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 RÉDEMPTION 
,
 
OU «
 LA FOLIE DU TOUJOURS MIEUX 
 »
Pour un théâtre de «
 l’exagération
 » ?
 Le curé lui d’manda Qu’as-tu sous ton jupon Lari ronQu’as-tu sous ton jupon
À travers les personnages de ses romans, Mirbeau insuffle sa propre et incendiairevision théâtrale du monde. Il nous convie à pénétrer une société lézardée par ses travers,folies et démesures, en ses intérêts et violences comme en ses amours échouées. Bref, il nous plonge dans un univers dâmes !ui éclaboussent un !uotidien rendu effro"able #us!uàlabsurde, parce !ue nourri des déchirures, des passions, des violences !ue toute société produit, et !ui se consume en chacun de ses membres.Bien avant !u$ntonin $rtaud ne lait formulé, Mirbeau ouvre la voie au théâtre dit%
de la cruauté
 &, nous initie à un théâtre catacl"smi!ue, surgi de la folie désirante delhomme du tou#ours mieu', du tou#ours plus. $u bout du bout, lindividu re#oint le videterrifiant !ui le place devant léchec de sa vie, irréalisée ou mal accomplie. (auteur entendlâme et ses dérives, ouvre les c)urs et les corps, à lopposé du théâtre bourgeois de sontemps, bien !uil en utilise tous les ressorts. Il nen reste #amais à la superficialité descaract*res, mais il +scalpelle véritablement les âmes. -ul hasard, donc, si lauteur sest liéau' membres de limpasse haptal à /aris, !ui vit na0tre le 1rand21uignol, figure théâtralenée entre autres des e'périences menées par le cél*bre $lfred Binet en complicité avec le prince de lépouvante, $ndré de (orde. ette %
exagération
 & ou e'acerbation du matériau verbal, éclot de la mise à nu dessentiments !ui secouent cha!ue personnage mirbellien, bon ou mauvais3 4r, " a2t2il du #ugement chez Mirbeau, ou simplement un saisissement #us!uà leffroi des êtres en tousleurs éclats, destructeurs ou bâtisseurs 5 Il va chercher au2delà de ses souffrances lécriture dumal2être, de ce !ui met à vif, de ce !uil " a de plus incandescent en cha!ue âme. 6t cestcela, cha!ue ulcération des c)urs, !uil nous faut traduire scéni!uement.
Douleurs de Mirbeau, combat de l’artiste
hez Mirbeau, lâme saigne et déborde de larmes, damour et de haine, de #oie et dedétresse. Bien !ue conditionné par son épo!ue, #amais lesthétisme ne prend le pas sur lesecret !ui anime lêtre. Il fait pleurer les c)urs et, bien !ue nous restions attachés à lalég*reté, en des situations portées à la dérision, il dévoile les envers dune société !ui vit sadécadence ou chemine vers sa mutation obligée. ar lauteur est un constructeur, non unfaiseur, un trousseur de vie. Il aime profondément, par subversion et en révolteconstante, la gent humaine. Il la décr"pte et la cis*le en ses romans. Mirbeau refuse de sesoumettre à lin#uste. (a douleur, il le'acerbe #us!uau supplice pour mieu' la démontrer, lafaire éprouver au lecteur, tant !ue celle2ci devient libératoire. ette notion est e'trêmement présente dans l)uvre, !ui fait de Mirbeau un annonciateur. (a modernité +éternelle de ses
 
 personnages refl*te la dureté des temps et résonne au#ourdhui, même si, par son remuementdes âmes, on le met à linde', ou !ue, théâtralement, on lenglue dans une imagerie fin desi*cle ou socialisante. (e théâtre est et reste un art vivant, avec ses oripeau', son poids dedésuétude !ui attendrit le spectateur./our un metteur en sc*ne, ce !ui est e'altant est la vérité profonde, la sincérité !ui br7le et irradie les âmes. Mirbeau nous entra0ne dans les dédales dun songe issu dessituations du !uotidien, de la réalité c8to"ée à cha!ue instant. Il ne sagit pas de fuir le réel,mais de le pénétrer, de le percer de lintérieur, de le dépouiller vigoureusement de touteshantises poussiéreuses, de ses aspérités anecdoti!ues. 9ne vie incandescente sort par tous les pores de la peau de ses créatures, bien !uelle reste soumise au' contingences sociales, politi!ues, religieuses, histori!ues ou culturelles. Il faut donc dénicher, en son théâtre, lesaudaces !ui donnent à transgresser, à mener au point ultime, de non2retour, la mise à vif desâmes mirbelliennes, #us!uà leur e'tinction, damnés !uils sont en lintime et le'pressivité, but de la br7lure et de la consumation. 6t si lon sancre à ces personnages, cest !ue lon enest fasciné, cest !ue ceu'2ci sont de fid*les représentants du cir!ue de la %
 grande illusion
 &.
Mettre en scène un oratorio de «
l’exagération
 »
/our donner vie, saisir et situer dans lespace ces êtres frappant nos rudessesintérieures, il faut savoir !uitter un réel !ui ne fait !ue plastronner ou e'hiber la carapacedindividus, pour descendre au plus profond de soi et gravir les marches !ui conduisent àlintérieur du cri. /our atteindre à cette vertu de lart, il ne sagit pas de provo!uer,dincendier volontairement, mais denfreindre, de violer le secret, pour approcher un feu !ui br7le au fond du personnage, %
 sentir, voir et comprendre
 &, enseignera (ucian à son ami1eorges.6n un mot, il sagit de subir le coup de %
 l’exagération
 &, tout comme le peintre:Mirbeau sinspire de ;an 1ogh< !ui, vo"ant les larves humaines croupir au bas de son pic,veut tendre à l)uvre parfaite. Il fera #aillir ce coup de le'pressivité, tou#ours tentée, #amaisatteinte et !ui, au terme, le conduira à la démence et, du désarroi pathéti!ue, au suicide. =ortheureusement dautres artistes, Monet, /issarro, >odin, révélés, éperonnés par le criti!ueMirbeau, ont pu e'orciser langoisse et se contenir au' fronti*res de leur génie. ?out l)uvredun (ucian dans
 Rédemption
 :ou (ucien de
 Dans le ciel 
< consistera à accéder à cetinatteignable @ Auel courage ne faut2il pas à lartiste pour happer cette vérité !ui engage sur le fil de la désespérance, voire de la folie 5 est pourtant bien dans cette direction !uil nousfaut délier les énergies dune filiation, dune écoute à l)uvre mirbellienne, à une nature !ui%
dans sa disharmonie
 & détient toutes les clés de lé!uilibre et de la beauté.Mettre en sc*ne
 Rédemption
, cest assurer la mise en ab0me de cette %
 exagération
 &,certes positive, et !ui ne doit aboutir !uà une torride et effro"able déflagration des âmes.ar, derri*re la terrible et dure affliction, se dévoile une incommensurable humanité, !uiaspire d*s à présent à un monde inconnu. lairvo"antes, ces âmes ne se satisfont plus deséclats dun !uotidien, f7t2il dr8le ou sinistre, !ui restreint leurs enveloppes, chairs, êtres etvisions, à une humanité hurlante et pleurante. Mirbeau, défenseur des $rts, ne pouvait, àtravers ses personnages, !ue désirer toucher à une h"pertrophie dont les personnages fontfrissonner à fleur de peau.
 
/our ce théâtre, #e ne dis pas provocation, mais bâti dun acte !ui est déchirureagrandie, incision +chirurgicale du sentiment éprouvé  par le lien au' e'périmentions ps"chiatri!ues de lépo!ue à la Calpêtri*re , dans le but de réveiller le véritable cricompassionnel de lhomme devant son impuissance dêtre, daccéder, d*s ce sé#our, à lagrande Darmonie.
Trouver le cri de l’âme ou de derrière elle
(int de
 Rédemption
 en son Eaidoscope des âmes, est de ler, par ladramaturgie, ce !ui se dissimule derri*re les meurtrissures, cest2à2dire les moteurs !uidéclenchent +le'plosion des personnages en leurs outrances. est ce !ui rendra l)uvrescéni!ue vivante, troublante, hors nature et fermement amarrée au réel. -e cultivons2nous pas tous le désir furtif, par besoin de'ister dans un monde fait dobligations et de r*glesmultiples, de gueuler ce !ui git notre c)ur 5 omme (ucien, il faut !uéclate la boursouflure !ui gouverne lâme. est une notion damour en fusion !ui appara0t, tandis !ueles lois et les ordres, souvent contradictoires et remaniés au gré des tempêtes et des intérêts,fomentent dérives et aberrations de toutes sortes3Mirbeau incite à ne #amais opter pour un !uelcon!ue verdict sur les êtres, mais attisenotre besoin de comprendre et daimer. 6n fait, ce !ue lauteur cherche éperdument, cestlamour3 lamour !ui br7le, un amour !ui la trahi enfant et !ui, adulte, a tou#ours man!ué.4ui, sa !uête le met en fuite, en appel, à linstar de la petite infirme amille se confiant ensecret à lami, $lbert. 9n amour si éloigné du !uotidien et !ue pourrit le fou désir du+mieu' ou dun ailleurs. FoG lenfer, !ui est en soi, surgit et incendie. $lbert, !ui ne saisit pas la pensée, ni lesagissements anarchi!ues de loncle, son acharnement en une vision prémonitoire et savante,sent néanmoins la rébellion fondée. 6lle va contre une société !ui rend inapte, !ui trompe etusurpe les notions damour simple, dont la vie vraie se niche dans le message !ue lui confieraHules à la veille de sa mort, #ustice sociale, respect de la nature et conciliation entre leshommes. (adolescent comprendra !ue ces états daffliction et de lutte pour vivre et créer,tout comme lart, ne peuvent surgir !ue du tréfonds de ces fêlures. Il est de réussir àtransposer celles2ci en vives flammes, afin !ue la destinée ne soit falote, chiméri!ue et perpétuelle déviance.
Oser la descente our !ue l’"uvre monte
()uvre mirbellienne invite à une chute réelle dans les ab"sses. (es personnages "semblent égarés pour tou#ours, bridés pour pousser un cri à la Munch, laissant délibérémentleur gosier grand ouvert afin !ue chacun entende et voie selon son ressenti. ;oir ou ne pasvoir, être ou ne pas être3 là est le !uestionnement de loratorio théâtral et la raison dunedescente dans les âmes. (a voi' !ui sen échappe ne serait, pour Mirbeau, !uun pérenne etinassouvi cri damour envolé, un paradis entrevu et à #amais perdu. 4r, au contraire, ce !ui se pressent, derri*re cette +catastrophe, est la présence proche, insondable, dune lumi*reencore impénétrable, tant lhomme rompt, trahit le lien vrai, se corrompt à tout ce !uilc8toie. ertes, son théâtre manifeste !uune acceptation de lautre est difficile3 non pas delautre, mais de soi, de par sa nature !ui ne semble pas, #amais, vouloir saccorder à lunivers!ui lentoure et dans le!uel il puise sa substance et patauge en ignorant, par égosme ou

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