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Crise des droits de l'homme et fabrication d'une

nouvelle catégorie humaine


Raphaëlle Nollez-Goldbach
Dans Tumultes 2005/2 (n° 25), pages 75 à 84

Article

L a question des droits de l’homme est aujourd’hui au centre du débat politique


contemporain. Mais d’emblée elle se trouve écartelée entre une multiplication de
textes internationaux à son sujet et une inefficacité constatée à protéger les plus
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démunis. Jamais les droits de l’homme n’ont été plus revendiqués et formellement
reconnus qu’à notre époque. Les conventions, traités ou déclarations internationaux
sur ces droits ont proliféré. Outre la Déclaration universelle des droits de l’homme et
les deux Pactes de l’ONU concernant les droits civils, politiques, économiques,
sociaux et culturels, on peut citer, entre autres, la Convention sur la répression et la
prévention du crime de génocide, les Conventions internationales sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination, la Convention contre la torture, la
Convention relative aux droits de l’enfant, sans oublier les textes émanant des
différentes organisations régionales [1].

Pourtant, force est de constater que ces textes n’ont en rien permis d’assurer 2
l’effectivité des droits de l’homme. Alors même que ces droits sont désormais placés
en tête du discours et des revendications politiques, à l’échelle de la planète ils
restent largement inappliqués et s’avèrent inadaptés aux situations nécessitant leur
mise en œuvre. C’est donc le concept même de droits de l’homme qui se trouve
aujourd’hui confronté à une crise.

Ces droits se sont en effet révélés inefficaces à de nombreuses reprises au cours du 3


XXe siècle, incapables d’assurer une protection effective, notamment aux hommes
ayant perdu leurs droits de citoyen. Plusieurs événements historiques, tels que
l’apparition de nombreux réfugiés et la création de camps de concentration, ont
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révélé un détachement des droits de l’homme de ceux du citoyen, ainsi que leur  Ajouter
inefficacité à protéger les hommes déchus de leurs droits nationaux. La crise qui
affecte aujourd’hui les droits de l’homme, initiée avec leur incapacité à s’appliquer
aux réfugiés et aux apatrides, est désormais aggravée par l’assimilation des droits de
l’homme au droit humanitaire.

Par ailleurs, le fonctionnement de la société internationale, toujours organisé autour 4


des différentes souverainetés et marqué par l’absence d’un système juridique supra-
étatique s’imposant à tous de manière contraignante, empêche les droits de l’homme
de devenir efficients. Qu’est-ce en effet qu’un droit s’il ne peut être garanti ? Face au
caractère contractuel de la reconnaissance internationale des droits de l’homme —
laissée au libre choix des Etats — et à un système international toujours assujetti à la
domination des souverainetés étatiques, les droits de l’homme restent privés des
instruments juridiques nécessaires à leur effectivité.

La perte d’universalité des droits de l’homme, qu’on n’invoque guère plus qu’à propos 5
des catégories humaines rejetées hors des Etats, a entamé la notion même d’humain
et participé à la fabrication d’une nouvelle catégorie humaine, dépourvue de tout
droit politique ou civil. Ces exclus et ces sans-droits ne méritent désormais plus que
charité de la part de la communauté.

La crise qui affecte le concept de droits de l’homme a connu plusieurs étapes au cours 6
du siècle. Elle s’est notamment cristallisée dans la figure du réfugié, qui n’a cessé de
prendre une place de plus en plus importante, la très forte augmentation dans le
monde du nombre des individus rejetés dans cette catégorie étant un des
phénomènes marquants du XXe siècle. Cet afflux massif de réfugiés, chassés ou
fuyant leur pays d’origine, a profondément déstabilisé les Etats et a été le premier
révélateur de l’inadaptation des droits de l’homme. L’apparition de la figure du
réfugié a non seulement marqué l’entrée en crise des droits de l’homme mais
constitue encore aujourd’hui le symbole le plus éclatant de leur échec.

Hannah Arendt a montré comment la multiplication des réfugiés et des apatrides 7


après la Première Guerre mondiale avait entraîné « la fin des droits de l’homme [2] ».
Face à l’arrivée massive de réfugiés, les Etats-nations se sont montrés incapables de
les intégrer à la communauté, les privant de tout droit, instaurant une inégalité
juridique entre ces nouveaux arrivants et leurs nationaux et multipliant les camps
d’internement et les expulsions. Arendt a également mis en lumière l’assimilation de
la notion de droits de l’homme avec celle de droits des peuples, le peuple, et non
l’individu, ayant été considéré comme l’image de l’homme. « A peine l’homme venait-
il d’apparaître comme un être complètement émancipé et autonome, portant sa
dignité en lui-même sans référence à quelque ordre plus vaste et global, qu’il
disparaissait aussitôt pour devenir membre d’un peuple [3] ». Ainsi un homme ayant
été exclu de la communauté et déchu de ses droits nationaux ne peut plus prétendre
à ses droits de l’homme.

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Ce qui est révélé ici est un mouvement parallèle de dissolution du citoyen dans le 8
national. En effet, « la citoyenneté a été absorbée (et par là dénaturée) par la
nationalité, elle-même sous l’entière maîtrise de l’Etat souverain [4] ». C’est la nation,
composée de l’ensemble des individus formant le peuple et transformés en citoyens,
qui détient la souveraineté qui se réalise dans l’Etat. L’article 3 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 attribue ainsi la souveraineté à la Nation en
énonçant que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
Nation ». La Constitution française actuelle ne dit pas autre chose en son article 3 qui
proclame que « la souveraineté nationale appartient au peuple ». Ainsi dans les Etats
modernes c’est la nation et l’appartenance au peuple qui la constitue qui prévalent.
La souveraineté « ne concerne […] que les nationaux qui sont aujourd’hui les seuls
citoyens [5] ». L’universalité des droits de l’homme est ainsi perdue dans cette
dissolution de la notion de citoyen dans celle de national qui exclut des droits
politiques les étrangers. « Le citoyen se définit d’abord par opposition à l’étranger, et
la citoyenneté apparaît à cet égard comme un sous-ensemble de la nationalité [6] ».

Le cas du réfugié, privé de droits car n’étant pas national d’un Etat, illustre donc 9
effectivement la crise des droits de l’homme. Figure par essence de l’être humain
puisqu’il se présente dépouillé de la protection d’un Etat, qu’il a perdu ses droits de
citoyen, il aurait dû incarner les droits de l’homme, en être la figure même. Or en
réalité cet homme se retrouve dépourvu de droits. Les droits de l’homme ont ainsi
dans un premier temps été annihilés par les droits du citoyen, eux-mêmes dissous
dans les droits nationaux, avant de s’en détacher pour former une catégorie
autonome et insuffisante invoquée seulement pour s’appliquer aux individus rejetés
« aux marges des Etats-nations [7] ».

La séparation droits de l’homme/droits du citoyen, entamée et rendue visible avec la 10


figure du réfugié, a également été confirmée dans la politique d’extermination du
régime nazi. Les nazis se sont en effet d’abord attachés à destituer les juifs de leurs
droits de citoyen avant de nier leur condition même d’êtres humains et de les
envoyer en camps de concentration. Cette politique de dénationalisation a constitué
l’aboutissement extrême d’un mouvement général en Europe initié avec la Première
Guerre mondiale et qui a vu les Etats multiplier les lois prévoyant la
dénationalisation de certains de leurs citoyens. La France, le Portugal, la Belgique, la
Grèce, l’Italie, l’Autriche, la Russie, l’Egypte et la Turquie ont tous adopté au début du
siècle des mesures permettant d’ôter la citoyenneté à leurs nationaux selon des
critères assez malléables. Les droits du citoyen étaient ainsi devenus une notion
fluctuante et incertaine, ne s’appliquant plus qu’à certains individus et rejetant les
autres dans un statut de sans-droits.

Ce que les camps nazis ont également expérimenté, c’est une perte totale des droits, 11
qui va jusqu’à la possibilité même de lutter pour eux. La perte des droits de l’homme
ne signifie pas simplement pour un individu une perte de liberté comme lors de la
perte de ses droits de citoyen, par exemple dans le cas d’un prisonnier dont le droit à
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la liberté est pour un temps suspendu. La perte des droits de l’homme empêche,  Ajouter
comme l’a montré Hannah Arendt, « jusqu’à la possibilité de lutter pour la liberté [8] ».
Dans un camp de concentration cette lutte pour la liberté s’avère impossible. C’est
donc l’abolition totale de tout droit humain qui a été réalisée par le système
concentrationnaire, entérinant non seulement la séparation des droits de l’homme et
des droits du citoyen mais aussi l’inexistence de droits pourtant proclamés comme «
inaliénables ». Les sans-droits se retrouvent ainsi privés de toute appartenance à une
communauté. Pour Arendt « quelque chose de bien plus fondamental que la liberté et
la justice, qui sont des droits du citoyen, est en jeu lorsque appartenir à la
communauté dans laquelle on est né ne va plus de soi [9] ». Les individus qui se
retrouvent privés des droits de l’homme perdent en réalité leur « droit d’agir », leur «
droit d’avoir des droits », de lutter pour ces droits.

Une fois atteintes cette scission définitive entre droits du citoyen et droits de 12
l’homme et la dérive de ces derniers vers les catégories de plus en plus nombreuses
des exclus de la communauté, une nouvelle domination des droits de l’homme par
une autre catégorie de droits s’est mise en place. Mais le nivellement a, cette fois, eu
lieu par le bas, puisque c’est le droit humanitaire qui a désormais assis son ascendant
sur les droits de l’homme.

Le droit humanitaire est à l’origine applicable à la guerre et aux conflits armés. Il a 13


pour but la protection des militaires blessés, des prisonniers de guerre et des civils,
ainsi que la limitation des moyens de la guerre. Alors qu’aujourd’hui la guerre est
censée être bannie des relations internationales par l’article 2 de la Charte des
Nations Unies — qui impose à ses membres de s’abstenir « de recourir à la menace
ou à l’emploi de la force » —, le droit humanitaire connaît une extension sans
précédent de son domaine d’action. Considéré comme « le droit des droits de
l’homme applicable en cas de conflit [10] », il regroupe ainsi lors des conflits armés les
deux branches du droit de la guerre et des droits de l’homme. Mais désormais, même
en temps de paix, le droit humanitaire s’applique de plus en plus souvent et couvre
des catégories d’individus exclus de tout droit — c’est le cas des réfugiés. Alors que
les droits de l’homme se sont détachés des droits du citoyen pour n’être plus
invoqués que comme une catégorie autonome et insuffisante, il faut bien reconnaître
que c’est désormais le droit humanitaire qui a investi cet espace et a étendu son
champ d’application en dehors des périodes et des lieux de conflits. Le droit
humanitaire s’est dorénavant étendu à toutes les situations de désastres massifs.

Cette extension est également visible lorsque, en temps de guerre ou de crise, 14


certains droits de l’homme se trouvent temporairement limités. En effet, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques prévoit en son article 4 que « dans
le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation » il peut être
dérogé aux droits énoncés, à l’exception toutefois du droit à ne pas être privé
arbitrairement de la vie, de l’interdiction de la torture et de l’esclavage, ainsi que de
certains droits concernant la légalité des peines [11]. Le droit humanitaire prend alors
le relais des droits de l’homme. Il représente les droits humains minimaux assurés
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aux individus, droits qui ne peuvent être suspendus quel que soit le contexte,  Ajouter
principalement le droit à la dignité qui recouvre l’interdiction de la torture, de
l’esclavage, des traitements inhumains, et le droit à l’intégrité physique et morale.
Pendant les conflits armés, le droit international ne fait plus de la suppression de la
vie un crime, une violation des droits de l’homme. Le droit humanitaire étant la Lex
specialis s’appliquant prioritairement, il faut alors montrer qu’il y a eu violation des
règles de la guerre pour que le droit à la vie redevienne effectif.

Ainsi les droits élémentaires de l’homme ne sont pas garantis par les droits de 15
l’homme mais par le droit humanitaire, qui a progressivement englobé les droits de
l’homme. Il ne s’agit pourtant pas de la rencontre de ces deux branches du droit
humain visant à former un bloc solide qui puisse assurer une base de droits humains
intangibles en toutes circonstances, mais bien de la dissolution de l’idée de droits de
l’homme dans celle d’une protection qui ne serait plus qu’humanitaire, vidée de l’idée
de droits politiques et civils mais entendue comme droits minima à la survie et à la
charité [12].

On peut aussi souligner un mouvement de détachement parallèle qui affecte les 16


droits de l’homme ainsi que le droit humanitaire et qui concerne les réfugiés. Leur
condition humaine d’exception est mise en lumière par la création d’un droit
spécifique des réfugiés (Convention de l’ONU relative au statut des réfugiés de 1951
ainsi que son Protocole de 1966 et Convention de l’OUA sur les aspects propres aux
problèmes des réfugiés en Afrique de 1969). Ce droit entre en application en
complémentarité du droit humanitaire — la Convention de Genève prévoyant la
protection des réfugiés en tant que victimes de conflits — tout en comportant des
règles de protection et d’application autonomes. La figure du réfugié continue donc
d’être le révélateur de la crise des droits de l’homme, puisque après avoir révélé
l’existence d’hommes privés de tout droit, elle a été à l’origine de la constitution d’un
droit spécifique et unique en son genre, preuve de l’ineffectivité des droits de
l’homme.

Enfin, il faut souligner que l’organisation même du système international, basée sur 17
les souverainetés étatiques et le contrat, non seulement a rendu les droits de
l’homme inopérants mais encore a généré la séparation droits de l’homme/droits du
citoyen.

Le principe de souveraineté, qui continue d’être la règle du système international, 18


constitue en effet un frein et pour l’obligation de reconnaissance des droits de
l’homme par tous les Etats, et pour la construction d’une justice internationale
efficace. Les textes internationaux protégeant les droits de l’homme ne sont que des
contrats — conventions, traités ou accords — sans force contraignante pour les Etats
ayant refusé d’y adhérer. « Chaque Etat souverain n’accepte pour droit dans l’ordre
international que ce à quoi il a préalablement consenti [13] ».

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La création de la Cour Pénale Internationale révèle ce fonctionnement et en montre 19
les limites. La Cour n’a pas été instituée par une décision du Conseil de sécurité, ce
qui l’aurait rendue contraignante pour tous les membres de l’ONU. C’est une fois de
plus la méthode du libre choix des Etats qui a été préférée afin de ménager les
souverainetés. La compétence de la CPI se voit ainsi réduite aux Etats ayant reconnu
la Cour et n’accorde pas de voie d’accès aux individus. La réaction des Etats-Unis à
l’égard de la CPI est un exemple frappant du problème de la contractualité du droit
international. Refusant d’adhérer au statut de la Cour, les Américains ont multiplié
les accords bilatéraux d’immunité avec les autres Etats pour que leurs ressortissants
échappent à sa juridiction, et ce même avec certains des Etats parties à la CPI. De
plus, ils pourront aussi bloquer la saisine de la Cour sur initiative du Conseil de
sécurité, en leur qualité de membre permanent disposant d’un droit de veto.

Les nouvelles institutions de la justice internationale, les deux Tribunaux Pénaux 20


Internationaux et la CPI, représentent indéniablement des avancées pour le droit
international et la garantie des droits de l’homme. Pour la première fois une cour
permanente est instituée au niveau international. Qui plus est, sa juridiction
s’applique indépendamment « des positions statutaires des criminels poursuivis [14] ».
Cependant le travail de ces institutions se heurte aux souverainetés étatiques. Les
procès en cours devant les tribunaux ad hoc se déroulent lentement et difficilement et
la mise en place de la CPI s’est étalée sur 50 ans. Envisagée dès 1948, il a fallu attendre
la fin de la guerre froide pour que les travaux présidant à son établissement puissent
réellement aboutir. Sa compétence n’est que « complémentaire des juridictions
pénales nationales » et le Conseil de sécurité dispose du droit d’imposer un « sursis à
enquêter ou à poursuivre [15] » pendant un an renouvelable. De plus, la compétence de
la CPI ne s’étend pas sur la totalité des droits de l’homme. Elle ne garantit que les
droits portant atteinte à la vie et à la dignité et réprime les crimes internationaux,
tels que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Elle relève
en fait du droit humanitaire.

Le système juridique international conforte donc la suprématie du droit humanitaire 21


sur les droits de l’homme. De par son organisation, son fonctionnement et ses
faiblesses, il participe de la séparation des droits de l’homme des droits du citoyen. «
L’individu dispose, dans l’ordre interne comme dans l’ordre international, seulement
des droits que lui ont reconnus les Etats, par leurs dispositions constitutionnelles ou
par leurs engagements internationaux. Qui plus est ces droits, même une fois
reconnus, sont considérablement fragilisés par la faiblesse des mécanismes
juridiques de contrôle et d’application. Ainsi, a-t-on fait de droits énoncés parce que
préexistants, des droits conditionnés car octroyés [16] ». La séparation des deux
catégories de droits est ainsi à l’œuvre à travers le fonctionnement de la société
internationale. L’individu se trouve réduit au rang de national, ne détenant que des
droits « consentis ».

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La notion de droits de l’homme a ainsi connu au cours du siècle une importante 22
évolution, aboutissant à l’impasse où elle est aujourd’hui enfermée. On s’aperçoit que
l’idée de droits de l’homme s’écroule quand l’homme n’est pas citoyen. Cette scission
est en fait perceptible dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Après avoir énoncé en son article premier que tous les hommes « naissent et
demeurent libres et égaux », la Déclaration assigne pour tâche aux droits du citoyen
dès son article suivant de conserver les droits de l’homme [17] : « le but de toute
association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l’homme ». La Déclaration postule une continuité linéaire entre l’homme et le
citoyen, usant pour cela de la loi, expression de la volonté générale, pour affirmer les
droits naturels de l’homme. Ces droits naturels de l’homme ne se trouvent donc
assurés que par leur transformation en droits du citoyen. Les droits de l’homme, qui
ne tiennent ainsi qu’un rôle éthique et non juridique [18], sont donc dès l’origine
réduits à ceux du citoyen. Et même si « la plupart des Constituants […] ont la
conviction, à la fois profonde et immédiate, que la loi garantira le droit comme le
citoyen sauvegardera l’homme [19] », force est de constater que les droits du citoyen
ont absorbé les droits de l’homme, avant que ne se produise un détachement de ces
derniers pour former un bloc autonome et surtout insuffisant. Les droits de l’homme,
qui se heurtent désormais à l’extension du droit humanitaire, ne sont plus invoqués
que dans l’unique but de protéger les catégories spécifiques de population exclues de
la communauté. Ils délimitent ainsi une nouvelle catégorie humaine. Leur
universalité et leur inaliénabilité se sont effondrées et, entre nation et compassion,
droits du citoyen et droit humanitaire, les droits de l’homme fluctuent sans jamais
parvenir à saisir l’humain dans son intégralité.

Notes

[1] Tous ces textes, et beaucoup d’autres, sont consultables sur le site des Nations
Unies : http://www.unhchr.ch/french/html/intlinst_fr.htm.

[2] Hannah Arendt, « Le déclin de l’Etat-nation et la fin des droits de l’homme », in Les
Origines du totalitarisme, Quarto, Gallimard, Paris, 2002, pp. 561-607.

[3] Hannah Arendt, ibid., p. 592.

[4] Monique Chemillier-Gendreau, « Quelle citoyenneté universelle adaptée à la


pluralité des mondes ? » in Tumultes, n° 24, mai 2005, p. 167.

[5] Stéphane Caporal, « Citoyenneté et nationalité en droit public interne », in De la


citoyenneté, Actes du colloque de la faculté de droit et des sciences politiques de
Nantes, Toulouse, Litec, 1995, p. 66.

[6] Fred Constat, La Citoyenneté, Paris, Montchrestien, 2000, p. 27.

[7] Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Le Seuil, 1997,
p. 144.

[8] Hannah Arendt, « Le déclin de l’Etat-nation et la fin des droits de l’homme », op. cit.,
p.Suivre
600.  Ajouter
[9] Ibid., p. 599.

[10] Hans Peter Gasser, Le Droit international humanitaire, Genève, Institut Henry
Dunant, 1993, p. 17.

[11] L’article 15 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et


des libertés fondamentales prévoit les mêmes dispositions en cas de « guerre ou en
cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation ».

[12] Ainsi que le souligne la devise du CICR : Inter arma caritas.

[13] Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale, les raisons


d’un échec, Paris, Textuel, 2002, p. 47.

[14] Gilles Cottereau, « Statut en vigueur, la cour pénale internationale s’installe », in


Annuaire français de droit international, XLVIII, Paris, 2003, p. 131.

[15] Articles Premier et Seizième du Statut de la CPI.

[16] Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale, les raisons


d’un échec, op. cit., p. 145.

[17] Giorgio Agamben, Homo sacer…, op. cit., p. 138.

[18] S. Goyard-Fabre, « La déclaration des droits ou le devoir d’humanité : une


philosophie de l’espérance», in Droits, Revue française de théorie juridique, n° 8, 1988,
pp. 41 sq.

[19] Stéphane Rials, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Pluriel, 1988, p.
398.

Auteur
Raphaëlle Nollez-Goldbach

Université Paris 7 — Denis Diderot

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011


https://doi.org/10.3917/tumu.025.0075

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