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INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES ET DROIT ADMINISTRATIF

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES
(Tome 1)

Anne Jennequin
Maître de conférences en droit public

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Directeur de publication : Serge Bergamelli Septembre 2014

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du 1er juillet 1992 relative au code de la propriété intellectuelle plus précisément en ce qui concerne les articles L 122-5 et L 335-2 et suivants.
Table des matières

Introduction 5 Chapitre 3 34

Section 1. La notion d’institutions


Les institutions administratives
administratives ������������������������������������ 6 de régulation
Section 2. L
 ’organisation administrative Section 1. La notion d’autorité administrative
de la France������������������������������������������ 9 indépendante ������������������������������������ 34
Section 3. L
 a modernisation Section 2. Les domaines d’intervention�������������� 38
de l’administration ������������������������������ 13

Partie 2 43
Partie 1 15
L’administration locale
L’administration centrale
Chapitre 1 45
Chapitre 1 17
L’administration déconcentrée
Les administrations de direction
Section 1. Les cadres d’action de l’État
et d’impulsion au niveau local ���������������������������������� 46
Section 1. L’administration présidentielle������������ 17 Section 2. Les autorités déconcentrées�������������� 49
Section 2. L’administration gouvernementale ���� 21
Chapitre 2 53
Chapitre 2 27 L’administration décentralisée
Les institutions consultatives Section 1. Les principes de la décentralisation �� 54
et de contrôle Section 2. Les catégories de collectivités
Section 1. Les institutions consultatives�������������� 27 territoriales ���������������������������������������� 61
Section 2. Les institutions de contrôle���������������� 31 Section 3. La coopération intercommunale�������� 68

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Il convient, à titre liminaire, de définir rapidement la notion d’ « institutions administratives » afin
de délimiter le champ du cours.

• S’agissant en premier lieu de la notion d’institution, il s’agit d’une « structure juridiquement


organisée, dotée de compétences, de moyens et de personnels et chargée d’une mission ou
d’une fonction » (Oberdorff). Une institution, c’est donc un organisme dont le statut et le fonc-
tionnement sont régis par le droit.
Derrière cette unité de définition, il existe une grande variété d’institutions.
L’institution est composée soit d’un seul responsable (ex : Président de la République ou
Premier ministre ou encore maire), soit d’une collectivité responsable (comme le gouvernement
ou le conseil général).
L’institution a soit une compétence générale (son champ de compétence couvre tous les
domaines sur l’ensemble du territoire dans lequel l’institution exerce son pouvoir. Ex : le Premier
ministre ou le maire) soit une compétence spécialisée (champ de compétence limité à un
domaine ou à un secteur d’activité déterminé. ex : le ministre).
L’institution bénéficie d’une large autonomie (ex : Premier ministre, collectivité territoriale) ou
au contraire est largement dépendante du pouvoir central (ex : préfet : représentant de l’État
dans le département, obéit aux instructions du ministre de l’intérieur)

•  ’agissant en second lieu de la notion d’administration, le mot provient du latin « ad-minis-


S
trare » : « servir pour ». « Administration » désigne donc une fonction au service d’une mission
et une organisation qui la prend en charge. On perçoit dès lors une double signification.
ans le cadre d’une approche organique d’une part, l’administration se compose d’autorités
– D
et d’organismes administratifs chargés de remplir les fonctions attachées au service public.
La notion d’administration désigne l’ensemble des organes assurant la fonction adminis-
trative, qui, au sein des personnes publiques, relèvent du pouvoir exécutif, soit par un lien
Introduction

de subordination directe dans le cadre étatique, soit par la soumission à son contrôle.
ans le cadre d’une approche fonctionnelle d’autre part, l’administration vise les missions
– D
fondamentalement liées à l’intérêt général (missions de service public et protection de l’ordre
public). Elle prend en charge des actions que de simples particuliers ne sauraient assumer,
pour garantir la bonne réalisation des intérêts collectifs.

Annonce de plan
Avant de procéder à l’étude proprement dite des différentes institutions administratives, il convient
au préalable de dresser un panorama général du paysage institutionnel français. Une fois la notion
d’institutions administratives affinée (section 1), seront analysés la structure du système adminis-
tratif (section 2) et le mouvement de modernisation des institutions (section 3).

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Introduction

Section 1 La notion d’institutions administratives

Préciser la notion d’institutions administratives commande d’en dégager d’une part les caractéristiques (1) et
d’autre part les fonctions (2).

1. Les caractéristiques des institutions


administratives
Les institutions administratives ont un caractère public (À) et un caractère administratif (B), ce qui
permet de les distinguer des institutions privées comme des institutions publiques.

1A. Des institutions à caractère public :


La distinction institutions administratives /
institutions privées
Une institution administrative a pour mission spécifique la satisfaction de l’intérêt général. Au
contraire, une institution privée est tournée vers un intérêt privé au bénéfice de ses créateurs (ex :
les sociétés commerciales).
Ces missions particulières justifient la reconnaissance au profit des institutions administratives un
régime juridique spécifique, à savoir un régime juridique exorbitant du droit commun. Les institu-
tions administratives font ainsi l’objet d’une soumission totale ou partielle aux règles du droit public :
pouvoir de prendre des décisions unilatérales qui s’imposent à leurs destinataires, pouvoir contractuel
spécifique (pas d’équilibre entre les parties), règles spécifiques pour la gestion des deniers publics,
agents publics,… Au contraire, les institutions purement privées ne peuvent être soumises qu’aux
règles du droit privé.
Les institutions administratives ont aussi un régime contentieux spécifique. Elles relèvent de la
compétence du juge administratif, tandis que les institutions privées relèvent par principe du juge
judiciaire.
Cette distinction initiale est cependant à nuancer : le paysage institutionnel est plus complexe.
Des institutions administratives fonctionnent selon les règles du droit privé alors même qu’elles ont
en charge des missions de service public, et ce, dans le but de faciliter le fonctionnement de l’acti-
vité (facilités notamment comptables et financières). C’est le cas des EPIC (établissements publics
à caractère industriel et commercial). La limite entre EPIC et entreprises privées n’est alors pas
toujours évidente surtout que de nombreux EPIC ont été privatisés et sont devenues des sociétés
commerciales dont le capital est détenu plus ou moins en grande partie par l’État. Inversement, des
institutions privées prennent en charge des missions de service public et sont, à ce titre, soumises
pour une part aux règles du droit public.

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Introduction

1B. Des institutions à caractère administratif :


les relations entre institutions administratives
et institutions politiques
Si les institutions administratives se distinguent des institutions politiques (1), force est de constater
l’imbrication des dimensions politique et administrative (2) et la nécessaire autonomisation de l’admi-
nistration publique (3).

1B1. La distinction institutions administratives / institutions politiques


Les institutions administratives ne sont qu’une partie des institutions publiques, lesquelles désignent
aussi les institutions politiques.
Les institutions politiques relèvent de l’organisation constitutionnelle. Elles permettent aux
autorités politiques de disposer des moyens de gouverner et de légiférer dans le cadre de l’État.
Elles sont donc logiquement premières : ce sont elles qui décident et orientent. En effet, dans un
État démocratique, l’expression de la volonté générale passe nécessairement par la représentation
politique, c’est-à-dire le Parlement, le gouvernement et le Président de la République. Les institutions
politiques sont étudiées par le droit constitutionnel et la science politique.
De leur côté, les institutions administratives sont des moyens au service du politique pour
atteindre les objectifs qu’il a fixés. Il s’agit donc d’institutions secondes dans le processus démocra-
tique de décisions. En principe, les institutions administratives n’ont qu’une fonction instrumentale
par rapport au pouvoir politique. Par définition, il n’y a donc pas et il ne peut y avoir de « pouvoir »
administratif, c’est juste une fonction.

1B2. L’imbrication des dimensions politique et administrative


Dans une société démocratique, une distinction tranchée ne peut cependant pas exister entre un pou-
voir politique qui commande et une administration publique qui exécute. Un dialogue entre le pouvoir
politique et l’administration est nécessaire. On peut ainsi constater l’existence d’autorités politiques
qui prennent des décisions politiques, idéologiques et qui sont aussi à la tête d’une administration sur
laquelle ils peuvent peser pour réaliser les options politiques choisies et concrétiser les choix politiques.
Au niveau gouvernemental par exemple, le cumul s’exprime au sein même de l’article 20 de la
Constitution. L’alinéa 1er dispose que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation »,
tandis que l’alinéa 2 précise qu’« il dispose de l’administration ».
Un même cumul peut se constater sur la personne du Premier ministre : l’article 21 de la Constitution
indique en son alinéa 1er qu’« il dirige l’action du gouvernement » et en son alinéa 2 qu’« il dispose
du pouvoir réglementaire ».
La personne du ministre fournit elle aussi un bon exemple. Le ministre est d’abord une personnalité
politique. Mais il est aussi un responsable administratif : chef de son département ministériel, il n’obéit
à aucune autorité, ni à celle du Président de la République, ni à celle du Premier ministre.
Au niveau local, les élus sont autant des personnalités politiques que des gestionnaires administra-
tifs. À l’image du maire, exécutif de la commune, élu au SUI et chef de l’administration communale.

1B3. L’autonomisation de l’administration publique


En dépit de cette imbrication, la subordination administrative au pouvoir politique doit être réduite,
afin d’éviter la politisation de l’administration.
Tel est l’objet de la fonction publique : organisée autour du système de la carrière, elle est propre à
assurer la permanence de la puissance publique, en la faisant échapper aux aléas du jeu politique.
On distingue 3 fonctions publiques : la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et

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Introduction

la fonction publique hospitalière. Le droit commun de la fonction publique place l’agent dans une
situation statutaire, légale et réglementaire : il est au service de l’État ou d’une collectivité publique,
et non au service d’une majorité ou d’une opposition politique.
Un certain nombre de garanties sont offertes par la loi du 13 juillet 1983 qui constitue le statut géné-
ral de la fonction publique : le recrutement par voie de concours, la liberté syndicale et le droit
de grève, garanties dans la procédure disciplinaire. Inversement des obligations à la charge des
fonctionnaires et agents publics permettent de garantir cette autonomie du politique : l’obligation de
neutralité et l’obligation de réserve.
Une telle autonomisation n’est toutefois pas sans risque. Elle peut en effet déboucher sur la
bureaucratisation de l’administration publique. Il y a au sein de l’administration une forme de
corporatisme social, un esprit de caste, qui contribue à l’autonomiser encore davantage par rapport
au pouvoir politique. C’est notamment le cas chez les anciens élèves de l’ENA, qui ont un esprit de
corps extrêmement développé.
Se développe ainsi une conception autonome de l’intérêt général, qui n’est plus l’intérêt collectif,
l’intérêt commun mais qui est désormais l’intérêt de l’institution elle-même.
Le risque est alors grand que se développe une dérive bureaucratique ou, pour reprendre une
expression d’Alexis de Tocqueville, un « despotisme administratif ». La bureaucratie se définit comme
la confiscation du pouvoir politique par les bureaux de l’administration qui imposent à l’exécutif leurs
propres solutions. Cette usurpation se justifie et se fonde sur la rationalité des choix qu’ils font au
titre de leur compétence technique. Un véritable pouvoir administratif se développe alors et vient
concurrencer le pouvoir politique. L’administration n’est plus seulement une fonction de gestion, elle
devient un véritable pouvoir.
Cette bureaucratie est néfaste. Elle est tout d’abord dangereuse pour la démocratie puisque par
définition les agents de l’administration ne sont pas élus et ne sont donc pas représentatifs de la
volonté générale. Elle est ensuite un facteur de rigidité pour l’administration elle-même qui est inca-
pable de s’adapter et d’évoluer.
Une fois dégagées les caractéristiques des institutions administratives, encore faut-il en préciser les
fonctions.

2. Les fonctions des institutions


administratives
Est ici privilégiée l’approche fonctionnelle de l’administration publique, laquelle s’attache aux fonctions
de l’administration publique pour justifier son existence.
Il y a derrière la notion fonctionnelle d’administration une spécificité politique et idéologique :
l’administration agit dans l’intérêt général et non au nom d’intérêts particuliers.
Le développement de la fonction administrative dépend donc de la conception de l’État : État-gendarme
ou État-providence.
Un bref retour sur l’évolution de la conception de la fonction administrative s’impose ici. La période
allant des débuts du XIXe jusqu’à la guerre de 1914 se caractérise par le libéral-étatisme, dans la
tradition colbertiste : les activités assurées par les pouvoirs publics sont limitées aux missions réga-
liennes (justice, défense de la nation, politique étrangère, police, fiscalité), à la conduite de grands
projets d’équipement (chemins de fer, ponts et chaussées) à la prise en charge de certaines activités
industrielles (tabac, poudres) et enfin à la création de services publics qui relevaient jusqu’à présent
de l’Eglise (hôpitaux et bienfaisance, état civil et enseignement). L’intervention étatique reste dans le
cadre d’une logique libérale : il ne s’agit pas de transformer le système social, l’État reste en retrait
de la société civile mais accompagne les activités civiles en maintenant les équilibres économiques.
À partir de 1914 se développe la conception de l’État-providence. Une telle évolution s’explique par
l’effort de guerre puis par les nécessités de la reconstruction et par l’influence des idées socialisantes
(pour rappel : Cartel des gauches en 1924, Front populaire en 1936, Tripartisme au début de la IVe).
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Introduction

Cette période marque une progression des interventions de l’administration publique dans le domaine
des loisirs (développement des activités physiques et sportives et des activités culturelles), un déve-
loppement de la politique de solidarité sociale (actions en matière de santé publique, aides sociales)
et un important interventionnisme économique (développement des services publics industriels et
commerciaux, planification de l’économie, politique de l’emploi,…). Depuis les années 1980, le modèle
de l’interventionnisme étatique est remis en cause, par l’effet des doctrines néolibérales et de la
mondialisation de l’économie. On assiste à une vaste politique de privatisation : l’État se retire pro-
gressivement d’un certain nombre de secteurs économiques (banques, assurances, entreprises du
secteur concurrentiel) tout en gardant des positions fortes dans certains domaines (France télécom,
EDF, SNCF) ; l’administration publique se recentre autour de ses missions essentielles et développe
sa fonction de régulation des activités privées.
On peut aujourd’hui dégager trois fonctions principales des institutions administratives.
Les institutions administratives ont tout d’abord une activité de réglementation : elles veillent notam-
ment à la sauvegarde de l’ordre public (sécurité, salubrité et tranquillité publiques) pour permettre
l’exercice des libertés individuelles et collectives et la vie en société. Pris au sens large, cette fonction
recouvre armée, justice et police, mais aussi administrations éducatives et sociales.
Les institutions administratives ont ensuite une activité de prestation : elles participent à la création
et à la gestion des services publics nécessaires à la collectivité. Outre la prise en charge d’activités
régaliennes (justice, défense, sécurité), elles interviennent dans d’autres domaines d’activités (éco-
nomique, social, culturel et éducatif).
Elles ont enfin une activité de régulation, puisqu’elles contrôlent les activités des personnes privées,
notamment en matière économique, ainsi que l’activité d’autres personnes publiques (contrôle de
tutelle sur les collectivités territoriales et les établissements publics).
On assiste ainsi à une spécialisation fonctionnelle de l’administration : à chaque compétence
correspond une administration.
La définition de la notion d’institutions administratives permet d’étudier la structure du système­
administratif.

Section 2 L’organisation administrative de la France

Le système administratif français est caractérisé par une diversité des personnes publiques (1) et par une
répartition des attributions administratives (2)

1. La diversité des personnes publiques


L’administration n’a d’existence qu’à travers les personnes morales qui la composent. Une personne
morale est un groupement de personnes physiques et de biens disposant de la personnalité juridique
et titulaire de droits et d’obligations. Elle a une continuité juridique indépendamment des personnes
physiques qui l’animent.
L’attribution de la personnalité juridique fait du groupement un sujet de droit distinct de ses membres.
La personne morale dispose tout d’abord d’une autonomie d’organisation avec notamment le libre
choix des responsables. Elle dispose ensuite d’une autonomie de gestion : la personne morale définit

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Introduction

les missions à entreprendre et les moyens à mettre en œuvre. Elle peut réaliser des actes juridiques,
recruter des personnels, contracter, agir en justice,… Elle dispose enfin d’une autonomie financière
et budgétaire, c’est-à-dire d’un patrimoine propre.
Les personnes morales de droit public ont en outre des attributions spécifiques. Parce qu’elles
assurent des missions de service public, elles disposent de prérogatives de puissance publique,
c’est-à-dire de prérogatives exorbitantes du droit commun qui en principe n’appartiennent pas aux
personnes privées. Il existe deux types de prérogatives de puissance publique. Les prérogatives
d’action d’une part, qui imposent aux tiers des charges ou des obligations : pouvoir de prendre
des actes administratifs unilatéraux, pouvoir de recourir aux contrats administratifs (reconnaissance
de prérogatives exorbitantes du droit commun au profit de l’administration par rapport à son cocon-
tractant), pouvoir d’expropriation pour cause d’utilité publique, pouvoir fiscal (lever l’impôt), … Les
prérogatives de protection d’autre part, pour garantir le bon fonctionnement de la personne morale
de droit public : insaisissabilité des biens, absence de voies d’exécution forcée, intangibilité des
ouvrages publics (impossibilité de les détruire ou de les déplacer), monopole possible dans la gestion
d’un service public.
Sont des personnes morales de droit public : l’État (À), les collectivités territoriales (B) et les établis-
sements publics (C).

1A. L’État
L’État se définit par trois éléments constitutifs : un territoire qui le situe dans l’espace et délimite la
sphère de l’exercice de ses compétences, une population habitant le territoire et unie de manière
à former une Nation et un pouvoir de contrainte, une puissance publique (l’État dispose dans ce
cadre d’un pouvoir normatif et du monopole de la force appelé aussi monopole de la violence légitime).
Caractéristique essentielle de l’État, l’État dispose de la souveraineté, sur le plan interne (à l’intérieur
de son territoire, l’État a le monopole de la contrainte juridique ; il détient le pouvoir suprême et n’est
pas subordonné) et sur le plan externe (l’État est indépendant, il ne peut être soumis à une obligation
à laquelle il n’aurait pas librement souscrit).

1B. Les collectivités territoriales


Une collectivité territoriale se définit comme une personne morale de droit public, située sur une
portion du territoire national, dotée d’organes élus qui lui sont propres (conseil délibérant et
exécutif), et de compétences propres, confiées par le législateur, lui permettant de promouvoir des
intérêts locaux spécifiques, dans le respect de l’ordre juridique étatique (contrôle de tutelle).
Parmi les collectivités territoriales, on trouve les collectivités territoriales de droit commun (les
communes, départements et régions), les collectivités à statut particulier (Statuts de Paris, Lyon et
Marseille avec découpage en arrondissements et la Corse), les départements et régions d’outre-mer
(Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Guyane et depuis le 31 mars 2011 Mayotte), les collectivités
d’outre mer (Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélémy, Wallis et Futuna, Polynésie
française) et les collectivités sui generis (Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques
françaises).

1C. Les établissements publics


Les établissements publics sont des personnes morales de droit public, chargées de la gestion
d’un ou plusieurs services publics, soumises au principe de spécialité et rattachées à l’État ou à une
collectivité territoriale (soumises à un contrôle administratif).
•  rois principes régissent les établissements publics. Les établissements publics sont tout
T
d’abord régis par le principe d’autonomie. L’établissement public est une personne morale de

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Introduction

droit public dotée d’organes spécifiques d’administration et d’exécution. Il est chargé de la direction
du service et dispose d’un patrimoine propre. Ils sont aussi régis par le principe de spécialité.
L’établissement public n’a qu’une compétence spécialisée. C’est dire qu’il ne peut agir pour le
service public dont il a la charge. Enfin, les établissements publics sont soumis à un contrôle de
tutelle exercé par la collectivité de rattachement. Ce contrôle s’exerce aussi bien sur les actes
pris par l’établissement que sur les personnes qui composent cet établissement.
•  es établissements publics sont de deux types. Les établissements publics administratifs (EPA)
L
gèrent en principe un service public administratif et sont régis par le droit public. Les établisse-
ments publics à caractère industriel et commercial (EPIC) gèrent pour leur part des services
publics à caractère industriel et commercial et sont soumis à un régime essentiellement de droit
privé.
Si seul le législateur est compétent pour créer une nouvelle catégorie d’établissements publics et
pour en fixer les règles constitutives, le pouvoir réglementaire peut de son côté créer un établisse-
ment public entrant dans une catégorie préexistante. Lorsqu’ils sont créés par l’État, ce sont des
établissements publics nationaux ; lorsqu’ils sont institués par une collectivité territoriale, il s’agit
d’établissements publics locaux. Sont par exemple des établissements publics nationaux les
universités, l’Etablissement public d’aménagement de la Défense (EPAD), la SNCF, les chambres
des métiers, le Comité de l’énergie atomique, l’ENA. Sont par exemple des établissements publics
locaux les OPHLM (Offices publics d’habitation à loyer modéré), hôpitaux, collèges et lycées.

Il existe à la marge, d’autres catégories de personnes morales de droit public.


• Les groupements d’intérêt public (GIP) sont dotés de la personnalité morale et de l’autonomie
financière et sont constitués entre des établissements publics ayant une activité de recherche
et de développement technologique ou entre un ou plusieurs établissements publics avec
un ou plusieurs autres personnes morales (souvent des collectivités territoriales). La formule
a été étendue à d’autres domaines que la recherche comme l’enseignement supérieur, la
formation des détenus ou encore la gestion d’œuvres sociales ou la santé (ARH).
• Les personnes publiques sui generis sont des personnes publiques qui ne relèvent d’aucune
des catégories existantes. C’est le cas de la Banque de France.
Peu nombreuses, ces autres personnes morales de droit public ne présentent que peu
d’intérêt et ne méritent pas davantage de développements.

Il convient d’étudier à présent la répartition des attributions administratives entre les différentes per-
sonnes morales de droit public.

2. La répartition des attributions


administratives
L’organisation administrative de la France est complexe puisqu’elle emprunte à la fois à la centrali-
sation administrative (À) et à la décentralisation administrative (B).

2A. La centralisation administrative


Dans le cadre de la centralisation administrative, l’État est la seule personne morale de droit public
qui détient tout le pouvoir de décision et qui l’exerce exclusivement par ses agents qui sont soumis à
son pouvoir hiérarchique. Toutes les décisions sont prises au sein et au nom de l’État.
Cette centralisation n’est pas évidente à réaliser compte tenu de la taille de l’État et de la multitude
d’activités prises en charge. Des modalités d’aménagement de la centralisation sont ainsi prévues,
comme la délocalisation et la déconcentration.

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Introduction

Dans un État concentré, toutes les autorités administratives sont réunies au même endroit, en
principe dans la capitale. Très vite, la capitale est congestionnée et doit être soulagée dans le cadre
d’une politique d’aménagement du territoire.
La délocalisation apparaît donc comme un correctif à la concentration : elle se définit comme un
transfert géographique de services à l’intérieur d’une même personne publique et au sein du même
niveau d’administration où les compétences sont maintenues. Une administration centrale de l’État
quitte Paris pour s’installer en banlieue ou en province. Par exemple, le service de l’état civil des
Français nés à l’étranger (ministère des affaires étrangères) et le service du casier judiciaire (minis-
tère de la justice) sont délocalisés à Nantes ; l’Ecole nationale de la magistrature (ministère de la
justice) à Bordeaux.
La déconcentration est système d’administration consistant à confier des pouvoirs de décision
à des autorités administratives réparties sur le territoire et placées à la tête de circonscriptions
administratives. L’État déconcentré se définit comme une répartition des autorités administratives
sur le territoire. La déconcentration est donc une modalité, un aménagement de la centralisation.
« C’est le même marteau qui frappe, on en a seulement raccourci le manche » (Odilon Barrot).
Sont des circonscriptions administratives, c’est-à-dire des cadres d’exercice du pouvoir central au
niveau local, par exemples les départements, les régions, les communes et les cantons.
Les autorités déconcentrées sont une émanation du pouvoir central et sont donc dépourvues
de la personnalité juridique, elles sont chargées de représenter l’État au niveau local, afin de
faciliter l’exercice des missions de l’État sur tout le territoire et de rapprocher l’État des administrés.
Elles sont soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales. Exemples : le Préfet de dépar-
tement dans la circonscription départementale, le préfet de région dans la circonscription régionale,
le maire dans la circonscription communale, le recteur dans l’académie, …
Les institutions déconcentrées se distinguent donc clairement des institutions décentrali-
sées (collectivités territoriales et établissements publics), lesquelles bénéficient d’une autonomie,
d’une personnalité juridique, et de ressources propres. Il y a cependant un dédoublement fonctionnel
du maire qui est à la fois agent de l’État sur le territoire de la commune (circonscription administrative)
et exécutif de la commune en tant que collectivité territoriale.

2B. La décentralisation administrative


La décentralisation administrative consiste à transférer des compétences appartenant initialement
à l’État à d’autres personnes morales de droit public qui vont pouvoir les exercer librement.
Il existe deux types de décentralisation administrative. La décentralisation territoriale consiste à
confier à des collectivités territoriales la gestion d’affaires locales. La décentralisation fonctionnelle
appelée aussi décentralisation technique est plus modeste dans sa fonction puisqu’elle vise à
transférer la gestion d’un ou plusieurs services publics à des établissements publics. L’établissement
public est la « personnalisation d’un service public ». La technique de la décentralisation fonctionnelle
est utilisée par l’État ou les collectivités territoriales pour des raisons d’interventionnisme économique,
de modes de gestion des services publics ou d’efficacité de la gestion administrative.
En dépit d’une très forte structuration, les institutions administratives n’en évoluent pas moins et font
l’objet d’un mouvement de modernisation depuis les années 1990.

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Introduction

Section 3 La modernisation de l’administration

La modernisation de l’administration part d’un double constat négatif. En premier lieu, l’intervention de l’État
est devenue multiforme et parfois peu lisible. Ses missions se sont multipliées et superposées sans que la
cohérence d’ensemble ne soit toujours garantie. Des politiques qui ne devaient être que temporaires ont été
pérennisées. Des missions, qui ne relevaient pas du cœur de métier de l’État, se sont développées. Il fallait
donc engager une réflexion sur les priorités de l’État et sur la pertinence de certaines de ses missions. En
second lieu, l’organisation de l’État s’est progressivement complexifiée pour les usagers.
Cette modernisation est encore en cours. Si elle a d’ores et déjà connu de nombreuses concrétisations, le
mouvement n’est pas terminé. La réforme de l’État est en effet actuellement pilotée par des structures intermi-
nistérielles chargées de la réforme de l’État (Décret du 21 février 2003 portant création de services inter-
ministériels pour la réforme de l’État) et par la Direction générale de la modernisation de l’État (DGME),
créée par un décret du 30 décembre 2005. La Révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée
en 2007, se présente comme un programme de modernisation de l’action de l’État touchant l’ensemble
des politiques publiques et l’ensemble des ministères. La première phase a conduit essentiellement à
recentrer l’État sur ses missions prioritaires et à engager de profondes restructurations ; la seconde met l’accent
sur l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager.
Une nouvelle réforme de la décentralisation et de modernisation de l’action publique a vu le jour le 27
janvier 2014 avec l’adoption de la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles. Elle
approfondit l’intercommunalité et la décentralisation (suppression des conseillers territoriaux, réintégration de
la clause générale de compétences, etc ).
Cette modernisation a tout d’abord commandé l’évolution des structures administratives. On est passé d’une
administration de gestion à une administration de mission, reposant sur les principes de transversalité et d’inter-
ministérialité et partant soumise à moins de contraintes. (Exemple : en matière d’aménagement du territoire).
La modernisation a aussi touché la fonction publique, inspirant le développement d’une vision managériale de
la fonction publique. La fonction publique telle que gérée jusqu’à présent peut en effet apparaître neutralisante,
paralysante pour de nombreux fonctionnaires. On introduit donc au sein de la fonction publique le concept de
gestion des ressources humaines (GRH) propre au droit privé, laquelle commande l’évolution des modes de
recrutement (professionnalisation du concours), la prise en compte de la formation continue dans la carrière
de l’agent, une plus grande mobilité au sein de la fonction publique, une évaluation des agents et enfin une
évolution de la rémunération (introduction de la notion de performance de l’agent). Tel a été l’objet de la loi du
2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.
La modernisation de l’administration passe enfin par une modernisation de la gestion publique, réalisée par
la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. Depuis, la logique de programme, de
missions et d’action a remplacé le raisonnement ministère par ministère et l’évaluation des politiques publiques
gagne du terrain. Une délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l’État (DMGPSE),
créée par un décret du 21 février 2003, a pour missions de moderniser la gestion publique, d’adapter l’organi-
sation de l’État et de favoriser le développement de l’évaluation des politiques publiques.

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Partie

1 L’administration
centrale

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L’État dispose d’un appareil administratif central, essentiellement localisé à Paris. Cette administration centrale
est composée d’institutions administratives de direction et d’impulsion (Oberdorff) (chapitre 1), de consultation
et de contrôle (chapitre 2) et enfin de régulation (chapitre 3).

Chapitre 1
Les administrations de direction
et d’impulsion
Si l’exécutif est bicéphale, il n’existe pas de dyarchie au sommet : il y a partage des responsabilités admi-
nistratives entre Président de la République et Premier ministre, ce qui marque une forme de « cohabitation
administrative » (O. GOHIN). Le Président de la République est autorité administrative d’exception (section 1),
le Premier ministre, autorité administrative de principe (section 2).

Section 1 L’administration présidentielle

À la lecture de la Constitution, et notamment de son article 5, le Président de la République ne gouverne pas, il


a seulement un rôle d’arbitre, de garant. Mais la pratique s’est écartée du texte : le Président de la République
est apparu comme la véritable « clé de voûte des institutions » (expression de M. Debré), qui chapeaute et
assure l’équilibre de l’édifice. Il faut donc bien prendre garde de compléter les dispositions constitutionnelles
avec la pratique qui en est faite pour avoir une idée exacte des prérogatives administratives du Président de
la République.
Pour exercer ses attributions administratives (1), le Président de la République est assisté de services (2).

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Chapitre 1 Les administrations de direction et d’impulsion

1. Les attributions administratives du


Président de la République
L’article 5 de la Constitution confère au Président de la République un pouvoir général d’arbitrage lui
permettant d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il a donc nécessairement des
pouvoirs en rapport avec le gouvernement et l’administration : un pouvoir de nomination d’une part
(1A) et un pouvoir réglementaire d’autre part (1B). Les actes pris par le Président de la République
sont des décrets (réglementaires ou individuels).

1A. Un pouvoir de nomination


1A1. La nomination des membres du gouvernement
L’article 8 de la Constitution dispose que « le Président de la République nomme le Premier ministre
et les ministres sur proposition du Premier ministre ».
La nomination du Premier ministre est un pouvoir propre au sens de l’article 19 de la Constitution,
c’est-à-dire dispensé de contreseing. Le choix du Premier ministre est essentiel puisqu’il détermine
la politique administrative qui va être conduite.
En période de concordance des majorités, le Président de la République dispose d’une grande liberté
dans le choix du Premier ministre, ce qui se justifie pleinement dans la mesure où Premier ministre
a pour mission de mettre en œuvre la politique définie par le Président de la République. En période
de cohabitation en revanche, sous peine de provoquer une crise grave, le Président de la République
est obligé de choisir comme Premier ministre une personnalité forte de la majorité parlementaire.
La nomination des ministres se fait sur proposition du Premier ministre et ne constitue pas un pou-
voir propre. Elle nécessite l’accord du Premier ministre et du Président, faisant ainsi souvent l’objet
de négociations, notamment pour les postes ministériels qui concernent des secteurs sur lesquels le
Président de la République estime avoir un droit de regard : Défense nationale et Affaires étrangères.
Là encore, le Président a un rôle déterminant dans l’organisation de l’administration centrale.

1A2. La nomination aux emplois civils et militaires


Elle est prévue par l’article 13 de la Constitution complété par l’ordonnance du 28 novembre 1958.
Ce pouvoir ne concerne bien évidemment pas tous les emplois, mais seulement les emplois de
fonctionnaires pressentis à intégrer les grands corps de l’État ou à assumer des responsabilités
administratives étroitement liées à la mise en œuvre et au suivi des politiques gouvernementales.
Sont concernés environ 75 000 emplois.
S’agissant de la nomination aux emplois dont les titulaires sont nommés en Conseil des mi-
nistres (article 13 de la Constitution), le pouvoir s’exerce sur la proposition et avec le contreseing
des ministres responsables. Sont nommés selon cette procédure, les grands chanceliers de la légion
d’honneur, ambassadeurs, conseillers d’État et conseillers-maîtres à la Cour des comptes, préfets
et représentants du gouvernement dans les collectivités d’outre-mer, officiers généraux, recteurs
d’académie, directeurs d’administration centrale et directeurs des entreprises publiques.
L’importance du pouvoir du Président de la République dépend du contexte politique. En période de
concordance, le Président de la République dispose d’un pouvoir sans partage sur les nominations,
ce qui lui confère une capacité d’influence sur l’action administrative. En période de cohabitation, les
nominations font l’objet de négociations entre Président de la République et premier ministre. Tout
dépend alors de la configuration et des rapports des forces politiques entre Président de la République
et gouvernement (majorité parlementaire écrasante ou de coalition). Dans tous les cas, il faudra des
négociations et des compromis pour éviter tout blocage ou dysfonctionnement institutionnel.
Le pouvoir de nomination est désormais encadré depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : le
Parlement doit être préalablement consulté et se voit conférer un droit de véto. Les candidats devront

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Les administrations de direction et d’impulsion Chapitre 1

démontrer leur compétence et leur motivation à l’occasion d’une audition devant les commissions
parlementaires compétentes de chaque assemblée. Les parlementaires peuvent aussi s’opposer à
une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins
3/5 des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
S’agissant de la nomination aux emplois dont les titulaires sont nommés directement par le
Président de la République (Ordonnance du 28 novembre 1958), le pouvoir est exercé sans contre-
seing. Cela concerne environ 5000 décrets de nomination et de promotion chaque année : autres
membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs de
l’enseignement supérieur, officiers des armées de terre, de mer et de l’air, membres des corps dont
le recrutement est assuré par l’ENA (corps d’inspection, …). Ce pouvoir apparaît néanmoins comme
une compétence liée : la nomination clôt une procédure de recrutement ou intervient en application
de dispositions statutaires organisant la promotion interne des fonctionnaires.

1B. Un pouvoir réglementaire


Le Président de la République assure la présidence du Conseil des ministres (article 9 de la
Constitution), dont il établit l’ordre du jour, en concertation avec le Premier ministre. La capacité
d’influence du Président de la République dépend là encore du contexte politique. En période de
concordance, il a une véritable influence sur l’action gouvernementale ; en période de cohabitation,
l’influence est très limitée puisqu’il peut seulement indiquer sa position.
Le pouvoir réglementaire est partagé entre les deux têtes de l’exécutif par la Constitution de 1958.
Alors que le Premier ministre dispose en principe du pouvoir réglementaire (article 21), le Président
de la République dispose d’un pouvoir réglementaire d’attribution (article 13).
Le Président de la République signe d’une part les décrets délibérés en Conseil des ministres.
Ils sont au final peu nombreux : décrets individuels de nomination, instauration de l’état de siège
(article 36), dissolution des groupes de combat et milices privées (loi du 10 janvier 1936), édiction
de décrets pour certains corps de fonctionnaires (loi 26 janvier 1984). Le Président de la République
signe d’autre part les ordonnances, prises par le gouvernement dans le domaine de la loi, sur habi-
litation législative.
Il convient d’examiner la portée de la signature du Président de la République. Lorsque le pas-
sage d’un texte en conseil des ministres est juridiquement prescrit (par la Constitution ou la
loi), le défaut de signature du Président de la République entraîne l’illégalité du texte. La signature
du Président de la République constitue dès lors une faculté d’empêcher intéressante en période de
cohabitation.
De nombreux textes passent en Conseil des ministres, sans qu’aucun texte ne les y oblige.
C’est l’effet de la « doctrine Tricot » qui consiste à inscrire à l’ordre du jour du Conseil des ministres
et à soumettre à la signature du Président de la République les textes importants qui méritent d’être
approuvés en des formes solennelles par le gardien de la Constitution. La question s’est alors posée
de savoir si ces textes devaient être signés par le Président de la République.
Dans un arrêt Meyet du 10 septembre 1992, le Conseil d’État a posé en principe que le Président
de la République doit signer tous les décrets délibérés en Conseil des ministres, même ceux qui
n’étaient pas soumis à cette formalité. Cette jurisprudence reconnaît au Président de la République la
possibilité, par l’inscription de textes à l’ordre du jour du conseil des ministres, d’étendre son propre
pouvoir réglementaire. Le Président peut ainsi définir lui-même la compétence de sa compétence
administrative.
L’arrêt du Conseil d’État Allamigeon et Pageaux rendu en 1994 rappelle ce principe et précise que
la modification du décret doit se faire dans les mêmes formes, c’est-à-dire par le Président de
la République en Conseil des ministres. Il pose ainsi la règle du parallélisme des formes. Un décret
signé par le Président de la République ne peut donc être modifiée que par lui, privant ainsi le Premier
ministre d’une compétence dont il disposait initialement. Cette position a cependant été tempérée
par l’arrêt du Conseil d’État du 9 septembre 1996, Ministre de la Défense c/ Collas : le Premier
ministre peut retrouver sa compétence si le décret prévoit lui-même qu’il pourra être modifié par décret
simple. Le Conseil d’État admet ainsi la « pratique des déclassements » qui ouvre au Président de

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Chapitre 1 Les administrations de direction et d’impulsion

la République la possibilité de réattribuer au Premier ministre la compétence réglementaire qu’il lui


avait précédemment confisquée. Le décret signé par le Président de la République parce que passé
en Conseil des ministres pourra donc, s’il le prévoit, être modifié par un décret signé par le Premier
ministre.
S’agissant en revanche des décrets non délibérés en Conseil des ministres mais pourtant signés
par le Président de la République, l’’arrêt du Conseil d’État du 27 avril 1962, Sicard indique que
la signature ne constitue pas une cause d’illégalité en soi et que si l’acte est revêtu aussi de la signa-
ture du Premier ministre, il est considéré comme signé par le Premier ministre. En d’autres termes,
la signature du Président de la République est considérée comme superfétatoire. En revanche en
l’absence de signature du Premier ministre, le décret non délibéré en Conseil des ministres et signé
par le Président de la République est entaché d’illégalité pour incompétence.

Pour aller plus loin


Le Président de la République dispose également d’un pouvoir de décision en période exceptionnelle.
L’article 16 de la Constitution dispose en effet qu’en cas de menace grave et immédiate pesant sur
les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution
de ses engagements internationaux et d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics
constitutionnels (conditions de fond cumulatives), le Président de la République prend les mesures
exigées par les circonstances. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux
pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. La
mise en œuvre de l’article 16 opère ainsi un véritable bouleversement des compétences au profit du
Président de la République puisque celui-ci peut exercer le pouvoir législatif comme le pouvoir exécutif.
S’agissant du contrôle juridictionnel, le Conseil d’État a indiqué qu’il convenait de faire une distinction
(CE, 2 mars 1962, Rubin de Servens) :
• La décision de mettre en œuvre l’article 16 est insusceptible de recours devant le Conseil d’Etat,
car il s’agit d’un acte de gouvernement (le Conseil d’État est incompétent pour en connaître)
• Les décisions prises dans le cadre de l’article 16 : il faut là encore distinguer entre d’une part
les mesures qui, parce qu’intervenues dans le domaine de la loi, ont valeur législative et ne
relèvent donc pas de la compétence du Conseil d’État seul compétent pour connaître des
actes administratifs, d’autre part les mesures qui ont un caractère réglementaire et qui sont
contrôlées par le Conseil d’État
L’article 16 de la Constitution a été modifié par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisa-
tion des institutions de la Vème République pour permettre un contrôle de la durée de mise en œuvre
de cet article. Après trente jours d’utilisation des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel
peut être saisi par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés et
soixante sénateurs. Le Conseil est alors saisi aux fins d’apprécier si les conditions de fond posées à
la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les
plus brefs par un avis public. Au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, et à
tout moment au-delà de cette durée, le Conseil procédera de plein droit à cet examen et se prononcera
dans les mêmes conditions. L’avis du Conseil constitutionnel reste seulement consultatif, et il ne lie
donc pas juridiquement le Président de la République, mais on peut estimer que son caractère public
serait de nature à éviter une prolongation excessive de l’application des pouvoirs exceptionnels et
le refus du Président de suivre cet avis pourrait être un cas de mise en cause de sa responsabilité
devant la haute Cour pour « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice
de son mandat ».

2. Les services de la présidence


Environ 500 personnes travaillent pour l’Elysée, dont une soixantaine de collaborateurs directs.
Parmi les collaborateurs directs du Président de la République, on compte notamment le secré-
taire général de la présidence, le Chef d’état-major particulier et le directeur de cabinet. Il faut y ajouter

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Les administrations de direction et d’impulsion Chapitre 1

des conseillers et des chargés de mission directement attachés à la personne du Président de la


République, ainsi qu’un conseiller diplomatique et sherpa en charge des préparations des interventions
présidentielles dans les sommets internationaux.
Le cabinet du Président de la République a en charge la gestion de l’organisation matérielle des
activités présidentielles, le fonctionnement du palais de l’Elysée ainsi que l’emploi du temps, les
déplacements et les activités de représentations en France et à l’étranger.
Le secrétariat général de la présidence est lui organisé autour d’un secrétaire général et de se-
crétaires généraux adjoints. Ses membres suivent les affaires des départements ministériels et en
informent le Président de la République de la manière la plus complète possible, ils font connaître
la position du Président de la République dans les instances interministérielles auxquelles ils parti-
cipent, préparent les réunions du Conseil des ministres ainsi que les réunions se tenant à l’Elysée. En
période de cohabitation, le secrétariat assure au Président de la République une capacité de réaction
ou d’intervention dans le débat politique en actualisant les dossiers, en préparant les discours ou en
activant les réseaux.
L’état-major du Président de la République est composé d’un Chef d’état-major particulier, de
deux ou trois officiers généraux et de deux ou trois officiers supérieurs. Il permet au Président de la
République d’avoir un contact plus direct avec l’armée.

Section 2 L’administration gouvernementale

Le Gouvernement désigne l’équipe ministérielle, à savoir Premier ministre (1) et ministres (2).

1. Le premier ministre et ses services


1A. Les attributions du Premier ministre
Le Premier ministre est une autorité politique et administrative. Au titre de l’article 21 de la
Constitution, il dirige l’action du gouvernement. Il dispose ainsi d’un pouvoir de coordination du
travail des différents départements ministériels et notamment d’un pouvoir d’arbitrage en cas de
conflits entre des ministres sur un projet de loi ou de décret ou sur des questions budgétaires. Au titre
de l’article 20, il dirige l’administration et a la haute main sur l’appareil d’État.
Le Premier ministre dispose pour ce faire d’un pouvoir de nomination (1A1) et d’un important pouvoir
réglementaire (1A2).

1A1. Le pouvoir de nomination


Le Premier ministre a en la matière une compétence administrative de droit commun, sous réserve
du pouvoir de nomination du Président de la République. Le Premier ministre peut déléguer ses
pouvoirs aux ministres. En période de concordance des majorités, les choix présidentiels l’emportent
systématiquement. En période de cohabitation en revanche, le Premier ministre retrouve sa marge
de manœuvre.

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Chapitre 1 Les administrations de direction et d’impulsion

1A2. Le pouvoir réglementaire


Le Premier ministre dispose de la compétence réglementaire de principe.
Il détient au titre de l’article 21 de la Constitution le pouvoir réglementaire d’exécution des lois,
ou pouvoir réglementaire dérivé, c’est-à-dire le pouvoir de mettre en œuvre et d’appliquer les dis-
positions législatives. Ce pouvoir est exercé soit sur invitation législative, soit sans invitation expresse.
Il représente environ 1500 décrets par an.
L’article 37 de la Constitution lui reconnaît par ailleurs un pouvoir réglementaire autonome. Le
Premier ministre peut prendre des mesures générales et impersonnelles, même en l’absence d’inter-
vention législative antérieure, dans les domaines qui relèvent de la compétence réglementaire. Ce
pouvoir ne représente qu’1 % des règlements pris par le Premier ministre
Le Premier ministre dispose enfin d’un pouvoir réglementaire de police qui lui est reconnu même
sans texte. L’arrêt du Conseil d’État du 8 août 1919, Labonne consacre en effet un pouvoir régle-
mentaire de police « en dehors de toute habilitation législative et en vertu de ses pouvoirs propres ».
Arrêt confirmé par CE, Ass., 13 mai 1960, SARL Restaurant Nicolas.
Dans l’exercice de son pouvoir réglementaire, le Premier ministre est tenu de respecter la hiérarchie
des normes (Constitution, engagements internationaux, lois et principes généraux du droit) CE, sect.,
26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils.

1B. Les services du Premier ministre


Ils représentent plus de 5000 agents. Ils se situent à l’hôtel Matignon depuis 1935 et sont composés
du cabinet du Premier ministre (1B1) ainsi que d’institutions de coordination administrative (1B2).

1B1. Le cabinet du Premier ministre


Le cabinet du Premier ministre comprend, selon les premiers ministres, entre 20 et 60 personnes.
La composition dépend du choix du Premier ministre : des fidèles, des relations personnelles mais
aussi et surtout des experts techniques. Les membres sont souvent issus des grands corps de l’État.
Le cabinet du Premier ministre se présente comme un état-major politique, un « mini-gouverne-
ment ». Il n’a pas seulement un rôle d’information du Premier ministre, contrairement au cabinet du
Président de la République. Il a aussi pour mission d’assister le Premier ministre dans la préparation
et l’exécution de la politique gouvernementale. Ses membres sont en prise directe avec l’activité
gouvernementale et en position de décision dans de nombreux cas, en présidant par exemple des
réunions interministérielles d’arbitrage au nom du Premier ministre. Le cabinet est en liaison perma-
nente avec les différents cabinets ministériels, les structures de l’Assemblée nationale, les partis et
élus de la majorité parlementaire, ainsi qu’avec les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle
(syndicats, associations, groupes de pression, journalistes, etc).

1B2. Les institutions de coordination administrative


Matignon se présente comme un véritable centre de coordination administrative. C’est la raison pour
laquelle on parle parfois de « premier ministère », de « secrétariat général de l’exécutif » ou encore
de « ministère d’administration générale ». Ces institutions sont les états-majors administratifs du
gouvernement.
Le secrétariat général du gouvernement (SGG), structuré autour d’un secrétaire général, est une
institution spécifiquement destinée à assurer et à veiller au bon fonctionnement du travail gouverne-
mental, une instance régulatrice qui intervient en charnière au niveau des procédures et des circuits
de décision du travail gouvernemental. En retrait de la vie politique, il n’est pas une structure politique
mais une institution administrative. C’est en effet une instance permanente dont les membres sont
des personnels administratifs, donc pas obligatoirement soumis aux conséquences des alternances
politiques.

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Les administrations de direction et d’impulsion Chapitre 1

Les fonctions du SGG sont au nombre de trois. Il a tout d’abord en charge l’organisation de
l’action gouvernementale : il contribue au bon fonctionnement du processus décisionnel
gouvernemental (prépare le programme de travail des membres du gouvernement, prépare les réu-
nions gouvernementales, les décrets du Premier ministre, les délibérations du conseil des ministres,
organise les délibérations interministérielles, suit le bon déroulement de la procédure législative, de
la consultation du Conseil d’État à la publication des décrets d’application). Le SGG est ensuite le
conseiller juridique du gouvernement : Il veille au respect des règles de l’État de droit par le
gouvernement. Il est ainsi au carrefour des relations entre Président de la République et premier
ministre, entre gouvernement et Parlement et entre Premier ministre et ministres, mais aussi entre
gouvernement et Conseil constitutionnel. Dans ce cadre, il veille à tous les stades de la procédure
législative aux divers problèmes de constitutionnalité, il assure la correction juridique et formelle des
lois et décrets (signatures, publication au JO), il suit les saisines du Conseil constitutionnel et pré-
pare les observations du gouvernement sur les saisines parlementaires, il assure les rapports avec
le Conseil d’État, il rédige les circulaires du Premier ministre relatives à l’interprétation juridique des
textes. Enfin, le SGG assure la direction de l’ensemble des services civils et coordonne les
nombreux services rattachés au Premier ministre. Il veille à l’exécution des décisions gouverne-
mentales en organisant notamment la diffusion des décisions vers ceux qui doivent les appliquer, il
gère la communication de l’administration centrale de l’État en vue de l’accès des usagers des services
publics à une information administrative et juridique actualisée et fiable.
Le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) assiste le Premier ministre dans ses res-
ponsabilités en matière de défense nationale et de sécurité nationale. Institution charnière entre
Président de la République, Premier ministre et ministre de la défense, il est en charge des dossiers
concernant la sécurité intérieure et extérieure de la France.
Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) vérifie la cohérence des positions fran-
çaises face à la construction communautaire, instruit et prépare les positions qui seront exprimées
par la France au sein des institutions communautaires et de l’OCDE, assure la coordination inter-
ministérielle, veille au respect par les départements interministériels des engagements pris par la
France devant les institutions communautaires, assure le suivi de la transposition des directives et
des décisions-cadres, en coordination avec le SGG, et enfin coordonne l’information du Parlement
européen sur les positions du gouvernement.
D’autres services administratifs sont rattachés au Premier ministre. Il en est ainsi du Service d’in-
formation du gouvernement qui a pour mission d’analyser l’évolution de l’opinion publique et le
contenu des médias et de communiquer sur l’action gouvernementale. De même, la direction de
l’information légale et administrative (DILA) (créée par le décret du 11 janvier 2010, elle résulte
de la fusion de la direction des Journaux Officiels et de la direction de la documentation française)
a en charge, sous l’autorité du SGG, la diffusion légale, l’information administrative et l’édition
publique. On peut encore citer le Haut Conseil à l’intégration, le Conseil supérieur de la langue fran-
çaise ou encore la Délégation aux usagers et aux simplifications administratives ou la Commission
supérieure de codification.

2. Les ministres
2A. La structure gouvernementale
Le gouvernement est une institution collégiale, faisant l’objet d’une organisation (2A1) et d’une
­nomenclature (2A2).

2A1. L’organisation du gouvernement


L’organisation et le fonctionnement du gouvernement ne font l’objet d’aucune réglementation
constitutionnelle ou législative. La Constitution ne prévoit aucune obligation quant au nombre de
ministres, quant aux intitulés des ministères, laissant ainsi un pouvoir discrétionnaire au Président
de la République et au Premier ministre. La base juridique de la composition du gouvernement est

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Chapitre 1 Les administrations de direction et d’impulsion

fournie par le décret de nomination des ministres pris par le Président de la République et contresi-
gné par le Premier ministre. C’est ce décret qui précise la structure du gouvernement, le nombre de
ministres et leurs attributions. Des décrets de répartition de compétences interviennent par la suite
pour préciser les compétences des ministres.
L’organisation gouvernementale est caractérisée par la spécialisation ministérielle. Elle peut prendre
deux formes. D’une part la spécialisation verticale consiste à créer des ministères prenant en charge
une catégorie de la population et l’ensemble de ses activités, comme c’est le cas des ministères de
l’agriculture et des petites et moyennes entreprises. D’autre part, la spécialisation est horizon-
tale quand le ministère a une activité touchant à l’ensemble des catégories de la population, comme
l’économie et les finances, la justice, l’emploi et la cohésion sociale, l’écologie, le développement
durable, etc. La spécialisation n’empêche cependant pas les chevauchements, nécessitant des arbi-
trages du Premier ministre ou le recours à la coordination interministérielle.
Au-delà de la grande liberté du Président de la République et du Premier ministre pour composer le
gouvernement, on constate une permanence : les ministères régaliens (Justice, Affaires étrangères,
Intérieur, Economie,…) sont toujours reconduits.
En pratique, la composition du gouvernement se fait sur des bases essentiellement politiques mais
aussi en tenant compte du sexe, de l’âge, de l’origine géographique ou sociologique, voire aussi et
de façon plus surprenante sur des bases ethniques ou confessionnelles, comme si le gouvernement
devait être un échantillon représentatif de la population. Le choix des membres du gouvernement
est dès lors stratégique : choix de politiciens expérimentés et de techniciens, respect du principe
de parité, représentation des différents corps de la société, représentation des différents territoires,
représentation des différents courants politiques internes au sein de la majorité.

2A2. La nomenclature gouvernementale


En principe, les membres du gouvernement sont administrativement égaux. Mais en pratique il existe
une hiérarchie politique, manifestée par l’ordre protocolaire qui est celui du décret de nomination des
membres du gouvernement. Ainsi, c’est le premier des ministres nommé par le décret qui exercera
l’intérim du Premier ministre en cas d’empêchement.
Au sommet de l’ordre protocolaire, on trouve les ministres d’État. Le titre, purement honorifique,
est décerné à des personnalités en raison de leurs qualités propres ou pour des raisons politiques,
pour marquer l’importance particulière du portefeuille ministériel. Viennent ensuite les ministres,
chargés d’un département ministériel classique. Suivent les ministres délégués, qui dirigent des
services qui relèvent soit du Premier ministre, soit de grands départements ministériels (Economie,
Affaires étrangères). Ce sont des ministres à part entière, qui disposent d’une véritable autonomie
administrative, même si pour des raisons politiques il relève théoriquement d’un autre ministre au
nom duquel il a autorité sur ses services. Les secrétaires d’État, enfin, ne sont pas des ministres.
Adjoints à un ministre, ils ne disposent ni d’une administration, ni d’un budget propre.

2B. Les attributions des ministres


Le ministre est chef d’une administration centrale constituée d’un ou plusieurs services placés sous
son autorité hiérarchique.
Le ministre n’a pas en principe de pouvoir réglementaire (CE, Sect., 28 novembre 1958, Lépouse).
Le seul pouvoir réglementaire dont il peut disposer c’est sur délégation par la loi ou par le Premier
ministre. La jurisprudence administrative a cependant reconnu un certain pouvoir réglementaire au
ministre, en dehors de toute habilitation : il s’agit d’un pouvoir réglementaire d’organisation du service.
L’arrêt CE, Sect., 7 février 1936 Jamart pose ainsi en principe que « même en l’absence de toute
disposition législative leur conférant un pouvoir réglementaire, les ministres et les chefs de service
peuvent prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée
sous leur autorité ». Ce pouvoir réglementaire permet au ministre de prendre, dans ce cadre, les
mesures relatives à la situation des agents (droit de grève, condition de rémunération des personnels
contractuels) comme à la situation des usagers du service (horaires et conditions d’ouverture du
service, liste des renseignements à fournir pour une demande,…).

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Les administrations de direction et d’impulsion Chapitre 1

Le ministre dispose d’un pouvoir de contreseing dans les conditions prévues aux articles 19 et 22
de la Constitution. Les actes du Président de la République sont contresignés par les « ministres
responsables », c’est-à-dire ceux à qui incombent à titre principal la préparation et l’application des
décrets présidentiels (CE, Sect., 10 juin 1966, Pelon) tandis que les actes du Premier ministre sont
contresignés par les ministres « chargés de l’exécution » c’est-à-dire ceux « compétents pour signer
ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution
de ces actes » (CE, 27 avril 1962, Sicard).

2C. Les services des ministres


Chaque ministère est composé d’un cabinet, de services ou d’organismes rattachés au ministre ou à
son cabinet et de directions regroupant les bureaux de l’administration centrale. Pour rappel, chaque
ministre peut être en outre assisté d’un ou plusieurs ministres délégués ou secrétaires d’État délégués,
lesquels disposent à leur tour d’un cabinet et de services qui leur sont rattachés.
Le fonctionnement de l’administration centrale autour du ministre suppose que des délégations de
signature ou de compétence soient accordées. S’agissant des délégations de signature, elles
autorisent divers membres du cabinet ministériel ou des fonctionnaires à signer les actes, au nom
du ministre. Elles peuvent être accordées par décret du Premier ministre ou par le ministre lui-même.
Ces délégations maintiennent la compétence du ministre, qui peut encore agir lui-même. Elles sont
personnelles, c’est-à-dire attachées à la personne du ministre et à celle du délégataire (la délégation
devient caduque à la démission du ministre ou au changement de poste du délégataire). Les délé-
gations de compétence, elles, se retrouvent essentiellement dans le champ de la déconcentration.
Elles opèrent pour leur part un véritable transfert de compétence : le délégant (c’est-à-dire le ministre)
n’est plus compétent pour agir dans le domaine délégué. Les délégations sont impersonnelles, c’est-
à-dire accordées sans considération de la personne du délégataire, attachées à la fonction et non à
la personne. Les délégations survivent donc au titulaire.

2C1. Le cabinet ministériel


Le cabinet ministériel est composé de personnalités proches du ministre, choisies à titre personnel
essentiellement dans la haute fonction publique (90 % environ des membres des cabinets ministériels
sont issus des grands corps de l’ENA). Chaque cabinet ministériel, représentant entre 200 et 400
membres, comprend notamment un directeur de cabinet auquel le ministre délègue sa signature, des
conseillers spéciaux ou des chargés de mission, un chef de cabinet chargé des aspects protocolaires
et politiques de l’activité du ministre, un attaché de presse et un attaché parlementaire qui assurent
les relations publiques extérieures.
Le cabinet a non seulement une mission politique – il assiste le ministre dans l’exercice de l’ensemble
de ses attributions politiques, en liaison avec leurs homologues de la présidence de la république, du
cabinet du Premier ministre, du SGG mais aussi en liaison avec les partis politiques de la majorité, les
syndicats, la presse et les différents groupes de pression – mais aussi des mission administratives :
il sert de relais pour communiquer à l’administration centrale les directives techniques du ministre
et veiller à leur bonne exécution et assure la coordination de l’ensemble des services ministériels.

2C2. Les directions de l’administration centrale


Leur rôle a été considérablement réduit par la charte de la déconcentration, laquelle, en posant en
principe de répartition des compétences de l’État la subsidiarité, a privilégié les échelons déconcentrés.
Le Décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration indique ainsi en son article 2 que
« les administrations centrales assurent au niveau national un rôle de conception, d’animation et
d’orientation, d’évaluation et de contrôle ». Elles participent à l’élaboration des projets de loi et de
décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du gouvernement et de chacun des ministres.
Chaque ministère est découpé en directions dont la compétence est fixée par décret. Les fonctions
de directeur général et de directeur central sont des emplois supérieurs, pourvus par le Président de
la République (article 13 de la Constitution).

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Chapitre 1 Les administrations de direction et d’impulsion

On distingue deux types de directions. Les directions verticales sont des directions thématiques,
correspondant à un domaine précis de l’activité ministérielle. Ainsi en est-il en avril 2011 au sein du
ministère de la justice et des libertés du découpage direction des affaires criminelles / direction de la
protection judiciaire de la jeunesse / direction de l’administration pénitentiaire. Les directions hori-
zontales sont fonctionnelles et correspondent à un domaine global de la gestion ministérielle. On
prendra pour exemple le découpage au sein du ministère de l’éducation nationale entre direction des
affaires juridiques, direction générale des ressources humaines et direction des affaires financières.
Des ministères peuvent néanmoins combiner les 2 systèmes, comme le ministère de la recherche
en 2011 (Direction des affaires juridiques / direction générale des ressources humaines / direction des
affaires financières et Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle /
direction générale pour la recherche et l’innovation).
L’administration s’organise selon un système très hiérarchisé, sous la forme d’un schéma pyrami-
dal : les directions se divisent en sous-directions ou en services puis en sous-directions créées par
arrêté du ministre intéressé. Cette structure se complique dans certaines hypothèses. Pour des ques-
tions administratives qui ne nécessitent pas la création de structures lourdes ou pour des questions
transversales, sont créées des délégations ou des missions composées d’un petit nombre d’agents
relevant du ministre lui-même ou d’une direction. (Exemple : délégation générale à la langue française
auprès du ministre de la culture). Dans certains ministères (ministères de la justice, de l’économie,
de l’intérieur,…), un secrétariat général coordonne ou gère certaines directions ou services.

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Chapitre 2
Les institutions consultatives
et de contrôle

Ces institutions administratives ont pour objet d’encadrer la prise de décision par les institutions centrales de
direction et d’impulsion, en amont par une fonction de consultation ou en aval par une fonction de contrôle.

Section 1 Les institutions consultatives

On assiste depuis quelques décennies à une véritable explosion des organismes consultatifs. On dénombre
ainsi plus de 5000 comités, conseils et commissions au niveau central, qui relèvent tantôt du Président de la
République, tantôt du Premier ministre, tantôt d’un ministre. À titre d’exemples, on peut citer le Haut Conseil à
l’intégration, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ou encore le Conseil national
de la consommation. Une large place est faite dans ces institutions aux représentants des organisations syn-
dicales, professionnelles, culturelles et des associations représentatives.
Ce phénomène de l’administration consultative s’explique à la fois par l’accélération de l’interventionnisme
des pouvoirs publics dans des domaines de plus en plus spécialisés et complexes (domaines requérant l’avis
de personnalités techniquement compétentes) et par les exigences nouvelles de la concertation (nécessité
d’informer et d’associer à la réflexion sur la décision à prendre les administrés et les groupements).
Il n’est cependant pas dépourvu de toute critique. Il a en effet pour cause l’allongement du processus de
décision (retardement des décisions) comme la dilution des responsabilités, l’auteur de la décision se
retranchant derrière l’avis technique des experts.
Une rationalisation de la création de ces organismes a été tentée par un décret du 8 juin 2006 relatif à
la création, à la composition et au fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif.
Celui-ci pose ainsi que « Sauf lorsque son existence est prévue par la loi, et sous réserve des dispositions du
second alinéa de l’article 19, une commission est créée par décret pour une durée maximale de cinq ans. Cette
création est précédée de la réalisation d’une étude permettant notamment de vérifier que la mission impartie à
la commission répond à une nécessité et n’est pas susceptible d’être assurée par une commission existante ».
Le poids de ces institutions consultatives dépend de la portée que les textes donnent aux avis qu’elles émettent.
L’avis est facultatif, lorsque l’administration reste libre de le solliciter ou non. L’avis ne lie alors pas l’administra-
tion qui reste libre d’aller à l’encontre de l’avis lors de la prise de décision. L’avis est au contraire obligatoire,
lorsque la décision doit nécessairement être précédée de la consultation. L’organisme consultatif doit alors

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Chapitre 2 Les institutions consultatives et de contrôle

être saisi de tous les aspects de la décision à venir. Il faut dans cette hypothèse faire une sous-distinction. Si
l’avis est non conforme, l’administration n’est pas tenue de suivre l’avis ; en revanche, en cas d’avis conforme,
l’administration ne peut que suivre l’avis ou renoncer à la décision.
Deux organismes consultatifs méritent d’être étudiés plus particulièrement : le Conseil d’État (1) d’une part, le
Conseil économique, social et environnemental d’autre part (2).

1. Le Conseil d’État
Le Conseil d’État a été créé par la Constitution du 22 frimaire an VIII (1799). Il cumule des fonctions
consultatives et des fonctions juridictionnelles : outre sa fonction de conseil du gouvernement, il est
aussi juge de l’administration, en premier et dernier ressort pour les actes administratifs les plus
importants, comme juge de cassation pour les autres.
Seule la fonction consultative sera cependant examinée, la fonction juridictionnelle étant étrangère
à la fonction administrative.
Si le Conseil d’État est présidé par le Premier ministre, la présidence réelle est assurée par le vice-
président du conseil d’État, Jean-Marc Sauvé (depuis 2006).
Le Conseil d’État comporte environ 300 membres, se répartissant selon des grades correspondant
à une carrière faite à l’intérieur du Conseil d’État par un avancement à l’ancienneté. Dans l’ordre
d’importance, on compte, au sommet, les conseillers d’État, puis les maîtres des requêtes et enfin
les auditeurs.
Le recrutement se fait essentiellement par le concours de l’ENA, et à la marge par le « tour extérieur »,
parmi les personnels répondant à des conditions d’âge et d’ancienneté dans le service public.
Le statut des membres du Conseil d’État leur accorde des garanties d’indépendance dans l’exer-
cice des fonctions, visant à assurer objectivité et impartialité. Les membres sont ainsi inamovibles.

1A. Organisation et fonctionnement du Conseil


d’État dans ses attributions consultatives
Une grande réforme du Conseil d’État a été entreprise par le décret du 6 mars 2008 relatif à
l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’État qui modifie les conditions d’exercice des
fonctions consultatives du Conseil et consacre en droit la séparation de ses fonctions consultatives et
de ses attributions juridictionnelles. La réforme vise essentiellement à accroître l’efficacité de l’activité
consultative du Conseil d’État pour mieux concourir à l’amélioration de la qualité de la réglementation
dans un contexte d’inflation normative.
Pour l’exercice de ses attributions, le Conseil d’État est organisé en 6 sections administratives, à côté
de la section du contentieux. La section du rapport et des études n’a à proprement parler pas de
compétence consultative. Elle a en charge la rédaction des rapports et études du Conseil d’État. La
section de l’intérieur est compétente pour les projets de texte relevant du Premier ministre et du
garde des Sceaux, ainsi que ceux relatifs à la sécurité intérieure, les libertés publiques, l’administration
territoriale de l’État, le droit d’asile et l’immigration. La section des finances connaît des projets de
texte relevant du ministre des Affaires étrangères et européennes ainsi que ceux concernant notam-
ment l’attractivité du territoire, les finances locales, les entreprises et l’artisanat, la concurrence, la
consommation et la répression des fraudes, les douanes, le secteur bancaire et celui des assurances.
La section des travaux publics se prononce pour avis sur les projets de texte relatifs au développe-
ment durable et aux transports ainsi qu’à l’environnement, l’équipement, l’urbanisme et l’aménagement
foncier, le logement, la construction, la politique de la ville et l’agriculture. La section sociale est
consultée sur les projets de texte relatifs à l’emploi, la sécurité sociale, la santé publique, la famille
et les droits des femmes. Enfin, la section de l’administration, créée par le décret du 6 mars 2008,

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Les institutions consultatives et de contrôle Chapitre 2

traite des projets de loi et de décret en matière de fonction publique, des relations entre Administration
et usagers, de la procédure administrative non contentieuse et de la défense nationale, mais aussi
de l’ensemble des contrats publics et des propriétés publiques.

1B. La compétence consultative du Conseil d’État


Traditionnellement conseil du gouvernement (1B1), le Conseil d’État est très récemment devenu aussi
le conseil du Parlement (1B2).

1B1. Le Conseil d’État, conseil du gouvernement


La saisine du Conseil d’État sur un projet de texte ou une demande d’avis est réservée aux autori-
tés de l’État. La consultation peut être tantôt obligatoire (le Conseil d’État doit être consulté), tantôt
facultative (le Conseil d’État peut être consulté).
La consultation obligatoire du Conseil d’État concerne les projets de loi, avant leur adoption par
le Conseil des ministres et leur dépôt devant le Parlement. (article 39 de la Constitution), les projets
d’ordonnance avant leur adoption par le Conseil des ministres (article 38 de la Constitution) et
les décrets en Conseil d’État.
En cas d’absence de consultation dans cette hypothèse, l’acte est entaché d’une illégalité qui peut
être soulevée d’office par le juge administratif. Celui-ci sanctionne l’absence de consultation sur le
terrain de l’incompétence de l’auteur de l’acte, le Conseil d’État étant considéré comme coauteur de
l’acte (CE, 1962, Union générale des syndicats des mandataires des halles).
Cette consultation doit être effective et complète. La consultation doit mettre le Conseil d’État en
mesure de se prononcer sur toutes les questions que soulève le projet de texte. Ainsi le projet de loi
présenté en Conseil des ministres et déposé sur le bureau de l’une des assemblées ne doit pas com-
porter des dispositions totalement nouvelles par rapport au projet de loi soumis pour avis au Conseil
d’État. Sinon il y a méconnaissance du caractère obligatoire de la consultation (la consultation est
en effet contournée car non axée sur le texte final).
En règle générale, les avis du Conseil d’État ne sont pas conformes, ils ne lient pas le Gouvernement
qui reste libre de les suivre ou de s’en écarter. Toutefois, il convient de préciser que, pour les décrets
en Conseil d’état, le texte finalement retenu ne peut être que celui adopté par le Conseil d’état ou
celui qui lui a été soumis par le gouvernement.
La consultation du Conseil d’État est facultative dans tous les autres cas. Le Gouvernement peut
toujours soumettre un texte au Conseil d’État pour avis. Par ailleurs, le Gouvernement peut soumettre
au Conseil d’État une question qui pose un problème juridique particulier afin qu’il l’éclaire. Ce fut par
exemple le cas en 1989 lorsque, pour la première fois, s’est posée la question de la compatibilité du
port du foulard islamique avec le principe de laïcité de l’école publique. Dans le cadre de la consul-
tation facultative, l’avis du Conseil d’État ne lie jamais.
2000 à 2500 avis sont rendus chaque année.
Que la consultation doit obligatoire ou facultative, quel que soit le texte dont il est saisi pour avis, le
Conseil d’État opère toujours le même contrôle. Il veille à la précision et à l’élégance formelle, il
examine la conformité du texte au droit (respect des règles de forme et de procédure, respect des
normes supérieures) mais aussi l’opportunité –administrative et juridique du texte.
En pratique, la majorité des avis sont suivis par le gouvernement, par respect pour l’autorité du Conseil
d’État mais aussi par crainte d’une annulation contentieuse par la suite.
Les avis sont secrets : le gouvernement est le seul destinataire de l’avis et lui seul peut décider de
le rendre public.

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Chapitre 2 Les institutions consultatives et de contrôle

1B2. Le Conseil d’État, conseil du Parlement


La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 39 de la Constitution et a fait du
Conseil d’État le conseil du Parlement. Elle a été complétée par la loi du 15 juin 2009 et par le décret
du 29 juillet 2009.
La consultation du Conseil d’État est facultative, elle n’est qu’une simple faculté. Le Conseil d’État
ne peut être sollicité que par les présidents des assemblées. L’auteur de la proposition de loi est
informé par le président de l’Assemblée de son intention de saisir le Conseil d’État et peut s’opposer
à la consultation dans un délai de 5 jours. L’avis doit être sollicité avant l’examen en commission,
c’est-à-dire avant le début des travaux parlementaires. L’avis est communiqué au président de
l’assemblée concernée, qui le communique à l’auteur de la proposition de loi.
La pratique témoigne d’un usage croissant par le Parlement de la possibilité offerte par l’article
39 de la Constitution de saisir pour avis le Conseil d’État. Après une saisine en 2009 et 2 en 2010,
ce sont 5 propositions de loi qui ont été soumises pour avis au Conseil d’Etat, dont une – et pour la
toute première fois – par le Sénat. La première saisine, en septembre 2009, a porté sur la proposition
de loi de simplification du droit. Suite à l’avis, plusieurs articles ont été supprimés et l’avis a été joint
au rapport du rapporteur sur la proposition de loi pour nourrir le débat parlementaire.

2. Le Conseil économique, social et


environnemental
Créé par la Constitution de 1958 (mais il existait aussi sous la Constitution de 1946) sous le nom de
Conseil économique et social, il est, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil
économique, social et environnemental (CESE).
Le CESE, dont les missions ont été récemment modifiées par la loi organique du 28 juin 2010, assure
la représentation des principales activités économiques, sociales et environnementales, favorise la
collaboration des différentes catégories professionnelles entre elles et assure leur participation à la
politique économique et sociale du Gouvernement, examine les évolutions en matière économique,
sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires ; il est enfin
une assemblée consultative.

2A. Présentation du conseil économique, social et


environnemental
La composition a été récemment modifiée par la loi organique du 28 juin 2010 relative au Conseil
économique, social et environnemental. Le CESE comprend en tout 233 conseillers, désignés pour
un mandat cinq ans, renouvelable une seule fois : 140 membres au titre de la vie économique
et du dialogue social au sein desquels on trouve des représentants des salariés, des entreprises
privées, des exploitants agricoles, des artisans et des professions libérales, 60 membres au titre
de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative représentant l’économie mutualiste,
coopérative et solidaire non agricole, les associations familiales, la vie associative et les fondations
, les jeunes et les étudiants ainsi que les secteurs du logement social, des personnes handicapées
ou personnes retraitées et enfin 33 membres au titre de la protection de la nature et de l’envi-
ronnement assurant la représentation des associations et fondations agissant dans le domaine de
la protection de la nature et de l’environnement.
Les 233 membres se répartissent en 9 sections permanentes : la Section des affaires sociales et
de la santé, la Section du travail et de l’emploi, la Section de l’aménagement durable des territoires,
la Section de l’économie et des finances, la Section des affaires européennes et internationales, la

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Les institutions consultatives et de contrôle Chapitre 2

Section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, la Section de l’environnement, la Section


de l’éducation, de la culture et de la communication et enfin la Section des activités économiques.

2B. La consultation du Conseil économique,


social et environnemental
Le CESE est obligatoirement consulté pour avis par le Premier ministre sur les projets de loi de
programme ou de plan à caractère économique, social ou environnemental. La loi de programme à
caractère économique ou social a été définie par le Conseil constitutionnel comme une loi qui fixe
des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l’action de l’état en matière économique et sociale (CC, 21
avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école).
Le CESE peut être consulté sur les projets ou propositions de loi, d’ordonnance ou de décret, ainsi
que sur tout problème à caractère économique et social que le Gouvernement lui demande d’étudier.
Il peut également être consulté, par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le
président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental.
Le CESE peut être saisi de demandes d’avis ou d’études par le Premier ministre, par le président
de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat.
Le CESE peut, de sa propre initiative, suggérer au Gouvernement et au Parlement des réformes
dans toute matière entrant dans son domaine de compétence et qui lui paraissent nécessaires. Il
contribue à l’évaluation des politiques publiques à caractère économique, social ou environnemental.
Enfin, grande innovation de la révision de 2008 (article 69 de la Constitution), le CESE peut être
saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental.
La pétition doit être présentée par au moins 500 000 personnes, de nationalité française ou résidant
régulièrement en France.

Section 2 Les institutions de contrôle

Au titre de l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, « la société a le droit de demander
des comptes à tout agent public de son administration ». Ce principe de valeur constitutionnelle présente ainsi
le contrôle comme la contrepartie nécessaire de l’action.
Il ne s’agit pas ici d’un contrôle répressif, mais d’un contrôle administratif. Celui-ci s’exerce selon 2 modalités
différentes : le contrôle interne ou endogène est assuré par les corps d’inspection (section 1), le contrôle externe
est réalisé par la Cour des comptes en dehors de toute attribution juridictionnelle (section 2).

1. Le contrôle interne des corps d’inspection


La plupart des ministères sont dotés d’un corps d’inspection qui leur est propre. Ainsi en est-il du
Contrôle général des Armées (CGA) au sein du ministère de la défense, de l’Inspection générale
des Affaires sociales (IGAS), inspection interministérielle pour l’ensemble des ministères à vocation
sociale, de l’Inspection générale des services (IGS) pour les directions actives de sécurité publique
du ministère de l’intérieur ou encore l’Inspection générale de l’administration (IGA).

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Chapitre 2 Les institutions consultatives et de contrôle

Tout corps d’inspection est directement rattaché à un ministre et assiste le ministre dans l’exercice
de son pouvoir hiérarchique ; les services d’inspection reçoivent leur mission du ministre et c’est à
lui seul qu’ils doivent rendre des comptes.
Les corps d’inspection ont plusieurs missions.
Ils ont tout d’abord une fonction de contrôle qui s’effectue soit dans le cadre de tournées nationales
soit en réponse à des questions ponctuelles (dysfonctionnements de services, obsolescence des
méthodes de traitement des dossiers, conflits de personnes, problèmes de déontologie, questions
disciplinaires, etc). Ces missions de contrôle permettent d’améliorer les pratiques administratives et
juridiques, notamment en matière de gestion budgétaire et de management. Les inspections mènent
alors des investigations approfondies (examen direct des dossiers, du courrier, des pièces comptables
et des documents de toute nature). Dans ce cadre, les inspections font un diagnostic de la gestion
contrôlée et établissent un rapport au ministre. Elles formulent des propositions de modernisation
de l’administration contrôlée et informent le ministre des manquements ou des dysfonctionnements
constatés, lui proposant éventuellement les sanctions ou les réformes à prendLes inspections ont aussi
une fonction d’audit. Elles vérifient l’application des législations et réglementations en vigueur et la
qualité du fonctionnement des services. L’audit doit se faire dans les limites du cahier des charges
du prescripteur de l’audit.
Elles ont encore une fonction de conseil. Cette mission est le plus souvent réclamée par des ser-
vices déconcentrés qui rencontrent des difficultés organisationnelles. Il s’agit ici de rechercher une
solution concrète en coopération avec le service concerné. Dans ce cadre, l’inspection livre des
recommandations.
Elles ont enfin une fonction d’évaluation. Il s’agit d’examiner l’impact de la politique évaluée sur
les usagers et les citoyens. L’objectif peut être double et viser soit à encadrer la mise en place d’un
nouveau dispositif, soit à corriger une politique en place. Les textes mettant en place de nouveaux
dispositifs de politique publique prévoient désormais systématiquement une évaluation de la part des
inspections générales.
On peut constater une évolution récente des missions des corps d’inspections, tournées de plus
en plus vers la rédaction d’études et de rapports, au détriment des activités de contrôle proprement
dites. Les inspections deviennent alors moins des administrations de contrôle que des administrations
consultatives.

2. Le contrôle de gestion par la Cour


des comptes
La Cour des comptes a été créée par la loi du 16 septembre 1807 et est actuellement régie par le
Code des juridictions financières.
Elle est composée de magistrats inamovibles, qui prêtent serment publiquement lors de leur entrée en
fonctions. Ils se répartissent, dans l’ordre de la carrière en trois grades : les auditeurs, les conseillers
référendaires et les conseillers maîtres. Principalement recrutés parmi les élèves de l’ENA, ils peuvent
aussi être recrutés au tour extérieur selon des conditions d’âge et d’ancienneté dans le service public.
La Cour des comptes est présidée par son Premier président, nommé par décret en conseil des
ministres. En 2011, il s’agit de Didier Migaud qui a succédé à Philippe Séguin.
Comme le Conseil d’État, la Cour des comptes cumule des attributions juridictionnelles et admi-
nistratives. Dans le cadre de ses attributions juridictionnelles, la Cour des comptes juge les comptes
des comptables publics et est juge d’appel des jugements des chambres régionales des comptes.
Dans le cadre de ses attributions non juridictionnelles, elle assure le contrôle de gestion, elle assiste
le gouvernement et le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et des lois de
financement de la sécurité sociale (articles 47 et 47-1 de la Constitution) et informe les administrés
avec l’élaboration du rapport public annuel et de rapports publics particuliers (gestion des services
publics de l’eau, de l’électricité, des autoroutes,…).

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Les institutions consultatives et de contrôle Chapitre 2

Le contrôle de gestion est un contrôle administratif et non juridictionnel. Il se présente comme un


contrôle budgétaire et de gestion qui concerne la régularité et la qualité de la gestion publique. La
Cour des comptes contrôle le bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’État.
Le contrôle, opéré initialement seulement sur les organismes publics, a vu son champ s’étendre
progressivement aux organismes privés bénéficiant de concours financiers publics, aux caisses de
sécurité sociale, aux entreprises publiques, aux organismes faisant appel à la générosité du public
et aux organismes bénéficiant de concours financiers des communautés européennes.
Pour réaliser ces contrôles, la cour des comptes dispose de moyens d’investigation étendus : les
rapporteurs de la cour peuvent se faire remettre tous documents sur leur demande, ont accès sur
place à toutes les pièces et disposent d’un pouvoir d’audition.
Le contrôle de gestion est concrètement réalisé par les sept chambres de la Cour des comptes
(finances et questions budgétaires / défense et hautes technologies / recherche, éducation et culture
/ fonctions régaliennes / domaine social /activités industrielles et agricoles / équipement, transports
et logement), en fonction de leurs compétences respectives.
Le contrôle de gestion opéré par la Cour des comptes est dépourvu de sanction juridique. La cour
se contente ici de porter à la connaissance des autorités compétentes les lacunes ou les irrégularités
de gestion constatées, à charge pour ces autorités d’y remédier ou de les sanctionner. Le rapport
public annuel de la Cour peut constituer un bon moyen de pression sur l’administration : celui-ci
contient en effet une sélection des observations et propositions faites dans l’année par la Cour et fait
l’objet d’une forte médiatisation.
Le contrôle de gestion peut déboucher sur l’ouverture d’un contrôle juridictionnel. Il peut d’une part
conduire à mettre en évidence des irrégularités dans la gestion et conduire à un jugement des comptes
irréguliers du comptable public (on passe alors à la compétence juridictionnelle de la Cour). Il peut
d’autre part être suivi d’une transmission au garde des sceaux pour le déclenchement de l’action
pénale, en cas de constatations d’infractions pénales au cours du contrôle de gestion (assez rare :
moins de 5 par an).

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Chapitre 3
Les institutions administratives
de régulation
La régulation des activités des personnes privées est prise en charge par les autorités administratives
­indépendantes (AAI).
La catégorie juridique des AAI a été créée par le législateur lors de la mise en place de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL) par la loi du 6 janvier 1978 et étoffée par la suite avec la création d’autres
AAI dans différents secteurs de la vie publique. Sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité, on peut citer le Conseil
supérieur de l’audiovisuel (CSA) créé par la loi du 13 janvier 1989, la Commission d’accès aux documents
administratifs (CADA) instaurée par la loi du 17 juillet 1978, l’Agence française de lutte contre le dopage (loi
du 5 avril 2006), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (loi du 30 octobre 2007), le Défenseur
des droits (loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) ou encore plus récemment l’Autorité de régulation des jeux
en ligne (ARJEL) créée par la loi du 12 mai 2010 et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique
créée par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Le dénombrement des autorités administratives indépendantes n’est pas évident : des autorités se voient qua-
lifier par le législateur d’AAI, sans qu’elles méritent cette qualification ; inversement il est des institutions qui ne
sont pas qualifiées d’AAI par le législateur mais qui en présentent pourtant toutes les caractéristiques (exemple
du CSA qualifié d’ « autorité indépendante »).
Les autorités administratives indépendantes sont mises en cause actuellement du fait de leurs compétences
transversales qui se recoupent et de leur trop grand nombre. Le rapport Gélard du 15 juin 2006 prône une
rationalisation des autorités administratives indépendantes.
Une fois la notion d’autorité administrative indépendante définie (section 1), il faudra étudier les domaines
d’intervention (section 2).

Section 1 La notion d’autorité administrative


indépendante

Les autorités administratives indépendantes sont d’une part des autorités indépendantes (1). Elles sont d’autre
part des autorités administratives, agissant au nom de l’État et disposant à ce titre d’un certain nombre de
pouvoirs (2).

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Les institutions administratives de régulation Chapitre 3

1. Des autorités indépendantes


Les AAI sont doublement indépendantes par rapport aux pouvoirs d’ordre économique et par
rapport au pouvoir politique.
Elles procèdent de la volonté de prémunir les autorités de l’influence présumée néfaste des milieux
professionnels. Cette défiance s’explique aisément compte tenu des secteurs d’activité dans lesquelles
les AAI interviennent (domaines de l’informatique, de la Bourse et de l’audiovisuel), domaines dans
lesquels les intérêts patrimoniaux sont considérables et les groupes privés puissamment structurés.
Elles résultent aussi de la crainte autant que du souhait d’une intervention de l’État dans ces domaines.
L’action publique ne peut emprunter, dans des secteurs sensibles où sont en cause libertés et droits
fondamentaux, les voies et moyens de l’administration ordinaire. Se trouve ainsi justifiée la mise en
place d’organismes déconnectés du politique qui pourront agir de manière impartiale, en vue d’har-
moniser les intérêts en présence.
En principe, les autorités administratives indépendantes n’ont pas la personnalité morale et sont des
institutions administratives de l’État. Toutefois le législateur peut, par exception, reconnaître à certaines
d’entre elles la personnalité morale. Elles prennent alors le nom d’autorité publique indépendante.
Tel est le cas d’HADOPI, de l’Autorité française de lutte contre le dopage, de l’Autorité des marchés
financiers ou encore, depuis peu, du Conseil supérieur de l’audiovisuel depuis une loi du 15 novembre
2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Les institutions indépendantes s’inscrivent donc dans la problématique libérale de la recherche d’un
« pouvoir neutre », permettant de concilier autorité et liberté. Cette indépendance est organique (1)
autant que fonctionnelle (2).

1A. L’indépendance organique des AAI


La composition des AAI est en principe collégiale, la collégialité étant à la fois un gage d’indé-
pendance et une garantie d’objectivité et de sérieux. Il y a cependant des exceptions à la collégia-
lité comme pour le Défenseur des Enfants ou le Médiateur du cinéma.
La composition est bien souvent hétérogène. Les AAI sont composées par des agents publics,
des magistrats des deux ordres de juridictions – conseillers d’État, conseillers à la Cour de cassation
et à la Cour des comptes, des députés et sénateurs ou encore des représentants de la société civile
désignés à raison de leur autorité, de leur compétence ou de leur expérience dans le secteur régulé.
Si les membres sont parfois élus (par exemple la CNIL dont les membres parlementaires sont élus
par les assemblées), ils sont le plus fréquemment nommés par des autorités politiques : par les
présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat (nomination d’un député et d’un sénateur pour
le collège de la CADA, nomination de deux personnalités à la COB) ou par des autorités exécu-
tives telles que les ministres (le ministre de la consommation nomme les membres de la Commission
des clauses abusives) ou le Président de la République (nomination par décret en Conseil des
ministres de 3 membres de la CNIL, nomination des magistrats proposés par les chefs de juridiction
(CADA, Commission des sondages, Commission des comptes de campagne et des financements
politiques). Depuis la loi du 15 novembre 2013 relative à l’audiovisuel public, les 7 membres du CSA
sont nommés par décret du Président de la République : 1 membre, le Président du CSA choisi par
le Président de la République, 3 membres désignés par le Président du Sénat, 3 membres désignés
par le Président de l’Assemblée nationale, les 6 après avis conforme de la commission permanente
chargée des affaires culturelles à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés.
Les membres des AAI bénéficient d’une protection statutaire. Celle-ci leur impose des sujétions liées
au secret professionnel, au devoir de discrétion professionnelle (par exemple respect du secret de
la défense nationale) comme aux incompatibilités et inéligibilités. À l’inverse, la protection statutaire
reconnaît aux membres des AAI un certain nombre de garanties visant un exercice serein de leur
mandat. Le mandat est d’une durée moyenne de 4 à 5 ans (5 ans pour la CNIL, 4 ans pour la COB et
le comité consultatif national d’éthique, 3 ans pour la CADA, 6 ans pour le Conseil de concurrence,

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Chapitre 3 Les institutions administratives de régulation

6 ans pour le CSA renouvelable par tiers tous les deux ans), suffisamment longue pour marquer
l’indépendance du membre vis à vis de l’autorité de nomination, mais pas trop longue pour éviter
d’assimiler l’exercice du mandat à une véritable sinécure. Les mandats ne sont pas révocables par
l’autorité de nomination.

1B. L’autonomie fonctionnelle des AAI


Cette autonomie fonctionnelle est assurée d’une part par des moyens juridiques. Les AAI qui n’ont
pas la personnalité morale engagent la responsabilité de l’État, et non la leur. Pour autant, elles ne
sont pas soumises à la tutelle de l’État ni au pouvoir hiérarchique. Les textes précisent bien que les
AAI ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité. Elles disposent par ailleurs du pouvoir d’élaborer
leur propre règlement intérieur.
Cette autonomie fonctionnelle est garantie d’autre part par la reconnaissance au profit des AAI de
moyens matériels. Elles disposent ainsi de moyens financiers : si elles ne disposent ni d’un patri-
moine, ni de ressources propres susceptibles de fonder une véritable autonomie financière, elles
disposent d’une autonomie de gestion des moyens financiers. Le président de l’AAI est l’ordonnateur
des dépenses, l’exécution des dépenses est soustraite à toute forme de contrôle a priori. Il y a seule-
ment un contrôle a posteriori de la Cour des comptes. Les AAI ont aussi des moyens en personnel :
elles peuvent recruter librement des agents contractuels.

2. Des autorités administratives


En tant qu’autorités administratives, les AAI ont des attributions administratives classiques (§ 1) mais
aussi des attributions plus originales (§ 2).

2A. Des attributions administratives classiques


Les AAI ont un pouvoir de décision et des attributions consultatives.

2A1. Un pouvoir de décision


S’agissant du pouvoir réglementaire, sa dévolution aux AAI a soulevé une sérieuse controverse
constitutionnelle. La Constitution réserve en effet l’exercice du pouvoir réglementaire au Premier
ministre et ne prévoit de délégation possible qu’au profit des ministres (article 21). C’est donc seu-
lement par voie d’habilitation législative que cet exercice peut être dévolu à certaines AAI. Appelé à
statuer sur la conformité de telles lois à la norme suprême, le Conseil constitutionnel a reconnu que
l’article 21 ne fait « pas d’obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État autre que le
Premier ministre le soin de fixer les normes permettant de mettre en œuvre d’une loi » (CC, 86-217 DC,
18 sept. 1986, Loi relative à la liberté de communication). Mais l’habilitation législative ne peut concer-
ner que des mesures « limitées tant par leur champ d’application que par leur contenu » (CC, 88-248
DC, 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).
Peu d’organes en sont donc dotés : CNIL, Commission des sondages, CSA, …
S’agissant du pouvoir de décision individuelle, le principe de son attribution ne soulève pas de
difficultés, puisqu’il est de l’essence même d’une autorité administrative de détenir et d’exercer une
telle prérogative. Les AII peuvent ainsi prendre des décisions de nomination et délivrer des autorisa-
tions ou agréments.

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Les institutions administratives de régulation Chapitre 3

2A2. Des attributions consultatives


La plupart des AAI sont dotées d’attributions relevant de l’administration consultative. L’AAI, parmi
d’autres compétences, est chargée d’émettre des propositions ou des avis à destination des pouvoirs
publics sur des projets de texte ou des réformes envisagées dans son secteur d’intervention (Conseil
de la concurrence, CNIL, CSA,...). Ces avis font parfois l’objet d’une publication officielle. Dans certains
cas, l’AAI n’a même qu’une fonction consultative. Tel est le cas de la CADA.
On peut à juste titre parler ici de magistrature morale ou d’influence qui se concrétise dans un
« corps de doctrine » ou des « codes de déontologie » qui servent de normes de référence aux
interlocuteurs de l’AAI.

2B. Des attributions originales


Par leur pouvoir d’investigation (À) et de sanction (B), les AAI disposent parfois de prérogatives quasi-
juridictionnelles, que n’ont pas en principe les autorités administratives classiques. Ces attributions
ne doivent bien sûr pas empiéter sur la sphère des compétences dévolues aux autorités judiciaires,
conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs et au principe de séparation
des autorités administratives et judiciaires.

2B1. Un pouvoir d’investigation


Appelées à contrôler un secteur d’activité ou un ensemble de relations professionnelles, les AAI doivent
disposer de tous les éléments d’appréciation nécessaires à l’exercice de leur mission.
Dans certains cas, l’autorité reçoit directement de ses « partenaires » publics ou privés des informa-
tions que ceux-ci sont tenus de lui transmettre. Il en va ainsi pour la CNIL à laquelle doivent parvenir
les déclarations préalables des organismes privés effectuant des traitements automatisés comportant
des indications nominatives.
Dans d’autres hypothèses, il appartient à l’AAI de solliciter cette information par différents moyens.
C’est ainsi par exemple que la Commission des clauses abusives peut se saisir d’office à l’effet de
détecter dans les contrats utilisés par la pratique des stipulations anormales ;
L’AAI est parfois habilitée à ordonner des convocations, à procéder à des auditions ou à diligenter
certaines investigations.
Certaines AAI (CNIL, Autorité de la concurrence,…) ont la faculté de procéder à des enquêtes sur
pièces et sur place par l’entremise d’agents placés sous leur autorité ou de corps spécialisés d’en-
quêteurs. Ce pouvoir doit néanmoins s’exercer dans le respect du principe selon lequel c’est le juge
judiciaire qui est le gardien de la liberté individuelle. Seul le juge judiciaire peut dès lors intervenir
pour les perquisitions domiciliaires et les saisies de documents ou de pièces à conviction.

2B2. Un pouvoir de sanction


Il convient ici de faire la distinction entre les mesures comminatoires dépourvues d’effet juridique
immédiat d’une part et les mesures répressives qui ont des conséquences juridiques sur leur desti-
nataire d’autre part.
Au titre des mesures comminatoires, les AAI ont la possibilité d’adresser des avertissements, des
mises en garde ou encore des observations publiques, en cas d’irrégularités, de négligence ou d’abus.
Elles peuvent aussi prononcer des injonctions et ordonner à toute personne se livrant à une pratique
irrégulière d’y mettre fin sans délai. Ces mesures sont dénuées de conséquences sur la situation
juridique de leurs destinataires.
Certaines AAI peuvent aussi prendre des mesures répressives, telles que des interdictions d’exercer
l’activité ou des sanctions pécuniaires. Parce qu’elles ont des conséquences parfois graves sur la
situation de leurs destinataires, les mesures répressives font l’objet d’un strict encadrement sur le
plan procédural comme sur le fond.

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Chapitre 3 Les institutions administratives de régulation

Le prononcé de sanctions par les AAI doivent se faire dans le respect des droits de la défense et
du principe du contradictoire. Un recours juridictionnel doit être possible contre les sanctions. Enfin,
lorsque les AAI statuent en matière répressive, elles doivent respecter les exigences de l’article 6 §
1 de la CEDH, à savoir le principe d’impartialité (CE, Ass., 3 décembre 1999, Didier). Le principe a
été expressément posé pour la COB (CCass., Ass. Plén., 5 février 1999, Oury), pour le Conseil de
la concurrence (CCass. Com., 5 octobre 1999, Société Campenon Bernard) et pour la commission
bancaire (CE, 6 octobre 2000, Sociét Habib Bank).
Sur le fond, les sanctions doivent respecter les grands principes qui gouvernent la répression pénale :
le principe de légalité des discriminations et des peines et le principe de proportionnalité des sanctions
aux fautes commises.
Au-delà de ces attributions, un véritable pouvoir d’influence est exercé par les AAI , dans le
cadre d’une collaboration avec les autorités juridictionnelles. Elles ont souvent la possibilité de saisir
le Parquet en vue de déclencher des poursuites pénales (CNIL, AMF, Autorité de la concurrence).
Elles peuvent aussi être consultées par les juridictions judiciaires et administratives qui souhaitent
bénéficier de leur expertise dans leur domaine de compétence.
En conclusion, il convient de préciser que les décisions des AAI sont soumises à un contrôle juri-
dictionnel. Le Conseil d’État a la compétence de principe, ce qui est logique dès lors que les AAI
sont des autorités administratives (CE, Ass., 10 juillet 1981, Rétail). Par exception, la Cour d’appel
de Paris est compétente pour le contentieux de l’Autorité de la concurrence. Dans sa décision
CC, 86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence, le Conseil constitutionnel a en effet
admis que, dans « un souci de bonne administration de la justice », il soit dérogé au principe de la
compétence de la juridiction administrative et que soient créés des blocs de compétence pour éviter
un partage du contentieux. Le législateur a donc valablement pu réserver la connaissance globale
du contentieux de la concurrence à l’ordre juridictionnel principalement intéressé, à savoir l’ordre
judiciaire.

Section 2 Les domaines d’intervention


Il ne s’agit pas ici de dresser avec exhaustivité la liste des domaines d’intervention des AAI : cela est impossible
en raison de la difficulté à lister les AAI avec exactitude et cela serait sans intérêt, certaines AAI intervenant
très peu ou dans des domaines peu connus. L’idée est au contraire de dresser un panorama des domaines
d’intervention des AAI et de prendre pour chaque domaine un exemple significatif.
On peut identifier trois principaux domaines d’intervention des AAI : la protection des libertés (section 1), la
sauvegarde du pluralisme (section 2) et les libertés économiques (section 3)

1. La protection des libertés


Certaines AAI se voient confier la protection des libertés. Ainsi en est-il de la CNIL chargée du respect
de l’intimité de la vie privée (§ 1), de la CADA chargée de la transparence administrative (§ 2) ou
encore du Défenseur des droits chargé de la protection des personnes vulnérables (§ 3)

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Les institutions administratives de régulation Chapitre 3

1A. Le respect de l’intimité de la vie privée : la CNIL


L’article 1er de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés énonce que
« l’informatique doit être au service de chaque citoyen. [...] Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité
humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».
L’actualisation de la loi du 6 janvier 1978 par la loi du 6 août 2004 a marqué une évolution stratégique
de l’activité de la CNIL et l’a dotée de nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction.
La CNIL est composée de 17 membres : 4 parlementaires (2 députés et 2 sénateurs), 2 membres du
Conseil économique, social et environnemental, 6 représentants des hautes juridictions (2 conseillers
à la Cour de cassation, 2 conseillers d’État, 2 conseillers à la Cour des comptes) et 5 personnalités
qualifiées désignées par le Président de la République (3), le Président de l’Assemblée nationale (1)
et le Président du Sénat (1). La CNIL élit son président parmi ses membres. Le président de la CNIL
est depuis septembre 2011 Mme Falque-Pierrotin.
La CNIL est investie d’une mission générale d’information des personnes sur les droits que leur
reconnaît la loi Informatique et libertés. Elle est directement sollicitée par de nombreux organismes,
sociétés ou institutions pour conduire des actions de formation et de sensibilisation à la loi Informatique
et libertés. La CNIL conseille les responsables de données personnelles sur leurs obligations. La
CNIL tient à la disposition du public le « fichier des fichiers », c’est-à-dire la liste des traitements qui
lui ont été déclarés et leurs principales caractéristiques.
En retour, la CNIL reçoit les plaintes des citoyens concernant des difficultés à exercer des droits,
des abus ou des pratiques irrégulières.
Au titre de son expertise, la CNIL propose au gouvernement les mesures législatives ou régle-
mentaires de nature à adapter la protection des libertés et de la vie privée à l’évolution des tech-
niques. Le gouvernement consulte la CNIL avant de transmettre au Parlement un projet de loi relatif
à la protection des données.
Le pouvoir de contrôle de la CNIL constitue un moyen privilégié d’intervention auprès des respon-
sables de données personnelles. Les missions de contrôle s’inscrivent dans le cadre d’un programme
annuel de contrôles ou en réponse à des besoins ponctuels (plaintes, demandes, de conseil, nouvelle
technologie ...).
La CNIL dispose d’un large éventail de mesures coercitives et de sanctions : l’avertissement, les
sanctions pécuniaires après une mise en demeure infructueuse, l’injonction de cesser le traitement
pour ceux qui relèvent du régime déclaratif et enfin le pouvoir de retirer une autorisation. En cas
d’urgence et de violation des droits et libertés résultant de la mise en œuvre d’un traitement, la CNIL
peut décider l’interruption temporaire de celui-ci ou le verrouillage de données (pendant trois mois)
à l’exception de certains traitements de l’État et en particulier des traitements dits de souveraineté.
La CNIL a aussi la possibilité de dénoncer au Procureur de la République les infractions à la loi dont
elle a connaissance.

1B. La transparence administrative : la CADA


Créée par la loi du 17 juillet 1978 et expressément qualifiée d’AAI par l’ordonnance du 6 juin 2005, la
CADA est composée de 11 membres dont 3 magistrats (un conseiller d’État, un conseiller à la Cour
de cassation, un conseiller à la Cour des Comptes), 3 élus (un député, un sénateur, un membre d’une
collectivité territoriale), 1 professeur d’université et 4 personnalités qualifiées. Ils sont nommés pour
une durée de trois ans, renouvelables.
La loi de 1978 reconnaît à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs qui le
concernent. Toute personne peut donc demander à l’autorité administrative la communication d’un
document administratif. En cas de refus ou en cas d’absence de réponse dans un délai d’un mois à
compter de la demande, il est possible de saisir la CADA pour que celle-ci se prononce sur le caractère
communicable ou non de ce document. La CADA constitue une voie de recours précontentieuse : il
n’est pas possible de saisir directement le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre
le refus de communiquer un document administratif ; il faut d’abord saisir la CADA. Si l’administration
ne suit pas l’avis de la CADA, l’administré peut alors saisir le juge administratif.

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Chapitre 3 Les institutions administratives de régulation

La CADA peut être consultée par les administrations pour qu’elle les éclaire sur le caractère
communicable d’un document administratif ou d’une archive publique.
La CADA joue aussi un rôle de veille pour promouvoir la transparence administrative. Elle
dénonce, dans ses rapports d’activité, les comportements de l’administration qui font obstacle à
l’accès aux documents administratifs. Elle s’efforce aussi de prévenir les dysfonctionnements en
assurant une véritable action pédagogique en direction des administrations et de leurs agents. Par
ailleurs, elle participe à l’élaboration des textes internes aux administrations relatifs au droit d’accès
aux documents administratifs.
La CADA a enfin un rôle de proposition. Elle réfléchit à la manière de faciliter et de renforcer la
transparence administrative. Ses propositions ont notamment été reprises dans la loi du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration.

1C. La protection des personnes vulnérables :


le défenseur des droits
Jusqu’au 1er mai 2011, la protection des personnes vulnérables était assurée par plusieurs AAI. Le
Médiateur de la République (créé en 1973) avait pour mission de venir en aide aux administrés
en conflit avec une administration, en raison des dysfonctionnements de celle-ci. Le Défenseur
des enfants (créé par la loi du 6 mars 2000) était chargé de défendre et de promouvoir les droits de
l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international. La HALDE (Haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité), créée par la loi du 30 décembre 2004, avait pour mission
de lutter contre « toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un
engagement international auquel la France est partie ».
Depuis le 1er mai 2011, ces 3 autorités sont supprimées et remplacées par une institution unique :
le Défenseur des droits, créé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 à l’article 71-1 de la
Constitution. Ces dispositions sont entrées en application avec la loi organique du 29 mars 2011
relative au défenseur des droits.
Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République par décret en conseil des
ministres, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Il s’agit depuis
juin 2011 de Dominique BAUDIS.
Les missions du Défenseur des droits sont diverses. Il est chargé de défendre les droits et liber-
tés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales,
les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public (reprise des
missions de l’ancien médiateur de la République). Il assure aussi la défense et la promotion de
l’intérêt supérieur et des droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé par la France (reprise des missions du défenseur des enfants).
Il lutte encore contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un
engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir
l’égalité (reprise des missions de la HALDE). Enfin, il veille au respect de la déontologie par les
personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République (reprise des mis-
sions de l’ancienne Commission nationale de déontologie de la sécurité).
Pour ce faire, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne physique ou morale qui
s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une
collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service
public. Il faut avoir préalablement fait les démarches nécessaires auprès de la personne publique ou
de l’organisme investi d’une mission de service public. Il peut, cette fois sans condition de recours
administratif préalable, être saisi par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation
mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services
médicaux ou sociaux ou toute association de défense des droits de l’enfant. Il peut être saisi, là encore
sans condition de recours administratif préalable, par toute personne qui s’estime victime d’une
discrimination ou par toute association de lutte contre les discriminations. Il peut être saisi par

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Les institutions administratives de régulation Chapitre 3

une réclamation portée par un parlementaire ou un parlementaire européen sur demande d’un
administré ou de sa propre initiative. Enfin, il peut se saisir d’office.
Le Défenseur des droits est assisté par des collèges : collège de la déontologie dans le domaine
de la sécurité, collège chargé de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité, collège chargé
de la défense et de la promotion des droits de l’enfant. Ces collèges comprennent chacun des per-
sonnalités qualifiées désignées par le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, le
président de la cour de cassation et le vice-président du Conseil d’État.
Le Défenseur des droits dispose de pouvoirs d’investigation, d’un pouvoir de recommandation,
d’un pouvoir de résolution amiable des différends, par voie de médiation et d’un pouvoir de
conclure une transaction avec l’auteur de la violation des droits. Il peut aussi inviter l’autorité
investie du pouvoir disciplinaire à prendre des sanctions. Il peut être entendu ou demandé à
être entendu par les juridictions civiles, administratives ou pénales dans le cadre d’un procès.
Il conseille le gouvernement sur les projets de loi ou de décrets relatifs à son domaine de ­compétence.
Il rend un rapport public annuel au Président de la République et aux présidents des assemblées.

2. La sauvegarde du pluralisme
Certaines AAI ont pour mission la sauvegarde du pluralisme des courants de pensée et d’opinion.
Ainsi en est-il du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, créé par la loi du 17 janvier 1989 et
qualifié d’Autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale par la loi du 15 novembre
2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Ses missions sont variées. Il gère et attribue
les fréquences destinées à la radio et à la télévision. Il s’assure du respect par tous les opérateurs
des lois et de la réglementation en vigueur et peut sanctionner ceux qui sont en infraction. Il donne
un avis conforme sur les candidats à la présidence des télévisions et des radios publiques. Il veille
au respect du pluralisme politique et syndical sur les antennes. Il organise les campagnes officielles
radiotélévisées prévues pour certaines élections (présidentielles, législatives, etc.). Il veille à la pro-
tection des jeunes téléspectateurs et auditeurs. Il rend des avis au Gouvernement sur les projets de
loi et de décrets qui concernent l’audiovisuel.
Dans le cadre de la moralisation de la vie politique, intervient la Commission nationale des comptes
de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Créée par la loi du 15 janvier 1990, ses
missions concernent non seulement les campagnes électorales (contrôler les comptes de cam-
pagne des candidats aux élections européennes, législatives, régionales, cantonales, municipales,
saisir le juge de l’élection en cas de non respect de la réglementation, transmettre au procureur de
la République tout dossier pour lequel des irrégularités ont été relevées, assurer la publication au
Journal officiel des comptes de campagne), mais aussi les partis politiques (vérifier le respect par
les partis de leurs obligations comptables et financières, assurer la publication sommaire des comptes
des partis au Journal officiel, saisir le procureur de la République si un fait constaté est susceptible
de constituer une infraction pénale).

3. Les libertés économiques


D’autres AAI ont pour objet la garantie des libertés économiques.
Il peut s’agir d’assurer la protection des consommateurs, pour la Commission des clauses abu-
sives créée par la loi du 11 janvier 1978 et la Commission de la sécurité des consommateurs Loi du
21 juillet 1983. La très récente Autorité de régulation des jeux en ligne instituée par la loi du 12
mai 2010 a pour missions de délivrer des agréments et s’assurer du respect des obligations par les
opérateurs, de protéger les populations vulnérables, de lutter contre l’addiction, de s’assurer de la
sécurité et de la sincérité des opérations de jeux, de lutter contre les sites illégaux et de lutter contre
la fraude et le blanchiment d’argent.

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Chapitre 3 Les institutions administratives de régulation

Les AAI peuvent aussi contribuer à l’organisation de la liberté économique. On peut citer l’Autorité
de la concurrence qui a remplacé le Conseil de la concurrence depuis la loi de modernisation écono-
mique du 4 août 2008, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur
internet (HADOPI) créée par la loi du 12 juin 2009 qui assure la protection des droits d’auteur et le
développement de l’offre légale sur internet.
Enfin, les AAI peuvent assurer une régulation sectorielle. Dans un secteur d’activité déterminé,
elles concourent à l’ouverture du marché, elles facilitent l’accès des nouveaux entrants, elles orga-
nisent la concurrence entre l’opérateur historique et les autres entreprises privées, sans pour autant
laisser le champ libre aux lois du marché. On parle souvent, pour différencier ces AAI des autres,
d’« autorités de régulation indépendantes » (ARI). Ces dernières sont particulièrement importantes, à
la fois par leur nombre et par leurs pouvoirs étendus. On peut citer ici l’AMF – Autorité des marchés
financiers (loi du 1er août 2003), issue de la fusion de la COB, du Conseil des marchés financiers et
du conseil de discipline de la gestion des portefeuilles. Elle a pour mission de veiller à la protection
de l’épargne investie en produits financiers, à la régularité de l’information donnée aux acteurs des
marchés financiers et à leur bon fonctionnement. La Commission de régulation de l’énergie (loi du
3 janvier 2003) remplace la commission de régulation de l’électricité créée en 2000.

L’essentiel sur les Autorités administratives indépendantes :


• Des autorités administratives indépendantes dépourvues de la personnalité juridique ou des
autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale
• Une indépendance statutaire et fonctionnelle
• Des pouvoirs étendus : sanctions, investigations, compétence consultative, pouvoir de décision
parfois pouvoir réglementaire
• Des domaines d’intervention couvrant l’ensemble de la vie sociale et économique
• Un contrôle juridictionnel sur les décisions des AAI (notamment mais pas exclusivement sur
leurs sanctions)

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Partie

2 L’administration
locale

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Il existe deux types d’administration au niveau local : l’administration déconcentrée d’une part qui assure la
représentation de l’État au niveau local (c’est l’État qui agit au niveau local), l’administration décentralisée d’autre
part qui est le lieu de la démocratie au niveau local (d’autres personnes morales de droit public que l’État gèrent
les affaires locales : les collectivités territoriales).

Chapitre 1
L’administration déconcentrée
L’État est déconcentré lorsque les autorités administratives sont réparties sur le territoire. La déconcentration
se définit comme une délégation de compétences à des autorités subordonnées, spécialisées et locales, qui
font partie de la même hiérarchie que l’autorité supérieure qui déconcentre ses activités. C’est donc un système
d’administration consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités administratives réparties sur le
territoire et placées à la tête de circonscriptions administratives. La déconcentration est donc une modalité, un
aménagement de la centralisation.
Les circonscriptions administratives peuvent être générales (Les régions et départements et leur préfet,
les arrondissements et leur sous-préfet) ou techniques (région de gendarmerie, la juridiction d’appel et son
premier président de cour d’appel, le trésorier-payeur général, les académies et leurs recteurs …).
Les autorités déconcentrées sont des émanations du pouvoir central, dépourvues de la personnalité juri-
dique et soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales, chargées d’une part de représenter l’État
au niveau local afin de faciliter l’exercice des missions de l’État sur tout le territoire, d’autre part de rapprocher
l’État des administrés.
Le pouvoir hiérarchique est détenu par l’autorité hiérarchique : le préfet sur le maire, le directeur de l’admi-
nistration centrale sur les agents des administrations déconcentrées, le ministre sur le préfet, etc. Lié au devoir
d’obéissance de tout agent public envers son supérieur, il est qualifié de principe général du droit (PGD),
applicable même en l’absence de texte (CE, Sect., 30 juin 1950, Quéralt). Une exception est néanmoins
prévue lorsque l’ordre est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public CE,
10 novembre 1944, Langneur
Le contrôle hiérarchique s’exerce aussi bien en légalité qu’en opportunité sur les agents (prise des mesures
relatives à leur carrière, pouvoir disciplinaire de sanction,…) comme sur les actes. À ce titre, l’autorité hié-
rarchique dispose d’un pouvoir d’instruction (elle encadre l’action de l’ensemble des agents, en leur donnant
des instructions générales et des ordres particuliers. Ceci se traduit par l’interdiction faite à l’agent d’attaquer
devant le juge administratif les ordres de son supérieur hiérarchique, dès lors qu’ils ne touchent pas à son
statut personnel), d’un pouvoir d’évocation (quand le dossier présente des difficultés particulières ou soulève
des questions d’intérêt national), d’un pouvoir unilatéral de substitution (lorsque l’autorité inférieure a l’obliga-
tion d’agir et qu’elle n’agit pas), et d’un pouvoir unilatéral de réformation et d’annulation, à son initiative ou sur
recours hiérarchique d’un administré (elle a alors l’obligation de réformer ou d’annuler quand l’acte est illégal).

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Chapitre 1 L’administration déconcentrée

Section 1 Les cadres d’action de l’État au niveau local

L’organisation déconcentrée des services de l’État remonte au Consulat et au centralisme napoléonien. La


Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) structure l’organisation administrative de la France
autour de plusieurs principes tels que l’unité du pouvoir, la centralisation ou encore la hiérarchie des fonctions.
La loi du 28 pluviôse An VIII (17 février 1800) apparaît comme un modèle d’organisation centralisée de l’État,
tempéré par la déconcentration. Elle fait figure de véritable « Constitution administrative » de la France. Elle
organise les relations entre le pouvoir central et les échelons territoriaux sur le mode vertical et hiérarchique.
Tout échelon supérieur détient un pouvoir d’autorité sur les échelons inférieurs. La loi crée au niveau départe-
mental l’institution du préfet, rouage essentiel des exigences de la centralité, au niveau de l’arrondissement,
l’institution du sous-préfet et elle place à la tête des communes les maires nommés par le préfet.
Cette organisation administrative est restée quasiment inchangée jusqu’en 1992. Une nouvelle politique de
déconcentration est définie par la loi du 6 février 1992 ATR et le décret du 1er juillet 1992 portant charte de
la déconcentration. Est posé le principe d’unité de l’administration déconcentrée : le préfet détient la direction
des services déconcentrés, il est chargé de la cohérence de l’action de l’État à l’échelon départemental. La
charte de la déconcentration adoptée le 1er juillet 1992 opère une modernisation des services préfectoraux.
Le principe de subsidiarité est affirmé : le niveau déconcentré et plus précisément l’échelon départemental est
érigé en échelon d’intervention de droit commun. L’article 2 de la loi ATR dispose ainsi que les administrations
centrales ne se voient confiées que les missions présentant un caractère national et dont l’exécution ne peut
être déléguée à un échelon territorial. Le décret du 1er juillet 1992 réaffirme lui aussi que « la déconcentration
est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des adminis-
trations civiles de l’État ».Cet approfondissement de la déconcentration était encore insuffisant. La réforme
de l’administration territoriale de l’État, engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques,
a pour objectif de renforcer l’unité d’action de l’État, de rendre son organisation plus lisible pour l’usager et de
rationaliser son fonctionnement.
Dans ce contexte est intervenu le décret du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004
relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départe-
ments. Le cadre d’action de l’État territorial est désormais régionalisé. Le préfet de région – et non plus le préfet
de département – est dorénavant responsable de l’application des politiques nationales et communautaires,
sauf exception. À ce titre, il a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques
à travers un pouvoir d’instruction et un éventuel droit d’évocation dans les matières qui justifient une coordi-
nation régionale renforcée. Le préfet de département est confirmé dans sa responsabilité de mise en œuvre
des politiques publiques au plus près des citoyens. Dépositaire de l’autorité de l’État dans le département, il
a seul la responsabilité de l’ordre public et du respect des lois. L’unité territoriale de l’État est confortée. La
mutualisation interministérielle des moyens de l’État est renforcée.
La France compte au titre des circonscriptions administratives de droit commun 22 régions, 101 départements
et 240 arrondissements.
Elle comporte aussi des circonscriptions dérogatoires. Les cantons, créés par une loi du 22 décembre 1789,
servent de cadre territorial pour le déploiement des services de gendarmerie et des impôts. Ils sont cependant
plus connus en tant que circonscriptions électorales, pour l’élection des conseillers généraux. Les communes
sont, outre des collectivités territoriales, des circonscriptions administratives servant essentiellement de cadre
territorial pour les services d’état civil et de délivrance de documents administratifs. Ces circonscriptions ne
seront cependant pas davantage développées, tant l’intervention de l’État y est réduite.

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L’administration déconcentrée Chapitre 1

1. La région
Initialement cadre d’intervention de l’État en matière de développement économique et d’aména-
gement du territoire (décret du 14 mars 1964), la circonscription régionale devient aussi par la loi
d’orientation du 6 février 1992 ATR et encadrée par la charte de la déconcentration le cadre
territorial de l’animation et de la coordination des politiques de l’État relatives à la culture, à l’envi-
ronnement, à la ville et à l’espace rural et de la coordination des actions de toute nature intéressant
plusieurs départements de la région. La circonscription régionale n’est certes pas encore reconnue
comme échelon de droit commun pour l’exécution des politiques publiques mais sa prééminence est
admise dans certains secteurs, notamment l’aménagement du territoire et le développement écono-
mique et social. Cette montée en puissance de l’échelon régional est confirmée par le décret du 29
avril 2004 et par la loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales, laquelle
étend considérablement la liste des politiques publiques pour l’exécution desquelles l’échelon régional
dispose d’une prééminence sur le département (sont ajoutés le développement rural, l’environnement
et le développement durable, la culture, l’emploi, le logement, la rénovation urbaine, la santé publique,
ainsi que toutes les politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l’État. Le décret du
16 février 2010 achève de faire de la région l’échelon déconcentré de droit commun.
L’architecture traditionnelle des administrations déconcentrées régionales était fondée sur les
périmètres de compétence des ministères, ce qui posait problème avec les politiques transver-
sales, interministérielles : empiètement, concurrence, etc. Les réformes engagées tendant à la mise
en place de chefs de projet, de pôles de compétence (décret de 1992), de délégations interservices
(décret du 20 octobre 1999) ou encore de pôles régionaux de l’État (décret du 29 avril 2004) étaient
insuffisantes en tant qu’elles ne procédaient qu’à de simples regroupements fonctionnels de services
restant juridiquement distincts.
Une nouvelle architecture des services a donc été mise en place, grâce à la création de nouvelles
structures telles que les directions régionales des finances publiques, au regroupement d’anciens
pôles (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement issues de la fusion
des pôle transport, logement, aménagement et pôle environnement et développement durable) ou
encore au démembrement d’anciens pôles (l’ancien pôle santé et cohésion sociale est démembré pour
donner le jour d’une part à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
et d’autre part à l’agence régionale de santé). On compte désormais 8 grandes directions régionales,
don certaines sont interministérielles : les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de
la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ; les directions régionales de l’environnement,
de l’aménagement et du logement (DREAL) ; les directions régionales de la jeunesse, des sports et
de la cohésion sociale (DRJSCS) ; les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la
forêt (DRAAF) ; les directions régionales de la culture (DRAC) ; les directions régionales des finances
publiques (DRFP) ; les rectorats d’académie et enfin les agences régionales de santé (ARS).

2. Le département
Le département est apparu dans les lois des 22 décembre 1789 et 8 janvier 1790. Il est aujourd’hui le
siège d’une collectivité territoriale (le conseil général), mais également le support local des services
de l’administration de l’État.
La place du département dans la déconcentration administrative a évolué. « Echelon territorial
de mise en œuvre des politiques nationales et communautaires » depuis la Charte de la déconcen-
tration, la circonscription départementale est désormais placée sous la direction de l’administration
régionale et ne constitue qu’un échelon d’exécution (décret du 3 décembre 2009).
Au regard de la directive nationale d’orientation de juillet 2004, les missions des préfectures peuvent
être classées en trois catégories : tout d’abord l’activité de guichet, concrétisée par la délivrance de
nombreux documents administratifs (appelée à décroître en raison de la dématérialisation et de la
fusion des procédures, ensuite des missions traditionnelles en forte croissance ( sécurité des popu-
lations et gestion des crises, police des étrangers – asile, séjour, éloignement, naturalisation – et
contrôle de légalité), enfin des missions revalorisées par la réforme de l’État et les nouveaux modes

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Chapitre 1 L’administration déconcentrée

de gestion publique comme le pilotage et l’arbitrage en matière d’actions interministérielles ainsi que le
suivi de leur exécution. Ces tâches sont rendues plus délicates, notamment en raison des exigences
du développement durable et de la protection de l’environnement mais aussi des contraintes résultant
de la mise en œuvre de la LOLF.
Le mouvement de décentralisation (les transferts de moyens au profit des collectivités territoriales
ont amené certains services de l’État en dessous du seuil critique justifiant leur existence distincte),
mais aussi le développement de l’interministérialité et l’émiettement de l’administration départemen-
tale ont imposé une restructuration et une rationalisation des services déconcentrés de l’État dans
le département. Le décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales intermi-
nistérielles a ainsi réorganisé l’échelon départemental en fonction des besoins des citoyens sur le
territoire et non, comme dans les régions, selon les lignes de découpage des périmètres ministériels.
Cette interministérialité au niveau départemental permet de rendre l’administration plus accessible
à l’usager, de mutualiser les moyens des services et de décloisonner les administrations. Sont ainsi
mises en place des directions départementales interministérielles (DDI), services déconcentrés rat-
tachés au premier ministre et placés sous l’autorité directe des préfets. « Sous l’autorité du préfet de
département, elles mettent en œuvre des politiques définies par le gouvernement dont le pilotage et
la coordination sont assurés par le préfet de région, assisté des directions régionales ». La création
des DDI est effective depuis le 1er janvier 2010.
L’organisation de ces DDI est modulable pour l’adapter aux besoins et aux spécificités des divers
départements. Les départements de moins de 400 000 habitants comprennent une direction des
territoires et une direction de la cohésion sociale et de la protection des populations. Dans les dépar-
tements plus peuplés, le préfet peut décider de créer une troisième direction, dite « de la protection
des populations », la direction de la cohésion sociale devenant une direction à part.
La direction départementale des territoires traite de l’ensemble des politiques à impact territorial.
Elle est compétente en matière de politiques d’aménagement et de développement durable des
territoires (prévention des risques naturels ; logement ; aménagement et urbanisme ; transports ;
protection des eaux, des espaces naturels, forestiers, ruraux ; agriculture et forêt ; pêche maritime et
cultures marines dans les départements du littoral). La direction départementale de la cohésion
sociale est chargée de traiter l’ensemble des questions liées à la cohésion sociale (logement social,
hébergement d’urgence, actions en faveur de la jeunesse et des sports notamment, vie associative,
droit des femmes). La direction départementale de la protection des populations est constituée
à partir des services vétérinaires et des services de la concurrence, de la répression des fraudes et
de la consommation. Elle a pour mission de mettre en œuvre les politiques relatives à la protection
et à la sécurité des consommateurs (hygiène et sécurité des produits alimentaires ; traçabilité des
animaux ; inspection d’installations classées pour la protection de l’environnement exerçant des
activités agricoles ; loyauté des transactions ; égalité d’accès à la commande publique).

3. L’arrondissement
Institué par la loi du 28 pluviôse an VIII, l’arrondissement est la seule circonscription administrative
de droit commun à n’être qu’une circonscription administrative et non une collectivité territoriale.
Implantées dans les arrondissements, les sous-préfectures ont toujours fait figure de parents pauvres
de l’administration territoriale. Le décret de 1992 présente l’arrondissement comme « le cadre territorial
de l’animation du développement local et de l’action administrative locale de l’État ». Sa portée est
précisée par le décret du 29 avril 2004 qui qualifie le sous-préfet de délégué du préfet dans l’arron-
dissement et fixe ses attributions.
Le réseau des 240 sous-préfectures d’arrondissement métropolitaines est l’un des plus denses de
l’administration territoriale. Il traduit la diversité démographique, géographique et économique des
territoires et incarne la proximité de l’État, notamment dans des secteurs fragiles, que ce soit en milieu
rural ou dans les zones très urbanisées.
La réforme de l’administration territoriale de l’État se concentre sur le niveau régional et sur le niveau
départemental ainsi que sur les relations entre ces deux niveaux. La réforme des sous-préfectures
figure toutefois parmi les thèmes de la révision générale des politiques publiques. À l’avenir, elles ne
devraient plus être organisées sur le modèle de la préfecture mais devraient devenir une administration

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L’administration déconcentrée Chapitre 1

de mission tournée vers le développement local. La révision générale des politiques publiques privilé-
gie aujourd’hui deux axes principaux de réforme. Dans les zones rurales, les sous-préfets pourraient
être remplacés par des conseillers d’administration, corps créé par le décret du 17 octobre 2007. Dans
les zones fortement urbanisées, les sous-préfectures pourraient être transformées en « maisons de
l’État ».

Section 2 Les autorités déconcentrées

Les autorités déconcentrées sont essentiellement les préfets de région et de département, mais aussi les sous-
préfets, et plus accessoirement les maires.

1. Les préfets de région et de département


1A. Le corps préfectoral
Le corps préfectoral est doté, par le décret du 29 juillet 1964 modifié par le décret du 6 mars 1996,
d’un statut dérogatoire au statut général de la fonction publique. Il possède ses propres règles de
recrutement, d’organisation hiérarchique, d’avancement.
Le préfet est un haut fonctionnaire de l’État nommé et révoqué par décret du Président de la
République (sur proposition du 1er ministre et du ministre de l’intérieur) pris en Conseil des ministres
(article 13 de la Constitution). Le recrutement est par principe discrétionnaire. Mais cette discrétion
du gouvernement a une portée limitée, puisque le statut prévoit que les 4/5e des postes de préfets
sont réservés à des sous-préfets 1er classe et à des administrateurs civils hors-classe.
Le statut du préfet est marqué par la dépendance étroite au gouvernement. Le préfet agit sous
l’autorité directe du ministre de l’intérieur et est subordonné à chaque ministre pour les besoins de leurs
services. Il peut recevoir des instructions, et doit rendre compte de ses actions. Il est tenu d’être loyal
vis-à-vis du pouvoir central (interdiction du droit de grève et de la liberté syndicale, devoir de réserve).
Le gouvernement peut prendre en compte les opinions politiques, religieuses ou philosophiques du
préfet pour l’écarter de ses fonctions. Le régime disciplinaire est particulièrement sévère puisque le
préfet peut être muté d’office, mis en disponibilité ou être placé hors cadre, dans d’autres fonctions
que celles de préfet, « dans l’intérêt du service ». Les droits du préfet en cas de sanction sont limités :
contrairement aux autres fonctionnaires, il ne bénéficie que du droit à la communication de son dossier.

1B. Les attributions préfectorales


Les préfets de département comme de région ont des attributions communes (1B1) mais aussi des
attributions spécifiques (1B2).

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Chapitre 1 L’administration déconcentrée

1B1. Les attributions communes


Les préfets ont des fonctions politiques en tant que porte-paroles du Gouvernement dans leur cir-
conscription. Ils ont aussi des attributions administratives : ils dirigent les services déconcentrés
des administrations de l’État, ils peuvent prendre des décisions individuelles (gestion du patrimoine
immobilier, des investissements publics, négociation et conclusion au nom de l’État des conventions
avec les collectivités territoriales ou leurs établissements publics)
L’information du préfet est assurée sur toutes les affaires de sa circonscription (décret du
29 avril 2004) : il est destinataire de toutes les correspondances, quelle qu’en soit la forme, adres-
sées par les administrations centrales et déconcentrées aux services, organismes et agents de l’État ;
il est tenu informé avant leur émission des décisions qui présentent une importance pour la politique
de l’État dans le département ou la région ; il est consulté lors de la préparation par les services de
l’État de décisions qui intéressent les entreprises implantées dans le département ou la région.
Le préfet est en relation avec la collectivité territoriale départementale ou régionale. Préfet et
président de conseil général comme préfet de région et président de conseil régional coordonnent
l’action de leurs services (services départementaux et régionaux et services de l’État). Par ailleurs, il
y a une mise à disposition réciproque des services. Certains services déconcentrés de l’État peuvent
être placés sous l’autorité de l’exécutif local et mener des actions pour le compte de la collectivité.
Enfin, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit des échanges
d’information entre préfet et exécutif local à la demande de l’un ou l’autre.

1B2. Les attributions spécifiques des préfets de département et


des préfets de région

1B2a. Les attributions spécifiques des préfets de région


Créé en mars 1964, le préfet de région joue, en plus de ses attributions de représentant de l’État dans
le département, un rôle de coordination et d’impulsion en matière économique et sociale à l’égard des
autres préfets de département. La loi du 5 juillet 1972 en fait l’exécutif de la région, établissement
public régional. Le statut et les pouvoirs du Préfet de région sont redessinés par l’article 79 de la
loi du 2 mars 1982, lorsque le Préfet de région perd la fonction d’organe exécutif de la région qui
devient collectivité territoriale, au profit du président du conseil régional. En contrepartie, le préfet
de région reçoit, au niveau de la région, les mêmes compétences que le préfet de département. Le
Préfet de région est le préfet de département où se trouve le chef-lieu de la région. Jusqu’en 2010,
les compétences du préfet de région s’exerçaient « sous réserve des compétences des préfets de
départements », sauf dans les domaines économique et social, où il en était le supérieur hiérarchique.
Le décret du 16 février 2010 affirme l’autorité du préfet de région. « Le préfet de région est le garant
de la cohérence de l’action de l’État dans la région. Il a autorité sur les préfets de département (...). L’autorité du
préfet de région sur les préfets de département ne peut être déléguée. Le préfet de région est responsable de
l’exécution des politiques de l’État dans la région, (...), ainsi que de l’exécution des politiques
communautaires qui relèvent de la compétence de l’État ».
Cette autorité du préfet de région sur les préfets de département s’exprime par le biais de deux pro-
cédés. Par le pouvoir d’instruction d’une part : « les préfets de département prennent leurs décisions
conformément aux instructions que leur adresse le préfet de région ». Par le pouvoir d’évocation d’autre
part : « le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie
d’une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspon-
dantes en lieu et place des préfets de département ». Cette disposition permet ainsi que l’autorité initialement
compétente – le préfet de département – soit dessaisie alors qu’elle n’a pas pris de décision.
Pour exercer ses missions, le préfet de région est assisté par des institutions de coordination lui
permettant de se consacrer davantage au pilotage des politiques publiques.
Le Comité de l’administration régionale, créé en 2004, est devenu un véritable conseil de direction
de l’État déconcentré depuis le décret du 16 février 2010. Sa composition a été limitée pour des raisons
d’efficacité : présidé par le préfet de région, il est composé des préfets de département, du secrétaire

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L’administration déconcentrée Chapitre 1

général pour les affaires régionales, des sept directeurs régionaux des services déconcentrés, du
directeur de l’agence régionale de santé et, le cas échéant, du directeur interrégional de la mer, des
responsables d’établissements publics et services de l’État ayant leur siège dans la région ou dont
l’activité s’exerce au-delà de la région sont simplement appelés, en tant que de besoin, par le préfet
de région qui préside. Le préfet de région peut aussi inviter des personnes qualifiées ou proposer
aux chefs de juridiction d’assister aux travaux. Ses attributions sont également mieux précisées :
sa consultation est tantôt facultative (exécution de programmes ministériels ou communautaires,
conventions avec la région décentralisée, organisation et fonctionnement des services déconcentrés),
tantôt obligatoire (gestion des ressources humaines, stratégie immobilière, mutualisations, répartition
des crédits).
Le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) est un haut fonctionnaire qui assiste le pré-
fet, encadre les chargés de mission, coordonne l’action des services régionaux de l’État et veille à
l’articulation entre services départementaux et services régionaux. Ses missions ont été ajustées par
un décret du 25 mai 2009 relatif aux missions des secrétaires généraux pour les affaires ­régionales :
il doit veiller à la cohérence de la mise en œuvre des politiques nationales et européennes, il a une
mission d’information et de communication sur les politiques de l’État, il doit favoriser dans sa cir-
conscription la mobilité des personnels entre les servi

1B2b. Les attributions spécifiques des préfets de département


Le Préfet était, aux termes de la loi du 28 pluviôse an VIII, le rouage essentiel de l’administration
territoriale d’État. En plus de sa qualité d’agent de l’État, le préfet était aussi l’organe exécutif de la
collectivité territoriale départementale jusqu’en 1982, date à laquelle cette fonction est passée à un
exécutif local, le président du conseil général. L’article 72 de la Constitution fait du Préfet le délégué
du gouvernement, qui a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des
lois. Jusqu’en 2010, le préfet de département était responsable de l’application des politiques natio-
nales et communautaires dans le département.
Depuis le décret du 16 février 2010, il agit en principe sous l’autorité du préfet de région. Dans cer-
tains domaines, il échappe à l’autorité du préfet de région : il a en charge le contrôle administratif du
département, des communes, des établissements publics locaux et des établissements et organismes
publics de l’État dont l’activité ne dépasse pas les limites du département ; il a en charge l’ordre public,
la sécurité et la protection de la population ; il reste compétent en matière d’entrée et de séjour des
étrangers ainsi qu’en matière de droit d’asile.
Dans chaque préfecture, les collaborateurs immédiats du préfet sont d’une part le secrétaire général
qui peut recevoir des délégations de signature en toutes matières (prise en charge des actions inter-
ministérielles, gestion des personnels, contrôle administratif des collectivités territoriales) et d’autre
part, le directeur de cabinet qui reçoit des délégations de signature dans le domaine de ses attribu-
tions (maintien de l’ordre, sécurité et défense civile, les relations publiques et les aspects politiques
de l’action administrative).

2. Les sous-préfets
Les sous-préfets sont nommés par décret simple du Président de la République et recrutés parmi
les corps issus de l’ENA, et en particulier parmi les administrateurs civils du ministère de l’intérieur.
Leur statut résulte du décret du 14 mars 1964 modifié par un décret du 27 juillet 1982 puis du 10 mai
1995 : le sous-préfet a pour mission « d’assister le préfet dans l’accomplissement de sa mission »,
sous son autorité. Ils bénéficient des mêmes garanties et sont soumis aux mêmes obligations que les
préfets. Les sous-préfets sont membres d’un corps qui a vocation à faire d’eux des préfets.
L’article 14 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à
l’action des services de l’État dans les régions et départements, dans sa nouvelle rédaction
issue du décret du 16 février 2010, dispose que « Le sous-préfet d’arrondissement est le délégué
du préfet dans l’arrondissement. Il assiste le préfet dans la représentation territoriale de l’État et, sous
son autorité : 1° Il veille au respect des lois et règlements et concourt au maintien de l’ordre public

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Chapitre 1 L’administration déconcentrée

et à la sécurité des populations ; 2° Il anime et coordonne l’action, dans l’arrondissement, des ser-
vices de l’État. [...] ; 3° Il participe à l’exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités
territoriales. [...] ».
Il a d’une part une fonction d’assistance au préfet : mission d’information du préfet sur tout ce qui se
passe dans l’arrondissement, exécution des lois et règlements, maintien de la sécurité et de l’ordre
public, animation et coordination de l’action des services de l’État pour la mise en œuvre des politiques
nationales et communautaires (notamment en matière d’aménagement du territoire et de développe-
ment local). Il a d’autre part une fonction d’assistance aux communes de son arrondissement : il
est le conseiller administratif et juridique notamment pour la préparation des budgets et surtout pour
les petites communes qui ne disposent pas des informations et des compétences nécessaires pour
le bon exercice de leurs attributions.

3. Les maires
Le maire a une double casquette (dédoublement fonctionnel) : organe exécutif de la commune,
collectivité territoriale, il est aussi autorité déconcentrée, représentant de l’État sur le territoire de
la commune.
Au titre de l’article L 2122-27 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous
l’autorité du représentant de l’État dans le département de la publication et de l’exécution des
lois et des règlements, de l’exécution des mesures de sûreté générale et des mesures de police, des
fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois : délivrance de certificat de concubinage, par-
ticipation à l’établissement des listes électorales, traitement des demandes de permis de construire,
certification de copies, opérations de recensement. Sous l’autorité du Procureur de la République,
il est aussi officier de police judiciaire et officier d’état civil (célébration des mariages, enregistrement
des naissances et des décès, délivrance des extraits de registres).

L’essentiel sur la déconcentration :


Bien distinguer déconcentration et décentralisation :
• Déconcentration = Circonscription administrative / décentralisation = collectivités territoriales
• Déconcentration = représentation de l’État au niveau local / décentralisation = exercice d’un
pouvoir local par des collectivités territoriales, distinctes de l’État
• Déconcentration = autorités étatiques soumises au pouvoir hiérarchique du ministre (le préfet,
principale autorité déconcentrée) / décentralisation = élus locaux (exécutif local : Président
de conseil régional, président de conseil général/départemental, maire) disposant de la libre
administration sous réserve du contrôle administratif de légalité

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Chapitre 2
L’administration décentralisée
Une collectivité territoriale se définit comme une personne morale de droit public sur une portion du territoire
national, dotée d’organes élus et de compétences propres, confiées par le législateur, lui permettant de pro-
mouvoir des intérêts locaux spécifiques. Elle doit agir dans le respect de l’ordre juridique étatique.
Les Collectivités territoriales ont un statut constitutionnel. Elles sont reconnues par l’article 72 alinéa 1 de
la Constitution depuis la révision du 28 mars 2003 : « les collectivités territoriales de la République sont les
communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer ».
Elles sont représentées au niveau étatique par le Sénat, « grand Conseil des communes de France »,
(Gambetta), ou « assemblée des territoires et des paysans » (Blum) (article 24 alinéa 3 de la Constitution).
L’administration décentralisée repose sur le principe de libre administration des collectivités territoriales.
L’article 72 alinéa 3 de la Constitution dispose en effet que « Dans les conditions prévues par la loi, les
collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire
pour l’exercice de leurs compétences ». De même au sens de l’article 34 alinéa 8, « La loi détermine les
principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de
leurs ressources ». Ces dispositions sont relayées par l’article L 1111-1 du CGCT : « Les communes, les
départements et les régions s’administrent librement par des conseils élus ».
Ce principe implique la compétence du législateur pour définir la composition des conseils délibérants, les
modes de scrutin, le statut des élus locaux, les compétences de ces collectivités, et notamment la répartition
des compétences entre État et collectivités territoriales, la détermination de leurs ressources, et enfin leurs
obligations et les garanties dont elles disposent.
Le principe de libre administration implique que les collectivités territoriales bénéficient d’une liberté d’orga-
nisation (CC 14 janvier 1999, Loi relative au fonctionnement des conseils régionaux), « d’un conseil élu
doté d’attributions effectives » (CC, 8 août 1985, Evolution de la Nouvelle Calédonie), de moyens juridiques
autonomes (CC, 29 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence des
procédures financières à propos de la liberté contractuelle des collectivités territoriales) et enfin d’une auto-
nomie financière (les ressources fiscales des collectivités territoriales ne doivent pas être restreintes au point
d’entraver leur libre administration CC, 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999).
La valeur constitutionnelle du principe de libre administration a été reconnue par le Conseil constitutionnel (CC,
23 mai 1979, Territoire de Nouvelle Calédonie et CC, 20 janvier 1984, Fonction publique territoriale).
D’abord conçu comme une règle formelle, pour garantir plus la liberté « d’être » que la liberté « d’agir » des
collectivités territoriales, le principe a ensuite été utilisé par le Conseil comme une véritable norme de réfé-
rence du contrôle de constitutionnalité des lois. Celui-ci veille dès lors à ce que le législateur respecte un seuil
minimal de compétences et de ressources en faveur des collectivités territoriales. C’est au cas par cas que le
juge constitutionnel, à partir de l’examen in concreto des textes qui lui sont soumis, apprécie si les variations
affectant le principe de libre administration restent comprises entre les « seuils minima et maxima autorisés ».
Ce principe n’est cependant pas absolu et doit être concilié avec les autres principes à valeur constitu-
tionnelle, tels que le respect de l’indivisibilité de la République (CC, 9 mai 1991, Statut de la Corse censurant
la mention dans une loi du « peuple corse, composante du peuple français ») ou encore le respect du principe
d’égalité.
Si des aspirations décentralisatrices ont pu être constatées dès la période révolutionnaire et à partir de la
Restauration, si la IIIe République a profondément modifié le régime juridique des communes et des départe-
ments, il faut attendre 1982 pour que la décentralisation territoriale en France soit véritablement approfondie.

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et régions opère une
décentralisation brutale animée d’un esprit de système. L’acte I de la décentralisation raisonne par rapport à
l’ensemble des collectivités locales et procède ainsi à une uniformisation et à une rationalisation des institutions
locales. La loi de 1982 pose un certain nombre de principes directeurs relatifs à l’autonomie locale : la région
n’est plus un établissement public et devient une collectivité territoriale ; les fonctions exécutives n’appartiennent
plus aux préfets de département et de région mais sont transférées aux autorités élues (président du conseil
général et président du conseil régional) ; de nombreuses compétences de l’État sont transférées vers les
collectivités territoriales, ces transferts étant accompagnés de compensations financières ; enfin est proclamée
la suppression de la tutelle et son remplacement par un contrôle administratif (la suppression est cependant
purement symbolique).
La loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République du 28 mars 2003 – acte II
de la décentralisation – révise la Constitution pour permettre un approfondissement de la décentralisation.
L’article 1er de la Constitution interdit tout retour à une centralisation excessive en posant que « l’organisation de
la France est décentralisée ». Sont proclamés le principe de subsidiarité, le droit à l’expérimentation locale. La
révision introduit aussi des principes de démocratie directe. Enfin, les statuts de l’outre-mer sont intégralement
refondus avec la suppression des TOM et la création des COM.
Enfin, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales modifie les structures locales,
notamment par la création des conseillers territoriaux et par la modernisation de l’intercommunalité.
La loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 revient sur les
acquis de la loi du 16 décembre 2010. Ses principales mesures sont les suivantes :
• Le rétablissement de la clause de compétence générale des régions et des départements
• La désignation de chefs de file pour certaines compétences : la région pour le développement économique et
les transports, le département pour l’aide sociale et le tourisme, la commune en matière environnementale.
•  ’affirmation des métropoles : création de trois métropoles à statut spécial (Grand Paris, Lyon et Aix-Marseille-
L
Provence) et déploiement des métropoles de droit commun
L’entrée en vigueur de cette réforme s’étale jusqu’au 1er janvier 2013.
Si les communes, départements et régions sont appréhendés par le législateur dans un esprit de système et
obéissent à une régime juridique largement uniformisé, les collectivités territoriales à statut dérogatoire sont
soumises à des régimes spécifique justifiés par leur histoire (Alsace-Moselle, territoire de Belfort), leur impor-
tance démographique ou politique, les nécessités d’aménagement du territoire (Paris, Lyon, Marseille), ou
encore une reconnaissance de l’identité locale ou régionale (outre-mer et Corse).

Section 1 Les principes de la décentralisation

1. La démocratie locale
Alexis de Tocqueville est l’un des premiers à avoir théorisé la « République de proximité » dans « De
la démocratie en Amérique » : les libertés locales sont le socle de la démocratie. Les institutions
communales donnent un esprit de liberté, que ne donne pas un gouvernement libre, parce qu’elles
mettent la liberté à la disposition du peuple. Il y a donc l’idée que démocratie et décentralisation sont
inséparables : les administrés sont aussi des citoyens amenés à participer aux scrutins et aux réfé-
rendums locaux qui rythment la démocratie représentative.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

La décentralisation marque l’avènement d’une démocratie locale représentative mais aussi consulta-
tive et participative (association des citoyens à l’élaboration des politiques publiques les concernant).

1A. La démocratie locale représentative


La démocratie locale est représentative dans la mesure où elle organise la représentation des citoyens
par des assemblées élues. Après avoir étudié la représentation locale (1A1), il conviendra de présenter
les règles de fonctionnement des organes délibérants (1A2).

1A1. La représentation locale


1A1a. Le principe électif
Le principe de libre administration des collectivités territoriales impose que les organes des collectivi-
tés territoriales soient élus. Les assemblées délibérantes sont élues au suffrage universel direct, les
exécutifs locaux au suffrage universel indirect, par et au sein de l’organe délibérant.
Le contentieux des élections locales relève de la compétence de la juridiction administrative. Le
tribunal administratif est compétent pour le contentieux des élections municipales et cantonales ; le
Conseil d’État est compétent en appel des jugements des tribunaux administratifs et en premier et
dernier ressort pour le contentieux des élections régionales, des élections de l’Assemblée de Corse,
et des élections des assemblées des collectivités d’outre-mer.

1A1b. Les conditions d’accès au mandat


Tout citoyen peut se porter candidat à une élection locale dès lors qu’il a 18 ans révolus.
La principale préoccupation est d’assurer le principe de libre administration des collectivités territo-
riales, c’est à dire d’éviter que les élus locaux ne soient dépendants du pouvoir central.
L’inéligibilité se définit comme une interdiction opposée à une personne, pour une raison de fond
tenant aux fonctions exercées ou au prononcé de sanctions, de faire acte de candidature à une ou
plusieurs élections. Lorsqu’elle est constatée après l’élection, l’inéligibilité fait obstacle à la poursuite
du l’exercice du mandat. Il existe deux catégories d’inéligibilité :
• les inéligibilités en raison des fonctions exercées d’une part (exemples : défenseur des droits
pendant la durée de leurs fonctions, préfets de région et de départements dans le ressort où ils
exercent ou ont exercé leurs fonctions, magistrats des cours d’appel, TGI et TI dans les communes
du ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de 6 mois, …)
• et les inéligibilités en raison des sanctions prononcées d’autre part (privation du droit électoral
résultant d’une décision judiciaire consécutive à une condamnation pénale pour les infractions
commises par des dépositaires de l’autorité publique telles que le délit de favoritisme, la prise
illégale d’intérêt, la corruption, le trafic d’influence, etc ; non-respect par le candidat proclamé élu
des règles régissant le financement de la campagne électorale).
L’incompatibilité est la situation dans laquelle est placé un élu à la suite d’une élection, en raison soit
de sa profession ou de sa qualité, soit d’un autre mandat électoral dont il est titulaire. Contrairement
à l’inéligibilité, elle ne s’oppose pas à la candidature et à l’élection mais rend impossible l’exercice
de la fonction tant que la situation n’est pas régularisée. Elle oblige l’élu à choisir entre la fonction
élective et l’autre fonction qui est à l’origine de l’incompatibilité. La restriction ainsi apportée à l’exer-
cice des fonctions publiques doit être justifiée par « la nécessité de protéger la liberté de choix de
l’électeur, l’indépendance de l’élu ou l’indépendance des juridictions, contre les risques de confusion
ou de conflits d’intérêts » CC, 2000-426 DC, 30 mars 2000, Loi relative à la limitation du cumul
des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d’exercice. Ces incompatibilités
sont de deux ordres. Elles peuvent être liées au cumul des mandats. Ainsi par exemple, depuis la loi
du 5 avril 2000 sur la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions exécutives, il y a
incompatibilité entre la fonction de maire (L 2122-4), de président de conseil général (L 3122-3) ou
régional (L 4133-3) et l’exercice d’une présidence de conseil municipal (maire), régional ou général,
d’un mandat de parlementaire européen, d’une fonction de commissaire européen, de membre du

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

directoire de la BCE ou d’une fonction de membre du conseil de la politique monétaire de la Banque


de France. D’autres incompatibilités s’ajoutent à celles-ci. D’autres incompatibilités peuvent être liées
aux fonctions dans l’administration d’État, afin de préserver l’autonomie des collectivités territoriales
(Exemples : préfet, militaire de carrière, membre du Conseil constitutionnel, membre du CSA,…)

1A2. Le fonctionnement des organes délibérants locaux


La notion de « délibération » a un double sens puisqu’elle désigne à la fois la décision et le processus
de décision.
Le conseil municipal se réunit à l’initiative du maire, chaque fois qu’il le juge utile, au moins une
fois par trimestre ou encore lorsque la demande lui est présentée par le préfet ou par une partie des
conseillers municipaux (le tiers dans les communes de 3 500 habitants et plus, la moitié dans les
communes de moins de 3 500 habitants).
Le conseil général comme le conseil régional se réunit à l’initiative du président, quand il le juge
utile, au moins une fois par trimestre, à l’initiative de la commission permanente, statuant à la majorité
ou encore à l’initiative d’1/3 des conseillers, en sachant qu’un même conseiller ne peut présenter plus
d’une demande de réunion par trimestre.
Les séances sont par principe publiques. La publicité est la conséquence du caractère représentatif
de l’assemblée, qui doit délibérer en toute transparence et sous l’œil des électeurs. L’accès ne peut
dès lors être restreint ou réglementé. Le président de séance a cependant la police de l’assemblée
et peut restreindre ou interdire l’accès à la réunion pour des raisons de sécurité et d’ordre public. Par
exception, l’organe délibérant peut décider, à la demande de 3 (dans les communes) ou de 5 (dans
les départements et régions) de ses membres, de siéger à huis-clos. La décision est alors prise à la
majorité absolue des membres présents ou représentés.
Des règles de quorum sont prévues comme conditions de validité de la délibération. Le conseil
municipal ne délibère valablement qu’en présence de la majorité de ses membres en exercice (plus
de la moitié) ; le conseil général ou régional ne délibère valablement qu’en présence de la majorité
absolue de ses membres en exercice (la moitié + 1). La vérification est faite à l’ouverture de chaque
séance, à la mise en discussion de chaque point de l’ordre du jour, et après chaque suspension de
séance. Si le quorum n’est pas ou plus atteint, la réunion doit être ajournée, sous peine d’illégalité
des délibérations adoptées au cours de la séance.

1B. La démocratie locale participative


On parle également de « démocratie de proximité » pour mettre en évidence la place des citoyens
dans la vie locale. La démocratie participative émerge avec la loi relative à l’administration territoriale
de la République du 6 février 1992 et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et
s’enracine avec l’acte II de la décentralisation (révision constitutionnelle du 28 mars 2003).
Il faut distinguer 2 types de consultation qui n’ont pas la même portée juridique.
Les consultations des électeurs des communes et des EPCI ont été instituées dans les com-
munes par la loi ATR du 6 février 1992 et étendu aux EPCI par la loi du 4 février 1995 d’orientation
relative à l’aménagement et au développement du territoire. Il ne s’agit ici que d’une simple demande
d’avis à la population : son résultat ne lie en aucun cas les autorités élues, qui demeurent libres de
statuer comme elles l’entendent. L’objet de la consultation doit relever de la compétence directe de
la commune ou de l’EPCI.
Les référendums locaux sont, au contraire, des référendums décisionnels. Ils concernent l’ensemble
des collectivités territoriales et non plus seulement les communes. Le dispositif est consacré par la loi
constitutionnelle du 28 mars 2003. L’article 72-1 de la Constitution dispose que « dans les conditions
prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une
collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis par la voie du référendum, à la décision
des électeurs de cette collectivité ». Le projet est adopté si la moitié au moins des inscrits a pris part
au scrutin et s’il réunit la majorité des suffrages exprimés.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

L’article 72-1 de la Constitution reconnait un droit de pétition aux électeurs leur permettant de
demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale d’une
question relevant de sa compétence. Il ne s’agit que d’une demande ne liant pas l’exécutif.
La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité autorise le conseil municipal à créer des
comités consultatifs sur tout problème d’intérêt communal, comprenant des personnes qui peuvent
ne pas appartenir au conseil, notamment des représentants des associations locales (Exemples :
comités de quartier, conseil municipal des enfants, etc.). Les avis sont seulement consultatifs et ne
lient pas le conseil municipal.

2. Le transfert de compétences aux


collectivités territoriales
Certaines compétences sont transférées définitivement aux collectivités territoriales, d’autres ne le
sont que temporairement, à titre d’expérimentation.

2A. Clause générale de compétence et


énumération des compétences
Le transfert de compétences de l’État aux collectivités territoriales se fait par le législateur (domaine
de la loi de l’article 34 de la Constitution).
Le droit français combine deux techniques pour l’attribution des compétences aux collectivités ter-
ritoriales. La clause générale de compétence est inscrite dans le code général des collectivités
territoriales. Elle repose sur la notion d’affaires locales, d’ « affaires de la collectivité ». L’intérêt public
local permet de tracer les limites externes des compétences locales, par rapport aux compétences
des autres collectivités publiques et par rapport aux personnes privées. L’énumération de compé-
tences est la technique choisie par les lois de 1983 relatives à la répartition des compétences entre
les communes, les départements, les régions et l’État. Les objectifs poursuivis sont ainsi d’éviter
autant que possible les compétences partagées entre plusieurs niveaux de collectivités, d’éviter la
tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre et enfin d’accompagner tout transfert de compétence
d’une compensation financière.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales procédait à un réaménagement
des compétences dont l’entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 2015. Si la clause générale de
compétences était maintenue pour les communes, les compétences des départements et des régions
étaient au contraire énumérées par la loi.
La loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 abroge
les dispositions de la loi de 2010 et rétablit la clause générale de compétences pour les départements
comme pour les régions. Ainsi, l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales dispose
de nouveau que « les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les
affaires de leur compétence ».
Elle crée par ailleurs dans chaque région la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP), chargée
de favoriser l’exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements
et de leurs établissements publics. Sont membres de cette CTAP le président du conseil régional qui
en assure la présidence, les présidents des conseils généraux, les présidents des principaux EPCI
sur le territoire de la région et des représentants élus des communes de la région.

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

2B. Le droit à l’expérimentation


La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 prévoit à l’article 72 al. 4 de la Constitution la possibilité
d’une expérimentation par certaines collectivités territoriales de l’exercice de compétences nouvelles.
C’est donc accepter pour une durée déterminée l’idée d’une « décentralisation à la carte » qui vient
en rupture avec le traditionnel principe d’unité du régime juridique de chaque catégorie de collectivités
territoriales et porte atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi.
L’expérimentation doit avoir été préalablement autorisée par le législateur ou par le pouvoir régle-
mentaire selon qu’il s’agit de déroger à des dispositions législatives ou réglementaires. L’autorisation
doit préciser l’objet de l’expérimentation, sa durée (laquelle ne peut être supérieure à 5 ans), les
dispositions auxquelles il peut être dérogé, la nature juridique et les caractéristiques des collectivités
concernées et enfin le délai dans lequel les collectivités peuvent demander à participer à l’expéri-
mentation.
Toute collectivité entrant dans le champ d’application de la loi peut, par délibération motivée de son
assemblée, demander à bénéficier de l’expérimentation. Le gouvernement publie ensuite par décret
une liste des collectivités autorisées à participer à l’expérimentation.
À son issue interviendra une évaluation. Au vu des résultats, il est décidé de prolonger l’expérimen-
tation (pour une durée maximale de 3 ans), d’abandonner le projet ou au contraire, de généraliser
l’attribution de la compétence à l’ensemble des collectivités de la catégorie concernée.

3. Le contrôle des collectivités territoriales


Pour maintenir le caractère unitaire de l’État et donc la prééminence de l’État sur les institutions
décentralisées, les collectivités territoriales sont soumises à un double contrôle de l’État, administratif
et budgétaire.

3A. Les contrôles administratifs sur les collectivités


territoriales
Si la loi du 2 mars 1982 énonce solennellement que « la tutelle est supprimée », elle maintient néan-
moins un « contrôle administratif » qui en est l’équivalent. Ce contrôle, contrepartie nécessaire du
principe constitutionnel de libre administration, porte sur les personnes mais surtout sur les actes.

3A1. Les contrôles administratifs sur les organes des collectivités


territoriales
Bien que les autorités locales décentralisées soient élues, l’État conserve un droit de regard sur l’exer-
cice de leur mandat et peut dans certaines conditions y mettre fin, pour garantir une administration
effective et régulière. Ce contrôle sur les personnes aboutit à des décisions radicales puisqu’elles
privent une personne élue au suffrage universel de son mandat. D’où des conditions très strictes
encadrant ces sanctions.

3A1a. La tutelle sur les assemblées délibérantes


Le gouvernement peut dissoudre tout un conseil municipal, conseil général ou régional par « décret
motivé rendu en conseil des ministres », lorsque son fonctionnement se révèle impossible (L
3121-5, L 4132-3).
En cas de dissolution d’un conseil municipal, le préfet nomme une délégation spéciale de 3 à 7
membres qui peuvent être choisis au sein ou en dehors de l’ancienne équipe municipale dissoute.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

Cette délégation spéciale a seule compétence pour prendre les actes d’administration courante. En
cas de dissolution d’un conseil général ou régional, c’est le président de l’assemblée dissoute qui
est chargé de l’expédition des affaires courantes. Dans tous les cas, de nouvelles élections doivent
avoir lieu dans les 2 mois qui suivent le décret.

3A1b. La tutelle sur les autorités exécutives municipales


Il s’agit ici de sanctions individuelles pour faute dans l’exercice des fonctions communales Le maire
et les adjoints peuvent être suspendus par arrêté du ministre de l’intérieur ou révoqués en conseil
des ministres, pour des manquements à des fonctions exercées au nom de l’État comme au nom
de la commune.
Ont ainsi été sanctionnés le refus d’organiser des élections, le célébration d’un mariage entre deux
personnes du même sexe, la mauvaise tenue des registres d’État civil, …
Le juge administratif contrôle le respect des droits de la défense et de l’obligation de motivation. Il
effectue un contrôle restreint sur le fond, limité à l’exactitude matérielle des faits, à l’erreur manifeste
d’appréciation et au détournement de pouvoir.
En cas de révocation ou suspension, le maire est remplacé par l’adjoint le premier dans le tableau.

3A2. Les contrôles administratifs sur les actes des collectivités


territoriales
Le contrôle administratif de légalité des actes des autorités territoriales a une base constitutionnelle :
le nouvel article 72 alinéa 6 de la Constitution (issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003)
dispose, en effet, que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État (...)
a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

3A2a. Les actes contrôlés


Toutes les collectivités territoriales sont concernées par le contrôle administratif de légalité, mais aussi
les établissements publics locaux.
La loi du 22 juillet 1982 a institué un mécanisme de transmission obligatoire au préfet de certains
actes locaux (délibérations des organes délibérants ou prises par délégation de ceux-ci, décisions
réglementaires des exécutifs locaux, décisions individuelles relatives à la nomination et à la carrière
des agents, décisions relatives à l’exercice du pouvoir de police, conventions relatives aux marchés
et aux emprunts, conventions de délégation de service public, ordres de réquisition des comptables
pris par l’autorité exécutive locale et permis de construire et autres autorisations d’urbanisme). Sont
en revanche exclus de l’obligation de transmission les actes pris par les autorités locales au nom de
l’État (en tant que autorités déconcentrées), les actes soumis au droit privé et les actes de gestion
courante. Ils peuvent néanmoins être librement transmis à la préfecture par la collectivité territoriale.
Un délai de 15 jours est prévu pour la transmission des actes budgétaires et des marchés. La trans-
mission est une condition du caractère exécutoire des actes soumis à une telle obligation (les
actes non soumis à obligation de transmission sont, eux, exécutoires dès leur publicité). Elle n’est pas
une condition de légalité de l’acte local. Elle déclenche le délai de recours au profit du préfet (déféré
préfectoral). La transmission doit être complète c’est-à-dire comporter le texte intégral de l’acte et ses
annexes indispensables pour permettre d’en apprécier la portée et la régularité juridiques. À défaut,
le préfet a un délai de 2 mois pour demander les pièces complémentaires nécessaires au contrôle.
Une telle demande proroge le délai pour déférer.

3A2b. Les modalités du contrôle de légalité


Le contrôle est concentré, reposant sur le préfet, représentant de l’État dans le département. C’est un contrôle
de légalité, le contrôle en opportunité ayant été supprimé par la loi du 2 mars 1982. Il est a posteriori c’est-
à-dire exercé après que l’acte a été adopté par les autorités territoriales, la loi du 2 mars 1982 ayant
supprimé la technique de l’approbation préalable de l’acte. Il n’est pas exhaustif, compte tenu du

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

nombre d’actes locaux et cible les actes présentant des enjeux juridiques importants ou portant atteinte
aux libertés publiques (fonction publique territoriale, droit de l’urbanisme, police administrative).
Le contrôle doit intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la transmission. Si le préfet estime
l’acte illégal, il peut saisir le juge par la voie du déféré préfectoral. Ce n’est pas une obligation mais
un pouvoir discrétionnaire du représentant de l’État qui peut décider de ne pas déférer l’acte pour
des raisons d’opportunité. Le contrôle administratif de légalité privilégie bien souvent le dialogue et
la concertation avec les autorités locales.
Il existe deux types de déférés. Le déféré spontané est déclenché à l’initiative du préfet. Le déféré est
provoqué lorsque le préfet défère un acte local sur demande d’une personne physique ou morale.
Celle-ci doit avoir un intérêt à agir et se manifester dans les 2 mois suivant l’entrée en vigueur de
la décision. La saisine du préfet proroge le délai de recours contentieux à l’égard du demandeur :
le délai de 2 mois recommence à courir à compter de la décision du préfet, quel que soit le sens
de cette décision (déféré ou refus de déféré). Le préfet peut refuser de déférer l’acte, sa décision
étant insusceptible de REP (CE, Sect., 1991, Brasseur). Dans les deux hypothèses, le déféré peut
concerner les actes soumis à obligation de transmission comme les autres (CE, 1994, Département
de la Sarthe et CE, sect., 28 févr. 1997, Commune du Port).
En cas de faute lourde commise dans le cadre du contrôle administratif de légalité, la responsabilité
de l’État est engagée (CE, 2000, Ministre de l’Intérieur c/ Commune de Saint-Florent).

3B. Les contrôles financiers sur les collectivités


territoriales
Afin de contraindre les collectivités territoriales au respect du droit public financier, la loi du 2 mars
1982 a institué les chambres régionales des comptes (CRC) qui ont pour mission de contrôler les
finances publiques locales. Ces juridictions financières sont un élément indispensable du dispositif
de décentralisation, en ce qu’elles assurent une juridictionnalisation de la tutelle financière et une
objectivité accrue du contrôle des comptes locaux.
Dans le cadre du contrôle budgétaire, la CRC peut être amenée à formuler à l’attention du préfet des
propositions en matière budgétaire dans certaines hypothèses. Le préfet ne peut alors s’écarter des
propositions de la CRC que par une motivation explicite.
Si le budget d’une collectivité territoriale n’a pas été définitivement adopté avant le 31 mars de
l’année ou, les années de renouvellement des assemblées locales, avant le 15 avril, le préfet saisit
la CRC qui formule des propositions pour le règlement du budget. Le préfet règle le budget et le rend
exécutoire.
Si le budget local ne prend pas en compte l’ensemble des dépenses obligatoires, le préfet peut
saisir la CRC pour que la ou les dépenses obligatoires soient effectivement inscrites.
Si le budget est voté en déséquilibre (les recettes ne couvrent pas les dépenses de la collectivité),
la CRC, consultée par le préfet, propose à la collectivité territoriale les mesures nécessaires au réta-
blissement de l’équilibre budgétaire. En cas de persistance du déséquilibre, le préfet règle le budget
et le rend exécutoire.
Les CRC opèrent aussi un contrôle de gestion, défini par la loi du 21 décembre 2001 en ces termes :
« l’examen de la gestion porte sur la régularité des actes de gestion, sur l’économie des moyens
mis en œuvre et sur l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée
délibérante ou par l’organe délibérant ». Les CRC peuvent, à l’issue du contrôle, présenter des
observations aux collectivités territoriales. Les observations peuvent être reprises dans le rapport
annuel de la Cour des comptes.
Enfin, les CRC sont chargées du contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Il s’agit ici d’un contrôle de la régularité
de chaque recette et de chaque dépense. Les jugements rendus dans ce cadre sont susceptibles
d’appel devant la Cour des comptes.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

Section 2 Les catégories de collectivités territoriales

1. Les collectivités territoriales de droit


commun
Sont des collectivités territoriales de droit commun les communes, départements et régions.
Il convient de signaler les critiques récurrentes liées à l’empilement des structures territoriales et au
défaut de pertinence du découpage territorial. Si la solution d’une suppression de certaines com-
munes ou des départements n’a encore jamais été retenue, la loi du 16 décembre 2010 propose de
manière fort novatrice le regroupement ou le transfert de structures locales : elle institue une
procédure de fusion entre départements, elle assouplit substantiellement la procédure de regroupe-
ments interrégionaux déjà existante. Elle ajoute la possibilité d’une fusion verticale entre une région
et les départements qui la composent. La loi complète, en outre, ces procédures de regroupements
territoriaux par un dispositif de transfert d’un département d’une région à une autre. Ces procédures
de regroupements ou de transferts imposent un consensus entre les assemblées délibérantes des
départements et des régions concernés, une consultation des électeurs et une décision prise au
niveau national.

1A. La désignation des organes


1A1. La désignation des organes délibérants
Chaque collectivité territoriale de droit commun est représentée par un organe délibérant : le conseil
municipal composé de conseillers municipaux pour les communes, le conseil général composé de
conseillers généraux pour les départements et le conseil régional composé de conseillers régionaux
pour les régions.
La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires
et des conseillers départementaux procède à certaines modifications : elle abroge les dispositions
créant l’institution des conseillers territoriaux, elle remplace la notion de conseiller général par la notion
de conseiller départemental qui entrera en vigueur en mars 2015 et elle étend le mode de scrutin
mixte aux communes de plus de 1 000 habitants à partir des élections municipales de mars 2014.

Pour aller plus loin


La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait institué à compter de mars
2014 les conseillers territoriaux, ayant vocation à remplacer à la fois les conseillers généraux et les
conseillers régionaux et à siéger au conseil général comme au conseil régional. Les organes délibé-
rants étaient ainsi maintenus mais les conseillers siégeaient dans les deux conseils.
L’élection devait se dérouler au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre de la cir-
conscription cantonale (reprise du mode de scrutin des élections cantonales).
Le choix de ce mode de scrutin avait été vivement critiqué par les élus et la doctrine :

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

Problème d’inégalité démographique entre les cantons et donc problème d’égalité du suffrage : une
région toute entière pouvait être appropriée par un seul de ses départements, la loi offrant aux
conseillers territoriaux de ce département la majorité absolue des sièges au sein du conseil régional.
C’est le cas des régions bi-départementales : ainsi pour le département du Bas-Rhin (39 conseillers
territoriaux) dans la région Alsace (66 conseillers territoriaux), du département du Nord (76 conseil-
lers territoriaux) dans la région Nord-Pas-de-Calais (136 conseillers territoriaux) et du département
de la Seine-Maritime (64 conseillers territoriaux) dans la région Haute-Normandie (98 conseillers
territoriaux).
Inadaptation du cadre cantonal pour la région : la circonscription cantonale apparaît singulièrement
étriquée pour la région et inapte à assurer la promotion électorale des grands enjeux régionaux. La
région n’aura toujours pas le sacrement démocratique qu’elle mérite : elle n’est pas représentative
par elle-même mais à travers les composantes de ses départements.
Risque de disparition du département par sa dilution au sein des régions.

1A1a. L’élection des conseillers municipaux


Les conseillers municipaux sont élus pour 6 ans, rééligibles et le renouvellement intégral du conseil
a lieu au mois de mars. Le nombre de conseillers varie de 7 (communes de moins de 100 habitants)
à 69 (communes de plus de 300 000 habitants).
La commune forme une circonscription électorale unique : chaque électeur vote pour l’ensemble des
sièges à pourvoir.
Le mode de scrutin diffère selon la taille des communes.
Jusqu’en 2013, la distinction s’établissait entre les communes de moins de 3 500 habitants et celles
de 3 500 habitants et plus. La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers municipaux, des
conseillers communautaires et des conseillers départementaux abaisse le seuil à 1 000 habitants
pour étendre le champ d’application du régime électoral réservé jusqu’alors aux communes de de
3 500 habitants et plus.
Pour les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers sont élus au scrutin plurinominal,
majoritaire, à deux tours. Au 1er tour de scrutin, l’élection ne peut être acquise qu’à la majorité absolue
des suffrages exprimés (plus de la moitié des voix) avec un nombre de suffrages égal au quart (25  %)
de celui des électeurs inscrits. Au 2e tour de scrutin, l’élection a lieu à la majorité relative (le plus grand
nombre de voix), quel que soit le nombre des votants. Si plusieurs candidats obtiennent le même
nombre de suffrages, l’élection est acquise au plus âgé. Les élus sont proclamés dans l’ordre des
voix obtenues pour chacun d’eux. Dans ces communes, les règles électorales sont particulièrement
souples : possibilité de former des listes incomplètes (pas dans les communes de 2 500 habitants
et plus), possibilité de prévoir des listes comportant plus de candidats que de sièges à pourvoir et
possibilité corrélative pour les électeurs de raturer les listes, possibilité de se présenter isolément,
panachage (mélange) des différentes listes, modification de l’ordre de présentation des listes par le
vote préférentiel.
Pour les communes de 1 000 habitants et plus, le scrutin est mixte, combinant la logique majoritaire
et la logique proportionnelle. Les conseillers municipaux sont élus au scrutin plurinominal de liste à
deux tours. C’est un scrutin de liste bloqué : pas de panachage des listes ni de vote préférentiel lors
du scrutin. Au premier tour de scrutin, si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés,
elle recueille la moitié des sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis
entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix, à la représentation proportionnelle suivant la
règle de la plus forte moyenne. Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés
au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. N’y participent que les listes ayant obtenu 10 %
des voix. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du
nombre des sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes
les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix, à la représentation proportionnelle suivant la règle de
la plus forte moyenne.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

1A1b. L’élection des conseillers généraux / départementaux


La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers com-
munautaires et des conseillers départementaux abroge les dispositions de la loi du 16 décembre
2010 qui créaient l’institution des conseillers territoriaux. Elle remplace la notion de conseiller général
par la notion de conseiller départemental.
Les conseillers départementaux seront élus à partir des élections de mars 2015 (les élections prévues
normalement en mars 2014 sont reportées d’un an) au scrutin binominal majoritaire paritaire à deux
tours : dans chaque canton sera élu un binôme homme-femme de conseillers. Afin de conserver un
nombre identique de conseillers, le nombre de cantons sera divisé par deux pour passer de 4 000
à 2 000. Le redécoupage des cantons sera défini sur des bases essentiellement démographiques.

1A1c. L’élection des conseillers régionaux


Les conseillers régionaux sont élus pour 6 ans et sont rééligibles. Le renouvellement du conseil
régional est intégral et intervient au mois de mars. Il s’agit d’un scrutin de liste bloqué (ni panachage,
ni vote préférentiel) à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, à deux tours, avec
prime majoritaire à la liste qui est arrivée en tête. Au 1er tour de scrutin, la liste qui recueille la majorité
absolue des suffrages exprimés emporte un quart du nombre des sièges à pourvoir (arrondi à l’entier
supérieur). Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix,
à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si aucune liste n’a recueilli la majorité
absolue des suffragges exprimés au 1er tour, il est procédé à un second tour, auquel ne participent
que les listes ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés. Si une seule liste obtient plus de
10 % des suffrages exprimés, la liste arrivant en 2nde position est autorisée à participer au 2nd tour. Si
aucune des listes n’obtient les 10 %, les deux listes arrivées en tête au 1er tour participent au 2nd tour.
Les listes autorisées à se maintenir au 2nd tour peuvent fusionner avec d’autres listes à condition que
ces listes aient obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Au 2nd tour : il est attribué à la liste qui
a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir (arrondi
à l’entier supérieur). Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu 5 % des voix,
à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Les prochaines élections régionales ont été reportées à mars 2015 par la loi du 17 mai 2013, pour
éviter qu’il y ait trop d’élections dans cette période.

1A2. La désignation des exécutifs locaux


Le suffrage est alors indirect, la désignation de l’exécutif local étant réalisée par et au sein des conseils
délibérants.
L’exécutif municipal est composé d’un maire et d’un ou plusieurs adjoints élus parmi les membres
du conseil municipal. Ce sont les conseils municipaux qui fixent le nombre d’adjoints (entre 1 et
30 % de l’effectif global du conseil). À l’issue des élections municipales, le conseil municipal procède
à l’élection du maire et des adjoints. L’élection a lieu dans la foulée du renouvellement intégral du
conseil municipal, et le maire est élu pour la même durée que le conseil municipal, ce qui crée une
cohésion de l’équipe municipale.
Le maire est élu au 1er ou au 2e tour à la majorité absolue des suffrages exprimés, à la majorité
relative au 3e tour. En cas d’égalité, le plus âgé est réputé élu. S’agissant des adjoints, ils sont élus
dans les mêmes conditions que le maire dans les communes de moins de 3 500 habitants ou, dans
les communes de 3500 habitants et plus, au scrutin de liste majoritaire, sans panachage ni vote
préférentiel. La parité s’applique : sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de
chaque sexe ne peut être supérieur à un. L’élection se fait à la majorité absolue au 2 premiers tours,
à la majorité relative au 3e.
Les règles de désignation des exécutifs départementaux et régionaux sont les mêmes. Le conseil
général se réunit de plein droit le second jeudi suivant le premier tour du scrutin après chaque renou-
vellement triennal. Le conseil régional se réunit de plein droit le second vendredi suivant le premier
tour du scrutin. Ils sont présidés par le doyen d’âge.

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

Une condition de quorum est prévue : le conseil général comme le conseil régional ne peut valable-
ment élire son président et la commission permanente que si les 2/3 de ses membres sont présents.
À défaut, une nouvelle réunion intervient 3 jours plus tard sans condition de quorum.
L’élection du président du conseil général comme du président du conseil régional a lieu au scrutin
secret, en 3 tours (à la majorité absolue aux 2 premiers tours et à la majorité elative au 3e). En cas
d’égalité des voix au 3e tour, le plus âgé est élu. Aussitôt après l’élection du président et sous sa pré-
sidence, le conseil général ou régional fixe la composition de la commission permanente. Les candi-
datures sont déposées auprès du président dans l’heure qui suit. Lorsque le nombre de candidatures
est égal au nombre de postes, la nomination est immédiate. En cas de candidatures multiples, il est
procédé par voie d’élection, au scrutin secret de liste, proportionnelle à la plus forte moyenne afin
d’assurer la représentation de l’ensemble des sensibilités politiques représentées au sein du conseil.

1B. La répartition des compétences


Les compétences de la région concernent le développement économique (planification écono-
mique, programmation des équipements, aides directes et indirectes aux entreprises), la formation
professionnelle (insertion des jeunes en difficulté et alternance), la construction, l’entretien et le fonc-
tionnement des lycées, les transports régionaux de voyageurs et enfin la protection du patrimoine et
le développement des ports et aérodromes.
Les compétences du département sont essentiellement tournées vers l’aide et action sociale :
aide à l’enfance (protection maternelle et infantile, soutien aux familles en difficulté), aux handicapés
(hébergement et insertion sociale), aux personne âgées. Le département est aussi chargé de l’inser-
tion, des transports scolaires hors périmètres urbains, des routes départementales, de la construction,
de l’entretien et de l’équipement des collèges. Il a une compétence culturelle (gestion des services
d’archives départementales, musées et bibliothèques départementales). Il a enfin une mission d’aide
aux communes rurales avec une compétence en matière d’équipement rural, de remembrement, de
gestion de l’eau et de la voirie rurale.
La commune est le lieu idéal pour l’administration de proximité. Les compétences de la commune
sont donc relatives aux actions dans le domaine sanitaire et social (CCAS, crèches, garderie, foyers
des personnes âgées), aux écoles primaires et maternelles, aux actions culturelles (bibliothèques,
écoles de musique, théâtres et salles de spectacle, festivals,…), sportives et de loisirs (équipements
sportifs tels que piscines, patinoires ou stades, subventions aux associations sportives, tourisme) et
enfin à la voirie communale.
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles
consacre la notion de collectivité chef de file pour l’exercice de certaines compétences. Ainsi la
région est désignée collectivité chef de file en matière d’aménagement et de développement durable
du territoire, de protection de la biodiversité, de climat, qualité de l’air et énergie, de développement
économique, de soutien à l’innovation, d’internationalisation des entreprises, d’intermodalité et de
complémentarité entre les modes de transport et enfin de soutien à l’enseignement supérieur et à
la recherche. Le département est chef de file en matière d’action sociale, de développement social,
d’autonomie des personnes et enfin de solidarité des territoires. La commune (ou l’EPCI) est, elle,
chef de file pour la mobilité durable, l’organisation des services publics de proximité, l’aménagement
de l’espace et le développement local.

2. Les collectivités territoriales à statut


dérogatoire
Le droit des collectivités territoriales se caractérise par une spécialisation des régimes juridiques
applicables aux collectivités, aussi bien en métropole qu’en outre-mer.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

2A. Les collectivités territoriales de métropole à


statut dérogatoire
Sont des collectivités territoriales à statut dérogatoire Paris Lyon et Marseille, la Corse et l’Alsace-
Moselle.

2A1. Paris, Lyon, Marseille


Dans les 3 plus grandes villes françaises, la loi de 1982 a souhaité rapprocher davantage l’administra-
tion locale des citoyens. Paris, Lyon et Marseille sont organisés en arrondissements (respectivement
20, 9 et 16), lesquels constituent des circonscriptions électorales au sein desquelles sont élus les
conseillers municipaux (respectivement 163, 73 et 101) et les conseillers d’arrondissement. Conseillers
municipaux et conseillers d’arrondissement sont élus sur les mêmes listes.
Le conseil d’arrondissement comprend les conseillers municipaux élus dans l’arrondissement ainsi
que des conseillers d’arrondissement. Ce conseil élit ensuite son maire et les adjoints.
Le conseil d’arrondissement doit dans certains domaines donner son avis avant que le conseil muni-
cipal ne prenne une décision (urbanisme, subventions sur l’arrondissement). Il gère les équipements
sportifs, les établissements culturels et sociaux ainsi que les espaces verts. Il peut en outre recevoir
des délégations du conseil municipal.
Le maire d’arrondissement exerce des compétences au nom de l’État (état civil, élections) et en tant
qu’exécutif de l’arrondissement.

2A2. L’Alsace-Moselle
Les trois départements d’Alsace-Moselle (Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle) conservent des règles
issues du droit en vigueur pendant l’annexion allemande (de 1871 à 1918). Initialement prévu pour
ne durer qu’un temps limité, le droit local continue aujourd’hui de régir les associations, les cultes,
l’école ou encore le droit communal.

2A3. La Corse
C’est une loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région Corse qui dote cette dernière pour la
première fois d’un statut spécifique, modifié par une loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité
territoriale de Corse puis par une loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
La Collectivité territoriale de Corse est organisée autour d’une Assemblée de Corse et de son pré-
sident, d’un Conseil exécutif de Corse et de son président ainsi que d’un conseil économique, social
et culturel de Corse.
Les membres de l’Assemblée de Corse, au nombre de 51, sont élus au scrutin de liste à 2 tours,
bloqué et sans panachage, ni vote préférentiel. Au premier tour de scrutin, il est attribué trois sièges à
la liste qui a obtenu la majorité absolue des suffrages. Les autres sièges sont répartis entre les listes
ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle à la plus forte
moyenne. Si aucune liste n’a recueilli au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés, il
est procédé à un second tour. Ne peuvent se maintenir au second tour que les listes ayant obtenu
5 % des suffrages exprimés. Il est attribué trois sièges à la liste qui a obtenu le plus de suffrages.
En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces trois sièges sont attribués à la liste
dont les candidats ont la moyenne d’âge la plus élevée. Ensuite, les autres sièges sont répartis entre
les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle à
la plus forte moyenne.
L’Assemblée de Corse peut, de sa propre initiative, à la demande du conseil exécutif ou du Premier
ministre, présenter des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions réglementaires
en vigueur concernant soit les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des
collectivités territoriales de Corse, soit le développement économique, social et culturel de la Corse.

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

La collectivité territoriale de Corse peut demander à être habilitée à fixer des règles adaptées aux
spécificités de l’île.
Le Conseil exécutif est élu par l’Assemblée et est composé d’un président et de 6 conseillers. Il
dirige l’action de la collectivité territoriale de Corse, notamment en matière de développement éco-
nomique et social, d’action éducative et culturelle et d’aménagement du territoire. Il dispose d’un
pouvoir réglementaire très étendu.
L’exécutif est responsable devant l’Assemblée qui peut le renverser par une motion de défiance
constructive. En contrepartie, le conseil exécutif peut prononcer la dissolution de l’Assemblée en cas
d’impossibilité pour elle de fonctionner normalement.

2B. Les collectivités territoriales d’outre-mer


à statut dérogatoire
La distinction DOM – TOM définie par la Constitution de 1958 ne correspondait plus à la réalité institu-
tionnelle de l’outre-mer, en raison de l’apparition de collectivités sui generis (dites « à statut particulier :
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) et de l’autonomisation progressive de la Nouvelle Calédonie. La
loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République rénove
considérablement le cadre institutionnel de l’outre-mer.

2B1. Les départements et régions d’outre-mer


Ils sont reconnus à l’article 73 de la Constitution.
La Guadeloupe, La Martinique, La Guyane et La Réunion sont à la fois départements et régions
d’outre-mer. Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est devenue un département d’outre-mer.
Les quatre premiers comprennent ainsi sur un même territoire à la fois une collectivité territoriale
régionale avec un conseil régional et son président et une collectivité territoriale départementale avec
un conseil général et son président. La Guyane et la Martinique ont par référendum du 24 janvier
2010 accepté la mise en place d’une collectivité territoriale unique exerçant les compétences et du
département et de la région. Une fusion des deux collectivités est donc à prévoir.
Les organes délibérants ont de larges compétences en matière de développement économique, social
et culturel, d’aménagement du territoire et pour la préservation de l’identité locale.
Si le principe est celui de l’assimilation législative (les dispositions législatives et réglementaires en
vigueur en métropole sont applicables de plein droit dans les départements et régions d’outre-mer),
l’article 73 de la Constitution prévoit néanmoins la possibilité de certains aménagements pour tenir
compte des spécificités locales : les textes « peuvent faire l’objet d’adaptations [par les autorités natio-
nales] tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». « Ces adaptations
peuvent [aussi] être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences
et si elles y ont été habilitées par la loi ». Enfin « les collectivités peuvent être habilitées par la loi à
fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant
relever du domaine de la loi ».

2B2. Les collectivités d’outre-mer


La révision constitutionnelle de 2003 supprime la catégorie des TOM (territoires d’outre-mer) et lui
substitue celle des collectivités territoriales d’outre mer (COM). Cette catégorie recouvre les anciens
TOM (Polynésie française et îles Wallis et Futuna), une ancienne colectivité à statut particulier (Saint-
Pierre-et-Miquelon ; Mayotte est devenue un département d’outre-mer le 31 mars 2011) et depuis
les lois du 21 février 2007 deux anciennes communes de la Guadeloupe (Saint-Barthélemy et Saint-
Martin).
L’idée force de la révision constitutionnelle de 2003 est de faire bénéficier les COM de statuts « sur
mesure ».

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L’administration décentralisée Chapitre 2

L’article 74 de la Constitution prévoit que les COM peuvent bénéficier du principe de spécialité légis-
lative : à l’exception des lois de souveraineté, applicables de plein droit sur l’ensemble du territoire
national, les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse. La loi organique du 21
février 2007 précise le régime législatif des différentes COM : spécialité législative pour la Polynésie
française et les îles Wallis et Futuna, identité législative pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy et
identité législative avec des exceptions dans certaines matières (impôts, droits et taxes, habitat,
construction, régime douanier,…) pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
L’article 74 reconnaît aussi aux organes délibérants des COM la possibilité, sur habilitation législative
ou réglementaire, d’adapter aux caractéristiques et aux contraintes particulières de la collectivité les
dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.
Les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont une organi-
sation institutionnelle similaire : l’assemblée délibérante est un conseil territorial, élu pour 5 ans au
scrutin de liste à deux tours avec une prime majoritaire ; l’exécutif est assuré par un conseil exécutif
élu par le conseil territorial et présidé par son président. Ce dernier est responsable devant le conseil
territorial qui peut le renverser par une motion de défiance constructive. Un conseil économique,
social et culturel est chargé d’assister le conseil territorial. Ces collectivités ont des compétences
étendues en matière de développement économique, d’action culturelle, d’aménagement du territoire,
transports, tourisme, fiscalité.
Les îles Wallis et Futuna présentent une spécificité très importante, le droit coutumier local étant
très présent. Le territoire est doté d’une assemblée territoriale et d’un conseil exécutif. Mais il reste
divisé en trois royaumes dotés chacun de la personnalité morale, d’un drapeau. Ils sont placés sous
l’autorité d’un administrateur supérieur à la fois chef de l’exécutif local et représentant de l’État mais
aussi sous l’autorité d’un roi disposant de pouvoirs en matière juridictionnelle et foncière.
La Polynésie française évolue à terme vers une autonomie pleine et entière. Le président de la
Polynésie française assure le pouvoir exécutif, avec le gouvernement composé d’un vice-président
et de ministres. L’Assemblée de la Polynésie française, organe délibérant, est élue pour 5 ans au
scrutin proportionnel avec une prime majoritaire, égale à un tiers du nombre de sièges à pourvoir. Le
gouvernement est responsable devant l’Assemblée qui peut le renverser par le vote d’une motion de
censure. En contrepartie, l’Assemblée peut être dissoute par décret du Président de la République
après avis du président de l’Assemblée et du président de la Polynésie française. Le conseil éco-
nomique, social et culturel ainsi que le haut conseil de la Polynésie française assistent l’Assemblée
dans ses fonctions.
L’Assemblée peut adopter des « lois du pays » soumises au contrôle du Conseil d’État dans des
matières législatives telles que le droit civil, les obligations commerciales, le droit du travail, la santé
publique et l’action sociale, l’aménagement et l’urbanisme. La Polynésie française est par ailleurs
autorisée à participer aux compétences de l’État (droit civil, entrée et séjour des étrangers, etc. Elle
peut enfin mettre en place une politique de discrimination positive pour favoriser sa population en
matière d’emploi et de patrimoine foncier.

2B3. Les collectivités sui generis


Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont placées sous l’autorité d’un adminis-
trateur supérieur, représentant de l’État et chef du territoire, assisté d’un conseil consultatif. Elles sont
soumises au principe de spécialité législative, à l’exception de certaines matières.
Pour restaurer la paix civile en Nouvelle-Calédonie après une forte instabilité politique dans les
années 1980, les Accords de Matignon de 1988 prévoyaient l’intervention d’un scrutin d’autodé-
termination en 1998. Les Accords de Nouméa du 5 mai 1998 approuvés par le peuple fixent le
cadre dans lequel s’inscrira l’évolution institutionnelle au cours des vingt prochaines années. Une loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998 insère dans la Constitution un titre XIII consacré aux dispositions
transitoires de la Nouvelle-Calédonie.
Au cours d’une période de 15 à 20 ans, la Nouvelle-Calédonie bénéficiera de transferts progressifs
(et irréversibles : aucun retour en arrière n’est possible) de compétences de l’État, jusqu’à ce que
ce dernier ne dispose plus que des compétences régaliennes (justice, ordre public, défense, monnaie
et affaires étrangères). Ensuite, les électeurs seront consultés sur la question d’une indépendance

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

de la Nouvelle-Calédonie. Le Congrès pourra prendre des textes de valeur législative, des « lois du
pays », qui pourront être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation.
L’État est représenté par le Haut-commissaire de la République.
Assemblée délibérante, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie comprend 54 membres, issus des
trois assemblées de province, élus pour cinq ans, au suffrage universel direct, qui portent le titre de
« conseillers de la Nouvelle-Calédonie ».
Exécutif de la collectivité, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est élu par le congrès pour une
durée de 5 ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Le Président de la Nouvelle-
Calédonie dirige l’action du gouvernement. Le gouvernement est responsable devant le Congrès qui
peut le renverser par le vote d’une motion de censure.
Deux assemblées consultatives assistent le Congrès : le Sénat coutumier obligatoirement saisi des
projets ou propositions de lois du pays relatif à l’identité kanak et le Conseil économique et social.

Section 3 La coopération intercommunale

La France connaît un important émiettement communal : elle dispose en effet de 36 793 communes, dont
75 % comptent moins de 1 000 habitants mais ne représentent que 15 % de la population. Cet émiettement est
certes respectueux de la démocratie locale, favorisant le lien direct entre élus et électeurs et facilitant l’accès
aux mandats électoraux. Mais peu rationnel, il est un facteur de gaspillage des deniers publics (alourdissement
des charges, manque de rentabilité des équipements) et un frein au développement économique.
Les fusions de communes (Loi Marcellin du 16 juillet 1971) ne fonctionnent pas, tant l’attachement affectif à
la commune est fort.
La coopération intercommunale est au contraire apparue comme le moyen de lutter contre les excès de
l’émiettement communal. Elle consiste pour les communes à créer des établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) et à leur déléguer une ou plusieurs missions de service public qu’ils exerceront sur
l’ensemble de l’espace communautaire.
Ces établissements publics, appelés aussi établissements publics territoriaux, ont un caractère administratif et
sont donc soumis au droit public. Comme tout établissement public, ils sont soumis au principe de spécialité : ils
ne peuvent intervenir que dans les domaines que leur attribuent les statuts. Pour autant, la grande diversité des
missions confiées aux EPCI remet en cause leur caractère d’établissement public et les rapproche sérieusement
des collectivités territoriales. Ils sont aussi régis par le principe d’exclusivité : les communes sont totalement
dessaisies des compétences qu’elles ont déléguées (CE, 16 octobre 1970, Commune de Saint-Vallier).
De formes variées (1), les EPCI sont soumis à un régime juridique largement uniformisés (2).

1. La diversité des établissements publics


de coopération intercommunale
On distingue deux types de coopération intercommunale : l’intercommunalité de services d’une part,
l’intercommunalité de projets de l’autre.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

1A. L’intercommunalité de services


La coopération de gestion appelée aussi intercommunalité de services consiste pour plusieurs
communes à créer un établissement public territorial (un syndicat intercommunal) et à lui confier un
ou plusieurs services publics d’intérêt commun tels que l’enlèvement et le traitement des ordures
ménagères, les installations sportives culturelles ou de loisirs et les transports (on parlera alors selon
les cas de syndicat intercommunal à vocation unique – SIVU – ou à vocation multiple – SIVOM). Les
EPCI n’ont pas de fiscalité propre, étant financés par une contribution des communes membres. Les
compétences déléguées au syndicat ne peuvent plus être exercées par les communes membres. Il
peut s’agir de syndicats de communes ou de syndicats mixtes (regroupement de communes avec
d’autres collectivités territoriales ou des établissements publics).
Depuis une ordonnance de 1959 pour les SIVU et la loi du 31 décembre 1970 pour les SIVOM, un
syndicat peut être institué, non plus à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée, par au moins 2/3 des
conseils municipaux représentant au moins la moitié de la population totale ou par la moitié des
conseils municipaux représentant au moins 2/3 de la population totale. Cette évolution est fondamen-
tale puisque l’intérêt communautaire prime l’intérêt communal particulier : plusieurs communes peuvent
obliger une autre à entrer dans une coopération intercommunale. Une loi du 5 janvier 1988 inaugure
le syndicalisme « à la carte » ou « à géométrie variable » : une commune peut choisir d’adhérer à un
syndicat pour une partie seulement des compétences exercées.

1B. L’intercommunalité de projets


La coopération de projets ou intercommunalité de projets consiste, elle, à élaborer un projet
commun de développement économique et social, pour un ensemble de communes. Cette forme de
coopération a beaucoup plus de succès dans la mesure où elle colle aux besoins des territoires et
des populations. Elle est parvenue à un véritable maillage du territoire : au 1er janvier 2010, les 2 611
EPCI à fiscalité propre regroupent 34 774 communes représentant 57,9 millions d’habitants. Ces
EPCI sont des communautés à fiscalité propre.
Les communautés urbaines, instituées par la loi du 31 décembre 1966, sont réservées aux agglo-
mérations d’un seul tenant et sans enclave de plus de 500 000 habitants. À l’origine au nombre de
quatre (Lille, Bordeaux, Lyon et Strasbourg), elles sont au 1er janvier 2010 seize. Le code général des
collectivités territoriales leur reconnaît 19 blocs de compétences obligatoires regroupés en 6 rubriques
(développement économique, social et culturel, aménagement de l’espace communautaire, habitat,
politique de la ville, gestion des services d’intérêt collectif et environnement).
La loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République a institué les commu-
nautés de communes. Celles-ci ne sont pas soumises à une exigence de seuil démographique. Elles
ont pour objet le développement économique et l’aménagement dans des milieux faiblement urbanisés.
Les communautés de villes, créées aussi par la loi de 1992, réservées aux agglomérations de plus de
20 000 habitants, et dont l’action était tournée vers le développement économique et l’aménagement
de l’espace communautaire ont été supprimées par la loi du 12 juillet 1999.
La loi du 12 juillet 1999 a créée une nouvelle formule : la communauté d’agglomération. Celle-ci
pourra être instituée à 3 conditions : une population totale d’au moins 50 000 habitants, avec une
commune-centre de 15 000 habitants (par exception cette condition n’est pas exigée lorsque la ville
est chef-lieu du département ou que la commune en cause est la plus importante du département)
et enfin un territoire s’un seul tenant et sans enclave formant un ensemble urbain. Cet EPCI est doté
de 4 compétences obligatoires (développement économique, aménagement de l’espace, logement
et politique de la ville) auxquelles il faut ajouter au moins 3 des 6 compétences prévues par la loi à
titre optionnel (voirie, assainissement, eau, équipements culturels et sportifs, environnement et action
sociale d’intérêt communautaire).
Dans l’optique d’une rationalisation du territoire, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collec-
tivités territoriales supprime la catégorie juridique des pays et des communautés d’agglomération
nouvelle (créées en 1983 en même temps que les syndicats d’agglomération nouvelle, elles n’ont
connu aucun succès). Elle renforce surtout la structuration des territoires en créant une nouvelle caté-
gorie d’EPCI, plus intégratrice encore : la métropole. Celle-ci regroupe plusieurs communes d’un seul

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

tenant et sans enclave et qui s’associent au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire
ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel
et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion. Sous l’empire de la loi
de 2010, pouvaient obtenir le statut de métropole les EPCI formant un ensemble de plus de 500 000
habitants et les communautés urbaines. Pour faire face au manque de succès de la métropole (une
seule métropole créée : celle de Nice Côte d’Azur) lié à la crainte des élus de voir leurs communes
absorbées et au manque d’attractivité de la formule, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de
l’action publique et d’affirmation des métropoles procède à la valorisation de ces métropoles de droit
commun. À compter du 1er janvier 2015 seront automatiquement transformés par décret en métropole
tous les EPCI à fiscalité propre qui forment un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire
urbaine de plus de 650 000 habitants. Ce statut pourra également être attribué, sous réserve d’un
accord de la majorité qualifiée des conseils municipaux, aux EPCI qui forment un ensemble de plus
de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région ainsi qu’à ceux
qui sont le centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants qui exercent, à la date d’entrée
en vigueur de la loi, les compétences que celle-ci attribue aux métropoles. Les métropoles sont
dotées de 32 titres de compétences obligatoires regroupées en 6 rubriques (les mêmes que pour les
communautés urbaines. Les départements de toute la France peuvent déléguer leurs compétences
aux métropoles qui les exerceront sur le territoire métropolitain. À terme, on peut ainsi craindre la
disparition des départements dans les grandes aires urbaines.
Autre innovation de la loi du 16 décembre 2010, sont institués sous la forme de syndicats mixtes,
des pôles métropolitains dont la finalité est d’accomplir des actions « d’intérêt métropolitain ». Le
pôle métropolitain réunit, sur une base volontaire, des EPCI formant depuis la loi du 27 janvier 2014
un ensemble de plus de 100 000 habitants. Il s’agit de promouvoir un modèle d’aménagement, de
développement durable et de solidarité territoriale.
La loi du 27 janvier 2014 procède également à la création de trois métropoles à statut spécial (Métropole
du Grand Paris, Métropole de Lyon et Métropole d’Aix-Marseille-Provence). La métropole du Grand
Paris créée au 1er janvier 2016 regroupe par exemple la capitale et l’ensemble des communes des
départements de la petite couronne. Ces métropoles ont vocation à absorber les compétences du
département.
Enfin, la loi du 16 décembre 2010 fixe au 1er juillet 2013 l’achèvement de la carte intercommunale :
en concertation avec les collectivités territoriales, le préfet établit le schéma départemental de coo-
pération intercommunale, lequel tend à terme à assurer la couverture de l’ensemble du territoire par
des intercommunalités selon des périmètres rationalisés. À terme, seuls des EPCI à fiscalité propre
d’un seul tenant et sans enclave devraient couvrir l’ensemble du territoire par un rattachement à ces
derniers des communes isolées ou encore par la création, la suppression, la fusion ou la transfor-
mation d’EPCI.
L’intérêt communautaire est la ligne de partage au sein d’une même compétence entre les domaines
d’action transférés à la communauté et ceux qui restent au niveau communal. Il permet de distinguer
ce qui nécessite une gestion intercommunale et ce qui peut rester au niveau communal. S’agissant
des communautés de communes, il est défini par les conseils municipaux des communes membres
à la majorité qualifiée ; pour les autres EPCI, il est défini par le conseil communautaire à la majorité
des 2/3. L’intérêt communautaire d’une action ou d’une opération est apprécié au regard d’éléments
quantitatifs, qualitatifs ou géographiques, tels que les coûts de fonctionnement ou d’investissement,
la superficie, la fréquentation de l’équipement, le type de zones concernées, etc.

2. Le régime juridique des établissements


publics de coopération intercommunale
Développée par strates successives, sans logique de système, la coopération intercommunale est
devenue excessivement complexe. Les citoyens comme les élus ont les plus grandes difficultés à dif-
férencier les formes de groupements et à identifier les compétences et responsabilités des communes

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L’administration décentralisée Chapitre 2

et celles des EPCI. Le législateur de son côté a modifié partiellement des structures existantes, en a
créé de nouvelles, sans en supprimer d’autres,…
La complexité du dispositif a nécessité une simplification du droit existant. Tel a été l’objet d’une part
de l’adoption en 1996 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et d’autre part de la loi
du 12 juillet 1999 relative à la simplification et au renforcement de la coopération intercommunale
dite Loi Chevènement. Cette dernière a procédé à l’harmonisation du régime juridique des EPCI en
inscrivant dans le CGCT et pour l’ensemble des établissements publics territoriaux les règles de
création des EPIC, la délimitation de leur périmètre, les modalités de désignation des délégués, leur
statut et la durée de leur mandat, les règles de majorité et les conditions de dissolution.

2A. La création des établissements publics de


coopération intercommunale
Les règles de création des EPCI sont fixées à l’article L. 5211-5 du CGCT et établissent une procé-
dure en cinq étapes.
L’initiative de la création d’un EPCI peut provenir soit d’un ou de plusieurs conseils municipaux,
soit d’un ou de plusieurs préfets (dans l’hypothèse où le projet d’EPCI recouvre des communes
de plusieurs départements) après avis de la ou les commissions départementales de coopération
intercommunale concernées. À défaut de réponse dans un délai de deux mois, l’avis de la ou les
commissions est réputé négatif.
Le ou les préfets représentants de l’État dans le département établissent ensuite par arrêté le péri-
mètre de l’EPCI et la liste des communes concernées.
À compter de la notification de l’arrêté, chaque conseil municipal des communes concernées a un
délai de trois mois pour se prononcer sur le projet de périmètre et sur les statuts du nouvel EPCI. À
défaut de délibération dans le délai, celle-ci est réputée favorable.
Les conseils municipaux des communes concernées doivent ensuite donner leur accord final exprimé
à la majorité soit par 2/3 au moins des conseils municipaux représentant plus de la moitié de la popu-
lation totale de ces communes, soit par la moitié au moins des conseils municipaux représentant les
2/3 de la population totale de ces communes. Cette majorité doit nécessairement comprendre pour
la création d’un syndicat, les conseils municipaux des communes dont la population est supérieure
au quart de la population totale concernée ; pour la création d’un établissement public de coopération
intercommunale à fiscalité propre, le conseil municipal de la commune dont la population est la plus
nombreuse, lorsque celle-ci est supérieure au quart de la population totale concernée.
L’EPCI est enfin définitivement créé par arrêté préfectoral ou interpréfectoral.

2B. La désignation des délégués des établissements


publics de coopération intercommunale
Les EPCI font l’objet d’une critique récurrente liée au déficit démocratique des instances.
Jusqu’à la loi du 16 décembre 2010, les EPCI étaient en effet administrés par un organe délibérant
composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres, les modalités de
désignation variant selon la catégorie d’établissements (Dans les communautés de communes et les
communautés d’agglomération, les membres de l’organe délibérant étaient élus par chaque conseil
municipal au scrutin secret, uninominal et majoritaire à trois tours – majorité absolue requise aux deux
premiers, majorité relative au troisième – et parmi ses membres. Dans les communautés urbaines, un
double mode de scrutin était mis en place : si la commune ne disposait que d’un délégué, l’élection
avait lieu au scrutin uninominal majoritaire à trois tours – majorité absolue requise aux deux premiers,
majorité relative au troisième – ; dans tous les autres cas, les délégués étaient élus au scrutin de liste
à un tour, à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne).

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Chapitre 2 L’administration décentralisée

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales met en place l’élection au
suffrage universel direct des délégués communautaires pour les EPCI à fiscalité propre, dans
le cadre de l’élection municipale selon un système de fléchage inspiré du mode de scrutin applicable à
Paris, Lyon et Marseille. Les délégués des communes sont élus dans le cadre de l’élection municipale
au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de
liste, dans les conditions fixées par la loi (L. 5211-6 CGCT).
Les règles de fixation du nombre et de répartition des sièges au sein des conseils communautaires
ont été modifiées afin que le poids des communes membres reflète leur importance démographique.
Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, les sièges sont répartis
librement entre les communes membres à la majorité qualifiée (par accord des deux tiers au moins
des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale
ou de la moitié des conseils municipaux des communes intéressées représentant les deux tiers de
la population totale). Chaque commune doit disposer d’au moins un siège et aucune commune ne
doit se voir attribuer plus de la moitié des sièges.
Dans les métropoles et les communautés urbaines et, à défaut d’accord, dans les communautés de
communes et les communautés d’agglomération, le nombre total de sièges est fixé par un tableau (en
fonction de la population totale de l’EPCI) et les sièges sont attribués entre les communes-membres
à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne afin de garantir une représentation essen-
tiellement démographique. Chaque commune doit disposer d’au moins un siège.
Il est encore trop tôt pour faire un bilan. Pour autant, on peut craindre que la démocratisation des
instances de la coopération intercommunale ne change la nature des groupements. Ils risquent fort en
effet de devenir des structures non plus intercommunales mais supra communales. Ils deviendraient
ainsi une sorte de niveau territorial supplémentaire, au-dessus des communes. Dès lors, l’avenir des
communes serait incertain.

2C. L’administration des EPCI


L’organe délibérant se réunit au moins une fois par trimestre ou, pour les syndicats formés en vue
d’une seule œuvre ou d’un seul service d’intérêt intercommunal, une fois par semestre. Sur la demande
de cinq membres ou du président, l’organe délibérant peut décider, sans débat, à la majorité absolue
de ses membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.
Le président est l’organe exécutif de l’EPCI. Il prépare et exécute les délibérations de l’organe
délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. Le bureau de l’EPCI est com-
posé du président, d’un ou plusieurs vice-présidents et, éventuellement, d’un ou de plusieurs autres
membres. Le nombre de vice-présidents est déterminé par l’organe délibérant, sans que ce nombre
puisse être supérieur à 20 % de l’effectif total de l’organe délibérant ni qu’il puisse excéder quinze
vice-présidents.
La loi du 12 juillet 1999 renforce la transparence et la démocratie dans le fonctionnement des
EPCI. Les délégués communautaires bénéficient d’un statut et de garanties dans l’exercice de leur
mandat (couverture, défraiements, …), à l’instar des élus locaux. Par ailleurs les EPCI doivent établir
chaque année un rapport d’activité accompagné du compte administratif et les adresser aux com-
munes membres. Ce rapport fait l’objet d’une communication par le maire au conseil municipal en
séance publique au cours de laquelle les délégués de la commune à l’organe délibérant de l’établis-
sement public de coopération intercommunale sont entendus. Le président de l’établissement public
de coopération intercommunale peut être entendu, à sa demande, par le conseil municipal de chaque
commune membre ou à la demande de ce dernier. Enfin peuvent être créés des comités consultatifs
associant les habitants des communes concernées et qui pourront être consultés su toute question
d’intérêt intercommunal.

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L’administration décentralisée Chapitre 2

L’essentiel sur la décentralisation


• objet de la décentralisation : confier à des personnes morales de droit public, distinctes de
l’Etat, des compétences appartenant auparavant à l’État
• finalité de la décentralisation : faire vivre la démocratie locale (élections locales, démocratie
de proximité, référendum local, etc)
• fonctionnement des collectivités territoriales : libre administration des collectivités territoriales : à
savoir des organes élus au suffrage universel, une autonomie financière, des moyens juridiques
et une liberté d’organisation et de fonctionnement
• Collectivités territoriales : de droit commun (communes, départements et régions) et à statut
dérogatoire (PLM, Corse, DROM, COM)
• Organes des collectivités territoriales : organe exécutif (maire, président de conseil général /
départemental, président de conseil régional) et organe délibérant (conseil municipal, conseil
général/départemental, conseil régional)
• Compétences : clause générale de compétences pour les 3 niveaux de collectivités territoriales
couplée à une énumération de compétences
• contrôle administratif et financier (tutelle) de l’État sur les collectivités territoriales pour garantir
le respect de l’ordre juridique étatique
• développement de l’intercommunalité pour des économies d’échelle et une rationalisation des
moyens et des missions.

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