Insuffisance respiratoire Mauvaise accommodation d'une réduction du nombre de forceps, mais non du
Antécédents de pneumothorax nombre de ventouses (grade A). Le gain vient de ce que
spontané l'on intervient plus à propos pour corriger une anomalie.
Lésions oculaires : décollement ■ La rupture artificielle précoce des membranes, associée
de rétine
Lésions cérébrales
à une perfusion d'ocytocine, ne diminue pas le nombre
Prééclampsie ou éclampsie d'extractions instrumentales (grade A), mais elle aug-
mente le taux d'anomalies du RCF (grade B). La cor-
Efforts expulsifs insuffisants Souffrance fœtale
rection précoce d'une stagnation de la dilatation par
Manque de coopération Anomalies du RCF en fin de perfusion d'ocytocine peut réduire le nombre d'extrac-
Fatigue maternelle dilatation ou à l'expulsion tions instrumentales (grade B).
Anesthésie péridurale
Anesthésie générale
■ L'analgésie locorégionale utilisant des concentrations
d'anesthésiques locaux supérieures à 0,125 augmente le
nombre d'extractions instrumentales (grade A). Avec des
doses très faibles, potentialisées par des morphinomi-
qui a une péridurale (2 h sans anesthésie) et, pour la mul- métiques, cela réduit le nombre d'extractions observées
tipare, deux heures avec péridurale et une heure sans [1]. avec des doses plus importantes (grade A). La péridurale
Les autres indications sont liées à l'état maternel qui contre- posée avant une dilatation de 3 cm n'augmente pas le
indique les efforts de poussées (cardiopathies, insuffisance taux d'extraction (grade A).
respiratoire, etc.). Pour ce qui est du prématuré, il n'existe ■ Les variétés postérieures exposent à plus d'extractions
pas de données pour justifier la pratique systématique d'une instrumentales (grade B). La rotation manuelle de ces
extraction instrumentale dans le but de protéger le fœtus variétés postérieures en antérieures pourrait réduire le
contre la survenue d'hémorragies intra- ou périventricu- nombre des extractions (grade C).
laires (NP3). Il n'existe pas de données pour privilégier un ■ La déambulation pendant le travail n'est pas associée à
instrument : forceps, spatules ou ventouses. Il faut y ajouter une réduction du nombre d'extractions instrumentales
une indication particulière : le forceps sur tête dernière dans (grade A).
la présentation du siège dont les indications sont traitées au ■ Un soutien continu de la parturiente par la sage-femme
chapitre 9, p. 138, et la technique dans ce chapitre, p. 362. ou un proche pendant le travail réduit le nombre d'ex-
tractions instrumentales (grade A).

Contre-indications de l'extraction
instrumentale Pendant la seconde phase du travail
■ Le partogramme favorise l'interprétation objective de la
Le non-engagement de la tête est une contre-indication à situation et l'évaluation du risque d'application instru-
l'extraction instrumentale. L'existence d'une bosse sérosan- mentale (grade B).
guine est un facteur classique d'erreur au diagnostic d'enga- ■ La position debout, accroupie ou latérale pendant la
gement, cliniquement la palpation du moignon de l'épaule seconde phase du travail n'est pas associée à une réduc-
à plus de trois travers de doigts au dessus de la symphyse tion significative du nombre d'extractions instrumentales
pubienne signe le non-engagement de la tête et contre- par rapport au décubitus dorsal (grade B).
indique l'extraction instrumentale (signe de Fabre). Si on a ■ Sous analgésie péridurale, les efforts expulsifs différés
un doute sur l'engagement, en particulier du fait d'une bosse (2 h après le diagnostic de dilatation complète pour les
sérosanguine, on peut s'aider de l'échographie et mesurer la nullipares) diminuent le nombre d'extractions instru-
distance périnée-présentation. Si elle est inférieure à 60 mm, mentales difficiles (grade A).
on est sûr de l'engagement, avec une valeur prédictive de ■ L'expression utérine ne réduit pas non plus le nombre
95,6 %. Si la distance est de 38 mm, la tête est engagée en d'extractions instrumentales (grade B) [10].
partie moyenne [23].
Les autres contre-indications sont liées à une patholo-
gie fœtale : anomalies osseuses (ostéogenèse imparfaite), Rotation manuelle de la tête
troubles de la coagulation (thrombocytopénie, hémophilie, Nous avons vu que 20 % des présentations du sommet sont
maladie de Willebrand). La césarienne s'impose dans tous en occipitopostérieur droit ou gauche. Ces présentations
ces cas. souvent mal fléchies ont du mal à tourner dans l'excavation.
Il n'y a pas de contre-indications à l'utilisation du for- La rotation manuelle décrite par Tarnier et Chantreuil peut
ceps ou de la ventouse, même chez le prématuré ayant un éviter les complications de l'accouchement en variété posté-
retard de croissance in utero (recommandations du CNGOF rieure et les extractions instrumentales, voire les rotations
[8,10]). instrumentales.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    355

Dans les variétés postérieures (OIDP, OIGP), le défaut Tableau 29.3. Conditions préalables à une extraction
de rotation est très souvent en rapport avec un défaut de instrumentale (moyen mnémotechnique).
flexion dans ce type d'orientation.
F Fœtus en céphalique
La tête, s'engageant l'occiput en arrière, ne subit pas les
mêmes contraintes de flexion lors de sa prise de contact avec O Orientation repérée
le détroit supérieur (la flexion cervicale première précédent R Rompues : les membranes
la flexion occipitale cervicale ne se fait pas et le défaut de C Complète : la dilatation
flexion se produit).
E Engagée la tête : la présentation
La manœuvre de rotation doit donc être précédée d'une
manœuvre de flexion ramenant le lambda au milieu de l'aire de P Proportions fœto-pelviennes compatibles
présentation par un appui sur les sutures parieto-occipitales. S Sondée : la vessie
Cette simple manœuvre accompagnée des efforts de
poussée suffit souvent à réduire la rotation de la tête de 135°
r­amenant l'occiput en avant. réduirait le risque de déchirure sphinctérienne en cas de
La rotation manuelle se pratique sur une patiente en ventouse et de forceps (grade C).
position gynécologique vessie vide à partir d'une dilata- Une césarienne doit pouvoir être réalisée rapidement en
tion de 7 cm. La main utilisée par l'opérateur varie selon la cas d'échec de l'extraction instrumentale.
variété de la présentation. La main droite prend appui en Il est souhaitable que l'obstétricien réalise l'extraction
arrière de l'oreille droite pour les variétés gauches (OIGT et instrumentale en présence de la sage-femme et si possible
OIGP) et la main gauche en arrière de l'oreille gauche pour d'une troisième personne (accord professionnel). La pré-
les variétés droites (OIDT et OIDP). L'opérateur place donc sence de l'anesthésiste n'est pas obligatoire, mais elle est sou-
sa main juste derrière l'oreille fœtale et lors d'une contrac- haitable sur la demande de l'obstétricien en cas d'analgésie
tion et d'un effort de poussée imprime un mouvement de maternelle insuffisante et recommandée dans les situations
rotation vers l'avant en direction de la symphyse pubienne à risques (accord professionnel). De même, la présence du
à la tête fætale afin d'amnener l'occiput fœtal en regard de pédiatre n'est pas indispensable, mais il pourra être requis
l'arc antérieur du bassin maternel. Cette manœuvre doit être ou prévenu à la demande de l'obstétricien (accord profes-
effectuée « avec fermeté mais sans violence », plusieurs ten- sionnel) [8].
tatives peuvent être tentées sans dépasser trois tentatives car,
au-delà, le taux de succès est nul. Dans les centres où ces Préparatifs
rotations sont systématiquement faites, le taux de succès est
de 75 à 80 % [12]. Lieu
L'extraction est le plus souvent faite en salle de naissance,
parfois en salle d'opération si l'on craint un échec et que l'on
Réalisation de l'extraction risque de passer à une césarienne.
instrumentale Préparation de la patiente
On explique à la patiente et à sa famille ce que l'on va faire
Conditions préalables et pourquoi.
Avant d'envisager une extraction instrumentale, sept condi- Il ne s'agit pas d'une extraction en force mais cela consiste
tions doivent être impérativement remplies : à guider la tête en accompagnant les efforts maternels.
■ dilatation complète ; Il faut parfois demander aux personnes qui l'accom-
■ poche des eaux rompue ; pagnent de sortir si l'on prévoit des difficultés obstétricales
■ présentation céphalique, bien que l'application sur la tête ou de comportement de la patiente et des accompagnants.
dernière soit possible en présentation du siège ; La femme est mise en position gynécologique, le siège
■ tête profondément engagée plutôt à la partie moyenne ; affleurant le bord de la table.
■ absence de disproportion fœtopelvienne ; La vulve est ébarbée ou tondue plutôt que rasée et badi-
■ vessie vide ; geonnée avec un antiseptique.
■ hauteur et orientation de la présentation connue. Si on La vessie est vidée par sondage.
n'est sûr ni du type de présentation, ni de l'engagement, Des champs stériles sont disposés sous le siège ainsi que
l'échographie peut être utile. Si celle-ci montre les orbites, sur le ventre et les cuisses.
il s'agit d'une présentation postérieure, et si la distance
périnée-présentation est inférieure à 60 mm, on est à peu Anesthésie
près certain de l'engagement [23,28]. Si la femme est sous péridurale, on s'assure que l'anesthésie
Un moyen mnémotechnique permet de s'en souvenir du périnée est correcte, sinon il faut la compléter.
(tableau 29.3). Enfin, il faut avoir appris à poser les cuillères Si la tête est basse, l'extraction facile et la femme coopé-
sur un mannequin ou un simulateur comme celui proposé rante, l'extraction peut être réalisée sans anesthésie ou avec
par Dupuis [11]. une anesthésie locale du périnée au niveau des nerfs honteux
Le choix de l'instrument est fonction de la situation (voir Chapitre 12, « Bloc des nerfs honteux »), associée à une
obstétricale et des préférences de l'obstétricien (accord anesthésie du trajet de l'épisiotomie.
professionnel). La pratique d'une épisiotomie est laissée à Une anesthésie générale peut être utile si la femme est
l'appréciation de l'opérateur (accord professionnel). Elle agitée ou si le forceps semble difficile.
356   Partie V. Techniques obstétricales

Ce que doit faire l'opérateur avant l'extraction Si le diagnostic de présentation est difficile à faire par le
Il prévient l'anesthésiste s'il juge qu'un complément d'anes- toucher vaginal, ou si l'opérateur est débutant, une écho-
thésie pourrait être nécessaire. graphie permettra facilement de trouver le plan du dos.
Un forceps ne devant être posé que de façon atrauma- La visualisation d'un ou des deux globes oculaires permet
tique, la présence d'un pédiatre ne se justifie que s'il existe d'affirmer la variété postérieure ou l'absence de visualisation
une souffrance fœtale [12] ou s'il s'agit d'un prématuré. des globes la variété antérieure [28].
Il revêt une casaque stérile, une bavette et des gants. Si On commence par poser la cuillère postérieure, ce qui
l'urgence l'exige, on se passera de revêtir une casaque stérile. oblige, en cas d'utilisation d'un forceps croisé sur une présen-
L'opérateur vérifie la dilatation complète et précise la hauteur tation dans un diamètre droit, à effectuer un décroisement des
et l'orientation de la présentation. En cas de doute sur l'orien- manches avant leur solidarisation. En fait, on peut souvent,
tation, le repérage par échographie est recommandé [10]. Si les dans ce cas, commencer par mettre la cuillère antérieure.
orbites ne sont pas vues, il s'agit une présentation antérieure [26]. L'opérateur rencontre trois cas de figure :
Il doit se souvenir que les forceps ont été concus pour être ■ la présentation est orientée dans un diamètre antéropos-
posés sur une presentation antérieure. térieur (OP ou OS) ;
Il tente une rotation manuelle pour amener l'occiput en ■ la présentation est orientée dans un diamètre oblique soit
OP ou au moins transformer une présentation postérieure gauche (OIGA ou OIDP), soit droit (OIDA ou OIGP) ;
en antérieure. Pour cela, on introduit la main dans le vagin, ■ la présentation est orientée dans un diamètre transverse
la paume contre la presentation les doigts prenant appui sur (OIDT ou OIGT), seule situation posant de réelles difficultés.
l'oreille fœtale (voir Chapitre 4, « Accouchement en présen-
tation du sommet-variétés postérieures »). On tentera de Application du forceps sur une présentation
fléchir la tête et de la tourner de façon à l'amener en OP. du sommet
Il choisit l'instrument le plus adéquat compte tenu de Nous décrirons en détail la prise et l'extraction en occipito-
la hauteur, de la position de la présentation et de ses habi- iliaque gauche antérieur, la plus fréquente. La prise en occi-
tudes. Il n'est pas démontré que l'utilisation d'une ventouse pitopubien est la plus facile, celle par laquelle le débutant
soit meilleure pour la mère et l'enfant que l'utilisation du commencera. Nous décrirons ensuite les problèmes posés
forceps. Après une étude de neuf essais randomisés, l'étude par les autres types de prises.
Cochrane conclut que l'utilisation d'une ventouse augmente
le risque d'échec et le taux de césarienne. En revanche, il y
Principes généraux de la pose des cuillères
a moins de lésions vaginales, périnéales et d'anesthésie avec
la ventouse, mais plus de céphalhématome, d'hémorragies ■ Avant toute manœuvre, l'intégralité et le montage du for-
rétiniennnes et de scores d'Apgar bas à cinq minutes. À cinq ceps doivent être vérifiés.
ans, il n'y a aucune différence pour la mère ou l'enfant [17]. ■ La cuillère est toujours introduite primitivement dans
Il faut donc utiliser comme le recommande le RCOG [26] une zone d'accès facile, la partie postérieure de la vulve
l'instrument dont on a appris à se servir et avec lequel on se sent où l'arcade pubienne ne gêne pas l'introduction des
le plus à l'aise. Nous conseillons au débutant de prendre l'instru- doigts, c'est donc la cuillère postérieure qui est posée la
ment le plus habituellement utilisé dans le service où il est (for- première.
ceps ou ventouse) et de s'y tenir en ne changeant d'instrument ■ Elle est guidée au contact de la présentation par la main de
que lorsqu'il aura acquis la maîtrise du premier. Pour notre part, l'accoucheur qui protège le vagin (si la présentation est haute,
nous employons le Tarnier pour un forceps à la partie haute de l'extrémité des doigts peut prendre contact avec le bord du
l'excavation ou paraissant « difficile », le Suzor ou les spatules de col pour guider l'instrument au contact de la présentation et
Thierry pour un forceps à la partie moyenne ou partie basse. éviter fausse route et déchirure du cul-de-sac vaginal).
Un forceps croisé (Tarnier, Levret, etc.) ne peut être appliqué La tête est en occipito-iliaque antérieur (OIGA)
de façon correcte sur les présentations en transverse ou asyn-
clite ; il est indiqué dans ces cas d'utiliser le Suzor, les spatules La mise en place des cuillères est décrite dans la
ou les ventouses. Nous utilisons peu la ventouse mais à tort car planche 29.1. La rotation de 45° se fait vers l'avant et à droite
il s'agit d'un excellent instrument de flexion et donc de rotation (planche 29.2) ; l'extraction se fait ensuite en OP.
accompagnant les efforts expulsifs. Elle est particulièrement
utile dans les variétés postérieures, volontiers mal fléchies, pour Pose de la cuillère gauche postérieure
lesquelles elle permettra de compléter la flexion et dans le mou- L'opérateur est debout devant le périnée de la patiente, la
vement d'induire et de parfaire la rotation en antérieur. table ayant été mise à bonne hauteur. L'index et le médius de
la main droite ou les quatre derniers doigts sont introduits
Application du forceps dans le vagin en arrière et à gauche de la tête fœtale. Il faut
guider l'introduction du bec de la cuillère gauche.
Du calme et du sang-froid La cuillère est présentée verticalement, tenue à son extré-
L'application se fait calmement, sans précipitation, le fœtus mité entre le pouce et l'index de la main gauche (branche
résistant mieux à l'anoxie qu'au traumatisme. gauche, main gauche), la courbure céphalique appliquée
L'application se fait sans effort ; les cuillères doivent glis- sur la présentation. Elle glisse dans le sinus sacro-iliaque et
ser sans résistance après avoir été lubrifiées avec un anti- le manche est alors doucement abaissé sans forcer avec un
septique. Si elles sont difficiles à poser et/ou à articuler, il mouvement de rotation allant de haut en bas et de droite
ne faut pas hésiter à les retirer, à revoir la présentation et à à gauche. Le bec de la cuillère glisse vers le sacrum et vient
recommencer pour avoir une prise satisfaisante, plutôt que s'appliquer sur le malaire, un écoulement de liquide vient
de risquer un traumatisme fœtal par une prise inadéquate. confirmer la bonne position de la cuillère.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    357

Planche 29.1. Application du forceps en occipito-iliaque gauche antérieur [24]


Introduction du forceps

a. La branche gauche est introduite


la première si l'on utilise un forceps
croisé type Tarnier.
b. Abaissement du manche de la cuillère
gauche.
c. La cuillère gauche postérieure est
positionnée sur le malaire.
d. Pose de la cuillère antérieure ou droite
sur l'oreille et le malaire.

Vue périnéale

a b c d

e f g h
a. Introduction de la cuillère gauche, la main gauche écarte le vagin et guide la cuillère.. b. Le manche de la cuillère gauche est
parallèleet frôle la cuisse droite. c. Position de la cuillère gauche. d. La cuillère gauche est horizontalisée et se place sur le malaire
fœtal. e. Introduction de la cuillère droite. f. Descente de la cuillère droite et main gauche écartant le vagin. g. Les deux cuillères
sont en place et symétriques. h. Les deux cuillères sont en place et peuvent être articulées.
358   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 29.1. Suite

Vue abdominale

a. Remarquer que le manche du forceps


est médian pour que les courbures
s'adaptent bien à la tête fœtale.
b. La cuillère suit le plan de la cuisse
droite.
c. Remarquer le bec de la cuillère
sur le malaire.
d. La vue abdominale montre
bien la position des deux cuillères.

Rotation de la tête avant


traction

a. Articulation des branches du forceps


si l'on utilise un forceps croisé.
b. Traction vers le bas avec amorce
de la rotation en OP.
c. Rotation en OP avant l'extraction.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    359

Planche 29.2. Application du forceps en occipitopubien [24]


Introduction de la branche gauche Repère de l'oreille Coupe sagittale

a
a a

b
b

c
c c
a. Présentation verticale de la cuillère
a. La branche gauche est introduite jusqu’à a. La main gauche introduite dans le vagin
gauche. b. Introduction de la cuillère
la verticale. La main gauche écarte la vulve repère l’oreille du fœtus. b. La main gauche
gauche le long du fœtus. c. Positionnement
et le vagin.b. Début de l’abaissement de la guide la cuillère gauche en ayant toujours
de la cuillère gauche sur le malaire.
cuillère gauche.c. Fin de l’abaissement du le repère de l’oreille. c. La cuillère est
manche qui arrive sur la fourchette vulvaire. positionnée sur l’oreille et la région malaire.
360   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 29.2. Suite


Pose des cuillères
Il est indispensable, avec un forceps croisé, d'avoir introduit la branche gauche en premier pour éviter la manœuvre dite du décroisement.

Vue périnéale Vue abdominale

a
a

b b

c
c
a. Remarquer la pose de la cuillère gauche
a. Présentation de la cuillère gauche. par rapport au crâne fœtal.
b. Introduction de la cuillère gauche b. Noter l’obliquité de la cuillère gauche qui
verticalement. frôle la cuisse droite.
c. Introduction de la cuillère gauche, la main c. Remarquer le bec de la cuillère qui prend
droite écartant le vagin. appui sur l’os malaire.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    361

Planche 29.2. Introduction de la cuillère droite deuxième


Vue périnéale

a c

b d

a. Présentation de la cuillère droite.


b. Introduction de la cuillère droite verticalement.
c. Introduction de la cuillère droite, la main gauche écartant le vagin.
d. Abaissement de la cuillère droite et articulation avec la gauche.
362   Partie V. Techniques obstétricales

Pose de la cuillère droite La position de l'accoucheur doit l'autoriser d'effectuer


La branche droite tenue par la main droite doit contourner la totalité du mouvement sans avoir à modifier la position
la présentation et remonter sous la branche ischio-pubienne de ses mains sur les manches ni de se retrouver dans une
le long de la ligne innominée. Cette manœuvre est connue situation où ses coudes buteraient sur sa poitrine ; la posi-
sous le nom de « tour de spire de Madame de la Chapelle ». tion la plus adaptée lui permettant d'assurer la direction et
La cuillère est donc présentée verticalement, tenue à son la traction quelle que soit la situation commence en position
extrémité entre le pouce et l'index de la main droite (branche accroupie. Dans cette position, il peut contrôler la rotation
droite, main droite), la courbure céphalique sur la présenta- et la flexion de l'ensemble tête/forceps, se trouvant au plus
tion. Elle glisse dans le sinus sacro-iliaque et le manche est près de l'axe de rotation et de descente.
alors doucement abaissé, sans forcer, avec un mouvement Le calage du sous-occiput sous la symphyse marque le
de rotation allant de haut en bas et de gauche à droite, pour début de la déflexion ; il lui suffit alors de se relever pour
atteindre l'horizontale qu'il dépasse, accompagné d'un léger accompagner naturellement l'évolution de la tête jusqu'au
mouvement de rotation pour permettre à la cuillère de s'ap- grand couronnement.
pliquer symétriquement à la gauche dans le diamètre oblique. Le démontage de la barre d'articulation permet aux
Le toucher vérifie la symétrie de la prise avant articulation. branches de se rapprocher et de minimiser le diamètre qui
distend l'anneau vulvaire.

Utilisation du forceps de Tarnier Ablation des branches


Si la prise est symétrique, l'articulation des branches se fait Les cuillères du Suzor sont larges et longues, avec peu de
directement sans décalage. Cependant, en raison du grand courbure pelvienne ; elles sont faites pour assurer un large
rayon de courbure faciale, il ne faut pas rapprocher les deux contact avec la tête.
branches avant que le bec ne soit remonté sur le malaire. Il faudra toujours analyser le bénéfice qu'il y a à les retirer
avant de dégager le front puis la face ou à les laisser en place.
Mise en place du tracteur Le risque d'excoriation cutanée fœtal existe lors de l'abla-
Les tigelles sont détachées de leurs boutons d'arrêt et placées tion. Le risque de déchirure des tissus maternel existe aussi,
en position médiane. mais il est minime si le démontage de la barre a été effectué
La douille est présentée en regard de celles-ci et la zone et le bec des cuillères, remonté sur les malaires.
des tigelles, porteuse d'une encoche, est placée à l'intérieur.
Le curseur, en avançant, diminue la hauteur libre de la La tête est en occipitopubien
douille, emprisonnant les tigelles retenues par leur encoche Ce type de prise est fréquent, facile à réaliser, la tête se
supérieure. trouvant le plus souvent au détroit inférieur ou à la vulve.
La traction sur le palonnier fait descendre la tête dans la L'opérateur débutant commencera par ce type de prises.
filière génitale dans laquelle elle va effectuer, pour se déga-
ger, les mouvements qu'elle aurait spontanément réalisés. Pose des cuillères
Une traction dans l'axe ombilicococcygien (en mainte- Elle est résumée dans la planche 29.2 pour un forceps à
nant le palonnier à deux travers de doigts sous les branches) branches croisées, type Tarnier.
force la flexion et amorce la descente qui s'accompagne L'opérateur est debout devant le périnée de la patiente, la
généralement d'une rotation spontanée de la présentation table ayant été mise à bonne hauteur. L'index et le médius de la
de 45° dans le sens antihoraire l'amenant en OP. main droite ou les quatre derniers doigts sont introduits dans
Le calage du sous-occiput sous l'arcade pubienne marque le vagin en arrière et à gauche de la tête fœtale. Il faut guider
le début de la déflexion de la tête qui amplie le périnée. L'axe l'introduction du bec de la cuillère gauche posée en premier.
de traction est guidé par l'orientation des branches dont il C'est la main gauche qui tient la branche gauche du for-
faut suivre l'ascension jusqu'à ce que la plus grande circonfé- ceps par son manche (« branche gauche, main gauche »). Il
rence ait franchi l'anneau vulvaire. est essentiel de la tenir verticalement ou même légèrement
La simple désarticulation des branches suffit à minimiser inclinée vers le ventre de la femme ; elle suit le contact de la
le diamètre qui distend l'anneau vulvaire. tête fœtale. L'introduction du bec se fait en arrière et non pas
Si l'on veut retirer les cuillères à ce stade, il faudra le faire latéralement ; ce n'est qu'après, avec le mouvement d'abais-
avec précaution en conservant le contact avec la tête en sui- sement du manche (contre la cuisse droite de la patiente)
vant à son niveau le même trajet que lors de la pose, cela qui accompagne la pénétration, que la cuillère remonte pour
pour éviter tout traumatisme des parties molles. trouver d'elle-même sa place. Un écoulement de liquide
vient confirmer la bonne position de la cuillère.
Utilisation du forceps de Suzor La branche droite est ensuite passée de la même façon.
Un premier temps de flexion favorise la descente qui oriente Elle est tenue de la main droite et les doigts de la main
la tête sur le dièdre des releveurs. gauche servent de guide. L'articulation du forceps est alors
L'écartement des branches (convergentes et non croisées) facile et directe si la prise est bonne.
étirant les chefs musculaires atténue un peu leur influence
sur la progression et les mouvements devront parfois être Vérification de la prise
guidés. Le toucher vaginal vérifie :
La traction exercée sur les branches du forceps se fait sans ■ qu'il n'existe pas d'interposition de parties molles maternelles
à-coup, de même que son orientation. (col essentiellement) entre les cuillères et la présentation ;
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    363

■ que la prise est correcte, les courbures céphaliques du for- physiologiques de la tête au cours de sa progression dans la
ceps devant épouser intimement les faces latérales de la filière génitale, les axes se modifiant en fonction du trajet :
tête fœtale ; ■ flexion pour présenter le plus petit diamètre ;
■ que la prise est symétrique par rapport à la suture sagit- ■ rotation si la tête est dans un diamètre oblique, ce qui
tale médiane, à laquelle le plan des cuillères du forceps n'est pas le cas ici ;
doit être parallèle. ■ déflexion.
La flexion est assurée par une traction vers le bas pour les
Solidarisation des branches variétés antérieures et vers le haut pour les variétés posté-
La prise étant correcte, on peut alors solidariser les branches rieures qui sont le plus souvent mal fléchies. Il faut cepen-
en serrant de façon modérée la vis d'articulation et en ame- dant reconnaître que le forceps est un mauvais instrument
nant le papillon de serrage contre la butée, sans forcer. pour fléchir la tête.
La solidarisation doit être facile sinon la prise est asymé- La rotation n'est pas nécessaire ici puisque la tête est déjà en
trique et à revoir. OP. Nous reverrons le problème pour les présentations obliques.
Le tracteur est alors fixé sur les tigelles. La descente de la tête est due :
■ à la bonne orientation de la tête grâce aux manœuvres
Extraction (figure 29.12) précédentes (flexion-rotation) ;
Elle accompagnera les contractions utérines et si possible les ■ aux efforts de poussée de la patiente si cela est possible ;
efforts expulsifs maternels. ■ enfin, à la traction réalisée par l'opérateur ; elle sera syn-
Pour qu'elle soit aussi douce et atraumatique que possible, chrone aux contractions et aux efforts maternels.
il faut bien comprendre la mécanique obstétricale et essayer L'axe de traction varie en fonction de la hauteur de la pré-
de reproduire aussi fidèlement que possible les mouvements sentation. Si celle-ci est haute, l'axe est orienté vers les pieds

Fig. 29.12. Extraction en OP avec le forceps de Tarnier [24]. a. Après articulation du tracteur, l'opérateur tire vers le bas pour achever la
descente de la tête. b. La tête descend. Les branches du forceps se redressent spontanément. L'axe de traction suit le redressement. c. La tête
apparaît à la vulve et se défléchit autour de la symphyse. Le forceps est vertical. C'est le moment de faire éventuellement une épisiotomie. d. Le
menton est accessible aux doigts de la main droite ; il faut enlever le tracteur et guider le dégagement de la tête en la défléchissant. e. La tête se
dégage. On peut démonter le forceps, retirer les cuillères et terminer le dégagement comme normalement.
364   Partie V. Techniques obstétricales

de l'opérateur : il est dit ombilicococcygien. Si la tête est La main gauche tient fermement le forceps afin d'éviter,
basse, l'axe est orienté vers le haut (figure 29.13). après la section du périnée, le jaillissement, souvent déla-
L'axe de traction varie avec le forceps utilisé. Avec un brant, de la présentation. Si on est gaucher, on fera l'épisio-
forceps croisé, de type Tarnier, la direction de la force suit tomie à gauche en tenant le forceps de la main droite.
la ligne qui va de l'attache des tigelles sur les cuillères au
point d'ancrage du palonnier sur le tracteur (figure 29.14). Dégagement
L'obtention d'un bon axe de traction est essentielle. Il s'effectue le plus élégamment possible après avoir démonté
La déflexion par pivot du sous-occiput sous la symphyse et retiré le forceps par des manœuvres inverses de celles de
pubienne se fait en redressant le forceps. En fait, il y a une l'application. Une main sur le vertex, les doigts refoulant
association des mouvements de flexion, rotation et traction, progressivement les lèvres vulvaires, contrôle l'expulsion
décomposée ici pour la clarté de l'exposé. Mais comme, dans progressive de la tête ; l'autre main presse sur le menton à
l'accouchement naturel, la rotation s'effectue souvent lors de travers le périnée pour faire monter la présentation. Le déga-
la descente, il importe que, lorsque la tête est sur le périnée, gement s'effectue comme lors de l'accouchement spontané.
l'axe des cuillères soit dans l'axe du bassin. On peut également dégager la tête, le forceps restant
appliqué sur la présentation. Cela permet un contrôle très
Épisiotomie précis de la vitesse de dégagement. Le surcroît de périmètre
Elle est le souvent pratiquée mais ne doit pas être systéma- crânien occasionné par l'épaisseur des cuillères peut rendre
tique [8,9]. Elle est réalisée surtout pour les forceps sur les nécessaire la pratique d'une épisiotomie.
variétés postérieures ainsi que chez les primipares. Nous
faisons des épisiotomies médiolatérales droites si on est Après l'accouchement : l'examen des voies génitales
droitier. Elles s'effectuent au mieux quand la présentation et le compte rendu
amplie le périnée. Les ciseaux doivent être presque horizon- L'enfant né et la délivrance faite, on pratique systématique-
taux, dirigés vers la tubérosité ischiatique. ment un examen des voies génitales avec des valves vagi-
nales afin de faire le bilan des éventuelles lésions qui seront
ensuite réparées.
On consigne par écrit dans le dossier :
■ l'heure du forceps ;
■ les circonstances obstétricales conduisant à l'indication
de l'extraction instrumentale ;
■ les conditions obstétricales lors de l'application et ses
éventuelles difficultés, le cas échéant (nombre de tenta-
tives, difficultés dans la pose des cuillères) ;
■ les éventuelles manœuvres réalisées avant et pendant la
traction et sa difficulté ;
■ l'orientation lors du dégagement ;
■ l'heure de la naissance et l'état de l'enfant ;
■ l'heure et le caractère de la délivrance ;
■ les résultats de l'examen sous valve ;
■ la technique de réparation des possibles lésions des par-
ties molles ;
■ les prescriptions pour le post-partum.
Fig. 29.13. Axe de traction au forceps. Il varie en fonction de la
hauteur de la présentation : il est orienté vers le bas si la présentation Extraction en OP avec un forceps de Suzor (figure 29.15)
est haute, il est dirigé vers le haut quand la présentation est basse. Elle est peu différente de l'extraction avec un forceps de
Tarnier. Les seules particularités sont les suivantes :
■ les cuillères peuvent être mises en place en commençant
indifféremment par la gauche ou la droite ;
■ la solidarisation des branches se fait par une barre d'arti-
culation. La vis de pression n'a pas de place fixe et peut
ne pas être utilisée (elle permet cependant une meilleure
solidarisation des cuillères sur la présentation) ;
■ la manipulation directe sur les manches nécessite que la
traction s'exerce selon un axe dirigé vers le bas, puis, dès
la fixation du sous-occiput sous la symphyse pubienne, la
traction s'exerce selon un axe dirigé vers le haut ;
■ l'utilisation d'un tracteur représenté par des lacs glissés
dans les œillets des jumelles permet de guider la pro-
gression de la présentation comme avec le Tarnier. C'est
l'orientation des manches qui guide la traction sur les lacs
Fig. 29.14. Axe de traction avec le forceps de Tarnier. placés à trois travers de doigts sous les manches ;
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    365

La tête dans ces présentations est en général mal fléchie,


d'où un défaut de rotation et une difficulté dans l'application
du forceps qui, dans sa conception, doit être appliqué sur
une présentation en occipitopubien.
Il faut donc, avant toute application de forceps, essayer de
fléchir et de tourner la tête à la main soit en OP, soit en OS.
Le taux de succès est de 89 % [14]. Si l'on n'y parvient pas,
nous déconseillons la grande rotation de 135° vers l'avant et
préférons une rotation moindre vers l'arrière pour dégager
la tête en OS. Trois pour cent des OIDP accouchent en OS.
La ventouse obstétricale peut ici être préférée au forceps car
elle est moins délabrante pour les tissus maternels et, de plus,
permet dans la majorité des cas une rotation céphalique vers
l'avant de 135° grâce à la flexion de la tête qu'elle permet [27].

La pose se fait en OIDP


La branche gauche est introduite la première et vient se pla-
cer à gauche et en arrière.
La branche droite est plus difficile à introduire en avant
et à droite. L'articulation faite, il faut tenter de fléchir la tête
en reportant les manches du forceps en haut et à gauche de
la patiente.
Le forceps est, nous l'avons vu, un mauvais fléchisseur et
la flexion est toujours moindre que ne le laisse supposer le
mouvement des manches.
On tourne alors la tête de 45° en arrière et à gauche pour
l'amener en OS.

La pose se fait en OS
L'extraction se réalise avec un mouvement en S. Il faut
d'abord tirer directement en avant pour amener le front
et, si possible, la racine du nez sous la symphyse. On relève
alors les branches du forceps pour dégager le bregma, la fon-
tanelle et l'occiput, après avoir souvent fait une épisiotomie.
Fig. 29.15. Application du forceps de Suzor en OP [24]. Puis on abaisse les manches du forceps pour dégager la
a. Introduction de la première cuillère. b. Achèvement de la descente face de dessous la symphyse. La tête se défléchit autour de
en exerçant de petites tractions alternativement sur l'une et l'autre la commissure vulvaire sur laquelle s'appuie le sous-occiput.
branche. c. Fin de l'extraction de la tête.
La pose se fait en OIGP
■ la largeur importante des fenêtres qui confère une excel- Elle a les mêmes caractéristiques que celle en OIDP.
lente prise sur la présentation permet une action directe L'articulation nécessite la manœuvre du décroisement.
sur la flexion et la rotation de celle-ci.
La tête est en transverse
La tête est en OIDA La prise symétrique n'est pas possible avec un forceps croisé
Cette prise est rare. Ce n'est presque jamais une position de type Tarnier. Il faut donc essayer de tourner la tête à la
d'engagement mais elle peut résulter d'un arrêt de la rotation main soit vers l'avant, soit vers l'arrière, pour obtenir une
après un engagement en OIDP. La branche droite qui va aller présentation en oblique. Si ce n'est pas possible, le forceps
en arrière doit être introduite la première (planche 29.3) ; elle croisé doit être proscrit et mieux vaut employer un Suzor
se place à droite et en arrière. La cuillère gauche doit se placer à qui peut être posé de façon symétrique car ses fenêtres sont
gauche et en avant. En utilisant la manœuvre du tour de spire, plus fines. Les spatules de Thierry ou la ventouse peuvent
l'articulation avec un forceps de Tarnier nécessite la manœuvre être utilisées dans cette présentation car elles sont moins
du décroisement (figure 29.16). On fait glisser la branche droite traumatisantes pour l'enfant.
au-dessus de la gauche en gardant les deux manches au contact
et en déplaçant les cuillères le moins possible. La rotation de Application du forceps sur une présentation
45° se fait de droite à gauche et l'extraction en OP. de la face (figure 29.17)
Il faut avant d'appliquer le forceps se souvenir des particu-
La tête est en occipitopostérieur larités de la mécanique obstétricale de cette présentation :
L'engagement de l'occiput en arrière nécessite une rotation ■ l'accommodation se fait ici par déflexion de la tête et
de 135° pour obtenir une expulsion en OP ou de 45° pour orientation du diamètre mentobregmatique dans un dia-
une expulsion en OS. mètre oblique ;
366   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 29.3. D
 ifférents types de prise de forceps en présentation du
sommet et angles de rotation [24]

Forceps en OP Forceps en OIDP Forceps en OIDT

Schéma du mouvement des cuillères et La cuillère postérieure gauche est introduite La cuillère droite postérieure est appliquée
leur position. en premier, la rotation peut être faite vers en premier. La prise, ne pouvant être
l'avant (135°) ou plus simplement vers antéropostérieure, est asymétrique et
l'arrière en OS 45° seulement. frontomastoïdienne. Rotation vers l'avant
de 90° à gauche.

Forceps en OIGA Forceps en OIGP

La cuillère postérieure gauche est introduite Schéma d'application des cuillères et rotation
en premier, rotation de 45° vers la droite. soit en OP (135°), soit en OS plus simple car Prise de forceps asymétrique
de 45° seulement. La cuillère postérieure frontomastoïdienne
droite est introduite en premier.
Forceps en OIDA Forceps en OIGT

La cuillère postérieure droite est introduite La cuillère gauche postérieure est appliquée
en premier, rotation de 45° vers la gauche. en premier. La prise est asymétrique, la
rotation vers l'avant de 90° à droite.
D’après R. Merger, J. Levy, J. Melchior, Précis
d’obstétrique, 6e édition. Paris : Masson. 2001.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    367

■ l'engagement ne peut se faire qu'en mentopubien ; La tête est en mento-iliaque droit ou gauche
■ le dégagement ne peut se faire que lorsque le menton postérieur
est sous la symphyse par flexion de la tête autour de la Il est nécessaire de la décrire car il s'agit de la variété de posi-
symphyse ; tion la plus fréquente dans les présentations de la face.
■ la prise du forceps et les forces de traction doivent donc La prise est réalisée comme pour une présentation en
aller dans le sens du mécanisme physiologique ; OIDP mais il est indispensable de réaliser une extraction en
■ cependant, le forceps est conçu pour être posé sur une mentopubien. Il faut donc effectuer un vaste mouvement de
présentation en occipitopubien et non pas à l'envers. circumduction comme cela est réalisé par certains auteurs
dans les variétés postérieures du sommet :
La tête est en mento-iliaque gauche antérieur ■ les manches sont abaissées vers le bas en leur faisant
La prise est identique à une présentation en OIGA. décrire un large mouvement de circumduction vers la
La rotation est de 45° vers la droite. gauche de la mère s'il s'agit d'une présentation mento-
La traction est dirigée vers le bas jusqu'à la fixation iliaque droite postérieure, vers la droite de la mère
franche du menton sous la symphyse. On relève alors la s'il s'agit d'une présentation mento-iliaque gauche
traction vers le haut pour dégager la tête par flexion. On postérieure ;
s'aide d'une épisiotomie. ■ ce mouvement permet une rotation sur place des cuil-
lères évitant le labourage du vagin ;
La tête est en mento-iliaque droit antérieur ■ durant ce mouvement, une légère traction vers le bas
ou en mentopubien assure une bonne rotation sur le périnée ;
L'extraction est réalisée en suivant les mêmes principes. ■ on peut exagérer s'il y a lieu la déflexion de la tête par
pression sur la voûte palatine après avoir introduit un
doigt dans la bouche.
Du fait de ces manœuvres, l'épisiotomie est souvent faite.
Pour l'extraction, ses cuillères étant tournées vers le bas,
le forceps est enlevé et reposé en mentopubien.
Il s'agit là de manœuvres obstétricales difficiles et qui
peuvent être traumatiques pour le fœtus et délabrantes pour
les parties molles. Il faut donc une surveillance attentive,
éviter de se retrouver dans cette situation et préparer la voie
haute si le menton reste en arrière.

Application du forceps sur tête dernière


(figure 29.18)
Nous avons vu p. 151 l'intérêt de cette manœuvre pour l'ex-
traction de la tête dernière en évitant les tractions sur le cou
qui risquent d'entraîner de graves lésions du plexus brachial
Fig. 29.16. Manœuvre du décroisement. ou de la mœlle épinière.

Fig. 29.17. Prise du forceps en présentation de la face [24]. a. Prise en mento-iliaque gauche antérieure. b. Prise en mentopubienne (vue de
face) (d'après Morin P., L'accouchement. Paris: Flammarion-Médecine Sciences ; 1985). c. Prise en mentopubienne (coupe sagittale).
368   Partie V. Techniques obstétricales

de la commissure postérieure et la bouche apparaît. On ter-


mine alors l'extraction avec le forceps sans le retirer.

Application des spatules de Thierry


Conditions et technique d'application
Elles sont les mêmes que pour le forceps. La spatule posté-
rieure doit être introduite en premier. Si elles sont correcte-
ment posées, les spatules sont rigoureusement parallèles et
en position symétrique par rapport à la suture sagittale de la
tête. Elles doivent être considérées comme le prolongement
des mains de l'obstétricien.
Les spatules ne sont pas un instrument de préhension
mais se comportent comme deux leviers indépendants
d'utilisation synchrone. Ce mécanisme est fondamentale-
ment différent du forceps qui agit par traction.

Extraction
Elle se fait en combinant les mouvements d'écartement
modérés et progressifs des deux spatules à une traction
douce lors des efforts expulsifs.
Dès la manœuvre commencée, en écartant légèrement
les poignées, les spatules vont chercher à fuir vers l'extérieur
mais entrent en contact avec la paroi pelvienne et le levier se
fait aussitôt. Leur extrémité va propulser la tête fœtale qui
glisse entre les cuillères puisqu'elle n'est plus soumise à la
Fig. 29.18. Application du forceps sur la tête dernière [24]. Le résistance des tissus maternels.
fœtus est relevé et tenu par les pieds par un aide. L'opérateur introduit L'appui du levier sur la paroi pelvienne suit la progres-
les cuillères sous le fœtus. sion de la présentation. Libre entre les cuillères, la tête, ayant
progressé, est confrontée aux contraintes directionnelles de
l'excavation.
Si on laisse les spatules revenir librement sous le rappel
Les conditions d'application du forceps dans cette pré- élastique des tissus maternels, celles-ci se retrouveront au
sentation sont identiques aux autres, à savoir : dilatation contact de la tête, se positionnant suivant sa nouvelle orien-
complète, tête engagée dans l'excavation, occiput contre la tation (figure 29.19).
symphyse pubienne. Il est donc indispensable, pour suivre correctement le pro-
On commence par une épisiotomie si cela n'a pas été fait. cessus et conserver cette indication, de ne pas contraindre le
mouvement des spatules (surtout au relâchement).
Repérage de la présentation Les manches doivent rester parallèles, sans torsion selon
La main introduite dans le vagin repère la bouche et doit leur axe, sous peine de mettre en danger les tissus maternels
faire tourner la tête en OP si elle n'y est pas et la fléchir si ou fœtaux et de perdre l'indication directionnelle indispen-
possible, deux doigts étant introduit dans la bouche, la sable à la poursuite du bon trajet.
pression sur la base de la langue amenant le menton sur le
thorax. Dégagement en OP
Lors du dégagement, l'écartement des spatules règle la
Relever le fœtus vitesse du dégagement : plus on écarte les branches, plus la
Le fœtus est ensuite saisi par les pieds, relevé devant le pubis tête monte vite. Au contraire, en les rapprochant, on arrête
et maintenu dans cette position par un aide pour que le for- la progression de la tête.
ceps puisse être appliqué sous le fœtus. On peut réaliser le dégagement avec les spatules. La
prudence conduit cependant à les enlever dès que l'on peut
Prise saisir le menton à travers le périnée pour contrôler le déga-
Il faut introduire les cuillères selon la technique habituelle le gement à la main.
long des joues du fœtus, puis articuler le forceps et vérifier
la prise. L'utilisation d'un forceps à branches convergentes Présentation en transverse
est plus aisée. C'est une bonne indication des instruments non croisés.
La manipulation peut être asymétrique comme dans cet
Extraction exemple où la présentation en transverse ne permet pas d'écarter
La traction est d'abord dirigée vers le bas pour bien engager la spatule postérieure, bloquée par le sacrum. Cette manœuvre
le sous-occiput sous la symphyse. L'axe de traction est pro- dite du « toboggan » ne mobilise qu'une spatule à la façon d'un
gressivement relevé pour fléchir la tête. Le menton se dégage levier, mais sur un trajet et une rotation limitée à 45°.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    369

La spatule postérieure va alors servir de guide, l'écarte- La question est donc de savoir s'il faut faire une deuxième
ment de la spatule antérieure est suffisant à libérer la tête prise, changer d'instrument, en fait s'acharner sur la voie
qui va glisser et descendre dans le creux de la spatule pos- vaginale.
térieure. Dans le mouvement, la rotation sera amorcée et la Tout dépend bien sûr de l'indication qu'on pouvait
spatule postérieure sera déplacée pour suivre l'évolution de savoir difficile (et dans ce cas on n'insistera pas) et de l'ex-
l'ovoïde fœtal jusqu'à ce qu'elle retrouve une mobilité per- périence de l'opérateur qui peut échouer car il est novice
mettant de recourir à une manipulation symétrique. là où un senior réussira lors d'une deuxième prise. Il faut
cependant savoir que les efforts persistants pour obtenir
Incidents et accidents des extractions un accouchement par voie vaginale, en utilisant successive-
par forceps (tableau 29.4) ment différents instruments, augmentent le taux de compli-
Échec cations maternelles et fœtales, en particulier d'hémorragies
intracrâniennes, car elles témoignent le plus souvent d'une
Plusieurs cas sont possibles. On n'arrive pas à :
vraie disproportion materno-fœtale [1]. Les applications
■ introduire la cuillère ; en général, il s'agit de la droite ;
séquentielles sont très discutées. Il vaut mieux considérer
■ articuler le forceps ;
que l'échec d'une application de forceps par un opérateur
■ tourner la tête pour la mettre en OP ;
senior relève de la césarienne (accord professionnel) [8].
■ amener la tête à la vulve.
Lésions maternelles
Ce sont les déchirures génitales du col prévenues par la
pose des forceps à dilatation complète. Il peut s'agir de
déchirures du vagin prévenues par la pratique des extrac-
tions en douceur sans forcer en évitant les grandes rota-
tions. Les déchirures du périnée doivent être prévenues
par un dégagement progressif et, si nécessaire, la pratique
de l'épisiotomie, surtout dans les dégagements en OS. Les
lésions du sphincter anal sont identiques, que l'on utilise
forceps ou ventouse [12].
Les lésions du bas appareil, ainsi que les déchirures de la
vessie ou de l'uretère, sont prévenues par l'évacuation préa-
lable et systématique de la vessie avant toute extraction ins-
trumentale et en réduisant les grandes rotations.
Toutes ces lésions sont recherchées de principe après les
extractions instrumentales en réalisant un examen sous
valve soigneux.

Lésions fœtales
Ce sont :
■ les marques des cuillères sur le visage de l'enfant : elles
sont bénignes et disparaissent en 24 heures ;
■ les excoriations cutanées après dérapage d'une cuillère :
elles guérissent également spontanément sans séquelle en
quelques jours ;
■ la bosse sérosanguine bénigne : elle régresse sans séquelle
en quelques jours ;
■ les fractures du crâne : elles sont secondaires à des
manœuvres difficiles ou brutales (forceps trop serré)
ou des prises asymétriques avec un forceps croisé. Elles
Fig. 29.19. Principe de la progression de la tête avec les spatules.
Les spatules propulsent la tête fœtale en écartant les parties molles.
doivent être exceptionnelles. Le pronostic dépend des
lésions cérébroméningées sous-jacentes ;
■ les lésions oculaires : le plus souvent, il s'agit d'une simple
Tableau 29.4. Incidents et accidents des hémorragie sous-conjonctivale, d'un œdème de la pau-
extractions instrumentales. pière supérieure. Elles sont dues à une prise asymétrique et
Lésions maternelles Lésions fœtales sont bénignes. L'énucléation de l'œil ne doit plus se voir ;
Déchirures : Marques et excoriations cutanées
■ la paralysie faciale par compression du nerf à son émer-
– col Bosse sérosanguine, céphalhématome gence au trou stylomastoïdien par le bec de la cuillère
– vagin (ventouses) postérieure d'un forceps posé asymétriquement : il s'agit
– périnée Fractures du crâne d'un cas rare. L'évolution se fait presque toujours vers la
Lésions urinaires Lésions oculaires guérison spontanée en quelques jours ;
– vessie Paralysie faciale ■ les lésions cérébroméningées : elles résultent de l'association
– urètre Hémorragies cérébroméningées
d'une souffrance fœtale par anoxie et d'un traumatisme
370   Partie V. Techniques obstétricales

crânien dû au forceps ; l'évolution est variable en fonction


de la gravité des lésions.
Il n'a pu être mis en évidence de troubles du dévelop-
pement intellectuel chez des enfants de 5 ans nés avec un
forceps pour défaut de progression au détroit moyen par
rapport à des enfants nés spontanément [33].
Dans le cas particulier des enfants prématurés (en parti-
culier ≤ 34 semaines), l'expulsion peut être aidée par la pose
d'un forceps ou de spatules. Il n'existe pas de données pour
privilégier un instrument, forceps ou spatules. Il n'existe pas
de données pour justifier la pratique systématique d'une
extraction instrumentale dans le but de protéger le fœtus
contre la survenue d'hémorragies intra- ou périventricu-
laires (NP3) (recommandations du CNGOF [8,10]).

Application de la ventouse
La ventouse est un instrument de flexion de la tête fœtale,
de traction limitée et de rotation induite, qui améliore les
Fig. 29.20. Position idéale de la ventouse le plus près possible de
conditions mécaniques de la progression du crâne fœtal.
l'occiput fœtal [27].
La ventouse (de forme « cup ») semble être l'instrument
de choix pour l'extraction des présentations céphaliques en
variété transverse et pourrait l'être pour les présentations en Extraction
variété postérieure (accord professionnel) même si la durée
d'extraction est un peu plus longue et le risque d'échec supé- La traction s'effectue au moyen du fil qui s'attache au som-
rieur à celui de l'extraction par forceps [8]. met de la cupule. Elle doit être perpendiculaire à celle-ci.
L'orientation de la traction est fonction de deux facteurs :
■ la variété de position de la tête ;
Préparatifs ■ sa hauteur dans l'excavation.
L'application, quelle que soit la présentation, s'effectue sur De ce fait, dans un premier temps, la traction vise à
l'occiput près du lambda (figures 29.20 et 29.21). En effet, parfaire la flexion de la présentation et, dans un deuxième
plus long est le bras de levier (distance entre l'articulation temps, à descendre la tête dans l'excavation.
atloïdo-occipitale et l'occiput) sur lequel agit l'instrument,
plus aisée sera la flexion de la tête et plus faible sera la puis- Flexion
sance de traction nécessaire pour obtenir cette flexion [27].
On vérifie que la cupule est le plus près possible de l'occiput
On choisit une cupule de 5 cm de diamètre après s'être assuré
sur le lambda puis on exerce une traction dont la direction
de la rupture de la poche des eaux et de la dilatation complète.
est fonction de la variété de présentation :
L'anesthésie générale n'est pas souhaitable car la partici-
■ OIGA : traction en bas et à droite (figure 29.22a) ;
pation de la patiente par ses efforts de poussée est essentielle.
■ OIDA : traction en bas et à gauche (figure 29.22b) ;
Les contractions utérines associées aux efforts de poussée
■ OIGT : traction horizontalement et à droite
assurent 60 % de la force permettant l'accouchement ; la
(figure 29.22c) ;
ventouse assurera les 40 % restants.
■ OIDT : traction horizontalement et à gauche
L'introduction de la cupule se fait dans l'intervalle sépa-
(figure 29.22d) ;
rant deux contractions. La cupule est saisie entre l'index et
■ OIGP : traction en haut et à droite (figure 29.22e) ;
le médius qui s'appuie sur la partie plane. Le pouce main-
■ OIDP : traction en haut et à gauche (figure 29.22f).
tient le tube d'aspiration. On utilise la main droite pour les
Si la flexion du sommet est bonne, ce temps de flexion
positions gauches et la gauche pour les positions droites. La
est inutile.
cupule est ensuite glissée vers l'occiput fœtal. Avant de faire
le vide, on s'assure du bon positionnement de la ventouse et
de l'absence d'interposition des parties molles (col ou vagin) Descente
entre cupule et présentation. Ce deuxième temps de la traction doit reproduire et aider
On fait alors une première dépression de 200 millibars, de (sans contrarier) la progression naturelle du sommet dans
préférence pendant une contraction utérine, ce qui facilite la la filière pelvienne. La traction ne s'effectue pas dans un axe
mise en place de la cupule. On vérifie à nouveau l'absence unique mais dans des directions différentes en fonction de la
d'interposition et on complète la dépression à 800 millibars progression de la tête dans l'excavation (figure 29.23). Elle doit
(0,8 kg/cm2), ce qui permet d'exercer une traction de 16 kg toujours rester perpendiculaire à la cupule. Il peut être utile de
sans que la ventouse ne se détache. L'ensemble de la pose ne faire des tractions légèrement latérales (à gauche et à droite)
prend qu'une ou deux minutes et n'est pas plus long que la pour utiliser au maximum les possibilités de l'asynclitisme.
pose d'un forceps. Il faut informer les parents que l'enfant Si la présentation est bien fléchie, cet axe passe par l'axe
naîtra avec une bosse en « chignon » toujours impression- de la tête fœtale. Une traction dans un mauvais axe expose
nante mais sans gravité et disparaissant en 24 heures. au dérapage.
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    371

Fig. 29.21. Application de la ventouse sur une présentation droite transverse. a. La ventouse est appliquée sur le lambda et va fléchir la
tête. b. La flexion de la tête permet la rotation.

L'axe dépendant de la hauteur de la tête dans l'excavation, si Elle doit être interrompue avant si la hauteur du « champi-
la tête est dans la partie haute de l'excavation, on tirera d'abord gnon » entre la base de la cupule et du cuir chevelu dépasse
vers le bas, les lacs de traction déprimant le périnée postérieur. un travers de doigt ou après trois « lâchages ».
Si la tête est dans la partie basse et la cupule au périnée, la En cas d'échec pour des tractions faibles, il faut vérifier :
traction sera horizontale puis l'axe de traction se fera vers le ■ la perméabilité de la tubulure (absence de coude, absence
haut pour être vertical au moment de l'expulsion. de collapsus du tuyau ou d'obstruction par des débris de
Les efforts de traction se font en même temps que les sang ou de membranes) ;
contractions utérines et les efforts expulsifs. L'application de ■ la présentation :
la ventouse ne doit pas durer plus de dix à 15 minutes, soit – si la tête est bloquée au détroit moyen, souvent en
trois à cinq contractions sans progression. transverse, il faut fixer la ventouse le plus près possible
Le dégagement est fait le plus souvent après ablation de la du lambda et orienter la traction en fonction du type
ventouse, dès que le dégagement manuel est possible. de présentation. La flexion de la tête permet alors la
L'application de la ventouse au détroit supérieur sur un front rotation et la descente de celle-ci jusque sur le périnée ;
ou un siège est déconseillée par la majorité des auteurs [7]. – si l'application est faite au centre de la présentation, il
L'aide à l'expulsion est l'application la plus habituelle de faut comprendre qu'on défléchit alors la tête et qu'on
la ventouse ; la tête étant en OP, la traction retient la tête et aggrave la dystocie ;
empêche le retour en arrière de celle-ci entre les contrac- – le diagnostic de présentation est souvent difficile du
tions. Une pression de 500 à 600 millibars est souvent très fait d'une bosse sérosanguine ou d'un « champignon ».
suffisante dans cette indication. Il faut reconsidérer la situation, préciser la présenta-
tion par une échographie comme nous l'avons vu plus
Incidents et accidents des extractions haut et choisir un mode d'extraction plus adapté.
Il faut savoir abandonner si la progression du mobile
par ventouse
fœtal n'est pas obtenue rapidement et, plutôt que de poser
Échec un forceps qui risque aussi d'être un échec, recourir à une
L'application de la ventouse ne doit pas durer plus de dix à césarienne. Il faut redire que les efforts persistants pour
15 minutes, soit trois à cinq contractions sans progression. obtenir un accouchement par voie vaginale, en utilisant
372   Partie V. Techniques obstétricales

Fig. 29.22. Orientation de la traction sur la ventouse en fonction du type de présentation [27]. a. OIGA : traction en bas et à droite.
b. OIDA : traction en bas et à gauche. c. OIGT : traction horizontale et à droite. d. OIDT : traction horizontale et à gauche. e. OIGP : traction en
haut et à droite. f. OIDP : traction en haut et à gauche.

le forceps. Les épisiotomies et les déchirures périnéales sont


moins fréquentes qu'avec le forceps. Les incontinences uri-
naires sont aussi fréquentes mais les incontinences anales
plus rares avec la ventouse [8].
Les déchirures du périnée doivent être prévenues par un
dégagement progressif et si nécessaire la pratique de l'épisio-
tomie, surtout dans les dégagements en OS, mais ne doit pas
être systématique.
Les lésions vaginales peuvent être secondaires à l'ar-
rachage d'un pli muqueux resté pincé entre cupule et
présentation.
Une lésion du col peut relever du même mécanisme. Ces
deux incidents sont aisément évitables par une vérification
attentive de la position de la cupule lors de la mise en place.
Les lésions du sphincter anal sont identiques, que l'on utilise
forceps ou ventouse [12].
Toutes ces lésions sont recherchées de principe après les
extractions instrumentales en réalisant un examen sous
valve soigneux.
Fig. 29.23. Axe de traction de la ventouse en fonction de la Lésions fœtales
hauteur de la présentation [21].
Ce sont :
■ les excoriations du cuir chevelu. Elles se voient surtout
successivement différents instruments, augmentent le taux lorsque la ventouse s'est décollée ou a dérapé. Ces lésions
de complications maternelles et fœtales, en particulier sont d'évolution bénigne mais peuvent être la porte d'en-
d'hémorragies intracrâniennes car elles témoignent le plus trée d'une infection microbienne. Un traitement antisep-
souvent d'une vraie disproportion materno-fœtale [1,8]. tique local et un champ stérile doivent être appliqués.
Une alopécie localisée peut s'observer ultérieurement ;
Lésions maternelles ■ la bosse sérosanguine constante après les ventouses ;
La ventouse obstétricale est rarement impliquée dans la bénigne, elle régresse sans séquelle en quelques jours ;
pathologie obstétricale maternelle car elle s'applique sur le ■ le céphalhématome : c'est une collection sanguine située
crâne fœtal dont elle n'augmente pas les dimensions comme entre l'os et le périoste (figure 29.24) qui se rencontre
Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    373

Fig. 29.25. Mécanismes des fractures du crâne, après application


de ventouse. Si la traction n'est pas perpendiculaire à l'axe de la
cupule, celle-ci agit comme un levier et peut fracturer le crâne de
l'enfant.

son extrême gravité en l'absence d'un diagnostic pré-


coce et d'une prise en charge en réanimation. Lié à une
lésion des veines émissaires de Santorini (figure 29.26),
l'épanchement de sang se répand entre l'aponévrose épi-
Fig. 29.24. Céphalhématome ou hématome sous-périosté. crânienne et le périoste dans un espace lâche sans tissu
a. Aspect clinique. b. Schéma. de soutien. Le cuir chevelu se décolle dans son ensemble
en masquant les sutures osseuses. Les fosses tempo-
rales, le front, les paupières, la nuque sont envahis par
aussi dans les accouchements spontanés. Ils sont plus fré- l'hématome. En quelques heures, l'extrémité céphalique
quents après une ventouse qu'après un forceps (23 versus est méconnaissable avec un périmètre crânien qui a aug-
5 %) [6]. Il s'observe surtout après pose ou traction pro- menté de 3 à 4 cm. Cependant, aucun hématome n'est
longée, supérieure à 10 minutes [4,32]. Contrairement à visible car le sang est sous-aponévrotique. Le diagnostic
la bosse sérosanguine, le céphalhématome ne chevauche sera fait sur la pâleur des conjonctives, la tachycardie et le
pas les sutures et siège souvent au niveau pariétal, for- préchoc : marbrures cutanées des extrémités, lenteur de
mant une tuméfaction bien délimitée en périphérie recoloration. Une prise en charge en réanimation néona-
par un rebord palpable correspondant au décollement tale est indispensable. Un bilan complet doit rechercher
périosté. Il apparaît au deuxième ou troisième jour de vie. des troubles de l'hémostase, une fracture du crâne sous-
Sa résorption est très lente et se fait au prix d'une ossifi- jacente, une hémorragie intracérébrale. L'action trauma-
cation de plusieurs semaines. On palpe une tuméfaction tique de la ventouse peut être en cause mais des facteurs
de consistance balle de ping-pong de plus en plus ferme favorisants peuvent être associés : souffrance fœtale
qui peut persister plusieurs mois. Il est, comme la bosse aiguë, infection materno-fœtale, troubles de l'hémostase
sérosanguine, responsable d'une anémie modérée et d'un (thrombopénie néonatale, hémophilie). Cette complica-
ictère de résorption. Aucune ponction ne doit être faite. Il tion rare est grave : la mortalité est de 22 % et la morbi-
faut prévenir les parents de la bénignité de la lésion mais dité neurologique de 23 % ;
de sa lenteur de résorption ; ■ les lésions cérébroméningées : elles résultent de l'asso-
■ les fractures du crâne : une traction en biais crée une sur- ciation d'une souffrance fœtale par anoxie et d'un trauma-
pression au niveau du bord de la cupule qui risque de frac- tisme crânien dû à la ventouse. L'évolution est variable
turer le crâne, la ventouse agissant ici comme un levier en fonction de la gravité des lésions. Il n'y a cependant
(figure 29.25). Cela est surtout vrai pour les ventouses pas de différences dans l'avenir neurologique des accou-
dont le tracteur était monté sur un axe central rigide chements spontanés et des accouchements assistés par
(ventouses de Malmström) ; si le tracteur est libre, il se ventouse.
produit une force de glissement qui entraîne le dérapage Il n'y a pas de contre-indications à l'utilisation de la ven-
de l'instrument. Elles sont exceptionnelles. Le pronostic touse même chez le prématuré ayant un retard de croissance
dépend des lésions cérébroméningées sous-jacentes ; in utero.
■ l'hématome sous-cutané diffus du cuir chevelu. Sa rareté Il n'existe pas de données pour justifier la pratique systéma-
(de 4 à 20 pour 10 000 naissances) ne doit pas faire oublier tique d'une extraction instrumentale dans le but de protéger
374   Partie V. Techniques obstétricales

Fig. 29.26. Anatomie du scalp fœtal montrant la position de la veine émissaire de Santorini [27].

le fœtus contre la survenue d'hémorragies intra- ou périven- [10] CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : mode
triculaires (NP3) (recommandations du CNGOF [10]). d'accouchement des enfants de poids inférieur à 2 500 grammes.
Au total, la mortalité et la morbidité néonatale immé- J Gynecol Obstet Biol Reprod 1998 ; 27(Suppl.2) : 269–317.
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vaginal delivery resulted in similar rates of post partum anal sphincter
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Conclusion [13] Grant H.W.. Should a paediatrician be present at non-rotational for-
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L'extraction instrumentale : [14] Haddad B., Abirached F., Calvez F., et al. La rotation manuelle des
■ reste un mode d'aide à l'expulsion fréquente : 11 % des présentations du sommet en occipito-iliaque postérieur ou transverse.
naissances ; J Gynecol Obstet Biol Reprod 1995 ; 24 : 181–8.
■ doit être sans danger pour la mère ou le fœtus car tous les [15] Hagador N., Freathy A., Ycomans E., et al. Validation of the 1988.
instruments sont sûrs s'ils sont bien utilisés ; ACOG Forceps Classification System. Obstet Gynecol 1991 ; 77 :
■ suppose le choix de l'instrument pour lequel on a reçu 356–60.
une formation et dont on a l'habitude de se servir ; [16] Hamilton B.E., Martin J., Ventura S.J., et al. In : Births : Final data
■ nécessite le respect des indications et des règles for 2006. National vital statistics reports. vol. 57. Hyattsville, MD :
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Chapitre 29. Extractions instrumentales : forceps, spatules, ventouses    375

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Chapitre
30
Épisiotomie et déchirures
du périnée
J. Lansac, P. Deruelle

PLAN DU CHAPITRE
Le périnée pendant l'expulsion. . . . . . . . . . . . . 378 Soins postopératoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
L'épisiotomie et sa réfection. . . . . . . . . . . . . . . 378 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
Les déchirures et leur réfection. . . . . . . . . . . . . 383

Les conséquences de ces lésions sur la statique pelvienne,


OBJECTIFS l'incontinence urinaire d'effort et l'incontinence anale sont
L'interne ou la sage-femme doivent être capables : bien documentées. La prévention de ces troubles repose plus
• de décrire les différentes techniques d'épisiotomie avec sur la préparation à l'accouchement (relaxation, prise de
leurs avantages et leurs inconvénients ; conscience périnéale) et sur la rééducation périnéale. La pra-
• de savoir poser l'indication, de pratiquer et de réparer tique libérale de l'épisiotomie ne protège pas contre le risque
une épisiotomie ; d'incontinence urinaire du post-partum (30 % des femmes) et
• d'assurer la surveillance de la cicatrisation, de reconnaître les risques d'incontinence anale (10 % des femmes). Surtout,
et de traiter les complications précoces et secondaires ; elle ne protège pas contre les déchirures sévères du périnée
des troisième et quatrième degrés (NP1 [4,18]).
• d'expliquer à une parturiente les modalités de l'épisiotomie,
En France, le taux moyen d'épisiotomie est en décrois-
les principes de la réparation, les conséquences sur
sance. En 2003, il était à 71,3 % pour les primipares et 36,2 %
les reprises de la vie sexuelle et les modalités des
pour les multipares. En 2010, l'enquête nationale périnatale
accouchements suivants.
retrouvait des taux de 44,4 % chez la primipare et de 14,3 %
chez la multipare (figure 30.1).
L'interne doit savoir reconnaître et traiter une lésion du Toutefois, l'acquisition des techniques de réalisation et
col, du vagin, du périnée, du sphincter anal et de la paroi de suture de l'épisiotomie et, bien sûr, celle des réparations
rectale. anatomiques des déchirures périnéales sont indispensables
Le périnée, pris au sens obstétrical du terme, subit au cours à l'accoucheur de première ligne que sont la sage-femme et
de l'accouchement des traumatismes d'importance variable. l'interne.

Fig. 30.1. Le périnée pendant l'expulsion [19].


Pratique de l'accouchement
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 377
378   Partie V. Techniques obstétricales

Le périnée pendant l'expulsion survenue de l'incontinence urinaire et/ou anale du post-


partum [21].
Modifications physiologiques du périnée La pratique libérale de l'épisiotomie n'a pas d'effet pré-
(figure 30.2) ventif sur les déchirures graves du périnée ni sur l'inconti-
La progression du mobile fœtal dans l'excavation pelvienne nence urinaire ou anale du post-partum (NP1 [4,20]).
s'accompagne d'un relâchement de la partie externe des
muscles élévateurs de l'anus. Conséquences à plus long terme
L'association des contractions utérines et des efforts À plus long terme, trois conséquences peuvent être attri-
de poussée abdominale permet alors à la présentation de buables à l'accouchement : l'incontinence urinaire, l'incon-
prendre contact avec le plancher périnéal qui subit une tinence anale et le prolapsus.
ampliation. La tête fœtale en variété occipitopubienne, idéa- Ce n'est qu'au vu d'études rétrospectives qu'il est possible
lement bien fléchie, met en tension le périnée postérieur. de dire que le prolapsus vaginal apparaît préférentiellement
Une fois sous la symphyse, la déflexion de la tête commence chez les femmes ayant des lésions musculoligamentaires
avec : de l'appareil de fixation du « combiné viscéral pelvien ».
■ un allongement de la distance anovulvaire ; Les études urodynamiques objectivent que le défaut de
■ un étirement du périnée antérieur (faisceau puborectal transmission et l'insuffisance sphinctérienne se retrouvent
du muscle élévateur de l'anus, muscles périnéaux super- en majorité chez les patientes ayant eu un accouchement
ficiels). Cet étirement est dangereux au niveau des inser- traumatique. Les facteurs incriminés dans les traumatismes
tions rétrosymphysaires ; de l'accouchement sont classiquement l'accommodation
■ une horizontalisation de la vulve ; céphalopelvienne, mais également la variété de présentation
■ une dilatation circulaire de l'anus. de cette tête fœtale dans le bassin, la qualité des tissus de
Lorsque la variété de position est occipitosacrée, la la patiente et enfin sa prise de poids en cours de grossesse.
déflexion se fait autour de la commissure postérieure Cependant, les mécanismes physiopathologiques expliquant
de la vulve, et le périnée est plus distendu qu'en variété ces lésions sont mal élucidés.
occipitopubienne. À la suite des États-Unis où l'épisiotomie est très large-
ment pratiquée, on a longtemps pensé que l'épisiotomie
protégeait contre les lésions traumatiques graves du périnée
Conséquences traumatiques mais aussi préviendrait les incontinences, en particulier
de l'expulsion urinaires, et le prolapsus. Toutefois, les études des pressions
Conséquences immédiates urétrales pendant et après la grossesse ne montraient pas de
La progression du mobile fœtal dans l'excavation pelvienne différences entre les femmes ayant eu ou non une épisioto-
peut s'accompagner : mie, contrairement à celles qui ont eu une césarienne [22].
■ d'un traumatisme de l'urètre et de son appareil sphincté- Le suivi sur trois ans ne montrait pas non plus de différence
rien avec élongation du sphincter urétral ; concernant l'incontinence [20]. En fait, il n'existe pas de
■ d'une désolidarisation interviscérale liée à la descente de données permettant de suggérer que la pratique de l'épi-
la tête qui agit comme un piston ; siotomie limite les troubles de la statique pelvienne à long
■ de lésions du plancher pelvien : déchirures interstitielles terme (NP2 [4]).
des muscles du périnée, désinsertion terminale des
muscles du noyau fibreux central ;
■ de lésions neurologiques : élongation du nerf pudendal L'épisiotomie et sa réfection
avec atteinte de l'innervation des muscles sphinctériens
du plancher pelvien, surtout le muscle puborectal et le Introduite par Ould à Dublin en 1742 pour faciliter l'accou-
sphincter anal externe. Ces lésions nerveuses, en plus chement, elle avait pour but de faciliter les expulsions dif-
de l'élongation musculaire, pourraient participer à la ficiles. Initialement, elle était dans la majorité des cas non
suturée pour limiter les risques infectieux, et faciliter les
accouchements ultérieurs.
L'épisiotomie est en fait une périnéotomie, maintenant
de pratique courante. Malheureusement, elle ne prend pas,
dans l'esprit de l'accoucheur ou de la sage-femme, la place
qu'elle mérite ; souvent mal faite, au mauvais moment, répa-
rée à la va-vite, son bénéfice est alors plus qu'incertain et
la femme n'en retiendra que les inconvénients. L'opérateur
doit connaître les indications de cette intervention, la pra-
tiquer correctement et avoir une technique de réparation
parfaite.
Quand faire une épisiotomie ?
C'est probablement la question la plus difficile à laquelle
répondre !
Bien qu'en baisse, la fréquence des épisiotomies était en
Fig. 30.2. Tracé de l'incision médiolatérale [19]. France en 2010 de 30 % des accouchements dont 45 % chez
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée    379

la primipare et 14 % chez la multipare [7,23,24]. Les indi- réduire le taux d'épisiotomie et les douleurs périnéales. Le
cations varient selon les pays, passant de près de 100 % au nombre estimé de patientes à traiter est de 21 (12 à 75) pour
Japon et en Europe centrale à 50 % aux États-Unis, 20 % en éviter une épisiotomie [2].
Angleterre et 8 % au Pays-Bas [11]. La fréquence chez la pri- Un taux global d'épisiotomies inférieur à 30 % des accou-
mipare varie de 40 à 67 % et chez la multipare de 21 à 42 % chements par voie basse semble un chiffre raisonnable,
pour les accouchements normaux par voie basse. en dessous duquel on devrait parvenir en France comme
Les situations au cours desquelles on pratique une dans les autres pays [4]. Il faut donc réserver l'épisiotomie
épisiotomie sont donc extrêmement variables et très liées aux primipares ayant une présentation postérieure avec un
à la décision de l'accoucheur. Elles sont résumées dont le périnée rigide et fragile, surtout s'il s'agit d'un macrosome et
tableau 30.1. Il est très important de rappeler que l'indica- que l'on doit faire une extraction instrumentale au forceps
tion ne doit en aucun cas être systématique même s'il s'agit qui se révèle difficile, ou s'il y a des anomalies du rythme
d'une présentation postérieure, d'un siège, d'une gémellaire cardiaque fœtal nécessitant la naissance rapide de l'enfant.
ou d'extraction instrumentale (forceps et encore moins Chaque maternité de France se devrait de suivre et publier
ventouse). régulièrement le taux d'épisiotomie de l'équipe, voire de
La décision sera prise au cas par cas au moment du déga- chaque médecin ou sage-femme, afin de s'assurer que les
gement du mobile fœtal sur la base de l'expertise clinique chiffres sont en accord avec les recommandations nationales
de l'accoucheur ou de la sage-femme. La décision est donc et viser à maintenir l'objectif d'un taux en dessous de 30 %.
très subjective et dépendra de la nécessité de dégager rapide-
ment la tête fœtale et de la mise en tension des tissus.
Une controverse nationale, liée au taux élevé d'épisio- Technique de l'épisiotomie
tomie en France, a suscité de nombreuses interrogations Comment faire une épisiotomie ?
chez les patientes relayées par les médias mais aussi chez les
L'épisiotomie peut être pratiquée de façon médiane ou
professionnels de la périnatalité. On peut, par une politique
médiolatérale. Le tableau 30.2 expose les avantages et incon-
active, en faire baisser la fréquence. Bansal et al. [1] ont fait
vénients de ces deux types d'incision. L'incision médiola-
dans leur service passer le taux d'épisiotomie de 87 à 10 % en
térale est recommandée par les experts du CNGOF et du
augmentant le taux de périnées intacts (10 à 26 %) et en fai-
RCOG. L'épisiotomie médiane est responsable dans 20 %
sant baisser le taux de périnées complets et compliqués (9 à
des cas d'atteinte du sphincter anal, à la suite d'une exten-
4,2 %). De même, Eckman et al. ont montré qu'une politique
sion vers l'anus par section du raphé médian créant alors
restrictive de l'épisiotomie permettait de diminuer le taux de
une zone de faiblesse ainsi que d'une augmentation du taux
18,8 à 3,4 %, sans augmentation des déchirures sévères [6].
de fistules vésicovaginales à distance de l'accouchement.
Ainsi, on peut conclure que le risque de déchirure com-
L'épisiotomie médiane semble être plus douloureuse en
plète ou compliquée en l'absence d'épisiotomie est faible
post­opératoire et souvent hémorragique.
(inférieur à 5 %) et non prévenu par l'épisiotomie. Il semble
L'épisiotomie intéresse la peau, la muqueuse vaginale, les
que la prévention de la dyspareunie, du prolapsus et de
muscles superficiels du périnée et tout le faisceau puborectal
l'incontinence urinaire ne soit pas assurée par ce geste mais
(figure 30.3).
plutôt par la rééducation. Il n'est pas démontré non plus que
la diminution de sa fréquence soit délétère pour l'enfant en
dehors d'anomalies du rythme cardiaque fœtal sévères jus- Préparation
tifiant d'écourter le dégagement. Les études randomisées Le périnée est soigneusement lavé à l'eau stérile, puis
ont montré que l'indication sélective (10 à 34 %) était pré- badigeonné largement avec une solution antiseptique
férable [15]. L'effet du massage périnéal ante-partum ou de (Bétadine®). L'ébarbage ou la tonte des poils du périnée n'est
la rééducation périnéale anténatale est controversé. Il en est pas systématique mais doit être préféré au rasage (NP3). On
de même pour le massage périnéal au cours du travail ou utilisera un matériel stérile conditionné spécifiquement afin
la position adoptée par la femme pour l'accouchement. Une de limiter les risques d'infection du matériel opératoire.
revue récente de la Cochrane Library a montré que le mas- Il est recommandé de recourir systématiquement à une
sage périnéale ante-partum pourrait avoir un intérêt pour méthode anesthésique avant de faire l'épisiotomie. Si la

Tableau 30.2. Avantages et inconvénients


Tableau 30.1. Indications de l'épisiotomie. des épisiotomies médiane et médiolatérale.
Primipare, surtout si âgée
Épisiotomie Médiane Médiolatérale
Tissus infectés, œdématiés, cicatriciels, excision
Avantages Facile à réaliser Protège le sphincter
Périnée hypoplasique, asymétrique, distance Peu hémorragique anal en évitant
anopubienne < 6 cm Peu douloureuse une expulsion trop
Facile à réparer brutale
Gros bébé (penser aux épaules) > 3 700 g
Inconvénients Risque de déflexion Incision de 3 plans
Présentation postérieure
précoce de la tête anatomiques
Siège D'où risque de Plus hémorragique
complications par lésion Plus douloureuse
Asphyxie fœtale
du sphincter anal Plus difficile à
Forceps, manœuvre d'extraction réparer
380   Partie V. Techniques obstétricales

a b
Fig. 30.3. Réalisation d'une épisiotomie [5]. a. Vue de face : les ciseaux partent du milieu de la fourchette à 45° sur l'horizontale. b. Vue
sagittale : les ciseaux doivent couper sur la même longueur la muqueuse et la peau.

femme n'est pas sous péridurale, on peut avoir recours à


une anesthésie locale du périnée ou des nerfs pudendaux à
la lidocaïne non adrénalinée à 1 % (voir Chapitre 12, « Bloc
des nerfs honteux »).
Il conviendra d'informer la patiente de la réalisation de
l'épisiotomie.

Quand la faire ?
Le moment idéal pour la pratiquer est celui où le faisceau
puborectal est parfaitement superficialisé, c'est-à-dire
lorsque la tête est au petit couronnement, l'anus étant dilaté
de 3 cm environ (figure 30.3). En partant de la fourchette, en
suivant une direction de 45° avec l'horizontale, on sectionne
aux ciseaux droits (longs de 5 cm, bien affûtés) le plan péri-
néal sur 6 cm, en protégeant la présentation par deux doigts. Fig. 30.4. Complications d'une épisiotomie incomplète [13].
Deux coups de ciseaux sont nécessaires, le second étant
dirigé plutôt vers le vagin et sectionnant franche­ment le fais-
ceau puborectal exposé par les deux doigts intravaginaux.
En cas d'épisiotomie avec forceps, la direction de l'inci-
Réfection de l'épisiotomie (planche 30.1)
sion doit être plus horizontale, car l'ampliation du périnée Elle doit être faite sans tarder après la délivrance ou
est mal faite par les branches du forceps. L'incision en tota- une éventuelle révision utérine. Ainsi, l'hémorragie est
lité du faisceau puborectal doit être le but recherché impéra- réduite au minimum, les tissus sont frais et indemnes
tivement. En effet, sa section incomplète peut se compliquer d'infection.
d'un trait de refend qui suit la direction des fibres muscu- Il s'agit de la réparation d'une plaie chirurgicale imposant
laires et intéresse le sphincter anal (figure 30.4). une exposition parfaite des lésions, un matériel adapté et
une technique bien réglée.
Défauts de l'épisiotomie Préparatifs
La figure 30.5 indique les principaux défauts d'une épisioto- Matériel
mie ; il faut bien sûr les éviter car ils la rendent inefficace et
sont source de complications : On dispose sur une table, recouverte d'un champ stérile,
■ une hémorragie et un hématome peuvent conduire à une l'ensemble du matériel nécessaire, dont le détail est indiqué
infection et à une mauvaise cicatrisation ; dans le tableau 30.3. On prévoira un fil synthétique résor-
■ une cicatrisation imparfaite nécessite une reprise de bable qui génère moins de douleurs (NP1).
l'épisiotomie ou est source de dyspareunie (0,5 à 3 % des
cas) [3] ; Installation de la parturiente
■ une section des glandes de Bartholin ou du canal de ses La parturiente est installée en position gynécologique.
glandes lorsque l'épisiotomie est pratiquée trop haute, Le périnée est soigneusement lavé à l'eau stérile, puis
pouvant favoriser la survenue ultérieure de kystes ou badigeonné largement avec une solution antiseptique
d'infection de ces glandes. (Bétadine®). On isole le périnée par des champs stériles.
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée    381

Fig. 30.5. Défauts de l’épisiotomie [5]. a. Épisiotomie trop horizontale : risque de section des corps caverneux. b. Épisiotomie trop verticale :
risque de section des fibres extrêmes du sphincter. c. Épisiotomie trop longue et décentrée : inutile et douloureuse. d. Épisiotomie trop courte :
inefficace et complique la déchirure qu'elle ne prévient pas.

L'opérateur est habillé chirurgicalement (calot, masque berge. Ces deux fils, non noués, sont fixés par une pince sur
chirurgical, casaque et gants stériles). Un bilan soigneux le champ de la cuisse homolatérale.
des lésions nécessite un toucher rectal pour vérifier l'inté- Ces deux tracteurs ont un double intérêt :
grité du sphincter et de la muqueuse anale. Le sphincter est ■ un repérage du dernier point de suture de la muqueuse
délicatement roulé entre le pouce positionné sur la four- vaginale, ce qui permet un affrontement parfaitement
chette vulvaire et l'index dans l'anus. On vérifie l'absence de symétrique ;
trait de refend cutané, de lésions du vestibule et du vagin ■ une excellente exposition des lésions vaginales.
controlatéral.

Anesthésie Réparation des différents plans


L'idéal est bien sûr de pouvoir opérer sous péridurale. Mais, Au moindre doute, on vérifie l'intégrité du col en s'aidant
dans la majorité des cas, l'anesthésie locale à la lidocaïne de deux valves vaginales et d'un tampon monté, on place
(Xylocaïne®) à 1 % non adrénalinée suffit. L'association d'un ensuite au fond du vagin un tampon avec système de repé-
morphinique liposoluble améliore la qualité de l'anesthésie. rage (la forme fait qu'on l'appelle communément « souris »).
Il faut se rappeler également que le périnée obstétrical est Il permet de ne pas être gêné par l'écoulement sanglant
hypervascularisé. La résorption de la lidocaïne (Xylocaïne®) venant de la cavité utérine. Il est prudent de placer une pince
est rapide et complète, ce qui expose au risque de surdosage repère pour ne pas l'oublier dans le vagin.
si on utilise plus de 400 mg (40 ml de Xylocaïne® à 1 %) en
tenant compte bien entendu de la dose qui a été nécessaire Plan vaginal
au moment de l'incision du périnée. Sa réparation se fait au fil résorbable serti à résorption
On infiltre la sous-peau et la jonction hyménéale de rapide 2.0 ou 0 (décimale 3,5 ou 2), aiguille 36 mm, par
même que le plan musculaire. Toutefois, s'il y a la moindre surjet plus rarement par points simples, l'important est de
difficulté (agitation de la femme, lésion vaginale profonde) suturer parfaitement l'angle supérieur afin de ne pas laisser
et, a fortiori, s'il existe une complication, il ne faut pas hési- un interstice par où les lochies peuvent s'infiltrer, source
ter à recourir à une anesthésie locorégionale ou générale. d'hématome surinfecté [16]. Les points sont larges, prenant
Plus rarement, l'anesthésie générale a été faite préalablement bien la sous-muqueuse. La mise en place des fils repères
chez une patiente qui n'avait pas de péridurale et qui néces- permet d'atteindre la zone hyménéale sans avoir un « trop »
sitait un geste endo-utérin (révision utérine ou forceps). de muqueuse en dedans, cas fréquent.

Exposition des lésions Plan musculaire


La réfection d'une épisiotomie est un acte chirurgical ; il faut On débute sa réparation avant de suturer la fourchette vul-
donc être bien installé et bien y voir. Il n'y a aucune honte à vaire ; on utilise du fil serti à résorption rapide 0 ou 1 (déci-
se faire aider par un ou deux assistant(e)s. Toute susceptibi- mal 3,5 ou 4), aiguille 36 mm, en effectuant des points
lité est déplacée quand on sait que le garant de l'absence de simples. La difficulté se situe au point supérieur. Il doit être
complications est une réfection parfaitement hémostatique perpendiculaire à la tranche de section et parallèle aux plans
et anatomique. vaginal et rectal. La suture du plan musculaire nécessite trois
Dans cette optique, nous conseillons au débutant, et à à quatre points séparés ou un surjet. Un toucher rectal de
tous, lorsque les lésions sont importantes, de placer un fil contrôle s'assure de l'absence de points transfixiants, et on
tracteur au niveau de la jonction hyménéale sur chaque passe au dernier plan.
382   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 30.1. Episiotomie : comment effectuer sa réfection ?

a. L'anesthésie locale précède la réfection de l’épisiotomie ; b et c. Fermeture du plan muqueux (Catgut serti 0 ou 1). Il faut bien voir
on réalise des injections traçantes des plans superficiels. le haut de l'incision pour placer le premier point (b). Faire des points en X
prenant largement la muqueuse : les débris hyménéaux doivent se retrouver
face à face (c).

d et e. Réfection du plan
musculaire Réfection du
plan musculaire. Prendre
largement les berges
musculaires en passant
l'aiguille en deux fois (d).
Mettre un ou deux points
en X pour former un bon
plan musculaire (e).

i. Surjet continu.

h. Le point de Blair-Donati.

f et g. Fermeture du plan cutané au Nylon serti 0. Faire des points de Blair-


Donati en partant du bas de la cicatrice (f). Mettre un dernier point entre la
fourchette et l'hymen pour empêcher l'infi ltration des lochies (g).
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée    383

Tableau 30.3. Matériel nécessaire à la réfection Il est recommandé, dans les services chargés de l'ensei-
de l'épisiotomie. gnement, de mettre en place une formation théorique et
pratique à l'épisiotomie de manière à améliorer l'apprentis-
Matériel indispensable
1 pince à disséquer à griffes de 18 cm
sage de la réalisation et de la réparation par les jeunes opé-
1 porte-aiguille de Doyen de 18 cm rateurs. Des ateliers doivent être mis en place. Ils doivent
1 paire de ciseaux de Mayo-Still droits de 18 cm enseigner les différentes techniques et la prise en charge
2 pinces de Kelly droites générale et proposer des vidéos des différentes techniques
1 pince à champ de Jayle de réparation. L'utilisation de périnées de truie peut être
Matériel pouvant être nécessaire très utile pour la pratique. Ces ateliers peuvent également
2 valves vaginales de Doyen (120 × 45 mm) inclure l'enseignement de la réparation des déchirures.
1 pince à pansement utérin de 24 cm
1 seringue de 20 cm3, une aiguille intramusculaire, de la
lidocaïne à 1 % Les déchirures et leur réfection
Compresses et doigtiers stériles
Fils
Déchirures périnéales (planche 30.2)
Vicryl® 0 serti, aiguille 3/8, 36 mm Types de déchirures périnéales
Vicryl® 00 serti, aiguille 3/8, 36 mm
En France, on distingue trois degrés selon l'importance des
Mersuture ® 00 Dec. 3 serti, 1/2 cercle, 36 mm ou Ethicrin ®
monobrin 00 Dec. 3 serti aiguille 4/8, 36 mm lésions anatomiques. Les Anglo-Saxons distinguent quatre
degrés (tableau 30.4).
Les lésions sévères des deuxième et troisième degrés se
Plan cutané voient dans 0,6 à 0,8 % des accouchements par voie basse [18].
Certains préconisent un plan sous-cutané. Nous pensons
que l'adjonction d'un plan supplémentaire de matériel perdu Périnée dit « intact »
est une source d'inflammation et de gêne pour la patiente. Des études portant sur le degré de résistance à l'étirement
Ce plan n'est donc pas nécessaire. de fragments de peau, de la muqueuse vaginale et des
Pour suturer la peau, on peut : muscles révèlent que la résistance est décroissante de la
■ effectuer des points simples avec un fil à résorption rapide ; peau aux muscles. Ainsi, des lésions de la partie interne des
■ faire un surjet sous-cutané par un fil serti à résorption muscles élévateurs peuvent passer inaperçues en dessous
rapide qui a l'avantage d'éviter l'ablation désagréable des d'une peau intacte. Au pire, la rupture musculaire altère la
fils ; c'est recommandé par le CNGOF et le RCOG car tonicité et est source de dyspareunie. Il faut donc insister
moins douloureux (recommandations B). On commence sur l'absence de bénignité des « éraillures vaginales », qui
par l'angle inférieur toujours par souci de symétrie parfaite : peuvent s'accompagner de lésions musculaires ou de l'ap-
trois à quatre points, passés de proche en proche, suffisent. pareil sphinctérien sous-jacent. L'examen du périnée dans
Nous terminons par la reconstitution de la fourchette vul- le post-partum par échographie montre, chez la primipare
vaire. La conjonction des points de repère et de la suture après un accouchement normal périnée intact, jusqu'à 36
cutanée de bas en haut permet un affrontement parfait. Le % de femmes ayant des lésions sphinctériennes [9]. La
nœud est placé en haut au niveau de la fourchette vulvaire recherche systématique de ce type de lésion est difficile.
sans mise en tension qui peut être source de douleur. Par ailleurs, la prise en charge avec réparation immédiate
est controversée.
Surjet continu – technique un fil-un nœud
(planche 30.1 i) Déchirure du premier degré
Cette technique nécessite un apprentissage spécifique mais est Elle consiste en une lésion des muscles superficiels du péri-
de réalisation facile et réduit la douleur et les risques de déhis- née, de la peau anovulvaire et de la muqueuse vaginale. La
cence (NP1 [4]). Elle consiste à effectuer un surjet, avec un seul déchirure remonte plus ou moins haut vers les culs-de-sac
fil à résorption rapide 2.0 ou 0.0 (décimale 3,5 ou 3), débutant latéraux du vagin.
au sommet de l'incision vaginale jusqu'en arrière de la cicatrice
hyménéale. Ce surjet se poursuit sur le plan musculaire jusqu'au Déchirure du deuxième degré (périnée complet)
point d'angle cutané puis du plan sous-cutané en remontant de Elle atteint le sphincter externe de l'anus. Le plus souvent, elle
l'angle de la peau jusqu'à la cicatrice hyménéale. Il est parfois est due à une épisiotomie insuffisante. L'espace pelvirectal est
nécessaire de réaliser la suture du plan musculaire par un surjet béant, avec des lésions vaginales importantes, en règle bilaté-
descendant puis montant afin d'effacer l'espace mort sous-cutané rales. Le bout externe du sphincter se rétracte dans sa gaine.
et d'absorber les tensions pouvant s'exercer sur le plan cutané.
Le plan sous-cutané se termine en avant de l'hymen et l'aiguille
ressort du plan muqueux. Pour finir le surjet intradermique au Déchirure du troisième degré
niveau du point] d'angle de la peau, il faut piquer en sous-cutané (périnée complet compliqué)
dans la fesse pour faire ressortir l'aiguille à 1-2 cm de l'angle puis Elle se caractérise par une atteinte de la muqueuse du canal
couper le fil au ras de la peau qui sera alors enfouit. anal. L'anus est béant et forme avec le vagin un véritable
Quel que soit le type de suture, il faut faire l'ablation du cloaque. Les sphincters interne et externe sont entièrement
tampon intravaginal (un toucher vaginal doit être effectué rompus et les deux chefs sont rétractés. La lésion vaginale
afin de vérifier l'absence de compresse mise en place dans remonte haut vers les culs-de-sac latéraux. La rupture du
la vagin) et une toilette périnéale terminera l'intervention. sphincter interne favorise l'incontinence anale [18].
384   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 30.2. [12,19] Déchirures périnéales et leur réfection


Déchirure du premier degré. Déchirure du deuxième degré et sa réfection


D’après Rouvillois J.L., Levardon M. Déchirures obstétricales récentes du périnée.


Épisiotomies. Paris, Encycl Méd Chir , Obstétrique 5, 1974, 50788–40.

Déchirure du troisième degré et sa réfection




D’après Rouvillois J.L., Levardon M. Déchirures obstétricales récentes du périnée. Épisiotomies. Paris, Encycl Méd Chir , Obstétrique 5, 1974,
50788-40 ; et Hervet et Glaser. Traitement des déchirures obstétricales récentes. Paris, Encycl Méd Chir , Techniques chirurgicales 41–695.
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée    385

Tableau 30.4. Classification des déchirures Déchirure du deuxième degré


du périnée.
La réparation doit être faite au bloc opératoire par un opé-
Type de déchirure Classification Classification rateur formé. Elle débute par la réfection du sphincter anal
française anglaise interne puis du sphincter externe. Le sphincter interne est de
Premier degré Déchirure cutanée Déchirure cutanée et couleur blanche, aplati, assez difficile à repérer. Il est entouré
ou vaginale ou vaginale isolée par le sphincter externe qui est plus rose ou rouge. Les chefs
atteignant ou non du sphincter externe doivent être repérés rapidement car ils
ou des muscles vont avoir tendance à se rétracter et à être plus difficilement
superficiels du
retrouvés. Le sphincter interne doit être suturé d'abord avec
périnée sans
atteinte des fibres
un fil résorbable fin. Puis on suture le sphincter externe. Le
du sphincter bout externe rétracté dans sa gaine est saisie par une pince à
préhension fine de type pince d'Alice. La suture se fait avec du
Deuxième degré Déchirure Déchirure périnéale
périnéale avec des muscles
fil à résorption lente.
atteinte du superficiels du On passe un point en cadre (point en U) prenant les deux
sphincter anal périnée sans atteinte extrémités avec la gaine. Un à deux points suffisent. Si on
du sphincter anal croise les deux extrémités (suture en paletot), la continence
Troisième degré Déchirure Déchirure périnéale pourrait être meilleure, l'incontinence passant de 41 à 8 %
périnéale avec avec atteinte du [10]. Les fils seront noués et enfouis sous le muscle pour
déchirure sphincter anal éviter la migration vers la peau [17]. La mise en tension des
complète du 3a : avec atteinte de deux extrémités du sphincter fait réapparaître les plis radiés
sphincter et de la moins de 50 % des de l'anus qui avaient disparu du fait de la déchirure. Un
muqueuse rectale fibres du sphincter
toucher rectal vérifie la qualité anatomique de la suture du
3b : atteinte de plus
de 50 % des fibres sphincter. La réparation est ensuite celle d'une déchirure du
3c : déchirure premier degré. Il n'existe pas de différence dans les résultats
complète du sphincter entre la suture en U et en paletot [25].
Quatrième degré Déchirure périnéale
avec déchirure Déchirure du troisième degré
complète du sphincter Nous avons insisté sur la gravité de cette lésion. La répa-
et de la muqueuse
ration se fait au bloc opératoire sous anesthésie péridu-
rectale
rale ou générale avec un opérateur expérimenté et un
aide car il est important d'être bien exposé dans ce type
de réparation. La suture de la muqueuse anale impose
Les déchirures qui n'intéressent que la muqueuse rec- une exposition parfaite des lésions. Si un pont muqueux
tale en respectant le sphincter (déchirures en boutonnière) ou musculaire persiste, il faut le sectionner franchement.
doivent être classées à part car elles prédisposent particuliè- Il faut repérer à l'aide d'un toucher rectal, avec palpation
rement aux fistules rectovaginales. bidigitale et bimanuelle, le sphincter interne de couleur
En France, 37 % des femmes qui accouchent par voie blanche, qui est entouré par le sphincter externe plus rose
basse ont une déchirure du périnée soit simple (36 % des ou rouge. Ensuite, il faut, à l'aide du toucher rectal, véri-
cas), soit complète (0,7 %), voire compliqué une fois sur fier les limites supérieures de l'atteinte anale, une atteinte
1 000 [23,24]. de la muqueuse rectale est en effet possible à la partie
haute du vagin. Il convient donc d'examiner toute la lon-
Facteurs de risque des déchirures périnéales gueur de la déchirure.
Les facteurs de risque associés aux déchirures graves du Une fois les limites repérées et les structures anatomiques
périnée sont : la pratique d'un forceps (RR : 7 %), la nulli- individualisées. Le sphincter est saisi à l'aide des pinces à
parité (RR : 4 %), la dystocie des épaules (RR : 4 %), les pré- préhension. On réalise la suture de la paroi rectale par un
sentations occipitopostérieures (RR : 3 %), une épisiotomie surjet anal extramuqueux (prenant la sous-musculeuse et la
médiane (RR : 3 %), le poids fœtal supérieur à 4 kg (RR : musculeuse) avec le nœud à l'extérieur, en commençant par
2 %), le déclenchement du travail (RR : 2 %), ­l'analgésie la partie supérieure de la déchirure vers la partie inférieure
péridurale (RR : 2 %), un travail prolongé (RR : 4 %), le du canal anal avec un fil résorbable 3.0 (décimale 2). Le
terme supérieur à 42 SA [25]. sphincter est ensuite réparé comme ci-dessus, puis les autres
plans comme précédemment.
Réfection des déchirures périnéales
Déchirure du premier degré Soins postopératoires
Les tissus sont ici dilacérés et contus. Le bilan lésionnel Pour les déchirures du deuxième ou troisième degré, il faut
est minutieux, la pose de points de repère impérative. Les assurer une antibioprophylaxie en flash par des céphalos-
temps de réparation sont les mêmes que ceux de l'épisioto- porines de deuxième génération ou de l'ampicilline avec de
mie. Les petites éraillures du vestibule sont soigneusement l'acide clavulanique. Il faut favoriser des selles molles grâce à
suturées par des points simples ou un surjet de fil résorbable la prescription d'huile de paraffine ou de lactulose pendant
à résorption rapide. dix jours.
386   Partie V. Techniques obstétricales

Une rééducation périnéale sera prescrite après la réparation Déchirures du col


bien que les données sur son intérêt soient contradictoires [25]. Elles intéressent habituellement la partie intravaginale du
La femme sera revue par l'opérateur en consultation col mais peuvent se propager au segment vaginal et au seg-
du post-partum afin de suivre l'évolution et de s'assu- ment inférieur, ce qui en fait la gravité.
rer de l'absence d'incontinence anale. À six mois, le taux
­d'incontinences anales est de 3,6 % pour les stades 3 et
30,8 % pour les stades 4 [25].
Quand rechercher une déchirure du col ?
Si elle persiste, l'incontinence doit être prise en ■ Par principe après un accouchement difficile, une dila-
charge par un chirurgien spécialisé dans la chirurgie tation artificielle du col, la mise en place d'un forceps
anorectale après avis auprès d'un proctologue et bilan ou parce que le col était cicatriciel, après une perfusion
(échographie anale ± électromyographie ou manomé- d'ocytocique sous anesthésie générale ou parce que l'en-
trie anorectale). fant avait un filet de sang sur le corps.
Pour l'accouchement suivant, il existe un risque de réci- ■ Par nécessité parce que la femme saigne après une déli-
dive multiplié par deux à trois. La décision de la voie d'ac- vrance pourtant complète alors qu'elle a un bon globe
couchement dépendra de la symptomatologie persistante, utérin et que la révision utérine est normale.
des explorations fonctionnelles anorectales mais aussi du ■ Enfin, devant tout choc après la délivrance.
désir de la patiente influencé par le vécu. Une femme qui
a eu une récupération complète après un long parcours de Comment la reconnaître ?
rééducation pourrait être amené à souhaiter une césarienne Signes cliniques
dans la crainte de récidive d'une incontinence anale. À ce Les signes sont souvent discrets et un grand nombre de
jour, nous manquons de toute façon de données scienti- déchirures du col passent inaperçues puisque toutes les
fiques publiées permettant de répondre à cette question femmes ont des petites déchirures inférieures à 1 cm lors
avec certitude. Nous avons pris l'habitude de discuter au d'un examen systématique, et 11 % des primipares ont une
cas par cas de ces dossiers en équipe pour proposer à la déchirure de plus de 3 cm qu'il faut réparer.
patiente la solution qui nous paraît la plus raisonnable en L'hémorragie est le signe habituel ; écoulement de sang
fonction du contexte. rouge parfois pulsatile, d'importance variable, survenant lors
de la sortie de l'enfant. La délivrance est complète et l'hémor-
Déchirures basses du vagin ragie persiste, même après révision utérine. Le toucher ne
Elles atteignent la colonne postérieure du vagin et surtout permet pas de sentir la lésion sur ce col mou et fuyant.
ses parois latérales. Elles sont souvent associées à une déchi-
rure du périnée, ou peuvent être aussi isolées. L'exposition des lésions, un temps indispensable
Il faut les rechercher systématiquement après une extrac- La femme est en position gynécologique, sous péridurale,
tion instrumentale (forceps, spatules), surtout après rotation plus rarement sous anesthésie générale, un aide tient une
de la tête, ou lors d'une hémorragie de la délivrance sans ou deux valves vaginales. Le col est attiré vers l'extérieur par
caractère chronologique (hémorragie survenue dès la sortie des pinces de préhension. Il est important d'avoir une boîte
de l'enfant et se poursuivant après l'extraction du délivre). spécifique à disposition avec des instruments suffisam-
La réparation est facile au fil résorbable rapide serti déci- ment longs pour bien examiner le col et la filière génitale.
male 3 par un surjet ou des points simples en commençant Le col sera examiné systématiquement de façon circulaire
par le haut. Le vrai problème est en fait de bien exposer les quadrant par quadrant. La déchirure est presque toujours
lésions de façon à bien voir le haut de la déchirure. Il faut latérale, le plus souvent à gauche, longitudinale, à bords irré-
parfois s'aider de deux valves et avoir un ou deux aides. guliers. Il faut absolument voir la limite supérieure. Si l'on
n'y parvient pas, malgré une bonne exposition, c'est qu'elle
dépasse l'insertion vaginale et atteint l'isthme ; l'appel à un
Déchirures vulvaires chirurgien qualifié est alors indispensable. Il faut vérifier
Lésion des petites lèvres l'intégrité de l'utérus et du péritoine pour tenter une suture
Elles sont souvent déchirées, voire désinsérées sur une par voie basse, sinon il faut passer par voie abdominale [13].
partie de leur longueur. Il faut les suturer au fil résorbable
rapide serti décimale 2, de façon à redonner à la vulve une Réfection des déchirures intravaginales
anatomie normale. Les déchirures physiologiques de moins de 1 cm quasi
constantes chez les primipares cicatrisent en général seules,
Déchirures antérieures bien que Palmer conseille d'y mettre un point, ce qui assure-
Celles-ci sont les plus ennuyeuses. Elles se présentent sous rait le traitement prophylactique des gros ectropions.
forme de fissures longitudinales paramédianes ou rayon- Les déchirures de plus de 3 cm doivent être suturées par
nantes, dirigées vers le méat urinaire ou le clitoris. Elles deux ou trois points de fil résorbable décimale 3,5 (ancien 0)
peuvent saigner abondamment s'il y a atteinte d'un plexus serti (figure 30.6) en prenant largement les tissus qui sont
veineux. Il faut les suturer au fil résorbable serti décimale œdémateux et fragiles, et en commençant la suture par le
3, et se méfier de la proximité de l'urètre qu'il faut parfois haut. Si l'on n'y arrive pas, il faut mettre un premier point au
repérer par une sonde urinaire. milieu de la brèche qui servira de tracteur.
Chapitre 30. Épisiotomie et déchirures du périnée    387

Fig. 30.6. Déchirure intravaginale du col [5]. a. Exposition des lésions. b. Suture au Vicryl® 0 serti d'une déchirure intravaginale du col.

Soins postopératoires Si une induration persiste, on peut prescrire de la crème


Colpotrophine®. Enfin, les premiers rapports peuvent être
Pendant l'hospitalisation facilités par l'utilisation d'un gel lubrifiant (Premicia® gel ou
Les soins locaux doivent être fréquents, trois fois par jour Taïdo® gel).
au mieux, au minimum une fois par jours. On éduque la Il faut prévenir que les rapports peuvent être douloureux
femme pour leur réalisation et leur importance. La toilette après réalisation d'une épisiotomie ou suture d'une déchi-
périnéale est faite au savon liquide. Le périnée doit être sec rure. Une gêne, voire une symptomatologie douloureuse,
et propre. L'utilité des antiseptiques n'est pas démontrée. peut persister plusieurs semaines.
L'application de pommade sur la cicatrice favorise la macé- Par ailleurs, il a été montré que la reprise des rapports
ration et l'infection. Le séchage à chaud (sèche-cheveux) était retardée après épisiotomie (mais aussi après césa-
semble inutile pour favoriser la cicatrisation [4]. rienne) en comparaison avec un accouchement totalement
On surveille l'odeur des pertes pour prélèvement puis eutocique [8].
traitement de toute suspicion d'endométrite. Il n'y a pas
d'arguments pour prescrire par principe des antibiotiques
en per- ou en postopératoire. Nous n'en prescrivons pas. Soins de suites compliquées
En cas d'atteinte du sphincter, et a fortiori de la muqueuse L'infection est à rechercher. Si un point devient douloureux,
anale, il faut prescrire de l'huile de paraffine, per os des laxa- en regard d'une zone indurée, il faut l'ôter. Les soins sont
tifs (lactulose), pour obtenir des selles molles. Pour lutter intensifiés avec, si besoin, l'utilisation d'un antiseptique
contre la douleur, les anesthétiques locaux sont peu effi- (Bétadine®).
caces, de même que le paracétamol. La vessie de glace reste Rarement, l'ensemble de la suture lâche et le périnée
d'un bon appoint. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens – devient béant. C'est souvent la conséquence d'un hématome
kétoprofène (Profénid®), ibuprofène (Advil®, Brufen ®), surinfecté. Il faut s'armer de patience pour obtenir par des
morniflumate (Nifluril®) – par voie rectale ou générale sont soins réguliers, au besoin en utilisant de la trypsine, des
efficaces sur les douleurs (NP1). Ils peuvent être donnés sur berges propres et bourgeonnantes. On peut également faire
une période courte de quatre ou cinq jours chez une femme une réparation en un plan au fil non résorbable décimale 3,5
qui allaite. Les antiœdémateux – serrapeptase (Dazen®), mais l'évolution est généralement favorable à l'aide de soins
ribonucléase pancréatique (Ribatran ®) – n'ont pas cet locaux.
inconvénient, mais leur efficacité est discutable. S'il s'agit d'un périnée complet ou compliqué, la répara-
C'est à ce moment-là que la patiente peut alors débuter tion se fait à distance, trois mois après, comme pour une
une rééducation périnéale simple en utilisant la technique fistule rectovaginale [13].
du « pipi-stop ». La rééducation urogénitale proprement dite La douleur lors de l'intromission est due à un défaut de la
ne sera pas commencée avant la visite postnatale. réparation de la fourchette vulvaire. L'utilisation de crème
à base d'œstrogènes et de gel lubrifiant permet d'aider les
choses. Parfois, il est nécessaire de réintervenir pour une
À domicile plastie. L'interrogatoire signale souvent un point électif
Il faut encourager la patiente à poursuivre les soins locaux qui est particulièrement ressenti lors des rapports, du tou-
elle-même, jusqu'à cicatrisation complète. cher vaginal ou la position assise. L'examen clinique devra
388   Partie V. Techniques obstétricales

rechercher ce point à la fourchette postérieure qui est sou- [7] Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en 2010 et leur évo-
vent associé à une impression de bride de petite taille où se lution depuis 2003 [Internet]. [cited 2015 Jul 2]. www.sante.gouv.fr/
situe la zone douloureuse. Le meilleur traitement reste la IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.
pdf.
réparation soigneuse de toute déchirure.
[8] Faisal-Cury A, Menezes PR, Quayle J, et al. The relationship between
Certaines femmes signalent la persistance de douleurs mode of delivery and sexual health outcomes after childbirth. J Sex
invalidantes dont l'origine est parfois difficile à trouver. Med 2015 ; 12(5) : 1212–20.
Rarement, la glande de Bartholin ou son canal sont [9] Faltin DL, Boulvain M, Floris LA, et al. Diagnosis of anal sphincter
concernés par la suture. C'est plus souvent le cas des épi- tears to prevent fecal incontinence : a randomized controlled trial.
siotomies latérales. Un kyste peut apparaître avec son risque Obstet Gynecol 2005 ; 106(1) : 6–13.
infectieux. [10] Fernando R, Sultan AH, Kettle C, et al. Methods of repair for obs-
tetric anal sphincter injury. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; 3 :
CD002866.
Conclusion [11] Graham ID, Carroli G, Davies C, et al. Episiotomy rates around the
world : an update. Birth Berkeley Calif 2005 ; 32(3) : 219–23.
Protéger le périnée est une préoccupation constante de la [12] Parant O, Reme JM, Monrozies X. Déchirures obstétricales récentes.
sage-femme et du gynécologue-obstétricien lors de l'expul- EMC, Techniques chirurgicales, 41-898.
sion. L'épisiotomie systématique n'est pas le bon moyen de [13] Lansac J, Body G, Magnin G. La pratique chirurgicale en gynécologie
protéger le périnée. Mieux vaut une épisiotomie réalisée à bon obstétrique. Paris : Masson ; 2011.
escient et sur des indications limitées, essentiellement une pri- [14] Lansac C, Berger G. Magnin. Obstétrique pour le praticien. Paris :
mipare ayant un gros enfant et nécessitant une extraction ins- Masson ; 2003.
[15] Lede RL, Belizán JM, Carroli G. Is routine use of episiotomy justified ?
trumentale. Dans 70 % des cas, un accouchement normal ne
Am J Obstet Gynecol 1996 ; 174(5) : 1399–402.
nécessite que le respect de la physiologie de l'accouchement. [16] McElhinney BR, Glenn DR, Dornan G, et al. Episiotomy repair :
Qu'il y ait eu une petite déchirure, une épisiotomie ou Vicryl versus Vicryl rapide. Ulster Med J 2000 ; 69(1) : 27–9.
une lésion périnéale grave, la réparation parfaitement ana- [17] Mellier G. Réparation secondaire des ruptures anciennes du sphincter
tomique des lésions du périnée, associée à une rééducation anal. Mises à jour en gynécologie-obstétrique. Paris : CNGOF ; 2009.
périnéale, permet d'obtenir un bon résultat fonctionnel. [18] RCOG. Management of Third & Fourth Degree Perineal Trauma -
b5.16.pdf [Internet]. [cited 2015 Jul 2]. www.kemh.health.wa.gov.au/
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[19] Rouvillois JL, Levardon M. Déchirures obstétricales récentes du péri-
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at spontaneous vaginal delivery ? A natural experiment. Am J Obstet [20] Sleep J, Grant A. West Berkshire perineal management trial : three
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[6] Eckman A, Ramanah R, Gannard E, et al. Évaluation d'une poli- Gynecologie Obstetrique Fertil 2008 ; 36(11) : 1091–100.
tique restrictive d'épisiotomie avant et après les recommandations du [25] Villot A, Deffieux X, Demoulin G, et al. Prise en charge des péri-
Collège national des gynécologues obstétriciens français. J Gynécologie nées complets (déchirure périnéale stade 3 et 4) : revue de la littéra-
Obstétrique Biol Reprod 2010 ; 39(1) : 37–42. ture. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015 ; 44 : 802–11.
Chapitre
31
La césarienne
D. Vardon, G. Benoist, M. Dreyfus

PLAN DU CHAPITRE
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Indications de la césarienne . . . . . . . . . . . . . . . 391
Bref rappel historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Technique de la césarienne . . . . . . . . . . . . . . . 394
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 Complications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406
Pourquoi l'augmentation du taux Compte-rendu opératoire . . . . . . . . . . . . . . . . 408
de césarienne ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409

Tableau 31.1. Classification des césariennes [12].


OBJECTIFS
Code CCAM Libellés
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• d'énoncer et de savoir poser les indications maternelles et JQGA002 Accouchement par césarienne programmée,
par laparotomie.
fœtales de la césarienne ;
• de décrire les différentes techniques de la césarienne, JQGA004 Accouchement par césarienne en urgence
en dehors du travail, par laparotomie.
leurs avantages et inconvénients ;
• de décrire, de diagnostiquer et de traiter les complications JQGA003 Accouchement par césarienne au cours
maternelles de la césarienne. du travail, par laparotomie.

• L'interne doit savoir réaliser une césarienne, établir le JQGA005 Accouchement par césarienne, par abord vaginal.
compte-rendu opératoire et en surveiller les suites.

Mauriceau, en 1721, évoque « cette pernicieuse pratique


Définition empreinte d'inhumanité, de cruauté et de barbarie ». Jusqu'à
La césarienne est une intervention chirurgicale qui a pour la fin du XIXe siècle, l'obstétrique est dominée par la version
but d'extraire l'enfant par une incision utérine. Son nom par manœuvre interne et la grande extraction. Cependant,
dérive probablement du mot latin caedere, couper. Baudelocque préconisait la césarienne dans les grands rétré-
La classification commune des actes médicaux cissements pelviens. La mortalité maternelle était alors de 50
(CCAM.V.24) [12], décrit quatre actes de césarienne au à 80 % (pertes sanguines, infections). 1769 voit la première
chapitre 09.03 « Actes lies à la grossesse, chez la mère » suture utérine avec Lebas. En 1876, Edoardo Porro extério-
(tableau 31.1). rise l'utérus et réalise une hystérectomie « dans la foulée »,
diminuant ainsi la mortalité qui reste de 25 %. Les progrès
viendront progressivement avec le développement de l'asep-
sie ; la suture utérine préconisée de façon systématique [46,47] ;
Bref rappel historique l'incision cutanée transversale [45] ; l'hystérotomie segmentaire,
Jules César ne naquit pas par césarienne car sa mère Aurélia imposée en France vers 1920 mais dont la diffusion tardera ;
survécut à son accouchement. La césarienne post mortem a l'évolution des techniques d'anesthésie ; l'avènement des antibio-
été longtemps pratiquée car imposée par la loi romaine puis tiques entre les deux guerres et la transfusion sanguine. Autrefois
l'Église catholique (pour baptiser l'enfant). La première césa- redoutable, cette intervention est aujourd'hui banalisée.
rienne sur femme vivante aurait été réalisée par un châtreur
de porc, Jacob Nüfer, sur sa femme, mais peut-être s'agissait-
il d'une grossesse abdominale. En 1581, François Rousset
Épidémiologie
écrivit le premier traité sur la césarienne : Traité de l'hystéro- L'OMS, en 1985, stipulait que le taux global de césarienne
tocotomie ou enfantement césarin. Il n'y a alors pas de suture ne devait pas dépasser 10 à 15 % [6]. Il était alors de 11 %
utérine et la principale indication est le « bassin barré ». en France. En 1997, dans ses « lignes directrices pour la sur-
La césarienne fut initialement approuvée par Ambroise veillance de la disponibilité et de l'utilisation des services
Paré puis ­condamnée, pour lui préférer l'embryotomie. obstétricaux », l'OMS a proposé comme indicateur le taux de
Pratique de l'accouchement
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390   Partie V. Techniques obstétricales

césarienne par accouchement, avec un taux inférieur mini- décrit une augmentation progressive jusqu'à 2003 avant que
mal à 5 % et un taux supérieur maximal de 15 %. Dans sa le taux ne se stabilise jusqu'en 2010 [37].
directive de 2014, l'OMS indique qu'au-delà d'un taux de 10 Selon l'European Perinatal Health Report, le taux de césa-
à 15 %, on n'observe pas de baisse de la mortalité maternelle rienne variait en 2004 de 15,1 % (Pays-Bas) à 37,8 % (Italie)
ou fœtale. dans les différents pays de l'Union européenne [51]. Les
Le taux de césarienne a triplé en 30 ans en France, pas- pays du Nord détiennent les taux les plus bas avec 16,2 %
sant de 6 % en 1972 à 21 % en 2010 [21]. La moitié des césa- pour la Suède et 16,5 % pour la Norvège. À l'opposé, selon
riennes est réalisée avant tout travail et 23 % des multipares les données de l'OCDE et de l'OMS, le taux de césarienne est
ont un utérus cicatriciel. Avec 200 000 cas par an, il s'agit de de 31,4 % aux États-Unis, 36 % au Brésil et 49 % au Mexique.
l'intervention chirurgicale la plus pratiquée. Une forte évolu- En Chine, le taux de césarienne atteint 52,5 % (dans le
tion du nombre de césariennes a été observée durant 15 ans contexte « de l'enfant unique ») (figure 31.2).
avant que les taux ne se stabilisent (figure 31.1). Il a ainsi été

Evolution du pourcentage global de


césariennes et selon la parité
35% d’évolution en
10 ans
Entre 1994 et 2004

p<0.0001 chez primipare et


multipare

Fig. 31.1. Évolution du pourcentage global de césariennes et selon la parité, en France de 1994 à 2010 [7].

Fig. 31.2. Corrélation entre la mortalité et la fréquence des césariennes dans différents pays européens.
Chapitre 31. La césarienne   391

Blondel et al. ont récemment publié les taux globaux de césa- Césarienne programmée
rienne dans les pays européens pour l'année 2010 (Belgique ■ L'indication est portée avant l'accouchement, en consul-
20,2 %, Danemark 22,1%, Allemagne 31,3 %, Espagne 26,3 %, tation au cours des visites prénatales. La césarienne peut
Italie 38 %, Norvège 17,1 % et France 21 %) [39]. être réalisée sur indications médicales (maternelles et/ou
On sait cependant que la mortalité périnatale n'est fœtales) mais également sur demande maternelle. Cette
pas directement liée au taux de césarienne (figure 31.2). dernière est alors demandée par la mère sans indication
L'amélioration de la mortalité est également liée aux progrès médicale, pour une grossesse monofœtale, à terme, et
de la réanimation néonatale. La morbidité néonatale peut correspond à la terminologie anglo-saxonne suivante :
aussi augmenter du fait des détresses respiratoires observées cesarean delivery on maternal request [3,33,38].
après des césariennes prophylactiques faites avant 39 SA. ■ La césarienne est dite « prophylactique » s'il s'agit d'une
première intervention et « itérative » si la femme a déjà eu
Pourquoi l'augmentation une césarienne.
du taux de césarienne ? ■ La césarienne programmée représente un peu moins
de la moitié des césariennes. Il existe une hétérogénéité
L'augmentation des césariennes est liée à l'augmentation de des pratiques en France selon le type et le statut de la
l'âge des parturientes, l'augmentation du nombre de grossesses maternité. La césarienne programmée est plus pratiquée
gémellaires, de l'obésité maternelle, la réalisation fréquente de dans les maternités de type I et les maternités privées
césariennes lors des présentations du siège et des utérus cicatri- selon l'analyse effectuée par la Direction de la recherche,
ciels. Il faut ajouter à cela les définitions variables des dystocies des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)
et les pratiques de l'accoucheur, voire la demande des patientes [20,21].
qui pensent que ce mode d'accouchement est plus sûr. Or, il n'en ■ L'intervention programmée, sauf indication médicale
est rien ni pour l'enfant ni pour la mère puisque la mortalité contraire, doit être faite à partir de 39 SA lorsque la matu-
maternelle est de 1 à 3 ‰, soit un risque quatre à dix fois supé- rité pulmonaire fœtale est assurée. Il faut éviter sa réali-
rieur à celui de l'accouchement par voie basse. Afin de comparer sation chez une femme en début de travail qui ne peut
les pratiques des maternités selon le type de structure de soin accoucher par voie basse.
(maternités de types 1, 2 et 3), on peut évaluer les taux de césa-
rienne selon différents groupes de patientes en fonction de cri-
tères tels que la parité, le type de mise en travail, le taux d'utérus Indications médicales
cicatriciel, et ainsi évaluer le score de Robson [36]. Les indications sont énumérées ci-dessous et il est néces-
Ces quelques chiffres illustrent le fait que la césarienne, saire de se référer à chaque chapitre relatif à la situation
initialement utilisée pour contourner un obstacle méca- évoquée. Certaines causes de césariennes fréquemment
nique insurmontable puis pour limiter le traumatisme fœtal, rencontrées en pratique clinique sont volontairement détail-
est devenue une modalité de naissance choisie. D'autres fac- lées dans le but de clarifier les données et les recommanda-
teurs que le taux de césarienne interviennent sur la mortalité tions actuelles, et ainsi de préciser si l'indication est justifiée
périnatale, qu'il s'agisse de la surveillance de la grossesse, de [30]. Dans tous les cas, une information claire délivrée à la
la prévention de la prématurité, du monitorage obstétrical patiente est indispensable et une trace de cette discussion
ou des facteurs socioéconomiques. doit être présente dans le dossier.
En 1991, certains pays ont réussi à faire baisser leur taux
de césarienne de 17,5 à 11,5 % sans aggraver la morbidité Utérus cicatriciel
néonatale, en mettant en place des procédures concernant ■ Un antécédent de césarienne par incision utérine corpo-
les indications de césariennes sur utérus cicatriciel et en réale ou un antécédent d'au moins trois césariennes sont
demandant que les indications de césariennes prophylac- des indications de césarienne.
tiques soient posées par deux obstétriciens [42]. ■ L'utérus monocicatriciel avec une incision segmentaire
Récemment, au Canada, où les taux d'accouchement transversale n'est pas en soi une indication de césarienne
par césarienne ont augmenté considérablement au cours programmée et l'accouchement par voie basse est un
de la dernière décennie, un essai contrôlé randomisé a été choix raisonnable pour la majorité des patientes.
mené dans 32 hôpitaux [12]. Un audit des indications de ■ L'antécédent de deux césariennes n'est pas une indication
césariennes a été mené dans chacune des maternités. Il a pu impérative de césarienne car le risque absolu de rupture
être établi que, parmi les 184 952 participantes, il y avait une utérine est faible.
réduction significative du taux de césarienne grâce à cette ■ En cas d'antécédent de myomectomie ou d'hystérosco-
méthodologie (22,5 à 21,8 % dans le groupe d'intervention). pie opératoire, la décision se fera au cas par cas et il n'y
Une réduction majeure de la morbidité néonatale a égale- a pas de données evidence-based medicine dans la litté-
ment été constatée. rature. L'existence de plusieurs myomectomies (> 3) ou
d'une effraction de la cavité utérine, de même qu'un délai
rapproché entre l'intervention et le début de grossesse
Indications de la césarienne sont pour certains une indication de césarienne sans qu'il
Dans 50 à 70 % des cas, la césarienne est décidée du fait n'y ait de consensus.
d'indications multiples ou associées (www.has-sante.fr/ ■ Dans le cadre de la chirurgie hystéroscopique, une sec-
portail/upload/docs/application/pdf/2012-03/reco2clics_ tion de cloison et/ou une perforation avec utilisation de
indications-­cesarienne.pdf). coagulation monopolaire pourraient augmenter le risque
392   Partie V. Techniques obstétricales

de rupture utérine mais les données sont insuffisantes ■ La place de la césarienne en cas de macrosomie a été
pour recommander la réalisation d'une césarienne pro- discutée dans les RPC du CNGOF concernant les césa-
grammée dans ce contexte. Dans les cas difficiles, il fau- riennes en 2000 [26] et concernant la prise en charge du
dra dans la mesure du possible tenir compte de l'avis du diabète gestationnel en 2010 [23,24].
chirurgien ayant réalisé l'intervention.
■ Concernant les modalités techniques de réalisation de la Prévention de la transmission mère/enfant
césarienne en cas d'utérus cicatriciel, il n'y a pas de don- d'infection maternelle
nées suffisantes pour recommander une technique chirur- ■ VIH1/VIH2 : En accord avec les dernières recommanda-
gicale particulière en cas de césarienne programmée [43]. tions, il est recommandé de réaliser une césarienne pro-
■ La prise en charge des utérus cicatriciels et la place de grammée en cas de charge virale supérieure à 400 copies
la césarienne dans ce contexte ont été discutées dans les VIH/ml [44]. Dans le cas d'une charge virale comprise
recommandations pour la pratique clinique (RPC) du entre 50 et 400 copies/ml, une discussion entre le gynéco-
CNGOF en 2000 puis en 2012 [8,17,19]. logue obstétricien et l'infectiologue est nécessaire [9].
■ Hépatite C : Il n'est pas recommandé de réaliser une césa-
Grossesses multiples rienne programmée dans le cas d'une mono-infection
■ La césarienne est indiquée dans les grossesses multiples par le VHC [22,25].
de trois fœtus et plus. ■ Dans le cas d'une coinfection VIH-VHC, la césarienne
■ En cas de grossesse gémellaire monoamniotique, une programmée est recommandée, en raison de l'augmenta-
naissance doit être envisagée à partir de 34 SA. Il n'y a pas tion du taux de transmission mère-enfant du VHC.
suffisamment d'arguments pour contre-indiquer formel- ■ Hépatite B : il n'est pas recommandé de réaliser une césa-
lement un accouchement par voie basse dans ce contexte. rienne programmée dans le cas d'une mono-infection
Néanmoins la césarienne est réalisée par la plupart des VHB, ou d'une coinfection VHB-VIH. Il est cependant
équipes pour limiter le risque d'accident funiculaire au possible que la césarienne limite le risque de transmis-
décours de l'accouchement (enchevêtrement des cordons, sion virale de la mère à l'enfant en cas de charge virale
procidence). élevée [56].
■ Dans les autres cas de grossesses gémellaires (biamnio- ■ Herpès virus : Il est recommandé de réaliser une césa-
tiques) et en l'absence de complications fœtales : rienne en cas d'éruption visible lors de la mise en travail
– si le premier jumeau (J1) est en céphalique, il n'y a pas (primo-infection ou récurrence) [10]. Si une primo-
d'indication de césarienne programmée ; infection herpétique se déclare après 35 semaines d'amé-
– si J1 est en siège, il n'y a pas lieu de recommander une norrhée, une césarienne programmée est recommandée
voie plus qu'une autre ; la décision se fera en fonction à 39 semaines en raison du risque d'herpes néonatal. Des
de l'expertise de l'équipe obstétricale. récurrences herpétiques pendant la grossesse ne sont pas
■ Le mode d'accouchement des grossesses gémellaires a été une indication de césarienne programmée [15].
discuté dans les RPC du CNGOF en 2009 [55].
Bassin chirurgical
Siège Présentation dystocique
La présentation du siège n'est pas en elle-même une indica- Une césarienne est réalisée en cas de présentation transver-
tion de césarienne programmée. La césarienne est indiquée sale après échec de version par manœuvres externes.
si la patiente refuse l'accouchement par les voies naturelles,
le bassin maternel est anormal, en cas de déflexion primi- Causes placentaires et obstacles praevia connus
tive de la tête, en cas de macrosomie fœtale ou de retard de ■ Placenta accreta ou percreta avec prise en charge très
croissance intra-utérin. spécifique).
■ Placenta praevia : indication de césarienne programmée
Macrosomie liée ou non au diabète en cas de placenta recouvrant ou marginal et latéral à
■ Hors diabète : indication de césarienne programmée si moins de 2 cm de l'orifice interne du col utérin.
poids fœtal estimé supérieur ou égal à 5 000 g et discus- ■ Vaisseaux praevia, procubitus du cordon, fibrome, kyste
sion au cas par cas entre 4 500 et 5 000 g. ovarien, rein pelvien, tumeur sacrée ou hémi-utérus praevia.
■ Avec diabète associé : indication de césarienne program-
mée à partir d'une estimation de poids fœtal de 4 500 g, à Anomalies ou lésions de l'appareil génital
discuter à partir de 4 250 g. ■ Antécédent de déchirure obstétricale périnéale avec
■ Avec antécédent de césarienne associé : pas d'indication réparation sphinctérienne : il n'y pas de consensus car le
de césarienne programmée en soi mais indication si esti- risque de récurrence n'est pas prévisible, ni la répercus-
mation du poids fœtal supérieur à 4 500 g du fait de l'aug- sion au plan fonctionnel (apparition d'une incontinence
mentation du risque de césarienne en urgence (échec anale ou aggravation des symptômes) et la patiente doit
tentative voie basse). en être prévenue mais il semble légitime de proposer
■ Avec antécédent de dystocie des épaules : indication de une césarienne programmée si la patiente est sympto-
césarienne programmée si la dystocie des épaules a été matique, si l'échographie endoanale et/ou la manométrie
compliquée d'une lésion du plexus brachial. Discussion sont anormales, si la déchirure a concerné également la
au cas par cas dans les autres situations (RPC 2015). muqueuse anale et/ou rectale.
Chapitre 31. La césarienne   393

■ Autres anomalies : fistule, antécédent de cure chirur- situations où le pronostic vital fœtal dépend de la rapidité
gicale de prolapsus, cancer du col, anomalie du vagin d'extraction de l'enfant. Une classification des césariennes
(diaphragme). en fonction du degré d'urgence et du délai d'extraction le
plus adapté a été proposé. Huissoud et al. ainsi que le service
Pathologies maternelles « générales » : de gynécologie-obstétrique de l'hôpital de la Croix-Rousse
■ Cardiopathie, accident vasculaire cérébral, insuffisance à Lyon, s'inspirant de la classification anglaise de Lucas DN
respiratoire. Ces indications peuvent être des indications parue en 2000, ont mis en place en 2008 un code couleur
d'extractions instrumentales plutôt que de césarienne permettant de classer les césariennes en fonction du degré
(à discuter avec le spécialiste de l'organe). de l'urgence (code rouge pour les extrêmes urgences, code
■ Maladies inflammatoires chroniques intestinales, en cas orange pour les urgences non extrêmes et code vert pour les
d'atteinte périnéale sévère ou antécédent de chirurgie césariennes non urgentes et non programmées) [34]. Cette
lourde digestive basse. classification permet de définir les procédures adaptées à
ces situations. L'objectif, lors de césariennes en extrême
urgence, est d'atteindre un délai décision-extraction infé-
Causes fœtales
rieur à 15 minutes. Ce délai doit être pondéré selon les
■ Dans le cadre d'une hypertension artérielle avec retard contraintes organisationnelles locales [35].
de croissance, de retard de croissance d'autre origine avec
fragilité fœtale, d'une allo-immunisation maternofœtale,
d'un diabète, certaines malformations fœtales (tératomes Indications
saccrococcygiens, spina bifida, etc.). Nous séparerons schématiquement les césariennes « code
rouge » et les autres.
Césarienne sur demande maternelle [3]
La peur de l'accouchement est souvent décrite par les femmes Césariennes avec menace immédiate du pronostic
enceintes : peur de la douleur, de la lésion périnéale, de la vital maternel et/ou fœtal (code rouge)
césarienne en urgence, d'une complication pour l'enfant. La ■ Suspicion de rupture utérine : la prérupture est reconnue
peur de la primipare est volontiers liée à l'inconnu et celle de devant l'hypertonie avec mauvais relâchement entre les
la multipare peut être liée à un antécédent d'accouchement contractions, l'apparition de douleurs segmentaires et/
par voie naturelle mal vécu. L'influence de l'environnement ou de saignements survenant dans un contexte évoca-
a également un rôle (proches mais aussi personnel médical). teur (utérus cicatriciel, stagnation du travail). Ces signes
Le rôle de l'obstétricien ou de la sage-femme est de discuter doivent inciter à réaliser une césarienne avant l'apparition
au cas par cas, de mettre en balance « bénéfices » et « risques » de l'anneau de rétraction de Bandl (utérus en sablier) et la
de façon honnête en s'appuyant sur les données basées sur rupture vraie, qui nécessitent une intervention d'extrême
la littérature et sur d'autres professionnels de santé (anesthé- urgence.
sistes, pédiatres). Il est aussi important d'écouter, de com- ■ Hémorragie maternelle abondante : elle peut être due à
prendre, de rassurer. De manière scientifique et rationnelle, un placenta praevia, un hématome rétroplacentaire avec
la césarienne sur demande maternelle n'est pas une indica- enfant vivant, la rupture d'un vaisseau praevia diagnosti-
tion logique du fait des risques liés à cette intervention. qué devant un liquide amniotique sanglant (hémorragie
La FIGO indique que « la césarienne pour des raisons de Benckiser).
non médicales n'est pas justifiée d'un point de vue éthique. ■ Anomalie du rythme cardiaque fœtal (RCF) sévère avec
"La HAS précise que" la demande maternelle n'est pas en soi impossibilité d'extraction instrumentale (voir chapitre 14).
une indication de césarienne » [30]. ■ Procidence du cordon : elle est le plus souvent associée à
Reste la question de l'autonomie de la patiente et la une anomalie du RCF. Il s'agit d'une indication de césa-
possibilité pour un professionnel de refuser de faire une rienne d'extrême urgence sauf si l'enfant est mort ou la
césarienne alors qu'un article du code de la santé publique tête est engagée à la partie basse (il est plus rapide de faire
(article L. 1111-4) stipule, entre autres, que le « médecin doit une extraction instrumentale).
respecter la volonté de la personne après l'avoir informée
des conséquences de son choix ». L'évolution des pratiques Autres indications de césarienne en urgence
médicales fondée sur le principe de précaution pourrait ■ Anomalie du RCF (excepté association avec échec
contribuer à l'augmentation des césariennes en raison de la ­d'extraction instrumentale ou bradycardie) : leur respon-
crainte d'un potentiel recours juridique à l'issue d'un accou- sabilité dans le taux de césarienne a augmenté avec l'utili-
chement par les voies naturelles avec complication, quelle sation en routine de la cardiotocographie. Actuellement,
qu'en soit sa gravité. elles représentent moins de 10 % des indications de césa-
rienne du fait d'une meilleure connaissance de l'interpré-
Césarienne en urgence (en dehors tation des tracés et des différents moyens d'évaluation du
du travail ou pendant le travail) degré d'hypoxie fœtale de seconde ligne (pH, lactates,
etc.) (voir chapitre 14).
Code couleur (figure 31.3) ■ La mort fœtale n'est pas une indication de césarienne en
Lors des césariennes non programmées, dites « césariennes soi, en particulier pour un jumeau.
en urgence », le délai entre la décision de césarienne et ■ Dystocie mécanique : elle reste l'indication de 40 % des
l'extraction de l'enfant peut être primordial. Il existe des césariennes. Elle peut être liée à :
394   Partie V. Techniques obstétricales

Fig. 31.3. Classification des césariennes urgentes en dehors ou en cours du travail selon un code couleur déterminant le délai « déci-
sion/naissance » [34].

– un échec de l'épreuve du travail (bassin rétréci, macro- Technique de la césarienne


somie). Il s'agit du cas le plus fréquent ;
– une présentation dystocique telle la présentation du Rappel anatomique
front (son diagnostic ne peut être posé que mem- Il faut préciser quelques éléments indispensables à la pra-
branes rompues, présentation fixée) ou la présentation tique de la césarienne :
de la face, si la rotation du menton se fait vers l'arrière. ■ Position de l'utérus : il est légèrement incliné à droite et
■ Dystocie dynamique : elle est responsable de 6 à 15 % des présente une dextrorotation variable de 10 à 90°. Il pré-
césariennes. La fréquence de cette indication tend à bais- sente la face antérieure en avant et à droite, exposant ainsi
ser du fait de l'utilisation adaptée des ocytociques et de le pédicule utérin gauche.
l'anesthésie péridurale. Si les contractions utérines sont ■ Vessie : elle est le seul rapport antérieur dangereux lors de
de bonne qualité, bien évaluées (± tocographie interne), l'abord utérin. Elle s'étale à la partie basse de la face anté-
et l'analgésie correcte, il faut se poser la question d'une rieure de l'utérus, amenant parfois les uretères en contact
disproportion fœtopelvienne mal évaluée. avec cette zone (figure 31.4).
Chapitre 31. La césarienne   395

■ Segment inférieur ; - en haut, à environ 1 à 2 cm en dessous de la


– il se développe au cours du troisième trimestre de la limite supérieure de décollement du péritoine
grossesse. C'est une portion musculaire amincie peu vésico-utérin ;
vascularisée, située entre le corps et le col utérin. Il est - latéralement, les pédicules utérins avec le risque
le lieu électif de l'hystérotomie (figure 31.5) ; d'hémorragie qu'ils représentent.
– ses limites sont : – sa structure comprend :
- en bas, l'orifice interne du col, d'autant moins per- - la séreuse, épaisse, parfaitement décollable, en
ceptible que la dilatation est complète et la présenta- regard de la face antérieure, dont la traction
tion plongeante ; permet de tendre un tissu cellulaire sous-périto-
néal, lâche, excellent plan de clivage, exsangue,
inter-vésico-segmentaire ;
- le fascia présegmentaire, lame fibreuse, nacrée, soli-
daire du myomètre. Il s'agit de l'élément majeur de la
solidité de la cicatrice utérine ;
- le myomètre segmentaire est la portion musculaire
de l'utérus la plus mince, constituée de quelques
rares fibres superficielles longitudinales, et surtout
d'une majorité de fibres musculaires transver-
sales. Celles-ci enserrent les vaisseaux à direction
transversale ;
Ces notions anatomiques montrent l'intérêt de l'incision
segmentaire transversale, moins hémorragique et moins
délabrante pour le muscle utérin.

Préparation à l'intervention
Information
L'information de la patiente est indispensable et doit être
faite en consultation au moins lorsque la césarienne est pro-
Fig. 31.4. Rapports anatomiques antérieurs de l'utérus. grammée ou fortement probable. On exposera à la femme,

Fig. 31.5. Anatomie du segment inférieur et rapports.


396   Partie V. Techniques obstétricales

Encadré 31.1 Fiche d'information de la patiente en vue d'une césarienne programmée


Madame, afin de réduire le risque de phlébite (formation d'un caillot dans une
Votre médecin vous a proposé une césarienne. La présente feuille veine des jambes) ou d'une embolie pulmonaire. Il sera éventuelle-
a pour but de renforcer les informations qui vous ont été appor- ment poursuivi pendant un certain temps. Exceptionnellement, une
tées oralement par le médecin afin de vous expliquer les prin- hémorragie ou une infection sévère peuvent survenir dans les jours
cipes, les avantages et les inconvénients potentiels de l'opération suivant l'opération et nécessiter des traitements spécifiques, voire
qu'il vous a conseillée. une réintervention. Comme toute chirurgie, la césarienne peut com-
porter très exceptionnellement un risque vital ou de séquelles graves.
Qu'est-ce qu'une césarienne ?
Certains risques peuvent être favorisés par votre état, vos antécé-
La césarienne permet l'accouchement par une incision de l'abdo- dents ou par un traitement pris avant l'opération. Il est impératif
men et de l'utérus, lorsque les conditions, chez la mère ou chez d'informer le médecin de vos antécédents (personnels et familiaux)
l'enfant, ne sont pas favorables à un accouchement par les voies et de l'ensemble des traitements et médicaments que vous prenez.
naturelles.
En pratique
Comment se passe l'opération ?
L'intervention est réalisée le plus souvent sous anesthésie locoré- Avant l'opération
gionale (péridurale ou rachianesthésie) ; cependant, une anesthé- � Une consultation préanesthésique doit être réalisée
sie générale est parfois nécessaire, selon votre cas et les décisions systématiquement avant toute intervention.
du chirurgien et de l'anesthésiste. � Le plus souvent, vous serez hospitalisée la veille de la césarienne.
L'ouverture de l'abdomen se fait par une incision horizontale le � Après une prémédication éventuelle, vous serez conduite au
plus souvent. Parfois, une incision verticale est préférable du fait bloc opératoire.
des antécédents ou de circonstances particulières. L'ouverture � Une perfusion sera mise en place puis l'anesthésie sera réalisée.
de l'utérus permet d'extraire l'enfant qui est confié à la sage- En cas d'anesthésie générale, celle-ci sera débutée au dernier
femme ou au pédiatre. Les parois de l'utérus et de l'abdomen moment après les préparatifs de la césarienne.
sont ensuite suturées. Après l'opération
Que se passe-t-il après une césarienne ? � Vous serez surveillée quelques heures en salle de réveil ou en
Les suites d'une césarienne et la durée d'hospitalisation sont un salle d'accouchement avant de retourner dans votre chambre.
peu plus longues que celles d'un accouchement par les voies � Une sonde urinaire, de même que la perfusion intraveineuse,
naturelles. En revanche, vous pourrez allaiter et vous occuper de sont généralement laissées en place pour pendant les 24
votre bébé comme après un accouchement normal. premières heures postopératoires et dans de rares cas pour
La césarienne n'empêche pas d'avoir d'autres grossesses ulté- une durée supérieure.
rieurement. Il est cependant prudent d'attendre un an avant de � Un petit drain (tuyau) est parfois mis en place pour quelques
débuter une nouvelle grossesse. En dehors de certains cas, un jours sous la paroi de l'abdomen.
accouchement par les voies naturelles peut le plus souvent être � Un traitement anticoagulant peut être instauré dans les suites.
envisagé pour les grossesses suivantes. � La sortie a généralement lieu entre le quatrième et le septième
jour postopératoire.
Existe-t-il des inconvénients ou des risques ?
Après le retour
La césarienne est une intervention courante dont le déroulement
� Un saignement vaginal modéré est banal au cours de la
est simple dans la majorité des cas.
période postopératoire et peut durer jusqu'à trois semaines.
En cours d'opération, des lésions d'organes de voisinage de
� Il est recommandé d'attendre la fin des saignements pour
l'utérus peuvent se produire de manière exceptionnelle : blessure
reprendre une activité sexuelle.
de la vessie, des voies urinaires, de l'intestin ou des vaisseaux
� Des douches sont possibles quelques jours après l'opération
sanguins, nécessitant une prise en charge chirurgicale spécifique.
mais il est recommandé d'attendre trois semaines avant de
Dans le cas exceptionnel d'hémorragie provenant de l'utérus
prendre un bain.
pouvant menacer la vie de la patiente, une transfusion sanguine
� Après votre retour à domicile, si des douleurs, des saignements,
ou de produits dérivés du sang peut être rendue nécessaire. Dans
des vomissements, de la fièvre, une douleur dans les mollets
cette situation, si les traitements médicaux et chirurgicaux spéci-
ou toute autre anomalie apparaissent, il est indispensable d'en
fiques mis en œuvre pour traiter l'hémorragie sont inefficaces, il
informer votre médecin.
peut s'avérer nécessaire très exceptionnellement de réaliser une
Cette feuille d'information ne peut sans doute pas répondre à
hystérectomie (ablation de l'utérus pour arrêter le saignement).
toutes vos interrogations. Dans tous les cas, n'hésitez pas à poser
Dans les suites de l'intervention, les premières 24 heures sont
au chirurgien toutes les questions qui vous viennent à l'esprit en
souvent douloureuses et nécessitent des traitements antalgiques.
utilisant la case suivante :
Parfois, un hématome ou une infection (abcès) de la cicatrice
peuvent survenir, nécessitant le plus souvent de simples soins locaux. Questions et commentaires
Il n'est pas rare qu'une infection urinaire survienne, généralement Dr : …………………     Téléphone médecin : ………
sans gravité, après une césarienne. Sauf cas particulier, un traitement
Téléphone urgences : ……
anticoagulant est prescrit pendant la période de l'hospitalisation

Modèle déposé. Ne peut être modifié sans l'accord du CNGOF. Rédaction : 1999. Révision : 2009.
Chapitre 31. La césarienne   397

et si possible à son conjoint, l'indication, les modalités anes- ■ s'il s'agit d'une césarienne programmée, la patiente aura
thésiques, les complications possibles pour le(les) enfant(s) pris une douche au préalable ;
et pour la femme en particulier, les risques hémorragiques ■ l'identitovigilance doit être respectée ;
et de transfusion éventuelle. En cas de transfert vers une ■ la check-list du bloc opératoire doit être vérifiée ;
maternité de type II ou III, les raisons en seront expliquées. ■ on réalise une tonte abdominopelvienne (on ne fait plus
Une fiche d'information comme celle préparée par de rasage) ;
le CNGOF lui sera remise [16]. La HAS a également réa- ■ une désinfection pariétale est faite par l'infirmier(e) puis
lisé une fiche d'information accessible sur internet par les une deuxième par le médecin ;
patientes [31]. ■ une sonde vésicale à demeure est mise en place avec
Les sociétés savantes internationales ont également mis à asepsie.
disposition des feuilles d'information pour les patientes [1].
Après l'intervention un courrier sera adressé au médecin
de famille précisant l'indication et l'issue de l'intervention Anesthésie
(encadré 31.1). La qualité et le choix du type d'anesthésie dépendent beau-
L'association « Césarine » se présente comme une asso- coup de la collaboration obstétricien-anesthésiste. Sont par-
ciation d'usager offrant échange, soutien et information ticulièrement importants :
autour de la naissance par césarienne. Leur site internet ■ le respect par l'équipe obstétricale des précautions
peut être une source d'information pour les patientes simples (patiente à jeun, prise d'antiacides per os toutes
(www.cesarine.org). les 3 h en cas de patiente en travail, bilan préopératoire) ;
■ l'information de l'anesthésiste afin qu'il suive l'évolution
et le degré d'avancement d'un travail difficile et les com-
Bilan préanesthésique
plications possibles, afin de préparer son anesthésie ;
En cas de césarienne programmée, il est effectué dans le ■ le type d'anesthésie qui dépend des circonstances obsté-
cadre d'une consultation préanesthésique prévue par la loi tricales et de la pathologie maternelle, des contre-indica-
au moins huit jours avant l'intervention. La femme sera tions de chaque méthode et de l'habitude de l'anesthésiste.
revue la veille par l'équipe d'anesthésie. ■ l'anesthésie locorégionale type rachianesthésie (ou péri-
Dans le cas d'une situation obstétricale à haut risque rachi-anesthésie plus rarement), idéale pour les césa-
de césarienne (déclenchement, épreuve du travail), l'anes- riennes programmées ;
thésiste de garde doit être prévenu dès l'entrée en salle de ■ l' anesthésie locorégionale type péridurale, idéale pour
travail. une césarienne en cours de travail chez une femme
bénéficiant déjà de ce type d'anesthésie. Elle nécessite
Au bloc opératoire le respect absolu des contre-indications médicales, un
anesthésiste rodé à la technique et à la prévention de
En cas de césarienne au cours du travail, lorsque la femme a l'hypotension ;
été admise au bloc opératoire et qu'elle est sur la table d'in- ■ l'anesthésie générale qui est généralement la seule solu-
tervention, avant que la césarienne ne soit débutée, un des tion dans les indications d'urgence, en l'absence de toute
membres de l'équipe obstétricale doit réexaminer la femme anesthésie locorégionale déjà en place, si cette dernière
pour vérifier les éléments suivants : est jugée inefficace ou d'installation trop longue selon
■ l'avancement du travail en faisant un toucher vaginal car le contexte. L'anesthésie générale doit être évitée car il
il y a une possibilité d'évolution entre la décision d'opérer y a un risque d'inhalation pour la mère et un risque de
et le passage dans le bloc opératoire ; dépression respiratoire pour l'enfant. Au cas par cas, en
■ l'état du fœtus, sa surveillance n'ayant pas toujours été l'absence d'anesthésie, le duo obstétrique-anesthésie peut
continue pendant le transfert. Il est indispensable, avant décider la pose d'une rachianesthésie pour éviter une
de préparer les champs opératoires, d'écouter et/ou d'en- anesthésie générale.
registrer le rythme cardiaque fœtal.
Il convient de s'assurer que l'enfant peut être recueilli et
éventuellement réanimé par une personne exclusivement Acte opératoire
désignée, et disponible à cet effet (pédiatre, anesthésiste Il doit être réglé, simple, permettant un déroulement stéréo-
ou sage-femme). De principe, le pédiatre doit être prévenu typé et rapide :
lors de la décision de césarienne afin de prévoir l'accueil ■ un double gantage est recommandé ;
pédiatrique du (ou des) enfant(s). Cependant, lors d'une ■ la boîte d'instruments doit être réduite au matériel indis-
césarienne avant travail pour un fœtus normal à terme, la pensable ; nous donnons à titre d'exemple la composition
présence systématique d'un pédiatre en salle de naissance d'une boîte de césarienne (tableau 31.2) ;
n'est pas indispensable. ■ il faut y ajouter la possibilité de réaliser une extraction
D'autres éléments doivent être vérifiés : instrumentale (ventouse à usage unique, forceps).
■ s'assurer de la localisation placentaire (compte rendu
d'échographie), même en situation d'urgence, car
l'incision utérine peut parfois être modifiée par cette Ouverture
information ; Différents modes d'ouverture pariétale ont été publiés
■ une voie veineuse de calibre suffisant (16 gauges si pos- [18,27,28]. On ne réalise plus d'incision cutanée verti-
sible) doit être mise en place ; cale (sauf cas particuliers tels que reprise d'une cicatrice
398   Partie V. Techniques obstétricales

a­ ntérieure, placenta accreta). L'incision cutanée est trans- Quelle que soit la technique choisie, il est important de
versale sus-pubienne ; il en existe différents types et le respecter les muscles pyramidaux et les pédicules épigas-
tableau 31.3 résume leurs différences selon le plan abordé. triques. L'incision pariétale doit être assez grande, 15 cm
L'incision de Pfannenstiel [2] est la plus ancienne et la environ entre les deux valves de l'écarteur, pour permettre
plus classique mais elle tend à être remplacée par l'incision une extraction facile du fœtus. L'hémostase pariétale est
transrectale ou de Misgav Ladach (figure 31.6). rapidement menée en cas d'extrême urgence ; on peut même
L'incision transrectale de Maylard (dite aussi de ne la faire que lors de la fermeture pariétale.
Mouchel) donne une incision plus large, sans morbidité
supplémentaire. Exposition (figure 31.7)
L'incision de Misgav Ladach (ou Cohen-Stark) est la plus Une fois la grande cavité abdominale ouverte, certains pré-
récente. Sa facilité et sa rapidité d'exécution ont participé à sa conisent l'utilisation d'un écarteur autostatique à deux valves
large diffusion. Le tissu sous-cutané et l'aponévrose sont incisés latérales (type Cotte) et de champs abdominaux humides
sur 3 cm et on s'agrandit aux doigts. C'est aussi avec les doigts avec index opaque aux rayons X mis en place de chaque côté
qu'on écarte les muscles droits et qu'on ouvre transversalement de l'utérus. Ces pratiques ne sont pas obligatoires.
le péritoine. Dans les césariennes itératives, elle est peu adaptée et
il faut préférer la voie d'abord de type Pfannenstiel ou Mouchel. Incision du péritoine viscéral (figure 31.8)
Elle est faite aux ciseaux, transversalement, après avoir fait
Tableau 31.2. Composition d'une boîte un pli péritonéal sur 2 ou 3 cm au-dessus de la limite supé-
de césarienne. rieure de la zone décollable. Les ciseaux sont faufilés sous le
péritoine, concavité vers le haut. L'incision est limitée à 5 ou
2 valves de Doyen 6 cm de chaque côté de la ligne médiane. La berge supé-
1 écarteur de Cotte ou de Ricard de taille moyenne avec 3 jeux rieure est facilement refoulée jusqu'à la zone d'accolement.
de valves selon l'épaisseur de la patiente
2 écarteurs de Farabeuf
1 aiguille de Reverdin Refoulement de la vessie (figure 31.9)
1 bistouri no 4 court Avec les ciseaux dont la courbure est tournée vers l'utérus
1 port-aiguille de Mayo Hegar de 20 cm
et que l'on ouvre doucement, on trouve facilement le plan
1 paire de ciseaux de Metzenbaum de 23 cm
1 paire de ciseaux de Mayo courbes de 18 cm
de clivage entre vessie et segment inférieur. Alors que l'on
1 paire de ciseaux à fil à bout rond tend avec une pince atraumatique la berge inférieure du
1 pince à disséquer à griffe de 20 cm péritoine, les fines adhérences inter-vésico-utérines sont
1 pince à disséquer sans griffe de 20 cm facilement clivées. Une fois le plan trouvé, le décollement
1 pince à disséquer de Reseno ou Barraya de 25 cm peut être complété latéralement au doigt, avec douceur. Le
2 pinces de Jean-Louis Faure refoulement vésical est terminé par la pose d'une valve sus-
4 pinces en cœur
6 pinces de Kocher
pubienne, maintenue par un aide pour bien exposer le seg-
6 pinces de Leriche courbes ment inférieur. Récemment on a tendance à ne pas effectuer
2 pinces de Kelly courbes le décollement du péritoine viscéral. Le péritoine viscéral
2 pinces de Péan est incisé avec le myomètre et le refoulement de la vessie se
2 pinces d'Ombredanne fait ensuite à la compresse. Il semble cependant souhaitable
1 pince annexe de garder ce temps de décollement si la tête est basse ou la
1 cupule
dilatation avancée.

Tableau 31.3. Différentes voies d'abord pariétales transversales utilisées pour la réalisation
d'une césarienne.
Type d'incision Pfannenstiel Rapin-Küster Mouchel Stark
Année de publication 1904 1972 1986 1999
Abord peau Transversal Transversal Transversal Transversal
Abord aponévrose Transversal Vertical Transversal Transversal
Abord muscles grands Décollés/aponévrose sus- Vertical Tranversal (section des Transversal (écartement
droits jacente puis clivés de part muscles) des muscles)
et d'autres de la ligne
blanche
Abord péritoine pariétal Vertical Vertical Transversal Transversal
Commentaires La plus classique, tant Abandonnée en Adaptation de l'incision = adaptation de l'incision
à être supplantée par obstétrique transrectale de Maylard de Joël Cohen (1970)
l'incision de Mouchel = « faux-Pfannestiel » = Misgav Ladach
ou de Stark
Chapitre 31. La césarienne   399

Fig. 31.8. Incision du péritoine viscéral. Décollement péritonéal


présegmentaire.

Fig. 31.6. Voie d'abord par incision de Pfannenstiel. a. Coupe


frontale. b. Coupe sagittale.

Fig. 31.9. Décollement vésical.

Hystérotomie
■ Elle est segmentaire transversale, respectant théorique-
ment au mieux l'anatomie du segment inférieur.
■ Avant d'inciser, il faut :
– repérer le degré de dextrorotation afin de bien centrer
l'incision ;
– refouler la vessie avec la valve sus-pubienne que tient
l'aide ;
– repérer la hauteur de la présentation pour ne pas
inciser trop bas, surtout à dilatation complète, car le
risque de lésion des pédicules utérins est accru en cas
d'incision trop basse.
■ L'incision transversale est peu hémorragique
puisqu'elle suit la direction des faisceaux et des vais-
seaux myométriaux. Pour éviter l'extension de l'inci-
sion vers les pédicules utérins, il peut être fait un tracé
Fig. 31.7. Exposition du segment inférieur et tracé de l'incision arciforme au bistouri dont la concavité est tournée vers
segmentaire horizontale arciforme sur le péritoine viscéral. le haut, ce qui permet également d'augmenter la largeur
400   Partie V. Techniques obstétricales

de l'hystérotomie. Dans le même but de prévention


d'une extension accidentelle de l'hystérotomie, certains
auteurs préconisent une incision médiane et une dila-
cération au doigt. On réalise, après une ouverture du
myomètre au bistouri sur 3 cm, une digitodissection de
ce myomètre par tractions dans le sens craniocaudal.
■ Si l'incision est faite au bistouri, l'incision est d'abord
superficielle (fascia présegmentaire) puis, au milieu
de celle-ci, on incise prudemment toute l'épaisseur du
muscle jusqu'à l'apparition de la poche des eaux ou l'is-
sue du liquide amniotique. On en note l'aspect clair ou
teinté, l'abondance, et on fait les prélèvements bactério-
logiques, si nécessaires. L'aide aspire ce liquide. Si le seg-
ment est très mince et la poche des eaux déjà rompue, on
sera très prudent avec le bistouri car on risque de blesser
le fœtus. Une pénétration dans la cavité utérine à l'aide
du doigt ou d'une pince plutôt qu'à l'aide du bistouri
permet de limiter ces risques. L'incision est complétée Fig. 31.12. Aspect opératoire de l'hystérotomie réalisée juste
avant l'extraction fœtale.
latéralement soit au doigt, soit au ciseau (figures 31.10,
31.11 et 31.12).
■ L'incision segmentaire verticale est également possible.
Elle peut être souhaitable dans les cas de grande préma- Extraction du fœtus et du placenta (planche 31.1)
turité où le segment inférieur est épais et étroit. Elle est Extraction fœtale
aussi solide que l'incision transversale.
■ L'incision verticale corporéale, en dehors des situations Elle représente un temps dangereux :
exceptionnelles, doit être abandonnée étant donné le ■ Pour l'enfant : risque traumatique si la mécanique obs-
risque de rupture utérine (12 % versus 1 % pour les inci- tétricale n'est pas respectée ; risque d'hypoxie si le délai
sions segmentaires (figure 31.12). d'extraction est prolongé.
■ Pour la mère : risque de lésions des pédicules utérins ou
d'extension de l'hystérotomie en T ou en J, avec en corol-
laire ; risque hémorragique, difficulté de suture, fragilisa-
tion de la cicatrice utérine ultérieure.
■ Pour minimiser ces risques, il faut :
– insinuer sa main dans l'hystérotomie en contournant
le pôle foetal ;
– bien repérer la présentation foetale afin de comprendre
la mécanique de l'expulsion au travers de l'hystéroto-
mie. Celle ci est comparable à celle d'un accouchement
par voie basse quelle que soit la présentation ;
– empaumer le pôle fœtal, le soulever vers l'avant et un
peu en haut sans prendre appui, et surtout sans faire
Fig. 31.10. Agrandissement au doigt de l'hystérotomie. levier sur la berge inférieure de l'incision. On amène
ainsi la tête fœtale à l'orifice de l'hystérotomie, cette
procédure doit être douce mais parfois soutenue en
cas de césarienne en fin de travail à dilatation avancée,
ou devant une présentation dystocique (front) ;
– faire progresser le foetus hors de l'utérus par la pres-
sion que l'aide exerce sur le fond utérin. Le pôle fœtal
glisse sur le plan incline que constitue la main de l'opé-
rateur. Cette poussée fundique (la main empaumant
le fond utérin) doit être dirigée strictement dans l'axe
longitudinal de l'utérus et non en arrière vers le rachis
de la patiente ;
– l'utilisation d'instrument (ventouse ou forceps) est
rarement nécessaire pour dégager une tête en présen-
tation céphalique mais peut s'avérer nécessaire en cas
d'extraction tête dernière (figure 31.13).
■ En présence d'une difficulté d'extraction sur une présen-
tation céphalique (généralement à dilatation complète
avec présentation basse) afin de limiter l'extension de
Fig. 31.11. Incision aux ciseaux de l'hystérotomie. l'hystérotomie, il est préconisé de réaliser :
Chapitre 31. La césarienne   401

Planche 31.1. Extraction de la tête fœtale par césarienne


Introduction de la main Le geste à ne pas faire

Il ne faut pas faire levier sur la berge infé-


rieure de l'hystérotomie.

Position de la main Les forces qui s'exercent pour une extraction


fœtale correcte

La main forme un plan incliné pour l'extraction de la tête.


1. Remonter la tête.
2. Pousser dans l'axe longitudinal de l'utérus.
3. Extraire la tête.

– soit un refoulement de la présentation par voie basse Sous anesthésie locorégionale, il n'y a pas de respect de
(push method). Cette poussée doit être faite dans le délai et la mère peut ainsi « vivre » son accouchement et voir
bon axe. Le refoulement doit être effectué par l'aide ou son enfant immédiatement.
une tierce personne ; Sous anesthésie générale, en théorie dix minutes entre
– soit une version (pull method). L'extraction par ver- l'incision cutanée et l'extraction du fœtus sont souhaitables
sion manœuvre interne est nécessaire en cas de pré- pour permettre l'élimination des produits par le fœtus (non
sentation transversale. Il est alors nécessaire de saisir réaliste en cas de « code rouge »).
les deux pieds et de tourner la présentation pour la Une traite du cordon (milking) peut être effectuée pour
transformer en siège. réduire les risques d'anémie fœtale, notamment en cas de
prématurité.
Soins au fœtus
Le fœtus extrait est placé sur un champ, la tête en position
déclive. Antibiothérapie prophylactique
Si le liquide est méconial, une aspiration immédiate du Après le clampage du cordon, l'antibiothérapie prophylac-
liquide doit être faite avec un deuxième aspirateur prévu tique est recommandée [32,40,49,50] :
à cet effet. Le cordon est sectionné entre deux pinces de ■ amoxicilline-acide clavulanique (2 g) ou céfazoline (2 g)
Kocher, et l'enfant est confié à une sage-femme qui le reçoit après clampage du cordon ;
sur un champ stérile et l'emmène en salle de réanimation ■ clindamycine 600 mg en cas d'allergie, en injection intra-
pédiatrique située à proximité du bloc opératoire. veineuse directe.
402   Partie V. Techniques obstétricales

Fig. 31.13. Extraction fœtale face en avant avec prise par forceps.

En cas de suspicion de chorioamniotite (femme fébrile, La suture n'est commencée qu'après avoir :
liquide amniotique nauséabond, rupture de la poche des ■ repéré et refoulé la vessie par une valve ;
eaux depuis plus de 24 h), l'antibiothérapie sera pour- ■ repéré la berge inférieure (que l'on ne confondra pas avec
suivie jusqu'à la réception des résultats des prélèvements le gros repli de la paroi postérieure du col lors des césa-
bactériologiques. rienne à dilatation avancée) et posé une pince en cœur
sur chaque berge.
Délivrance L'aspiration efficace permet de bien voir les berges de la
plaie et de faire la suture au fil résorbable serti sur aiguille
Sa rapidité et la faible abondance de l'hémorragie dépendent courbe par un surjet classiquement extramuqueux non
en grande partie de la coopération obstétricien-anesthésiste. passé. Les points d'angle peuvent être simples ou en X et
En effet, il convient de faire injecter une ampoule de 5 U seront gardés sur repères.
d'ocytocine (Syntocinon®) en intraveineuse directe lente Aucune recommandation formelle ne peut être actuelle-
sans flash, lors du dégagement des épaules fœtales. La déli- ment dictée quant à la nécessité de faire une suture en un ou
vrance est alors naturelle et rapide en empaumant le fond en deux plans. Cependant, elle est généralement faite en un
utérin, que l'on masse doucement et en exerçant de l'autre plan.
main une traction douce sur le cordon. Cette méthode est La suture par surjet en un plan diminue le temps opéra-
moins hémorragique et entraîne moins d'endométrites (3 % toire et le nombre de points d'hémostase complémentaires,
versus 23%) que la délivrance manuelle. En l'absence de sai- sans augmenter le taux de rupture sous-péritonéale lors
gnement, il faut « savoir attendre ». Si le placenta se décolle d'une grossesse ultérieure. Elle est plus économique dans les
mal, une délivrance artificielle sera réalisée. pays en voie de développement. Elle est recommandée par le
La révision utérine est systématique pour beaucoup CNGOF et le RCOG. Il faut faire une prise correcte du fascia
d'auteurs. On recherche une anomalie de la cavité (malfor- présegmentaire avec le muscle, seul élément de solidité de
mation, fibrome) surtout s'il y a une anomalie de la présen- cette suture.
tation (siège ou transversale). Des fragments membranaires À la fin de la suture, quelques points d'hémostase peuvent
peuvent être retirés avec les pinces en cœur sous contrôle de être nécessaires.
la vue. La dilatation mécanique en cas de col fermé tend à
être abandonnée. Il n'existe en fait aucune recommandation Péritonisation viscérale
à ce sujet.
Elle était classiquement faite par un surjet passé de fil résor-
bable. Cette péritonisation est contestée. Les études rando-
Fermeture
misées ont montré les avantages à court terme de l'absence de
Suture utérine (planche 31.2) péritonisation (temps opératoire plus court, dose d'anesthé-
La suture utérine demande une technique rigoureuse car siques plus faible, reprise du transit plus rapide, température
c'est en grande partie d'elle que dépendra la qualité de la postopératoire plus faible) [13,14]. On ignore cependant les
cicatrice. L'objectif est d'obtenir un bon affrontement des conséquences à plus long terme de cette attitude. La revue
berges du segment inférieur reconstituant le plan muqueux Cochrane sur le sujet de la péritonisation montre que la
et le plan musculaire. Il y a peu de données pour conseil- péritonisation systématique pose un problème, en particu-
ler ou interdire l'extériorisation de l'utérus. Elle permet une lier ascensionne la vessie devant la cicatrice, obstacle poten-
meilleure exposition. Elle réalise une traction des pédicules tiel lors d'une césarienne ultérieure. Le CNGOF et le RCOG
utérins mais semble accroître le risque d'atonie secondaire. recommandent de ne pas la faire.
Chapitre 31. La césarienne   403

Planche 31.2. Suture utérine : schéma des différents types de points [52]
Suture extramuqueuse par points simples Suture en X

En cas d'incongruence entre les deux berges,


suture en X dans un même plan sagittal (far
and near).
Contrôle de l'hémostase

La suture utérine avec surjet terminée,


l'hémostase est contrôlée avant la fermeture
péritonéale.

D'après Thoulon J.-M. Les césariennes. Encycl. Med. Chir., Paris, Obstétrique 10, 1979, 5102-A-10.

Contrôle de la cavité abdominale La fermeture de l'aponévrose doit être soigneuse avec un


On vérifie l'état des annexes (kystes ovariens qui seront surjet de fil résorbable. Il n'y pas lieu de mettre un drain de
retirés) et l'état utérin (fibromes, malformation), en parti- façon systématique.
culier le segment inférieur postérieur. On ne réalisera jamais En ce qui concerne le plan sous-cutané, une suture par
de myomectomie en cours de césarienne, sauf en cas de surjet ou points séparés doit être faite si ce plan mesure plus
myomes pédiculés. de 2 cm d'épaisseur. Une hémostase soignée du plan sous-
On fait le compte des textiles qui sont éventuellement cutané doit être réalisée.
pesés pour évaluer le volume du saignement. Le lavage La peau peut être fermée par des agrafes ou par un surjet
des gouttières coliques avec du sérum physiologique est intradermique, mais toujours avec application.
abandonné.
Variantes
Fermeture pariétale Césarienne chez la femme obèse
Cette fermeture doit être soigneuse. Quelques constats :
La fermeture du péritoine pariétal est discutée. Les études ■ le taux de césarienne est accru dans cette population ;
concluant à son absence d'intérêt portent sur la durée de ■ la césarienne chez la femme obèse accroît les complica-
l'intervention et les douleurs postopératoires qui sont dimi- tions postopératoires (infections et hématomes de paroi
nuées. Les études plus récentes plaident pour la péritoni- en particulier) ;
sation qui minimiserait les adhérences postopératoires. Le ■ l'obésité maternelle diminue significativement les
CNGOF et le RCOG ne la recommandent pas. chances d'accouchement par voie basse après césarienne.
Une infiltration pariétale (ropivicaïne) associée ou non à Certains réalisent une incision transversale sus-ombili-
la pose d'un cathéter sous-aponévrotique diminue la dou- cale d'une dizaine de centimètres de long deux à trois travers
leur postopératoire immédiate. de doigt au-dessus de l'ombilic. L'incision verticale n'est pas
404   Partie V. Techniques obstétricales

indiquée chez la femme obèse. Entre les deux types d'inci- exceptionnelle (1 % des césariennes environ). Elle sera
sions transversales sus- et sous-ombilicale, les données de la signalée dans le compte rendu car elle contre-indique un
littérature ne permettent pas de conclure en termes d'infec- accouchement par voie basse ultérieur.
tions pariétales et d'hématomes postopératoires. Aucune
étude n'a comparé ces deux voies d'abord de façon rando- Incision corporéale
misée. La seule donnée objective qui ait fait preuve de son Elle est à proscrire formellement au troisième trimestre.
efficacité est le cloisonnement sous-cutané. L'incision sus- Cependant, si une césarienne est pratiquée au deuxième tri-
ombilicale semble s'adapter aux patientes obèses morbides mestre, elle est obligatoire car le segment inférieur n'existe
avec un important « tablier graisseux » tombant, modifiant pas à cette date. On fera alors une incision corporéale ver-
les rapports anatomiques. Le choix de l'incision de façon ticale basse. Le compte rendu signalera clairement ce fait
pragmatique doit être fait par l'opérateur après observation en mentionnant qu'une césarienne pour les grossesses sui-
de la patiente allongée. vantes est indispensable avant tout travail.
En cas de placenta praevia, il faut inciser si possible au
Césarienne sous-péritonéale (figure 31.14) ras du bord supérieur du placenta pour pouvoir passer au-
Elle peut être utile chez la femme dont l'utérus est infecté dessus (placenta postérieur).
(chorioamniotite). Elle évite l'ouverture de la cavité péri- Il y a parfois de gros vaisseaux qu'il faut éviter ou que l'on
tonéale. Dans cette technique, le péritoine n'est pas ouvert liera préventivement si cela apparaît possible facilement et
et la vessie est refoulée sur la gauche de façon à aborder le rapidement.
segment inférieur sans ouvrir le péritoine. Ensuite, on réa- En cas de suspicion de placenta accreta, comme nous
lise une hystérotomie segmentaire verticale. Cette technique l'avons vu au chapitre 23, l'intervention doit être program-
peut être utile chez une femme multicésarisée pour laquelle mée vers 36-37 SA dans un établissement comportant un
on n'arrive pas à trouver la cavité abdominale. service de réanimation, une équipe chirurgicale entraînée
et un service de radiologie interventionnelle. On aura
Hystérotomie segmentaire verticale prévenu la femme du risque hémorragique et du risque
(figure 31.15) transfusionnel, et discuté avec elle de l'éventualité d'une
hystérectomie conservant les ovaires. Le choix de l'incision
Elle peut être utile si les pédicules utérins sont très étalés
cutanée dépend de la localisation du placenta. Si le placenta
sur le segment inférieur. Par une incision verticale, on peut
est antérieur et remonte jusqu'à l'ombilic il est raisonnable
espérer passer entre les vaisseaux. Cependant, l'incision
de faire une incision médiane. La mise en place préventive
peut filer vers le vagin, ou se prolonger vers le haut sur le
de cathéters artériels pour faire une embolisation n'est pas
corps utérin. Elle peut être licite en cas d'extraction à des
recommandée, sauf en cas de suspicion de placenta per-
termes très prématurés.
creta. Dès l'ouverture du péritoine utérin, le diagnostic de
placenta increta ou percreta peut être évident. Il faut inciser
Incision segmentocorporéale (figure 31.16) l'utérus au-dessus du placenta pour extraire l'enfant, parfois
En cas de difficultés majeures (présentation transversale, en position fundique.
malformations fœtales, jumeaux conjoints, etc.), une deu- Si le placenta ne se sépare pas de l'utérus après injection
xième incision verticale segmentocorporéale, branchée au de cinq unités d'ocytocine, pression sur le fond utérin et trac-
milieu de l'incision transversale (incision en T) ou latérale- tion douce sur le cordon, ou s'il s'agit d'un placenta increta
ment (incision en J) peut être indispensable pour permettre ou percreta visible, il ne faut pas essayer de le décoller à la
l'extraction de l'enfant. Elle est plus hémorragique. main car ce geste entraînerait une hémorragie incontrôlable.
La cicatrice utérine qui en résultera n'est pas de bonne Il faut le laisser en place, décider d'une hystérectomie. Les
qualité. Cette deuxième incision doit rester une manœuvre différentes éventualités doivent avoir été discutées en amont

Fig. 31.14. Césarienne sous-péritonéale. a. Coupe sagittale. b. Vue opératoire.


Chapitre 31. La césarienne   405

rine, on suture le col en un plan au fil non résorbable serti


décimal 3 en prenant soin de bien repérer le haut de l'inci-
sion. Les accouchements par voie basse sont possibles par la
suite. Cette intervention est peu hémorragique et rapide. Les
complications sont les plaies de vessie (2 %) et les plaies des
pédicules utérins.

Gestes associés
Stérilisation tubaire
Les stérilisations d'indication médicale (pathologie mater-
nelle, rupture utérine, cicatrice de très mauvaise qualité)
sont prévues avec le couple dans la mesure du possible et
réalisées par la méthode de Pommeroy ou la pose d'un clip
de Hulka.
Une fiche d'information doit étayer une discussion avec
Fig. 31.15. Tracé de la césarienne segmentaire verticale lorsque la patiente en cours de grossesse.
les deux pédicules utérins sont très étalés. Le délai de réflexion et la signature des consentements
sont indispensables.
On ne réalise jamais de stérilisation en urgence au cours
du travail ou de principe à la troisième césarienne.

Myomectomie
Tout dépend de la topographie et du volume du myome. Un
myome pédiculé sera très facile à enlever en mettant simple-
ment une pince sur le pédicule ; en revanche, il ne faudra pas
toucher à un myome même volumineux développé dans le
ligament large ou à un myome de très petite taille (< 2 cm)
qui diminuera de taille après la césarienne. On peut donc
enlever les myomes qui sont facilement extirpable de gros
volume (> 5 cm, nécrobiosé) si on pense que ce geste éco-
nomise à la malade une laparotomie. Sinon, il vaut mieux
s'abstenir.

Kystectomie
Fig. 31.16. Tracé de l'incision segmentocorporéale. Il faut toujours, en fin de césarienne, examiner les annexes.
La découverte d'une tumeur de l'ovaire doit obligatoirement
entraîner son exérèse. Le plus souvent, la lésion est parfai-
avec la patiente et tracées dans le dossier médical. En cas de tement bénigne et on fera une kystectomie qui n'a pas de
traitement conservateur, on sectionnera le cordon au plus particularité technique. Si on a des doutes sur sa bénignité, il
près de son insertion placentaire et on le liera au fil résor- peut être nécessaire de faire une ovariectomie et de deman-
bable puis on refermera l'utérus. der un examen extemporané
Césarienne vaginale
Appendicectomie
Elle peut être indiquée en cas d'enfant mort de terme infé-
Elle ne doit pas être systématique mais elle est possible si
rieur à 32 SA avec un diamètre bipariétal inférieur à 80 mm
l'appendice paraît pathologique (inflammatoire, tumoral).
et un poids fœtal inférieur à 2 500 g. Le col étant tenu par
La pratique de l'appendicectomie ne semble pas augmenter
deux pinces de Museux posées à 9 heures et 3 heures, on
la morbidité de la césarienne.
réalise une incision vaginale de la demi-circonférence anté-
rieure. Après avoir refoulé la vessie au doigt, on introduit
dans le plan de clivage vésico-utérin une valve vaginale qui Hystérectomie
récline la vessie en haut et en avant. Le col est alors incisé au Elle peut être nécessaire après une césarienne du fait d'une
ciseau, sagittalement à midi. Cette incision est prolongée au pathologie (cancer du col, de l'ovaire), d'une hémorragie
plus haut sur le segment inférieur sur 6 à 8 cm en tout. Le grave du post-partum ou d'un placenta accreta. La vascula-
pôle inférieur de l'œuf est abordé, les membranes sont rom- risation plus riche d'un utérus gravide rend cependant cette
pues et on peut extraire le fœtus par une grande extraction chirurgie plus hémorragique et par ailleurs le caractère
s'il est en siège. S'il est en céphalique, on peut s'aider d'un total de l'hystérectomie est quelquefois plus difficile à affir-
forceps ou d'une ventouse. Si le vagin est étroit, une épisio- mer en cas d'hystérectomie sur utérus gravide à dilatation
tomie peut être nécessaire. Après délivrance et révision uté- complète.
406   Partie V. Techniques obstétricales

Soins postopératoires Alimentation


Surveillance chirurgicale L'alimentation semi-liquide est reprise à la sixième heure.
Avant de quitter le bloc opératoire, le chirurgien doit :
■ contrôler le globe utérin ; Concept de réhabilitation précoce
■ contrôler le volume des pertes sanguines extériorisées ; Afin de favoriser le lien mère-enfant, mais aussi dans un
■ vérifier la présence d'urines dans le sac et leur aspect non but économique, se développe le concept de réhabilitation
hémorragique ; précoce. Ce concept repose sur plusieurs points importants :
■ dicter le compte-rendu opératoire détaillé et main- ■ limiter les soins invasifs (sonde urinaire et perfusion
tenant bien codifié, comprenant en particulier un intraveineuse) ; ainsi le retrait de la sonde urinaire peut
horodatage, l'évaluation des pertes sanguines et les être immédiat après une césarienne programmée ou
consignes pour un accouchement ou une césarienne urgente mais non compliquée ;
ultérieurs ; ■ favoriser une reprise précoce des boissons et de l'alimentation ;
■ déterminer avec l'anesthésiste les traitements et gestes ■ assurer une analgésie multimodale adéquate afin de
complémentaires (anticoagulants, antibiotiques, transfu- réduire le recours aux antalgiques morphiniques ;
sions, numération de contrôle, date de retrait de la sonde ■ prévenir les hémorragies du post-partum.
vésicale).
Toutes les consignes, ainsi que les règles de surveillance, Durée de l'hospitalisation
doivent être retranscrites sur la feuille d'anesthésie et la La sortie de la patiente s'envisage souvent entre le quatrième
feuille d'observation de la patiente. et le cinquième jour, en poursuivant le traitement anticoa-
Le chirurgien et l'anesthésiste devront s'être assurés du gulant à domicile pendant dix jours en cas de traitement
réveil de la patiente et de la normalité du pouls, de la tension préventif.
et de l'absence d'hémorragie.
Réhabilitation précoce
Anticoagulants (RPC 2015 du CNGOF
Avec la réhabilitation précoce, les sorties précoces se déve-
sur le postpartum) loppent. Après une césarienne, la HAS définit une durée de
La césarienne associe les risques thromboemboliques du séjour de 96 à 120 heures comme standard et une sortie au
post-partum et du postopératoire. L'incidence des accidents cours des 96 premières heures est définie comme précoce.
thromboemboliques est de 2 à 5 %, avec une mortalité par (Pour favoriser la sortie précoce, il est nécessaire d'antici-
embolie pulmonaire de 0,1 à 0,5 %. per en anténatal l'organisation de la sortie de la maternité,
Le lever précoce et le port de bas de contention font par- d'assurer la continuité des soins et de travailler en réseau).
tie de la prévention de ces accidents thromboemboliques. Le
traitement anticoagulant est systématique dans ce contexte
pour certaines équipes. Complications
La Société française d'anesthésie-réanimation (SFAR) a
publié en 2005 des recommandations concernant « la pré- Complications maternelles
vention de la maladie veineuse thromboembolique pério- ■ La mortalité maternelle est de l'ordre d'un à trois pour
pératoire » qui sont fonction des facteurs de risque de la 1 000, soit un risque six fois supérieur à celui de l'accou-
patiente (www.sfar.org/acta/dossier/archives/ca05/html/ chement par voie basse.
ca05_24/ca05_24.htm). ■ Les causes de ces morts sont liées à l'infection, aux
Une femme sans facteur de risque qui a eu une césa- hémorragies, aux thrombo-embolies, aux accidents anes-
rienne n'aura pas d'anticoagulants mais seulement des bas thésiques et aux pathologies maternelles préexistantes.
antithrombose. ■ La morbidité maternelle est estimée entre 10 et 40 % des
La prévention par l'héparine de bas poids moléculaire cas, selon que l'on prend en compte les accidents mineurs.
est préférée du fait de sa simplicité (une seule injection par ■ Une césarienne sur trois en moyenne présente une
jour), du moindre risque de thrombopénies induites et de complication qui, même si elle n'est pas grave, allonge
l'innocuité vis-à-vis de l'allaitement maternel. la durée de l'hospitalisation et augmente le coût de
La posologie sera adaptée en fonction des facteurs l'accouchement.
de risque propres à chaque parturiente : nadroparine ■ On le voit, la patiente césarisée cumule les risques de
(Fraxiparine® 2 500 à 5 000 unités), énoxaparine (Lovenox® l'opérée abdominale et de l'accouchée : la surveillance
20 ou 40 mg). doit donc prendre en compte ces deux aspects.
La morbidité maternelle augmente avec le nombre de
césariennes [48].
Sondage urinaire
La sonde urinaire est classiquement enlevée le soir même
de l'intervention, sauf en cas de plaie vésicale obligeant à la Complications peropératoires
laisser en place sept à dix jours. Complications anesthésiques
Elles sont les mêmes que pour toutes les interventions en
Voie d'abord veineuse périphérique dehors du syndrome de Mendelson qui est plus fréquent
La perfusion peut être enlevée le soir même. en cours de césarienne en urgence ou lorsque la patiente
Chapitre 31. La césarienne   407

n'est pas à jeun. Il faut donc autant que possible préparer les césarienne, intervention abdominale, nécessite cependant
patientes par une prémédication et l'absorption d'une subs- une formation de chirurgie générale. En cas de difficulté,
tance antiacide et préférer les anesthésies locorégionales. l'opérateur ne doit pas hésiter à faire appel à un chirurgien
plus expérimenté ou plus spécialisé pour assurer la répara-
Hémorragie peropératoire tion d'une plaie digestive ou urinaire.
Elle complique environ 10 % des césariennes. Elle est due à
une hémostase difficile de la tranche de section de l'utérus Complications postopératoires
ou à une inertie utérine. Elles touchent une patiente sur trois et sont dominées par les
L'inertie utérine peut être prévenue par l'injection de 5 U problèmes infectieux et thromboemboliques.
de Syntocinon® en intraveineuse dès l'extériorisation des
épaules fœtales. En cas d'inertie prolongée, on peut utiliser Complications infectieuses
des prostaglandines F2-alpha (Nalador®, 1 ampoule dans Elles représentent 20 % des complications des césariennes.
50 ml de sérum salé vitesse progressivement croissante, sans Les localisations sont multiples : infections urinaires dues au
dépasser 50 ml/h et la dose de 3 ampoules/24 h). Les diffi- sondage vésical, infections pulmonaires, endométrites, pou-
cultés de contrôle de l'hémorragie peuvent à la contraindre vant entraîner une infection annexielle, voire une péritonite
à des ligatures vasculaires allant jusqu'à la ligature des hypo- ou une septicémie, sans oublier les abcès de paroi.
gastriques, voire à l'hystérectomie d'hémostase. L'infection urinaire doit être recherchée systématique-
ment par l'examen cytobactériologique des urines devant
Déchirure du segment inférieur tout signe d'appel urinaire (brûlures, pollakiurie) ou devant
Elle est le plus souvent secondaire à une hystérotomie de toute fièvre. Elle complique près de 10 % des césariennes.
taille inadaptée au poids fœtal ou à des manœuvres brutales L'endométrite est évoquée devant une pyrexie associée à
lors de l'extraction de la tête. Elle a lieu plus fréquemment des lochies sales nauséabondes, un utérus mal involué, dou-
lors des césariennes réalisées à dilatation complète pour loureux à la mobilisation. Un prélèvement bactériologique
défaut d'engagement du mobile fœtal. endocervical permet d'identifier le germe avant de mettre
Si elle siège sur la berge inférieure, on répare les berges en route le traitement. En cas de tableau septicémique ou
que l'on suture comme on le fait pour l'hystérotomie. de décharges septiques, il faut rechercher une collection
Parfois, la déchirure file vers le pédicule utérin ; il faut alors abdominopelvienne, cliniquement au toucher vaginal ou
lier les veines déchirées, voire l'artère ou tout le pédicule. Il échographiquement, faire des hémocultures et un prélève-
est nécessaire de se méfier ici de l'uretère qu'il faut éventuel- ment bactériologique des lochies. Le traitement repose sur
lement vérifier après arrêt du saignement. L'extériorisation l'évacuation et le drainage de la collection, souvent située
de l'utérus avec verticalisation et traction du côté controlaté- entre le segment inférieur et le péritoine (hématome sous-
ral au pédicule vasculaire suturé est alors très utile. L'atteinte péritonéal infecté) ; l'antibiothérapie parentérale est adaptée
de l'uretère peut être directe lors de la suture du pédicule au germe. Une désinfection vaginale à la polyvidone iodée
mais peut aussi être consécutive à une suture exerçant une avant la césarienne pourrait permettre de réduire de risque
traction et une coudure de celui-ci. d'infection postopératoire [29].
La suppuration et l'abcès de paroi surviennent dans 4
Plaies vésicales à 8 % des césariennes. Ils sont reconnus devant une fièvre
oscillante au quatrième jour ; la cicatrice est indurée, dou-
Elles sont rares (1,4 pour 1 000 césariennes). Elles se font loureuse à la palpation, l'évacuation de la collection sous
soit à l'ouverture du péritoine pariétal, soit lors de l'incision anesthésie générale est parfois nécessaire, un drainage par
du péritoine viscéral ou du décollement vésical. Elles sont une lame est laissé en place si l'abcès est volumineux.
plus fréquentes sur un utérus cicatriciel car la vessie a pu
être attirée vers le haut lors de la péritonisation. Dans le cas Complications thromboemboliques
d'un utérus mono- ou multicicatriciel, une attention toute
particulière doit être portée lors de la pénétration dans la Bien que rares (5 à 10 pour 1 000), elles sont graves du fait
cavité péritonéale avec préférentiellement une incision plus du risque vital. Elles sont quatre fois plus fréquentes qu'après
haute. un accouchement par voie basse.
L'essentiel est ici de s'en rendre compte devant l'issue Il faut donc insister sur les thérapeutiques préventives et
d'urines dans le champ opératoire. La vérification de la posi- le dépistage postopératoire biquotidien basé sur les signes
tion du ballonnet de la sonde urinaire dans la vessie peut de la pancarte et la palpation attentive des mollets.
être informative en fin de césarienne. En cas de doute, on
fait remplir la vessie de sérum physiologique coloré de bleu Anémie
de méthylène avant la fermeture du péritoine viscéral. Toute Elle est fréquente ; il faut la rechercher par la clinique et la
plaie diagnostiquée est suturée en deux plans au fil résor- numération systématique en postopératoire, surtout si le
bable (Vicryl® décimale 2), et la sonde vésicale est laissée en saignement peropératoire a été important.
place pendant une dizaine de jours.
Troubles du transit
Autres complications de la chirurgie abdominale Ils sont rares et souvent associés à une collection hématique
Les plaies digestives ou les lésions de l'appareil urinaire en ou infectée sous-péritonéale. Il faut aussi penser au syn-
cours de césarienne sont exceptionnelles. La pratique de la drome d'Ogilvie qui se caractérise par une dilatation colique
408   Partie V. Techniques obstétricales

aiguë sans obstacle d'aval [41]. Le tableau est celui d'une ■ la dépression respiratoire due à certaines drogues anes-
occlusion postopératoire. Un scanner mesurant un caecum thésiques an cas d'anesthésie générale ;
supérieur à 9 à 12 cm de diamètre confirme le diagnostic. ■ d'autres complications néonatales ont été décrites en par-
Le risque est la perforation caecale. Le traitement consiste ticulier les hypoglycémies augmentant le taux d'hospitali-
en une exsufflation coloscopique. La chirurgie est réservée sation en néonatologie ;
aux échecs. ■ à long terme, les enfants nés par césarienne ont plus de
Il faut aussi penser au « textile » laissé en place, il peut diabète, d'obésité, d'asthme [11,52].
être visible en échographie ou au cliché sans préparation de
l'abdomen, s'il comporte un index radio-opaque (ce qui est
recommandé). Bien entendu, une reprise chirurgicale s'im-
Compte-rendu opératoire
pose. On rappelle l'importance du compte des compresses Étape clé lors de la réalisation d'une césarienne, le compte
en fin d'intervention. rendu opératoire doit être précis et concis. Son contenu a
clairement été défini par le CNGOF. Tout compte-rendu
Avenir gynéco-obstétrical des patientes opératoire diffusé ou archivé doit être validé via une signa-
césarisées ture de l'opérateur. Une copie validée doit être remise à la
Du point de vue gynécologique, la césarienne ne semble pas patiente. Il fait partie intégrante du dossier médical, dont
avoir d'incidence sur la fertilité ultérieure. la conservation est fixée par la loi. L'archivage du compte-
Sur le plan obstétrical, l'utérus est désormais cicatriciel. rendu de césarienne selon la loi française est de 28 ans et,
L'accouchement par voie basse reste possible une fois sur selon les directives européennes, de 30 ans.
deux, parfois même après deux césariennes. Le taux d'ac- Le compte-rendu opératoire doit comprendre :
couchement par voie basse après césarienne est en augmen- ■ des données administratives obligatoires avec :
tation dans tous les pays. – le nom et les coordonnées de l'établissement ;
Une césarienne itérative n'est obligatoire que si : – les noms (dont nom de naissance) et prénom de la
■ la cicatrice est corporéale ou en T ; patiente ;
■ le placenta est inséré bas au niveau de la cicatrice utérine. – la date de naissance de la mère ;
On se méfiera alors d'un placenta accreta ; – la date d'intervention ;
■ les conditions mécaniques restent défavorables à un – le nom du ou des opérateurs (avec leur grade ou sta-
accouchement par voie basse : bassin chirurgical, dispro- tut) et des aides ;
portion fœtopelvienne, obstacle praevia. – le nom du ou des anesthésistes (avec leur grade ou
Plus inquiétante est l'augmentation du taux du placenta statut) ;
praevia (+ 50 %) et de placenta accreta, passé en 30 ans de ■ le compte rendu médical proprement dit avec :
1 pour 20 000 accouchements à un pour 500 aux États-Unis – l'indication de la césarienne ;
du fait de l'augmentation des taux de césarienne. – la gestité et la parité (nombre de cicatrices utérines
En cas de césariennes itératives, le dogme de la stérili- éventuelles) ;
sation à la troisième césarienne a vécu. On peut pratiquer – le terme au moment de la césarienne (en semaines
cinq à six césariennes itératives si le segment inférieur est de d'aménorrhée et jours) ;
bonne qualité et si la femme le désire. – le moment de la césarienne (programmée/en urgence/
pendant le travail/en dehors). Le degré d'urgence doit
être spécifié. En cas de césarienne en urgence, préciser
Complications fœtales la dilatation du col ;
Mortalité périnatale – si un déclenchement était en cours et le moment de la
rupture des membranes ;
Elle n'est pas augmentée par la césarienne, même si son – les raisons motivant la césarienne (indication
chiffre apparaît plus élevé dans certaines séries. La respon- médicale/à la demande) ;
sabilité de la pathologie fœtale ayant indiqué la césarienne ■ la description de la césarienne :
est difficile à isoler de celle de la césarienne elle-même. – type et moment de l'antibioprophylaxie ;
– type d'anesthésie ;
Morbidité néonatale – type du sondage vésical (à demeure ou non) ;
Elle n'est pas nulle. Le risque de traumatisme fœtal existe : – type d'abord pariétal ;
paralysie du plexus brachial, fracture de l'humérus, plaie – éventuelles difficultés ou particularités de l'abord uté-
cutanée par coup de bistouri. Ces complications témoignent rin et si un décollement vésical a été réalisé ;
en général de la précipitation de l'opérateur et de la mécon- – type d'hystérotomie et difficultés éventuelles ;
naissance de la mécanique obstétricale lors de l'extraction – aspect et quantité du liquide amniotique ;
de l'enfant. – extraction de l'enfant : son mode et difficultés éven-
Deux complications sont propres à une césarienne : tuelles et manœuvres manuelles ou instrumen-
■ le retard de résorption du liquide pulmonaire lié au fait tales, sexe de l'enfant, score d'Apgar à une, cinq et
que le thorax fœtal n'est pas soumis à la compression 10 minutes, poids (en g) ou non pesé car transfert
qu'il subit par voie basse. L'enfant peut, de ce fait, souffrir immédiat, pH artériel ombilical, à défaut pH veineux ;
d'une détresse respiratoire transitoire. Ce risque est accru – délivrance : dirigée (produit, dose et voie d'adminis-
lorsque la césarienne a été pratiquée avant 39 SA [54] ; tration) ou manuelle ; révision utérine ;
Chapitre 31. La césarienne   409

– hystérorraphie : le type de suture sur l'hystérotomie et of the primary cesarean delivery. American Journal of Obstetrics And
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taux semble se stabiliser autour de 20 % mais le taux optimal [20] DREES, Kermarrec M. La situation périnatale en France en 2010.
devrait être voisin de 15 % sachant que ce taux dépend beau- DREES études et résultats 2011 ; 775 : .
coup du recrutement du service. [21] Enquête périnatale. 2010. www.sante.gouv.fr/img/pdf/les_­naissances_
Un des buts que doit se fixer tout obstétricien, à défaut en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf.
d'une réduction, serait d'aboutir à une stagnation de ce taux [22] European paediatric hepatitis CVN. A significant sex – but not elec-
en préservant le bien-être de la mère et de l'enfant. Éviter tive cesarean section – effect on mother-to-child transmission of
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la première césarienne constitue une des solutions pour le
[23] Garabedian C, Deruelle P. Delivery (timing, mode, glycemic control)
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Chapitre
32
Réanimation du nouveau-né
en salle de naissance
E. Saliba, C. Lionnet, F. Gold

PLAN DU CHAPITRE
Principes de la réanimation néonatale . . . . . . 411 Conduite à tenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 419
Techniques de réanimation néonatale . . . . . . 412

Principes de la réanimation
OBJECTIFS
néonatale
L'interne ou la sage-femme doivent être capables :
• de reconnaître les situations à haut risque ; La réanimation de l'enfant à la naissance comporte schémat­
• de connaître les procédures d'appel en salle de naissance ; iquement un objectif prioritaire, deux objectifs complémen-
• de décrire les mesures de maintenance du matériel taires, et trois impératifs à respecter [2, 8].
nécessaire à la réanimation néonatale ;
• d'analyser un état de détresse néonatale immédiate ; Objectif prioritaire : assurer
• de discuter les méthodes de réanimation respiratoire, une ventilation alvéolaire efficace
hémodynamique et métabolique, leurs indications, leurs Un nouveau-né en difficulté dans les premières minutes
impératifs techniques ; est toujours un enfant dont l'adaptation respiratoire à la vie
• de réaliser la réanimation d'un nouveau-né en salle extra-utérine (voir Chapitre 1, « Adaptation du nouveau-né
de naissance comprenant : une désobstruction des à la vie extra-utérine ») est perturbée :
voies aériennes, une ventilation au masque ou après ■ souvent à la suite d'une anoxo-ischémie ante- ou perna-
intubation, un massage cardiaque externe, la mise en tale (nouveau-né asphyxié) ;
place d'un cathéter veineux ombilical. ■ parfois par intoxication médicamenteuse d'origine
maternelle (nouveau-né déprimé ou endormi) ;
Trois à 6 % des nouveau-nés ont un état initial médiocre ou ■ exceptionnellement, du fait de la révélation immédiate
mauvais, qui justifie des manœuvres immédiates de secou- d'une malformation congénitale intéressant l'appareil respi-
risme. Huit à neuf fois sur dix, ces difficultés étaient prévues ; ratoire (notamment hernie diaphragmatique congénitale).
parfois, cependant, elles surviennent de façon inopinée. Dans tous les cas, le nouveau-né a besoin qu'on assume pour
C'est la raison pour laquelle, dans tout établissement où lui cette adaptation respiratoire des premières minutes. Cet
naissent des enfants, une procédure écrite doit par avance objectif primordial est toujours indispensable et souvent suffi-
préciser : sant. Deux méthodes doivent être conjuguées pour l'atteindre :
■ qui est responsable de l'entretien du matériel et de l'ins- ■ la désobstruction des voies aériennes supérieures, et éven-
truction du personnel de la salle de travail en ce qui tuellement inférieures, toujours indiquée en premier lieu ;
concerne les soins au nouveau-né ; ■ la ventilation en pression positive (VPP) avec un ballon auto-
■ qui est chargé de pratiquer la réanimation en salle de gonflable à valve unidirectionnelle ou à l'aide d'un insuffla-
naissance, tant dans les conditions programmées (liste teur manuel à pression contrôlée avec pièce en T appliquée
des circonstances dans lesquelles un opérateur entraîné par masque facial ou après intubation trachéale selon les cas.
doit être appelé à l'avance) que dans les cas imprévus
(c'est alors la personne présente la plus entraînée qui doit Un objectif complémentaire
effectuer les premiers gestes) ;
■ quel protocole de soins doit être adopté : ce sont actuel- Maintenir un minimum vital circulatoire
lement les recommandations du Comité international de Dans les premières minutes de vie, l'évaluation de l'état cir-
liaison sur la réanimation (ILCOR) [2] qui sont le plus culatoire de l'enfant se résume à l'appréciation de sa seule
souvent appliquées (version 2015). fréquence cardiaque.
Pratique de l'accouchement
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412   Partie V. Techniques obstétricales

Il s'agit heureusement d'un bon critère d'évaluation sive du nouveau-né, éventuellement responsable d'une
puisque le cœur du fœtus et du nouveau-né étant pratique- infection iatrogène ultérieure.
ment incapable de modifier son volume d'éjection systo- Pour respecter cet impératif bactériologique, et sans
lique (car il est déjà maximal), il existe un parallélisme étroit ­s'illusionner sur le caractère « chirurgical » des conditions de
entre la fréquence cardiaque et le débit cardiaque. travail en salle de naissance, il faut :
Il est donc nécessaire de pratiquer un massage cardiaque ■ accueillir le nouveau-né au moins dans les conditions de
externe lorsque le débit cardiaque spontané de l'enfant est tout examen néonatal (mains soigneusement lavées ou
probablement devenu inférieur à l'effet attendu du massage, désinfectées avec les solutions hydroalcooliques, blouse
c'est-à-dire en pratique quand la fréquence cardiaque reste infé- propre, visage et cheveux protégés) ;
rieure à 60 par minute après 30 secondes de ventilation alvéo- ■ veiller au nettoyage du gros matériel entre chaque enfant (table
laire efficace. Le massage cardiaque se fera en alternance avec de réanimation, appareil manuel de ventilation, stéthoscope) ;
la poursuite de la ventilation et nécessite la présence de deux ■ changer le petit matériel avant chaque réanimation
opérateurs. Il faut, de plus, envisager à ce stade une intubation (sondes d'aspiration, liquide de rinçage, literie).
trachéale et une adaptation de la FiO2. Quand l'insuffisance
circulatoire se prolonge au-delà de 60 secondes, il est recom-
mandé d'administrer à l'enfant une catécholamine : c'est l'adré- Techniques de réanimation néonatale
naline qui est le plus souvent utilisée, susceptible de faciliter un La réanimation du nouveau-né fait appel à cinq techniques
redémarrage ou une accélération des battements cardiaques ; principales.
cette administration doit être particulièrement précoce lorsque
le cœur est arrêté (en pratique, dès l'intubation trachéale).
Même en cas d'arrêt cardiaque néonatal, il est capital de se Désobstruction des voies aériennes
souvenir que, contrairement à l'arrêt cardiaque adulte (qui est Voies aériennes supérieures
en règle d'origine cardiaque), c'est l'existence d'une défaillance
respiratoire qui est a priori responsable de l'arrêt cardiaque : les La désobstruction consiste à aspirer à l'aide d'une sonde de
manœuvres respiratoires restent donc toujours prioritaires [3]. calibre approprié (n° 8 ou 10). Ne pas aspirer lors de la mise en
place de la sonde, mais toujours lors de son retrait. Il faut aspirer
Trois impératifs à respecter les deux tiers antérieurs de la bouche (introduction de la sonde
de 3 à 5 cm selon la corpulence de l'enfant ; puis, si besoin, chaque
La rapidité narine en introduisant uniquement l'extrémité de la sonde (0,5
Les gestes de réanimation doivent être rapidement effi- à 1 cm) sans chercher systématiquement à passer les choanes.
caces, car une période d'anoxie excédant 6 minutes environ Cette aspiration, tout en étant efficace (c'est-à-dire produc-
entraîne des séquelles neurologiques, d'où l'importance de tive), doit être brève (risque d'apnée réflexe), prudente (risque
chronométrer les gestes de réanimation néonatale. traumatique pour les muqueuses) et aseptique (porte d'entrée
infectieuse potentielle). La source de vide doit être réglée de telle
La normothermie sorte que lorsque le système d'aspiration est occlus, la pression
On doit, parallèlement aux gestes de réanimation, lutter négative doit être réglée entre –100 et –150 cmH2O.
contre le refroidissement, qui est d'autant plus rapide que En cas de liquide méconial et si le nouveau-né n'est pas
l'enfant est de plus petit poids et plus en difficulté. La tem- vigoureux, les données publiées dans la littérature ne permettent
pérature centrale d'un nouveau-né, laissé sans précaution à pas de recommander une intubation et une aspiration trachéale
22-24 °C, peut s'abaisser de 37 à 33 °C en 15 minutes. en routine chez les nouveau-nés non vigoureux nés dans un
Pour éviter tout refroidissement excessif, il faut : contexte de liquide amniotique méconial. Une intervention
■ pratiquer les premiers gestes sur une table de réanima- appropriée pour assurer une ventilation et une oxygénation effi-
tion néonatale disposant d'un chauffage efficace ; caces doit être initiée comme pour chaque enfant (c'est-à-dire
■ sécher et couvrir l'enfant dès les premières secondes (voir une ventilation au masque dans les premières minutes de vie).
Chapitre 5, « Gestes systématiques des premières minutes Elle peut inclure une intubation et une aspiration trachéale si les
de vie ») ; voies aériennes sont obstruées rendant ainsi la ventilation ineffi-
■ les nouveau-nés d'âge gestationnel inférieur à 28 SA et de poids cace. Trois techniques peuvent être utilisées.
de naissance inférieur à 1 500 g doivent être enveloppés immé- L'intubation oro- ou nasotrachéale suivie d'aspiration à tra-
diatement, sans être essuyés, dans un sac de polyéthylène ; vers le tube trachéal à l'aide d'une sonde de De Lee de calibre
■ dès que l'état du nouveau-né l'autorise, placer celui-ci dans approprié (n° 6 pour une sonde trachéale n° 3). Cette dernière
un incubateur de recueil préalablement chauffé à 35 °C ou a l'avantage de permettre immédiatement la ventilation artifi-
le laisser se réchauffer contre le corps de sa mère. cielle sur tube, mais a l'inconvénient d'être peu efficace (voire
On veillera toutefois à éviter toute hyperthermie (atten- dangereuse par obstruction) sur les bouchons de méconium.
tion notamment au nouveau-né de mère fébrile : la tempéra- L'intubation orotrachéale suivie d'aspiration directe par la
ture initiale de l'enfant est en moyenne supérieure à celle de sonde trachéale elle-même qu'on relie à la source de vide :
sa mère de 0,3 à 0,8 °C) ou en cas d'asphyxie périnatale qui elle est beaucoup plus efficace sur les bouchons de méco-
est susceptible de majorer les lésions cérébrales. nium, mais a l'inconvénient de nécessiter impérativement le
changement de sonde avant toute ventilation sur tube.
L'asepsie L'utilisation de la sonde d'aspiration buccopharyngée, qui
Tous les gestes doivent être pratiqués avec l'asepsie la plus est introduite dans la glotte et enfoncée de 2 à 3 cm, l'aspira-
stricte pour éviter toute contamination microbienne mas- tion étant pratiquée en retirant progressivement cette sonde,
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance    413

et le geste répété tant qu'elle est productive : pratiquée avec sonde trachéale. L'efficacité pourtant quotidiennement vérifiée
une sonde n° 8 ou 10, cette technique est régulièrement effi- de la ventilation au masque paraît donc être principalement
cace, mais elle nécessite éventuellement ensuite une intuba- liée à la stimulation des réflexes respiratoires du nouveau-né
tion trachéale pour ventilation artificielle sur tube. (par distension des récepteurs bronchiques) et au déclenche-
ment de ses mouvements respiratoires propres. C'est la raison
pour laquelle l'intubation trachéale est recommandée après 60
Ventilation manuelle en pression positive secondes de ventilation au masque, en cas d'arrêt cardiaque ou
Elle s'effectue à l'aide d'un petit ballon autogonflable à valve de bradycardie persistante, chez un enfant qui reste en apnée.
unidirectionnelle (exemple BAVU de 250 ml) ou d'un insuf- L'intubation doit être pratiquée de façon réglée (planche 32.1)
flateur manuel à pression contrôlée avec pièce en T à préfé- avec une sonde de calibre approprié (tableau 32.1).
rer et qui s'adapte à un masque facial pour nouveau-né, ou Chez le nouveau-né à terme, la fréquence des insufflations
qui est relié à une sonde trachéale d'intubation. doit être de 40/min, et leur durée de trois quarts de seconde
Les modèles de ballon actuellement sur le marché à 1 seconde environ ; les pressions recommandées sont de 15
(Ambu®, Laerdal®), alimentés avec six litres d'oxygène par à 20 cmH2O. Lors des premières insufflations délivrées à un
minute et munis de leur réservoir arrière d'oxygène, assurent nouveau-né apnéique, pour obtenir une première ouverture
en théorie les paramètres de ventilation suivants : alvéolaire pulmonaire satisfaisante, on peut augmenter la durée
■ FiO2 = 60–70 % (sans réservoir arrière d'oxygène = 40 %) ; d'insufflation jusqu'à deux ou trois secondes pendant quelques
■ pression d'insufflation maximale = 40 cmH2O (pouvant cycles. Les critères d'efficacité de la ventilation sont les suivants :
monter jusqu'à 50–55 cm, malgré la valve de sécurité, en ■ expansion régulière et symétrique des deux hémithorax
cas d'utilisation « forcée »). (l'insufflation est audible au stéthoscope dans les deux
En pratique, sur ces modèles, la FiO2 délivrée à l'enfant champs pulmonaires) ;
augmente avec le débit d'oxygène utilisé (elle n'est supé- ■ et surtout accélération des battements cardiaques parallè-
rieure ou égale à 75 %, quel que soit l'opérateur, que pour lement à la ventilation.
un débit supérieur ou égal à 10/min) et diminue quand les En cas de massage cardiaque associé, il est recommandé
pressions ou la fréquence augmentent. d'alterner les insufflations et les compressions thoraciques,
Il est actuellment recommandé pour un nouveau-né à sous forme d'une insufflation suivie de trois pressions
terme de débuter la ventilation avec une FiO2 à 21 % et de ­(« j'insuffle-2-3-j'insuffle-2-3, etc. ») sternales, chaque cycle
l'adapter en fonction de la SpO2 posée sur la main droite. Pour de quatre gestes durant au total deux secondes.
un nouveau-né prématuré, on peut débuter la ventilation avec
une FiO2 à 30 % et on l'adaptera aussi en fonction de la SPO2.
La pression d'insufflation réellement délivrée par un bal- Massage cardiaque externe
lon ne peut être que grossièrement estimée, d'où l'intérêt Il consiste à comprimer le thorax entre sternum et rachis,
d'adapter un manomètre de pression qui indique la pression sans que l'on sache exactement si c'est la compression
exercée sur le ballon. Un autre système consiste à relier l'ap- directe du cœur ou l'élévation de la pression intrathoracique
pareil de ventilation manuelle à un manomètre affichant les qui produit une éjection sanguine.
pressions obtenues. Le ballon peu aussi être relié à une valve Même correctement mis en œuvre, il n'assure que 20 à
de PEP qui sera réglée à 3–4 cmH2O, pouvant être augmentée 25 % du débit cardiaque normal. Une ventilation artificielle
jusqu'à 6 cmH2O chez un nouveau-né prématuré mais pas associée est indispensable.
au-delà. Les insufflateurs manuels à pression contrôlée sont à Placé à droite du patient, l'opérateur empoigne le thorax de
privilégier. (Neopuff Infant Resuscitator Fisher-Paykel®, Tom l'enfant dans ses deux mains, en plaçant ses doigts sur le rachis
Pouce Médipréma®). Ils représentent de ce point de vue un en arrière (pour réaliser un plan rigide) et ses pouces accolés
réel progrès, permettant l'administration d'une pression posi- ou croisés sur le tiers inférieur du sternum en avant, sur la ligne
tive d'insufflation (PPI) et d'une pression expiratoire positive médiane, à hauteur des mamelons (figure 32.2). Il exerce avec
(PEP) parfaitement contrôlées. On réglera les niveaux de la les pouces, 90 fois/min, une dépression de 1,5 à 2 cm environ.
PPI (pression positive d'insufflation à 20–25 cmH2O pour un Les critères d'efficacité du massage cardiaque externe
nouveau-né à terme et à 15–20 cmH2O pour un nouveau- sont les suivants :
né prématuré. Les niveaux de PEP ne seront identiques que ■ pouls proximaux palpables, les plus accessibles en pra-
pour une ventilation au ballon (4 à 6 cmH2O). tique étant les pouls huméraux ;
Quelle que soit la technique utilisée, la position de l'en- ■ temps de recoloration capillaire au front n'excédant pas
fant doit être bien contrôlée (figure 32.1) : tête de l'enfant 5 secondes ;
défléchie, application étanche du masque sur la bouche et le ■ pulsations perceptibles à la base du cordon ombilical.
nez de l'enfant par la main gauche de l'opérateur (qui luxe en
même temps le menton en avant), pressions sur le ballon (ou
obturation intermittente de la partie en T du circuit Neopuff®) Injection de solutés (figures 32.3 et 32.4)
effectuées par la main droite avec une force ou une durée Deux solutés sont employés pour la réanimation néona-
adaptée. En cas de ventilation au masque prolongée, une tale (tableau 32.2), surtout le sérum physiologique (ClNa à
vidange gazeuse gastrique doit être pratiquée toutes les trois 9 g/l) comme soluté de remplissage vasculaire ; indications :
à cinq minutes (par mise en place d'une sonde orogastrique). contexte de perte hémorragique ; pâleur ; état de choc et non
Chez le nouveau-né en état de mort apparente, le volume réaction à la réanimation bien menée :
gazeux ainsi réellement administré à chaque insufflation ne ■ soluté isotonique NaCl 0,9 % (sérum physiologique).
dépasse pas le tiers du volume obtenu par la ventilation sur Posologie : 10–15 ml/kg en intraveineux en cinq à dix minutes ;
414   Partie V. Techniques obstétricales

a b

c 1 2 3 4
Fig. 32.1. Ventilation au masque. Le masque est appliqué fermement sur la face avec le pouce et l'index et une contre-pression est exercée :
a. avec le majeur sur la symphyse du menton ; b. avec l'annulaire et l'auriculaire derrière l'angle de la mandibule (d'après [6]) ; c. application du
masque facial (d'après le support pédagogique de la Société Française de Néonatologie). La taille doit être adaptée à la morphologie du nouveau-
né et avec une position correcte doit assurer l'étanchéité. 1. masque de taille adaptée en bonne position ; 2. masque de taille adaptée en mauvaise
position ; 3. masque trop grand ; 4. masque trop petit.

■ culot globulaire O Rh (–). Connaître la procédure (proto- haut, en visant l'aire hépatique, et deux cas sont possibles
cole) pour en obtenir en urgence ; (figures 32.3 et 32.4) :
■ posologie : 15 ml/kg ; ■ il s'enfonce sans difficulté au-delà du deuxième repère
■ le sérum glucosé en solution hypertonique à 10 %, (10 cm) : son extrémité est dans l'oreillette droite, et on le
comme apport énergétique cardiaque et cérébral en cas laisse dans cette position ;
d'hypoglycémie ; ■ il bute, à plusieurs reprises, entre le premier (5 cm) et le
• deux abords vasculaires peuvent être utilisés pour injec- deuxième repère : il est engagé dans une branche hépa-
ter ces solutés. tique, et on doit le retirer jusqu'au premier repère au
moins avant toute injection. L'injection de solutés (ou de
Le cathéter veineux ombilical (KTVO), drogues) ne doit en effet s'effectuer qu'en aval (chaque
la méthode de choix en urgence fois que possible) ou à défaut en amont du foie, mais en
aucune manière directement dans la masse hépatique
Les préparatifs sont les suivants :
(risque ultérieur de cavernome portal) ; de toute façon,
■ désinfection de la région ombilicale et du cordon (placé laté-
elle ne doit être pratiquée que dans une position où le
ralement sur la paroi abdominale, quand il est encore long) ;
reflux de sang dans le cathéter est franc. Il est ensuite
■ après mise de gants stériles par l'opérateur, pose d'un
possible de clamper en masse cordon et cathéter, qu'on
champ troué, limitant la zone opératoire au point d'im-
recouvre d'une compresse stérile, afin de se ménager la
plantation du cordon et à ses trois premiers centimètres
possibilité de renouveler ultérieurement l'injection.
(pince de Barr sous le champ) ;
La survenue d'un état de choc lors de la mise en place du
■ section du cordon à 1,5–2 cm de son implantation
cathéter (choc « à la sonde ») nécessite son retrait immédiat
cutanée ;
et des manœuvres cardiorespiratoires de réanimation.
■ repérage des vaisseaux ombilicaux : veine large, flasque
et béante, souvent à midi ; artères spasmées et érectiles,
blanchâtres, souvent à 4 et 8 heures ; Ponction veineuse périphérique par cathéter court
■ préparation du cathéter (calibre n° 3,5 si < 1 000 g, n° 4 si > C'est la méthode la plus anodine et la moins dangereuse,
1 000 g) : adaptation à son extrémité d'un robinet à trois mais elle n'est pas toujours aisée ni possible dans les pre-
voies, et rinçage avec une solution de sérum physiologique. mières minutes de vie. Le site utilisé peut être un membre
Le cathéter est en règle générale facilement introduit supérieur (dos de la main, pli du coude) ou le dos du pied.
dans la lumière de la veine ombilicale, maintenue ouverte Cette voie est en fait surtout utilisée au décours des premiers
à l'aide d'une pince sans griffe. On le fait progresser vers le gestes de réanimation pour poser à l'enfant une perfusion continue.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance    415

Planche 32.1. Technique de l'intubation trachéale en salle de naissance


Voie orale : deux étapes successives

Exposition de la glotte

1. Les trois temps de l’exposition de la glotte.


D’après J. Laugier, F. Gold. Abrégé de néonatologie . Paris : Masson ; 1991.

2. Premier temps : introduire la lame du laryngoscope,


manche tenu par la main droite (opérateur droitier),
en biais (pointe à gauche) dans la partie droite de la
bouche, en refoulant la langue sur la gauche, jusqu'à
bien voir la luette.

3. Deuxième temps : ramener


le laryngoscope en position
médiane, puis pousser la lame
en profondeur jusqu'à bien voir
l'épiglotte.
416   Partie V. Techniques obstétricales

Planche 32.1. Suite

4. Troisième temps : tirer le manche du laryngoscope en haut et en avant ; quand la pointe de la lame est bien placée dans le sillon
glosso-épiglottique, cette manœuvre découvre parfaitement l'orifice glottique (il est inutile de « charger » l'épiglotte) (a, b, c).

5. Sans modifier sa position, passer le manche du laryngos-


cope de la main droite à la main gauche.

Mise en place de la sonde


 Enfoncer la sonde trachéale, tenue par
la main droite, entre les cordes vocales,
d'une distance de 2 cm (longueur de
l'extrémité noire de la sonde).
D’après R. Benson. Handbook of obstetrics
and gynecology, 4 th edition. Los Altos : Lange
Medical Publications ; 1971.
 Retirer le laryngoscope, tenu par la
main gauche, tout en immobilisant
la sonde au ras de la bouche entre
pouce et index droits.
 Fixer la sonde trachéale par une
« moustache » de sparadrap (X à
branches asymétriques) arrimée sur
le maxillaire supérieur, après avoir
vérifié le repère situé au ras de la
commissure buccale (tableau 32.1).
 Raccorder l'extrémité de la sonde au
ballon et commencer la ventilation
manuelle, en auscultant les deux champs
pulmonaires pour contrôler la symétrie
du murmure vésiculaire obtenu.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance    417

Voie nasale : deux manœuvres complémentaires

1. L'exposition de la glotte est précédée par l'introduction de la sonde


trachéale dans une des fosses nasales avec la pince de Magill, en l'enfonçant
initialement de 5 à 6 cm.
2. L'introduction de la sonde trachéale entre les cordes vocales est précédée
de l'introduction dans le pharynx de l'extrémité de la pince de Magill, qui
est utilisée pour pousser la sonde dans l'orifice glottique).
D’après G. Huault, M. Dehan, J.A. Lejeune. La réanimation de l’enfant à la naissance.
Collection « Cahiers Sandoz » (24). Paris : Sandoz ; 1973.

Bien veiller à la position

Position correcte
Position de la tête
Liberté des voies aériennes supérieures. Tête dans
l'axe du corps en position neutre (sans hyperextension
excessive). Possibilité de surélever les épaules avec un
linge pour aider à obtenir la bonne position de la tête.
D'après Réanimation du nouveau-né en salle de naissance. Trop en hyperextension
Groupe de travail de la Société Française de Néonatologie. 2016.

Trop fléchie

De la lame du laryngoscope
Strictement médiane et progressivement
enfoncée (trop poussée d'emblée = dans
la bouche œsophagienne, sans plus aucun
repère visible).
D’après G. Huault, M. Dehan, J.A. Lejeune. La
réanimation de l’enfant à la naissance. Collection
« Cahiers Sandoz » (24). Paris : Sandoz ; 1973.

De la main sur le manche du laryngoscope


À la partie moyenne, tirant le maxillaire inférieur en haut et en avant
comme avec un manche, et non à la partie basse, basculant le laryngoscope
comme un levier sur le maxillaire supérieur (moindre efficacité sur la base
de la langue, et risque traumatique sur la gencive supérieure).
418   Partie V. Techniques obstétricales

Tableau 32.1. Recommandations pour l'intubation


trachéale en salle de naissance.
Poids estimé Calibre de Repère (cm) Repère (cm)
de l'enfant (g) la sonde au ras de la au ras de la
trachéale (n°) commissure narine (voie
labiale (voie nasale)
orale)
1 000 2,5* 7 8,5
2 000 2,5 8 9,5
3 000 3 9 10,5
4 500 3,5 10,5 12
* Au-dessous de 1 000 g, on peut être contraint de recourir à une sonde de
calibre n° 2.l.
Fig. 32.3. Mise en place d'un cathéter veineux ombilical.

Fig. 32.4. Principaux repères du cathétérisme ombilical veineux.


Fig. 32.2. Technique du massage cardiaque externe chez le 1. Le cathéter a gagné l'oreillette droite par le canal d'Arantius et la
­nouveau-né (d'après [7]). veine cave inférieure. 2. « Fausse route » dans une branche de la veine
hépatique (d'après [7]).

Administration de drogues
Elle n'est que rarement nécessaire, les médicaments utilisés sont bradycardie prolongée, et en l'absence de toute voie d'abord
en nombre restreint (tableau 32.2), et l'adrénaline est le seul vasculaire, l'adrénaline peut efficacement être administrée
produit de pratique courante. L'adrénaline doit toujours être par voie intratrachéale : l'injection peut être faite directe-
diluée : une ampoule = 1 ml = 1 mg (1 000 μg) diluée avec 9 ml ment dans la sonde trachéale ou par l'intermédiaire d'une
de sérum physiologique (10 ml = 1 000 μg ; 1 ml = 100 μg). sonde d'aspiration introduite à travers celle-ci ; elle doit être
Les posologies recommandées par voie intraveineuse immédiatement suivie d'une VPP pour faire progresser le
sont : 10 à 30 μg/kg soit 0,1 à 0,3 ml/kg de la dilution sui- produit jusqu'à l'arbre bronchique profond.
vie d'un rinçage avec sérum physiologique de 0,5 à 1 ml sur En pratique, face à un arrêt cardiaque néonatal, il est
KTVO ou en intratrachéale (IT) en attendant la voie intra- possible :
veinseuse : > 50 à100 μg/kg, soit: > 0,5 ml/kg à 1 ml/kg de la ■ de faire une administration intratrachéale d'adrénaline
dilution, sans dépasser 3 ml, par le canal latéral ou dans le dès la mise en place de la sonde d'intubation ;
tube , et reprise en ventilation à pression positive. ■ si nécessaire, de renouveler l'injection par voie intra-
L'administration est habituellement effectuée par injec- veineuse dès la mise en place d'une voie d'abord
tion intraveineuse. Cependant, en cas d'arrêt cardiaque ou de vasculaire.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance    419

Tableau 32.2. Médicaments et solutés employés au cours de la réanimation en salle de naissance


(d'après Réanimation du nouveau-né en salle de naissance, Groupe de travail de la Société Française de
Néonatologie, 2016).
Médication Concentration Préparation Posologie/voie Dose totale Précautions
Adrénaline 1 : 1000 Dilution avec +9ml de – IV directe (CVO) Renouvelable si FC IV : Injection rapide.
1ml = 1 mg = 1000 sérum physiologique. (recommandée) : 10 < 60/mn : toutes les Rinçage avec du sérum
μg Produit final : à 30 µg /kg soit 0,1 3 à 5 minutes physiologique
10 ml = 1000 μg ml à 0,3 ml /kg de la
(1ml = 100 μg) dilution ; IT : maximum 3 ml.
– IT (si l'enfant est Faire suivre de 5
intubé en attendant insufflations
la voie IV ou si voie IV
impossible) : 50 à
100 µg /kg soit
0,5 ml /kg à 1ml /kg
de la dilution
Sérum physiologique Soluté isotonique Poches 50 ml 10 ml/kg À renouveler si Administration : 5 à
(remplissage) NaCl 0,9 % IV nécessaire 10 minutes
Culot globulaire O Rh (-) Poches selon centres 10–15 ml/kg IV À renouveler si Administration : 10–15
nécessaire minutes. Connaître la
procédure (protocole)
pour en obtenir
et l'administrer en
urgence
(le protocole doit être
affiché)
Sérum glucosé Solution 10 % Ampoules de 10 ml 1–3 ml/kg En fonction de la IV directe
IV glycémie
IM : intramusculaire ; IT : intratrachéal ; IV : intraveineux ; SC : sous-cutané.

Conduite à tenir tré érythrocytaire Rhésus O– CMV-négatif, ou de sérum


physiologique, en 5 à 10 min) ;
Préalables à la réanimation néonatale ■ la notion d'accouchement à risque (fœtal) élevé, et en
Préparation matérielle particulier : mère diabétique insulinodépendante (risque
d'hypoglycémie précoce), incompatibilité sanguine fœto-
Pour un accueil réglé du nouveau-né, une équipe médicale maternelle, en particulier Rhésus (risque d'anémie initiale),
d'au moins deux personnes, dont une bien entraînée à ce accouchement prématuré (plus grande fréquence des diffi-
genre de secourisme, est nécessaire. Il faut qu'elle se trouve cultés respiratoires de l'enfant et des difficultés techniques
sur place dix à 15 minutes avant l'accouchement afin de pro- à les surmonter), accouchement gémellaire (risque plus
céder aux divers préparatifs techniques (tableau 32.3). important de dépression initiale chez le deuxième jumeau),
fièvre maternelle supérieure à 38 °C (risque de choc infec-
Information médicale tieux précoce par contamination maternofœtale).
L'équipe de réanimation doit être parfaitement informée
des données concernant le haut risque en salle de naissance,
c'est-à-dire qu'en pratique cinq renseignements fondamen- Conduite pratique
taux doivent lui être communiqués :
■ l'existence probable d'une asphyxie périnatale (risque de Cas habituels
naissance en état de mort apparente) ; L'algorithme général de la réanimation en salle de naissance
■ le caractère clair ou teinté du liquide amniotique (risque est présenté à la figure 32.5. Les nouveau-nés qui remplissent
d'inhalation méconiale) ; correctement les quatre conditions initiales (à terme, liquide
■ l'administration de drogues dépressives à la mère (risque amniotique clair, bonne adaptation respiratoire, bon tonus
de dépression respiratoire initiale ou surtout secondaire musculaire) ne justifient aucune réanimation et font seule-
de l'enfant entre la 2e et la 5e minute de vie). Il faut tenir ment l'objet de soins de routine.
compte de toute administration de drogue par voie Les étapes initiales doivent être mises en œuvre pour tout
parentérale dans un délai de 12 heures avant la naissance ; nouveau-né qui ne remplit pas totalement ces conditions.
■ la notion d'accouchement hémorragique, notamment par Ces premières manœuvres, dont la durée totale est de 20–30
saignement d'un placenta praevia (risque d'état de choc secondes (séquence A), consistent à :
hypovolémique du nouveau-né, rendant relativement ■ prévenir le refroidissement par l'installation de l'enfant
inefficaces les mesures habituelles de réanimation jusqu'à sur une table de réanimation chauffante et un séchage
un remplissage vasculaire salvateur : 10 ml/kg de concen- immédiat ;
420   Partie V. Techniques obstétricales

Tableau 32.3. Préparation matérielle Cas particuliers


à la réanimation néonatale. Cas du nouveau-né endormi par l'anesthésie
Allumage de la table de réanimation de sa mère
Commande centrale, lumière, chauffage Les enfants qui naissent par césarienne, ou plus générale-
Vérification du matériel d'aspiration
ment après toute anesthésie maternelle, présentent parfois
une dépression respiratoire secondaire au bout d'une à deux
Source de vide (100 à 200 cmH2O ou mmHg ou mbar), sondes minutes de vie.
d'aspiration, flacon de rinçage (à changer pour chaque patient),
vidange du bocal de recueil
Celle-ci est plus fréquente après une anesthésie générale
maternelle, mais peut également se rencontrer après une
Vérification du matériel de ventilation manuelle analgésie péridurale. Dans ce cas particulier du nouveau-
Source d'O2 (4 à 6 l/min), humidification (éventuelle) du circuit, né « endormi » par des drogues dépressives administrées à
ballon, masque ; éventuellement préparation de l'insufflateur la mère, l'état cardiorespiratoire de l'enfant est bon tant que
pneumatique (Neopuff®, Tom Pouce ®) l'on assure une ventilation au masque efficace, mais il se
Vérification du matériel d'intubation détériore rapidement (cyanose, bradycardie) dès qu'on l'in-
Sondes trachéales avec raccord de branchement au ballon, terrompt : cette donnée évolutive permet en règle générale
laryngoscope, pince de Magill, moustache de fixation en de distinguer facilement cette circonstance d'une asphyxie
sparadrap, sondes d'aspiration trachéale de De Lee néonatale.
Vérification du matériel de cathétérisme veineux ombilical Il est donc nécessaire de poursuivre la ventilation assistée
(parfois plusieurs minutes) jusqu'à l'instauration d'une res-
Cathéters, gants, boîte d'instruments, robinets à 3 voies, champ
piration autonome efficace de l'enfant : aucun geste supplé-
troué de protection, compresses, désinfectant et matériel de
perfusion veineuse périphérique
mentaire n'est en règle générale indiqué.
Cependant, quand on a la certitude que la dépression
Préparation des solutés et des « drogues »
est d'origine morphinique, elle peut être abrégée par
Sérum glucosé à 10 %, adrénaline, sérum physiologique, l'injection (intramusculaire) de 0,1 mg/kg de naloxone
aiguilles, seringues (Narcan®) : l'effet de cet antidote est parfois transitoire, et
Incubateur de recueil chaud (35 °C) et reliéà une source d'O2 son administration ne dispense en aucune manière d'une
Lavage des mains
assistance et d'une surveillance respiratoires prolongées ;
son administration est contre-indiquée chez le nouveau-
Habillage du personnel : casaque propre, calot, bavette
né de mère toxicomane (risque d'état de mal convulsif par
Stéthoscope autour du cou de l'opérateur, bonnet et langes sevrage brutal).
propres à faire chauffer sur la table de réanimation
Branchement de l'oxymètre de pouls, scope ECG
Cas du prématuré de très faible poids de naissance
Étalonnage du pèse-bébé électronique
Chez les grands prématurés et les nouveau-nés de très faible
poids de naissance (moins de 33 semaines d'âge gestationnel
et/ou moins de 1 500 g), les difficultés cardiorespiratoires
■ assurer la liberté des voies aériennes par mise en position initiales sont fréquentes et de causes multiples (asphyxie,
correcte de l'enfant (en décubitus dorsal, la tête légère- médicaments, etc.). Les manœuvres de réanimation respira-
ment déclive, avec le cou dans une position d'extension toire obéissent donc à des règles particulières :
modérée sur le tronc) et la désobstruction des voies ■ il est souhaitable de recourir d'emblée à l'utilisation d'une
aériennes supérieures et éventuellement inférieures ; pression expiratoire positive de + 3–4 cmH2O, d'où l'inté-
■ exercer des stimulations tactiles destinées à déclencher rêt chez eux des insufflateurs pneumatiques ;
ou renforcer les premiers mouvements respiratoires : sur ■ il ne faut pas tarder à recourir à l'intubation trachéale en
le pied (petites claques sur la plante du pied, ou piche- cas de difficultés respiratoires persistantes, notamment
nettes sur le talon) ou dans le dos (frictions rapides et chez les nouveau-nés de moins de 28 SA et/ou de 1 000 g ;
fermes du dos). Elles sont contre-indiquées en cas de ■ l'administration précoce (le plus précocement possible
liquide méconial. avant M60) de surfactant exogène (Curosurf®, 200 mg/kg)
L'évaluation du nouveau-né repose ensuite sur trois élé- a fait la preuve de son intérêt chez les prématurés de
ments principaux : les mouvements respiratoires spontanés, moins de 28 SA à haut risque de détresse respiratoire par
le niveau de la fréquence cardiaque comptée sur six secondes déficit en surfactant pulmonaire.
et la coloration périphérique de l'enfant. Ces trois éléments
permettent de juger de la conduite à tenir ultérieurement Conduite à tenir devant un liquide amniotique teinté
(séquences B, C, D). Le fœtus émet son méconium dans le liquide amniotique
En cours de réanimation, il est souhaitable de coter le dans 13 % des naissances en moyenne, avec une concentra-
score d'Apgar à la première, à la cinquième et à la dixième tion variable : liquide amniotique simplement teinté mais
minute de vie, pour documenter ultérieurement l'évolution fluide dans trois quarts des cas ; liquide amniotique épais,
de l'état du nouveau-né (selon la cotation d'Apgar : état de visqueux, particulaire, de type purée de pois (liquide amnio-
mort apparente = score < 3 à 1 minute de vie). tique méconial) dans un quart des cas.
Chapitre 32. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance    421

Naissance

3 questions à se poser : Bonne adaptation extra-utérine


Oui, à toutes les questions Clampage retardé du cordon
1. À terme ?
2. Respire et/ou crie ? Pas de nécessité de réanimation
3. Bon tonus musculaire Soins habituels, chaleur, séchage
Désobstruction si nécessaire
Privilégier la relation mère-enfant
Non, à une ou plusieurs questions Soins éventuels en rapport avec l’anamèse
(ex : prélèvements bactériologiques)
PHASE A Poursuivre la surveillance clinique de la
Chronomètre respiration, l’activité, la coloration
Liberté des VA
Normothermie
Stimulations (si absence de
respiration
a

CHRONO Phase A

Soins de routine
Surveillance

NON

Respiration efficace Difficultés respiratoires


ou FC > 100/mn ? ou cyanose
OUI persistante ?
N
O NON
OUI
R En l’absence
M de SpO2
O respiration Apnées/gasps VS PEP ?
T efficace, la FC < 100/mn
H ventilation
E doit être
R débutée
avant la fin Soins de post-réa
M
I de la 1ère mn
E de vie
PHASE B
Efficacité VPP = soulèvement du thorax
VPP (masque)
Si absence : positionner, désobstruction ;
1 mn Scope ECG
envisager l’intubation
b SpO2

CHRONO Phase A

N
O
R Phase B
M
O
T
H Phase C
E
Arrêts CT
R OUI Poursuite VPP
M
FC > 60/mn ? Intubation ?
I
Stabilisation
E
Soins de post-réa
Évaluation 30 à
45 s après début NON
CT + VPP

PHASE D Gestes techniquement corrects ?


VPP sur SIT + CT Efficacité ventilation sur tube ?
Pose CVO Hypovolémie ?
Adrénaline IV Malformations congénitales ?
Expansion volémique ? HD, cardiopathies ?
c
Fig. 32.5. Trois phases de l'algorithme de la réanimation en salle de naissance [4] : a. phase A ; b. phase B ; c. phase C qui peut aboutir à
la phase D (drugs : médicament adrénaline). VA : Voies Aériennes ; VPP : Ventilation Pression Positive ; VS PEP : Ventilation Spontanée en Pression
Expiratoire Positive ; CT : Compressions Thoraciques ; CVO : Cathéter Veineux Ombilical ; SIT : Sonde Intubation ; HD : Hernie Diaphragmatique.
422   Partie V. Techniques obstétricales

Quand du méconium a été émis dans le liquide amnio- d'une hypotonie) doivent être systématiquement confiés à une
tique, il y a un risque de présence de ce méconium au-dessous unité de néonatologie, pour évaluation précoce et surveillance.
du plan des cordes vocales (inhalation méconiale, 20–45 % des Il faut en particulier toujours rechercher la cause des difficul-
cas de liquide amniotique teinté) et donc un risque potentiel tés initiales de l'enfant ; une infection maternofœtale doit être
d'apparition d'une détresse respiratoire néonatale secondaire à systématiquement évoquée chaque fois que cette cause n'appa-
cette inhalation (syndrome d'inhalation méconiale, 2–9 % des raît pas évidente, et des prélèvements bactériologiques doivent
cas de liquide amniotique teinté, soit 1–3 % des naissances). alors être pratiqués chez la mère et chez l'enfant.
Pour la prévention du syndrome d'inhalation méconiale, Un nouveau-né qui a été intubé dans la première minute
deux situations doivent être distinguées : de vie, et chez lequel est ensuite obtenue une récupération
■ le nouveau-né est vigoureux : mouvements respiratoires effi- rapide et complète, peut être extubé en salle de naissance
caces, bon tonus musculaire, fréquence cardiaque rapide ; lorsque l'évaluation de son état au décours de la réanima-
une désobstruction buccopharyngée soigneuse est suffi- tion est satisfaisante : mouvements respiratoires spontanés
sante et aucune manœuvre supplémentaire n'est indiquée ; efficaces, fréquence cardiaque stable supérieure à 100 par
■ le nouveau-né est déprimé : mouvements respiratoires minute, coloration normale après arrêt de toute oxygéno-
faibles ou absents, tonus diminué ou aboli, cœur ralenti ; thérapie. L'extubation est pratiquée sous aspiration, par
il convient alors, dès que le nouveau-né est déposé sur l'intermédiaire d'une sonde de De Lee de calibre approprié
la table de réanimation, et avant toute autre manœuvre, introduite dans la sonde trachéale et remontée simultané-
d'aspirer le liquide présent dans la bouche et le pharynx ment à la sonde d'intubation.
en s'aidant de la vision directe procurée par le laryngos- Dans les situations exceptionnelles où aucune fonction car-
cope, puis de procéder à l'aspiration trachéobronchique. diaque n'a pu être durablement obtenue après 15 à 20 minutes
Une aspiration trachéobronchique peut s'imposer secon- d'une réanimation immédiatement et correctement mise
dairement chez un enfant initialement vigoureux, notam- en œuvre, l'arrêt de réanimation peut raisonnablement être
ment devant la constatation d'une cyanose persistante ou de décidé, l'enfant étant alors accompagné au décès. Cependant,
râles bronchiques à l'auscultation pulmonaire ; dans tous les dans les situations intermédiaires de récupération très incom-
cas, il est indispensable d'aspirer la trachée et les bronches plète et/ou instable, le principe de la réanimation d'attente doit
avant toute insufflation en pression positive. être adopté : sans aucune discontinuité des soins qu'il reçoit,
l'enfant doit être transféré dans une unité de réanimation néo-
natale où, après évaluation clinique et paraclinique complète,
La postréanimation une décision documentée et personnalisée pourra être prise
Les gestes de réanimation appliqués au nouveau-né com- quant à l'opportunité de poursuivre les soins intensifs ou au
portent des complications propres qui peuvent prolonger contraire de limiter ou d'arrêter les traitements selon les pres-
ses difficultés : criptions de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique.
■ pneumothorax par insufflation sous pression excessive,
souvent du côté droit ;
■ dyspnée obstructive de type laryngé, secondaire à une Références
désobstruction buccopharyngée traumatisante ;
■ fracture de côtes, due à un massage cardiaque externe [1] Benson R. Handbook of obstetrics and gynecology. 4e éd. Los Altos :
Lange Medical Publications ; 1971.
violent et mal appliqué.
[2] Perlman J.-M, Wyllie J, Kattwinkel J, et al. Neonatal Resuscitation
Même dans les cas les plus favorables (récupération 2015 International Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation
rapide et complète), un nombre minimal de gestes doit être and Emergency Cardiovascular Care Science With Treatment
effectué : Recommendations. Circulation 2015 ; 132(suppl 1) : S204–41.
■ premier examen clinique complet de l'enfant, compor- [3] Godde F, Norbert K, le group de travail de la SFN. Réanimation du
tant notamment la vérification de la perméabilité œso- nouveau-né en salle de naissance. Support pédagogique. Sauramps
phagienne (voir chapitre 5 p. 81) ; médical Montpellier ; 2012.
■ administration de vitamine K1 (2 mg) et désinfection [4] Gold F, Blond MH, Lionnet C, et al. Pédiatrie en maternité.
oculaire ; Réanimation en salle de naissance. 3e éd. Issy-les-Moulineaux :
■ surveillance régulière dans les heures suivantes, portant Elsevier-Masson ; 2009.
[5] Huault G, Dehan M, Lejeune JA. La réanimation de l'enfant à la nais-
notamment sur : la fréquence respiratoire, la coloration,
sance. Coll. « Cahiers Sandoz », 24. Paris : Sandoz ; 1973.
l'éveil et la réactivité de l'enfant. [6] Lansac J, Magnin G, Sentilhes L. Obstétrique pour le praticien, 6e éd.
Les nouveau-nés qui ont bénéficié d'une réanimation collection « Pour le praticien ». Paris : Elsevier-Masson ; 2013, 584p.
« lourde » en salle de naissance (naissance en état de mort appa- [7] Laugier J, Gold F. Abrégé de néonatologie. Paris : Masson ; 1991.
rente ou inhalation méconiale documentée par la présence de [8] Perlman JM, Wyllie J, Kattwinkel J, et al. Neonatal resuscitation :
méconium sous les cordes vocales) et ceux dont la récupéra- 2010 International Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation
tion n'est pas complète après une réanimation plus légère (per- and Emergency Cardiovascular Care Science With Treatment
sistance de difficultés respiratoires, d'une altération du teint, Recommendations. Circulation 2010 ; 122(16Suppl2) : S516–38.

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