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AYEDJO Djima

PROJET DE RECHERCHE MASTER DROIT PUBLIC GENERAL

Sujet : Réflexion sur les nouvelles tendances du droit de la


commande publique au Togo.

Le paysage du droit de la commande publique 1 s’est éclairci ces dernières années au Togo. Un
éclaircissement à double niveaux. Aux jets de lumières du législateur togolais s’en est ajouté
les apports du législateur communautaire de l’Union Economique et Monétaire Ouest
africaine (UEMOA). Le cadre juridique national a profondément changé avec les deux lois du
31 décembre 2021 respectivement la loi n° 2021-033 sur les marchés publics et la loi n° 2021-
034 sur les contrats de partenariats public-privé. Le cadre communautaire s’est rénové avec la
directive N° 01/2022CM/UEMOA portant cadre juridique et institutionnel des partenariats
public-privé dans l’UEMOA. L’avènement de cet arsenal juridique majeur avec des
innovations introduites impose « une réflexion les nouvelles tendances de la commande
publique au Togo ».
Le droit de la commande publique s’entend comme l’ensemble des règles qui régissent la
conclusion, l’exécution et le règlement différends liés à la pratique des contrats de la
commande publique. Ce qui appelle inévitablement des précisions sur les contrats de la
commande publique. Selon le lexique des termes juridiques2 la commande publique est une
expression souvent employée pour désigner la commande des biens, de services ou de
réalisation de travaux, par les personnes publiques. Pour certains auteurs3, la commande
publique est un terme doctrinal qui recouvre l’ensemble des processus par lesquels une
personne publique procède à des achats de travaux, de fournitures et de services ou des
processus par lesquels la personne publique organise une prestation pour le compte des tiers.
La commande publique est définie dans la doctrine comme l’ensemble des contrats relatifs
aux deux grands modes de gestion que la gestion directe (souvent appelée régie) et la gestion
déléguée anciennement qualifiée de concession. Pour François LLORENS4, les contrats de la
commande publique s’ordonnent autour d’une distinction dualiste entre les marchés publics
d’une part et les délégations de service public d’autre part. C’est la summa divisio classique
des contrats de commande publique. Toutes les différentes réformes intervenues en France
ont rendu friable cette distinction classique notamment l’intégration des contrats de
partenariat formant une trinité de contrats. Pour Pierre Delvolvé5, la commande publique
couvre les marchés publics et les contrats de concessions. Selon Hélène Hoepfner et Marion
UBAUD-BERGERON6, le droit de la commande publique résulte d’abord de l’unification
d’un ensemble de principes directeurs applicables à ces contrats. Il s’agit du principe du libre
choix du mode de gestion des activités

1
KOKOROKO Dodzi Komlan, HOUNAKE Kossivi, KAPOU René Théophile et MOROU Touré Aftar, Le
contrat de partenariat dans le paysage de la commande publique au Togo, Institut Francophone pour la Justice et
la Démocratie,2020, 228 p.
2
GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques, 25e éd. 2017-2018, Dalloz.
3
BEZANCON Xavier, CUCCHIARINI Christian et COSSALTER Philippe, Le guide de la commande publique,
Paris, le Moniteur, 2e éd., 2007, p. 17 et suiv.
4
LLORENS François, Typologie des contrats de la commande publique, Contrats et Marchés publics, n° 5,
étude 7.
5
DELVOLVE Pierre, Les contrats de la commande publique, RFDA 2016, p. 200.
6
HOEPFNER Hélène et UBAUD-BERGERON Marion, L’apport du code de la commande publique à la théorie
des contrats administratifs, RDP, n° 5, sept. 2021, p. 1161.
publiques, Il s’agit en premier lieu des principes « fondamentaux » ou « généraux » de la
commande publique destinés à assurer « l’efficacité de la commande publique et la bonne
utilisation des deniers publics » : l’égalité de traitement des candidats, la liberté d’accès à la
commande publique et la transparence des procédures. Il s’agit en second lieu de l’interdiction
de conclure des contrats sans limitation de durée qui renforce, par une remise en concurrence
périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats. Le droit de la
commande publique résulte ensuite du regroupement au d’un code de textes épars relatifs à
l’achat, à la maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, sous-traitance et d’autres textes. On
comprend alors que le droit de la commande publique loin de former une catégorie homogène
est un droit cosmopolite dont l’encadrement reste difficile.
Le législateur togolais a apporté quelques précisions conceptuelles qui servent de repère dans
le paysage de la commande publique au Togo. Ainsi l’article premier de la loi du 31 décembre
2021 sur les marchés publics, définit le marché public comme un contrat écrit, sur support
papier ou électronique, conclu par une ou plusieurs autorités contractantes avec un ou
plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de
fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix. S’agissant de la notion de commande
publique, le législateur togolais l’aperçoit comme un ensemble de contrats conclus, à titre
onéreux, dans le cadre des marchés publics et des partenariats public/privé permettant aux
autorités contractantes de répondre à leurs besoins en fournitures, travaux et services.
L’article 2 de ladite loi consacre les principes généraux applicables à la passation et à
l’exécution des marchés publics quels que soient le montant et le financement. On peut citer
le principe d’économie, d’efficacité et d’équité du processus d’acquisition ; la concurrence et
le libre accès des opérateurs économiques à la commande publique ; l’égalité de traitement
des candidats ; la reconnaissance mutuelle de normes techniques, d’actes et de procédures
d’homologation et de certification reconnus par les Etats membres de l’Union économique et
monétaire ouest africaine (UEMOA), la transparence et l’intégrité des procédures, leur
rationalité, leur modernité et leur traçabilité.
A ces principes, on peut ajouter le respect des normes environnementales, sociales et de
développement durable de même que les dispositions de préférence communautaire.
La loi du 31 décembre sur les partenariats public/privé apporte elle aussi son lot de définitions
pour la lisibilité du droit de la commande publique au Togo. Son article 1er reprend
expressément la même définition donnée par la loi sur les marchés publics qui fait des
marchés publics et des contrats de partenariat public/privé les deux éléments constitutifs de la
commande publique au Togo. Le contrat de partenariat public/privé est un contrat
administratif écrit, conclu à titre onéreux par lequel une autorité contractante confie à un ou
plusieurs opérateurs économiques, pour une durée déterminée, une mission globale ayant pour
objet de manière cumulative ou alternative la réalisation et/ou l’aménagement et/ou
l’acquisition et/ou la transformation et/ ou la réhabilitation, la maintenance, le démantèlement
ou la destruction d’ouvrages. Cette mission peut comprendre aussi la gestion ou l’exploitation
d’un service public, d’un service d’intérêt général ou encore la gestion ou l’exploitation de
biens ou par ailleurs tout ou partie du financement des missions confiées. Cette loi définit
aussi la concession comme un partenariat public-privé à paiement par les usagers qui peut être
qualifié selon son objet, de concession de travaux ou de service. Cette fait une distinction
entre le partenariat public-privé à paiement par les usagers qui peut prendre la forme d’une
concession, d’une régie intéressée ou d’un affermage et le partenariat public-privé à paiement
par les utilisateurs qui s’en distingue aussi du partenariat public-privé à paiement public.
Parler des nouvelles tendances du droit de la commande publique au Togo exige de faire un
détour sur ce qui était l’ancienne tendance. On ne peut tisser la nouvelle corde qu’au bout de
l’ancienne. Avant l’adoption des deux lois du 31 décembre 2021, le cadre juridique de la
commande publique était très limité. Ces limites sont relatives à la mise en ensemble dans un
code, en grande partie consacré au marché public, le code de 2009 7, une infime partie traitait
des délégations de service public pourtant très essentielles dans les contrats publics. Cette
lacune concessive a été partiellement palliée par la loi sur la modernisation de l’action
publique au Togo en faveur de l’économie de 20148 qui consacre respectivement en son Titre
I du régime des contrats de partenariat et en son titre II au régime des concessions de service
public. Il y a un éclatement du régime des contrats de la commande publique avant 2021 au
Togo. La commande publique était saisie dans un trio marchés publics, délégations de service
public et contrat de partenariat. La loi sur les partenariat public-privé a procédé à une
reconfiguration des contrats concessifs et des contrats globaux. Désormais, la notion de
délégation a disparu dans le nouvel arsenal juridique de la commande publique. La délégation
de service public s’est transformé en partenariats public-privé à paiement usagers, elle devient
donc une sous-catégorie des contrats de la commande publique. Contrairement à la France où
la commande publique se forme des marchés publics et des concessions, la commande
publique au Togo se forme des partenariat public-privé et des marchés publics. Le législateur
a procédé à une simplification des catégories contractuelles de la commande publique pour
garantir la sécurité juridique dans la pratique. Il n’est pas sans savoir que la sécurité juridique
est le soubassement de la sécurité économique tant recherchée par les opérateurs
économiques.
L’autre nouvelle tendance est la consécration au niveau communautaire des partenariat
public- privé avec la mise en évidence du transfert du risque d’exploitation au cocontractant
de l’administration contrairement à la pratique consacrée par les Directives de 2005 9 sur les
délégations de service public. Cette pratique consistait en le fait que la rémunération du
contractant était assurée par les redevances payées par les usagers de l’ouvrage public.
Aujourd’hui, le cocontractant peut même bénéficier d’un payement directe d’un prix par
l’administration par le partenariat public/privé à paiement public où la personne publique
assume entièrement le risque d’exploitation de l’ouvrage.
Au plan national, à part le bouleversement des catégories contractuelles, il y a des nouveautés
au plan des principes et au plan contentieux. Sur le plan principiel, l’on note la consécration
de la notion de contenu local, la mention de la préférence communautaire et le renforcement
des principes de développement durable dans la commande publique. Au plan contentieux,
s’agissant du contentieux non juridictionnel, un changement de nom de l’Autorité de
régulation des marchés publics qui devient l’autorité de régulation de la commande
publique10. Cela

7
Issu de la loi n° 2009-013 du 30 juin 2009 relative aux marchés publics et délégation de service public et ses
décrets d’application.
8
La loi n° 2014-014 du 22 octobre 2014 portant modernisation de l’action publique en faveur de l’économie au
Togo.
9
Directive n° 05/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des marchés publics et
des délégations de service publics dans l’UEMOA et la Directive n° 04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005
portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des Marchés publics et des délégations de service
public dans l’UEMOA ;
10
Les articles 38 et suivants de la loi du 31 décembre 2021 sur les marchés publics au Togo et les articles 59 et
suivants de loi du 31 décembre 2021 sur les contrats de partenariat public-privé au Togo.
permettra à cet organe de jouer pleinement son rôle en ce qui concerne surtout le règlement
des différends liés à la passation et à l’exécution des contrats de partenariat public-privé.
Au plan juridictionnel, le législateur togolais a restreint le recours à l’arbitrage qui est fermé
au partenariat public-privé comme la régie intéressée et la gérance11.
En la matière, le législateur privilégie le recours à l’amiable qui devient obligatoire avant
toute saisine de l’organe judiciaire compétent.
Le juge administratif n’ayant pas le monopole 12 de la résolution des litiges liés à la conclusion
et l’exécution des contrats de la commande publique. Le juge judiciaire et le juge pénal y ont
un grand rôle à jouer surtout en matière de délit de favoritisme ou de corruption dans la
commande publique13.
Au vu de ce qui précède, le problème juridique qui se pose est de savoir si les nouvelles lois et
directives sur la commande publique ont réellement transformé le régime de la commande
publique au Togo ?
Les innovations du cadre textuel de la commande publique ont un réel impact à la fois sur
l’identification des contrats que sur leur régime. Du trio classique dans l’ancien droit de la
commande publique constitué des marchés publics, des délégations de service publics et des
contrats de partenariat, l’on est passé à un duo nouveau de la commande publique composé
des marchés publics et des contrats de partenariat public et privé14. De même, la cadre des
principes encadrant à la fois la conclusion, l’exécution et le règlement des litiges a beaucoup
évolué. Tout ceci facilite la lecture du cadre juridique qui se voit simplifié, clarifié, réconforté,
redynamisé et revivifié pour rassurer les opérateurs économiques. La cadre juridique étant
revu, cela pourrait booster les investissements privés dans les contrats publics. Ce qui est un
appui indispensable pour l’Etat dans sa mission de réalisation de l’action publique surtout en
ces périodes de crise de finances publiques et de disette des deniers publics. Cela est une
bonne chose au Togo pour la réalisation de la feuille de route gouvernementale 2022-2025.
Théoriquement, ce sujet a pour intérêt de faire l’état des lieux de la doctrine en matière de
commande publique, de replacer les tenants des contrats administratifs des prédécesseurs
comme Gaston Jèze15, André de Laubadère16, aux contemporains comme Pierre Delvolvé,
Yves Gaudemet17, Laurent Richer18, Stéphane Braconnier19, Hélène Hoepfner20, Philippe
Yolka21 et Marion Ubaud-Bergeron22. En Afrique, cela permet de revisiter les écrits de
Demba Sy23, du

11
Voir article 66 de la loi du 31 décembre sur les partenariats public-privé au Togo.
12
Art. 66 alinéa 1 de la loi précitée.
13
Voir les articles 70 et suiv. de la loi du 31 décembre sur les partenariats public-privé au Togo.
14
Voir la définition de la commande publique dans les deux lois du 31 décembre 2021 à travers les artcles 1er de
chaque loi consacrée à la clarification des concepts
15
JEZE Gaston, Théorie générale des contrats de l’aminstration
16
LAUBADERE André (de), Traité des contrats administratifs
17
GAUDEMET Yves, Droit administratif, LGDJ-Lextenso, 24e éd. , 2022, 681 p.
18
RICHER Laurent et LICHERE François, Droit des contrats administratifs, LGDJ, 2019.
19
BRACONNIER Stéphane, Précis de la commande publique, Le Moniteur, 2019.
20
HOEPFNER Hélène, Droit des contrats administratifs, Dallaz, 2019.
21
HOURSON Sébastien et YOLKA Philippe,Droit des contrats administratifs, LGDJ, 2020.
22
UBAUD-BERGERON Marion, Droit des contrats administratifs, LexisNexis 2019.
23
SY Demba, Droit administratif général, Harmattan Sénégal, 2014.
Professeur Kokoroko24, d’Alain Ondoua. Le cadre textuel aussi sera passé en revue
comparativement au droit français avec l’adoption du nouveau code de la commande
publique, et une analyse comparée du cadre juridique de la commande publique dans les Etats
francophones de l’Afrique et surtout au Togo.
Pratiquement, ce travail permettra de voir l’évolution du régime juridique et du régime
contentieux des contrats de la commande publique et de mettre l’accent sur les grandes
décisions jurisprudentielles qui ont bouleversé ces dernières années le paysage de la
commande publique comme les arrêts Béziers et l’arrêt Tarn et Garonne. Cela permet de
souligner au plan africain, le dynamisme du rôle de l’Autorité de régulation de la Commande
publique à travers son organe de règlement des différends (CRD) en parallèle avec la fébrilité
du juge administratif qui peine à se prononcer sur la commande publique en raison de la
préférence accordée au mode alternatif de règlement des différends.
L’appréhension des nouvelles tendances de la commande publique sera plus effective que
dans une posture binaire. Il s’agira de voir la restructuration des catégories contractuels
(Première partie) et la redynamisation du régime applicable aux contrats (Deuxième partie).

Bibliographie sommaire
La loi n° 2021-033 du 31 décembre sur les marchés publics au Togo
La loi n° 2021-034 sur les contrats de partenariats public-privé au Togo
La directive N° 01/2022CM/UEMOA portant cadre juridique et institutionnel des partenariats
public-privé dans l’UEMOA du 30 septembre 2022.
La loi n° 2009-013 du 30 juin 2009 relative aux marchés publics et délégation de service
public et ses décrets d’application.
La loi n° 2014-014 du 22 octobre 2014 portant modernisation de l’action publique en faveur
de l’économie au Togo.
Directive n° 05/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des
marchés publics et des délégations de service publics dans l’UEMOA et la Directive n°
04/2005/CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de
règlement des Marchés publics et des délégations de service public dans l’UEMOA
KOKOROKO Dodzi Komlan, HOUNAKE Kossivi, KAPOU René Théophile et MOROU
Touré Aftar, Le contrat de partenariat dans le paysage de la commande publique au Togo,
Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie,2020, 228 p.
BEZANCON Xavier, CUCCHIARINI Christian et COSSALTER Philippe, Le guide de la
commande publique, Paris, le Moniteur, 2e éd., 2007.
LLORENS François, Typologie des contrats de la commande publique, Contrats et Marchés
publics, n° 5, étude 7.
DELVOLVE Pierre, Les contrats de la commande publique, RFDA 2016, p. 200.

24
KOKOROKO Dodzi Komlan, Les Grands thèmes de droit administratif, PUL 2018.

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