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Les registres tragique et pathétique

Étudier l’expression de la douleur

*** 1. Selon vous, dans quel registre ce passage s'inscrit-il ? Justifiez votre
réponse.
2. Relevez les imprécations présentes dans le texte. À qui s'adressent-elles ?
3. Quel est le réseau lexical dominant du passage ? Comment expliquer sa
présence ?

La jeune reine carthaginoise Didon, abandonnée par Énée sur l'ordre des dieux, crie
vengeance et annonce les guerres entre Carthage et Rome.

DIDON
Mais tu me fuis en vain, mon ombre te suivra.
Tremble, ingrat, je mourrai, mais ma haine vivra.
Tu vas fonder le trône où le Destin t'appelle ;
Et moi je te déclare une guerre immortelle.
Mon peuple héritera de ma haine pour toi :
Le tien doit hériter de ton horreur pour moi.
Que ces peuples rivaux, sur la terre et sur l'onde,
De leurs divisions épouvantent le monde !
Que pour mieux se détruire ils franchissent les mers ;
Qu'ils ne puissent ensemble habiter l'univers ;
Qu'une égale fureur sans cesse les dévore,
Qu'après s'être assouvie elle renaisse encore ;
Qu'ils violent entre eux et la foi des traités,
Et les droits les plus saints et les plus respectés !
Qu'excités par mes cris, les enfants de Carthage
Jurent dès le berceau de venger mon outrage ;
Et puissent en mourant mes derniers successeurs
Sur tes derniers neveux être encore mes vengeurs !
LE FRANC DE POMPIGNAN, Didon, scène dernière, 1734.
(édition 2001)

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*** ÉTUDE LITTERAIRE
1. Analysez la progression de cette tirade. Quelles attitudes la mère adopte-t-elle à
chacune de ses étapes ? Relevez pour chaque étape un exemple de lamentation ou de
supplication.
2. Relevez les différents réseaux lexicaux utilisés. Montrez ensuite qu'ils participent
au pathétique de la scène.
3. En vous aidant de l'encadré, montrez comment, dans ce passage, la représentation
théâtrale amplifie le pathétique de la situation.

Pour faire avouer à Montserrat où se trouve le révolutionnaire Bolivar, l'officier


Izquierdo menace d'exécuter des otages. La mère de deux petits enfants s'adresse à lui.

Écoute-moi ! Regarde-moi ! Vois mes larmes ! Est-ce qu'un cœur d'homme peut rester
glacé devant le désespoir d'une mère ? d'une mère qui va mourir en sachant qu'on va
laisser ses enfants abandonnés à une agonie effroyable ! Tu n'as donc jamais pris un
enfant dans tes bras ? Tu n'as donc jamais été touché par ce miracle qu'est un tout jeune
enfant ? Ah ! Si tu voyais mes petits tu te laisserais fléchir : ils sont tout dorés et vifs...
(Elle s'est approchée de Montserrat. Elle supplie avec une grande douceur.) C'est l'heure
de nourrir le plus jeune. Il doit pleurer déjà dans son berceau. Regarde mes seins. Il doit
m'appeler en agitant ses petits bras. Et je suis là avec tout mon lait qui me gonfle la
poitrine ! Est-ce qu'on peut tuer, dis, une mère qui allaite ? (Montserrat l'a attirée contre
son épaule. Il est effroyablement pâle. Elle dit encore :) C'est Dieu qui les a créés ! Des
créatures de Dieu, est-ce que tu peux les faire mourir ? Dis ? Tu crois en Dieu. Tu sais
que tu ne peux pas les laisser mourir ! Tu n'en as pas le droit : c'est plus qu'offenser
Dieu !
EMMANUEL ROBLES, Montserrat, Éd. du Seuil, 1952.
(édition 2001)

Pour étudier le texte


Le pathétique au théâtre
Contrairement au récit, où le pathétique naît des propos, agencés par le narrateur, au
théâtre le pathétique est lié aux personnages de la scène. Ils se parlent, et la présence d’un
interlocuteur direct donne une réalité et une résonance particulière aux supplications, aux
imprécations, ou aux lamentations. Ce qu’affirme l’un agit sur l’autre, et le jeu des
acteurs, leur voix, leurs gestes, leur intonation, leur présence physique amplifient les
effets du texte et de la situation. À l’écrit, le texte de théâtre exprime aussi cette
dimension par l’intermédiaire des didascalies.

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