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TD Entretiens et récits de vie, Licence 2 sociologie

Enseignant responsable : Dr Abdoulaye NGOM

TD Entretiens et récits de vie


Introduction
Définition : entretien, entretien directif, entretien semi-directif, entretien compréhensif et
entretien non directif
Définition du récit de vie
Éclairage conceptuel sur l’expression de parcours de vie
Éclairage conceptuel sur le terme de bifurcation
Définition : macrocosme, mésocosme, microcosme et perspective ethnosociologique
La construction du guide (ou grille) d’entretien
La consigne en début d’entretien
La question des relances au cours de l’entretien ou du récit de vie
La gestion des moments d’émotions fortes au cours de l’entretien
Les propositions de refus d’entretien par certaines personnes-ressources
Le lieu de l’entretien
L’échantillonnage
Le cahier de note ou cahier de terrain
L’analyse de contenu : L’analyse thématique et l’analyse par entretien

Introduction
L’entretien est avant tout une rencontre. On pourrait penser qu’il s’agit d’un échange naturel
auquel on est habitué puisqu’il est courant dans la vie de tous les jours de rencontrer de
nouvelles personnes et de parler avec elles. C’est la cas dans le milieu professionnel avec ses
collègues, dans le domaine privé avec ses proches, dans le domaine scolaire avec ses camarades
de classes, etc. Au cours de votre vie, il vous est sans doute arrivé de faire parler quelqu’un(une)
à maintes reprises. Grosso modo tout étudiant ou toute personne est en mesure de mener un
entretien quel que soit la thématique choisie. En tant que technique d’investigation ou d’enquête
en sciences sociales, l’entretien nécessite cependant de la préparation, des connaissances
préalables, des outils, des postures, des gestes qui aident le chercheur (débutant ou confirmé)
dans le recueil d’un maximum d’informations diverses, riches, fiables en lien bien évidemment
avec son objet d’étude. L’entretien et le récit de vie font partie, en sociologie de ce qu’on appelle
les outils qualitatifs par opposition aux outils quantitatives (c’est le cas du questionnaire). On
distingue de manière générale plusieurs types d’entretien en sciences sociales : l’entretien
directif, l’entretien semi-directif, l’entretien non directif, l’entretien de pré-enquête (ou
l’entretien exploratoire), l’entretien compréhensif, l’entretien informel, le récit de vie, le récit
autobiographique, etc.

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Définition de l’entretien semi-directif, Entretien directif
Fréquemment utilisés en sociologie, en anthropologie et dans plusieurs autres disciplines,
l’entretien directif ou semi-directif, consistent, selon Robert Weil (1989), « à faire produire par
l’enquêté un discours plus ou moins linéaire avec le minimum d’interventions de la part de
l’enquêteur. Il s’agit de provoquer ce discours, après accord avec l’intéressé, puis de le faciliter
pour explorer les informations dont dispose l’enquêté à ce sujet, c'est-à-dire ce qu’il peut en
dire » (Weil, 1989 : 423). L’entretien permet de comprendre les comportements1 d’un acteur
vis-à-vis d’un phénomène, la représentation qu’il en a et sa perception. L’usage de l’entretien
dans le cadre d’une enquête permet au chercheur (débutant ou confirmé) de recueillir beaucoup
de données et d’informations détaillées que les questionnaires sont le plus souvent dans
l’impossibilité de fournir. En fin de compte, l’entretien permet au-delà de la relation
enquêteur/enquêté d’instaurer un dialogue favorable permettant de produire des données dont
l’analyse aide par la suite à rendre compte des processus et mécanismes d’actions.
L’entretien directif : Ce type d’entretien est utilisé lorsque le chercheur a des hypothèses
à vérifier et des informations à collecter de manière standardisée. L’entretien directif peut être
utilisé dans le cadre d’une enquête où la démarche se déploie dans une posture hypothético-
déductive. Par démarche hypothético-déductive, on entends des hypothèses déjà formulées et
que le chercheur se donne pour objectif, par l’intermédiaire de l’entretien, soit de les confirmer
soit de les infirmer. Dans l’entretien directif, les enquêtés répondent aux mêmes questions
posées très souvent dans le même ordre et parfois de la même manière. Ce type d’entretien a
un inconvénient comme le souligne Quivy et Compenhoudt (2006 : 62) car « l’excès de
questions conduit toujours au même résultat. L’interviewé acquiert vite le sentiment qu’il lui
est simplement demandé de répondre à une série de questions précises et se dispensera de
communiquer le fond de sa pensée et de son expérience ». On peut dès lors s’attendre au cours
de l’entretien à recueillir des données ou des informations superficielles du fait que l’absence
de relances n’encourage pas l’enquêté à aller au fond des choses et à expliquer ou décrire en
détail tel ou tel aspect. Il y a toujours un guide d’entretien élaboré par l’enquêteur dans ce type
d’entretien. La durée de l’entretien se situe entre 40 minutes et deux heures voir plus.
L’entretien semi-directif : l’entretien semi-directif est bien plus souple que l’entretien
directif et laisse beaucoup plus de largesse et de marge de manœuvre aussi bien à l’enquêteur
et à l’enquêté. En effet dans la l’entretien semi-directif l’enquêteur peut à tout moment faire des
relances pour revenir sur tel ou tel aspect évoqué. Il doit néanmoins s’assurer de ne pas couper

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DE SINGLY François, L’Enquête et ses méthodes: l’entretien, Paris, Nathan, 1992, p.23.

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l’enquêté au moment où il est à fond dans l’explication de telle ou telle situation. Choisir le bon
moment pour faire des relances dans ce type d’entretien requiert donc d’une importance
capitale. On soulignera ici également l’élaboration d’un guide d’entretien par l’enquêteur
comme c’est le cas de l’entretien directif. On utilise très souvent l’entretien semi-directif
lorsque le chercheur se donne pour objectif d’approfondir, de comprendre un domaine ou un
objet spécifique. A contrario de l’entretien directif, les hypothèses dans l’entretien semi-directif
peuvent ne pas être définitive et incité ainsi l’enquêté à s’exprimer plus librement dans un cadre
bien sûr défini par l’enquêteur. La durée de l’entretien semi-directif se situe également entre 40
minutes et deux heures voir plus.
L’entretien compréhensif : Il se distingue de l’entretien directif et de l’entretien semi-
directif du fait que aussi bien les hypothèses de recherche que la problématique ne sont pas
construit par le chercheur avant d’aller sur le terrain. L’entretien compréhensif relève donc de
ce que Anselm Strauss et Barney Glaser (2010) appelle la Grounded Theory (théorie ancrée)
qui suggère de partir des faits et des observations du terrain pour construire l’objet de recherche
et formuler ainsi des hypothèses et une problématique. Selon Kaufmann (1996 : 23),
« l’entretien compréhensif reprend les deux éléments (théorie et méthode), mais il inverse les
phases de la construction de l’objet : le terrain n’est plus une instance de vérification d’une
problématique préétablie mais le point de départ de cette problématique ». Dans ce type
d’entretien, le chercheur doit veiller à la souplesse du guide d’entretien qui puisse permettre
une adaptation entre les connaissances acquises sur le terrain et l’élaboration d’une théorie
explicative. Dans ce type d’entretien le chercheur se laisse surprendre par des informations
nouvelles ou des informations auquel il ne pensait pas nécessairement avant d’aller faire son
enquête de terrain. La durée de l’entretien se situe entre 40mn et 2h de temps voir plus.
L’entretien non directif et le récit de vie : Ces des entretiens qui sont le plus souvent
utilisés pour saisir des trajectoire, des parcours de vie afin de replacer la question à explorer
dans un contexte plus large. La durée de l’entretien se situe entre 40 mn et 2h de temps voir
plus.
L’entretien non directif consiste à poser une question en général le thème de l’enquête et
on laisse la liberté à l’enquêté de répondre librement. L’enquêteur doit néanmoins encourager
à travers des relances l’enquêté dans ses réponses.
Le récit de vie : Le récit de vie fait partie de ce que l’on appelle les méthodes biographiques
qui occupent une place de choix et font l'objet d'un regain d’intérêt dans les travaux des
sociologues et des anthropologues. La méthode biographique a été développée dans les "années

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20" aux États-Unis avec les travaux de William Thomas et Florian Znaniecki sur l’histoire d’un
paysan polonais ayant immigré aux États-Unis (Thomas William & Znaniecki Florian, Le
Paysan polonais en Europe et en Amérique, Paris, Nathan, 1998). Selon Daniel Bertaux (1997),
le récit de vie résulte d’une forme particulière d’entretien, l’entretien narratif. C’est un entretien
au cours duquel « un chercheur (lequel peut être un étudiant en tant que jeune chercheur)
demande à une personne, que nous désignerons tout au long de ce texte comme “sujet”, de lui
raconter tout ou une partie de son expérience vécue » (Bertaux, 1997 : 10). Dans ce cas de
figure, il s’agit de laisser l’enquêté s’exprimer librement sur un sujet (voire un pan de sa vie),
que le chercheur lui aura proposé en intervenant le moins possible.
Définition du macrocosme, du mésocosme, du microcosme et de la
perspective ethnosociologique
Définition d’un macrocosme : Un macrocosme renvoie à la société dans sa globalité. Il
est composé de plusieurs mésocosmes. Exemple : la société
Définition d’un mésocosme : Un mésocosme est un monde social qui s’est construit
autour d’activités rémunérés rémunérées ou non rémunérées. Pour Daniel Bertaux (1997), « un
monde social se construit autour d’une activité spécifique. La boulangerie artisanale, le
transport routier, le journalisme, la télévision constituent autant d’exemples de mondes sociaux
centrés sur une activité professionnelle. Mais des mondes sociaux se développent également
autour d’activités non rémunérées, qu’elles soient culturelles, sportives, associatives ou autre ».
Exemple : les commerçants, les ASC dans les quartiers, la famille.
Définition d’un microcosme : En général, un microcosme renvoie à quelque chose qui
est à une échelle réduite par opposition au macrocosme. En sciences sociales particulièrement
en sociologie, un microcosme est un petit monde sociale et désigne une partie de la totalité du
macrocosme. Plusieurs microcosmes composent également le mésocosme. Exemple :
l’Homme (homme ou femme)
La perspective ethnosociologique : elle désigne selon Daniel Bertaux (1997) « une
recherche de type empirique basée sur l'enquête de terrain, qui prend ses sources dans la
tradition ethnographique par ses techniques d'observation mais qui construit ses objets en
référence à des problématiques sociologiques ». Faire à ce niveau le dessin sous forme
d’entonnoir
Éclairage conceptuel sur l’expression de parcours de vie
Le parcours de vie peut être considéré comme « le modèle ou les modèles de curriculum qui,
dans une société et un temps donnés, organise(nt) le déroulement de la vie des individus dans

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ses continuités et discontinuités. Ces modèles consistent, d’une part, en des systèmes de normes
et d’allocation de ressources prenant la forme de profils de carrière, de statuts d’âge et de
transitions généralement associées à des âges typiques ; d’autre part, en un ensemble de
représentations collectives et de références partagées. Ils constituent l’une des médiations
centrales entre le système socioculturel et les individus » (Lalive d’Épinay et al, 2005 : 201).
Le parcours de vie donne à voir comment s’est construit l’histoire, le mode de vie, la carrière
professionnelle, etc d’un individu et permet aussi de repérer les bifurcations.
Définition du terme de bifurcation
Dans le parcours de vie d’un individu ici (l’enquêté), les bifurcations désignent des moments
de rupture, de scansion ou de transition. Pour une autrice comme Claire Bidart (2006), elles
traduisent « l’apparition d’une crise ouvrant un carrefour biographique imprévisible dont les
voies sont elles aussi au départ imprévues même si elles vont rapidement se limiter à quelques
alternatives au sein desquelles sera choisie une issue qui induit un changement important
d’orientation » (Bidart, 2006 : 32 ). Le chercheur qui procède à l’analyse de contenu d’un
corpus d’entretiens ou de récits de vie doit être capable de repérer justement ces bifurcations
ou ces moments de rupture dans chaque entretien. Au lieu d’utiliser le terme de bifurcation,
d’autres auteurs à l’instar de Tamara Hareven et Masaoka Kanji (1988) vont proposer plutôt
l’expression de "turning points" (points tournants) qu’ils définissent comme « les évaluations
subjectives des individus sur les continuités et les discontinuités de leur vie, en particulier
l'impact des événements de leur vie antérieure sur les événements ultérieurs. Dans certains cas,
les tournants sont perçus comme des changements critiques, dans d'autres cas comme de
nouveaux commencements ». Les points tournants peuvent être repérés à travers un certain
nombre d’indicateurs comme les décisions prises par l’enquêté à certains moments de sa vie,
les acteurs qui sont impliqués dans la vie de l’enquêté et qui y ont un joué un rôle important.
La construction du guide (ou grille) d’entretien
Généralement, le chercheur élaboré un guide d’entretien avant de se rendre chez les personnes-
ressources avec lesquelles il doit effectuer ses entretiens. Le guide d’entretien peut être
constitué sous la forme de thèmes ou de questions ouvertes qui puissent laisser une marge de
manœuvre à l’enquêté afin qu’il s’exprime librement. Le guide d’entretien est un outil hybride
et évolutif dans lequel certaines questions présentes au début de l’enquête seront
progressivement reléguées, tandis que d’autres apparaitrons ou s’étofferons. Le chercheur peut
avoir son guide d’entretien sous les yeux comme il peut également l’avoir en tête au cours de
l’entretien. Le guide d’entretien permet de camper le décor du sujet et définit le cadre de

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l’entretien, le chercheur aura l’occasion de poser les autres questions au cours de l’entretien. Le
guide d’entretien rassure le chercheur puisqu’il va dans son terrain avec la certitude, le plus
souvent, qu’il a une ligne à suivre au cours de l’entretien et que cette ligne lui permettra au
travers les informations que lui fournira l’enquêté, de confirmer ou d’infirmer ses hypothèses
de recherche voire d’en formuler de nouvelles.
La consigne en début d’entretien
Dans le cadre d’un entretien, la consigne désigne ce dont il sera question au cours de l’entretien.
La consigne remplit plusieurs fonctions : l’une des premières et principale fonction de la
consigne est de poser le cadre de l’entretien, de donner quelques éléments d’informations sur
l’enquêteur, de dire brièvement avec des mots faciles le pourquoi du choix de votre enquêté, de
préciser les modalités de recueil de l’entretien et plus important de préciser les règles de
déontologie comme la confidentialité et l’anonymat.
Les éléments d’informations sur l’enquêteur : Il s’agit pour l’enquêteur de se
présenter en précisant son nom et prénom, son appartenance institutionnelle (s’il vient de
l’Université, d’un organisme de recherche, d’une ONG ou autre), son statut (par exemple s’il
est étudiant, enseignant ou chercheur).
Le cadre de l’entretien : Avant que l’entretien ne démarre, l’enquêteur explique de
manière claire avec des mots simple et surtout compréhensible à l’enquêté ce qu’il cherche à
savoir et ce qu’il attend de lui. Le cadre de l’entretien campe également le décor de ce dont il
sera question au cours de l’entretien, d’encadrer dès le début la discussion et de centrer les
propos de l’enquêté sur l’objet d’étude. Si le cadre de l’entretien est bien posé dès le début,
l’enquêté à moins tendance à s’éloigner de l’objet d’étude. Charge revient toutefois à
l’enquêteur de ramener l’enquêté à l’ordre, dans le cas où il se détache de l’objet d’étude.
L’enquêteur doit le faire toutefois avec une certaine finesse.
La durée de l’entretien : Il ne faut jamais préciser à l’avance à l’enquêté la durée de
l’entretien. L’enquêteur peut néanmoins choisir une intervalle entre 1h et 3h de temps voire
plus. L’enquêteur doit faire très attention à ne surtout pas dire à l’enquêté que l’entretien durera
strictement 1h de temps par exemple mais peut faire uniquement une estimation. Aucun
chercheur ne sait à l’avance la durée exacte de l’entretien qu’il va mener avec son enquêté.
Les modalités de recueil de l’entretien : L’enquêteur doit demander à l’enquêté la
permission d’enregistrer l’entretien et espérer avoir son accord pour procéder à
l’enregistrement. L’enquêteur ne doit en aucun enregistrer l’enquêté sans avoir son accord au
préalable. De même il ne faut pas que l’enquêteur cache un dictaphone, un enregistreur ou tout

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instrument servant à capter le discours dans sa poche ou son sac et recueillir ainsi le discours
de l’enquêté sans son aval.
Les règles de déontologie (la confidentialité et l’anonymat) : L’enquêteur doit
souligner à l’enquêté que l’entretien sera anonyme au cours de la retranscription. L’enquêteur
fera de sorte que les éléments d’information comme le nom et le prénom de l’enquêté soit
changé afin de s’assurer de cet anonymat. Toutefois toutes informations que l’enquêteur jugera
importantes comme l’âge sera à conserver car il peut aider, plus tard, le chercheur dans ses
analyses. La confidentialité consiste également à ne jamais faire écouter l’entretien d’un
enquêté à une autre personne à quelques fins que ce soient. Les propos recueillis auprès de
l’enquêté doivent être utilisés uniquement dans le cadre de la recherche qu’effectue l’enquêteur.
Exemple de consigne :
« Bonjour, je suis étudiant à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Je
poursuis actuellement des études de sociologie. Dans le cadre de la
préparation de mon mémoire de master, je mène une étude sur
l’implication des ONGs dans la lutte contre les violences faites aux
femmes. C’est en votre qualité de responsable d’ONGs, chargé des
questions de genre, que je vais m’entretenir avec vous aujourd’hui. Pour
que je puisse capter et comprendre ce que vous serez amené à me dire,
j’ai à ma disposition un dictaphone pour enregistrer l’entretien.
Cependant je ne peux l’utiliser qu’après votre accord et votre
approbation. Me permettez-vous d’enregistrer l’entretien s’il vous plait ?
Je tiens à vous souligner par ailleurs que même si cet entretien est
enregistré, vous pouvez être rassuré dans la mesure lorsque j’aurai
terminé de faires mes analyses sur l’entretien, je me chargerai
personnellement de détruire automatiquement et sans attendre
l’enregistrement en question. Je peux également vous remettre
l’enregistrement si vous souhaiter en disposer. A mon niveau il n’y a
aucun inconvénient. Notre entretien peut durer entre 1h et 2h voire
plus. Tout dépendra de ce que vous allez me racontez ou plus exactement
de ce que vous voulez me racontez pour me permettre d’y voir un peu
plus claire sur mon objet. L’entretien est totalement anonyme et
l’ensemble des données recueillies seront utilisées et exploitées
uniquement dans le cadre de mon mémoire. Au cours de cet entretien,
je vous poserai un certain nombre de questions mais rassurez -vous, vous

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aurez la liberté de parler librement en me disant ce que vous avez en tête,
votre point de vue sur tel ou tel aspect par exemple. J’essayerai dans la
mesure du possible de ne porter aucune critique ou jugement dans ce que
vous aurez à me raconter (discours). Ce qui m’intéresse c’est en savoir et
en savoir beaucoup plus sur mon objet. Pour dire vrai, j’ai tout à
apprendre de vous. Je serai probablement et bien souvent amené à faire
des relances dont l’objectif est simplement d’approfondir, de creuser, de
comprendre, d’expliquer des détails qui peuvent vous paraitre
insignifiants mais qui requiert d’une grande importance à mes yeux. Afin
de faciliter l’entretien et les échanges, n’hésitez surtout pas à me dire
de vous rappeler ou de poser encore une question que vous avez mal
compris. Si vous avez la moindre question ou suggestions concernant le
déroulement de cet entretien, n’hésitez pas à m’en faire part. Avez-vous
des questions ?
La question des relances au cours de l’entretien ou du récit de vie
Ne perdez pas de vue que vous allez effectuer un entretien et que vous aurez tout le temps pour
aborder tel ou tel aspect. Il est obligatoire même de faire des relances au cours de l’entretien
pour creuser tel ou tel aspect, revenir sur un élément essentiel ou important qu’à évoquer
l’enquêté, approfondir un sujet, insister sur une choses qui vous paraissent importante, etc. Les
relances témoignent de la curiosité et de l’esprit critique qui anime l’enquêteur qui veut aller au
fond des choses, qui essaie de comprendre, d’expliquer, de saisir tel ou tel aspect de son objet
d’étude. Le chercheur ne doit pas avoir peur de faire des relances même s’il s’agit d’épisodes
tragiques de la vie de l’enquêté. Revenant sur l’importance des relances, Combessie (2007)
souligne que « lorsque la relance rapproche des propos tenus à quelques temps d’intervalle, elle
a souvent pour effet d’inciter l’interlocuteur à faire un retour réflexif sur ce qu’il vient de dire :
à argumenter sa prise de position, à l’affirmer plus nettement ou à le nuancer, à se situer par
rapport à ce qui lui apparait comme une convergence ou une contradiction possible de ses
propos » (Combessie, 2007 : 26).
Exemple de relances : Enquêteur : « tout à l’heure vous m’avez dit que ce n’est pas
uniquement à cause de l’argent que vous êtes entré dans le milieu
de la prostitution, puis-je savoir quelles sont les autres raisons ?
Enquêté : « Oui en effet, au-delà de l’argent, c’est que je suis habitué à
coucher avec plusieurs hommes et c’est comme un vice pour moi »

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Enquêteur : « Hum je vois et cette habitude, elle vient du milieu de la
prostitution ou bien ?
Enquêté : « Non c’était avant que je ne commence à me prostituer »
Enquêteur : « D’accord je vois mais c’était quand exactement, à quel
âge ? »
Enquêté : « C’était quand j’étais adolescente vers l’âge de 15 ans »
Enquêteur : « D’accord à l’âge de 15 ans et ça vous ai venu subitement
ou bien ? »
Enquêté : « A vrai dire j’ai été abusé sexuellement à l’âge de 14 ans par
trois hommes »
Enquêteur : « Désolé de rouvrir une page sombre de votre vie que vous
avez sûrement tourné. Mais expliquez-moi plus exactement comment
trois hommes ont pu vous violez à l’âge de 14 ans, vous viviez seule,
avec vos parents ou bien dans une autre famille ?»
Enquêté : « Non ce n’est pas grave, en fait je vivais avec ma famille. Le
viol s’est passé dans une chambre d’un ami qui était plus âgé que moi. Je
crois qu’il avait dans les 25 ans environ afin je ne sais plus. C’était un
commerçant qui vendait de la fripe et qui m’offrait souvent de l’argent.
Un jour, il m’a attendu avec une moto devant la porte de notre école et
m’a emmené à la sortie dans une chambre pour qu’on discute ensemble.
C’est là-bas qu’il m’a violé a 2 reprises et deux de ses amis sont venus
ensuite coucher avec moi à tour de rôle (pleure !!!) »
Enquêteur : « D’accord, voulez-vous peut être qu’on fasse une pause »
Enquêté : « Oui donnez-moi quelques minutes que je puisse reprendre
mon souffle »
Enquêteur : « Prenez le temps qu’il vous faut, je ne suis pas pressé. On
poursuivra notre entretien dès que vous vous sentirez mieux »
La gestion des moments d’émotions fortes au cours de l’entretien
En fonction des objets d’étude, l’enquêteur peut être confronté à des moments d’émotions fortes
au cours de l’entretien et il devra pouvoir le gérer pour continuer. En effet il arrive qu’un
enquêté évoquant par exemple un moment tragique de sa vie se met à verser des larmes même
s’il se peut qu’auparavant qu’il ait tout fait pour se retenir. Dans une telle situation, l’enquêteur
peut juste proposer à l’enquêté de faire une petite pause, lui donner un mouchoir par exemple.
Très souvent lorsqu’advient ce cas de figure, l’enquêteur reste silencieux pendant quelques

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minutes avant de poser par exemple la question suivante : Enquêteur : « voulez-vous qu’on
fasse une petite pause ? ». L’enquêté peut vous répondre par exemple : « Non laissez-moi juste
quelques minutes, ensuite nous pourrons continuer… »
Les propositions de refus d’entretien par certaines personnes-ressources
Tout enquêteur sait qu’il ne suffit pas de repérer ou d’identifier une personne ressource pour
que par la suite elle accepte de vous accorder un entretien. Cet accord est très souvent négocié
par l’enquêteur qui dès la prise de contact peut être confronté à une proposition de refus. Dans
bien des cas, les futurs enquêtés formules des propositions de refus plutôt que des refus
catégoriques. Par exemple, il peut arriver que l’enquêté raccroche au nez l’enquêteur ou qu’il
le met à la porte. C’est des situations auxquelles tout enquêteur doit s’attendre avant même la
prise de contact avec les personnes-ressources. Un futur enquêté peut dire par exemple : « Je
ne pense pas pouvoir vous aider, je n’ai rien à accorder, qu’est-ce que votre étude va m’apporter,
je n’ai de temps à perdre à raconter une épisode de ma vie, qui vous a donné mon numéro,
adressez plutôt à, cette personne est plus à même de vous apporter des réponses à vos questions,
etc ». L’enquêteur se doit alors d’utiliser des stratégies de négociations pour obtenir l’accord
de l’enquêté. Il peut dire par exemple à l’enquêté qu’il est venu vers lui parce ce qui l’intéresse
c’est telle ou telle chose. L’enquêteur doit insister mais habilement et en veillant à ne pas heurter
la sensibilité de l’enquêté. Il ne faut surtout pas que l’enquêté ait l’impression que l’enquêteur
le moralise, l’intimide ou le harcèle.
Le lieu de l’entretien
Après avoir obtenu l’accord de l’enquêté, l’enquêteur doit laisser le libre choix ou du moins
doit donner cette impression à l’enquêté la liberté de choisir le lieu où va se faire l’entretien.
Cette stratégie donne des résultats très souvent et l’une des choses à surtout éviter du côté de
l’enquêteur c’est de donner un lieu, une date et une heure fixe à l’enquêté. L’enquêteur doit
faire en sorte de témoigner sa disponibilité d’abord à se déplacer vers n’importe quel lieu
ensuite à effectuer l’entretien à n’importe quelle heure de la journée. L’enquêteur ne doit surtout
pas perdre de vue que c’est lui qui est en position de demandeur et que sans les informations
dont disposent ses enquêtés il ne peut avancer dans ses analyses et par ricochet avancer dans
son étude ou son enquête.

Exemple : Enquêté : « Où voulez-vous que nous fassions l’entretien ? »


Enquêteur : « Dites-moi ce qui vous arrange le mieux… »
Enquêté : « Je pourrais venir à votre bureau ? »

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Enquêté : « C’est comme vous voulez… je peux aussi me déplacer dans un
endroit où nous serions plus tranquilles. »

L’échantillonnage
Il existe deux types d’échantillonnage : l’échantillonnage probabiliste et l’échantillonnage non
probabiliste. L’échantillonnage permet la généralisation de la partie du tout alors que
l’échantillonnage non généraliste ne permet pas cela. Dans l’échantillonnage probabiliste on a
l’échantillonnage aléatoire simple, l’échantillonnage aléatoire stratifié et les sondages. Dans
l’échantillonnage aléatoire simple par exemple. Chaque individu de la population ciblée doit
avoir une chance égale de faire partie de l’échantillon tiré, c’est-à-dire que, idéalement, aucun
billet de sélection n’affecte le processus de choix des individus à enquêter. Les informations
dont on dispose sur l’univers pratique de l’enquête doivent nous permettre d’élaborer une liste
exhaustive de personnes parmi lesquels sera tiré l’échantillon. Dans l’échantillonnage non
probabiliste, le chercheur se base plutôt sur des quotas, c’est-à-dire sur un groupe de personnes
avec certaines caractéristiques de la population totale ciblée. C’est avec ce groupe qu’il va
mener son enquête ou son étude. On retrouve dans l’échantillonnage non probabiliste, un type
d’échantillonnage utilisé très souvent dans les sciences sociales notamment par les chercheurs
qui utilisent les méthodes qualitatives dans leur étude. Il s’agit de l’échantillonnage boule de
neige dont la démarche consiste tout simplement à identifier ou à repérer, dans un premier
temps, quelques individus appartenant à la population ciblée et leur demander de fournir les
coordonnées d’autres individus (de la population ciblée) avec qui ils sont en lien et ainsi de
suite. De cette manière, il est possible pour le chercheur de constituer progressivement un
échantillon d’individus ayant les mêmes traits recherchés. L’échantillonnage boule de neige est
très souvent utilisé par les chercheurs en sciences sociales. Dans de nombreux cas, le recours à
des intermédiaires constitue un moyen efficace d’obtenir auprès des futur enquêtés leur accord
et leur participation à l’enquête. Comme on le voit, ici l’enquêteur est introduit par un
intermédiaire (lequel peut être lui-même un enquêté ou un futur enquêté), qui le recommande à
d’autres personnes-ressources. L’intermédiaire peut convaincre la personne avec qui il met en
contact l’enquêteur même si ce rôle ne lui revient pas. En effet, appartient à l’enquêteur de
trouver les bons mots et la bonne stratégie pour expliquer son étude afin de convaincre le futur
enquêté.
Le cahier de note ou cahier de terrain

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Comme son nom l’indique, il s’agit d’un cahier où l’enquêteur prend des notes de tout ce qui
lui parait important et qui peut l’aider dans ses analyses ultérieures et la compréhension de son
objet d’étude. Il faut dès lors souligner que ce n’est pas parce qu’un entretien ou un récit de vie
est enregistré que l’enquêteur ne doit pas prendre de notes. Il peut effectuer des prises de notes
au cours de l’entretien mais doit le faire dans les règles de l’art. La prise de note doit être rapide
et l’enquêteur doit faire en sorte de ne pas s’incliner et prendre des notes pendant des minutes,
en regardant son cahier de note. L’enquêteur ne doit pas perdre de vue qu’il y a une personne
en face en l’occurrence l’enquêté qui est entrain de dérouler, d’expliquer, de décrire tel ou tel
aspect de l’objet d’étude en question.
L’analyse de contenu
L’analyse de contenu consiste pour le chercheur à décoder, examiner, analyser, interpréter,
décrire, montrer, comparer, mettre en exergue, signifier, comprendre un certain nombre
d’informations en lien avec son objet d’étude pour en tirer la ou les significations de l’objet
d’étude en question. L’analyse de contenu nécessite un travail sur des matériaux (récits de vie,
entretiens, articles de presse...) qui prennent la forme de textes. On regroupe sous le terme
d’analyse de contenu un ensemble de techniques, applicables à des supports d’informations
divers (en général des discours, mais aussi des documents graphiques, photographiques,
cinématographiques...), qui visent à extraire et à traiter ces informations en vue de les
interpréter. Le corpus c’est-à-dire les entretiens retranscrits intégralement n’ont de valeur
descriptives, explicatives, heuristiques, compréhensives que dans la mesure où le chercheur
procède à une analyse de contenu de celui-ci. En effet les entretiens sont à l’état brut même s’ils
contiennent de nombreux éléments d’information sur l’objet d’étude auquel s’intéresse le
chercheur. Il revient donc au chercheur de faire parler ces entretiens à travers notamment
l’analyse de contenu qu’il en fera. On distingue plusieurs types d’analyse de contenu en
sciences humaines et sociales. On ne s’intéressera toutefois ici qu’à deux types d’analyses de
contenu que sont d’une part l’analyse thématique et d’autre part l’analyse par entretien.
L’analyse thématique
La thématisation constitue l’opération centrale de la méthode, à savoir la transposition d’un
corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé, et ce en rapport
avec l’orientation de recherche (problématique). L’analyse thématique consiste, dans ce sens,
à procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen
discursif des thèmes abordés dans un corpus, qu’il s’agisse d’une transcription d’entretiens,
d’un document organisationnel ou de notes d’observation. L’analyse thématique a deux

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fonctions principales : une fonction de repérage et une fonction de documentation. La première
fonction concerne le travail de saisie de l’ensemble des thèmes d’un corpus. La tâche est de
relever tous les thèmes pertinents, en lien avec les objectifs de la recherche, à l’intérieur du
matériau à l’étude. La deuxième fonction va plus loin et concerne la capacité de tracer des
parallèles ou de documenter des oppositions ou des divergences entre les thèmes. Il s’agit en
somme de construire un panorama au sein duquel les grandes tendances du phénomène à l’étude
vont se matérialiser dans un schéma (l’arbre thématique). Cette fonction n’intervient
évidemment que dans le cas où plusieurs témoignages ou documents d’in même type sont
soumis à l’analyse. Dans ce cas donc, il ne s’agit plus seulement de repérer des thèmes mais
également de vérifier s’ils se répètent d’un matériaux à l’autre et comment ils se recoupent,
rejoignent, contredisent, complémentent ». L’analyse thématique cherche une cohérence
thématique entre les entretiens et le chercheur doit donc lire chaque entretien pour s’imprégner
du corpus.
L’analyse par entretien
Comme son nom l’indique, il s’agit pour le chercheur, d’analyser entretien par entretien le
corpus dont il dispose. L’attention est portée sur le fragment de discours qui aux yeux de
l’enquêteur porte une signification. L’analyse par entretien part du postulat que dans le discours
de l’enquêté, il existe des singularités qui se révèlent porteuses de processus sociologiques ou
psychologiques dont l’enquêteur se donne pour objectif d’examiner afin de progresser dans son
étude et éclairer et comprendre ainsi son objet. Appliquée aux histoires de familles, l’analyse
par entretien se doit de saisir la mise en place des processus internes de formation des
trajectoires telles qu’elle peut résulter des histoires de familles. L’enquêteur se doit justement
dans le processus d’explication de formation de ces trajectoires procéder à une identification et
un repérage des moments-clefs que l’on désigne souvent sous le terme de bifurcation.

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