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Chapitre I : Cultures in vitro ou vitrocultures Dr Manel BOUDOUAYA 2017/2018

Sommaire
Chapitre I
Cultures in vitro ou vitrocultures I. Définition
II. Rappels historiques
III. Intérêt et application des cultures in vitro
III.1. Intérêt
III.2. Inconvénients

I. Définition

In vitro (en latin : "dans le verre") signifie un test en tube, ou, plus généralement, en
dehors de l'organisme vivant ou de la cellule. Un exemple est la fécondation in vitro (FIV).

À côté de "in vitro" on rencontre également "in vivo" et "in silico" : respectivement
au sein d'un organisme, ou par voie informatique. Comme beaucoup d'expériences liées à la
biologie moléculaire sont effectuées en dehors des organismes ou des cellules, et comme les
conditions ne représentent pas forcément les conditions intracellulaires, les résultats sont
souvent mentionnés comme "in vivo", "in vitro", ou "in silico", selon le cas (Augé &
Vidalie, 1989).

Le terme de culture "in vitro" est appliqué à toute culture sous verre (tube, bocal,
etc.) en milieu aseptique, mais il regroupe plusieurs techniques dont les méthodes et les buts
sont très différents (Photo I.1) et (Photo I.2).

Rose en culture in vitro. Culture in vitro des végétaux vasculaires

Photo I.1. Régénération de plantes entières à partir d'un fragment de la plante (Site web 1)

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Photo I.2. Culture in vitro de plantes dans un environnement contrôlé en conditions stériles
(Site web 1)

Le principe général consiste à prélever un fragment de tissu végétal, à le placer


sur un milieu nutritif et provoquer (grâce à un équilibre adéquat des éléments du milieu),
directement ou après manipulation, le développement d'une plantule. L’ensemble de ces
opérations qui se déroule en conditions stériles est suivi d'une acclimatation sur un milieu
traditionnel.

À partir d’un fragment de la plante, mis en culture dans des milieux complexes
appropriés, on régénère des plantes entières identiques à la plante de départ (Figure I.1 ;
Figure I.2).

Figure I.1. La vitroculture à partir d'un fragment d'une plante (Site web 1)

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Figure I.2.a. La multiplication végétative in vitro à partir d'une feuille d'une plante (Site web 2)

Figure I.2.b. La multiplication végétative in vitro à partir d'une feuille d'une plante (Site web 2)

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La culture in vitro est possible grâce à une propriété des cellules végétales appelée
"totipotence cellulaire1" qui veut que toute cellule végétale vivante, possédant un noyau,
soit capable, quelle que soit sa "spécialisation" du moment, de reproduire fidèlement la plante
entière dont elle provient. Chaque cellule possède donc entre autre la totalité du patrimoine
génétique de la plante.

Figure I.3. La totipotence cellulaire : propriété que possède certaines cellules de pouvoir
régénérer un individu entier.

Figure I.4. Isolation des cellules à partir d'un morceau de feuille d’une plante (Site web 3)

1La totipotence, énoncée en 1902 par Gottlieb Haberlandt, est, en biologie, la


capacité d’une cellule à se différencier en n’importe quelle cellule spécialisée et de
se structurer en formant un être vivant multicellulaire. Elle peut ainsi permettre
de reconstituer un organisme au complet à partir d'une cellule. La totipotence a un
spectre plus large que la pluripotence, la multipotence, et l'unipotence.

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II. Rappels historiques


On a toujours le sentiment que les techniques de cultures in vitro sont très récentes et
fruit de la technologie moderne. Ce sentiment n'est qu'en partie exact, car s'il est vrai que
certaines méthodes et l'utilisation généralisée de celles-ci sont récentes, les premières
tentatives de culture remontent au début du XXe siècle. Le tableau ci-contre représente
quelques points de repère et quelques dates historiques en rapport avec le sujet que nous
traitons (Tableau I.1).
La multiplication in vitro est lentement "sortie" des laboratoires pour devenir
technique de production, (au point que l'on a pu imaginer un moment, dans les années 1980,
qu'elle allait devenir le premier des modes de multiplication. On a ensuite vu proliférer le
nombre des laboratoires de production, mais différents éléments (économiques et culturaux
principalement) ont fait que le nombre de ces structures de production in vitro a rapidement
régressé pour atteindre aujourd'hui un niveau certes plus modeste mais qui semble
correspondre à la réalité du marché et pouvoir perdurer. Cette remarque ne concerne que les
structures ayant pour vocation la commercialisation de plants auprès des horticulteurs et ne
s'applique pas aux laboratoires de recherche publics ou privés. Pour un certain nombre
d'espèces, la micropropagation in vitro demeure économiquement intéressante (Gerbera,
Saintpaulia, Anthurium, Nephrolepis, Syringa, Rosa, Rhododendron, orchidées...). Lorsqu'il
s'agit de végétaux délicats à propager par les méthodes classiques ou si la technique in vitro
est délicate à maîtriser, la production reste communautaire (Boutherin & Bron, 1989).
Actuellement, la culture in vitro semble avoir trouvé un rythme de croisière. Elle offre
aux différents acteurs de la filière horticole de nombreuses applications dans des domaines
très divers.

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Tableau I.1. Rappel historique sur les techniques de cultures in vitro

Année La découverte scientifique


1902 Première survie in vitro, mais pas de multiplication :
Le chercheur allemand G. Haberlandt énonce le concept de la "totipotence cellulaire végétale". Il réussit à faire survivre in vitro,
quelques mois, mais sans multiplication, de petits amas cellulaires.
1926 Découverte des propriétés de la gibbérelline :
E. Kurosawa découvre "l’action de la gibbérelline sur la croissance", c’est la première fois qu’une substance hormonale est extraite
d’une plante.
1922 Première croissance in vitro de pointes de racines :
Aux Etats-Unis, Robbins et en Allemagne, Kott obtiennent "la croissance de pointes de racines" pendant quelques mois seulement.
1932 Première culture indéfinie de racine :
Aux Etats-Unis, White réussit "une culture de racines" de tomates.
1935 Découverte des propriétés de l'auxine :
En France, le professeur R.J. Gautheret cultive et multiplie des cellules cambiales de saule "en introduisant des auxines dans le
milieu".
1936 En Hongrie, Orsos induit des cals et des organes à partir de tissus de tubercule de chou-navet.
1936 Première application d’auxine sur des ovaires non fécondés :
F.G. Gustafson obtient avec un grand succès les premiers fruits parthénocarpiques, (tomate, raisin, figue), par "application d’auxine
sur des ovaires non fécondés".
1939 Premières cultures indéfinies de tissu :
R.J. Gautheret réussit des "cultures indéfinies de tissus végétaux normaux de carotte".

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1941 Premières manipulations génétiques végétales :


Braun en étudiant les tumeurs végétales : la galle du collet (crown-gall), a amorcé les travaux qui ont conduit aux "premières
manipulations génétiques végétales".
1944 Découverte du phénomène de dédifférenciation (la rejuvénation) :
Buvat par les techniques de culture de tissus met en évidence "le phénomène de dédifférenciation : la rejuvénation".
1946 Première culture de méristème :
Aux Etats-Unis, Ball obtient "la régénération de plants de lupin et de capucine à partir d’apex".
1949 Découverte des propriétés de méristèmes :
P. Limasset et P. Cornuet notent "l'absence de virus dans les méristèmes" de tabacs virosés.
1952 Première régénération de plantes atteintes de virus à partir de cultures de méristèmes (dahlia, pomme de terre, fraisiers) :
Mettant à profit les travaux précédents, G. Morel et C. Martin à l'I.N.R.A. de Versailles, "régénèrent des plantes entières saines" de
dahlia, variété "le Rêve" indemne de virus à partir de culture de méristèmes de plants infectés par trois virus différents. De la même
manière ils sauveront la variété de pomme de terre "la Belle de Fontenay" en 1954.
1954 Première culture de cellules isolées (protoplaste) :
W.H. Muir obtient les premières "cultures de cellules isolées" à partir de cals friables, cultivés en milieu liquide agité.
1955 Découverte des propriétés de cytokinines :
C.O. Miller découvre que les "cytokinines induisent des divisions cellulaires" dans des cultures de tissus de tabac.
1955 Découverte de la kinétine (cytokinine) :
En 1955 avec la découverte de la kinétine, type d'une troisième série d'hormones de croissance pour lesquelles le nom générique de
kinines a été proposé (Das, Patau et Skoog, 1956). C'est l'étude des conditions de croissance de tissus végétaux cultivés in vitro qui a
mis Skoog et ses collaborateurs sur la voie de cette découverte.

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1957 Découverte de l’effet combiné de l’auxine et de cytokinine :


F. Skoog et C. Miller régénèrent des racines et des tiges à partir de cals sous "l’influence de l'auxine et de cytokinine".
1958 Mise en évidence "du principe de totipotence cellulaire :
Stewart et Reinert obtiennent "des embryons somatiques de carottes à partir de culture de racines" et mettent ainsi en évidence
"le principe de totipotence cellulaire" énoncé par Haberlandt en 1902.
1962 Découverte de milieu de culture MS :
T. Murashige et F. Skoog mettent au point pour des cultures de tissus de tabac le fameux "milieu de culture M.S. " utilisé largement
en culture in vitro. Il s'agit d'un milieu contenant des éléments minéraux, des vitamines du groupe B, du sucre, auxine et cytokinine.
1963 Régénération de l'œillet (Dianthus caryophyllus) :
1964 Première culture d'anthères :
En Inde, Guha et Maheshwari, obtiennent "des plantes haploïdes de Datura innoxia Mill. à partir de culture d’anthères".
1971 Régénération des plantes entières à partir de protoplastes :
Au Japon, I. Takebe "régénère des plantes entières de Nicotiana tabacum à partir de protoplastes".
1972 Premier hybride somatique obtenu par fusion de protoplastes :
Carlson obtient "le premier hybride somatique interspécifique par fusion de protoplastes" entre différentes espèces de tabac.
1975 Réalisation des croisements interspécifiques à partir du pollen :
Pandey utilise du pollen irradié de tabac pour réaliser des croisements interspécifiques.
1976 Premières cultures d'ovule :
San Noeumdans (l’équipe du Pr. Demarly à Orsay) réussit "la première culture d’ovaires d’orge non fécondés".
1976 Mise au point de la cryoconservation :
Seibert réussit à "initier des pousses d’œillets à partir d’apex conservés à -196°C". C’est le début de la cryoconservation pouvant

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être utilisée pour "la constitution de banques de gènes".


1978 Régénération du Saintpaulia ionantha :
1980 Transferts de gènes (la transgénèse) sur un certain nombre d'espèces (tentatives) :
Les premières plantes transgéniques ont été obtenues dans les années 1980 (La Recherche, mai 1987). Les plantes cultivées les plus
étudiées sont le tabac, la pomme de terre, le colza, les céréales (maïs, blé et riz), et les espèces potagères, en particulier la tomate, le
melon et le concombre. Les gènes introduits ou en voie de l'être, sont ceux qui peuvent présenter un intérêt économique pour les
grandes entreprises (résistance à des herbicides ou à des agents pathogènes).
La transgénèse ou la transformation génétique est la modification héréditaire d'un génome à la suite de l'intégration et de l'expression
d'un gène étranger. La bactérie Agrobacterium tumefaciens est couramment utilisée comme vecteur de gènes pour obtenir des plantes
génétiquement modifiées (OGM).
1983 En Belgique Van Montaigu crée "les premières plantes transgéniques transformées" par Agrobacterium tumefaciens.
2000 Transferts de gènes sur un certain nombre d'espèces (réussites) :
Ces travaux effectués par Léon Otten en collaboration avec Tatiana Matveeva (Université de St Petersbourg), ont été publiés dans la
revue Plant Molecular Biology en Septembre 2019 et relayé par le magazine Savoir(s) de l’Université de Strasbourg.
La bactérie Agrobacterium est bien connue comme vecteur pour l’introduction de gènes chez les plantes.

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Depuis le début du XXe siècle avec les travaux d’Haberlandt, de nombreux chercheurs
ont œuvré et continuent à travailler au sein de leur laboratoire afin d’améliorer les techniques
mises au point par les pionniers dans les différentes techniques de cultures in vitro. L’objectif
étant d’utiliser ces outils sur le plus grand nombre d’espèces possibles et avec le meilleur
rendement, à des fins d’amélioration des plantes au service de l’homme et de son
environnement.
III. Intérêt et application des cultures in vitro
III.1. Intérêt

1) Reproduction fidèle
Conservation de génotype.
2) Régénération sanitaire
C'est le domaine où la culture de méristèmes trouve toute son efficacité. De nombreux
genres victimes de problèmes sanitaires ont été débarrassés de virus, bactéries,
champignons vasculaires... Toutefois, les plants régénérés ne sont pas immunisés et il
faut rester vigilant quant aux recontaminations possibles.
3) Garantie d'homogénéité
4) Potentialité de multiplication très importante
Approximativement 1000 fois plus élevée que la multiplication végétative
traditionnelle.
Cette voie peut être particulièrement intéressante pour les espèces ayant un taux de
multiplication très faible (2 à 3) : Iris, Helleborus, nombreuses bulbeuses.
Elle trouve également sa place pour d'autres espèces :
 Framboisier : - multiplication traditionnelle, environ 50 descendants par an,
- in vitro : 50 000.
 Œillet : -un pied-mère d'œillet donne environ 200 boutures par an,
- un tube in vitro donne 200 000 plantes dans le même temps.
5) Gain de surfaces (suppression des pieds-mère)
6) Qualité sanitaire en générale excellente
7) Gain de temps
Cycles de production plus courts, souvent grâce à la suppression du greffage. Permet
de mettre très rapidement une nouveauté sur le marché.
8) Rejuvénilisation du matériel végétal
Pieds-mère plus vigoureux, plus productifs, meilleur taux de reprise.

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9) Conservation facile
Création de "banques de plantes" susceptibles de conserver des espèces ou des
cultivars qui présentent un intérêt agronomique, horticole, industriel, écologique...
10) Plants présentant un aspect parfois différent (plus ramifié, plus trapu...)
11) Création rapide de lignées pures
Celles-ci pouvant servir de parents pour les hybrides F1.
12) Semis asymbiotiques (Orchidées)
13) Création de nouveautés par mutagénèse
14) Sauvetage d'embryons immatures
Intéressant dans le cas de croisements interspécifiques délicats.
15) Sauvetage d'espèces en voie de disparition
16) Programmation des cultures
Soit tout au long de l'année, ou, au contraire pour des périodes très précises sans que le
nombre de pieds-mère et leur état (repos de végétation) aient une influence.
17) Manipulations génétiques
Transferts de gènes, mutagenèse provoquée, etc.
18) Sélection plus rapide de sujets présentant des caractères intéressants

III.2. Inconvénients

1) Le coût élevé
Le prix d'une plante in vitro est plus élevé que celui d'un plant multiplié par des
méthodes traditionnelles. Toutefois, cet inconvénient est compensé par un gain de
productivité et une excellente qualité sanitaire.
2) La vitrification
Certains accidents, non prévisibles au départ, peuvent intervenir en cours de culture in
vitro, comme des malformations dues à un déséquilibre hormonal "la vitrification".
3) La perte de caractères intéressants
La production répétée de grands nombres de plants uniformes (clones) peut entraîner
la "perte des gènes nécessaires".
4) Le risque de mutation et l’apparition d’anomalies génétiques
Dans le cas de la micropropagation, le taux de variabilité est à peine plus élevé que
celui rencontré chez les méthodes traditionnelles de multiplication. Toutefois, le

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"mutant2" est propagé à un grand nombre d'exemplaires, ce qui se traduit, au niveau


du producteur, par une grande quantité de plantes non conforme à la commande. Dans
l'état actuel des choses, il n'existe pas de moyens économiquement supportables pour
éviter ce risque.
5) Des problèmes inhérents à la technique
L’asepsie des explants : la présence de micro-organismes, bactéries, champignons,
virus, qui, s’ils ne sont pas totalement éliminés, contaminent la culture et tuent les
jeunes plantules.
6) L’acclimatation
Le passage à des conditions de culture normale est parfois délicat. En effet, durant son
séjour in vitro, la plante est à l’abri des stress.
7) Difficulté de réussite
Si de nombreux végétaux se multiplient facilement in vitro, certains restent rétifs à
cette technique, particulièrement chez les espèces ligneuses. Les causes sont multiples
mais les plus importantes sont la difficulté de trouver un milieu adapté et le rôle de
certaines substances sécrétées par la plantule qui s'accumulent dans le milieu et
deviennent toxiques. On essaie alors de limiter leur action ou de les rendre
inoffensives en "travaillant le milieu". On peut également pratiquer de nombreux
repiquages, ce qui rend la technique très lourde. Malgré cela, la réussite n'est pas
évidente et les échecs, bien qu'en diminution, existent encore (Beauchesne, 1980).

2 Certains cas d’hyperfloraison, perte de sexualité chez certaines espèces,


apparition d’organes anormaux.

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