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L’organisation est ainsi étudiée ici, selon un ensemble de systèmes dont les paramètres
humains, politiques, socioculturels, économiques ou techniques, sont interreliés. Cette vision
apporte à l’organisation une dimension d’anticipation, dans la mesure où elle suppose des
contacts rapprochés avec son environnement et ses structures internes. A l’appui des travaux
de Ludwig von Bertalanffy (biologiste), l’organisation peut dès lors être perçue comme un
système ouvert, où les éléments analysés sont en interaction dynamique et constituent des
ensembles qui ne peuvent être réduits à la somme de leurs parties.
Le modèle organique suppose par conséquent une capacité d’adaptation, où les individus
s’informent et coordonnent leurs activités en dehors de la ligne hiérarchique, en misant sur la
logique « compétences ». Analyser et concevoir l’organisation sous cette forme, permet de
comprendre l’action et l’incidence du milieu environnant, de mener une gestion des
ressources humaines efficace en adéquation avec le milieu. Néanmoins, cette représentation
de l’organisation occulte partiellement ou complètement la capacité humaine à influencer
l’environnement.
L’image du cerveau renvoie également à l’idée de créer des « organisations apprenantes » qui
relèvent le défi de l’apprentissage constant (apprendre) et de l’apprentissage de
l’apprentissage (apprendre à apprendre), afin de pouvoir survivre dans un monde en constante
évolution. Cette idée a été empruntée à la cybernétique, science qui étudie l’information, la
communication et le commandement. La cybernétique distingue deux types de systèmes : les
systèmes simples (détection et correction des erreurs et amélioration du système) et les
systèmes complexes (capacité à remettre en question ses propres normes).
Concevoir une telle organisation requiert de réunir plusieurs conditions. Il s’agit de construire
le tout dans les parties, via des flux d’échanges et de réalisations communes qui s’effectuent
par le biais de systèmes d’information adéquats. Il convient aussi de valoriser le principe de
redondance (surplus de capacité), à la base de tout système d’auto-organisation, en laissant
plusieurs voies de réflexions et d’informations perdurer, pour saisir les opportunités. Il faut
également défendre le principe de variété, en misant sur des entités qui regroupent des
connaissances, compétences et capacités diverses et complémentaires, conformes à la réalité
d’un environnement complexe et turbulent. Le principe de spécification critique minimale est
un point aussi crucial. Il sous-entend qu’une organisation est susceptible de s’auto-organiser,
dans la mesure où elle dispose de suffisamment d’espace et d’autonomie pour le faire. Enfin,
il est essentiel de continuer d’apprendre à apprendre, en remettant en question de la pertinence
des normes, ce qui passe par une redistribution interne des cartes de pouvoir.
Sur un plan politique, le pouvoir peut être défini comme la capacité d’obtenir d’un individu
quelque chose qu’elle n’aurait pas fait autrement. Celui-ci peut être de nature officielle et
fondé sur une légitimité de type hiérarchique, traditionnelle ou charismatique. Il peut être lié à
la gestion stratégique de ressources économiques. Il peut également provenir de la maîtrise
d’une technique, de la possession d’informations stratégiques (données confidentielles) ou de
la gestion des significations (capacité de persuasion). D’autres formes de pouvoirs peuvent
coexister, comme la faculté de composer avec l’incertitude (réseau) ou d’être reconnu comme
porte parole (ex : représentants, syndicats) au sen de l’organisation. Le jeu des pouvoirs dans
une organisation peut donc être comparé à un véritable système politique, à l’image de nos
gouvernements.
Au sein de l’entreprise, la notion de politique peut prendre une signification négative, dans la
mesure où elle reflète plutôt un choix particulier qu’une action collective. On peut distinguer
plusieurs types de gouvernements régissant les organisations. Dans une autocratie, les
gouvernement et les pouvoirs associés sont détenus par un très petit nombre de responsables,
voire d’une seule personne. Dans une bureaucratie, le gouvernement s’exerce par le biais de
procédures (formalisation) et s’inscrit dans une autorité de type rationnel ou légal. La
technocratie se présente comme un système dans lequel le contrôle et les pouvoirs sont aux
mains des spécialistes et distribués en fonction des compétences techniques. Dans une co-
gestion, le gouvernement représente des parties en opposition, gérant des intérêts en commun.
La démocratie donne le pouvoir aux employés ou aux gestionnaires les représentant
(délégation). Chaque acteur, individu ou actionnaire, est alors partie prenante dans la chaîne
de décision. Toutes ces formes de gouvernements trouvent leur légitimité dans leur principe
de création et de fonctionnement (participation à la gouvernance). Il s’agit pour certains
d’assurer une cohésion totale sur un projet d’envergure, pour les autres, d’instituer en leur
sein une opposition maîtrisée, source d’innovations.
Les jeux de pouvoir, les conflits, les modes de représentation ainsi que la prise en compte de
l’existence de diverses stratégies, conduit à considérer l’organisation comme un système de
gouvernement. L’analyse stratégique permet d’étudier la dimension politique de
l’organisation, par le biais de l’étude des stratégies d’acteurs qui sont à la base des systèmes
d’action de l’entreprise. Concevoir l’organisation comme un système politique permet
d’acquérir une vision élargie et plus juste de l’ensemble des relations. Néanmoins, cette
approche peut avoir des effets pervers, en favorisant le recours aux coalitions et à la
manipulation.
La manière dont les organisations modèlent le monde ne leur permet pas d’envisager d’autres
modélisations. Elles se trouvent dès lors prisonnières de leur vision, sans avoir la possibilité
de prendre en compte d’autres réalités. Il en résulte une difficulté à être suffisamment
réactives aux nouvelles orientations. Les prisons du psychisme sont de cette nature. Elles
créent des manières de penser et d’agir, définies une fois pour toutes qui deviennent des
pièges, en enfermant les individus dans des mondes construits par la société. Une telle
situation rend ainsi impossible toute forme d’innovation ou de régénération du système en
place.
Ainsi, beaucoup de choses qui se déroulent dans l’entreprise doivent être analysées en tenant
compte de la structure cachée et de la dynamique du psychisme humain. Cette idée est
largement développée par Freud, selon laquelle tout individu est le prisonnier ou le résultat de
son expérience passée. On peut ainsi considérer l’organisation comme un produit, à la fois, de
la somme des individus et de l’histoire commune et collective de l’entreprise. La psychologie
freudienne insiste sur la façon dont la personnalité se forme à mesure que l’esprit apprend à
composer avec les pulsions et les désirs. L’individu va mettre en place des mécanismes de
défense, tels que le refoulement, la dénégation, , la projection, l’introjection, la sublimation,
l’idéalisation ou le clivage. Ce type de défense se retrouve dans le comportement des
organisations. Ainsi, Eliott Jacques et Isobel Menzies, ont montré que certaines structures
organisationnelles pouvaient s’interpréter comme des défenses sociales contre l’angoisse.
L’imaginisation de l’organisation comme prison du psychisme montre que nous pouvons être
limités dans notre perception et interprétation des événements et situations. Elle souligne la
difficulté à intégrer une idée nouvelle, contraire à la sienne, aux risques de modifier ses
habitudes. La prison mentale constitue une réaction humaine naturelle. Elle est
biologiquement conçue comme un mécanisme de sécurité pour empêcher le corps et/ou
l’esprit d’être soumis à des situations potentiellement dangereuses (résistance au
changement). Ainsi, le management du changement doit prendre en compte des facteurs
cachés et les restituer dans une réalité plus large, afin de permettre une meilleure valorisation
de son potentiel.
Concevoir l’organisation comme ayant de fortes données psychiques, c’est aussi accepter de
la comprendre et de l’analyser dans toute sa complexité et sa richesse humaine,
psychologique, sociale et culturelle (aspects psycho-dynamiques). Une telle représentation
demande néanmoins des précautions, pour éviter que l’on agisse sur le psychisme de
l’individu, en le manipulant.
Ce que révèle cette métaphore de l’organisation vue comme un instrument de domination est
la nature à double tranchant de la rationalité. En effet, comment peut-on dire qu’un acte est
rationnel s’il conduit dans le même temps à l’augmentation des profits et à la paupérisation
d’êtres humains ? Ce qui est rationnel d’un point de vue organisationnel ne l’est donc pas
forcément d’un autre point de vue.
Cette vision de l’organisation vue comme instrument de domination permet ainsi de saisir les
logiques potentielles d’exploitation des entreprises et la manière dont peut s’exercer la
soumission. L’image de la domination offre ainsi la possibilité d’analyser l’organisation selon
le point de vue des groupes qu’elle exploite, en classant les individus selon leur degré de
pouvoir.
Conclusion
Les organisations sont complexes et peuvent être représentées de multiples façons. Chacune
des métaphores utilisées ou leur combinaison conduit paradoxalement à en multiplier sa
complexité. Ce constat implique pour les dirigeants chargés de conduire ces organisations,
d’être ouverts aux possibilités de représentations diverses qu’offre l’imaginisation, sans
perdre de vue la difficulté de la tâche à accomplir.Une difficulté apparaît aussi dans le choix
de la représentation que l’on souhaite faire d’une réalité. Chacune de ces métaphores n’est
qu’une représentation de la réalité, avec ses forces, faiblesses et la déformation logique
qu’elle sous-entend. Le réel défi de la métaphore réside non pas dans la représentation que
l’on fait d’une situation ou d’un objet, mais dans l’analyse qui en découle. Ainsi, le processus
d’analogie entre réalité et image offre de grandes possibilités de réflexion. Mais elle reste une
démarche conceptuelle qu’il s’agit de manier avec beaucoup de prudence, dans la mesure où
l’image que l’on fait d’une organisation reste nécessairement parcellaire .