3,40 € samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro - N° 24 516 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Dernière édition

lefigaro.fr

récit entretien
25 ans après sa disparition, Éric ciotti : « la droite
la légende Tabarly doit prendre tous
continue de voguer Page 17 les risques » Pages 6 et 7

gouvernement

L’Ukraine
Animal médiatique
ou fardeau
politique ?
L’embarrassante

intensifie
Marlène Schiappa
PAGE 8

diplomatie

sa contre-
À Pékin,
Antony Blinken
veut apaiser
les relations

offensive
avec la Chine
PAGE 9

grand orient
Georges Sérignac :
Des combats de plus en plus
The New York Times-REDUX-REA/TYLER HICKS/NYT-REDUX-REA

« Il n’y a qu’une
communauté, durs opposent les forces
elle est nationale » ukrainiennes à l’armée russe
PAGE 13
retranchée dans l’est du pays.
rugby Sans qu’un camp ait encore
Toulouse- obtenu un avantage décisif.
La Rochelle :
une finale PAGES 2 À 4 ET L’ÉDITORIAL

pour régler
de vieux comptes
PAGE 15
Une batterie d’artillerie
ukrainienne aux abords
social de Bakhmout.
Comment
les entreprises
mettent en place
la réforme Après le naufrage en Des prières musulmanes
des retraites
PAGE 22 Grèce, la responsabilité des dans des écoles de Nice
Les tribunes
gardes-côtes mise en cause créent la polémique
champs libres

de Xavier Trois jours après le naufrage le Si neuf passeurs ont été arrê- Des élèves de CM1 et de CM2 prophète Mahomet ». Pour le
plus meurtrier de ces dix der- tés, des ONG mettent directe- de trois établissements publics maire de Nice, Christian Es-
Driencourt nières années en Méditerra- ment en cause le rôle des auto- ont effectué « la prière musul- trosi, il ne s’agit pas d’une
et du président née, les gardes-côtes grecs, rités maritimes grecques lors mane » dans la cour de récréa- « affaire religieuse », mais de
sud-coréen, mais aussi Frontex et l’Europe, de la tragédie, qui a fait plus de tion et ont observé une minute « provocation politique ».
se retrouvent pointés du doigt. 500 disparus. PAGES 10 et 11 de silence « à la mémoire du PAGEs 12 et 19
Yoon Suk Yeol
n
La chronique
de Mathieu éditorial par Philippe Gélie pgelie@lefigaro.fr
Bock-Côté
n
L’analyse
d’Eugénie Le D-Day à l’envers

L’
Bastié impatience médiatique a peu d’armes de pointe fournis par les pays de
PAGES 18 et 19 de tolérance pour les aléas de la l’Otan, un avantage réputé décisif, mais qui ne
guerre. Focalisés depuis des garantit pas l’invincibilité, on le voit bien. Les

@
FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de vendredi :
Face à Elon Musk,
pensez-vous
que l’Europe puisse rester
une puissance spatiale ?
NON
41 %
TOTAL DE VOTANTS : 69 312
Votez aujourd’hui
sur lefigaro.fr
Prières musulmanes
3’:HIKKLA=]UXYU]:?k@q@b@h@a";
mois sur la « contre-offensi- coups de sonde sur les lignes fortifiées par les
ve » qui doit permettre aux Russes dans le Donbass n’ont pas encore ac-
Ukrainiens de bouter l’ennemi russe hors de couché de la grande bataille. Celle-ci, si elle a
chez eux, les alliés occidentaux de Kiev atten- lieu, se présentera comme une sorte de ­D-Day
dent fébrilement l’affrontement décisif, capa- à l’envers : le général Eisenhower savait que,
ble de disloquer l’armada d’invasion et peut- après le débarquement sur les plages de Nor-
être, par effet domino, le régime de Vladimir mandie, il bénéficierait
Poutine. Mais les premières nouvelles du front L’aide d’une profondeur lo-
sont mitigées. Si l’armée ukrainienne revendi- gistique inégalable. Le
que un grignotage significatif du terrain du occidentale général Zaloujny a la
OUI côté de Bakhmout, le tableau d’ensemble fait relèvera- profondeur stratégique
59 % état de solides défenses russes, de champs de
t-elle le de toute l’Ukraine,
mines dévastateurs et d’une stratégie qui sem- mais il dépend entière-
ble avoir tiré les leçons des errements du début défi russe ? ment de l’aide occi-
de la guerre. L’impression d’indécision sur le dentale pour les armes
champ de bataille est renforcée par les rares et les munitions. Serons-nous à la hauteur du
images qui en proviennent, celles d’une poi- défi ? Le ministre allemand de la Défense a re-
gnée de blindés européens et américains calci- connu qu’on ne pourrait pas remplacer chaque

à l’école publique : nés que le Kremlin brandit comme des triom- char Leopard détruit. C’est ce qui fait de cette
faut-il renforcer phes, tandis que les Ukrainiens maintiennent contre-offensive le moment décisif de la guer-
les mesures pour faire sagement leur « silence opérationnel ». re. Pour Vladimir Poutine, l’enjeu est d’es-
M 00108 - 617 - F: 3,40 E

respecter la laïcité ? La campagne de reconquête de l’Ukraine ne
fait que commencer et nul ne peut savoir si elle
réussira. Kiev n’aurait engagé que trois de ses
UPI/AFP-François Bouchon / douze brigades équipées de chars lourds et
Le Figaro-Urman Lionel/ABACA
suyer la tempête sans être balayé. S’il y par-
vient, il pourra compter sur un autre hiver
pour transformer en frontières les cicatrices
gelées de l’Ukraine. ■
BR 05 GMT
C

AND : 4,10 € - BEL : 3,50 € - CH : 4,40 FS - CZ : 115 CZK - D : 4,00 € - ESP : 4,10 € - GR : 3,60 € - LUX : 3,50 € - MAR : 37 DH - MTQ/GLP : 4,10 € - PORT.CONT : 4,20 € - REU : 4,50 € - TUN : 11,00 TND ISSN 0182.5852
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
2 l'événement
HOST PHOTO AGENCY RIA NOVOSTI/via REUTERS
Les forces
armées
ukrainiennes
n’ont aucune
chance là-bas,
ni dans les
autres zones
Vladimir Poutine,
» « Il ne faut pas extrapoler autour des
président russe,
vendredi à Saint-
Pétersbourg, évoquant
la contre-offensive
de Kiev en cours
dans le sud de l’Ukraine
La contre-offensive ukrainienne suit trois axes
Territoires ukrainiens occupés
par les Russes et les séparatistes
prorusses avant le 24 février
L’OCCUPATION RUSSE
DEPUIS LE 24 FÉVRIER 2022
Territoires ukrainiens
occupés par les Russes et
leurs alliés séparatistes
Oblasts ukrainiens
annexés par le Kremlin
le 30 septembre 2022
Lignes de défense
bâties par les Russes
Territoires évacués
par les Russes ou repris
par les Ukrainiens
Mykolaïv
SITUATION MILITAIRE LE 15 JUIN
Zone inondée depuis
la destruction du barrage
de Kakhovka le 6 juin
Principales zones de combat
Attaques récentes des :
Ukrainiens
Russes
Gains territoriaux
revendiqués par les :
Ukrainiens
Russes
Une médiation
africaine
à Kiev
Une délégation de dirigeants
africains, dont les présidents
sud-africain, Cyril Ramaphosa,
et sénégalais, Macky Sall,
était vendredi en Ukraine
pour une mission de médiation
entre ce pays et la Russie. Elle
a été accueillie dans la matinée
par une attaque de missiles
russes qui a visé la région
de Kiev. La mission africaine
a commencé son voyage
par une visite à Boutcha, ville
meurtrie de la banlieue de la
capitale. Peu après, des sirènes
antiaériennes suivies
d’explosions ont retenti à Kiev.
Les responsables africains ont
rencontré dans la journée le
président Zelensky, avant de
mettre le cap sur la Russie pour
y rencontrer Vladimir Poutine
samedi. Cette médiation
de paix africaine, à l’initiative
de Pretoria, intervient
en pleine intensification
des combats. Ses chances
de succès sont minces,
A
selon plusieurs experts.
L’Ukraine et ses alliés se pré
à une reconquête difficile
Après dix jours de contre-offensive, les forces ukrainiennes concentrent leurs efforts
Elles ont grignoté du terrain tout en subissant de lourdes pertes lors de combats très
Tanguy Berthemet £@tanguyber
MAINTENANT que le lancement de la
contre-offensive ukrainienne tant at-
tendue ne fait plus de doute, une autre
question reste en suspens : au terme de
plusieurs mois de préparation, le sort
des armes est-il celui souhaité par
Kiev ? Après une dizaine de jours d’at-
taques, les réalités sont loin d’être éta-
blies et il est impossible de savoir si
l’Ukraine est sur la voie du succès.
assauts initiaux ukrainiens ou sur les
opérations de défenses russes pour pré-
voir le résultat de la contre-offensive »,
souligne, prudent, l’Institut for the Stu-
dy of War (ISW), un centre de recher-
che américain, d’autant que « les objec-
tifs de la contre-offensive ne sont pour
l’instant pas parfaitement clairs ». Plu-
sieurs consultants militaires et les États-
Unis appellent à la patience, assurant
que cette phase s’annonce longue. « La
bataille va être de plus en plus dure. Pour
Kramatorsk
Bakhmout
Velyka Novosilka
Avdiivka
Marinka
Zaporijjia
Donetsk
Vouhledar
Orikhiv
Volnovakha
Tokmak
Kryvyi Rih
Nikopol
Enerhodar
r
iep
Dn
Melitopol
Kherson Barrage
de Kakhovka
Armiansk
Canal
de Crimée Djankoï
Crimée
Eupatoria
Simferopol
M e r N o i re
Sébastopol
Yalta
Sur la route d’Orikhiv, l’artillerie ukrainienne pilonne les lignes
Pierre Polard £@PierrePolard
Sud-est de la région de Zaporijjia
SUR LA ROUTE qui mène à la contre-of-
fensive, c’est d’abord le silence qui frap-
pe. La quiétude d’une campagne sans fin
que des paysans travaillent inlassable-
ment. Et le mutisme des soldats croisés
entre Zaporijjia et Orikhiv, la dernière
ville avant le front du sud. Le « silence
opérationnel » est désormais institution-
nel dans l’armée ukrainienne : les accès
octroyés à la presse sont limités et les
militaires ont pour ordre de ne rien
commenter. Le gouvernement ukrai-
nien a également prévenu les civils, in-
vitant chacun à se taire et à ne pas de-
mander à savoir. Une des vidéos les plus
diffusées montre Budanov, chef du GUR,
le renseignement militaire ukrainien.
Trente secondes où Budanov, impassi-
ble, ne lâche pas un mot. Un intertitre
suit : « Les plans aiment le silence. »
Le premier bruit de la contre-offen-
sive s’entend à quarante kilomètres du
front. Après avoir survolé le sol à très
basse altitude, un MiG-29 peint en bleu
pointe vers le ciel dans un rugissement
retentissant. Deux autres avions de
chasse suivent, après la même
manœuvre, en direction du sud. Dans
le champ en contrebas, un bouvier n’y
prête aucune attention et continue de
faire paître ses vaches, imperturbable-
ment. S’il est difficile d’estimer les ef-
les alliés internationaux de l’Ukraine,
l’été va être difficile. Les pertes vont aug-
menter et les succès vont prendre du
temps à se matérialiser », estime Jack
Watling, dans un brief du Royal Uni-
ted Institute (Rusi), une organisation
­britannique.
Les forces ukrainiennes tentent pour
l’instant de percer sur trois axes, où el-
les ont grignoté un peu de terrain.
D’abord au sud de Zaporijjia, près de
Orikhiv, les troupes auraient avancé de
3 kilomètres autour de Mala Tomachka.
À l’autre bout de ce front sud, qui
s’étend du Dniepr jusqu’au faubourg
ouest de la ville de Donetsk, occupée
depuis 2014, elles avaient pris 7 kilomè-
tres jeudi, toujours selon l’état-major
ukrainien, sur le second axe de l’offen-
sive, autour de Velyka Novosilka non
loin de Vouhledar. Sur le troisième axe,
au nord et au nord-ouest de Bakhmout,
désormais aux mains des Russes, les
commandos ukrainiens « ont mené des
opérations », indique Oleksandr Shtu-
pun, le porte-parole militaire. Les for-
Kharkiv
Koupiansk
Svatove
Izyoum
UKRAINE Lyman
Kreminna
Sieverodonetsk
Sloviansk
Kramatorsk Lyssytchansk
Louhansk
Dnipro Bakhmout
Donbass
Zaporijjia Donetsk
Rostov-
sur-le-Don
Marioupol
Berdiansk
RUSSIE
Mer d’Azov
Kertch
Pont de Crimée Krasnodar
Novorossiisk
Annexée par la Russie
en mars 2014 Infographie
Sources : compilation de données Le Figaro ; ISW ; Brady Africk
fets et l’importance de l’aviation dans la
contre-offensive, un rapport du minis-
tère de la Défense britannique estimait
le 14 juin que, dans la région de Zapori-
jjia, « il y a une augmentation des sorties
aériennes tactiques de combat russes (…)
en réponse à l’augmentation des opéra-
tions offensives ukrainiennes (…) afin de
soutenir les troupes au sol par des frap-
pes aériennes. »
Les forces de la contre-offensive ap-
paraissent réellement à partir de Zarit-
chne. Les véhicules militaires monopo-
Un obusier ukrainien tire sur une position russe, mercredi près d’Orikhiv.
ces ukrainiennes ont insisté vendredi
sur les mêmes points, a assuré Kiev,
sans plus de détails.
Les premiers affrontements ont toute-
fois permis de dégager quelques ensei-
gnements. Les pertes ukrainiennes se-
raient lourdes, expliquent plusieurs
sources occidentales, et les combats ex-
trêmement violents. Kiev ne dévoile
rien, comme il se doit, mais les pertes
matérielles sont un indicateur. Selon le
site spécialisé Oryx, qui recense ces per-
tes à partir de photos ou vidéos prises sur
le champ de bataille, Kiev a perdu
4 chars Leopard allemands récemment
livrés, 2 blindés de reconnaissance fran-
çais AMX-10 RC FR,et plus de 70 blindés
de combat d’infanterie occidentaux.
Guerre électronique
L’offensive est toujours beaucoup plus
coûteuse en vies, et les défenses russes,
faites de champs de mines, de tranchées
et de « dents de dragons », ont été
construites depuis des mois pour former
le « mur » le plus puissant jamais vu en
Des soldats ukrainiens
inspectent la carcasse
d’un véhicule blindé russe,
le 14 juin, près du village
50 km
libéré de Storozheve.
STRINGER/REUTERS
lisent maintenant une route presque
abandonnée par les civils. Foncent vers
le sud de simples voitures, transportant
des soldats, et des blindés qui avancent
en groupes, distincts et éloignés, par
trois ou quatre au maximum – beau-
coup de M2 Bradley, des véhicules de
combat d’infanterie, de fabrication
américaine. Quelques kilomètres avant
Orikhiv, un pont tremble au rythme du
défilé constant des blindés. Les détona-
tions de l’artillerie, principalement
ukrainienne, résonnent de plus en fort.
Alex McBride
Europe depuis la Seconde Guerre mon-
diale. Les troupes russes, elles-mêmes,
se montreraient efficaces pour l’instant,
sans que cela soit une surprise. Si l’ar-
mée russe a connu une déroute dans les
premiers mois du conflit et à l’automne
au sud de Kharkiv, elle s’est depuis re-
prise en main. Le général australien
Mick Ryan a ainsi noté la bonne exécu-
tion de l’opération délicate de repli à
Kherson.
Ces combats ne sont que des prélimi-
naires visant sans doute à tester les Rus-
ses ou à trouver d’éventuels points fai-
bles. L’Ukraine est très loin d’avoir
engagé le gros de ces forces. Elle ne s’est
d’ailleurs enfoncée que de quelques ki-
lomètres, au mieux, dans les lignes en-
nemies, sans avoir fait une vraie percée.
Or, souligne le Rusi, « la principale ligne
de défense se situe encore à 15-20 kilo-
mètres des positions ukrainiennes ». Et
plus les soldats de Kiev avanceront, plus
ils se trouveront sous le feu de l’artille-
rie russes, avec une difficulté de plus en
plus grande pour leur propre artillerie à
Mais rien n’altère la concentration des
pêcheurs, civils et militaires mêlés, qui
lancent leurs lignes depuis les berges.
Les abords d’Orikhiv sont ravagés. Le
front est quelques kilomètres plus loin,
mais la ville est une cible pour les Rus-
ses, car elle est un point de départ de la
contre-offensive, d’où nombre de blin-
dés ukrainiens filent vers la zone dite
« grise » – des petits villages disputés en
rase campagne, avant les lignes de dé-
fense de l’ennemi. Le checkpoint qui
garde Orikhiv est au bas d’immeubles
massivement bombardés. Des chiens
errants marchent à même le verre pilé,
qui recouvre toute la rue, avant de se
blottir contre les bottes des soldats.
Autour, l’artillerie ukrainienne tire ré-
gulièrement. Les batteries russes ré-
pondaient moins intensément, à ce
moment-là. « Les Russes déjeunent !,
s’exclame Dmitri, un volontaire venu
aider les derniers civils de la ville. Je
viens tôt, car je n’ai pas de gilet par balle,
ni de casque… C’est après leur repas que
les Russes se mettent à vraiment canar-
der. » Dmitri et son collègue apportent
chaque jour des vivres à un « point d’in-
vincibilité » d’Orikhiv, où les habitants
peuvent venir chercher nourriture et
eau. « Ce qui manque c’est du chou pour
le bortch ! », regrette Dmitri. Les volon-
taires passent le checkpoint. La presse
non. L’administration militaire vient de
restreindre l’accès à Orikhiv ce matin.
Tout juste le temps pour une question.

parent
sur trois axes.
violents.
effectuer des tirs de contre-batterie, un
domaine où Moscou a beaucoup pro-
gressé. Le danger pour les Ukrainiens
est d’autant plus grand que le terrain, au
sud de Zaporijjia, est très plat, sans vrai
couvert, donc idéal pour les drones.
Les champs de mines, extrêmement
nombreux et remodelés en permanen-
ce par des lance-roquettes, sont un
obstacle de taille, qui « canalise » les
forces ukrainiennes dans de dangereux
goulots. Mais l’attention semble se por-
ter essentiellement ces derniers jours
sur la guerre électronique. Selon des
blogueurs russes et des sources occi-
dentales, Moscou aurait repris l’avan-
tage dans ce domaine, brouillant les si-
gnaux et réduisant de beaucoup
l’efficacité des munitions guidées par
les GPS ukrainiens, notamment celles
des Himars, ces lance-roquettes améri-
cains jusqu’alors redoutables et com-
pliquant le vol des drones. À Kiev,
l’état-major aurait fait de la destruction
des unités russes de guerre électronique
une priorité. ■
russes
Quelle est la situation plus au sud ? Un
militaire du checkpoint sourit, triste-
ment, puis répond avec un geste : un
pouce vers le haut, un autre vers le bas.
Quelques kilomètres au nord
d’Orikhiv, entre la route et un champ,
deux soldats fixent un écran. Une an-
tenne Starlink est installée à l’arrière de
leur jeep. Les deux « ajusteurs » font
partie de la 43e brigade d’artillerie.
“ Ici, le ciel est surveillé,
si quoi que ce soit
de russe vole, il sera
immédiatement abattu.
C’est le contrôle
du ciel qui fait tout
alexander, ancien ingénieur,
”
affecté à la 43e brigade d’artillerie
« Nous sommes actuellement en train de
calculer les coordonnées de la prochaine
frappe, explique Alexander. Plus pro-
ches du front, “les yeux dans le ciel” (les
opérateurs de drones, NDLR) nous font
parvenir des informations sur les posi-
tions ennemies. Nous ajustons le tir ici,
puis envoyons les coordonnées à l’artille-
rie. » D’après Alexander, la cible priori-
taire n’est pas tant les lignes de défense
russes, que la contre-offensive ukrai-
nienne doit percer, que de « détruire les
entrepôts de munitions et l’artillerie
L’attrition des capacités militaires de Kiev
met le soutien des Occidentaux à l’épreuve
Nicolas Barotte £@NicolasBarotte
LES FORCES russes brandissent leurs
trophées sur les réseaux sociaux : cinq
chars Leopard 2, deux blindés légers
AMX 10, des VAB, des Bradley et tous
les types d’équipements que les sou-
tiens de l’Ukraine ont pu livrer durant
les derniers mois…
Le site indépendant Oryx recense les
dommages observés. Selon celui-ci, en
trois jours, l’Ukraine aurait perdu au
moins une dizaine de chars - et la Rus-
sie 12. Ces pertes sont le prix à payer
- Banque Transatlantique - RCS Paris 302 695 937.
lourde. » Où sont ces positions ? Im-
manquablement, Alexander pointe le
doigt vers le sud.
Quadragénaire, Alexander a des yeux
bleu clair et un sourire avenant ; il sem-
ble frais, reposé. Il fait partie de cette
nouvelle génération de soldats, ni en-
gagés volontaires au début de l’inva-
sion, ni vétérans du Donbass de-
puis 2014, mais mobilisés récemment et
entraînés avec de l’armement occiden-
tal, dans la perspective de la contre-of-
fensive. Alors qu’à travers champs, il se
rend à la position du canon automoteur
PzH 2000 de son unité, Alexander ra-
conte : « J’ai été mobilisé le 2 jan-
vier 2023. Avant j’étais ingénieur, alors
on m’a envoyé dans l’artillerie, où il faut
des connaissances techniques. Trois mois
d’entraînement après ça. Suffisamment,
pour l’offensive et il est trop tôt pour en
établir une comptabilité exacte. Au sein
des états-majors, on les mesurera à
l’aune des gains territoriaux, du rythme
des destructions et du nombre de sol-
dats décédés. « Chaque camp cherche à
user l’autre », note un militaire fran-
çais : les Ukrainiens tentent de déceler
la faille dans la défense russe ; les Rus-
ses, de leur côté, savent que les réserves
ukrainiennes sont limitées. L’attaque
est plus coûteuse que la défense.
Pour les Occidentaux, l’urgence est
dès maintenant de poursuivre l’effort et
de remplacer à terme les matériels dé-
d’après moi. » D’après l’agence Reuters,
40 000 nouveaux militaires auraient été
mobilisés. Un soldat, croisé plus tard
sur la route, dira que c’est toute sa bri-
gade qui a été spécifiquement conçue
pour la contre-offensive. Douze nou-
velles brigades motorisées ont été ainsi
créées.
Si Alexander vient de rejoindre l’ar-
mée, il ne se couvre déjà plus les oreilles
quand le PzH 2000 tire un obus de
155 mm. La déflagration est assourdis-
sante. « Le secret, c’est de respirer par la
bouche… C’est surtout une question
d’habitude », dit-il. De fabrication alle-
mande, le PzH 2000 est chenillé et
lourdement blindé. Camouflé dans un
bosquet, le canon n’est discernable que
de très près. D’après Alexander, la sé-
curité vient en fait d’ailleurs : « Ici, le
le figaro
l'événement
truits. Le sujet était à l’ordre du jour de
la réunion du « groupe de soutien » qui
s’est tenue jeudi et de la réunion des mi-
nistres de la Défense de l’Otan qui s’est
achevée vendredi. « Le combat de
l’Ukraine est un marathon, pas un
sprint », a souligné le secrétaire à la Dé-
fense américain, Lloyd Austin. « Nous
continuerons également à adapter notre
aide à l’évolution de la situation sur le ter-
rain et aux nouveaux besoins des forces
ukrainiennes », a-t-il déclaré. « Nous
restons concentrés sur les besoins urgents
de l’Ukraine en matière de défenses aé-
riennes », a-t-il ajouté.
ciel est surveillé, si quoi que ce soit de
russe vole, il sera immédiatement abat-
tu. » Il ajoute : « C’est le contrôle du ciel
qui fait tout. C’est pour ça que nous
avons à ce point besoin d’une aviation. »
Le PzH 2000 s’apprête à tirer de nou-
veau. Quelques minutes passent, afin
que les coordonnées soient recalculées,
après que l’impact du premier tir a été
constaté. À nouveau, le ciel est déter-
minant – et les drones, qui en sont « les
yeux ». Autour de la position, les dé-
parts d’artillerie se multiplient, de plus
en plus proches, comme une suite
coordonnée. Un artilleur hurle :
« Feu ! » Le PzH 2000 tire et s’ébranle.
Alexander ordonne d’immédiatement
partir. « Dès que les Russes compren-
dront d’où on tire, la riposte s’abattra
aussitôt. »
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
3
Durant la réunion, des États comme
l’Allemagne et la Pologne se sont aussi
engagés à livrer de nouveaux chars
Leopard. Le Danemark et les Pays-
Bas ont promis de commencer l’en-
traînement des pilotes ukrainiens sur
chasseurs F16.
L’essentiel des forces ukrainiennes
n’a pas encore été engagé dans la con-
tre-offensive. Sur les douze brigades
formées et équipées par les Occiden-
taux, trois seulement ont été lancées à
l’assaut des positions russes, selon les
observations disponibles. Pour soute-
nir dans l’immédiat le combat, des ca-
pacités de logistique et de réparation
ont été fournies aux Ukrainiens. Les
prochaines livraisons annoncées arri-
veront sur le front plus tard, voire
après l’offensive.
Pour les armées européennes, dont
les stocks se réduisent chaque semaine,
le défi est de tenir sur le moyen et le
long terme. Les États-Unis se sont
néanmoins engagés, cette semaine, sur
une nouvelle enveloppe de 325 millions
de dollars incluant des missiles Nasams,
des canons d’artillerie Himars et des di-
zaines de véhicules blindés Bradley et
Stryker. Lundi, le ministre allemand de
la Défense, Boris Pistorius, s’était mon-
tré plus mesuré sur les réserves de la
Bundeswehr : « Nous n’allons pas pou-
voir remplacer chaque char qui cesse de
fonctionner », avait-il prévenu en pro-
mettant cependant d’augmenter les li-
vraisons de chars Leopard 1 à partir du
1er juillet. « D’ici à la fin de l’année nous
serons au-dessus de 100 », a-t-il dit,
confirmant la promesse qu’avait faite
Berlin. Les Occidentaux se sont aussi
engagés à poursuivre la formation de
militaires ukrainiens. Depuis le début
du conflit, 11 000 soldats ont été formés
par les États-Unis et plus de 60 000 par
l’ensemble des alliés.
“ Le combat de l’Ukraine
est un marathon, pas un
sprint. Nous continuerons
également à adapter
notre aide à l’évolution
de la situation sur le
terrain et aux nouveaux
besoins des forces
ukrainiennes
”
Lloyd Austin, secrétaire
à la Défense américain
Les partenaires de l’Ukraine prépa-
rent l’après. Pour le secrétaire général
de l’Otan, Jens Stoltenberg, il est temps
de discuter d’un « plan pluriannuel » de
soutien à l’Ukraine prévoyant « un
­financement substantiel ». Les alliés se
penchent sur la transition de l’armée
ukrainienne vers les « standards
Otan », permettant d’assurer « la com-
plète interopérabilité » avec les systè-
mes occidentaux. Depuis plusieurs
mois, les gouvernements occidentaux
mettent les industriels sous pression
pour qu’ils augmentent leurs cadences
de production. Les commandes mili-
taires explosent. Vendredi, l’Otan a
annoncé une commande groupée de
munitions de 155 mm pour une valeur
de 1 milliard de dollars.
En insistant sur les défenses antiaé-
riennes de l’Ukraine et sur la recons-
truction d’une aviation de chasse, les
alliés cherchent à préparer la future
défense de l’Ukraine. L’enjeu est pour
eux de « dissuader toute future agres-
sion de la Russie une fois que cette guer-
re sera finie », a affirmé Jens Stolten-
berg, sans pouvoir prédire quand le
conflit s’achèvera. ■
Sur la route, peu avant Orikhiv, les
soldats s’arrêtent devant une boutique.
Le mur est recouvert des insignes que
les militaires offrent à leur passage.
Dasha, une jeune femme, tient les lieux.
Veronica, sa nièce de 8 ans, se cache
derrière le comptoir. Des deux, seule
Dasha rit et parle. Veronica scrute, mu-
tique et grave, le flot ininterrompu de
visiteurs. « Toutes les écoles du coin ont
été bombardées, explique Dasha. Vero-
nica doit étudier en ligne… » La petite-
nièce se blottit contre sa tante. « Ici
aussi ça a été bombardé…, reprend
Dasha. Mais que pouvons-nous faire ?
Nous sommes Ukrainiens. » Le va-et-
vient des soldats se poursuit. La plupart
d’entre eux sourient à la petite fille. Ve-
A
ronica regarde droit devant elle, dans le
silence. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
4 l'événement
La mairie en exil de Melitopol
prête pour le jour de la libération
Réfugiée
à Zaporijjia,
l’administration
se donne 30 jours
pour rétablir
les principaux
services de l’État.
clara marchaud
£@ClaraMarchaud
envoyée spéciale à zaporijjia
DU FARD à paupières sur ses yeux
ridés, une robe à fleurs et un em-
bonpoint chaleureux de « mamie
gâteau ». Solomia (*) fait la queue
pour recevoir l’aide humanitaire
dans un centre de Zaporijjia, non
loin de la ligne de front, figée à
50 kilomètres. À 61 ans « et demi -
ça compte à notre âge ! » -, elle a dû
quitter sa maison et l’école dans la-
quelle elle travaillait dans un villa-
ge près de Melitopol, occupé depuis
mars 2022. « Depuis quelques jours,
je fais du monitoring, je ne lâche pas
mon portable », s’exclame fière-
ment Solomia, en montrant sur son
smartphone des chaînes Telegram
d’habitants restés à Melitopol sous
occupation. Certains y donnent les
coordonnés des positions russes ou
les noms de personnes qui ont tra-
hi, sans fournir de preuves. Peu
importe, pour Solomia : avec la
contre-offensive ukrainienne tant
attendue, le retour à la maison se
rapproche. La « baboussia » a
même appelé sa sœur, restée de
l’autre côté. Celle-ci a déjà survécu
aux violentes perquisitions du FSB
russe à 6 heures du matin, cher-
chant des partisans ukrainiens.
« Je lui ai dit que les nôtres arrivent,
la libération est proche ! », chucho-
te la sexagénaire.
En juin 2022, la mairie de Meli-
topol a ouvert le centre « Same
Tut » (« Juste ici », en français) à
Zaporijjia, pour accueillir les réfu-
giés de la ville de 140 000 habi-
tants et sa région. « On a ici une
microville avec deux généralistes,
un pédiatre, un cardiologue, des
enseignants, des avocats et même
un salon de massage », s’amuse
Artem Chouliatiev, l’administra-
teur du centre. « Les bénévoles, les
bénéficiaires, tout le monde ici vient
de Melitopol. » Une cinquantaine
de volontaires reçoit environ
9 000 personnes par mois, dont
plus d’un millier d’enfants.
Rires d’enfants
Au printemps 2022, dans la confu-
sion du début de l’invasion, jusqu’à
30 000 personnes ont été prises en
charge dans ce centre après avoir
fui. Certains sont partis depuis à
l’étranger ou ailleurs en Ukraine,
mais plusieurs milliers de person-
nes restent à Zaporijjia, la ville la
plus proche de Melitopol. « Chaque
jour, on ne savait pas si on allait y
passer. Les Russes postaient l’adres-
se du centre en disant que c’était un
centre de terroristes, de nazis où l’on
gardait des munitions », rapporte
Artem, également directeur d’une
école d’arts à Melitopol. Plusieurs
centres humanitaires ont été bom-
bardés par les Russes depuis le dé-
but de l’invasion. Aujourd’hui, la
situation est plus calme. Same Tut
fonctionne surtout avec des sub-
ventions d’organisations interna-
tionales comme l’Unicef.
« J’ai croisé une personne de mon
village, on a échangé nos numé-
ros », se réjouit, émue, Solomia. Le
bâtiment, collection d’anciens bu-
reaux gris et tristes au milieu d’un
quartier d’usines, regorge de vie.
Les rires d’enfants parviennent
des couloirs et de la salle à l’étage.
Dans le hall, comme sur une gran-
de place du village, des dizaines
d’habitants s’échangent les nou-
velles. Un militaire originaire de
Melitopol, venu rendre visite à sa
A
femme pour la journée, porte sa
main à la bouche pour faire le signe
« Au moins « chut », à l’image d’un clip par-
290 personnes ont été tagé il y a une semaine par le mi-
kidnappées depuis nistre de la Défense. Il ne dira rien
le début de l’invasion. sur la contre-offensive. « Vous sa-
Et je ne parle que des vez, les bonnes et les mauvaises
gens qui sont venus
nouvelles viennent toujours ensem-
vers nous. Les familles
ont peur », explique ble : quand on libère, il y a toujours
Natalia Priyma, beaucoup de blessés et de morts »,
bénévole au centre souffle son épouse, une bénévole.
« Juste ici » Si Melitopol demeure sous oc-
de Zaporijjia, chargée cupation, la municipalité en exil
du suivi des familles prépare déjà la libération. À Kher-
de civils enlevés. son ou dans la région de Kharkiv,
Clara Marchaud la « désoccupation » a été syno-
nyme de bombardements répétés.
« Aujourd’hui, aucun de nos habi-
tants ne peut imaginer dans quel
état nous récupérerons notre ville.
Mais nous devons nous préparer à
tous les scénarios », explique, au
téléphone, Ivan Fedorov, 32 ans,
le maire en exil de la ville. Le
11 mars 2022, le trentenaire a été
kidnappé par les Russes. Le lende-
main, 2 000 habitants manifes-
taient pour exiger sa libération.
Échangé après six jours de captivi-
té contre neuf soldats russes, il
travaille depuis à distance avec le
reste de l’équipe municipale.
Cette dernière a élaboré un plan
IMAGO/H. Galuschka via Reuters
de libération sur trente jours avec
pour priorité la restauration des
services de l’État : l’eau, l’électri-
cité, le réseau téléphonique, la
poste, la collecte des ordures mé-
nagères… « Quand ils partent, les
Russes volent tout », précise Ivan
Fedorov, qui est en Allemagne
Aujourd’hui,
aucun de nos Sur le front, la défense des « coupures humides »
habitants ne
peut imaginer Nicolas Barotte £@NicolasBarotte
dans quel
VILLAGES inondés, populations dé-
état nous placées, mines dispersées, terrains
récupérerons impraticables… Les dégâts de la des-
notre ville. truction du barrage de Kakhovka se
feront sentir encore longtemps.
Mais nous L’inondation des rives du Dniepr a
devons nous bouleversé la physionomie du champ
préparer de bataille. Depuis la reprise de
Kherson, ce large fleuve départageait
à tous les au sud de l’Ukraine la ligne de front.
scénarios
Ivan Fedorov,
» En reculant leurs positions,
contraints et forcés, les deux belligé-
maire de Mélitopol rants se sont éloignés de la portée de
tir de l’autre camp. Une opération
amphibie est devenue périlleuse.
Russes et Ukrainiens y trouveront
des avantages et des inconvénients.
Vendredi, un rapport d’experts indé-
pendants a conclu qu’il était « haute-
ment probable » que la destruction du
barrage ait été causée par des explo-
sifs placés là par les forces russes.
La guerre se mène avec la géogra-
phie du champ de bataille, qu’il faut
savoir modeler pour contester à l’ad-
versaire sa liberté de manœuvre. La
destruction de barrages ou l’inonda-
tion de terrains font partie des tacti-
pour rencontrer des municipalités
partenaires de son plan. Melitopol
a déjà reçu deux bus, deux
­camions de pompiers et cinq voi-
tures de police. La ville n’a pas en-
core reçu d’aide de sa jumelle
française, Brive-la-Gaillarde,
mais le maire ne désespère pas.
« Tous les habitants de Melitopol
veulent rentrer chez eux le plus tôt
possible, mais nous devons créer les
conditions pour cela, avec l’aide de
nos partenaires », assure le maire,
optimiste. Le centre Same Tut a
commencé à stocker des produits
d’hygiène et de la nourriture, qui
seront distribués dans des lieux
définis à l’avance après le démina-
ge de la ville.
À corps perdu
À 120 kilomètres, Melitopol reste
otage du « monde russe ». Sur
140 000 habitants, près de 60 000
sont restés, surtout des personnes
âgées et leurs proches. Perquisi-
tions, kidnappings, fouilles, me-
naces : « Les Russes sèment la ter-
reur à Melitopol », se désole Artem
Chouliatiev. Ce directeur d’une
école d’arts en sait quelque chose.
En mars 2022, pendant des jours,
les Russes l’ont cherché puis lui
ont donné cinq jours pour donner
l’accès à l’école et enregistrer une
vidéo de soutien aux Russes. À
l’époque, il a changé neuf fois de
cachette. Le 9 avril, Artem a réussi
à fuir. Près d’un tiers de ses collè-
ques employées par les deux camps
depuis le début du conflit. Pour
freiner l’actuelle contre-offensive
­ bablement à réduire la production
ukrainienne, les forces russes
auraient détruit ou ouvert le barrage
du réservoir de Staromlynyvs’ke,
près du village de Klyuchove. Au sud
de Velika Novosilka, la rivière Mokri
Yali court le long de l’un des « axes
d’effort » ukrainiens. Avant la des-
truction de Kakhovka, les Russes
auraient aussi « fait exploser un cer-
tain nombre d’étangs privés » dans les
régions de Zaporijjia ou de Donetsk,
selon des rapports ukrainiens diffu-
sés sur les réseaux sociaux, images à
l’appui. Impossible de vérifier préci-
sément. Mais même limités, ces
inondations peuvent rendre une rou-
te impraticable ou offrir de meilleu-
res conditions défensives. Les forces
ukrainiennes l’avaient compris dès le
début de la guerre. « Elles avaient
inondé le nord-est de Kiev pour empê-
cher les Russes d’utiliser cette zone »,
rappelle un militaire français.
Depuis février 2022, les multiples
barrages du territoire ukrainien (le
Dniepr en compte six) ont été la ci-
ble de bombardements imputés aux
Russes : en septembre 2022, à
gues ont choisi le camp de l’enne-
mi. « J’ai préféré devenir SDF que
de collaborer », souffle ce quadra-
génaire. Depuis, il se jette à corps
perdu dans le bénévolat. « C’est
plus facile de surmonter cette
épreuve ensemble », estime-t-il.
« Je connais des gens réfugiés en
Europe. Ils vivent dans un château
gratuitement mais ils préféreraient
rentrer dans leur minuscule maison
toute cassée à Melitopol. Être chez
soi, ça n’a pas de prix. »
Artem fait des entretiens avec
tous les réfugiés qui arrivent dans
le centre. « Je ne compte plus les
histoires horribles que j’ai enten-
dues, de tortures, de gens en pri-
son. » Les mouvements de résis-
tance sont très actifs depuis le
début de l’invasion. Ils donnent
les positions des Russes, sabotent
les lignes de chemin de fer, orga-
nisent des attentats à la voiture
piégée contre des occupants.
« Par exemple, une personne que
j’ai reçue a été battue par les Rus-
ses. Sur son téléphone, elle avait
une vieille photo de 2019 avec en
fond un drapeau ukrainien. Ils l’ont
battue de sorte que son dos soit à
moitié bleu, à moitié jaune en di-
sant : ton drapeau sera toujours
avec toi », raconte Artem.
En septembre 2022, la Russie a
mené un référendum illégal dans
la région de Zaporijjia pour tenter
de légitimer ses gains territoriaux.
Depuis, l’occupant oblige les rési-
Kryvyï Rih, en octobre 2022 à Kre-
mentchuk. Moscou cherchait pro-
d’électricité ukrainienne. En mai
dernier, les forces russes ont détruit
un réservoir près de Donetsk.
Ralentir l’attaquant
« En défensive, inonder est une com-
posante d’un système tactique per-
mettant de contrer la mobilité adver-
se, réduisant donc sa liberté d’action
en interdisant des zones », explique
le spécialiste des questions militai-
res Joseph Henrotin, dans une lon-
gue interview au Grand Continent.
« C’est historiquement aussi classi-
que que détruire des ponts : des Ro-
mains aux actions ukrainiennes en
février-mars 2022 en passant par
l’Alsace au XVIIe siècle ou les Belges
en 1914, l’eau complique tout… »,
ajoute-t-il. Chaque guerre fournit
des exemples. En juin 1944, les Alle-
mands avaient inondé le bocage
normand pour ralentir l’offensive
alliée. En 1943, les Alliés avaient
bombardé les barrages de la Ruhr
durant l’opération Chastise.
« Les militaires réfléchissent tou-
jours, dans leurs plans de bataille, à
dents à prendre des passeports
russes, une technique déjà utilisée
après 2014 en Crimée et dans le
Donbass.
À l’étage du centre, dans une
salle neuve, Natalia Priyma tire un
grand drapeau ukrainien, laissant
apparaître un mur entier de por-
traits et de noms. Des hommes et
des femmes enlevés par les Russes.
Derrière chaque photo, il y a une
histoire, que l’ancienne puéricul-
trice raconte d’une voix douce. Elle
est devenue bénévole chargée du
suivi des familles de civils enlevés.
« Je sais ce que c’est, mon mari a été
retenu pendant 42 jours, battu et
torturé », raconte Natalia. « Au
moins 290 personnes ont été kidnap-
pées depuis le début de l’invasion. Et
je ne parle que des gens qui sont ve-
nus vers nous. Les familles ont
peur », explique-t-elle. 117 per-
sonnes sont encore en détention,
en prison en Russie, en Crimée ou
dans l’un des dix lieux de détention
illégale à Melitopol - des caves, des
garages ou des fosses… Pour 49
d’entre elles, aucun signe de vie n’a
été recensé depuis leur arrestation.
« Et le rythme s’accélère. En mai,
j’ai eu 18 demandes d’aide, rien
qu’hier deux familles m’ont contac-
tée », rapporte Natalia. La joie de la
libération de Melitopol sera ac-
compagnée de la découverte de
centaines de crimes de guerre,
prédit la bénévole. ■
(*) Le prénom a été modifié.
la possibilité de détruire des infras-
tructures », raconte un militaire
français. « La question est celle du
gain militaire contre les conséquen-
ces pour les civils », dit-il. Les sol-
dats du génie français continuent de
s’entraîner pour détecter les fai-
blesses dans les constructions et sa-
voir où poser des explosifs.
Face à une offensive, la priorité
du défenseur est de ralentir l’atta-
quant et de contraindre ses mouve-
ments. Avec les champs de mines,
des obstacles, et les tranchées, les
« coupures humides », comme di-
sent les militaires, font partie de
l’arsenal. Mais aucune destruction
n’est vraiment irrémédiable. « Un
fleuve n’est jamais infranchissable »,
poursuit l’officier français. « Ce qui
peut le rendre infranchissable, c’est
la façon dont ses rives ont été valori-
sées », dit-il en insistant sur le sys-
tème de défense. La difficulté du
camp ukrainien est le manque de
moyens de génie et de défenses aé-
riennes. Lorsqu’il faut franchir un
obstacle, a fortiori un cours d’eau,
la concentration des unités les rend
vulnérables à un tir d’artillerie ou
des bombardements. ■
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 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
6 Politique
Les Républicains
veulent poser les bases
de leur renouveau en
attendant l’incarnation
La droite organise ses états généraux, samedi à Paris, pour
comprendre ses échecs et définir les axes de sa reconstruction.
droite En proposant aux Républicains
de se livrer à une introspection lucide
et « sans tabous » de leurs forces et de
leurs faiblesses, Éric Ciotti veut poser
ces « états généraux de la droite pour la
France » comme la première pierre
d’une indispensable reconstruction
(lire entretien ci-contre).
Lors de la campagne interne pour la
présidence du parti, après le séisme
­historique d’une défaite présidentielle à
4,78 % dès le premier tour, on se sou-
vient que tous les candidats en lice
avaient pointé la nécessité absolue de
rebâtir le mouvement « du sol au
­plafond ». Sous le choc, LR avait réussi à
conserver une certaine unité autour de
la candidate malheureuse, Valérie
Pécresse. Mais, inévitablement, la
­
­bataille interne pour la présidence du
parti avait fini par attiser les tensions
entre les camps Ciotti, Retailleau et
« Pourquoi nous avons quitté la droite »
Une journée au Cirque d’Hiver.
Animés par Rachida Dati, présidente
du conseil national LR, et Geoffroy
Didier, député européen, les « états
généraux » de la droite se tiennent
samedi au Cirque d’Hiver, à Paris
(11e arrondissement), de 9 heures
à 16 heures. Après une introduction
confiée au président du Sénat,
Gérard Larcher, Les Républicains
entreront directement dans le vif
du sujet via un état des lieux
de la droite, un sondage Louis Harris,
qualitatif et quantitatif, et
des témoignages partagés en direct.
Pourquoi des adhérents ont-ils
quitté LR ? Pour quelles raisons
seraient-ils prêts à revenir ?
Éric Ciotti devrait prononcer
son discours vers 12 heures.
Le « ni-ni » de LR désarçonne la macronie
décryptage
Tristan
Quinault-Maupoil
tquinault@lefigaro.fr
Quand il s’agit des Républicains, les
­macronistes perdent de plus en plus leur
latin. Y compris ceux qui en sont issus.
« LR ? Il y a douze lignes qui se côtoient. Ils
sont paumés », souffle un conseiller de
l’exécutif en première ligne sur le sujet.
Ce qui ne facilite pas la tâche du parti
présidentiel, Renaissance, qui s’apprête
à se réunir, mercredi, pour définir une
ligne stratégique vis-à-vis du parti
d’Éric Ciotti.
Quoique peu consensuelle, la question
d’une alliance reste dans toutes les têtes,
dans l’espoir de stabiliser le quin­
quennat. Alors que le bail du gouver­-
nement semble plus que précaire. « Il
peut y avoir une censure » à l’automne,
au moment de l’examen du budget 2024,
a mis en garde le président du Sénat,
­Gérard Larcher, auprès de l’AFP, jeudi.
Une déclaration à mettre en pers­pective
avec celle, au même moment, sur LCI,
du patron des députés Les Républicains,
A
­ radié. Une fois élu, le président Ciotti
P ­ olitique, entre une majorité macroniste
avait eu la lourde tâche de recoller les
morceaux tout en étant confronté à un
double défi très compliqué : assurer la
cohésion des premières batailles
parlementaires et lancer l’immense
­
chantier d’une reconstruction interne.
Au moment d’ouvrir ces états
généraux, le député des Alpes-
­ Républicains mesurent également l’ur-
Maritimes peut compter sur plusieurs
outils nouveaux déjà mis en route ou sur
le point de démarrer : un exécutif
­resserré à la tête du parti, un shadow
cabinet, un média interne, une
­ politique où nombre de repères ont dis-
­académie de formation, un think-tank
externe ouvert sur la société civile, une
nouvelle direction de la commu­ - medi à Paris. Des témoi­gnages et une ta-
nication, un nouveau siège d’ici à
­janvier… Avec cet arsenal, le président
LR espère d’abord avoir les moyens
techniques d’un rebond, rendre la
droite plus audible dans le débat
­
Aussitôt après, une table ronde sur
l’identité de la droite sera animée
par le sénateur Bruno Retailleau et
divers intellectuels. Puis le député
Olivier Marleix tentera à son tour de
définir un cap en donnant la parole
à des personnes issues de la société
civile, témoins de certains secteurs
en crise (hôpital, ruralité, entreprise,
éducation, agriculture). Enfin, après
une séquence « humour »,
Les Républicains esquisseront
des pistes pour leur redressement
et seront invités à écouter une
conversation sur le wokisme
réunissant l’essayiste Éric Naulleau
et le sociologue Mathieu Bock-Côté.
Le mot de la fin sera confié
à Éric Ciotti, chef d’orchestre
des états généraux. E. G.
Olivier Marleix. « Nous n’allons pas
monter sur le ­Titanic », a-t-il lancé à
l’évocation d’un accord de gouver­ - ­depuis son arrivée à l’Élysée, une telle
nement.
Dès lors, d’aucuns s’interrogent en
macronie sur l’intérêt de prendre au
­sérieux les pressions de la droite. « Ils
n’ont pas réfléchi aux alternatives qu’ils
proposent en cas de censure », note le
même conseiller. Car si LR ne veut pas
rejoindre l’exécutif, il est peu probable
que le parti rêve davantage d’un retour
aux urnes… Les derniers sondages ne lui
promettant pas plus de sièges.
« À la fois notre allié
et notre principal ­opposant »
Les ­macronistes sont désarçonnés par
l’absence d’éléments de négociation
­ « Les députés LR ne doivent rien à person-
clairs posés par la droite. Une nouvelle
- forme de « ni-ni » : ni dissolution ni
coalition, qui ne permet pas aux amis du
président de cerner l’état d’esprit de
leurs interlocuteurs. « Les Républicains
nous mettent un pistolet sur la tempe,
mais on ne connaît pas bien leurs inten-
tions », constate Loïc ­Signor, le porte-
parole de Renaissance. « Ils peuvent être
à la fois notre allié et notre principal
­opposant », détaille-t-il.
FRANÇOIS BAYROU
Président du MoDem
et Haut-Commissaire au Plan
En direct du Grand Studio de RTL
DIMANCHE 12H-13H
p
naturellement très exposée et des
­oppositions radicales qui sont parvenues
à être plus visibles que Les Républicains
à l’Assemblée nationale.
Affirmer leur identité
Mais, pour retrouver leur voix, Les ­
gence de consolider leur ligne idéo­ -
logique. Ils savent qu’ils doivent
impérativement définir qui ils sont et ce
qu’ils veulent incarner sur une scène
paru. Cette urgence est d’ailleurs posée
au cœur des états généraux ­organisé sa-
ble ronde animée par le sénateur Bruno
Retailleau sont prévus pour défricher le
terrain. Les Répu­blicains veulent com-
prendre les ­raisons pour lesquelles les
électeurs les ont quittés et trouver les
moyens ­d’affirmer leur identité dans un
pays qui « n’a jamais été autant à
­droite », comme ils le martèlent.
Fragilisés par la séquence des
retraites, durant laquelle leurs divi-
­ une plateforme, françaisesfrançais.org,
sions ont été révélées au grand jour, ils
ont réussi à prendre la main sur l’im-
migration en posant leurs marqueurs
au cœur d’une urgence où les macro-
nistes et le RN ont été forcés de se posi-
tionner. Même le président d’Horizons,
Édouard Philippe, a jugé urgent d’in-
tervenir sur la question migratoire en
partageant certaines alertes lancées par
LR. Prenant acte du calendrier de
­Laurent Wauquiez, que l’on ne verra
pas samedi sur la scène du Cirque
­d’Hiver, Éric Ciotti prend soin aussi de
reporter la délicate question de la can-
didature présidentielle à une date ulté-
rieure. Ces états généraux doivent être
ceux du rassemblement. Inutile de
froisser les ambitions personnelles
avant d’y voir plus clair sur celles des
Républicains. ■
E. G.
Or, si Emmanuel Macron a été un
adepte des débauchages individuels
démarche n’apporterait plus aujour-
d’hui les mêmes bénéfices. C’est bel et
bien un bloc homogène qu’il faut
décrocher. Quelques nominations
­ cher, les trois présidents de groupes par-
­supplémentaires de barons de la droite
au gouvernement ne changeraient pas la
donne de la majorité relative au
­Parlement. Tout juste risqueraient-elles
de faire fuir un allié incontournable, le
MoDem, et de désunir le noyau dur des
macronistes, déjà échaudés par la place
prise par la droite dans le dispositif
­présidentiel.
Voire de semer un peu plus la pagaille
dans l’Hémicycle, selon un ministre :
ne, ni même à leur parti. Ce sont des
autoentrepreneurs qui ont été élus sur leur
seul nom. » Rien n’indique à ce stade
qu’un premier ministre issu de la droite
parvienne à ramener dans son giron des
francs-tireurs, galvanisés par leur
­capacité de nuisance.
L’espace qu’a réussi à retrouver LR
avec ses propositions sur l’immigration
ne facilite pas plus d’éventuelles
­négociations. ■
Ciotti : « La droite doit prendre
de la majorité actuelle et sortir
PROPOS RECUEILLIS PAR
claire conruyt £@ClaireConruyt
et emmanuel galiero £@EGaliero
ÉRIC CIOTTI est député des Alpes-
Maritimes et président des Républicains.
LE FIGARO . - Quel est le message de ces
premiers « états généraux de la droite » ?
Éric CIOTTI . - La droite est de retour ! Je
veux que ces états généraux portent un
message d’espérance pour notre famille
politique, pour la droite républicaine et,
bien au-delà, pour la France. Nous de-
vons tourner la page d’une longue série
d’échecs. Depuis quelques semaines, les
briques de la reconstruction sont posées
sur des fondations inscrites dans notre
histoire. Ces états généraux doivent
­ tons de tomber dans un retour en arrière
­porter un souffle nouveau.
L’absence de Laurent Wauquiez
et de David Lisnard, candidats potentiels
à la présidentielle, annonce-t-elle
des difficultés sur l’unité chez LR ?
La première étape régionale des états
­généraux se fera chez Laurent Wauquiez,
en Haute-Loire, dans quelques jours.
Nous sommes en phase sur les objectifs. Il
décide de sa stratégie, mais celle-ci s’ins-
crit pleinement dans une volonté d’unité
et de rassemblement. Aujourd’hui, bien
malin qui peut dire qui sera réellement
candidat à la présidentielle. Nous n’at-
tendrons pas cela pour reconstruire.
Nous serons rassemblés avec Gérard Lar-
lementaires, Olivier Marleix, Bruno Re-
tailleau et François-Xavier Bellamy, nos
militants et nos ­cadres. Ce rassemble-
ment ne doit pas ressembler à une éniè-
me réunion ponctuée par une litanie de
discours que personne n’écoute. Nous fe-
rons un état des lieux de nos faiblesses,
sans tabous, et nous poserons les balises
qui doivent guider notre chemin vers
l’Élysée, en 2027. J’ai fait un serment de-
vant les militants : Les Répu­blicains re-
trouveront la place qu’ils n’auraient ja-
mais dû quitter, c’est-à-dire la première.
Plus que jamais, je suis convaincu que
nous réussirons.
Quels sont les temps forts
de ce rassemblement ?
Nous débattrons avec des personnalités
extérieures. Samedi marque le début
d’une longue aventure qui mobilisera au-
delà de nos cadres et de nos militants jus-
qu’au ­début de l’année 2024. Nous aurons
Olivier BOST
Jim JARRASSÉ
Damien FLEUROT
Marie-Pierre HADDAD
Questions et réactions
#LeGrandJury
la ­présence de Dominique Reynié, Olivier
­abeau, Éric Naulleau, Chloé Morin,
B
Mathieu Bock-Côté… Nous dévoilerons
­
destinée à recueillir l’assentiment de l’en-
semble de nos concitoyens sur des sujets
majeurs. Je veux que nous parvenions à
affirmer une droite des idées : la baisse des
impôts, la droite de la feuille de paie et de
l’augmentation des salaires. Mais je veux
aussi fixer un objectif nouveau, inédit et
majeur : l’augmentation de l’espérance de
vie. Elle ne progresse plus, il y a un désé-
quilibre de deux ans entre la ville et les zo-
nes rurales. Et derrière ce sujet se cachent
des problématiques majeures de santé, de
prise en charge de nos aînés, d’inégalités
entre les territoires. Enfin, si tout le mon-
de s’accorde sur les défis climatiques, évi-
sur nos libertés. ZFE, ZAN, DPE… Ces
acronymes marquent une atteinte majeu-
re à nos droits individuels et un retour
inédit sur la décentralisation. Ces mesures
conçues par des bobos déconnectés
préparent un mouvement des « gilets
­
­jaunes » puissance dix.
Après vos divisions sur les retraites,
allez-vous définir une bonne fois pour
toutes la ligne idéologique de votre parti ?
Sur les retraites, il n’y a pas eu de clivages
idéologiques au sein de notre famille poli-
tique mais des différences personnelles et
de positionnement vis-à-vis du pouvoir
actuel. Tout le monde s’accordait néan-
moins pour dire qu’il y avait la nécessité
de réformer le système des retraites. Sur
d’autres sujets, comme l’immigration, il y
a une unité totale. Hier, on m’interrogeait
sur nos divisions, aujourd’hui on débat sur
nos propositions. Sur tous les sujets, nous
sommes en train de construire une mé-
thode de travail nouvelle. Je suis confiant.
Comment résoudrez-vous la question
du mode de désignation de votre
candidat ?
Pour ma part, j’ai affirmé ma position dès
mon élection, mais je ne veux pas que nos
états généraux soient perturbés par ces
débats qui arriveront le moment venu,
dans la sérénité. En revanche, j’ai été élu
sur l’idée d’une fin des primaires qui, par
deux fois, nous ont conduits à l’échec.
Sachons en tirer les conséquences avec
lucidité. Mais le choix du candidat doit
correspondre à une évidence partagée,
sinon à l’unanimité, au moins par une
écrasante majorité. Cela ne peut pas être
un coup de force ni une contrainte. Ce
PHOTO : © JOEL SAGET/AFP

tous les risques, dépasser l’immobilisme
des slogans simplistes des extrêmes »
« Moi, je suis dans l’opposition et pas dans la majorité », souligne Éric Ciotti (ici jeudi,
dans son bureau au siège du parti LR, à Paris).
n’est pas la procédure qui fera la
­candidature mais la qualité de celle qui
s’imposera naturellement.
À quoi va ressembler le bureau politique ?
Ce bureau reflétera et comprendra
­l’ensemble de nos sensibilités. Toutes les
grandes personnalités de notre mou­
­ -
vement y figureront et y seront repré-
sentées.
Vous n’avez pas réussi à convaincre les
électeurs en 2022. Pourquoi devraient-ils
croire en votre capacité à diriger le pays ? et d’autres personnalités LR,
C’est le premier défi pour nous. C’est
pourquoi, lors de nos états généraux, nous
écouterons des électeurs qui sont partis.
Tout l’enjeu est là : nous devons retrouver même temps » n’a apporté rien de bon à
de la crédibilité. Jamais le pays n’a été
autant à droite et pourtant, nous avons
« Jamais le pays n’a été autant à droite chaine
et pourtant, nous avons quitté le
pouvoir il y a plus de onze ans !
quitté le pouvoir il y a plus de onze ans !
Mais depuis nos propositions sur l’immi-
gration, je sens un frémissement. Certains
se disent que la droite n’est finalement pas tion. Je note avec regret qu’il ne nous a pas
morte. C’est le chemin qu’il faut suivre :
rompre avec les tabous. La droite doit
prendre tous les risques, dépasser l’im-
mobilisme de la majorité actuelle, sortir
des slogans simplistes des extrêmes.
Croyez-vous en un remaniement
avant le 14 juillet ?
Ce n’est pas notre sujet. Je n’ai aucun
conseil à donner à l’exécutif, empêtré
dans une situation très difficile.
Les menaces d’Olivier Marleix et de
Gérard Larcher, qui évoquent des motions
de censure LR en cas de passage en force
sur l’immigration et le budget, visent-
elles à faire pression sur l’exécutif ?
Il ne s’agit pas de pressions mais simple-
ment de cohérence de notre part. Nous
n’accepterons pas l’inacceptable alors que
notre pays est menacé par une immi­
gration de masse, source de commu­
nautarisme. Nous le voyons avec les
­atteintes à la laïcité au sein de l’école par
les islamistes, très récemment, dans ma
ville de Nice. Mais aussi une immigration
source de délinquance, puisque 25 % des
places de prison sont occupées par des
étrangers. Il est temps de dire stop et de
couper le robinet d’eau tiède.
L’exécutif doit-il écouter Nicolas Sarkozy
en assumant un virage à droite ?
Je n’ajouterai pas un commentaire à des
commentaires. Mais j’affirme que le « en
notre pays. C’est pourquoi nous propo-
sons d’en sortir avec une vraie politique de
droite, lors de la pro-
élection prési-
dentielle. Je ne suis pas
convaincu que d’ici là
» se passeront des cho-
ses décisives pour no-
tre pays. Nous avions demandé par écrit à
être reçus par Emmanuel Macron sur un
sujet d’urgence vitale qu’est l’immigra-
répondu, ni accepté de nous recevoir. Je
crois que le message est clair.
Renaissance doit plancher sur l’idée
d’un rapprochement avec la droite
le 21 juin. Que leur dites-vous ?
Cette démarche est assez ridicule, aussi
bien sur la forme que sur le fond. Moi, je
veux m’adresser à ceux qui nous ont
­quittés. Emmanuel Macron ne sera plus
candidat en 2027. Ses électeurs vont être à
la recherche d’un nouveau leader. Nous
n’arriverons pas à les convaincre par le
biais de petites combinaisons. J’ai bien lu
les propositions d’Édouard Philippe sur
l’immigration, qui propose de faire l’in-
verse de ce qu’il a fait à Matignon. Je l’ai
entendu parler de l’aide médicale d’État
(AME)… De notre côté, nous débattions
le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
Politique 7
Une première étape
symbolique sur les terres
de Laurent Wauquiez
LA RECONSTRUCTION des Répu­ - toujours défendu l’idée d’une orga­ -
blicains passera aussi par les territoires nisation des travaux faisant passer la
et celui de Laurent Wauquiez, en reconstruction des idées avant le choix
Auvergne-Rhône-Alpes, sera la d’une candidature pour 2027.
première étape d’un tour de France
­ ­Aujourd’hui, il se félicite de la nouvelle
d’environ six mois. Un choix qui, approche d’Éric Ciotti : « Il estime qu’il
­naturellement, ne doit rien au hasard. faut placer la refondation avant l­ -
Pour Éric Ciotti, il s’agit bien d’être ’incarnation et je me rallie à cette idée. »
cohérent avec une idée qu’il avait Chez LR, on sait que d’autres
­défendue dès la campagne interne de la personnalités politiques, comme le
­
présidence LR. Convaincu du rôle maire de Cannes, David Lisnard
­moteur d’une incarnation qu’il jugeait (Nouvelle Énergie), le président de
­
aussi indispensable qu’urgente, il avait ­région, Xavier Bertrand (Nous France)
plaidé en faveur de la candidature et même le député du Lot, Aurélien
« naturelle » de Laurent Wauquiez, Pradié (Du courage !), observent eux
espérant d’ailleurs que ce dernier
­ aussi la prochaine présidentielle avec
­affirmerait son leadership au sein des intérêt tout en évitant soigneusement
Républicains, sans plus tarder. Las de figer trop tôt l’affiche de la droite.
pour le patron de la droite, force est de Certains d’entre eux sont inscrits au
constater que son « candidat » a un menu de cette restauration décen­ -
autre calendrier en tête. Alors, le pa- tralisée. L’un des points d’étape
tron du parti de droite s’est adapté, ­régionaux aura donc lieu sur les terres
François BOUCHON/Le Figaro
s’efforçant tant bien que mal de « faire de Xavier Bertrand, dans la deuxième
tourner la chaudière d’un parti léthar­- moitié de septembre prochain. « Nous
gique sans capitaine », souffle un ne sommes pas là pour étouffer les
­sénateur de droite. ­sensibilités différentes », prévient le
Ainsi, cette première étape en député européen et coordinateur de
Haute-Loire, prévue début juillet,
­
marque et confirme une volonté du
Le siège des Républicains,
à Paris (15e).
patron de LR : pour l’instant, pas ques-
tion de renoncer à défendre l’option
Laurent Wauquiez pour 2027. Mais il
“ Le parti prépare
les idées et la ligne.
veut avancer avec prudence (lire en-
tretien ci-contre), mesure la complexi-
té de la question du départage qui reste
On verra qui est
le meilleur cheval
pour les incarner…
entière et fait le pari qu’une unité na-
turelle finira par se tisser autour de
cette candidature dès que celle-ci s’af-
un élu les républicains
”
d’une résolution des Républicains, portée firmera sur la scène LR. En passant, il ces événements, Geoffroy Didier,
par Véronique Louwagie, proposant de n’oublie pas de souligner aussi que le insistant
­ sur l’importance de
supprimer les dérives insupportables de sujet de l’incarnation ne devra pas être ­l’« unité ». Tout en précisant que ces
cette AME qui coûte 2 milliards d’euros. repoussé aux calendes grecques. états généraux sont bien une « piste de
Non sans surprise, j’ai constaté que les Chez Wauquiez, l’on reconnaît décollage » pour le futur leader de la
­députés Horizons s’étaient opposés à cette l’existence d’un « message politique » droite et « nos futurs candidats, quels
résolution. Nous aurons ce même débat dans le choix de cette première desti- qu’ils soient ». « Piste de décollage » ou
avec notre résolution sur la suppression nation des états généraux. Et si « les « rampe de lancement », question de
des accords de 1968 avec l’Algérie. Notre deux élus forment un duo et regardent le points de vue, sourit un élu Les Répu-
résolution a été déposée cette semaine à même horizon », confie-t-on dans blicains. « Le parti prépare les idées et la
l’Assemblée nationale et au Sénat pour l’entourage du président de région, ligne. On verra qui est le meilleur cheval
­dénoncer ces accords, alors que l’Algérie l’on prévient aussi : « Laurent se tient à pour les incarner… »
multiplie les provocations vis-à-vis de la mi-distance du parti, ce n’est pas lui qui D’ailleurs, comme Bruno Retailleau,
François Bouchon/Le Figaro
France. Quand certains parlent, d’autres en est à la tête. » Un pied en dedans, un ces élus-là prônent eux aussi le
agissent. pied en dehors. Et qui ne manque pas préalable de la reconstruction
­
d’en faire grincer quelques-uns. « Il ­idéologique. Le sénateur de la Vendée
François Bayrou s’oppose à tout virage n’en a rien à faire de LR, il n’y croit plus voit même une « preuve » de ce qu’il
à droite de l’exécutif. Y voyez-vous une du tout, siffle un parlementaire. Pour soutient dans les dernières démons­-
menace adressée à Emmanuel Macron ? lui, rien ne se construit dans le parti, tout trations de force des Républicains sur
Moi, je suis dans l’opposition et pas dans la se construit hors du parti. » l’immigration. « Nous avons montré
majorité. J’observe avec amusement la Au Sénat, avant de se lancer notre capacité à bousculer les habitudes,
compétition qui s’ouvre dans la majorité ­lui-même dans la course à la prési­- à enjamber le mur du politiquement
pour l’après-Macron. Elle ne nous dence LR sur le thème de la rupture, ­correct. C’est donc bien sur le terrain des
­concerne pas. Bruno Retailleau avait souhaité que idées que nous pouvons être utiles.
Laurent Wauquiez prenne les rênes du ­Comme le disait Charles Péguy, tout ce
Élisabeth Borne a souligné dans Le Figaro parti LR. Mais sur la question du qui élève unit ! » ■
- votre absence de signaux en faveur candidat à la présidentielle, il avait
­ c. C. et E. G.
- d’une coalition. Que lui répondez-vous ?
D’éviter de donner des leçons à une droite
qui assume ses responsabilités. Si nous
n’avions pas été au rendez-vous de la
­cohérence et de la responsabilité, il n’y
aurait pas eu de réforme des retraites. Le
reste n’est que posture. Nous aurons la
même position sur la dérive de nos
­finances publiques, sur le chaos migra­-
toire. Libre au gouvernement de venir sur
ce terrain. Nous posons les sujets au grand
jour. Ils sont vitaux pour sortir la France
de l’urgence absolue dans laquelle elle se
trouve. Pour parler à la droite, il ne suffit
pas d’aller dans les colonnes du Figaro,
même si cela est une bonne chose. Il faut
surtout avoir le courage d’appliquer une
politique utile pour le pays.
La première ministre évoque
des adaptations possibles sur l’une
de vos lignes rouges, la régularisation
des étrangers pour les métiers en tension…
Il n’y a pas d’adaptation ou d’accom­
modement possibles, juste la suppression
-
de cette mesure qui est l’inverse de ce qu’il
faut faire. Notre politique migratoire est la
plus généreuse d’Europe. Il faut adresser
un message à ceux qui veulent venir en
France : ce n’est pas dans notre pays qu’ils
trouveront l’eldorado le plus favorable.
Arrêtons avec ces appels d’air. Près de
5 millions de Français sont inscrits à Pôle
emploi. Travaillons d’arrache-pied pour
les orienter vers ces métiers en tension
plutôt que d’imaginer une main-d’œuvre
bon marché d’origine irrégulière.
Mais que dites-vous
aux entreprises concernées qui sont
en attente de solutions urgentes ?
Que les métiers en tension relèvent d’une
vraie politique de l’emploi et des rému­-
nérations. Cela n’est en aucun cas un
­problème migratoire. Adresser ce messa-
A
ge de régularisation est irresponsable et
­dangereux. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
8 Politique
Animal médiatique ou fardeau politique ?
L’embarrassante Marlène Schiappa
La secrétaire d’État,
mise en cause dans
le fonds Marianne,
est fragilisée.
dinah cohen £@DinahCohen
gouvernement Lorsqu’on déroule le
fil Instagram de Marlène Schiappa, on
trouve de tout. Des inaugurations fai-
tes dans le cadre de ses fonctions, des
photos de vacances en Corse, des por-
traits d’Emmanuel Macron… Des ap-
paritions médiatiques aussi, très fré-
quentes depuis son arrivée au
gouvernement, il y a six ans. Dans les
dernières publications, il y a même la
récente une que Libération lui a consa-
crée : « Calamity Schiappa ». Le titre
est tout sauf flatteur, mais qu’importe.
Il n’y a pas de mauvaise publicité.
L’essentiel, c’est qu’on parle d’elle.
Partout, tout le temps. Encore plus
quand ladite une la décrit notamment
comme la protégée du président, dans
une période où la macroniste de la
première heure voit son étoile pâlir.
Celle qui aime être sous les feux des
projecteurs est en effet sommée depuis
plusieurs semaines de faire la lumière
sur son implication dans la gestion du
fonds Marianne, lancé en avril 2021 à
la suite de l’assassinat de Samuel Paty
pour subventionner des associations
prôneuses de valeurs républicaines sur
les réseaux sociaux. Marlène Schiappa
est à l’époque ministre déléguée en
charge de la Citoyenneté. Deux ans
plus tard, elle est devenue secrétaire
d’État chargée de l’Économie sociale et
solidaire, et l’objet politique qu’elle a
tant promu sur les plateaux télé lui re-
vient comme un boomerang. Des
soupçons autour de deux associations
ont motivé le Parquet national finan-
cier à demander l’ouverture d’une en-
quête pour détournement de fonds ; sa
responsabilité est questionnée.
« Déterminée »
Depuis, la gauche appelle quotidien-
nement à sa démission. L’audition de
trois heures menée par les sénateurs
dans le cadre d’une commission d’en-
quête parlementaire, le 14 juin, l’a
mise en difficulté. La famille de Samuel
Paty a déploré le fait que la ministre
« tente de dégager sa responsabilité »,
qualifiant de « purement et simplement
abject » qu’un fonds associé au nom du
professeur décapité puisse avoir fait
l’objet de détournement.
Mais Marlène Schiappa ne se débine
pas. « Je ne suis en aucun cas fragilisée
et je ne suis pas une personne à regret-
ter les choses. Ça fait six ans que je suis
membre du gouvernement, c’est mon
troisième ministère, et il ne s’est jamais
passé un mois sans qu’on dise : Marlène
Schiappa fait scandale, est-ce qu’elle va
tenir ? », confiait la ministre au Figaro
fin avril, alors que l’affaire commen-
çait tout juste à faire réagir. « Il y a des
règles qu’il serait utile de clarifier, je
suis demandeuse des conclusions de vo-
tre commission d’enquête », a-t-elle
soutenu face aux sénateurs mercredi.
Au lendemain de cette audition, elle
résume son état d’esprit en un mot :
« déterminée ».
D’aucuns, dans le camp de la majo-
rité présidentielle, l’imaginent pour-
tant tirer sa révérence. Bien que les
deux polémiques n’aient rien à voir, le
fonds Marianne et la pose de la minis-
tre sur la une de Playboy diffusée en
mars dernier ont terminé de nourrir
les arguments de ses détracteurs. Les-
quels les distillent avec gourmandise,
mais toujours sous anonymat. Parce
�/�
que Marlène Schiappa reste Marlène
Schiappa et que les macronistes préfè-
Le
MATHILDE
MUNOS
5H / 7H
TOUS LES LUNDIS À 6H44,
HISTOIRES POLITIQUES
AVEC ARTHUR BERDAH,
JOURNALISTE POLITIQUE
A
AU
rent ne pas se mettre à dos ce « per-
sonnage », comme certains la décri-
vent, qui effraie et fascine à la fois.
Celle dont le style ne sied à personne
d’autre. « Un mélange entre Nadine
Morano et Ségolène Royal, avec la vul-
garité de l’une et le pif politique de
l’autre », selon les mots d’une obser-
vatrice aguerrie.
Marlène Schiappa a posé le décor dès
ses débuts en politique, faisant de son
« tempérament » sa marque de fabri-
que. Nommée à 34 ans au gouverne-
ment pour entrer en tant que secrétai-
re d’État chargée de l’Égalité femmes-
hommes, elle s’impose avec un CV peu
commun dans les hautes sphères poli-
tiques : une fonction d’adjointe au
maire socialiste du Mans, un blog
« Maman travaille » pour mettre en
valeur et en contact les femmes entre-
preneuses ou salariées et près de dix li-
vres au compteur. Parmi lesquels Osez
l’amour des rondes (Éditions La Musar-
dine, 2010) et Où sont les violeurs ? Es-
sai sur la culture du viol (Éditions de
L’aube, 2017). En pleine ascension du
mouvement #MeToo de libération de
la parole des femmes, venu des États-
Unis, la ministre veut devenir le visage
de ce qui est présenté comme « la
grande cause du quinquennat ».
Alors elle donne à voir. Elle annonce
d’abord qu’elle ne sera « pas la minis-
tre des féministes » mais celle de
« l’égalité ». Ce qui lui vaut de premiè-
res tensions avec les associations du
secteur. Puis elle se met en scène tra-
versant de nuit, en robe d’été, le quar-
tier de La Chapelle à Paris, réputé pour
être un haut lieu du harcèlement de
rue. Quelques photos sont publiées sur
Twitter, accompagnées de cette légen-
de : « Les lois de la République protè-
gent les femmes, elles s’appliquent à
toute heure et en tout lieu. » La ministre
Marlène Schiappa, secrétaire
d’État chargée de l’Économie
sociale et solidaire, est sommée
depuis plusieurs semaines
de faire la lumière sur son implication
dans la gestion du fonds
Marianne, créé en 2021
à la suite de l’assassinat
de Samuel Paty.
Blondet Eliot/ABACA
est accusée de remettre en cause la pa-
role des femmes qui ont dénoncé l’in-
sécurité dans ces rues. Le message ne
passe pas. Les photos sont retirées.
Intime de Brigitte Macron
Marlène Schiappa comprend rapide-
ment comment fonctionne la machine
médiatique. « Travailler pour un minis-
tre qui aime la communication, c’est
rare. Elle avait une impulsion politique
assez surnaturelle qui lui permettait de
sentir les sujets », raconte Caroline Du-
chêne, conseillère pendant cinq ans et
restée proche. Pour donner de l’écho à
ses sujets, la ministre multiplie les ca-
naux et veut parler à tout le monde.
Elle contacte Cyril Hanouna, fait plu-
sieurs apparitions dans ses émissions
et finit par coordonner à ses côtés un
« grand débat national » dans « Tou-
che pas à mon poste !» sur C8, dans la
continuité de la crise des « gilets jau-
nes ». Seule membre du gouverne-
ment à accepter l’invitation, elle par-
ticipe plus tard au « grand débat des
valeurs » organisé par Valeurs actuel-
les. Ses sorties font presque systémati-
quement polémiques. Au moins, plai-
de-t-on dans son entourage, tout le
monde sait qui est Marlène Schiappa.
De toute façon, la ministre n’est pas
là pour se faire des amis. Ses vrais pro-
ches, elle les compte sur les doigts de
la main et les tient de son enfance.
L’important, c’est qu’elle puisse se re-
poser sur quelques précieux soutiens.
À commencer par le président lui-mê-
me, qu’elle défend corps et âme dès
que l’occasion lui en est donnée. Elle
est aussi intime de Brigitte Macron et
s’est prise d’affection pour la femme
d’Alexis Kohler, l’influent secrétaire
général de l’Élysée. Les deux femmes
se sont rencontrées pendant la pre-
mière campagne présidentielle, alors
que Sylvie Kohler offrait gracieuse-
ment ses services de coach. Le courant
est vite passé.
Et puis il y a Gérald Darmanin.
Quand Marlène Schiappa quitte mal-
gré elle l’Égalité femmes-hommes
pour rejoindre Beauvau à la Citoyen-
neté, la transition est difficile. Les ru-
meurs disent même que les relations
avec sa successeur, Élisabeth Moreno,
sont déplorables tant la ministre
continue d’occuper l’espace médiati-
que sur ses anciens sujets. « Elle lui a
fait tous les sales coups imaginables, il
n’y avait aucune sororité », dénonce
sans détour un conseiller ministériel.
« Les relations n’étaient pas mauvai-
ses, elles étaient simplement inexistan-
tes », défend l’entourage de Marlène
Schiappa. Mais la ministre trouve un
important soutien à l’Intérieur,
auprès de la bête noire des féministes
- bien que la plainte pour viol visant
Gérald Darmanin ait finalement dé-
bouché sur un non-lieu. Elle vante les
qualités de son ministre de tutelle et
devient à ses côtés la nouvelle « Mme
Laïcité ». C’est là qu’elle lance le
fonds Marianne qui lui vaut aujour-
d’hui d’être mise en cause.
Lorsqu’elle n’est pas reconduite
dans le premier gouvernement du se-
cond quinquennat d’Emmanuel Ma-
cron, l’ex-indéboulonnable se fait dis-
crète, part deux mois seule à New York
puis revient. L’Élysée l’a rappelée pour
lui proposer le poste de secrétaire
d’État à l’Économie sociale et solidai-
re. « J’ai accepté de revenir car le prési-
dent me l’a demandé et pour participer
à l’aventure d’une femme à Matignon
pour la première fois depuis trente
ans », fait-elle valoir.
La fonction offre moins de visibilité
et ses apparitions sont plus rares. Mar-
lène Schiappa s’affiche tout de même
dans Paris Match, en mars dernier.
« Coup de foudre à Manhattan », titre
l’hebdomadaire qui officialise sa nou-
velle relation avec un homme rencon-
tré à New York lors d’un sommet de
l’ONU. Puis vient la une de Playboy. La
proposition lui avait été faite une pre-
mière fois lorsqu’elle était à Beauvau,
mais les « sujets tragiques » dont elle
s’occupait ne lui avaient pas semblé
compatibles avec l’exercice. Le maga-
zine de charme reprend contact quel-
ques mois plus tard, Marlène Schiappa
accepte, le numéro sort en pleine
contestation de la réforme des retraites.
Pour beaucoup, c’est le coup de
communication de trop. Élisabeth
Borne la recadre publiquement, la
nouvelle ministre de l’Égalité femmes-
hommes, Isabelle Rome, la charge
dans Le Figaro. Gérald Darmanin, lui,
n’oublie pas sa loyauté sans faille. Il lui
accorde qu’« être une femme libérée,
c’est pas si facile », en référence à la
chanson de Cookie Dingler, et réitère
son appui. Lorsque Le Figaro l’interro-
ge à nouveau au lendemain de son
audition par les sénateurs, son entou-
rage tient à souligner qu’il demeure
« très en soutien » de sa collègue.
« C’est une punaise »
Une députée raconte aussi avoir été
approchée par son cabinet pour la dé-
fendre publiquement. Mais lorsque la
une est diffusée, peu de parlementaires
sont prêts à se jeter dans la fosse aux
lions. Au contraire. Ils se plaisent à
l’imaginer sur la sellette, touchant du
doigt la fin de l’ère Schiappa. « Mar-
lène Schiappa fait du mal à la politique
depuis qu’elle existe. C’est de l’escro-
querie intellectuelle », étrille alors un
cadre de la majorité. « C’est la ministre
la plus détestée du groupe », lâche un
élu proche d’Emmanuel Macron.
Voici venue l’heure des paris. Certes,
Élisabeth Borne a montré un soutien ef-
frité en préférant dans les colonnes du
Figaro ne pas faire de commentaire et
renvoyer aux procédures en cours.
Mais, au fond, soulignent des macro-
nistes, Marlène Schiappa n’est judiciai-
rement accusée de rien. Et dans un
contexte de majorité relative où une
grande partie des membres du gouver-
nement se voient reprocher leur man-
que de visibilité, rares sont les animaux
médiatiques de son calibre. « Elle a une
force de frappe qui est dingue. Et quand
quelqu’un est très connu, c’est plus facile
de lui mettre des mots dans la bouche
pour les faire entendre aux Français,
souffle en ce sens une conseillère. La
vérité, c’est qu’actuellement personne ne
peut faire ce qu’elle fait. Moi, c’est limite
si je ne dois pas épeler le nom de mon mi-
nistre quand je parle aux journalistes… »
Marlène Schiappa est en plus connue
pour son franc-parler, parfois impré-
visible. Elle le revendique et évoque à
l’envi ses origines corses qui « définis-
sent » son caractère. « Pour moi, c’est
toujours mieux de se dire les choses les
yeux dans les yeux », rappelle-t-elle
régulièrement à l’attention de ceux qui
l’étrillent en privé. Qui sait, donc, ce
que pourrait déclarer la ministre si elle
quittait le gouvernement ? « Elle
connaît la machine par cœur, et quand
elle parle tout le monde écoute. Si de-
main elle sort, on la retrouve tous les
soirs à la télé en train de torpiller le
gouvernement », prédit une élue.
« C’est une punaise, elle va rester jus-
qu’au bout. Si elle ne veut pas s’en aller,
elle restera », lâche carrément un
poids lourd de la majorité. Le même
qui, face caméra, dit s’abstenir de tout
commentaire. Énième preuve que
Marlène Schiappa, même affaiblie,
continue de cultiver son influence. ■
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

International 9
Adrien Jaulmes £@AdrienJaulmes
Correspondant à Washington

DIPLOMATIE Le secrétaire d’État

américain Antony Blinken se rend à
Pékin pour tenter de stabiliser les re-
lations entre les États-Unis et la
Chine, mais les diplomates n’atten-
dent guère d’avancées significatives.
Le seul succès de cette visite pourrait
être qu’elle ait eu lieu. Le voyage en
Chine de Blinken, le premier depuis
son entrée en fonction, avait été re-
porté en février dernier après la
mini-crise du ballon espion chinois
repéré puis abattu au-dessus du ter-
ritoire américain. Il a de nouveau
failli être remis en question par les
récentes révélations sur l’existence
d’une station d’écoute militaire
chinoise à Cuba.
Ces deux incidents résument le
niveau de défiance réciproque entre
les deux grandes puissances. Depuis
la dernière visite d’un chef de la di-
plomatie américaine en 2018, les
deux pays ont vu leurs relations se
détériorer de façon accélérée, et res-
semblent à présent beaucoup à celles
qui existaient entre les deux blocs à
l’époque de la guerre froide.
Washington veut enrayer cette Le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, effectue son premier voyage officiel en Chine. Ici, le 31 mai, à son arrivée pour un sommet de l’Otan, à Oslo (Norvège). NTB/via REUTERS
dégradation et éviter qu’une crise

À Pékin, Blinken veut apaiser

n’éclate et débouche sur un conflit.
« Nous venons à Pékin avec une ap-
proche réaliste et confiante et un d
­ ésir
sincère de gérer notre rivalité de la
manière la plus responsable possible »,

les relations avec la Chine

a expliqué Kurt Campbell, conseiller
adjoint du président américain et
coordinateur des affaires indo-paci-
fiques. « Nous sommes en compétition
avec la Chine, mais nous ne cherchons
pas la confrontation ou une nouvelle
guerre froide », a-t-il ajouté.
La « question de Taïwan »
Les États-Unis voudraient notam-
ment établir une ligne de communi-
cation militaire directe, pour éviter
qu’un incident ne déclenche une es-
calade incontrôlable. La Chine, qui a
ces derniers mois raidi l’attitude de
ses forces navales et aériennes en mer
de Chine, considère que fournir un
moyen de désescalade à Washington
ne ferait qu’encourager des compor-
tements américains que Pékin consi-
dère comme étant les véritables pro-
vocations. Les Chinois préfèrent
laisser les Américains dans l’incerti-
tude pour qu’ils réalisent les risques
qu’ils prennent.
« Les questions liées à Taïwan sont
les plus difficiles et les plus sensibles »,
a reconnu Daniel Kritenbrink, secré-
taire d’État adjoint aux affaires est-
Le secrétaire d’État américain espère établir une ligne de communication militaire directe.
asiatiques et pacifiques « et le secré-
« Nous
sommes en
taire d’État réaffirmera l’intérêt
constant des États-Unis pour le main-
tien de la paix et de la stabilité dans le
compétition détroit ». Ce message a peu de chan-
avec la Chine, ces de plaire à Pékin. La semaine der-
nière, Qin Gang, le ministre chinois
mais nous des Affaires étrangères, avait préve-
ne cherchons nu Blinken lors d’une conversation
pas la téléphonique que les États-Unis de-
vaient cesser de s’ingérer, et respec-
confrontation ter les préoccupations chinoises sur
ou une la « question de Taïwan ».
nouvelle L’alliance entre la Chine et la Rus-
sie, et son soutien tacite à l’invasion
guerre de l’Ukraine, mais aussi la question
froide »
Kurt Campbell,
des citoyens binationaux sino-amé-
ricains détenus en Chine, et le trafic
conseiller adjoint de Fentanyl, drogue de synthèse fa-
de joe biden briquée grâce à des produits pharma-
ceutiques chinois, et qui fait des ra-
vages aux États-Unis, seront aussi
évoqués pendant la visite. Mais la di-
plomatie chinoise considère que le
principal problème reste l’attitude
américaine.
Réarmement naval
Si l’Administration Biden a rompu
avec les discours agressifs de l’épo-
que Trump, sa politique vis-à-vis de
la Chine a continué celle de son pré-
décesseur, en plus efficace. Une in-
tense activité diplomatique dans la
région Indo-Pacifique a permis à
Washington de multiplier les allian-
ces face à la Chine dans la région.
L’Administration a entrepris son
réarmement naval, et passé une loi
privant Pékin de l’accès aux micro-
processeurs les plus avancés. Joe
­ iden lui-même a, à plusieurs repri-
B
ses, affirmé que les États-Unis vien-
draient en aide à Taïwan en cas d’in-
vasion chinoise, rompant ainsi,
malgré les démentis répétés du
Dépar­ tement d’État, avec l’ambi-
guïté stra­tégique américaine sur la
question.
Mais les liens économiques entre
les deux puissances les placent dans
une situation bien différente de celle
qui existait entre les États-Unis et
l’URSS. La Chine a récemment reçu
chaleureusement des représentants
de l’industrie américaine, comme
Elon Musk ou Bill Gates. Antony
Blinken, dont les premiers contacts
avec ses homologues chinois à An-
chorage en mars 2021 avaient été gla-
ciaux, ne devrait pas être accueilli
avec le même enthousiasme.
Si Blinken a peu à gagner dans cet-
te visite, il peut néanmoins y perdre.
Les Chinois risquent de la présenter
comme une victoire diplomatique, et
son kowtow, allégeance exigée des
dignitaires étrangers à l’époque de la
Chine impériale, comme une valida-
tion de la politique chinoise de
confrontation. Le voyage risque aussi
d’être critiqué par les républicains
américains, qui voient dans les tenta-
tives de l’Administration Biden de
rétablir un dialogue minimal une
dangereuse politique d’apaisement.
En campagne électorale, tout signe
d’accommodement, même mineur,
avec la Chine est présenté comme un
signe de faiblesse. ■

en bref
Dans l’est de l’Allemagne, Nottingham : le suspect
accusé de meurtres

le difficile travail de mémoire Le suspect de l’attaque

Trois ouvrages consacrés à l’ex-RDA, parmi les plus vendus
dans le pays, ravivent des polémiques sur cette période de l’histoire.
David Philippot
Berlin
Europe Ce fut le premier écrase-
ment armé de l’ancien « bloc de
l’Est ». Et le plus méconnu. Avant
Budapest (1956), Prague (1968) et
Gdansk (1980), il y eut Berlin en
1953 : au moins 55 morts et
15 000 arrestations. Des victimes de
la répression à la suite d’émeutes dé-
clenchées sur la Stalinallee par les
ouvriers construisant les immeubles
de cette grande artère d’allure sovié-
tique. Des images en noir en blanc
montrent les travailleurs en combi-
naison blanche converger vers le
siège du SED, le Parti communiste de
RDA. La mort de Joseph Staline, trois
mois plus tôt, avait laissé place à une
période de flottement.
L’espoir du printemps est douché
par l’annonce de Walter Ulbricht,
premier secrétaire du SED : une
augmentation de 10 % des cadences
de travail, sans augmentation de sa-
laire, pour atteindre les objectifs du
plan quinquennal. Le 16 juin,
300 ouvriers protestent dans Berlin.
Le lendemain, dans 700 localités de
RDA, un million de manifestants ré-
clament la liberté et des élections li-
bres. Ulbricht appelle les Soviéti-
ques à la rescousse. Les chars T-34
qui ont libéré la capitale allemande
«La répression brutale aura eu de
lourdes conséquences pour l’histoire
de l’Allemagne contemporaine »,
éclaire Hélène Miard-Delacroix,
professeur à Sorbonne Université.
« On le sait maintenant par les ar-
chives : cela a été un traumatisme
pour le régime, car sa base, les
ouvriers, se retournèrent contre lui.
Cela a renforcé la paranoïa de la Sta-
si », la police politique. La crainte
d’ennemis intérieurs fomentant le
renversement du régime se voit,
elle aussi, renforcée.
Repeindre l’histoire
« en couleurs pastel »
Les communistes désabusés citent
le poème grinçant de Bertolt
Brecht, La Solution : « Ne serait-il
pas plus simple que le gouvernement
dissolve le peuple et en élise un
autre ? » Dans la foulée, la RFA fait
du 17 juin la date de sa fête nationale
jusqu’à la réunification puis Berlin
rebaptisera « Strasse des 17. Juni »
l’avenue qui part de la porte de
Brandebourg. Selon un sondage ré-
cent commandé par la Fondation
Aufarbeitung, un Allemand de l’Est
sur deux et quatre Allemands de
l’Ouest sur dix connaissent la date
de ce soulèvement populaire.
La répression qui s’ensuivit
poussa davantage d’Est-Allemands
vers l’exil, ce qui entraîna la
pourquoi les Allemands de l’Est ont
mis aussi longtemps avant de redes-
cendre dans la rue, pour participer à
la révolution pacifique de 1989 »,
abonde Evelyn Zupke, déléguée au
Bundestag aux victimes de la dicta-
ture du SED.
Cette mémoire encore mal cica-
trisée trouve une illustration dans la
liste des meilleures ventes de livres
du premier semestre. Trois ouvra-
ges consacrés à l’ex-RDA font cou-
ler beaucoup d’encre. L’essai le plus
polémique, Beyond the Wall, a
d’abord été publié en anglais par
Katja Hoyer, fille d’un ancien offi-
cier de l’armée est-allemande et
historienne au King’s College de
Londres. L’ouvrage, dont le sous-
titre en allemand signifie « une
nouvelle histoire de la RDA », dé-
chaîne les commentaires.
Les critiques accusent l’auteur du
pire de révisionnisme, au mieux de
repeindre l’histoire « en couleurs
pastel ». L’auteur se défend de tou-
te « nostalgie », mais, dit ne pas
croire qu’on puisse « résumer l’his-
toire de la RDA aux actes de la Sta-
si ». Dans le journal Der Spiegel,
une autre historienne de l’Est,
Franziska Kuschel, canarde : « Le
sort d’une partie des Allemands de
l’Est déclarant dans les sondages se
sentir jusqu’à aujourd’hui comme
des “citoyens de seconde classe” ne
est-allemande en lui contant la fable
d’un bonheur harmonieux. »
Dans cette région du pays où
l’Alternative pour l’Allemagne,
première force politique selon les
derniers sondages, attise les frus-
trations, « on marche sur les œufs
avec la mémoire », confirme Hélène
Miard-Delacroix. Dans son dis-
cours de commémoration au Bun-
destag jeudi dernier, le président
fédéral Frank-Walter Steinmeier a
pointé du doigt « les populistes qui
assimilent la démocratie d’aujour-
d’hui à la dictature d’hier ».
Sur le terre-plein central de l’ave-
nue Unter-den-Linden, une exposi-
tion provisoire consacrée au 17 juin a
pris place juste à côté des militants
pro-Ukraine se relayant pour pro-
tester sous les fenêtres de l’ambassa-
de de Russie. Un des panneaux mon-
tre une photo d’une autre exposition
« pas
montée dès l’été 1953 à Berlin-Est :
les manifestants y sont qualifiés de
« fascistes » par le régime. La légen-
de commente : « Les parallèles dans
le choix des mots avec les justifica-
tions actuelles de la guerre d’agres-
sion russe contre l’Ukraine ne sont
au couteau de Nottingham,
qui a fait trois morts, a été
inculpé vendredi pour
ce triple homicide, pas
pour une action terroriste.
Darfour : l’ONU dénonce
les exactions des FSR
Les meurtriers d’un
gouverneur du Darfour,
au Soudan, « doivent rendre
des comptes », exige l’ONU,
qui pointe du doigt les FSR,
Lors de l’insurrection les Forces de soutien rapide
du 17 juin 1953 du général Mohamed
à Berlin-Est. Hamdane Daglo, en guerre
STR/Bridgeman Images avec l’armée dans ce pays.
Accord consulaire
entre Israël et la Russie
Israël et la Russie ont
annoncé vendredi
la conclusion d’un accord
mettant fin à un litige
immobilier à Jérusalem,
aux termes duquel Moscou
ouvrira une section
consulaire dans la Ville
sainte, enjeu clef du conflit
israélo-palestinien
Londres : Boris Johnson
redevient éditorialiste
Ne serait-il
plus
L’ancien premier ministre
britannique, Boris Johnson,
récemment contraint
simple que le à la démission de son mandat
gouvernement de député, alors que
le Parlement dénonçait
dissolve son attitude et
le peuple ses mensonges lors
et en élise du confinement pendant
un autre ? » la pandémie de Covid,
A

du nazisme tournent leur canon construction du mur. « Le trauma- sera pas amélioré par le fait qu’un li- pas un hasard, mais un modèle de a été embauché comme
vers la foule, armée de pavés. tisme lié à ces insurrections explique vre caresse rétrospectivement l’âme propagande bien rodé. » ■ bertold brecht éditorialiste par le Daily Mail.
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
10 International
Après le drame,
la Grèce vit mal d’être
seule montrée du doigt
Le naufrage le plus meurtrier de ces dix dernières années met
en cause les gardes-côtes grecs, mais aussi Frontex et l’Europe.
Alexia Kefalas £@alexiakefalas
Athènes
Immigration Alors que les recherches
d’éventuels survivants du naufrage de
Pylos, rendues difficiles par le mauvais
temps, se sont arrêtées, l’effroi se pro-
page dans toute la Grèce. Selon Hans
­Leijtens, directeur exécutif de Frontex,
l’agence européenne de surveillance des
frontières, quelque 600 personnes
étaient à bord de ce vieux chalutier égyp-
tien rouillé, habitué des bords du Nil,
parti vendredi dernier, pour récupérer
les migrants à Tobrouk en Libye, et pren-
dre la direction de l’Italie, avant de som-
brer, en quinze minutes, dans les eaux
internationales à 87 km au large de Pylos,
un port de la péninsule du Péloponnèse.
La majorité des 104 survivants, âgés
de 16 à 40 ans, a été transférée au centre
d’accueil pour migrants de Malakasa,
au nord d’Athènes, pour identification.
Leurs témoignages sont glaçants sur
cette traversée de la mort. « Ils sont
sous le choc, traumatisés mais gardant
espoir de retrouver leurs proches. En at-
tendant, la colère prime. Ils ont immé-
diatement dénoncé les neuf passeurs à la
police, qui les a interpellés », affirme
Lora Pappa, de l’ONG Metadrasi. Ces
neuf personnes sont accusées de « par-
ticipation à une organisation criminel-
le », dans le cadre de l’enquête diligen-
LOUISA GOULIAMAKI/AFP, STELIOS MISINAS/REUTERS
Manifestation, le 15 juin, à Athènes, après le naufrage de Pylos. À droite, les corps des migrants décédés sont débarqués par les gardes-côtes dans le port de Kalamata, le 14 juin.
Plus de 27 000 morts en Méditerranée depuis 2014
Munich
Océan
FRANCE
Atlantique
Madrid
Barcelone
ESPAGNE
Méditerranée
Alger
Rabat
Casablanca
MAROC
ALGÉRIE
Franchissements irréguliers aux frontières
extérieures de l’UE détectés de janvier à mai 2023
Méditerranée centrale
Balkans occidentaux 30 717
Méditerranée orientale 10 285
Îles Canaries 4 329
Méditerranée occidentale 4 329
Frontière orientale 4 329
MALI
Vers le Royaume-Uni 15 855
Nombre de migrants décédés lors
de naufrages en mer depuis 2014.
Chaque point représente un naufrage
800
250
A
100
tée par la justice grecque et seront en-
tendues lundi par le procureur.
Les autres mis en cause sont les gar-
des-côte grecs, auxquels il est demandé
des comptes, pour ne pas avoir fait le né-
cessaire, semble-t-il, pour éviter ce dra-
me. Plusieurs ONG mettent directement
en cause leur rôle le soir de la tragédie,
qui a tué 78 personnes et sans doute em-
porté 500 autres personnes. Selon Vin-
cent Cochetel, du Haut-Commissariat
aux réfugiés (HCR), « les survivants affir-
ment que le bateau a été tiré par les gar-
des-côtes helléniques, pour être dirigé,
non pas vers les côtes grecques, mais en
dehors de la zone de secours en haute mer,
vers la zone de responsabilité italienne ».
Si cela est vérifié, il s’agirait d’une viola-
tion du droit international imposant l’as-
sistance à personne en danger.
Tension diplomatique
Les gardes-côtes grecs ont immédiate-
ment réagi en affirmant qu’ils s’étaient ef-
fectivement approchés de ce chalutier
rouillé et avaient tenté de le remorquer en
envoyant une corde « afin de se rappro-
cher », mais qu’ils avaient essuyé un refus,
avant de repartir. Ilias Siakandaris, porte-
parole du gouvernement grec i­ ntérimaire,
croit savoir que les gardes-côtes « ont in-
formé les personnes à bord qu’elles étaient
en danger et qu’elles ne pourraient pas at-
teindre la côte italienne. Mais les migrants
répondaient “no help, go Italy”, pas besoin
Paris
Milan
ITALIE
Rome Lieu du
naufrage
Naples
GRÈCE
18 avril 2015
Mer 800 morts
Palerme
Tunis
Lampedusa (It.)
MALTE
TUNISIE
Benghazi
Tripoli
50 318
LIBYE
NIGER TCHAD
Limite de zone Principales routes migratoires
économique
exclusive (ZEE) Territoire libyen sous contrôle
du gouvernement de Tobrouk
ZEE grecque du général Haftar
zones désertiques
d’aide, nous allons en Italie. Cela s’est pro-
duit deux heures avant la tragédie ». Les
gardes-côtes grecs auraient continué
d’observer le navire à distance, mais « il
s’est retourné et a coulé en moins de quinze
minutes, engloutissant littéralement les
passagers, dont aucun ne portait de gilet de
sauvetage, à une telle vitesse, que les gar-
des-côtes ne semblent pas avoir eu le temps
d’arriver pour éviter le pire. Ils auraient se-
couru ceux qui avaient eu le temps de
s’éjecter du chalutier », a­ ffirme un officiel.
N’empêche, Kostas Margelis, président
du barreau de Kalamata, a demandé une
enquête supplémentaire, signifiant que
« les autorités portuaires grecques portent
d’énormes responsabilités pénales. La scène
s’est passée dans les eaux internationales,
mais sous responsabilité grecque, alors
pourquoi ces personnes n’ont pas été sau-
vées ? Les gardes-côtes avaient l’obliga-
tion, selon les règles édictées par l’article
299-15 du code pénal grec, de monter à bord
du bateau, et vérifier s’il ne transportait pas
des substances ou du matériel illicite. Ainsi
ils auraient pu procéder au sauvetage de ces
migrants en déclarant le bateau en danger.
Un crime qui doit être puni ! »
Le malaise est perceptible au sein de la
classe politique grecque, qui a repris la
campagne pour les élections générales du
25 juin, après le décret des trois jours de
deuil national. « Il ne faut pas accuser les
gardes-côtes grecs uniquement », tempère
Evangelos Apostolakis, candidat du parti
ROUMANIE
Mer Noire
BULGARIE
Istanbul
Ankara
TURQUIE
Alep
Athènes SYRIE
LIBAN
CHYPRE
ISRAËL
Tobrouk
Le Caire
Itinéraire du bateau
de pêche naufragé le 9 juin
ÉGYPTE
SOUDAN
500 km
Sources : Frontex ;The Missing Migrants
Project, Organisation internationale pour les
migrations ; Marine Regions ; Risk Intelligence
Infographie
Un survivant syrien secouru
lors du naufrage au large
de Pylos retrouve son frère
au port de Kalamata, le 16 juin.
sTELIOS MISINAS/REUTERS
de la gauche radicale Syriza et ancien chef
des armées. « Les gardes-côtes italiens,
prévenus au même moment que leurs collè-
gues grecs par Frontex, lundi, n’ont rien fait
non plus pour les secourir », insiste-t-il.
À Athènes, on souligne que les recher-
ches en mer ont été effectuées unique-
ment par des moyens grecs, sans aucune
contribution de l’Italie ou de l’Union
européenne. La classe politique helléni-
que s’exaspère des « manœuvres italiennes
pour forcer l’Union européenne à proposer
un accord à la Libye, sur le modèle de celui
conclu en mars 2016 avec la Turquie, visant
à limiter l’arrivée de migrants contre 6 mil-
liards d’euros ». La tension diplomatique
entre la Grèce et l’Italie est ainsi montée
d’un cran ces dernières heures. ■
Des élus prônent une opération européenne de sauvetage en mer
solenn Paulic £@SolPaulic
bruxelles
LA QUESTION revient à chaque drame :
l’Union européenne aurait-elle pu pré-
venir des tragédies en mer comme celle
qui vient de coûter la vie, selon un bilan
provisoire, à 78 personnes au large de la
Grèce ? Trois mois à peine après le nau-
frage de Crotone, au large de la Calabre,
qui a fait 68 victimes, l’action des États
membres se retrouve à nouveau dans le
collimateur. Certains groupes politi-
ques du Parlement européen leur re-
prochent de renchérir le prix de la tra-
versée en durcissant toujours plus la
politique de lutte contre l’immigration
illégale, et de rendre les traversées en-
core plus dangereuses.
L’action de Frontex n’est pas épar-
gnée par les critiques. L’agence euro-
péenne de protection des frontières
extérieures est accusée de manquer
de moyens pour organiser de vraies
opérations de sauvetage, quand elle
n’est pas soupçonnée de prêter main-
forte aux gardes-côtes grecs pour des
refoulements.
Choqués par ce nouveau naufrage et
ce sentiment « qu’on est en train de s’y
habituer », les eurodéputés écologiste et
socialiste, Sylvie Guillaume et Damien
Carême, ont relancé jeudi l’idée d’une
grande opération européenne de sau-
vetage en mer, sur le modèle de l’opé-
ration Mare Nostrum qu’avaient menée
Dans l’est de la Libye, le « maréchal » Khalifa Haftar
soupçonné de fermer les yeux sur le trafic de migrants
MAryline dumas £@Maryline_Dumas
tunis
« PERSONNE n’en parle ici, cela arrive telle-
ment souvent » : depuis un café huppé de
Benghazi, Mohamed, 25 ans, reconnaît tout
de même au téléphone que le drame qui
s’est déroulé en Grèce a une particularité :
« C’est la première fois qu’un naufrage de
cette ampleur a lieu avec un bateau partant de
Cyrénaïque (Est libyen, NDLR). » Depuis des
années, les départs de migrants se font en
grande majorité depuis l’Ouest libyen, bien
plus proche des côtes italiennes. Mais ce
nouveau chemin migratoire se développe
fortement et représente depuis janvier en-
viron 59 % des départs de Libye, selon l’Or-
ganisation internationale des migrations.
Cette route a deux ramifications. Les
Égyptiens passent la frontière libyenne à
pied. « La majorité de ceux qui entrent en
Libye pour prendre la mer passent illégale-
ment. Ils profitent du fait que la frontière en-
tre la Libye et l’Égypte est vaste et perméa-
ble », explique Reem el-Brekri, doctorante
spécialisée dans les questions migratoires
et sécuritaires. Longue de 1 115 kilomètres,
cette délimitation traverse des zones dé-
sertiques contrôlées par des tribus qui ne
soutiennent pas toutes Khalifa Haftar,
l’homme fort de la Cyrénaïque.
Pakistanais, Syriens et Bangladais arri-
vent, eux, par avion directement de Syrie.
C’est ce qu’a révélé un article de Kurt San-
les Italiens entre 2013 et 2014 après le
naufrage de Lampedusa, qui avait fait
plus de 350 morts. Cette force euro-
péenne associerait des navires de plu-
sieurs États membres autour d’un
mandat européen.
Mare Nostrum, financée par Rome à
hauteur de 9 millions d’euros par
mois, permettait aux navires militaires
italiens de patrouiller dans les eaux li-
byennes et avait sauvé 150 000 per-
sonnes en un an. Mais le gouverne-
ment italien avait dû stopper cette
opération après avoir été accusé par
ses partenaires de créer un appel d’air.
La mission Triton, avec Frontex, avait
alors pris le relais, uniquement dans
les eaux européennes. Elle s’est pour-
suivie jusqu’en 2018, remplacée par
« Themis », plus sécuritaire.
À ce jour, seul Frontex assiste les
États membres dans la surveillance et
les opérations de sauvetage en Médi-
terranée centrale, orientale et occi-
dentale, avec une voilure plus réduite.
Si la Commission assure que plus de
620 000 vies ont été sauvées depuis
2015, la tendance « est plutôt à l’aban-
don progressif par les États membres »
de leurs missions de sauvetage, estime
Sylvie Guillaume.
Un avis partagé par Jérôme Vignon,
de l’Institut Jacques Delors, qui recon-
naît que « les États membres ont moins
de moyens à accorder pour cette tâche et
ont tendance à déléguer ce travail aux
bateaux commerciaux ou aux ONG. Et
sone dans Malta Today début avril : « Des
groupes criminels facturent aux migrants
1 500 € chacun pour le transfert entre Da-
mas, en Syrie, et Benghazi (capitale de Cy-
rénaïque) en Libye, en utilisant des vols
opérés par la compagnie aérienne syrienne
Cham Wings. Des “frais administratifs” de
500 € sont également perçus, ce qui corres-
pond probablement à ce que les organisa-
tions criminelles gagnent sur chaque per-
sonne faisant l’objet d’un trafic », indique
le journaliste, citant des renseignements
recueillis par Frontex, l’agence européen-
ne des frontières, et des interrogatoires de
migrants secourus recueillis par les polices
italienne et maltaise. Le ministre de l’Inté-
rieur maltais, Byron Camilleri, a saisi la
Commission européenne en mars. « Il y a
toujours des vols qui arrivent, assure Jalel
Harchaoui, chercheur associé au Royal
United Services Institute for Defence and
Security Studies. Personne n’ose dire du
mal de Bachar el-Assad car les Émirats
arabes unis poussent pour le faire revenir
dans le concert des nations. »
En Libye, les migrants sont ensuite
parqués dans des hangars en attendant
de prendre la mer. Les bateaux, rachetés
à des pêcheurs, peuvent partir d’Égypte
et faire halte en Libye ou partir directe-
ment de Benghazi et Tobrouk (à 140km
de la frontière égyptienne), les deux
points de départ de l’Est libyen.
Pour Jalel Harchaoui, cette route, née au
printemps 2018, se nourrit de trois raisons :
politiquement, dire que l’on va lancer de
grandes opérations de recherche n’est
pas très porteur en ce moment. »
Autre difficulté : la diversification des
routes. Car l’itinéraire emprunté par le
bateau ayant chaviré jeudi, parti depuis
l’est de la Libye, « est assez nouveau et est
apparu courant 2022, observe une source
humanitaire. Et les ONG, qui se sont tou-
jours concentrées sur l’ouest de la Libye,
ne patrouillent pas dans cette zone ».
“
Les États membres
ont moins de moyens
à accorder pour cette tâche
et ont tendance à déléguer
ce travail aux bateaux
commerciaux
ou aux ONG
”
Jérôme Vignon,
de l’Institut Jacques Delors
L’appel de ces deux élus pour une
force européenne est loin de faire
l’unanimité, même au sein de forces
plutôt progressistes au Parlement euro-
péen. « C’est le même problème qu’avec
Mare Nostrum, c’est l’appel d’air assu-
ré », observe une source parlementaire.
« C’est moche, mais il n’y a pas de solu-
tion miracle tant qu’on ne règle pas le
problème dans les pays de départ. »
La piste la plus préconisée est de ren-
forcer les voies d’immigration légales
le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
International 11
L’ONU s’alarme d’un nombre
record de déplacés
Margaux Benn £@B_Margaux
l’énergie et des matières premières a
eu un impact négatif sur de nombreu-
ses sociétés de pays déjà fragiles, au
LES CENTAINES de femmes, d’hom- Sahel par exemple.
mes et d’enfants morts noyés ou enco- Cette tendance ne montre aucun
re portés disparus après le naufrage, signe de ralentissement. Pendant la
­
dans la nuit de mardi à mercredi, d’un première moitié de 2023, plus de 1 mil-
chalutier au large de la Grèce, et les lion de Somaliens ont dû fuir leur mai-
104 miraculés, étaient, avant de deve-
nir les victimes de l’un des plus grands
son à cause de la guerre, d’inondations
et de sécheresse. En République dé-
drames survenu en mer Méditerranée,
des gens ordinaires qui fuyaient. Sy-
mocratique du Congo, plus de 6 mil-
lions de personnes sont déplacées.
riens, Égyptiens, Pakistanais, Palesti- « Nous nous inquiétons de la fréquence
niens… Ils entretenaient le rêve, bien accrue de catastrophes naturelles qui
modeste, de vivre en Europe. peuvent être liées au changement cli-
Comme eux, plus de 110 millions de matique, indique Matthew Saltmarsh,
personnes, dont plus de 43 millions porte-parole du HCR. C’est une ten-
d’enfants, sont actuellement dépla- dance qui n’a aucune raison de s’inver-
cées dans le monde, selon le dernier ser, au contraire, et cela aura vraisem-
rapport annuel du Haut-Commissa- blablement un impact sur l’ampleur du
riat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). phénomène migratoire dans le monde. »
Soit plus d’une personne sur 74. C’est
un record : jamais, dans l’histoire, « Routes sûres et légales »
autant de gens n’avaient fui la guerre, La plupart des personnes déplacées ne
les violences, la répression, les diffi- franchissent jamais de frontière inter-
cultés économiques, ou encore les nationale. Et celles qui quittent leur
conséquences du dérèglement clima- pays demeurent la plupart du temps
tique. Face à ce constat vertigineux, dans un État voisin. Les quelque
l’agence onusienne appelle à une mo- 700 victimes du récent naufrage font
bilisation collective. Car le chiffre ne partie d’une minorité de candidats à
fait que confirmer la tendance des l’asile qui espèrent trouver une vie
onze dernières années : le précédent
rapport du HCR avait déjà fait état de
8 % de déplacements forcés de plus
meilleure en Europe.
« Même si le nombre de déplacés ne
fait que croître, cela ne veut pas forcé-
que l’année précédente… Et plus du
double d’il y a dix ans.
La guerre en Ukraine a donné lieu
ment dire que l’on doit s’attendre fata-
lement à de nouvelles tragédies de
grande ampleur comme celle qui a eu
« La crise économique désastreuse en Égypte la migration. Au retour du maréchal, des au déplacement de population le plus lieu cette semaine, souligne Matthew
pousse la population à partir. Pour Saddam opérations militaires contre le trafic rapide, et l’un des plus importants, Saltmarsh. Les États, en particulier,
Haftar (un des fils de Khalifa Haftar), c’est d’être humains ont commencé, en pré- depuis la Seconde Guerre mondiale. doivent renforcer les opérations de re-
un business. Entre Damas et Benghazi circu- sence de journalistes et des chercheurs, Ces derniers mois, près de 2 millions cherche et de sauvetage en mer, res-
lent des armes, du Captagon (drogue stimu- dont Reem el-Brekri : « Nous sommes en- de Soudanais ont aussi fui les com- pecter le droit maritime, mieux coor-
lante) et des hommes, au moins trois ou qua- trés dans des entrepôts où étaient les mi- bats, et de très nombreux Afghans donner les arrivées en Europe, et
tre fois par semaine. Enfin, il y a l’idée qu’il grants. Ils n’avaient eu ni eau ni nourriture continuent de chercher l’asile en Iran s’assurer que les exilés puissent em-
faut faire mal à l’Italie pour qu’elle soit coo- depuis huit jours. Leurs conditions étaient et au Pakistan pour fuir la dictature prunter des routes sûres et légales pour
pérative. » En janvier, Giorgia Meloni s’est misérables et ils avaient besoin de soins des talibans. Des incidents et condi- rejoindre l’Europe. Par ailleurs, l’Euro-
rendue à Tripoli, où se trouve le gouverne- médicaux. Les infrastructures libyennes tions climatiques extrêmes, comme pe connaît dans de nombreux endroits
ment rival d’Abdel ­Hamid Dbeibah, et y a ont été épuisées pendant la guerre contre le des inondations et la sécheresse dans une pénurie de main-d’œuvre et des
conclu un accord de plus de 7 milliards terrorisme (2014-2017), nos hôpitaux la Corne de l’Afrique, ont entraîné le taux de natalité en déclin. Il serait logi-
d’euros pour développer des sites gaziers souffrent et l’État libyen ne peut pas faire déplacement de 12 millions d’enfants que que les gouvernements considèrent
offshore au large de la ­Libye. De quoi faire face seul à cette crise. » Des opérations supplémentaires au cours de l’année des systèmes favorisant la mobilité,
des envieux dans ce pays en proie aux divi- que Jalel Harchaoui qualifie de « spectacle 2022, d’après l’Unicef. Selon le rap- même temporaire, des réfugiés, afin
sions depuis neuf ans. pour marquer les esprits ». ■ port du HCR, la flambée des prix de qu’ils puissent pallier ces manques. » ■
Opérations militaires
Originaire de Benghazi, Reem el-Brekri
ne croit pas en cette version : « L’exploita-
tion politique de la question des immigrés
nécessite des capacités élevées pour s’assu-
QUEL TEMPS POUR
rer que les terroristes ne s’infiltrent pas
dans nos terres. Les capacités libyennes
sont faibles. La LNA (Armée nationale li-
byenne, groupe armé dirigé par Khalifa
Haftar) est consciente que la création de
VOTRE É TÉ ?
chemins de contrebande coûtera cher à
l’avenir, car elles ne sont pas facilement
contrôlables. » Longtemps, le maréchal
Haftar a pourtant mis en avant le fait que
les migrants ne partaient pas du territoire
qu’il contrôle. Le discours a changé.
Début mai, Khalifa Haftar a rencontré
Giorgia Meloni en Italie pour discuter de
vers l’UE, et pas uniquement les voies
légales de travail pour les secteurs en
tension. L’UE pourrait ainsi faire da-
vantage de « réinstallation » de réfugiés
ayant déjà un statut de protection, ex-
plique Jérôme Vignon.
Pour Damien Carême, une autre piste
serait d’aller sur place chercher des
personnes en besoin de protection, par
exemple aux frontières du Soudan.
« C’est une piste d’externalisation inté-
ressante dont on parle de plus en plus »,
appuie Jérôme Vignon, l’idée étant de
déposer ces demandes dans les consu-
lats. Mais elle n’a pas encore reçu de
traduction concrète.
Car pour le moment, l’UE se concen-
tre surtout sur de nouveaux accords
avec les pays tiers comme elle vient de le
Jusqu’à 15 jours de
faire avec la Tunisie. Un accord
d’ailleurs très critiqué par la gauche du
PE, qui redoute des renvois vers des pays
jugés peu sûrs et une nouvelle dépen-
dance de l’UE vis-à-vis de leurs diri-
prévisions sur
geants, comme en 2016 avec la Turquie.
La Commission a certes relancé en
janvier son groupe de contact « sauve-
tage » en mer, après la brouille interve-
nue fin 2022 entre Rome et Paris au su-
jet de l’Ocean Viking. Il aura vocation à
mettre au point un cadre de coopéra-
tion pour les marines nationales, les
bateaux commerciaux et les ONG. Mais
cette initiative est perçue par ces mê-
mes ONG comme une façon potentielle
de les mettre au pas, avec de nouvelles
exigences de certifications. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

12 Société
À Nice, des prières musulmanes
dans des écoles publiques font scandale
Des élèves de CM1 et de CM2 ont aussi
observé une minute de silence « à
la mémoire du prophète Mahomet ».
Caroline Beyer£@BeyerCaroline
et Lucas Hélin
Éducation Ce sont des atteintes à
la laïcité commises par des élèves
de CM1 et CM2 dans trois écoles ni-
çoises. Une affaire qui vient ébran-
ler un peu plus l’Éducation natio-
nale et son ministre, Pap Ndiaye,
qui, après avoir temporisé ces der-
niers mois sur la question laïque,
affiche désormais la fermeté.
Dans un courrier adressé le
14 juin à la première ministre, et
publié sur les réseaux sociaux, le
maire (Horizons) de Nice, Chris-
tian Estrosi, indique que l’inspec-
teur académique local l’a informé
la veille du fait que des élèves de
CM1 et CM2 ont « fait la prière mu-
sulmane dans la cour de récréation
de leur établissement » ou organisé
« une minute de silence à la mémoire
du prophète Mahomet ». Des situa-
tions « qui se seraient également
déroulées au sein d’établissements
du second degré », ajoute le maire
de Nice, qui appelle à une réponse
« ferme, collective et résolue ». Il
demande à Élisabeth Borne de
« renforcer l’action de l’État » pour
que ces attaques contre la laïcité
soient « fermement combattues ».
Pour l’édile, qui a tenu vendredi
après-midi une conférence de
préfecture des Alpes-Maritimes.
« Ce sont des faits très graves, mais
qui restent très rares », précise la
rectrice. Une enquête de l’Inspec-
tion générale a été diligentée « pour
établir précisément les faits et en ti-
rer les conclusions utiles », indique
de son côté l’Éducation nationale.
Quel est le profil des établisse-
ments concernés ? Selon des sour-
ces concordantes, il s’agit des éco-
les Saint-Sylvestre, Fouont-Cauda
et Bois-de-Boulogne. Si cette der-
nière est située dans le quartier ré-
puté sensible des Moulins, dans
l’ouest de la ville, les autres sont si-
tuées dans des quartiers plus aisés
du centre-ville. Deux établisse-
ments secondaires sont également
concernés par des faits similaires. Il
s’agirait du lycée Honoré-d’Es-
tienne-d’Orves, l’un des plus im-
portants de Nice, et du collège
Pablo-Picasso de Vallauris, com-
mune située entre Antibes et
Cannes.
« Entrisme religieux »
Vendredi matin, sur Twitter, Pap
Ndiaye a qualifié les faits d’« intolé-
rables », expliquant mobiliser
« immédiatement les équipes va- des atteintes à la laïcité déclarées Les faits se sont
leurs de la République ». Si le minis- (56 %) concernent le port de te- déroulés dans trois
écoles niçoises à l’heure
CONTRE-POINT
tre a pu être accusé, au cours des nues et de signes religieux, comme PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard
mois passés, de ne pas se montrer les abayas et les qamis. Une pro- de la pause-déjeuner,
assez ferme sur la laïcité, notam- portion en hausse de 14 points par parfois dans la cour
de récréation,

L’école, le ministre et les

presse, il ne s’agit pas d’une « af- ment sur le phénomène des rapport au mois précédent.
et ont été rapportés
faire religieuse », mais de « provo- abayas, il s’évertue désormais à af- Dans l’affaire niçoise, l’Éduca- aux directeurs d’école
cation politique ». « On ne peut pas ficher sa vigilance contre l’« en- tion nationale et la ville de Nice ont

combats de la République
par les personnels
accuser des enfants de cet âge d’en trisme religieux ». Même si, en pa- rappelé, dans une déclaration de la cantine.
être à l’origine. Il y a forcément une rallèle, il a récemment dénaturé le commune publiée vendredi, que le

instrumentalisation, de la famille
ou de manipulateurs dans les
quartiers. »
Les services de l’Éducation na-
tionale ont confirmé les faits. Ils se
sont déroulés à l’heure de la pause-
déjeuner et ont été rapportés aux
directeurs d’école par les person-
nels de la cantine. Rectrice de
l’académie de Nice, Natacha Chicot
précise au Figaro que les prières
ont été organisées par dix élèves de
CM1 dans une première école, le
16 mai, puis par trois enfants du
même niveau dans une autre école,
le 5 juin. Dans un troisième établis-
sement, un élève de CM2 a pris
l’initiative, le 8 juin, d’organiser la
minute de silence, en appelant ses
camarades à y participer. Un com-
portement qui a été signalé comme
« suspicion de radicalisation » à la
Conseil des sages de la laïcité, ins-
tallé en 2019 par son prédécesseur,
en lui imposant une laïcité résolu-
ment « ouverte », élargie, de la lut-
te contre le racisme et l’antisémi-
tisme à l’égalité femmes-hommes.
Quelques semaines après la polé-
mique sur le fort taux d’absentéis-
me pour l’Aïd, et au moment où le
sujet des abayas refait surface, Pap
Ndiaye a demandé le 7 juin aux
recteurs de la « fermeté » dans
l’application des principes laïcs.
Rappelant qu’il n’y avait pas d’éta-
blissement scolaire de « non-
droit », il leur a enjoint de « tra-
vailler en coordination avec les
préfectures » et de « partager en in-
terministériel les différentes situa-
tions ». Selon les derniers chiffres
de l’Éducation nationale, portant
sur le mois de mai, plus de la moitié
Q
Jean François Ottonello/
principe de laïcité « s’impose sur le PHOTOPQR/NICE MATIN/
temps de classe comme sur le temps MAXPPP u’est devenu « l’esprit
périscolaire ». Les deux parties des Mureaux » ? Qu’est
s’engagent donc à proposer un devenu le sursaut
module de formation « commun », républicain dont le
réunissant les personnels de l’Édu- discours du président
cation nationale et ceux de la ville. de la République contre le
Dans son courrier à la première « séparatisme » islamiste, avait
ministre, Christian Estrosi deman- donné le coup d’envoi ? C’était il y
de aussi, « à l’heure où les familles a moins de trois ans, le 2 octobre
parties faire le djihad en Syrie com- 2020, comme une sorte de réveil
mencent à revenir en France », que prémonitoire, deux semaines
les maires, « premières vigies de la avant l’assassinat de Samuel Paty.
République », soient informés des Par ce discours et par la nausée
établissements dans lesquels sont suscitée par la décapitation de cet
scolarisés « ces enfants que nous enseignant, la société tout entière
devons suivre avec une grande vigi- semblait décidée à entreprendre
lance ». Un point sur lequel l’exé- sans faiblesse le combat de la
cutif n’a pas, pour l’heure, réagi. ■ République elle-même contre
la progression d’un entrisme
+ » Lire aussi page 19
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
de l’islam politique, conquérant,
inquiétant et menaçant. Et ce
combat devait commencer par
l’école. Le gouvernement donnait
le coup d’envoi par une loi
sont les écoles hors contrat laïques
ou catholiques qui font l’objet
d’enquêtes intraitables
de l’inspection.
C’est Libération, peu suspect
d’obsessions « islamophobes », qui
publie une enquête confirmant que
la moitié des enseignants, contre
un tiers « seulement » il y a cinq
ans, se sont « autocensurés » afin
d’éviter de froisser une partie de
leurs élèves. Et ces autocensures
n’entrent pas dans les statistiques.
Sans même faire de procès
en wokisme à Pap N’Diaye, son
empressement à imposer des
quotas à l’école privée au nom de
l’égalité des chances ou à renforcer
l’éducation sexuelle, a semblé plus
vital que la lutte contre les
ferments d’islamisme à l’école.
Il n’est pas le seul responsable,
loin de là, et il y a eu beaucoup de
naïveté ou de lâcheté à croire que

L’enseignement privé catholique reste « confortant le respect des

principes de la République » votée
le vote d’une loi suffirait à contrer
une vague qui s’en remet à la seule

étroitement surveillé
Paul Sugy £@PaulSugy
TANDIS que les atteintes à la laïcité se
multiplient dans l’enseignement pu-
blic, l’Éducation nationale ne relâche
pas pour autant sa surveillance méti-
culeuse de l’enseignement privé, et
en particulier des écoles catholiques.
Ces dernières semaines, le déclen-
chement de deux inspections géné-
rales, visant des établissements ca-
tholiques sous contrat avec l’État, a
rappelé aux écoles privées qu’elles
sont scrutées de près.
La première concernait le lycée
Jean-Paul II de Compiègne. Le
11 avril dernier, cinq inspecteurs pé-
dagogiques de l’académie d’Amiens
avaient été saisis par le recteur suite à
des plaintes d’enseignants, qui dé-
nonçaient une « culture de la censu-
re » et des « dérives graves ». En cau-
se, le refus par la direction de diffuser
deux films : un biopic sur Simone Veil
et Rafiki, qui raconte une histoire
d’amour entre deux lycéennes ké-
nyanes. Le directeur de l’établisse-
ment, Étienne Ancelin, s’est réjoui à
la suite de l’inspection d’une conclu-
A
l’établissement, mais sans remettre
en cause le contrat d’association avec
l’État, précise la direction de l’ensei-
gnement catholique en France.
Procédures d’inspection
Plus tôt dans l’année, c’est le presti-
gieux lycée Stanislas, à Paris, qui est
arrivé dans le viseur de l’inspection
générale du ministère, cette fois à la
suite de deux articles de Mediapart
dénonçant « l’univers sexiste, homo-
phobe et autoritaire » de l’établisse-
ment. Son directeur, Frédéric Gau-
tier, reste convaincu néanmoins que
l’inspection ne remettra pas en cau-
se le lien de confiance qui lie son éta-
blissement à l’État : « Le ministre a
sûrement voulu montrer qu’il n’avait
pas de complaisance particulière vis-
à-vis de nous : Mediapart a publié un
premier article, il n’a pas réagi, alors
ils ont insisté en écrivant qu’il ne fai-
sait rien et à ce moment une inspec-
tion a été décidée », résume-t-il avec
flegme. « Mais l’inspection se passe
dans de bonnes conditions, je ne crois
pas du tout qu’il y ait une cabale
contre nous ou contre les écoles ca-
tholiques », ajoute-t-il.
quelques mois plus tard. force du nombre pour avancer
Que reste-t-il de ce sursaut ? inexorablement. Mais puisque la
Par une ironie amère, l’actualité question du remaniement est sur
se charge de montrer combien la table, il y a urgence à afficher
catholique, Philippe Delorme, qui les faits n’ont guère suivi les mots Rue de Grenelle un signal de
n’a pas connaissance d’inspections quand les mots eux-mêmes fermeté républicaine explicite ;
visant d’autres établissements privés n’ont pas fini par s’émousser. La et durable.
catholiques. « Le but de ces inspec- révélation de prières musulmanes
tions est d’abord d’apaiser les choses pratiquées dans des écoles
dans des établissements qui ont fait primaires publiques à Nice n’a
l’objet de critiques », estime-t-il. surpris que ceux qui ne voulaient
Un optimisme que ne partagent pas voir la réalité. Pap N’Diaye
pas, en revanche, les associations de a bien qualifié ces pratiques d’
soutien aux écoles hors contrat, qui « intolérables » et promis des
s’estiment plus facilement victimes « mesures pour faire respecter
d’un véritable renforcement des la laïcité ». Ces mots ne font que
contrôles. « C’était prévisible depuis souligner que « l’intolérable »
le vote de la loi confortant les principes est bien monnaie courante et les
républicains, qui a été dévoyée par « mesures » promises rappellent
rapport à son objectif original et sert la faiblesse de celles qui étaient Il y a eu
parfois pour le gouvernement à res-
treindre la liberté éducative des pa-
censées être entrées en vigueur.
On se souvient que dans un
beaucoup de
rents », estime Sophie Audugé, por- premier temps, le successeur naïveté ou de
te-parole de SOS Éducation. Si elle de Jean-Michel Blanquer à
ne détecte pas une augmentation si- l’Éducation nationale avait lâcheté à croire
gnificative du nombre de contrôles
(déjà très élevé), la présidente de
accueilli avec beaucoup de
prudence les échos faisant état
que le vote
Créer son école, Anne Coffinier, re- d’une hausse constante de ce que d’une loi suffirait
grette un ton de plus en plus accusa- l’on appelle pudiquement des
toire dans les procédures d’inspec- « atteintes à la laïcité ». Et l’on à contrer
tion. « L’État tente parfois de briser le
lien de confiance entre les élèves et leur
a vu le ministre plus prompt
à diligenter des enquêtes contre
une vague qui
école », juge-t-elle. Au point, esti- des établissements catholiques s’en remet à
me-t-elle, de « décourager » ceux « coupables » de prendre au
la seule force

sion jugée « favorable » : des recom-

mandations ont bien été faites à
Une conviction partagée par le se-
crétaire général de l’enseignement
qui entendent se lancer dans la créa-
tion d’une école hors contrat. ■
sérieux le « caractère propre » de
l’établissement. Tout comme ce du nombre »

« Il n’y a
qu’une
communauté,
elle est
nationale »
À l’occasion des 250 ans du Grand
Orient de France, son grand maître,
Georges Sérignac, se livre au « Figaro ».
PROPOS RECUEILLIS PAR
Jean-Marie Guénois £@jmguenois
franc-maçonnerie Georges ­Séri-
gnac, ­vétérinaire de 69 ans, est le
grand maître du Grand Orient de
France (GODF) depuis 2021. Cette
première o ­ bédience franc-maçonne
du pays - 54 000 membres, dont
7 000 f­emmes, répartis en 1 400 lo-
ges - fête ce week-end ses 250 ans.
LE FIGARO. - Le Grand Orient
fête ce week-end ses 250 ans.
Que représente cet anniversaire ?
Georges SÉRIGNAC. - Tout d’abord,
c’est l’anniversaire des 250 ans de no-
tre appellation « Grand Orient de
France » que nous fêtons. En effet,
notre obédience, sous d’autres noms,
est apparue en 1728, peu après les dé-
buts de la franc-maçonnerie moderne
en 1717 en Angleterre. Elle prend le
nom de Grand Orient de France
en 1773 car elle connaît alors une ré-
forme essentielle : pour la première
fois, le vénérable maître, c’est-à-dire
le président de la loge, est élu par ses
frères. Une autre réforme essentielle
est également décidée, qui consista à
donner à chaque loge le même pou-
voir électif à l’assemblée générale, se-
lon ce principe : une loge, un délégué,
une voix. Il n’y avait donc plus de su-
périorité des loges importantes, sou-
vent parisiennes, sur les loges plus
humbles, souvent de province. Avec
la démocratie, ce sens de l’égalité est
au cœur de notre culture. Outre l’ap-
pellation « Grand Orient de France »,
voilà ce que nous honorons aujour-
d’hui. L’esprit de cette volonté fonda-
mentalement démocratique n’a ja-
mais quitté le Grand Orient de France.
Le Grand Orient de France
se caractérise aussi par une autre
approche de la question de Dieu...
En 1877, le convent du Grand Orient
de France, c’est-à-dire son assemblée
générale, vota l’abrogation de l’obli-
gation de croire en Dieu. Cette obli­-
gation avait toujours fait partie des
règles de la franc-maçonnerie. Le
­ l’actualité. Comme beaucoup, nous
contexte était celui du XIXe siècle, le
débat faisait rage entre une monarchie
de droit divin et la République laïque
et progressiste. Chez nous, engagés
dans le combat républicain, c’est la li-
berté absolue de conscience qui l’a
emporté. C’est un principe cardinal
pour nous, il nous a valu de nous cou-
per de la maçonnerie anglaise.
Quelle est la différence entre Dieu
et le Grand Architecte de l’Univers
que vous reconnaissez ?
Dans les premiers rituels maçonni-
ques, le Grand Architecte de l’Uni-
vers, c’est Dieu ! Ensuite, cette notion
de « Grand Architecte de l’Univers »
est devenue plus symbolique, chacun
expliquant cette puissance supé­ -
rieure, par la physique, les mathé-
matiques ou toute autre théorie
­métaphysique. Le Grand Architecte
de l’Univers représente une puissan-
ce supérieure qui peut être, ou pas, le
Dieu des religions monothéistes. Cela
dit, au Grand Orient de France, nous
n’utilisons plus cette référence et
considérons la croyance en Dieu
comme intime. Nos membres sont
­libres de croire ou de ne pas croire, de
pratiquer ou pas une religion, seule la
liberté absolue de conscience
­compte. Cela dit, la maçonnerie, par
sa méthode initiatique et rituelle, est
un lieu de spiritualité laïque que nous
vivons intensément dans les loges.
Votre mandat de grand maître
ne peut excéder trois ans.
Quelle est votre priorité ?
Outre les équilibres internes, la
question de la communication est
essentielle. Face aux forces qui s’op-
posent à nous depuis trois siècles,
nos adversaires des anti-Lumières,
nous avons perdu la bataille de la
communication : la maçonnerie est
souvent présentée comme quelque
chose de sulfureux, de douteux, de
bizarre, avec des réseaux affairistes,
fruit d’une propagande antimaçon-
nique qui a toujours été très active.
Faut-il rappeler les heures sombres
du régime de Pétain ou celle du com-
plot « judéo-maçonnique » ? Tout
cela a façonné une mauvaise image
de la maçonnerie, qui est en réalité
“ Nos membres sont
l­ibres de croire
ou de ne pas croire,
de pratiquer ou pas
une religion
”
au service d’une idée généreuse issue
du courant intellectuel des Lumières
et qui travaille pour une société de
solidarité, de liberté, de justice et
d’égalité. Les enjeux actuels nous
obligent à mieux communiquer pour
donner une idée plus juste de ce
qu’est la maçonnerie, même si cela
peut sembler entrer en contradiction
avec notre traditionnelle discrétion.
Mais le secret d’appartenance
s’oppose à cette volonté
de transparence…
Le secret des délibérations se prati-
que partout, dans les associations,
dans les entreprises, dans l’adminis-
tration. Le secret de la tenue maçon-
nique est donc celui de nos réunions,
comme dans beaucoup d’autres
­domaines. Quant au secret d’appar-
tenance, il s’explique par l’histoire
de la maçonnerie, qui fut pour­ - ces dernières années...
chassée et où il a été dangereux
d’être franc-maçon.
Seriez-vous pour une révision
du secret d’appartenance ?
Je pense qu’il faut commencer par
mieux expliquer ce que nous sommes
pour lutter contre les mensonges qui
circulent sur la franc-maçonnerie
afin, pourquoi pas, dans une démo-
cratie apaisée, de permettre une
« pas
­évolution. Mais c’est un processus qui
demandera beaucoup de temps.
On classe souvent le Grand Orient
plutôt à gauche...
Nous n’avons pas de ligne politique,
parce que nous ne sommes pas un
parti politique mais un cercle de
pensée profondément libre. En
­cohérence avec la liberté absolue de
conscience comme principe cardi-
nal, nous laissons à chaque membre
l’entière liberté de ses opinions
­politiques. À l’exception toutefois de
ceux qui tiendraient des propos ou
appartiendraient à des associations
racistes, xénophobes, ou de haine de
l’autre, propos ou appartenance qui
conduisent, après une procédure, à
l’exclusion de l’obédience. En
­dehors de cette exception détermi-
nante, nous avons donc des gens de
gauche et de droite et je ne saurais
pas vous dire comment votent les
frères et sœurs du Grand Orient de
France ! Ce que je sais, c’est qu’il n’y
a pas un « vote Grand Orient », la li-
berté est absolue sur ce plan. Si nous
Georges Sérignac avions une doctrine politique, ce se-
a été élu grand maître rait celle de la défense inflexible de la
du Grand Orient de République, des grands principes qui
France, en janvier 2021. la soutiennent et, évidemment, de la
Paul Delort/Le Figaro
laïcité, que nous considérons comme
la clé de voûte de notre République.
On a peu entendu le Grand Orient
sur la montée de l’extrême droite
Nous travaillons en permanence sur
ces idées et ne surréagissons pas à
sommes très inquiets de cette ­montée.
Mais notre temps est celui du temps
long. Nous ne sommes pas un parti
politique, dois-je insister, ni un syn-
dicat. Mais nous sommes sans ambi-
Nous n’avons
de ligne
guïté concernant le combat contre les
obscurantismes et les ­ totalitarismes
dont fait partie ­l’extrême droite.
politique,
parce que nous
ne sommes pas
Si vous êtes gardiens de la laïcité,
pourquoi ne vous opposez-vous pas
un parti politique davantage à certaines formes
d’islamisation, notamment
mais un cercle dans le débat actuel sur le port
de pensée de l’abaya à l’école ?
profondément Le sujet que vous mentionnez mérite
libre. Nous
laissons à chaque
membre
d’être analysé en profondeur pour en
mesurer la réelle importance et la
­signification : est-ce un outil politi-
que, utilisé par le « frérisme d’at-
l’entière liberté mosphère » dont parle l’anthro­ - avoir des tensions très graves qui
de ses opinions pologue Florence Bergeaud-
­politiques » Blackler, ou est-ce une mode de
jeunesse rebelle qui va disparaître ?
S’il se révélait être un instrument de
conquête culturelle politique, il fau-
drait l’interdire, comme on l’a fait
pour le voile. Dans le même type de
réflexion, nous avons immédiate-
ment réagi au report de la conféren-
ce de Florence Bergeaud-Blackler à
la Sorbonne en lui apportant notre
soutien et en l’invitant à donner une
conférence publique à notre siège
cette semaine. Il est inqualifiable
dans notre République qu’une cher-
le figaro
cheuse du CNRS se voie discuter,
­annuler, puis reporter une conféren-
ce en Sorbonne parce que son sujet
pourrait être source de troubles à
l’ordre public par des personnes
­mécontentes de ses travaux.
La laïcité semble toutefois
perdre de sa rigueur et de sa vigueur
face à l’islam...
Nous devons être extrêmement vigi-
lants sur la laïcité. Il y a aujourd’hui
dans notre pays une présence de
concitoyens qui ont la plénitude et
l’égalité des droits républicains et qui
sont de religion musulmane. Ils ont
une vision de l’organisation de la so-
ciété influencée par l’autorité de la re-
ligion. Je ne pense pas que nous ayons
“ Nous considérons
que chacun a le droit
de disposer de sa vie
comme de sa mort,
en application
de la liberté absolue
de conscience
”
un risque de théocratie islamiste en
France, en revanche nous pouvons
pourraient se multiplier. Il faut donc
que la République explique inlassa-
blement ses principes fondamentaux,
et c’est comme cela qu’elle réussira
avec l’islam ce qu’elle a réussi avec
l’Église catholique. On peut avoir des
visions différentes de la société, mais
nous sommes des défenseurs de la vi-
sion républicaine, qui est émancipa-
trice, facteur d’égalité, de liberté. La
seule identité que nous reconnaissons
est l’identité nationale. Que l’on soit
gay, noir, blanc, chrétien, musulman,
on est d’abord français, on appartient
à la communauté nationale dans
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
Société 13
zoom
Le pape a quitté l’hôpital
pour rentrer au Vatican
Après un séjour de dix jours
consécutif à une opération
de l’abdomen, le pape François,
86 ans, a quitté vendredi matin
l’hôpital pour rentrer au Vatican.
Le jésuite est sorti en fauteuil
roulant de la polyclinique
Gemelli de Rome, souriant,
accueilli par une foule
de fidèles massés à l’entrée
de l’établissement. « Toujours
en vie », a-t-il répondu à une
journaliste lui demandant
comment il se sentait.
Dans un grand bain de foule,
il s’est livré à quelques saluts
et remerciements avant de
regagner sa Fiat 500 blanche.
Après deux arrêts, dont un à la
basilique Sainte-Marie-Majeure,
le pape est rentré au Vatican.
Il célébrera bien la prière
de l’Angelus dimanche, mais
l’audience générale de mercredi
prochain est annulée pour lui
permettre de se reposer.
en bref
Disparition de Karine
Esquivillon : le mari
passe aux aveux, le corps
retrouvé dans un bois
Le mari de Karine Esquivillon,
une mère de famille de 54 ans
disparue depuis deux mois
et demi, est passé aux aveux
dans la nuit de jeudi à vendredi,
indiquant aux enquêteurs
la localisation du corps de son
épouse, retrouvé dans un bois
de Challans (Vendée). Le mari,
qui a été mis en examen, a affirmé
aux enquêteurs l’avoir tuée
accidentellement en manipulant
une arme.
Menhirs détruits :
ouverture d’une enquête
Une enquête a été ouverte
à Lorient après la destruction,
lors d’un chantier de
construction d’un magasin
de bricolage, de petits menhirs
à Carnac (Morbihan), dont
la valeur fait débat. Cette
enquête fait suite à une plainte
de l’association Koun Breizh
« dénonçant une destruction
volontaire de patrimoine
archéologique », a précisé
le procureur de la République,
Stéphane Kellenberger. Elle a été
confiée à la brigade de recherches
de la gendarmerie de Lorient.
l’égalité des droits. Nous sommes op-
posés à toute forme de communauta-
risme. Il n’y a qu’une communauté,
elle est nationale, elle respecte chaque
culture, chaque religion. Ce n’est
donc pas parce que nous ne parlons
pas publiquement que nous
­n’agissons pas. Tous ces sujets sont
couramment abordés dans les loges.
L’adoption d’une loi
sur la fin de vie est-elle une victoire
pour le Grand Orient ?
Le Grand Orient n’a jamais caché son
combat depuis des décennies pour
cette liberté. Est-ce une victoire ?
Pour l’instant, nous ne savons pas
encore si cette loi sera votée et même
débattue. Nous avons été consultés,
comme d’autres courants de pensée.
Notre position est claire et argumen-
tée. Nous considérons que chacun a
le droit de disposer de sa vie comme
de sa mort, en application de la liber-
té absolue de conscience. Il s’agirait
d’une avancée républicaine, et il est
également très important que cette
loi préserve le droit de chacun d’en
refuser l’application pour lui-même.
La « fraternelle parlementaire »,
qui regroupe tous les élus
du Parlement membres de la franc-
maçonnerie, joue-t-elle un rôle
dans l’adoption de nouvelles lois ?
La « fraternelle parlementaire » a
pour seul but de les rassembler pour
échanger au-delà des obédiences, des
partis et des partis pris. Il faut enlever
de l’esprit des gens que la « fraternelle
parlementaire » voterait dans le
même sens. Personne n’y reçoit d’or-
dres ou d’impératifs. Un franc-maçon
est farouchement attaché à sa liberté,
et les parlementaires en sont de par-
faits exemples. Chacun des élus qui en
est membre vote selon ses opinions et
A
ses engagements, dans le seul objectif
de construire une société meilleure. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
14 Sciences
ces
Dans un dossier
spécial, la revue
« Science » dresse
un état des lieux
de nos
connaissances
sur les effets
néfastes
des éclairage
artificiels.
Vincent Bordenave
vbordenave@lefigaro.fr
environnement Inexorablement
les étoiles disparaissent de nos
nuits. Un drame pour les astrono-
mes amateurs, ou quiconque prend
du plaisir à se perdre dans l'im-
mensité de la voûte céleste. Mais la
perte de l'obscurité a également des
conséquences bien plus larges, qui
font de la pollution lumineuse un
sujet de préoccupation scientifique
majeur comme peuvent l'être les
pollutions plastiques ou atmosphé-
riques. La lumière artificielle a ainsi
des impacts complexes sur les
plantes, les animaux et des écosys-
tèmes entiers, mais également sur
la santé humaine. La revue Scien-
ce dresse cette semaine un état des
lieux de nos connaissances sur ses
effets néfastes ainsi que sur les so-
lutions réglementaires et technolo-
giques qui pourraient aider à les at-
ténuer.
«Il y a une difficulté à sensibiliser
sur l'importance de l'enjeu en raison
notamment d'une opposition symbo-
lique très forte entre lumière et obs-
curité», estime Samuel Challéat,
chercheur en géographie de l'envi-
ronnement au CNRS. «S'opposer à
la lumière artificielle, c'est s'atta-
quer à l'idée de progrès, à tous les
bienfaits que cette lumière procure,
que ce soit en termes de confort,
mais aussi d'avancées sur les plans
économique ou sécuritaires…»
En janvier dernier, un article déjà
publié dans la revue Science estimait
que la luminosité nocturne était en
hausse de 7% à 10 % par an dans le
monde. La luminosité du ciel a ainsi
quadruplé en dix-huit ans. Sur un
site où 250 étoiles étaient visibles,
leur nombre aurait été réduit à 100
sur la même période.
Cette progression est en premier
lieu liée à l'extension des zones ur-
baines. « Des quantités effrayantes
d'espaces semi-naturels sont per-
dues chaque année au profit de l'ur-
banisation», commente Kévin
B
­ arré, écologue au Museum natio-
nal d'Histoire naturelle. «On ne s'en
Production de mélatonine
et sommeil perturbés
Les lumières artificielles perturbent
certains équilibres biologiques
fondamentaux. L'une des six études
parues dans le dossier spécial de
Science sur la pollution lumineuse
(lire ci-dessus) résume ainsi ce que
nous savons des impacts de cette
pollution lumineuse sur la santé
humaine. « Comme le souligne
l'étude, la lumière artificielle
a augmenté de 10% par an
ces 12 dernières années. Or notre
organisme ne peut s'adapter pas
aussi rapidement », explique Claude
Gronfier, président de la société
française de chronobiologie.
Ces lumières nocturnes vont
notamment désynchroniser
l'« horloge interne » logée dans
notre cerveau. Or cette horloge
régule un tas de fonctions comme
le rythme veille/sommeil, la
température corporelle, le système
hormonal, la fréquence cardiaque
ou encore l'appétit. Concrètement,
ce sont des cellules de la rétine
qui perçoivent les changements de
luminosité journaliers. Activées par
la lumière, ces cellules indiquent à
l'horloge qu'il fait jour. Le soir, leur
activité diminue ce qui déclenche
la sécrétion d'une hormone
A
cruciale dans la régulation
du sommeil : la mélatonine.
Les lumières
nocturnes,
une pollution
encore trop
souvent négligée
rend peut-être pas compte au jour le
jour, mais l'étalement urbain pro-
gressif s'accompagne d'une pro-
gression de l'éclairage privé et public
sous nos yeux. » Non seulement la
lumière artificielle progresse, mais
le déploiement de nouveaux éclai-
rages publics à LED (diodes élec-
troluminescentes), moins gour-
mands en énergie, engendre des
éclairages plus brillants ou plus
nombreux. « Une grande partie des
LED ayant servi jusqu'ici à la réno-
vation de parcs d'éclairage émettent
une lumière très blanche, avec un
spectre très large incluant notam-
ment des longueurs d'onde ultra-
violettes et bleues ayant les effets
les plus néfastes pour le vivant,
contrairement aux anciennes
lampes à sodium », continue Ke-
vin Barré. Les halos lumineux des
grandes agglomérations sont ainsi
visibles sur plus de 100 km aux
alentours. Même loin des villes, les
ciels nocturnes s'éclaircissent.
la France adopte un décret
« C'est très complexe de hiérarchiser
les effets des différents types d'acti-
vités humaines sur les écosystè-
mes», explique l'expert. «Mais la
certitude est que la pollution lumi-
neuse vient s'ajouter aux autres
pressions d'origine humaine et
contribue largement à la dégrada-
tion de l'environnement. On constate
l'apparition d'effets néfastes à partir
d'intensités lumineuses très faibles,
équivalentes à celles de la lune. L'ac-
tion la plus efficace reste donc, et de
loin, de ne pas éclairer... »
En 2018, la France a adopté un
décret pour lutter contre le problè-
me et a notamment défini 11 « zo-
Ces cellules sont plus
particulièrement sensibles
à la lumière bleue du jour.
Celle-la même que diffusent
aussi... nos écrans ! Quand nous
regardons la télé tard le soir,
tout se passe comme s'il faisait
encore jour pour pour elles. Une
exposition chronique à la lumière
artificielle aura ainsi tendance
à retarder l'horloge, et donc à
dérégler tous les mécanismes
qu'elle orchestre, y compris celui
de la mélatonine. En résultent
des troubles du sommeil mais
aussi une augmentation du risque
de maladies cardiovasculaires,
d'obésité ou encore de dépression.
« On sait qu'une altération
du rythme journalier est impliquée
dans la susceptibilité aux infections
et aux cancers, et ce d'autant plus
chez les travailleurs de nuit »,
ajoute Francis Lévi, cancérologue
aux hôpitaux de Paris (APHP).
C'est pourquoi des
recommandations ont été faites
pour redéfinir les normes
d'éclairages nocturnes et réduire
l'utilisation des appareils avant de
dormir. Mais il n'existe pas encore
de consensus international
sur la question. ■
E. D.
La luminosité du ciel
a quadruplé
en dix-huit ans.
Sur un site
où 250 étoiles étaient
visibles, leur nombre
aurait été réduit
à 100 sur la même
période.
NASA/Barry Wilmore
3 000
étoiles sont en principe
visibles à l’œil nu dans
un ciel pur dénué
de toute pollution
lumineuse
Deux images satellite
espacées
de dix-huit ans
montrent la progression
de la lumière artificielle,
en Europe. Les halos
lumineux des grandes
agglomérations
éclaircissent
les ciels nocturnes
sur plus
de 100 kilomètres
aux alentours.
NGDC/DMSP/ESA
nes d'importance astronomique »
en leur conférant une protection
supplémentaire. De plus, il limite la
lumière bleue et interdit les lampes
laser dans de nombreuses zones. Le
décret limite également la lumière
dirigée vers le ciel et l'éblouisse-
ment.
Des données collectées par le
bureau d'étude toulousain Dark­ - partiellement aux enjeux sur la bio-
Skylab et publiées l'été dernier par
la revue Ciel & Espace montrent
ainsi une amélioration sensible de
la situation en cœur de nuit de 2014
à 2021. « Pour la première fois, nous
observons une amélioration sur le
front de la pollution lumineuse,
expliquait ainsi Olivier Las Ver-
gnas, président de l'Association
française d'astronomie (AFA) à
l'occasion de la nuit des étoiles
2022. La politique d'extinction de
l'éclairage public conduite dans
27 % des communes de plus de
100.000 habitants commence à
­porter ses fruits. Et dans certains
Et le ciel étoilé disparut
Dans les grandes villes, les étoiles se
font rares. Impossible de distinguer
plus d’une dizaine de points
lumineux à Paris, par exemple. Le
phénomène est principalement lié à
la diffusion dans l’air de la lumière
bleue de l’éclairage public (et des
phares de voitures). « C’est
exactement la même chose qui se
produit le jour, de manière plus
intense, lorsque la lumière bleue du
Soleil est diffusée : le ciel devient bleu
et nous masque les étoiles »,
explique Jean-Eudes Arlot,
astronome émérite à l’Institut de
mécanique céleste et des
éphémérides, à Paris. Mettre en
place des éclairages plus « chauds »
coins du territoire, le ciel redevient
noir et permet d'observer la Voie
lactée à l'œil nu avec un niveau de
détail fascinant.»
« Cette stratégie a tout de même
des limites», commente Samuel
Challéat. «Elle permet de maintenir
des sanctuaires pour observer le ciel
nocturne, mais ne répond que très
diversité ou la santé humaine.» Mais
si l'on prenait en compte l'ensem-
ble des effets de la pollution lumi-
neuse sur le vivant, c'est toutes les
lumières qu'il faudrait éteindre.
«Ce qui est totalement impossible »,
constate le scientifique. Ce dernier
plaide plutôt pour reconsidérer nos
besoins pour viser à une forme de
«sobriété lumineuse», en activant
différents leviers techniques, que
ce soit les horaires d'éclairage,
l'orientation des luminaires, leur
intensité lumineuse, le type de
lampe et enfin la densité des instal-
lations. ■
est une piste pour limiter le
phénomène.
Reste néanmoins le problème des
micropoussières qui diffusent toute
la lumière, sans distinction. Ces
halos lumineux peuvent s’étendre
sur des dizaines de kilomètres,
rendant l’accès au ciel étoilé de plus
en plus difficile, en particulier pour
les amateurs. Les professionnels
pour leur part installent leurs
instruments dans des zones qui
restent préservées, le plus souvent
dans des déserts ou en haut de
montagnes. C’est alors une autre
source de pollution qui peut les
déranger, venue de bien plus haut :
les constellations de satellites,
La faune
désorientée
Il désoriente les oiseaux migrateurs
et les tortues marines, fragmente
l’habitat des chauves-souris, épuise
les insectes, réduit l’espérance de vie
des rongeurs, perturbe la
reproduction des poissons et la
croissance des arbres… Les preuves
de l’impact nocif de l’éclairage
nocturne sur les écosystèmes
s’accumulent depuis une quinzaine
d’années.
Comme l’expliquent des
chercheurs suédois et néerlandais
dans une revue de la littérature
publiée dans Science, les effets directs
de la lumière artificielle ont été
documentés les premiers.
Le phénomène d’attraction vers
la source lumineuse est soupçonné
de jouer un rôle non négligeable
dans le déclin des insectes. Il est aussi
meurtrier pour les oiseaux
migrateurs, qui heurtent les
immeubles, bateaux et installations
pétrolières vers lesquels ils ont été
aimantés. À l’inverse, la lumière peut
faire fuir les animaux par peur
de la prédation. Les lampadaires
installés le long des routes agissent
comme des barrières qui limitent
les possibilités de circulation des
chauves-souris.
Les études de terrain, combinées
à des expériences en laboratoire,
montrent des répercussions plus
subtiles. Elles sont liées à la pollution
lumineuse diffuse qui affecte les
rythmes de vie des espèces. Quand la
nuit n’est pas noire, les rongeurs
nocturnes sont moins actifs, tandis
que le sommeil des animaux diurnes
est moins bon. Des oiseaux - comme
le merle noir - avancent leur chant
à l’aube ; les chauves-souris sortent
plus tard pour chasser. Les arbres
retardent la perte des feuilles
sur les branches proches des
lampadaires. Le halo lumineux nuit
à la reproduction et à la survie de
nombreuses espèces.
Les auteurs notent que ces effets
indésirables pour les écosystèmes
sont souvent sous-estimés, mais
représentent « un problème
environnemental majeur ». En plus
des solutions efficaces, ils proposent
de réduire l’éclairage humain, voire
de « tout éteindre ». ■ D. C.
composées de milliers d’objets. Ces
derniers peuvent laisser des traînées
lumineuses sur certains clichés. Les
constructeurs tentent de limiter
leur impact en utilisant des
revêtements moins réfléchissants.
Mais le plus simple reste de
programmer les observations en
fonction de leur passage. « Cela
rajoute une complexité
supplémentaire, mais c’est
faisable », souligne Jean-Eudes
Arlot. Pour le moment en tout cas.
Certaines estimations pessimistes
évoquent la possibilité que
100 000 satellites se trouvent en
orbite d’ici à la fin de la décennie,
contre 8 000 actuellement. ■ T. V.

Sport
Toulouse-La Rochelle : une finale
pour régler de vieux comptes
Les champions d’Europe visent un premier sacre en Top 14 face à des Toulousains sevrés de titre depuis deux ans.
arnaud coudry £@ArnaudCoudry
rugby Depuis trois ans, Toulouse et
La Rochelle tutoient les sommets. Les
deux Stades se sont affirmés comme
les deux locomotives du rugby fran-
çais. La belle rivalité des années 2020,
après les « Classiques » entre Toulou-
se et le Stade Français au début du
siècle, puis les Toulon-Clermont des
années 2010. « Cette génération du
Stade Toulousain veut marquer l’his-
toire du club », martèle régulièrement
Ugo Mola, le manager toulousain, qui
a soulevé deux des trois derniers
boucliers de Brennus (2019, 2021). En
face, les Maritimes - qui évoluaient
encore en Pro D2 il y a dix ans - se
sont fait, de manière éclatante, un
nom en Europe en remportant les
deux dernières Champions Cups face
à l’ogre irlandais du Leinster.
Ce samedi (21 h, France 2 et Ca-
nal+), les deux équipes qui ont sur-
volé la saison régulière se retrouvent
au Stade de France pour une finale
de rêve. Attendue par tous les
amoureux du rugby. Une opposition
de styles entre des Toulousains
flamboyants avec leurs trois-quarts
de classe mondiale et des Rochelais
au paquet d’avants effrayant de
puissance. La Rochelle, par rapport à
l’an dernier, a néanmoins une corde
supplémentaire à son arc : un
ouvreur-buteur redoutable d’effica-
cité, Antoine Hastoy, arrivé en pro-
venance de la Section Paloise. Mais
cela n’a pas empêché cette petite pi-
que d’Ugo Mola : « La notion de plai-
sir doit nous nourrir au quotidien.
Casser la gueule aux équipes adver-
ses, ce n’est pas forcément ce qui me
plaît. » Les Rochelais apprécieront.
Et y trouveront sûrement un surplus
de motivation.
Les Rouge et Noir, eux, n’ont rien
gagné depuis deux ans. Une petite
éternité pour la génération dorée
des Antoine Dupont et autres Ro-
main Ntamack. D’autant qu’il leur a
fallu rebondir après le lourd revers
concédé à l’Aviva Stadium, fin avril,
face au Leinster (41-22), en demi-fi-
nale de la Champions Cup. « Cela a
été très dur à digérer. Cela faisait la
Meafou contre Skelton, le terrifiant combat de titans
David ReyRat £@DavidReyrat
DANS le coin droit du ring, pei-
gnoir rouge et noir, le Franco-
Australien Emmanuel « Manny »
Meafou, 24 ans, 2,03 m, 140 kg.
Dans le coin gauche, peignoir
jaune et noir, l’Australien Will
­ en décembre, avec ses cinq années
Skelton, 31 ans, 2,03 m, 145 kg. La
finale de Top 14 entre Toulouse et
La Rochelle, qui regorge de duels,
offre le plus explosif avec cet iné-
« plan
dit combat de poids lourds. « De
titans », ajoute Jérôme Thion.
L’ancien deuxième ligne du XV de
France (54 sélections de 2003 à
2011) n’était pas en reste avec son
mètre 99 et ses 125 kg. Il confie
pourtant son admiration au
F
­ igaro. « C’est impressionnant.
Des gabarits comme les leurs, il n’y
en a déjà pas beaucoup. Car leur
poids officiel, c’est hors taxe, rigole
celui qui était surnommé « Ma­ - 140 kg lancés,
chine ». Mais avec, en plus, une
telle capacité de déplacement, une
telle technicité… Il y a quelques an-
nées, des joueurs aussi lourds
n’avaient pas cette mobilité, cette
aisance balle en mains. Ils n’étaient
pas facteur X, comme eux peuvent
l’être. Ils ont tout le panel, c’est ça
qui est vraiment fou. Le profil ulti-
me pour un deuxième ligne côté
droit. » Celui des « big men », les
poutres de la mêlée fermée.
« Ce sont deux phénomènes hors
norme, renchérit Olivier Roumat
(62 sélections de 1989 à 1996, 2 mè-
tres et 116 kg à l’époque). Deux co-
losses qui ont la particularité d’être
en plus de très bons joueurs de rugby,
avec une dexté­rité au-dessus de la
moyenne. Ils n’ont pas d’équivalent
troisième fois (en quatre ans) que l’on
perdait à Dublin, reconnaît le pilier
international Cyril Baille. On est un
groupe de compétiteurs et, quand on
perd, on n’est jamais contents. Sur-
tout quand tu prends une leçon de
rugby comme ça… Mais, même si tu
as les boules, cela continue à te faire
Le Toulousain apprendre. »
Emmanuel Meafou De son côté, la formation du vol-
(à gauche) se distingue canique Ronan O’Gara va devoir
par sa mobilité, alors
que le Rochelais vaincre ses vieux démons, elle qui a
Will Skelton s’avère longtemps buté sur le club haut-ga-
plus destructeur. ronnais. En janvier dernier, La Ro-
DAVID ROGERS/Getty chelle s’est imposée face à un Tou-
Images via AFP, louse remanié (30-7), mettant fin à
ROMAIN PERROCHEAU/AFP une interminable série noire de neuf
dans le ­monde. À part, peut-être, le
Sud-Africain Eben Etzebeth. » Deux
monstres, deux joueurs 2.0, donc.
Fabien Galthié ne s’y est pas trom-
pé, qui espère que Meafou, qui vient
d’obtenir son passeport français,
sera sélectionnable dès la Coupe du
monde (il le sera automatiquement
de résidence sur le sol français, mais
Il n’y a pas de
possible
World Rugby a été saisi par le XV de
France d’une demande de déroga-
tion).
anti-Skelton
Le club à la caravelle
ou anti- plus dépendant
Meafou. Il faut Au jeu des sept différences, leurs
donc avoir profils se distinguent toutefois un
le courage de peu. Un Meafou plus mo­bile, un
Skelton plus destructeur, en sché-
se jeter dans matisant. « C’est surtout lié au jeu
les jambes qu’on leur demande de pratiquer
de garçons de dans leurs équipes respectives,
souligne Thion. C’est l’identité
toulousaine qui place Meafou dans
pour les faire ce rôle-là. Il intervient énormément
tomber au soutien. C’est un garçon qui
­score beaucoup. » Douze essais
rapidement. déjà cette saison (9 en Top 14, 3 en
Car, si on Champions Cup). « Le jeu de
ne les met pas La Rochelle étant différent, Skelton
est plus utilisé pour freiner les bal-
au sol, ils vont lons portés et arracher des ballons
avancer dans les rucks. Mais, imaginons-le
et créer au Stade Toulousain, il aurait plus
l’occasion de s’exprimer ballon en
de gros points mains… »
de fixation »
Jérôme Thion. ancien
Olivier Roumat partage l’ana­-
lyse. « Meafou joue dans une équipe
deuxième ligne où on lui demande plus de passer les
du XV de France bras, de faire vivre le ballon après
lui. Skelton est plus là pour défier et
casser la ligne d’avantage », expli-
que au Figaro le papa d’Alexandre
Roumat, l’actuel numéro 8 du Sta-
revers consécutifs. Pour une passa-
tion de pouvoirs ce samedi ? « Le but
est de progresser et d’être meilleur.
Pour être respecté, il faut avoir des
médailles ; on en a eu deux, et ce n’est
pas assez », tambourine le techni-
cien irlandais qui a métamorphosé
et décomplexé les Maritimes.
« Ce serait exceptionnel
de faire le doublé »
Le président rochelais, Vincent
Merling, qui a tout connu avec le
club à la caravelle, reconnaît qu’un
verrou a sauté. « Une chose est cer-
taine : le club est sorti depuis quelques
années de cette culture de l’humilité
de Toulousain. Les deux anciens
Bleus jugent cependant que le Sta-
de Rochelais est plus dépendant
de Will Skelton que le Stade Tou-
lousain d’Emmanuel Meafou. « Le
jeu rochelais est basé sur le défi
physique. Ils ont vraiment besoin
d’avancer devant. S’ils sont bloqués
dans ce secteur, attention… », ré-
sume « la Roume ».
D’où la question essentielle.
Comment empêcher deux telles
masses d’avancer ? « C’est compli-
qué, reconnaît Thion. Il n’y a pas
de plan possible anti-Skelton ou
anti-Meafou. Il faut donc avoir le
courage de se jeter dans les jambes
de garçons de 140 kg lancés, pour
les faire tomber rapidement. Car, si
on ne les met pas au sol, ils vont
avancer et créer de gros points de
fixation. Et comme les deux savent
faire jouer après contact… C’est
l’avantage de tels gabarits. Ils met-
tent leur équipe dans le confort et
font mal à chaque fois. » À la même
question, Olivier Roumat se gratte
le menton, perplexe. « Par des
plaquages à deux, car, en un contre
un, c’est pratiquement impossible.
Ou alors les laisser passer et les
prendre sur le côté. Mais ils ont de
grosses paluches et on n’est pas
l’abri de prendre un méchant
­raffut… »
Précurseur en matière de poids
lourd, Olivier Merle (45 sélections
de 1993 à 1997, 1,98 m, 130 kg)
confirme l’ampleur du défi. « En
bille à bille, c’est difficile de les faire
tomber. Reste donc à les prendre
bas. Pour ça, il faut du mental, des
garçons qui ne s’échappent pas »,
tranche celui que les All Blacks
avaient surnommé « l’Homme et
le figaro
qui vous empêche d’être ambitieux,
reconnaissait-il avant le deuxième
sacre continental. Aujourd’hui, on a
compris qu’on peut être humbles et
ambitieux. Gagner ce genre de
matchs, cela crée encore plus d’ambi-
tion. » Grégory Alldritt, capitaine et
bulldozer rochelais, met toutefois en
garde : « Il va falloir élever le niveau
de jeu en finale. Ce serait exceptionnel
de faire le doublé, on est tout près,
mais encore très loin. Il ne faut pas
s’emballer, on a travaillé très dur de-
puis juillet dernier et on ne s’est jamais
caché que l’objectif, c’était ça. On est
à 80 minutes de notre rêve mais il faut
vraiment garder les pieds sur terre
demi » lors de la tournée triom-
phale du XV de France en Nou­-
velle-Zélande en 1994. Après, si tu
n’as pas le courage d’y aller, ce
n’est pas la peine d’aller sur le ter-
rain… » Et quand les deux mons-
tres vont se croiser ? « Il y aura
quelques gros chocs, se régale par
avance Jérôme Thion. Quand tu
joues contre une autre référence à
ton poste, tu as forcément envie de
te jauger contre elle. L’un comme
l’autre voudront dominer le duel. Ils
vont se trouver. » Et oublier qu’ils
sont « copains », comme nous le
révèle Roumat. « Tous les deux
sont australiens, ils s’appellent ré-
gulièrement. »
Une densité au contact
Ce détonant choc XXL en appelle-
t-il d’autres ? De tels surhommes
vont-ils devenir la norme dans le
rugby ? Thion n’y croit pas. « Ce
sont des exceptions. D’autres peu-
vent avoir ce gabarit, mais ils sont
en surpoids, sans cette mobilité,
sans ce volume de jeu, sans cette
densité au contact. Ces deux-là
courent comme un deuxième ligne
normal. C’est ce qui fait toute la
différence. » Olivier Roumat opi-
ne. « Être aussi endurant et mobile
qu’eux, c’est normalement incom-
patible avec les poids très lourds.
Meafou a fait de gros efforts depuis
son arrivée à Toulouse, en 2018. Il
pesait alors 162 kg ! Il est descendu
sous la barre des 150 pour être pré-
sent dans le combat dynamique. »
« Merluche » est d’accord avec ses
confrères. « Ça ne peut pas devenir
la règle ce rapport poids-mobilité.
Là, on a mis des moteurs de R8
Gordini sur des 2 CV… » ■
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
15
car on a une montagne qui se dresse
devant nous. »
Le numéro 8 du XV de France et
les autres internationaux rochelais
(Uini Atonio, Pierre Bourgarit, Jo­-
nathan Danty…) ont un compte à
régler avec l’armada toulousaine
­
après la double défaite en 2021 en fi-
nale de la Champions Cup puis du
Top 14. Un enchaînement crochet-
uppercut qui a longtemps sonné les
Rochelais, mais qui leur a sûrement
permis de trouver la force de deve-
nir des grands d’Europe. En atten-
dant d’être enfin sacrés rois de Fran-
ce. Ce que les Toulousains ont déjà
fait 21 fois. Sur une autre planète. ■
zoom
Foot : les Bleus font le
travail contre Gibraltar
Mission accomplie pour les
Bleus. Avec des buts d’Olivier
Giroud (3e) – qui a égalé
Thierry Henry au troisième
rangs des joueurs les plus
capés de l’histoire de l’équipe
de France (123) – et Kylian
Mbappé (45+3, sp) en première
période, avant de voir Aymen
Mouelhi (78e) marquer…
contre son camp, les joueurs
de Didier Deschamps ont
disposé de la modeste sélection
de Gibraltar (0-3) vendredi, à
Faro (Portugal). Parfaitement
lancé par ce 54e but de Giroud
en Bleu, ils ont passé une
soirée (très) tranquille. Pas
d’inquiétude particulière dans
le jeu, même si l’entame de
seconde période a été
poussive. En fait, l’équipe de
France a longtemps ronronné
après le break. Avec trois
victoires en trois matches,
sans encaisser le moindre but,
les vice-champions du monde
caracolent en tête du groupe B
des éliminatoires de l’Euro
2024 (14 juin – 14 juillet 2024).
Et ce avec trois longueurs
d’avance sur leur prochain
adversaire, la Grèce, qui est
venue à bout de l’Irlande dans
le même temps (2-1). France-
Grèce, ce sera lundi (20h45) au
Stade de France. A noter que le
gardien Brice Samba (Lens) et
défenseur Wesley Fofana
(Chelsea), titulaires au coup
d’envoi, ont honoré leur
première sélection en équipe
C
de France vendredi soir à Faro.
SameDi 17 - Dimanche 18 Juin 2023 le figaro
16 LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues avec justification d’identité
Courriel : carnetdujour@media.figaro.fr
sur notre site : carnetdujour.lefigaro.fr
Téléphone :
Le Carnet du Jour vous accueille
du lundi au vendredi de 9h à 13h
et de 14h à 18h (excepté les jours fériés)
et tous les dimanches de 9h à 13h.
Vos annonces doivent nous parvenir
avant 16 h 30 pour toutes nos éditions
du lendemain, avant 13 h les dimanches.
fiançailles
M. Bruno THOMÉ de CHARAIX
en union avec
Mme (†), née
Chantal Poirier du Lavouër,
M. François MALBREL
et Mme, née Isabelle Leurent,
ont la joie de vous annoncer
les fiançailles de leurs enfants
Ombeline et Augustin
mariages
Béatrice et Jean-Marc
BROUDIN
Victoria et Bernard ALLAIS
sont heureux de faire part
du mariage de leurs enfants
Juliette et Paul
qui a été célébré
le samedi 29 avril 2023,
à la mairie du
18e arrondissement de Paris.
Saint-Lubin-de-la-Haye
(Eure-et-Loir).
La Murette (Isère).
Mme Serge CHARRÉ
M. et Mme
Dominique LEBLANC
M. et Mme Richard LEFER
ont la joie de vous faire part
du mariage de leur petit-fils,
fils et fille
Nicolas et Camille
ce samedi 17 juin 2023,
à 14 h 30,
en l'église Saint-Mélaine
de Miré (Maine-et-Loire).
naissances
M. Alexandre BLONDEL
et Mme, née Gaëlle Bertrand,
partagent avec Henri
et Auguste, la joie d'annoncer
la naissance de
Diane
à Paris, le 1er juin 2023.
Le comte et la comtesse
Gérald de FONDEVILLE
annoncent avec joie,
la naissance de leur petit-fils
Louis
le 15 avril 2023,
à Lausanne, chez
Raphaël et Laure
de FONDEVILLE
M. Eric LEROY
et Mme, née
Constance Lemasson,
partagent avec Jacques, la joie
d'annoncer la naissance de
Paul
le 6 juin 2023, à Paris (7e).
Demandez le guide !
prenoms@media.figaro.fr
01 56 52 27 27
baptêmes
M. et Mme Denis RABOT
M. Vincent MAHÉ
M. et Mme Antoine
LENCOU-BARÊME
sont heureux d'annoncer
le baptême le 3 juin 2023,
de leur petit-fils
Ezéchiel
frère de Léopoldine,
né le 7 mars 2023, chez
Héloïse et Augustin
fêtes des pères
A notre papa
Alain
Nous voulions te dire
combien nous t'aimons fort !
Merci pour la musique,
les grandes discussions,
ton écoute, ta patience,
ton humour inégalable
et tous nos souvenirs à 5.
Avec tout notre amour.
Clotilde, Jean-Benoît et Adrien.
Pour
Jacques Yves
Cher papa,
Un petit mot
et un gros clin d'œil
pour te souhaiter
une très belle fête des pères !
Nous mesurons
chaque jour qui passe
la chance
d'avoir un père comme toi.
Tes enfants qui t'aiment.
Christophe, Caroline,
Stéphane.
A notre Pounet,
Jean
le père le plus tendre
et le plus courageux qui,
avec Maman, nous a donné
les clés du bonheur
et de la réussite.
Bonne fête Papa chéri.
Nous t'aimons tant.
Violaine et Floriane.
À « Les communautés
Vincent
« Les pères doivent toujours
donner pour être heureux.
Donner toujours,
c'est ce qui fait
qu'on est père. »
Honoré de Balzac.
Merci Papa
de tant nous donner !
On t'embrasse très fort.
Inès, Olivia et Louis.
thèses
Depuis 2017,
le Suprême Conseil de France
entouré de plusieurs
organisations maçonniques
de rite écossais,
remet des prix à des thèses
de doctorat dont la nature
ou les effets peuvent stimuler
la recherche autour des valeurs
du rite écossais ancien
et accepté dans l'enseignement
supérieur.
Le mercredi 7 juin 2023
ont été décernés
le prix 2023 et huit accessits.
Le Suprême Conseil de France
a décerné
son 7e prix de thèse à :
M. Nicolas Bouteloup
pour sa thèse de doctorat
en philosophie :
« Ordre et modèle
chez Spinoza : une grammaire
du vrai ? »,
soutenue à l'université
Paris-1 Panthéon-Sorbonne.
La Grande Loge de France
a attribué un accessit à :
Mme Dominique Ginolhac-Jean
pour sa thèse de doctorat en
philosophie et épistémologie :
« La valeur éthique
du détachement dans
la relation soignant-soigné »,
soutenue à l'université
de Rouen Normandie.
Le Suprême Conseil
de Belgique
a attribué un accessit à :
Mme Yael Dansac
pour sa thèse de doctorat
en anthropologie sociale
et ethnologie :
« Anthropologie des pratiques
spirituelles contemporaines.
Le cas du réinvestissement
rituel des mégalithes
dans le Morbihan » soutenue
à l'École des hautes études
en sciences sociales (Paris).
Le Suprême Conseil Féminin
de France
a attribué un accessit à :
Mme Marielle Lavenus
pour sa thèse de doctorat
en histoire de l'art :
« Lecture renouvelée
des miniatures
du Maître de Wavrin :
l'histoire de Gérard de Nevers
du manuscrit Bruxelles, KBR,
ms. 9631 »,
soutenue à l'université de Lille.
Le Suprême Conseil des
Cultures et de la Spiritualité
a attribué un accessit à :
M. Lekpaï Yves Keipo
pour sa thèse de doctorat
en histoire médiévale :
« La détention des templiers
dans le royaume de France
(1307-1314). Le cas des prisons
du bailliage de Senlis »,
soutenue à l'université
de Nantes et en cotutelle
à l'université
Félix-Houphouët-Boigny
d'Abidjan-Cocody.
La Fédération Française
de l'Ordre Maçonnique Mixte
International « Droit Humain »
a attribué un accessit à :
M. Romain Vilaud
pour sa thèse de doctorat
en histoire :
chrétiennes et leurs rapports au
politique dans l'empire romain
du milieu du Ier siècle
au milieu du IIIe siècle :
entre origines et conséquences
des constructions identitaires
chrétiennes », soutenue
à l'université de Tours.
Le Grand Collège
des Rites Ecossais
du Grand Orient de France
a attribué un accessit à :
Mme Francesca Pillon
pour sa thèse de doctorat
en philosophie :
« La parole et le symbole :
une dimension philosophique
chez Philon d'Alexandrie »,
soutenue
à Sorbonne Université (Paris).
L'Institut Maçonnique
de France
a attribué un accessit à :
M. Léo Bernard
pour sa thèse de doctorat
en anthropologie religieuse :
« Hippocrate initié.
Courants ésotériques
et holisme médical en France
durant l'entre-deux-guerres »,
soutenue à l'École pratique
des hautes études /
Paris sciences et lettres.
Le Suprême Conseil du Bénin
a attribué un accessit à :
M. Tchénando Patrick Noukpo
pour sa thèse
de doctorat en sociologie :
« Les masques africains :
des patrimoines identitaires
dans la diversité culturelle
entre espaces profane et sacré
au Bénin », soutenue
à l'université de Lorraine.
https://www.scdf.net
signatures
Pour la sortie
de la première biographie
de l'artiste Gustave Caillebotte
Stéphanie
CHARDEAU-BOTTERI
dédicacera son livre
Caillebotte
l'impressionniste inconnu
(éditions Fayard),
le vendredi 23 juin 2023
de 14 heures à 18 heures,
le samedi 24 juin
de 15 heures à 17 heures,
à la Maison Caillebotte,
8, rue de Concy, 91330 Yerres.
deuils
Alain, son époux,
Laurence, sa fille,
Stanislas et Godeffroy,
ses petits-fils,
et ses beaux-petits-enfants
ont la douleur
de faire part du décès de
Josette ANTHOINE GUÉRET
survenu le 14 juin 2023,
à Mougins (Alpes-Maritimes).
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
de Sainte-Maxime (Var),
le mercredi 21 juin, à 14 h 30,
suivie de l'inhumation
à 16 heures, au cimetière
de Cavalaire-sur-Mer.
Maryvonne Montoya-Creff,
Françoise et Philippe Dutoit,
Muriel et Claude Boyer,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
les familles Le Bozec, Artigue
et Algis
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Jacqueline
ARTIGUE-LEBOZEC
survenu le 9 juin 2023,
dans sa 101e année.
Les obsèques ont eu lieu
le 15 juin 2023, à Valence,
dans la stricte intimité familiale.
Philippe Bück,
son mari,
Arnaud et Karine Jacquin,
Priscille et Christophe de Pous,
ses enfants,
Zoé, Iris, Victoire, Céleste,
Octave, Balthazar,
ses petits-enfants,
la famille Bück
ont la douleur
de faire part du décès de
Alison BÜCK
née Kramer,
le 14 juin 2023,
dans sa 83e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption,
88, rue de l'Assomption,
Paris (16e),
le mercredi 21 juin, à 10 h 30.
Anne-Marie Chrétienne,
son épouse,
Marie-Antoinette Chrétienne,
sa mère,
Isabelle et Stéphane,
Olivier et Aurélie,
Vincent,
ses enfants,
Martin, Margaux, Thomas
et Léonie,
ses petits-enfants,
Michel et Katia,
son frère, sa belle sœur,
et leurs enfants
ainsi que toute la famille
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Patrick CHRÉTIENNE
survenu le 13 juin 2023,
à l'âge de 76 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
par le père Vincent, son fils,
le lundi 19 juin 2023, à 14 h 15,
en l'église Saint-Pierre
de Neuilly-sur-Seine.
Ni fleurs ni couronnes,
vous pouvez faire
un don à l'institut Curie
https://curie.fr/page/faire-un-
don-linstitut-curie
14, rue Saint-Pierre,
92200 Neuilly-sur-Seine.
Compiègne (Oise).
Nicolas et Julie
Carré-Caignault,
Julien et Marie Lemoine,
Antoine et Vanessa Caignault,
ses enfants,
Cy, Mishka, James, June,
Timothée,
ses petits-enfants,
toute sa famille et ses amis
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Nicole CAIGNAULT
née Delhaye,
survenu le 6 mai 2023,
à Compiègne, à l'âge de 81 ans.
Un dernier hommage lui sera
rendu le mercredi 28 juin,
à 15 heures, au cimetière
de Saint-Jean-aux-Bois (Oise),
suivi de l'inhumation de l'urne
dans la sépulture de famille.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Jérôme Debled,
Marc et Laurence Debled,
Agnès et Ivan Bitaud,
ses enfants,
Geoffroy et Céline,
Marie, Anne, Alban, Antoine,
Alix, Anaïs et Thaïs,
ses petits-enfants,
vous invitent
à partager leur peine,
mais aussi leur Espérance
à l'occasion du rappel à Dieu,
en la fête du Saint Sacrement,
de
Odile DEBLED
née Le Coulm,
à l'âge de 90 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 20 juin 2023,
à 14 h 30, en l'église
Notre-Dame-du-Rosaire,
à Saint-Maur-des-Fossés
(Val-de-Marne).
L'inhumation aura lieu
au cimetière Saint-Martin
de Brest.
Le professeur et Mme
Bernard Vouilloux,
la vicomtesse
Hugues de Chasseval,
Mme Sophie de Galbert,
le comte et la comtesse
Antoine de Galbert,
ses enfants,
Maud, Julien, Jean-Baptiste,
Benoît, Olivia, Géraldine,
Albertine, Camille, Augustin,
Pauline, Simond, Delphine,
Mathilde,
ses petits-enfants,
et leurs conjoints,
Argentine, Hippolyte, Louise,
Violette, Bérénice, Léonie,
Félix, Amandine, Zoé, Athénaïs,
Octavie, Gaspard, Maëline,
Gabriel, Léopold, Margaux,
Raphaël, Colette, Paul,
Jean-Baptiste, Clovis, Rose,
Oriane, Jeanne, Thaïs, Pia,
Othilie, Justine, Joseph, Edgar,
ses arrière-petits-enfants,
Mme Inès de Camaret,
sa sœur,
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Nicole DEFFOREY
née de Camaret,
chevalier
de la Légion d'honneur,
veuve de
Maurice de Galbert
(†1959)
et de
Charles Defforey
(†2017),
le 14 juin 2023,
dans sa 98e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
par le père Xavier de Dumast,
en l'église de Lucey (Savoie),
le mardi 20 juin, à 16 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Hervé (†) et Edith
d'Estreux de Beaugrenier,
Ghislain et Marie-Pascale
d'Estreux de Beaugrenier,
Dominique et Myriam
d'Estreux de Beaugrenier,
Raoul (†) et Marie-Florence
du Sordet,
ses frères, sœur,
belles-sœurs, beau-frère,
ses quinze neveux et nièces
ont la tristesse
de faire part du décès de
Christian
d'ESTREUX de BEAUGRENIER
survenu le 15 juin 2023,
à Compiègne (Oise).
La cérémonie religieuse
sera célébrée en la chapelle
Notre-Dame-de-l'Arche,
à Trosly-Breuil,
le mardi 20 juin, à 14 h 30.
Béatrice Aumont,
née Fessol,
et Olivier Aumont,
sa fille et son gendre,
Monique Buchalet,
sa sœur,
Aurélien, Raphaël et Mathieu,
ses petits-fils,
les familles Buchalet, Scacchi,
Giraudeau,
ses cousins,
les familles parentes et amies
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Anne-Marie FESSOL
née Buchalet,
survenu le 13 juin 2023,
à l'âge de 89 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 21 juin,
à 10 heures, en l'église
d'Ayze (Haute-Savoie),
suivie de l'inhumation
au cimetière d'Ayze.
La famille recevra les visites
à la chambre funéraire
de l'hôpital Saint-Louis,
Paris (10e), le dimanche 18 juin
de 14 heures à 15 heures.
Anne-Marie rejoint son fils,
Laurent
décédé en 2012.
Cet avis tient lieu de faire-part.
M. et Mme
Charles-Henri Jenner,
M. et Mme Nicolas Jenner,
M. et Mme Antoine Jenner,
M. et Mme Xavier Jenner,
M. et Mme Arnaud de Bantel,
M. et Mme
Jean-Claude Barriol,
ses neveux et nièces,
ses 21 petits-neveux
et petites-nièces
et toute sa famille
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Anne-Marie
JENNER-LELIÈVRE
le 8 juin 2023,
dans sa 98e année.
Elle a rejoint son époux,
Lucien Lelièvre
décédé le 9 septembre 1996.
Une messe sera célébrée
pour elle en l'église paroissiale
Saint-Clodoald de Saint-Cloud
(Hauts-de-Seine),
le mardi 20 juin, à 10 h 30.
Cet avis tient lieu de faire-part.
lelievreanm@gmail.com
Edith Falgarone,
sa compagne,
Stéphane et Vanessa,
ses enfants,
Margaux, Chloé, Inès, Pierre
et Alexandre,
ses petits-enfants,
Patrice, son frère,
et toute sa famille
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Gérard LARGUIER
ENS Ulm,
co-fondateur et co-directeur
de l'Ipesup,
survenu le 13 juin 2023,
à Paris, à l'âge
de soixante-quatorze ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu
le jeudi 22 juin 2023, à 14 h 30,
en l'église Saint-Jean-Baptiste,
à Neuilly-sur-Seine.
Vanessa Stephan,
27, avenue Paul-Doumer,
75116 Paris.
Viviane Le Doussal,
née Floirat, son épouse,
Pierre, Jean-Marc et Philippe
Le Doussal,
ses fils,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
et toute sa famille
ont la tristesse
de faire part du décès de
Roger LE DOUSSAL
ancien directeur
de l'inspection générale
de la Police nationale,
chevalier
de la Légion d'honneur,
commandeur
de l'ordre national du Mérite,
survenu le 15 juin 2023,
à l'âge de 93 ans.
Les obsèques auront lieu
le jeudi 22 juin, à 14 heures,
au cimetière
de Château-Landon
(Seine-et-Marne).
Aurélien Masurel,
Ferdinand Masurel,
Lucrèce et Philippe Rémignon,
ses enfants,
et leur mère
Caroline Vavasseur,
Salomé et Ève,
ses petites-filles,
Edmond et Edith Masurel,
Dominique et Jean (†)
Letamendia,
Gilles Masurel,
ses frères, sœur
et leurs conjoints,
leurs enfants et petits-enfants,
Catherine et Alain Mouret,
Pascaline et Olivier Masurel,
Corinne Prouvost,
ses cousins,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Pascal MASUREL
rappelé à Dieu le 15 juin 2023,
dans sa 79e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu le lundi 19 juin,
à 16 heures, en l'église
Saint-Vincent de Ciboure
(Pyrénées-Atlantiques),
suivie de l'inhumation
dans l'intimité familiale,
au cimetière du Belvédère,
à Ciboure.
Draguignan (Var).
Ses filles,
Dominique et Caroline,
ses gendres,
Régis et François,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants,
parents et amis
ont la tristesse
de faire part du décès de
Christian
de MORDANT de MASSIAC
lieutenant-colonel (e.r.),
survenu dans sa 96e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu
le vendredi 23 juin 2023,
à 10 h 15, en l'église
Saint-Michel de Draguignan.
François Périer (†),
Marie-Christine Périer (†),
Gérard Périer et son épouse,
Cyril Périer et son épouse,
ses enfants,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous annoncer le décès du
docteur Michel PÉRIER
chevalier
de la Légion d'honneur,
survenu le 12 juin 2023,
dans sa 98e année.
L'inhumation aura lieu
ce samedi 17 juin, à 11 heures,
au cimetière familial
de Pomaret, à Saint-André-
de-Valborgne (Gard).
65, avenue Foch, 75116 Paris.
Valenciennes (Nord).
Patrick et Sabine
Lanselle-Regnier,
Catherine Regnier,
ses filles et son gendre,
Louis, Sasha, Simon, Joséphine,
Astrid,
ses petits-enfants,
et toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. Serge REGNIER
ancien directeur
de division trade
de la société PPG Corona,
survenu le 15 juin 2023,
à l'âge de 84 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 20 juin, à 14 h 30,
en l'église Saint-Martin
de Saint-Saulve.
souvenirs
Il y a dix ans,
Didier DECAUDAVEINE
nous quittait.
« Ne soyons pas triste
de l'avoir perdu,
soyons reconnaissant
de l'avoir connu. »
Saint-Augustin.
Il y a un an,
René-Paul MARTIN DENAVIT
quittait les siens.
Merci de vos pensées
et de vos prières.
rpmartind@yahoo.fr

Le plus ancien des Pen Duick barrés par Éric Tabarly navigue dans la baie de Lorient, le 7 juin dernier.
25 ans après sa disparition, la
légende Tabarly continue de voguer
Martin Couturié
£@MartinCouturie
L
a nouvelle est tombée en pleine Coupe
du monde de football, en France. Les
Bleus n’ont pas encore tutoyé leur pre-
mière étoile de champions du monde
lorsque Éric Tabarly s’envole vers
d’autres cieux, victime d’une glissade
fatale, dans la nuit du vendredi 12 au sa-
medi 13 juin 1998. L’annonce de la disparition en mer
d’Irlande du plus grand navigateur français, véritable
légende des flots, provoque une immense émotion
dans le pays, comme pour les plus grandes stars. Et
vingt-cinq ans plus tard, les circonstances de son dé-
cès ne sont toujours pas officiellement établies. Gérard
Petitpas, l’un de ses proches, évoque la plus probable :
« Éric remontait vers l’Écosse à bord de son Pen Duick.
Comme le vent a commencé à fraîchir (se renforcer,
NDLR), il a décidé de changer de grand voile. Comme
d’habitude, il a voulu participer à la manœuvre. Il est
monté sur le roof (le dessus de la cabine du bateau), on
pense qu’il y a eu un coup de roulis et qu’il a glissé… »
Malgré les tentatives de ses équipiers pour
manœuvrer le vieux Pen Duick et tenter de le récupé-
rer, Éric Tabarly, 66 ans, qui a défié les vagues les plus
gigantesques du monde, n’a jamais pu être localisé, ni
remonté à bord. Son corps sera repêché à 80 kilomè-
tres au sud des côtes irlandaises, par les marins du
chalutier breton An Yvidig, le 17 juillet 1998, soit tout
juste cinq jours après le triomphe des Bleus d’Aimé
Jacquet. La France a gagné une petite Coupe et perdu
un grand homme…
De nombreuses innovations
Deux décennies et demie plus tard, personne n’a
oublié la carrière de l’ancien officier de marine, vain-
queur d’une multitude de courses anglo-saxonnes,
notamment la Transat anglaise (l’Ostar) en 1964 puis
1976, ses deux faits d’armes, qui vont véritablement
lancer la course au large et développer les activités
nautiques en France. Surgi du néant, à Newport, le
19 juin 1964, pour devenir le héros de la bataille de
l’Atlantique, le Breton de 32 ans devient le premier
marin français à humilier les rivaux anglais. Pour le
plus grand bonheur du général de Gaulle. Retour sur le
paquebot France, Légion d’honneur, félicitations offi-
cielles, unes des journaux… Rien n’est trop beau pour
célébrer son triomphe, confirmé douze ans plus tard
par un deuxième succès au nez et à la barbe des Bri-
tish… L’histoire de France s’est écrite, et celle d’une
pléiade d’autres marins - plus jeunes - va se rédiger à
bord de sa célèbre flotte de Pen Duick.
Olivier de Kersauson, Alain Colas, Jean Le Cam,
Halvard Mabire, Jean-François Coste, Gérard Petit-
pas, Roland Jourdain, Michel Desjoyeaux, pour ne ci-
ter que certains des plus célèbres marins, ont embar-
qué avec Tabarly et découvert à bord ce personnage
avare de mots, ce qui ne l’empêchera pas de marquer
ces jeunes loups au fer bleu des océans. « Que reste-t-il
des années Tabarly ? Plein de choses, des gens, des inno-
vations et des expériences extraordinaires, et je suis le
premier à lever la main pour en témoigner. Il a permis à
champs libres
Enquête
FRED TANNEAU/AFP
Le célèbre navigateur, énormément de marins de naviguer, de se former et de
s’éclater. Il a ouvert l’accès au grand large », répond
qui a formé de
Michel Desjoyeaux, triple vainqueur de la Solitaire du
Figaro, double héros du Vendée Globe et grand triom-
nombreux marins
phateur de la Route du rhum, après avoir disputé le
tour du monde en équipage avec escales, en 1985-
1986, à bord du bateau de Tabarly.
actuels, a laissé Ce monocoque, Côte-d’Or, classé dixième de la
course planétaire, n’est pas la plus belle des réussites et
cinq « Pen Duick », a été rapidement vendu par son propriétaire. Il ne fi-
gure donc pas dans la flotte légendaire des Pen Duick,
témoins de son sens ces six bateaux (moins un) qui continuent, malgré la
disparition d’Éric Tabarly, de porter haut son message,
de l’innovation. de constituer un héritage unique et surtout de voguer
au large, cap sur l’horizon, en souvenir de leur capitai-
Sa femme et ses proches ne. « Je ne suis ni misanthrope, ni misogyne, ni margi-
nal, et (…) je m’intéresse à la vie de notre planète. Mais le
souhaitent que ces bateau est vraiment le seul domaine qui me captive, qui
alimente mes idées novatrices », a-t-il déclaré un jour.
La liste de ses innovations est aussi longue qu’im-
bateaux héritages soient pressionnante et intelligente à bord de ses voiliers.
Dans le désordre, et sans exhaustivité : coque en
classés monuments contreplaqué léger, quille étroite, safran suspendu re-
culé, régulateur d’allure, bulle d’observation, quille à
historiques. bulbe, gréement de goélette à wishbone, mâts profilés,
voiles lattées, ballasts de stabilisation, lest de quille en
uranium appauvri, chaussette de spi… « Et les foils, dont
on parle beaucoup aujourd’hui, c’est lui aussi qui les a dé-
veloppés », témoigne Jacqueline, sa femme depuis 1984.
De passage dans les locaux du Figaro, il y a deux semai-
nes, l’épouse n’a pas caché, en peu de mots, comme son
mari, qu’il lui manquait « tous les jours » et qu’« il est
naturel qu’on parle de lui tout le temps ». Et d’ajouter,
consciente de l’héritage : « Chacun des Pen Duick a sa
particularité et montre l’évolution de la marine. »
À ses côtés, Arnaud Pennarun a souri. Ce grand
gaillard de 51 ans et à la belle gueule a pu s’apercevoir
de la renommée toujours vivace de la légende lors de la
dernière Route du rhum, qu’il a disputée en 2022 sur
Pen Duick III. « L’engouement était incroyable, je ne
m’attendais pas du tout à ça », raconte ce proche de la
famille, qui a navigué avec le Breton phare de la disci-
pline à partir de 1992. Leur rencontre résume bien le
fonctionnement de Tabarly. « On se croise lors d’une
régate dans le Sud, il me dit : “Tu navigues bien” et “J’ai
besoin d’un équipier”. Il me demande mon numéro et
deux semaines plus tard, il m’appelle. Deux ans après,
sur ses conseils, je l’ai rejoint au sein de la marine natio-
nale, j’y suis resté seize ans »…
Après avoir bouclé la Route du rhum en 32 jours, Ar-
SEBASTIEN SALOM-GOMIS/AFP
naud Pennarun s’attelle avec Jacqueline Tabarly à un
autre joli, et capital, défi : « Faire vivre l’héritage d’Éric
Tabarly » en assurant la pérennité des Pen Duick. Leur
objectif : assurer le classement aux Monuments histori-
ques des quatre bateaux qui ne sont pas encore proté-
gés. À ce jour, seul Pen Duick premier du nom (qui si-
gnifie « mésange à tête noire » en breton) a obtenu ce
Ce classement permettrait
de sanctuariser la flotte des « Pen Duick »,
»
d’éviter qu’elle soit dispersée
Arnaud Pennarun, skipper de « pen duick III » lors de la dernière Route du Rhum
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
le figaro
17
statut privilégié qui permet de toucher des subventions
pour financer 40 % à 45 % d’éventuels travaux et d’évi-
ter une vente à l’étranger. « Ce classement permettrait
de sanctuariser la flotte, d’éviter qu’elle soit dispersée,
parce qu’à ce jour les bateaux ont des propriétaires diffé-
rents », constate Arnaud Pennarun. Le Pen Duick nu-
méro un (cotre de 17,60 mètres construit en 1898 et ré-
nové par le célèbre marin) appartient à l’association du
même nom. Les numéros trois (goélette de 17,45 m,
construit en 1966) et six (ketch de 22,25 m, 1973) appar-
tiennent à Jacqueline Tabarly et à leur fille Marie. Le
numéro deux (ketch de 13,60 m, 1964) est la propriété
du ministère de la Jeunesse et des Sports et le numéro
cinq (sloop de 10,60 m, 1969) dépend du ministère des
Armées. Manque donc, dans la prestigieuse liste, le nu-
méro 4, un trimaran en aluminium de 20,80 m
construit en 1968 et vendu en 1970 à Alain Colas. Re-
baptisé Manureva, le multicoque remporta la Transat
anglaise en 1972, dans le sillage de son aîné Pen Duick II,
avant de disparaître, avec son skipper, lors d’une tem-
pête monstrueuse au cours de la Route du rhum 1978.
Remake à l’ancienne
Un quart de siècle après la chute dramatique, les cinq
bateaux noirs (sauf le 5 de couleur grise) se portent
bien, certains ayant été rénovés dans le chantier naval
d’Arnaud Pennarun, et naviguent régulièrement au
large des côtes bretonnes et françaises. Tous sont basés
à Lorient, dans la Cité de la voile Éric Tabarly, et prêtés
à l’association du même nom, créée en 1999 et soute-
nue financièrement par Banque populaire. « À une ex-
ception près, on a la chance d’avoir une lignée de ba-
teaux faits par un seul homme. C’est vraiment un
patrimoine maritime unique au monde », constate Jean-
Pierre Couteleau, son président. « On ne peut pas se
permettre de les voir disparaître. Je découvre encore des
innovations et des idées qui se retrouvent sur des ba-
teaux de course actuels », ajoute Arnaud Pennarun,
bien décidé à présenter avec Jacqueline Tabarly une
proposition de classement avant la fin de l’année au
ministère de la Culture, pour une mise en route espé-
rée dès 2024.
D’ici là, le 10 septembre prochain, le nom « Tabar-
ly » va repartir au large à bord de Pen Duick VI, avec
lequel Éric a pris le départ de la première Whitbread, le
tour du monde en équipage avec escales, il y a tout jus-
te cinquante ans. Et c’est sa fille Marie qui tiendra la
barre à Southampton pour ce remake à l’ancienne, in-
titulé Ocean Globe Race et disputé sans GPS ni moyens
de communication modernes. Couvée dans sa jeunes-
se par Olivier de Kersauson, celle qui a longtemps pré-
féré la compagnie des chevaux à celles des embruns
s’est lancée en 2018 dans le sillage de son père, à l’oc-
casion d’un tour du monde découverte en compagnie
d’artistes et de sportifs. Interrogée par nos soins, sa
mère s’est montrée quelque peu inquiète face au der-
nier défi de sa fille unique, désormais âgée de 38 ans.
« Je suis la première étonnée, même si on mettait le couf-
fin de Marie sur Pen Duick VI pour sortir. Plus jeune, je
pensais que son avenir serait dans le cheval, et puis elle
s’est tournée brusquement vers la voile. Pen Duick VI,
c’est son bateau, elle grandit avec. C’est très bien, mais
ce tour du monde me fait un peu peur. » Une crainte des
plus logiques venant d’une mère, mais, avec un patro-
A
nyme pareil, Marie peut voir loin. Et naviguer jusqu’à
toucher les étoiles. Tabarly, l’éternel. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

18 champs libres
Débats

Hymne algérien : la rente mémorielle

reste l’alpha et l’oméga du régime

L’
information est
passée relativement
inaperçue,
en tout cas,
peu commentée :
un décret paru
au Journal officiel algérien a codifié
le protocole de l’hymne national
algérien, Kassaman. Ce chant écrit
par le poète algérien Moufdi Zakaria,
militant indépendantiste plusieurs
fois incarcéré par la France, date
de 1955, donc écrit pendant la guerre
d’indépendance, à une époque
où objectivement, la France
était l’ennemi de l’Algérie. Il n’a été
adopté comme hymne national
qu’en 1963. Sur fond d’une très belle
musique, guerrière et entraînante,
il est sans doute le seul hymne
national qui désigne nommément
l’ennemi du pays. Cet ennemi,
c’est la France. En effet, le troisième
couplet est assez critique vis-à-vis de
l’ancien colonisateur. Qu’on en juge :
« Ô France ! le temps des palabres
est révolu ;
Nous l’avons clos comme on ferme
un livre
Ô France ! voici venu le jour
où il te faut rendre des comptes
Prépare-toi ! voici notre réponse,
Le verdict, notre révolution
le rendra
Car nous avons décidé
que l’Algérie vivra
Soyez-en témoin !
Soyez-en témoin !
Soyez-en témoin !
Xavier Driencourt (Kassaman,
kassaman). »
Le président Abdelmadjid Tebboune a publié un Ce troisième
décret qui augmente le nombre de circonstances couplet était assez
dans lesquelles l’hymne national algérien doit largement critiqué
être joué dans sa version intégrale. Celle-ci pour diverses
comporte un couplet qui vise nommément raisons, certains
le trouvant trop ou
la France. Le diplomate et ex-ambassadeur inutilement agressif,
de France à Alger* voit dans cette décision d’autres, pas assez.
un nouveau camouflet pour la France. Mais finalement, peu
de débats ont eu lieu dans les années le président de la République s’était
1960, après l’indépendance rendu à Alger à la fin du mois d’août
et Kassaman, depuis quarante ans, dernier, une Marseillaise suivie d’un
n’était plus un sujet. Le troisième Kassaman ciblant le pays dont Alger
couplet n’était maintenu que pour les accueillait le représentant officiel !
congrès du FLN et pour l’investiture La question qui dès lors se pose
du président de la République. est la suivante : pourquoi rétablir
Je me souviens d’ailleurs qu’en tant aujourd’hui, en juin 2023, ce fameux
qu’ambassadeur en Algérie, couplet « anti-français » de l’hymne
j’avais entendu l’hymne algérien national algérien ? Pourquoi ne pas
dans son intégralité, donc avec laisser se poursuivre le compromis
le troisième couplet, aux cérémonies tacite du passage sous silence
d’investiture, en mai 2011, du troisième couplet ? Comme
en général, en
Algérie, rien n’est
« En remettant le troisième couplet
dans le débat politique, les autorités
laissé au hasard,
on peut imaginer
que ce choix est
algériennes ont délibérément rouvert tout sauf anodin.
un débat qui n’avait pas lieu d’être. Publier ce décret
Pour quelle raison si ce n’est la volonté présidentiel
le lendemain du
de gêner Paris ? » troisième report
de la visite
officielle en France
du président Bouteflika à l’occasion du président Tebboune, au moment
de son troisième mandat, où le même chef d’État choisit de se
et le 19 décembre 2019 pour rendre à Moscou en pleine offensive
l’investiture du président Tebboune. militaire peut être interprété comme
Mais, d’une manière générale, n’était un nouveau signal de mauvaise
joué que le premier couplet. Lors des humeur vis-à-vis de Paris, d’autant
fêtes nationales, après l’hymne du que cette initiative intervient après
pays hôte, seul le premier couplet, les polémiques suscitées en France,
chanté ou non, était exécuté. comme en Algérie, par l’idée
Le 14 Juillet par exemple, après de renégocier ou de dénoncer
La Marseillaise, le premier couplet l’accord franco-algérien de 1968
de Kassaman était chanté. Personne sur l’immigration. Les sites
n’y trouvait à redire et aucun débat d’information algériens - souvent
n’avait donc lieu sur ce point. manipulés par des officines militaires
Le décret récent, signé par - commentent cette initiative.
Abdelmajdid Tebboune, prévoit donc Celle-ci s’ajoute aux gestes négatifs
que l’hymne complet sera joué d’Alger, les virulentes critiques
désormais dans les « cérémonies à l’encontre des soi-disant
officielles en présence du président de « barbouzes » ayant « exfiltré »
la République, mais également Mme Amira Bouraoui, le rappel
lors des visites des chefs d’État », -le deuxième en moins d’un an -
ce qui entraînerait par exemple de l’ambassadeur d’Algérie à Paris,
son exécution intégrale au cours le remplacement systématique
d’une visite du président Macron. du français (le fameux « butin de
On aurait pu imaginer ainsi, lorsque guerre » célébré par l’écrivain Kateb
Yacine) par l’anglais, y compris
en présence du président français.
Il est stupéfiant de constater
qu’Alger s’enferme depuis plusieurs
mois, en dépit de discours parfois
apaisants, dans une bouderie
diplomatique dont on se demande
quand elle finira : les gestes amicaux
de la France, les initiatives du
président de la République en faveur
d’Alger depuis son voyage d’août
2022, ce « pari algérien » fait par la
France et qui la brouille avec Rabat,
sont systématiquement ignorés
ou critiqués. On pourrait présager
que la visite d’État du président
algérien désormais programmée
à l’automne se télescopera
avec le débat parlementaire sur
l’immigration et qu’un quatrième
report de celle-ci pourrait suivre…
Force est de constater un point.
Comme précisé plus haut, le débat
sur l’hymne national algérien
n’existait plus depuis quarante ans
et la question du troisième couplet
n’était plus depuis longtemps un sujet
de polémique. En le remettant
dans le débat politique, les autorités
algériennes ont délibérément rouvert
un débat qui n’avait pas lieu d’être.
Pour quelle raison si ce n’est la
volonté de gêner Paris ? C’est donc
le signe que la « rente mémorielle »
reste bien l’alpha et l’oméga
du système algérien. La France
croit que ses gestes apaiseront
Alger mais finira par se demander
si le jeu en vaut la chandelle…
*Xavier Driencourt est diplomate.
Ancien directeur général
de l’administration du Quai d’Orsay,
chef de l’Inspection générale des affaires
étrangères, il a été ambassadeur
de France à Alger à deux reprises,
entre 2008 et 2012, puis entre 2017
et 2020. Il a publié un livre retraçant
son expérience : « L’Énigme algérienne.
Chroniques d’une ambassade à Alger »
(Éditions de l’Observatoire, 2022).

« Nous, Coréens, voulons aller encore plus

loin dans notre partenariat avec la France »

L
a République de Corée,
désormais bien connue
des Français grâce à la K-
culture, à sa gastronomie
comme le kimchi, ou en
tant que « puissance des
smartphones », a établi des relations
diplomatiques avec la France dès
1886 par le biais du traité d’amitié
et de commerce. Et dans les années
1910, pendant l’occupation japonaise
de la Corée, la France a contribué
à offrir aux résistants coréens un
cadre propice pour leur permettre
de mener des actions en faveur de
l’indépendance à Shanghaï et à Paris.
Avec la défaite du Japon en 1945,
la Corée a retrouvé sa souveraineté
mais connu en 1948 une division
entre le Sud et le Nord, suivie
par la guerre de Corée, déclenchée
le 25 juin 1950 par l’invasion des
Nord-Coréens, soutenue par les
Soviétiques. Pendant cette guerre,
la France a envoyé 3 421 jeunes
hommes en Corée. Le bataillon
français, sous le commandement
du général Monclar, a bloqué
l’armée chinoise lors de la bataille
de Jipyeong-ri, jetant les bases
de la reprise de Séoul.
Au total, 262 soldats français sont
dessins : fabien clairefond
fleuve Han », Séoul et Paris sont ses efforts afin de parvenir à un
devenus d’étroits partenaires retour rapide de la paix en Ukraine,
de coopération. L’année dernière, le et entend coopérer étroitement dans
volume des échanges commerciaux cette voie avec les pays membres
entre la Corée et la France a atteint de l’Otan, dont la France.
un niveau record de 13 milliards Il faut démontrer qu’un acte
de dollars, et les investissements s’affranchissant des normes
entre nos entreprises 486 millions internationales et menaçant par
de dollars, ce qui témoigne la force la souveraineté et la vie ne
d’une constante augmentation. peut en aucun cas être récompensé.
Par ailleurs,
la République de
« Alors que la confrontation
entre la démocratie libérale
Corée exprime
sa gratitude
à la France pour
et les autoritarismes s’intensifie, avoir toujours
l’ordre international, fondé sur des règles, soutenu ses
et la paix mondiale sont ébranlés. efforts en vue
d’instaurer
La République de Corée, en tant que la paix dans
membre non permanent du Conseil la péninsule,
ainsi que pour
de sécurité de l’ONU pour 2024-2025, sa constance
est prête à travailler étroitement dans ses
avec la France sur les questions condamnations
touchant la sécurité internationale » répétées des
programmes
nucléaires
Depuis l’établissement et de missiles de la Corée du Nord.
du Partenariat global du XXIe siècle, Alors que cette année marque le
en 2004, nos deux pays ont élargi 75e anniversaire de la proclamation
et du numérique, où elle possède des
atouts, et que la France coopère avec
la Corée dans le secteur aérospatial,
où elle possède une compétitivité
internationale, nous pourrons
en tirer des bénéfices mutuels
et complémentaires importants.
En outre, dans le nucléaire civil
et l’industrie de la défense, où nos
deux pays disposent d’excellentes
technologies de fabrication,
nous pourrons créer des synergies
en menant des projets communs
tant au niveau de la recherche
que du développement. Tout
particulièrement, le développement
conjoint des petits réacteurs
modulaires (PRM) et de l’énergie
à base d’hydrogène nous permettra
d’accroître l’approvisionnement
en énergie verte face à la crise
climatique.
En 2019, le film coréen Parasite
a remporté la palme d’or au Festival
de Cannes, tandis que la musique
K-pop, avec des groupes comme
BTS et Blackpink, est plus que jamais
plébiscitée par la jeunesse française :
autant de succès possibles parce que
la France demeure le pays des arts,
respectant les valeurs de la diversité
culturelle. Je souhaite que le

leurs échanges dans divers domaines de la Déclaration internationale des

morts au combat et 1 008 ont été
blessés. Quarante-sept jeunes
Français sont enterrés, aujourd’hui,
au cimetière des Nations unies
à Busan. Le gouvernement et le
peuple de la République de Corée
se souviendront à jamais du sacrifice
de la France,
qui s’est battue
à nos côtés pour
Yoon Suk Yeol défendre la liberté
Le président sud-coréen appelle à un partenariat de notre pays.
approfondi avec notre pays sur le plan diplomatique Après la guerre,
pendant
et économique. Il explique notamment vouloir la période
A
tels que la politique, la sécurité,
l’économie, la culture et l’éducation. République de Corée, en coopération
L’heure est maintenant venue de
hisser nos relations de coopération
à un niveau supérieur. Alors que la
confrontation entre la démocratie
libérale et les autoritarismes
s’intensifie, l’ordre international,
fondé sur des règles, et la paix
mondiale sont ébranlés.
La République de Corée, en tant
que membre non permanent du
Conseil de sécurité de l’ONU pour
2024-2025, est prête à travailler
étroitement avec la France sur
droits de l’homme à Paris (1948), la
avec la France, pays de la liberté
et des droits de l’homme,
cherchera à alerter la communauté
internationale sur la situation
dramatique en matière de droits
de l’homme en Corée du Nord,
et à trouver des moyens
pour y faire face.
À l’avenir, la coopération
économique Corée-France devra
contribuer à construire des chaînes
d’approvisionnement mondiales
stables et résilientes. Si la Corée
partenariat culturel entre nos deux
pays s’enrichisse encore davantage.
Busan, ville portuaire de la
République de Corée, s’est portée
candidate à l’Exposition universelle
de 2030. Elle est l’endroit même où
les jeunes Français sont arrivés en
1950 pour sauver la Corée en guerre.
À l’époque ville d’accueil de tous
les réfugiés de la guerre, Busan est
devenue aujourd’hui la deuxième
plus grande ville portuaire
au monde en termes de volume
de transbordement. Nous,
les Coréens, avons à cœur d’aller

investir en France dans les secteurs des semi- connue comme les questions touchant la sécurité investit en France dans les secteurs encore plus loin et plus haut dans
conducteurs, des batteries et du numérique. « le miracle du internationale. Elle ne ménagera pas des semi-conducteurs, des batteries notre partenariat avec la France.
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

champs libres
le figaro

Opinions 19
chronique
Mathieu Bock-Côté Faible avec l’islamisme, fort avec les chrétiens

C
ela fait quelques mois, déjà, plus exactement, de l’effet inévitable Ce n’est pas la religion qui revient, centrée sur la déconstruction des
que l’abaya est devenue d’un changement démographique c’est l’islam qui arrive. Ceux qui parlent stéréotypes de genre. Qui n’embrasse pas
le symbole de l’offensive qui ne peut s’accompagner que d’un indistinctement du « phénomène la théorie du genre sera tôt ou tard jugé
islamiste à l’école et, plus changement culturel. Un pays ne change religieux » sous prétexte de ne pas cibler antirépublicain.
encore, de la sécession pas de peuple sans changer d’identité. une religion en particulier et de ne pas Autrement dit, les instruments
culturelle d’une partie de la La laïcité ne survivra jamais à la mutation discriminer oublient que toutes les juridiques mis en place pour contenir
jeune génération issue de l’immigration, démographique française. Chose religions ne sont pas interchangeables l’islamisme se retournent contre le
qui entend marquer visiblement certaine, qui porte l’abaya veut faire et n’entretiennent pas la même relation catholicisme. Plus encore, la lutte contre
une forme de différence conquérante. comprendre très clairement qu’il ne avec l’histoire de France et l’espace le séparatisme se transforme en
Certains veulent voir dans sa présence se sent pas français : pire encore, qu’il public. Surtout, ils empruntent entreprise de persécution à bas bruit
une « atteinte à la laïcité ». Cela nous refuse l’identité française en France. un appareil conceptuel qui brouille des porteurs de la continuité historique
rappelle à quel point le discours public Il en va de même des récents leur vision du réel, au point même française. On reproche à l’école privée
français n’envisage le commun que sous événements à Nice. Christian Estrosi de le rendre méconnaissable, en laissant de se faire conservatrice d’une
le signe de la laïcité, comme s’il s’agissait s’est alerté de la multiplication croire que se rejouerait en France la anthropologie désuète, d’un rapport
de la seule identité collective autorisée. des prières musulmanes dans certaines bataille mythique entre les « Lumières » à l’autorité contradictoire avec
Mieux vaudrait, si ce vocabulaire était écoles. Il dénonce ainsi des « tentatives et l’« obscurantisme » alors qu’il s’agit en la psychologie démocratique, de
autorisé, parler d’une atteinte à l’identité d’intrusion du religieux au sein des fait de l’empiètement d’une civilisation transmettre une culture que l’époque

+ » Lire aussi page 12

« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
française, d’une agression symbolique
explicite contre le peuple français ou,
sanctuaires de la République ». Mieux
vaudrait parler moins pudiquement.
sur le territoire d’une autre, qui aura
transformé profondément
la physionomie culturelle du pays
a décrétée morte – à moins qu’elle ne
souhaite tout simplement la voir mourir.
L’école privée est accusée, en quelque
d’ici la fin du siècle. sorte, d’incarner une autre idée de la

@
Mais, sans surprise, l’appel à la France. Les esprits plus cyniques diront
restauration de la laïcité à l’école se que l’Éducation nationale ne tolère pas
100 000 citations
et proverbes sur evene.fr ENTRE GUILLEMETS détourne de sa finalité déclarée. Pap l’existence d’un contre-modèle, d’une
Ndiaye, en ce moment, ne cache pas son pédagogie qui réussit là où elle échoue,
17 juin 1789 : les États généraux deviennent l’Assemblée nationale. hostilité envers l’école privée et, encore, et qui, par effet de contraste, démontre
moins, envers l’école privée hors contrat. chaque jour ses propres limites. Mais les
Il veut limiter considérablement leur cyniques ne voient pas assez loin : c’est
autonomie, les standardiser vraiment l’intolérance philosophique qui
Motion adoptée par les députés idéologiquement, les mater. Elles sont commande l’hostilité à l’école privée et à

L’Assemblée ne perdra accusées, clairement ou à demi-mot, de la conception de la culture qu’elle défend.

Archives Charmet / Bridgeman Images

soustraire les enfants aux « valeurs de la Et c’est un vice profond inscrit

République » - ce reproche n’est pas dans une certaine conception du logiciel
jamais l’espoir nouveau, et traverse l’histoire française
depuis la Révolution, qui s’est donné pour
« républicain » qui se dévoile.
L’universalisme désincarné veut gagner
de réunir dans son sein mission de reconditionner le peuple
français pour le délivrer de ses préjugés,
sa dernière bataille contre l’école libre,
mais se montre complaisant comme

tous les députés de le régénérer dans la matrice de la

modernité. La mystique républicaine n’est
jamais avec la civilisation islamique,
qui progresse en France. La lutte contre

aujourd’hui absents»
pas étrangère à celle de l’homme l’islamisme se retourne en lutte contre
nouveau, qui fonctionne à la purge la liberté scolaire et l’enracinement
culturelle. Étrangement, depuis quelques culturel – ce qui nous rappelle que le
mois, l’adhésion aux valeurs républicaines combat pour les libertés et le combat
semble se confondre avec une conception pour l’identité, loin de s’opposer,
nouvelle de l’éducation à la sexualité, se fécondent mutuellement.

analyse
Eugénie Bastié
ebastie@lefigaro.fr
Histoire de l’immigration :
un musée multiculturaliste ?

L
a publicité pour la réouverture sans conteste le musée d’histoire dont nouspour ne pas tomber dans le wokisme que c’est la seule iconographie
de l’exposition permanente avons besoin. » le plus primaire. Mais l’idéologie médiatique disponible pour l’époque).
du Musée de l’histoire de Et l’historien de citer la « tranquille est en réalité partout présente. On y apprend que les années 1980 ont été
l’immigration fait grincer assurance » de son collègue du Collège de Le message est clair : il s’agit de marquées par « la mobilisation des
quelques dents. On y voit France, le démographe François Héran, montrer que notre pays, selon la formule travailleurs et la stigmatisation des
le portrait de Louis XIV par dont le livre Avec l’immigration est cité consacrée, a « toujours été une terre musulmans ». « Mohamed Laid Moussa,
Hyacinthe Rigaud avec cette mention : en exemple pour – attention, oxymore – d’immigration » et, selon les mots assassiné par des fascistes » (un Algérien,
« Louis XIV (mère espagnole, grand- sa « neutralité engagée ». Pour d’un des commissaires d’exposition, condamné à trois ans de prison pour
mère autrichienne) : c’est fou tous ces Boucheron, comme pour François de « casser la binarité entre Français et le meurtre de son voisin et assassiné
étrangers qui ont fait l’histoire de Héran, c’est la volonté de réguler les fluxétrangers ». « La monarchie absolutiste est à sa sortie de prison : pour la police,
France ». Avant, il y avait « nos ancêtres migratoires qui est déconnectée de la une grande terre d’immigration », lit-on il s’agissait d’un règlement de comptes,
les Gaulois » ; maintenant, il y a « nos réalité et idéologique, et l’ouverture ainsi sur un cartel. Il s’agit en réalité de mais pour ses soutiens, il s’agit d’un
ancêtres les migrants ». Du roman inconditionnelle qui se situe du côté de laquelques milliers de personnes, venues crime raciste), Toufik Ouanes, abattu
national à la fable multiculturaliste. pour la plupart par son voisin, machiniste de la RATP,
« Notre mission, c’est de faire
de l’immigration un élément central de
l’histoire nationale », avait résumé
l’ancien directeur du Palais de la Porte
« Le message est clair : il s’agit
de montrer que notre pays, selon
la formule consacrée, a « toujours
d’Irlande, du duché de
Savoie, d’Italie ou du
Saint Empire romain
germanique. Difficile
« excédé par le bruit », Malik Oussekine,
tué par la police, sont donnés en exemple
d’un climat raciste émergeant
dans les années 1970.
dorée Pap Ndiaye. C’est l’historien du été une terre d’immigration » et, d’y voir une continuité La dernière partie de l’exposition verse
Collège de France Patrick Boucheron avec les centaines de carrément dans le déni idéologique.
qui a été choisi pour présider le comité
selon les mots d’un des commissaires milliers d’immigrés L’immigration y est montrée comme
scientifique et repenser la nouvelle d’exposition, de « casser la binarité extraeuropéens qui un phénomène à la foi inéluctable,
exposition permanente qui ouvre
ce 17 juin. Tenant d’une histoire
mondialisée et comparatiste, l’auteur
entre Français et étrangers » » arrivent en France
chaque année depuis
une dizaine d’années.
souhaitable (car elle « comble les besoins
dans de nombreux secteurs du marché
du travail ») et ne posant pas d’autres
d’une Histoire mondiale de la France a été » historique et scientifique. C’est
vérité Le parcours se poursuit : 1789, les problèmes que le racisme.
critiqué pour sa vision militante de tout l’objectif du musée de le démontrer. étrangers dans la Révolution française ; Quant à l’intégration, elle se fait « à bas
l’histoire. Il a pris à plusieurs reprises Lorsque nous avons pénétré sous les 1848, les étrangers pour la première fois bruit », malgré les « obstacles » que sont
la parole pour dénoncer la politique arcades du musée à la sublime façade Art dénombrés lors du recensement ; 1889, « les discriminations en raison du prénom,
migratoire du gouvernement, déclarant déco de la porte Dorée, nous nous l’instauration du droit du sol ; 1917, « la du patronyme, de la religion ou de la
même qu’Emmanuel Macron faisait attendions donc à parcourir une participation, souvent oubliée (par qui ?), couleur de peau ». En guise d’illustration,
preuve d’un « aveuglement historique » exposition infantilisante nous abreuvant de la force noire, ces soldats africains un témoignage à travers une courte vidéo
sur l’immigration. du catéchisme vivre-ensembliste le plus qui ont combattu aux côtés de l’armée de Grace Ly, coautrice avec Rokhaya
Boucheron assume ce parti pris dans le niais. L’entrée du parcours, surplombée française » ; 1931, la montée de la Diallo du livre Kiffe ta race et militante de
rapport remis en 2018 préfigurant cette par une inscription en caractères xénophobie face aux crises ; 1940, l’intersectionnalité et du racialisme, qui
mission : « Ce musée, qui ne saurait être lumineux « Étrangers partout », semblait la persécution des juifs ; 1962, affirme : « On ne peut pas se dire féministe
le musée des autres, (…) doit au contraire donner le ton. On se doit de reconnaître la décolonisation (trois photos pour sans être antiraciste et anti-grossophobie
être le musée d’un “nous” moins étriqué que l’exposition, organisée de façon le million de pieds-noirs rapatriés, et anti-validisme. » « La France est de fait
et plus respirable », écrivait-il, ajoutant : chronologique en douze grandes dates de pour tout un mur sur l’immigration une société multiculturelle, même si les
« Au moment où les débats politiques en l’histoire de France, de 1685 (adoption du portugaise) ; 1973 et la « politisation minorités n’y ont pas d’existence légale »,
France et en Europe sont faussés par des code noir et révocation de l’édit de de l’immigration ». lit-on sur un dernier cartel. Manière
crispations idéologiques qui éloignent sans Nantes) à nos jours, est plutôt À partir de là, le biais idéologique de de répondre à Emmanuel Macron, qui
cesse davantage les discours publics d’une intéressante, didactique et richement l’exposition est plus assumé. Les unes de affirmait que « la France n’a jamais été et
mesure sereine et juste de la réalité, c’est illustrée. On sent qu’un effort a été fait Libération parcourent les murs (à croire ne sera jamais une nation multiculturelle » ?

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Jacques-Olivier Martin (directeur Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR

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“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

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 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
20
Marie-Laetitia Bonavita
mlbonavita@lefigaro.fr
P
atrick Lemoine le revendique presque :
il n’est pas politiquement correct. Psy-
chiatre lyonnais, spécialiste du som-
meil, il conteste la plupart des idées re-
çues sur la profession. Non, la
psychiatrie ne manque ni de lits ni de médecins.
Simplement, elle doit se réorganiser. L’ancien
praticien hospitalier codirige avec Boris Cyrulnik,
neuropsychiatre, un ouvrage - Pour une nouvelle
psychiatrie (Odile Jacob) - qui rassemble des pro-
positions de nombreux experts.
LE FIGARO. - La psychiatrie est une nouvelle fois
convoquée après la brutale attaque au couteau
contre quatre très jeunes enfants
et deux septuagénaires à Annecy.
Les radicalisés sont-ils fous ?
Patrick LEMOINE. - Attention aux raccourcis mé-
diatiques. Certains radicalisés souffrent réelle-
ment de troubles psychotiques qui se caractérisent
par une perte de contact avec la réalité. D’autres
sont considérés comme « fous » car leurs croyan-
ces ne correspondent pas aux nôtres. Mais ce n’est
pas de la folie. Ils sont juste dans le consensus de
leur groupe. C’est le cas, par exemple, de ceux qui
ont été élevés dans une famille au sein de Daech ou
de jeunes, qui peuvent d’ailleurs être des métro-
politains de souche, qui se radicalisent, via les ré-
seaux sociaux. Ce sont souvent des gens border­-
line, à la recherche d’une communauté, mais ils
ont un certain discernement.
Selon un récent sondage, la santé mentale
des Français reste dégradée trois ans après le début
de la pandémie de Covid. Plus de quatre personnes
sur dix confient des signes d’état dépressif
ou anxieux au cours de l’année passée.
Qu’en pensez-vous ?
Il est faux de dire que la France est plus malade sur
le plan psychiatrique que les autres pays euro-
péens. Je pense que le taux élevé en France de per-
sonnes déprimées s’explique par la qualité de nos
dépistages. Notre secteur médical est très à l’écou-
te du mal-être de nos compatriotes. Moi qui ai
beaucoup voyagé, je peux vous dire que si le ni-
veau de santé mentale est bon en Pologne, c’est
simplement parce qu’il y a peu de dépistages. En
URSS, le taux de suicides était bas car ils étaient
interdits, donc non répertoriés. Sans aller jusqu’à
reprendre les mots d’Emmanuel Macron à propos
des Gaulois réfractaires et jamais contents, les
Français ne se rendent pas compte de la qualité du
réseau de soins en France. Rappelons que les dé-
A
RENCONTRE
« Il est faux de dire que
la France est plus malade
sur le plan psychiatrique
que les autres pays
européens. Je pense que
le taux élevé en France
de personnes déprimées
s’explique par la qualité
de nos dépistages. Notre
secteur médical est très
à l’écoute du mal-être
de nos compatriotes. »
Patrick Lemoine : « Il est temps
de refonder la psychiatrie »
Le docteur en neurosciences déplore la prescription excessive de psychotropes
et plaide pour un remboursement des psychologues afin de soulager les psychiatres.
penses de la France pour les troubles de santé
mentale sont au-dessus de la moyenne des pays de
l’Union européenne.
La France compte, en proportion du nombre
de ses habitants, moins de lits de psychiatrie que
la moyenne européenne et un taux de psychiatres
inférieur à ses voisins suisses ou allemands…
La faute originelle du manque de médecins en Fran-
ce tient à la politique du numerus clausus mis en
place au début des années 1970. Concernant la den-
sité des lits et des médecins pour soins psychiatri-
ques, les taux restent très au-dessus du Royaume-
Uni ou des États-Unis. Reste à savoir si ces taux sont
de bons indicateurs. Je ne le pense pas. Prenons les
lits. Bien sûr qu’il en faut un nombre minimum, no-
tamment pour les personnes qui devraient être pla-
cées sous contrainte, car susceptibles d’être dange-
reuses pour elles-mêmes et les autres. Pour les cas
moins dramatiques, il faut d’abord s’appuyer sur le
« lesExcellents dans
diagnostics,
les médecins
français sont
des très bons
cliniciens
mais de piètres
thérapeutes,
car ils ne sont pas
assez formés
pour cela »
Patrick Lemoine
ANDBZ/ABACA
réseau de secteur (centres médico-psychologiques,
hôpitaux de jour, appartements thérapeuti-
ques, etc.). Quant au nombre de psychiatres, j’ose
avancer qu’il y en a assez. Simplement, ils ne font
pas assez de psychiatrie et trop de psychothérapie
et de psychanalyse, disciplines qui ne sont pas rem-
boursées par la Sécurité sociale si elles sont réalisées
par les psychologues. Si, à mes yeux, la psychanaly-
se est le meilleur des outils de développement per-
sonnel, donc, ne relevant pas de la médecine, il est
indispensable que l’État prenne en charge le travail
des psychologues qui est d’aider les déprimés ou les
névrosés. Le prix de consultation d’un psychologue
étant moins élevé que celui d’un psychiatre, cela
coûterait moins cher. Surtout, les psychiatres pour-
raient se consacrer à leur travail de médecin : s’oc-
cuper des tâches cliniques et médicamenteuses.
La France est depuis longtemps un pays très
consommateur de psychotropes, anxiolytiques,
antidépresseurs, antipsychotiques… Vous luttez
contre leurs prescriptions inappropriées…
C’est, en effet, mon cheval de bataille. Je suis
consterné de voir les ordonnances de mes confrè-
res généralistes comporter plusieurs pages de psy-
chotropes. Je ne leur jette pas la pierre car ils font
ce qu’ils peuvent. Ils sont débordés, mal formés ;
chercher les raisons du mal-être d’une personne
prend beaucoup de temps. Or la prise à long terme
de ce type de médicaments, très addictifs, est non
seulement toxique, mais souvent inappropriée.
Cela vaut en particulier pour les somnifères, une
belle escroquerie intellectuelle. Les hypnotiques
n’induisent pas un vrai sommeil réparateur. Ils ne
sont que des anesthésiques empêchant de se ré-
veiller. Le sommeil - un tiers de notre vie - condi-
tionne notre longévité comme notre immunité,
sans parler de notre mémoire. Il mériterait que la
médecine s’y penche et l’enseigne enfin à l’uni-
versité. Les thérapies cognitives, voire l’hypnose
médicale, mériteraient plus d’attention.
À vous lire, l’enseignement universitaire
de la psychiatrie est à revoir. Pourquoi ?
Je pense que l’on demande trop aux universitaires
qui doivent assurer à la fois les soins, l’enseigne-
ment et la recherche. Sans compter les jurys
d’examens, les réunions ministérielles ou les
congrès. Les journées ne comptent que vingt-
quatre heures ! Excellents dans les diagnostics, les
médecins français sont des très bons cliniciens
mais de piètres thérapeutes car ils ne sont pas as-
sez formés pour cela. De même, s’en remettant
trop aux laboratoires, ils ne connaissent pas bien
les médicaments. En Suisse, les psychiatres, qui,
selon moi, sont parmi les meilleurs doivent, pour
être diplômés, avoir suivi une double formation de
pharmacothérapie et de psychothérapie. Compte
tenu de l’emploi du temps surchargé des profes-
seurs des universités, on comprend, par ailleurs,
que la recherche psychiatrique soit quasiment à la
dernière place des pays européens.
Quel avenir pour la psychiatrie ?
La psychiatrie dont je rêve est une discipline où un
minimum de médicaments serait prescrit, où l’ap-
proche psychothérapique utilisant des techniques
éprouvées serait privilégiée et où les patients psy-
chiatriques ne seraient plus stigmatisés. J’ai
conscience de ne pas être tout à fait du sérail ; mon
discours n’est pas politiquement correct… mais
qu’importe ! ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro - N° 24 516 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> Focus
lefigaro.fr/economie Complémentaires
santé :
Vers une hausse
Casino grand témoin des tarifs
Créanciers, candidats « L’Europe doit trouver Les complémentaires santé pour-
à la reprise : les grandes l’équilibre entre innovation Matthieu
Courtecuisse,
raient coûter plus cher l’an prochain. À
manŒuvres Page 24 et réglementation » Page 26 président
de Sia Partners
partir du 1er octobre, l’Assurance-ma-
ladie va diminuer le remboursement
des soins dentaires, la prise en charge
passant de 70 % à 60 %. Les complé-

Retraites : comment
mentaires santé (mutuelles, assu-
reurs et institutions de prévoyance)
seront tenues de compenser ce dé-
remboursement. Ce qui devrait leur

les entreprises s’adaptent

Des salariés partis en congé, à qui il manque un trimestre, d’autres qu’il va falloir
accueillir plus longtemps… la réforme contraint les dirigeants à innover.
Après le temps législatif sur la ré-
forme des retraites, voici venu le
temps de l’action et de la gestion
des conséquences pour les entre-
prises. Les grands groupes se sai-
sissent du sujet. Certains doivent
trouver une solution rapide aux
salariés partis en congé de fin de
carrière et à qui il manquera fina-
lement quelques mois pour faire
la jonction avec la retraite.
Les questions du maintien dans
l’emploi des seniors, de l’aména-
gement des fins de carrière et de
la lutte contre la pénibilité de-
vraient s’inviter dans l’agenda
social des entreprises à partir de
l’automne.
La réforme va conduire em-
ployeurs et organisations syndi-
cales à se montrer innovants pour
trouver de nouveaux dispositifs et
négocier des accords adaptés de
branche et d’entreprise.
Du côté des PME, le sujet soulève
pour le moment assez peu d’in-
quiétude : habituées à conserver
leurs salariés le plus longtemps
possible, elles n’ont pas atten-
du pour se mettre en ordre de
bataille.
PAGE 22
coûter 500 millions d’euros par an.
« Ce transfert ne générera pas de
coûts supplémentaires pour les Fran-
çais », assure-t-on au ministère de la
Santé et de la Prévention, en souli-
gnant que 97 % d’entre eux ont une
complémentaire santé. « Le reste à
charge sera quasiment nul », ajoute le
ministère. Mais les mutuelles pré-
­
viennent déjà qu’elles répercuteront
cette nouvelle charge sur leurs tarifs
dès 2024. « Cette décision aura iné-
vitablement un impact sur l’équilibre
économique des organismes complé-
mentaires et elle pèsera sur le niveau
des cotisations, avance Éric Chenut,
le président de la ­Mutualité française.
Elle interroge la durabilité du système
de santé dans son ensemble. »
Le transfert d’une partie des rembour-

Avion vert : sements aux complémentaires doit

permettre à l’Assurance-maladie d’in-

un soutien
vestir dans la prévention bucco-den-
taire. « La Sécu ne se désengage pas,
bien au contraire, elle mettra plus d’ar-
de l’État gent sur les soins dentaires. L’objectif
éRIC GAILLARD/REUTERS ; François Bouchon / Le Figaro ; Amaury Cornu/Hans lucas

est d’encourager la prévention, qui res-

mesuré te insuffisante », déclare au Figaro Tho-

mas Fatôme, patron de l’Assurance-
maladie. Celle-ci souhaite prendre en
Emmanuel Macron charge, chaque année, des consulta-
tions pour les jeunes âgés de 3 à 24 ans.
a annoncé que l’État Des discussions sont en cours avec les
investirait dentistes. L’objectif du gouvernement
300 millions par an est d’« avoir des futures générations
avec zéro carie ». Une façon de préve-
dans les moteurs nir l’apparition de problèmes plus coû-
d’avion propres teux. Cette politique vise à terme à ré-
duire les dépenses de santé. Mais la
et 200 millions facture des assureurs et des mutuelles
dans la production pourrait encore gonfler, au gré des né-
gociations en cours entre l’Assurance-
de carburants maladie et d’autres professions. Une
d’aviation durables. tractation avec les sages-femmes est
Mais les compagnies sur le point de s’achever, tandis que des
discussions éclair viennent de s’ouvrir
aériennes ne seront avec les infirmiers et d’autres paramé-
pas aidées pour dicaux pour compenser l’inflation. D. G.
en acheter. page 25

le PLUS du l'histoire
FIGARO éco
L’enseigne de prêt-à-porter Burton
Cuba
Le grand retour à son tour en redressement judiciaire

S
des investisseurs on propriétaire espérait éviter Une nouvelle période d’observation
russes à La Havane la case redressement judiciaire. s’est ouverte jusqu’au 12 décembre, à la suite
Page 23 C’est raté. En procédure de quoi le meilleur scenario sera la présentation
de sauvegarde depuis octobre, d’un plan de continuation. Et le pire,
LA SÉANCE l’enseigne Burton (of London)
rejoint Kookaï, André ou encore Kaporal
la liquidation. La recherche de partenaires
industriels et financiers commencera fin juin.
DU VENDREDI 16 JUIN 2023
dans la liste toujours plus longue Depuis la faillite retentissante de Camaïeu
CAC 40 des entreprises du secteur en grande en septembre, le prêt-à-porter connaît
7388,65 +1,34% difficulté. « Nous avons demandé une crise sans précédent. San Marina
une conversion et Cop.Copine ont à leur tour
DOW JONES de la sauvegarde tiré le rideau.
34409,49 0,00% en redressement judiciaire, Burton (of London),
afin que le régime « la plus anglaise des marques
ONCE D’OR de garantie des salaires françaises », a déjà fermé
1964,10 (1934,65) de l’État intervienne 26 boutiques en février dernier.
au plus vite pour prendre Au total, une soixantaine
PÉTROLE (Brent)
en charge les indemnités pourraient fermer,
75,740 (75,630)
de licenciement d’environ entraînant le licenciement
EUROSTOXX 50 120 personnes », explique de 221 personnes
4401,75 +0,84% Thierry Le Guénic, « au maximum » (sur 441).
qui a racheté Burton Les magasins ont vocation
FOOTSIE pour 1 euro symbolique à être transformés.
7642,72 +0,19% fin 2020. Et de préciser Fini les collections femme,
que le projet Burton veut se concentrer
NASDAQ de réorganisation sur l’homme et accueillir
15188,66 +0,02% de l’entreprise, destiné à lui d’autres marques
NIKKEI redonner une rentabilité, dans ses points de vente. ■
« reste identique ». Mathilde Visseyrias
A

33706,08 +0,66%
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
22 l'événement
Comment les entreprises mettent
en place la réforme des retraites
Pour garder leurs salariés
plus longtemps, elles réfléchissent
à des dispositifs innovants.
Marie-Cécile Renault
£@Firenault­
SOCIAL C’est un signe qui ne marché du travail tendu, elles valori-
trompe pas. Plus de 230 entreprises
sont inscrites la semaine prochaine
à un webinaire sur la réforme des
retraites chez Alixio, le cabinet ex-
pert de Raymond Soubie, ancien
conseiller social de Nicolas Sarkozy.
« Nous sommes très sollicités par des
groupes du CAC 40 et du SBF 120,
pour former leurs équipes ressources
humaines et paie et accompagner
leurs salariés. Nous avons actuelle-
ment 1 500 recalculs de date de dé-
part en retraite en cours », déclare
Franck Renaudin, responsable re-
traite et optimisation chez Alixio.
Même constat chez Diot-Siaci,
64
autre grand cabinet leader
du conseil retraite :
« Nous sommes énor-
mément sollicités, les ans
entreprises se prépa- Âge légal de départ
rent. Par rapport à une
à la retraite à partir
année classique, nous de 2030. La première
avons 50 % de deman- génération concernée nisationnels. « Tout le
des en plus », observe est celle née
Adrien Barre, directeur en 1968
du développement de la
transition emploi-retraite.
Car la réforme des retraites dé-
sormais votée, la proposition Liot
écartée, et les décrets d’application
en cours de publication, les entre-
prises se retrouvent au pied du mur
pour appliquer les nouvelles règles.
Avec un tas de questions concrètes à
la clé.
Comment gérer, par exemple, les
salariés partis de manière anticipée,
grâce aux congés accumulés sur
leur compte épargne-temps ou au
congé de fin de carrière (CFC) prévu
par leur entreprise ? Sous l’effet de
la réforme, il va manquer plusieurs
mois pour faire la jonction entre ces
dispositifs et la retraite. Chez le spé-
cialiste du nucléaire Orano, une
soixantaine de salariés en congé
anticipé ont ainsi reçu une lettre
­ plus longtemps dans l’entreprise, il
de leur direction les informant
qu’ils allaient devoir revenir tra-
vailler. Alors que le cas pourrait se
reproduire dans d’autres
grands groupes, Olivier
Dussopt, ­
Travail, a ­
ministre du
souhaité
« convaincre les entre-
172
prises qu’elles peuvent trimestres
accompagner sociale- nécessaires
ment les personnes pour toucher sa retraite d’autres postes à par-
concernées ». à taux plein
Le plus souvent, les à compter
contrats prévoient que si de 2027
la législation change, l’en-
treprise s’adapte. « Soit l’em-
ployeur ré­intègre les gens, mais avec
la difficulté de leur trouver un poste
alors qu’ils sont partis depuis long-
temps et qu’un successeur a été nom-
mé. Soit l’entreprise prolonge le
congé. Elle peut aussi racheter les tri-
mestres manquants, précise Benoît
Serre, DRH de L’Oréal et vice-pré-
sident de l’Association nationale des
DRH (ANDRH). Mais c’est un coût à
payer plein pot par l’entreprise. On
avait alerté, mais ça n’a pas été ré-
glé, c’est dommage », regrette-t-il.
Or la facture peut vite grimper,
car l’employé, outre son salaire,
conserve ses avantages (intéresse-
ment, participation, cotisations re-
traite sur une base de 100 %, etc.).
« Ça va coûter cher, confirme
Franck Renaudin, l’expert d’Alixio.
Pour une grosse entreprise, le sur-
coût peut se chiffrer à plusieurs mil-
lions d’euros. »
Plus largement, les entreprises se
demandent comment s’adapter
pour maintenir les seniors dans
l’emploi deux ans de plus, aména-
ger les fins de carrière et prendre en
compte l’usure professionnelle.
Lors de la réforme de 2010, qui a re-
porté l’âge de départ de 60 à 62 ans,
A
« les entreprises nous appelaient pour
mettre en place des préretraites afin
que les seniors continuent à ­partir à
60 ans, se souvient Adrien Barre,
l’expert de Diot-Siaci. Là, c’est
complètement différent : avec un
sent les seniors qui ont de l’expérien-
ce, veulent les garder car elles ont du
mal à recruter, et cherchent tous les
moyens pour les aider à atteindre la
nouvelle date. Cela pousse les entre-
prises à trouver des idées neuves dans
tous les secteurs, de la banque à l’in-
dustrie, en passant par les services. »
Résultat, à partir de l’automne,
les entreprises vont s’atteler à rené-
gocier les accords de Gepp (gestion
des emplois et des parcours profes-
sionnels), qui comptent beaucoup
de dispositifs en lien avec la fin de
carrière : retraite progressive, aides
à la mobilité interne, aides à la
formation, temps partiel
aidé, tutorat, formation
spécifique, etc. Il faut
imaginer les disposi-
tifs à mettre en place,
chiffrer les impacts
budgétaires et orga-
monde tâtonne, mais
chacun comprend qu’on
est dans une phase de réa-
daptation, observe le vice-prési-
dent de l’ANDRH. Les partenaires
sociaux vont venir nous voir à la ren-
trée et nous dire : maintenant, com-
ment fait-on ? Nous allons devoir en-
gager des négociations de branches
et d’entreprises fin 2023 et 2024. Les
problèmes vont se régler par le dialo-
gue social dans les entreprises, c’est
là qu’on est le plus pragmatique.
Mais cela va alourdir l’agenda social
des entreprises, qui n’est déjà pas
­léger », poursuit Benoît Serre.
Le groupe Safran a pris les de-
vants et signé en avril un nouvel
­accord seniors avec les organisa-
tions syndicales représentatives qui
adapte la carrière à l’allongement
de la vie au travail. « Si l’on veut
que les salariés expérimentés restent
faut bien que les entreprises elles-
mêmes changent leur organisation
du ­travail », a justifié Stéphane
­Dubois, directeur des ressour-
ces humaines et sociétales
de ­Safran. L’accord met
l’accent sur
­reconversion pour les
la
métiers exigeants
physiquement vers
tir de 50 ans, la forma-
tion renforcée, et la ces-
sation progressive
d’activité.
Mais beaucoup de grands grou-
pes attendent la rentrée pour ouvrir
des négociations car les règles sont
encore floues : tous les décrets de la
réforme n’ont pas encore été pu-
bliés, et les entreprises attendent
début juillet, le vote du projet de loi
plein-emploi ainsi que la transcrip-
tion dans la loi de l’accord sur le
partage de la valeur… Sans compter
que la donne peut changer avec la
nomination d’un nouveau gouver-
nement.
Pour autant, tous les groupes ne
voient pas la réforme comme un
casse-tête, loin de là. « Pour la très
grande majorité des entreprises, le
report de deux ans de l’âge de départ
ne va pas changer la façon d’accom-
pagner leurs collaborateurs qui
pourraient bientôt faire valoir leur
droit de départ à la retraite, assure
Alexandre Saubot, président de
France Industrie et directeur géné-
ral de Haulotte, une PME indus-
trielle de 2 000 personnes. « Dans
l’industrie, les employeurs font déjà
très attention, ils n’ont pas attendu la
réforme des retraites pour adapter
leurs usines, ils ont fait un gros tra-
vail sur les aménagements de poste
pour limiter au maximum les mouve-
ments exigeants et réduire l’exposi-
tion aux travaux physiquement in-
1961
1er septembre
Les personnes nées
à compter de cette date
sont concernées
par la réforme
AIDE A LA PERSONNE
des retraites
Dans le secteur de l’aide
à la personne, où la pénibilité
est réputée forte,
une entreprise comme O2
(groupe Oui Care) affirme avoir
anticipé l’allongement
de la durée du travail
en adaptant les plannings
et en proposant
une polyvalence de tâches
aux salariés.
ORANO
Le cas de l’entreprise Orano
(ex-Areva, 17 000
collaborateurs), a fait les gros
titres. Une soixantaine
de salariés, nés après 1961,
donc concernés par la réforme,
mais ayant déjà quitté leur poste
dans le cadre d’une préretraite,
ont reçu une lettre
de leur employeur. Ils devaient
choisir entre reprendre
une activité professionnelle
afin de compléter leurs
trimestres, un congé sans solde,
ou lisser leur rémunération en
perdant du salaire chaque mois.
Au final, l’entreprise a indiqué
qu’elle traiterait chaque situation
individuellement et proposerait
des solutions adaptées.
Industrie
Redex ; BENOIT TESSIER/REUTERS ; Lumos sp /stock.adobe.com
Dans l’industrie, où l’enjeu
est plutôt de recruter
du personnel et de trouver
des compétences recherchées,
les entreprises assurent vouloir
garder leurs salariés
le plus longtemps possible.
Elles affirment ne pas avoir
attendu la réforme
des retraites pour prendre
à bras-le-corps le sujet
de la pénibilité et de l’usure
professionnelle, en adaptant
les postes de travail, en ayant
recours à des machines
et des exosquelettes,
ou en développant le tutorat
pour faciliter la transmission
de savoir-faire.
tenses grâce à des machines ou des
exosquelettes. Ne pas traiter ces su-
jets, ce n’est bon pour personne »,
patron et directrice générale. Bien
sûr, cela a un coût. Mais la trans-
mission de savoir est un investisse-
l’âge de départ pour les 20 000 sala-
riés du groupe, dans un secteur où la
pénibilité est pourtant réputée for-
explique-t-il. En revanche, avec ment pour l’avenir et une tradition te. Il mise sur l’adaptation des plan-
une population plus âgée, « il faut bien ancrée. « Ça revient plus cher, nings afin de faire tourner les sala-
sensibiliser les entreprises au fait mais on le fait quand même riés sur différentes tâches : un
21
François BOUCHON/Le Figaro
qu’elles vont devoir faire face à une quand on sait qu’un salarié peu de ménage (plus fati-
hausse des coûts de prévoyance », va partir dans les deux à guant physiquement),
ajoute-t-il. trois ans. On prend un un peu de garde d’en-
Si les grands groupes réfléchis-
sent, les PME et entreprises de taille
alternant pour qu’il le
forme avant de partir »,
ans fants (plus stressant
en termes de res-
intermédiaire (ETI) affirment avoir témoigne Sylvie Gran- 5 trimestres validés ponsabilité), et un
déjà mis en place des leviers inno- djean. La pyramide des avant cet âge donnent peu d’accompagne-
vants pour faire travailler leurs sa- âges l’atteste : Redex droit à un départ ment des personnes
lariés plus longtemps. « Ça fait des emploie 25 % de seniors anticipé pour âgées (plus lourd psy-
années qu’on valorise les seniors, de plus de 55 ans et 7 % à carrière longue chologiquement).
Aucun qu’on essaie de les garder le plus 8 % d’alternants. « Avec un planning mixte,
longtemps possible jusqu’à 67, 68, Dans un tout autre secteur, ce- où ils font un peu de tout, on ré-
individu 69 ans », affirme Bruno Grandjean, lui des services à la personne, le duit le niveau de pénibilité, et on aug-
pouvant président de la Fédération des in- groupe Oui Care, connu sous la mente l’intérêt du travail par la mul-
faire valoir dustries mécaniques, et président marque O2, développe lui aussi une tiplicité des ­interlocuteurs », assure
de Redex, une ETI de 400 personnes approche originale : il attire les se- le chef ­d’entreprise.
son droit spécialisée dans la fabrication de niors en encourageant l’entrepre- Une polyvalence des tâches que
à la retraite machines pour la métallurgie. neuriat en franchise. « Nous attirons prône aussi Jean-Marc Barki, pa-
avant le « Nous sommes dans un métier de des cadres de grands groupes en fin tron de Stikoïa une PME (25 salariés)
tradition, de transmission, nous de carrière, qui veulent s’ins- de colles industrielles dans le nord
1er septembre
1
n’avons jamais eu de volonté taller en Auvergne, en Bre- de la France. « Notre responsable du
2023 de nous débarrasser des tagne, à la montagne, où laboratoire est devenue commerciale,
ne peut être gens dès 55 ans », ajou- ils ont leurs attaches un salarié en difficulté à l’atelier est
te-t-il. Pour garder ses familiales ou leur lieu passé au labo. Pour aménager les
concerné seniors, Redex amé- milliard de vacances, mais pas carrières en fonction des besoins, il
par un nage les carrières, no-
tamment à l’atelier où
d’euros de tissu social », ex-
plique Guillaume Ri-
faut une grande agilité, et les PME
l’ont », explique-t-il. Pour lui,
quelconque Fonds de prévention
le rythme est plus diffi- chard. Le groupe leur comme pour nombre de chefs
rappel cile à tenir, pratique des de l’usure promet de racheter ­d’entreprise, la réforme des retrai-
que ce soit
Olivier dussopt,
» horaires aménagés, et leur
accorde plus de temps libre.
professionnelle leurs parts quand ils par-
tiront en retraite. « Créer
tes n’est pas source d’inquiétude :
« Ce n’est pas une préoccupation,
ministre du Travail, Mais le vrai secret de l’entrepri- une franchise leur permet d’avoir les gens me demandent de travailler
le 9 mai se, c’est le mentorat ou tutorat. « En une activité qui a du sens, de se plus longtemps pour avoir leurs tri-
à l’Assemblée fin de carrière, les salariés aiment constituer un patrimoine, et de déve- mestres et une pension correcte. Mon
transmettre leur savoir à un jeune, lopper un réseau social sur leur futur sujet d’inquiétude, c’est plutôt le re-
c’est très important, tant pour les lieu de retraite », assure Guillaume crutement, trouver des gens stables,
métiers manuels que d’ingénierie », Richard. Le chef d’entreprise ne se car la nouvelle génération est dans le
assure Sylvie Grandjean, épouse du montre pas plus inquiet du recul de zapping. » ■
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

économie 23

Pas d’accalmie Depuis 2021, les salaires

augmentent moins vite
que l’inflation

en vue sur les

GLISSEMENT ANNUEL, EN % T1 2023
6 5,7
Prix à la

revendications
5 consommation
(hors tabac)
4,7

salariales
3

2 T2 2021
1,4
1 1,6
Pénalisés par l’envolée de l’inflation, Salaire mensuel
de base (SMB)
0
les salariés comptent bien rattraper
les pertes de pouvoir d’achat subies −1
-0,3
T4 2020 T4 2021 T4 2022
lors des trimestres futurs. Source : Dares Infographie

Thomas Engrand
£@EngrandThomas
Social Dans l’ascension entamée
depuis un an et demi, les prix
continuent de faire la course en tête
devant les salaires. Selon les chif-
fres définitifs de la Dares parus ce
vendredi, l’indice du salaire men-
suel de base (SMB) n’a progressé
« que » de 1,9 % au premier tri-
mestre 2023 et de 4,7 % sur un an.
Un bond en comparaison des gains
pre aux trois derniers mois, pointe
Mathieu Plane, directeur adjoint
du département d’analyse et pré-
vision à l’OFCE : « Depuis le début
de l’inflation, soit un an et demi en-
viron, les prix ont augmenté de 3 %
de plus que les salaires ». Et la ten-
dance ne devrait pas s’inverser
cette année, malgré une valse des
étiquettes qui semble avoir passé
un pic - elle a légèrement ralenti
pour atteindre 5,1 % en mai. « En
2023, les salaires devraient aug-
menter de 5 % et selon nos prévi-
Le décalage entre le temps peut permettre de com-
la hausse des prix penser ce manque à gagner initial.
et celle des salaires Aussi le second semestre 2023 et
se traduit l’année 2024 devraient-ils être en-
mécaniquement core marqués par une multiplica-
par une perte tion des revendications, voire des
de pouvoir d’achat conflits sociaux autour des salaires.
pour les Français.
HJBC/stock.adobe.com
De quoi déclencher une spirale
prix-salaire, génératrice d’infla-
tion, comme dans les années
1970 ? Les économistes en doutent
fortement. Principale différence
avec la fin des Trente Glorieuses,
l’absence d’indexation des salaires
du salaire minimum à l’inflation.
Les principaux perdants, eux,
sont les salariés hier encore légère-
ment au-dessus du salaire mini-
mum, qui ont vu cette avance
­fondre, voire disparaître complè-
tement, du fait de la progression
plus vigoureuse du smic. Un mou-
vement qui a parfois fait passer
plusieurs paliers sous le minimum
légal. Sans mise à jour, certains ris-
quent de se retrouver durablement
bloqués à ce plancher.
sident de l’association nationale
des DRH (ANDRH). « Les entre-
prises ont plutôt bien réagi », esti-
me-t-il, en soulignant la progres-
sion de la hausse moyenne des
salaires. Des gains souvent ac-
compagnés de primes et de bonus
qui ne sont pas toujours pris en
compte dans les calculs officiels de
l’évolution des salaires moyens.
« 50 % des salariés ont pu profiter
de systèmes d’intéressement ou de
participation », sans parler de « la
prime Macron qui a bien marché »,

de 1,5 % annuels auxquels la Fran-
ce était habituée jusqu’au second
semestre 2021. Mais ce dernier res-
te toutefois plus faible que la valse
des étiquettes qui a atteint dans le
même temps 5,7 %, d’après l’Insee.
Dans le détail, ce sont les
ouvriers qui voient leur rémunéra-
tion le plus croître sur un an, rela-
tivement, de plus 5,5 %, suivis des
employés (+5%), et des professions
intermédiaires (+4,3%). Les cadres
ferment la marche avec un gain de
3,6 %. Des chiffres qui placent Pa-
ris légèrement au-dessous de la
moyenne de la zone euro, s’agis-
sant du coût de la main-d’œuvre,
en hausse de 5 % sur un an au pre-
mier trimestre. Il est vrai que l’in-
flation a été plus élevée dans la
plupart des pays voisins.
Les salariés ont donc perdu du
pouvoir d’achat au premier tri-
mestre. La situation n’est pas pro-
sions l’inflation pourrait tourner sur les prix. Toutefois, les deux in-
autour de 5,8 % », ajoute l’écono- dicateurs ne sont pas pour autant
miste. Donc des revenus réels tou- complètement décorrélés. La valse
jours nettement en recul. « On n’a des étiquettes pousse à demander
jamais connu une telle perte depuis des hausses de rémunérations, les-
l’après-guerre », conclut-il. quelles accroissent les coûts des
entreprises, qui peuvent les réper-
Trappes à bas salaires cuter sur leurs prix, lorsqu’elles ne
Sans surprise, les salariés ne veulent pas ou ne peuvent pas ro-
comptent pas continuer à subir la gner sur leurs marges.
situation les bras croisés, avertit Bien entendu, les hausses de sa-
Luc Mathieu, secrétaire national de laires de ces derniers mois n’ont
la CFDT : « On espère que ça va pas bénéficié de manière uniforme
bouger dans les prochains mois et à l’ensemble de la population acti-
au-delà. » Pour lui, malgré les der- ve. Une partie a été accaparée par
nières avancées, le compte n’y est des promotions individuelles, dont
pas : « Tout le monde a le sentiment ont notamment profité les profils
que l’augmentation des salaires n’a en tension. Les travailleurs au
pas rattrapé la perte de pouvoir smic, quant à eux, ont aussi eu la
d’achat », avertit-il. S’il déplore la bonne surprise de voir leur salaire
situation pour les travailleurs, il régulièrement progresser. La
reconnaît qu’en phase de hausse de hausse a dépassé 10 % depuis
l’inflation, un décalage se crée tou- l’automne 2021. Ce traitement de
jours avec les rémunérations. Seul faveur s’explique par l’adossement
1,9 %
Hausse
du salaire mensuel de base
au 1er trimestre (4,7 % sur un an)
Des cas loin d’être isolés, souli-
gne le secrétaire national de la
CFDT : « 147 branches sur les 171
ont au moins un seuil de salaire sous
le smic », explique-t-il. La centrale
réformiste, comme l’ensemble des
syndicats, demande régulièrement
à l’exécutif de sévir contre les
branches qui ne remettraient pas
assez rapidement fin à ces situa-
tions, qu’ils qualifient « de trappes
à bas salaires ».
Une situation néanmoins tem-
pérée par Benoît Serres, vice-pré-
pointe-t-il. Le nombre d’em-
ployés couverts par ces dispositifs
devrait d’ailleurs continuer de
croître avec l’accord sur le partage
de la valeur signé entre les syndi-
cats et le patronat pendant la ré-
forme des retraites et que le gou-
vernement s’est engagé à
reprendre « intégralement et fidè-
lement » dans la loi, selon les mots
de la première ministre, Élisabeth
Borne. Un geste dans le bon sens
mais insuffisant pour les syndi-
cats. « Le pouvoir d’achat passe
d’abord par le salaire. Les primes
sont trop volatiles pour que les sala-
riés puissent compter là-dessus »,
avertit Luc Mathieu. En outre, « il
ne doit pas y avoir de substitution
entre les deux », ajoute le syndica-
liste, qui compte remettre le sujet
au cœur des discussions avec le
patronat et l’exécutif dans les pro-
chains mois. ■

Les investisseurs russes font leur grand retour à Cuba

Moscou procède à un important rapprochement économique avec La Havane depuis six mois.
Hector Lemieux
La Havane
CARAïbes Les Bolos (bolcheviks,
pour les Russes) sont de retour.
Comme au temps de la guerre
froide, où les Soviétiques roulaient
en limousine Tchaïka sur le front
de mer de La Havane, la russifica-
tion de Cuba bat son plein. Entre-
preneurs, touristes et politiciens
russes sont de retour. « Le volume
d’affaires en 2022 a triplé entre nos
deux pays, atteignant 452 millions
de dollars. Au cours des quatre
mois de 2023, il a été multiplié par
neuf, pour atteindre 137,6 millions
de dollars par rapport à la même
période l’an dernier », a déclaré
récemment lors d’une visite dans
la capitale cubaine le vice-pre-
mier ministre russe, Dmitri Cher-
nichenko. Cuba exporte vers la
Russie des cigares, du rhum et du
café. Moscou envoie à son protégé
de la Caraïbe pour 92 % du pétrole
et des céréales.
Les Russes veulent diversifier
leurs échanges commerciaux. Lors
du Forum économique Cuba-Rus-
sie qui s’est tenu à l’hôtel Nacional,
à la mi-mai, les responsables de
52 entreprises russes et 106 socié-
tés cubaines ont signé des accords
dans les domaines énergétiques,
agricoles, du numérique et du tou-
risme. Le constructeur d’automo-
biles russe UAZ assemblera à Cuba
à partir de cet été des véhicules en
partenariat avec des sociétés
­cubaines. Outre la modernisation
­ ntillana de Acero. L’usine réno-
A ­ résistance créative », alors que
vée produira 230 000 tonnes
d’acier liquide par an.
La situation économique cubai-
ne est catastrophique. Selon un ré-
cent rapport de l’assemblée plé-
nière du Comité central du parti
communiste cubain, seules 11 des
201 lignes économiques directrices
pour la période 2021-2026 pro-
gressent, 110 et 67 ont respective-
ment un progrès moyen et faible et
13 n’ont pas été mises en œuvre.
Malgré l’aide énergétique de Mos-
cou, les pénuries de carburant
“ L’important, dans
les relations entre Cuba
et la Russie, c’est qu’il
y ait une volonté d’aller
de l’avant. Au-delà
de la volonté, il y a aussi
la décision de le faire
Ricardo Cabrisas, ministre
du Commerce extérieur de Cuba
” volutionnaire. Les entreprises
perdurent depuis deux mois.
L’ambassade des États-Unis à
La Havane a dû se résoudre à louer
des automobiles électriques
chinoises au gouvernement cu-
bain à cause du manque de com-
bustible. Un diplomate russe s’est
battu le mois dernier avec d’autres
diplomates, estimant que l’essen-
ce d’une station-service réservée
aux diplomates lui revenait de
droit, le pétrole venant de Russie.
Face à cette situation préoccupan-
« rues de la capitale cubaine. Ces
Raul Castro, 92 ans ce 3 juin, a
multiplié les rencontres discrètes
avec ses alliés russes et vénézué-
liens. À l’exception de Vladimir
Poutine, les principaux dirigeants
russes se sont rendus à Cuba ces
derniers mois. Parmi eux, le minis-
tre des Affaires étrangères, Sergueï
Lavrov, le conseiller à la sécurité
nationale, Nikolaï Patrouchev, le
président de la Douma, Viatches-
lav Volodine, ou Igor Setchine, le
patron de la pétrolière Rosneft.
Moscou a offert 25 000 tonnes de
blé en février à La Havane et va
donner 14 500 réverbères pour
améliorer l’éclairage public des
gratuités sont loin d’être désinté-
ressées. Lors des rencontres du
Forum économique Cuba-Russie,
le régime castriste a concédé aux
entrepreneurs russes des facilités
qu’il n’a jamais accordées à aucun
autre pays depuis la révolution de
1958 : concessions de terre pour
trente ans, importations de ma-
chinerie agricole libres de droits
de douane, transfert des profits en
devises vers la Russie. Ainsi que
d’autres concessions économiques
non précisées. Car Moscou se sou-
vient amèrement de la dette de
35 milliards de dollars de Cuba en-
vers l’ex-URSS, jamais réglée, et
que Vladimir Poutine a réduit de
90 % en 2014. Le ministre du Com-
merce extérieur de Cuba, Ricardo
Cabrisas, a déclaré : « L’important,
dans les relations entre Cuba et la
Russie, c’est qu’il y ait une volonté
d’aller de l’avant. Au-delà de la vo-
lonté, il y a aussi la décision de le
faire. Notamment avec la signature
d’un protocole sur le réaménage-
ment de la dette, qui permettra de
La Russie réactiver le financement de pro-
(ici, son ambassade grammes qui étaient paralysés. »
à La Havane) a offert Rien, en revanche, pour rassu-
25 000 tonnes de blé rer la population cubaine, qui
à Cuba en février. craint, sans trop y croire, une im-
demerzel21 / plication militaire de Cuba en
stock.adobe.com Ukraine aux côtés de la Russie.
Miguel Diaz-Canel a accordé le
30 mai une entrevue à la télévi-
sion RT (ex-Russia Today), lors de
laquelle il a déclaré : « Le président
Poutine est un ami sincère de
Cuba. » Rien non plus pour rassu-
rer les tenants de l’orthodoxie ré-
américaines étaient avant 1958 les
maîtres de l’économie cubaine.
Depuis, jamais les étrangers n’ont
pu être propriétaires de maisons,
de terres ou les avoir en conces-
sion. Le capitalisme revient à
Cuba, trente-trois ans après la
chute de l’URSS, via les Russes.
Non sans sa dose de mystères. De
retour du Forum économique Cu-
ba-Russie le 21 mai dernier, le vi-
ce-ministre de la Science et de
l’Éducation supérieure russe,
­Piotr Kucherenko, 46 ans, criti-
que envers la guerre en Ukraine,
est mystérieusement décédé dans
A

des centrales électriques du pays, te, le président Miguel Diaz-Canel son avion avant d’atterrir à
Moscou va rénover l’aciérie a appelé ses compatriotes à la ­Moscou. ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

24 Entreprises
Casino : créanciers et candidats à la prise
de contrôle affûtent leur stratégie
Mieux au fait
de la situation
du groupe,
ils préparent
leurs offres.
De dures
négociations
s’annoncent.
marie bartnik £@mariebartnik
et ivan letessier £ @IvanLetessier
distribution Ils sont venus, ils
sont tous là. Ce jeudi 15 juin, près de
150 représentants des créanciers de
Casino sont réunis à Bercy, au cen-
tre de conférence Pierre Mendès
France, face à l’hôtel des ministres.
Fragilisé par une dette de 6,4 mil-
liards d’euros, le groupe (55 000 sa-
lariés en France) a obtenu du tribu-
nal de commerce de Paris
l’ouverture d’une procédure de
conciliation, et le dossier est suivi
de près par le comité interministé-
riel de restructuration industrielle
(Ciri), la cellule du ministère des Fi-
nances veillant sur les groupes en
difficulté.
L’essentiel de cette matinée de
travail est consacré à la présenta-
tion de l’« independant business re-
view» (IBR) réalisée par le cabinet
Accuracy. Un avocat leur rappelle
qu’ils ont signé un accord de confi-
dentialité et détaille les risques en-
Le siège du groupe jours pour digérer ces informations
Casino dans le quartier et les autres données livrées par Ca-
d’affaires sino, les créanciers savent désor-
de Châteaucreux, mais à quoi s’en tenir. C’est aussi le
à Saint-Étienne. cas des deux candidats à la prise de
Soudan E. /Alpaca/
contrôle du groupe : d’un côté le duo
Andia.fr
composé par Daniel Kretinsky et
Marc Ladreit de Lacharrière ; de
l’autre le trio Xavier Niel, Matthieu
Pigasse et Moez-Alexandre Zouari.
N’étant pas créanciers, ils n’étaient
pas conviés à Bercy jeudi, mais ils
ont accès à cette étude de plus de
500 pages. Également tenus au se-
cret, ils n’ont pas souhaité répondre
Ladreit de Lacharrière (Fimalac),
pourrait présenter dès le début de
semaine une offre complète pour as-
surer l’avenir de Casino. Le 24 avril,
il a proposé une augmentation de
capital de 1,1 milliard d’euros à la-
quelle il participerait à hauteur de
750 millions d’euros. Fimalac inves-
tirait de son côté 150 millions
d’euros. Une proposition condition-
née à une réduction substantielle de
la dette non sécurisée de Casino (3,6
milliards d’euros). Au vu des nou-
velles informations dont il dispose,
le milliardaire tchèque pourrait re-
Casino. Son projet consiste à trouver
1,1 milliard d’euros pour renflouer le
groupe. Ils y contribueraient à hau-
teur de 200 à 300 millions d’euros.
Pour compléter, ils comptent sur les
créanciers de Casino, qu’ils ont ren-
contrés lundi pour leur présenter
leur projet industriel. Une autre
réunion est prévue en fin de semai-
ne pour préciser les conditions fi-
nancières de leur projet.
Faire monter les enchères
Les principaux hedge funds créan-
ciers de Casino (Attestor, Davidson
prix. Ils prêteront attention au pro-
jet industriel défendu par chaque
camp. Seul un projet solide, mis en
œuvre par un management de qua-
lité, est à même de leur assurer de
futures plus values.
Disposant de beaucoup de fonds
disponibles, les hedge pourraient
être tentés de proposer, à trois au
quatre d’entre eux, une offre de re-
prise de Casino en apportant plus de
1,1 milliard d’euros d’argent frais.
Un schéma similaire à celui utilisé
dans les dossiers CGG, Saur et Val-
lourec. « Il leur faudrait recruter une
bonne équipe de dirigeants, souligne
un expert. Mais le plus dur serait de
faire accepter leur projet par le pou-
voir politique. Bruno Le Maire n’a
pas refusé la vente de Carrefour à
Couche-Tard pour accepter la repri-
se de Casino par des hedge funds. »
Chez Carrefour, on suit ce dossier
de très près. Son PDG, Alexandre
Bompard, a longtemps lorgné Casi-
no. Le groupe, en meilleure forme
depuis deux ans, n’a pas un besoin
vital de se rapprocher de Casino ;
mais il ne voudrait par rester à
l’écart d’une consolidation du mar-
ché. Parmi ses conseils, certains
s’irritent que l’IBR, auquel le distri-
buteur n’a pas accès, ne soit pas
rendu public. Le groupe hésite sur
la stratégie à suivre. Parier sur une
impossible restructuration de la
dette de Casino, un dépôt de bilan et
un partage des actifs sous le contrô-
le de l’État est risqué. Certains dans
l’entourage du groupe imaginent
une alternative : préparer une offre
de recapitalisation de Casino dans le
cadre de la conciliation, en mettant
1,1 milliard d’euros sur la table. «Le
groupe en a les moyens », assure un

courus en cas de fuite. Il faut dire
que cette analyse indépendante
contient des informations suscepti-
bles d’avoir un impact sur le cours
de Bourse. Elle doit permettre aux
différents créanciers de se faire une
idée des perspectives de croissance
de Casino, de ses besoins de tréso-
rerie pour les semaines à venir, du
niveau de dette qu’il est capable de
supporter, du montant d’argent
frais dont il a besoin pour se relan-
cer, ou encore du temps dont Casi-
no dispose pour éviter le bilan…
S’il leur faudra encore quelques
6,4
au Figaro.
Leurs offres, en cours d’élabora-
tion, sont concurrentes et leurs stra-
tégies divergent. De quoi laisser
augurer une partie de poker men-
milliards teur. Dans ce dossier aussi sensible
que complexe, certains assurent que
d’euros Casino brûle trop de cash pour tenir
Dette du groupe jusqu’à la fin de la conciliation, pré-
Casino vue le 25 octobre. D’autres martè-
lent que le groupe peut éviter le dé-
pôt de bilan, le Ciri ayant obtenu le
gel du paiement des créances fisca-
les et sociales, dont la TVA.
Daniel Kretinsky, associé à Marc
dimensionner son offre, en propo-
sant aux créanciers d’apporter plus
d’argent frais en échange d’actions
du nouveau groupe et en prévoyant
la cession d’un important périmètre
de magasins (hypers et supermar-
chés) déficitaires. De quoi accélérer
sa stratégie de recentrage du groupe
sur ses magasins de proximité (Mo-
noprix, Franprix, Naturalia, Petit
Casino, Vival…).
Xavier Niel, Matthieu Pigasse et
Moez-Alexandre Zouari semblent
un peu moins pressés. Le trio s’acti-
ve pour séduire les créanciers de
Kempner, Farallon, Sculptor…)
sont désireux de réinvestir dans le
groupe. « C’est une stratégie ris-
quée, explique un acteur du dossier,
mais c’est leur modèle économique.
Leur retour sur investissement est
bien plus fort que de se contenter de
revendre avec une belle plus-value la
dette qu’ils ont achetée à prix bra-
dé. » Les hedge funds ont donc la clé
de l’avenir de Casino. Leur intérêt
n’est pas d’accepter la première of-
fre venue, mais de faire monter les
enchères pour obtenir la plus belle
part du futur groupe au meilleur
acteur du dossier. Le hic ? Jean-
Charles Naouri s’est toujours refusé
à un rapprochement entre Casino et
Carrefour. « La seule entité habilitée
à présenter un plan de restructura-
tion aux créanciers, c’est Casino, en
accord avec le conciliateur », rap-
pelle-t-on du côté de Casino.
Des fonds de private equity pour-
raient se montrer intéressés par le
dossier. Mais le temps presse. Les
conciliateurs attendent en effet des
offres structurées pour fin juin, afin
d’avoir finalisé un choix fin
juillet. ■

pectives ». Pour conquérir ces de 2 à 3 % par an sur son marché

Grand ménage pays, la marque y ouvrira des ma-

gasins à son effigie, mais pas seu-
lement. « Tout faire tout seul, cela
natal. Comme les shampoings so-
lides lancés il y a un an, « et qui,
avec 5,5 millions d’euros de chiffre

en vue pour relancer a un coût ; donc nous développerons

aussi la marque chez des dé-
taillants,ce que Yves Rocher n’avait
d’affaires dans le monde, sont un
vrai succès », selon le dirigeant. Le
groupe devrait dédier une ligne de

le groupe Yves Rocher

jamais fait jusque-là », insiste
Jean-David Schwartz.
Pour moins dépendre d’Yves
Rocher, le groupe compte aussi
Petit-fils du fondateur, Bris Rocher sur Sabon, le spécialiste israélien
des soins du corps, racheté en
lâche la direction générale du groupe 2016, et déjà très présent au Japon.
Mais aussi sur Arbonne (cosméti-
familial. Jean-David Schwartz, ques) aux États-Unis, acquise en
2018, et qui lui a permis de renfor-
production à ces produits. La di-
rection espère ainsi refaire passer
Yves Rocher de 8,8 % à 10 % de
part de marché. De quoi réaffir-
mer son leadership en France, de-
vant Nivea (Beiersdorf) et L’Oréal
Paris.
« Nous assumons de renoncer à
certains marchés ou produits.
L’idée est bien de se concentrer sur

le nouveau DG, détaille sa stratégie. cer ses positions en vente directe

olivia détroyat £@Oliviader
cosmétiques Grandes manœuvres
chez le groupe Rocher. Incapable de
se remettre de la crise du Covid, et
de la fermeture de ses magasins, le
groupe, connu pour sa marque épo-
nyme, change de capitaine. Bris
Rocher, le petit-fils du fondateur de
la marque de cosmétiques quitte le
pilotage opérationnel de l’entrepri-
se familiale. Jean-David Schwartz
devient directeur général du grou-
pe. Tout un symbole, alors que l’hé-
ritier présidait seul à la destinée du
groupe familial depuis 2006.
Désireux de garder la présiden-
ce pour se recentrer sur les gran-
des lignes stratégiques du groupe
aux 2,4 milliards de chiffre d’affai-
res, Bris Rocher confie donc la
charge de redresser le groupe à
celui qui pilotait depuis dix-
huit mois Yves Rocher, la marque
amirale de l’entreprise également
propriétaire des marques Arbon-
C
entreprises familiales, nous sommes
mieux armés à deux, souligne le
nouveau dirigeant. Surtout dans
l’époque mouvante et riche en rup-
tures que nous traversons, où il faut
fermement tenir le volant. »
Les chantiers sont nombreux
pour celui qui se donne trois ans
pour relancer le groupe. La tem-
pête du Covid a fait dévisser le
chiffre d’affaires d’Yves Rocher de
200 millions d’euros (- 15 %),
tombé à 1,2 milliard. Trois ans
après la crise, l’enseigne n’a re-
trouvé que la moitié du million de
clientes perdues en 2020 et 2021.
Divisée par deux en deux ans, la
rentabilité de Rocher tenue secrè-
te « s’est affalée », reconnaît le di-
rigeant. « La redresser est une
priorité pour pouvoir investir dans
nos produits et notre développe-
ment. » Alors que les coûts sont
déjà maîtrisés, le groupe mise
d’abord sur la relance de la crois-
sance. « Même si nous sommes des-
cendus de deux étages, l’entreprise
marché du vêtement pour enfants
en berne, nos marques sont à nou-
veau en croissance », souligne
Jean-David Schwartz.
Sur Yves Rocher, l’international
est le premier moteur identifié.
Avec une priorité à l’Asie, « où
Yves Rocher a raté le coche. L’ob-
jectif est d’y quintupler ses ventes et
atteindre 15 % de son chiffre d’af-
faires. Pas forcément au Japon ou
en Chine, qui restent des Everest de
la cosmétique, et où les coûts d’en-
trée sont importants. Mais plutôt
l’Asie du Sud-Est, où des pays com-
et en ligne. « Cette acquisition a été
presque salvatrice pour le groupe en
termes de cash, quand les magasins
étaient fermés durant la crise sani-
taire », détaille le dirigeant.
« Rester accessible »
En Europe, où le marché de l’hy-
giène-beauté de moyenne gamme
est à la peine depuis une décennie,
le groupe Rocher va aussi poursui-
vre sa montée en gamme entamée
depuis cinq ans. Ceci lui a permis
de relever ses prix d’environ 15 %.
Jean-David Schwartz, « Ce sera très progressif chez Yves
le nouveau DG Rocher. On ne deviendra jamais
du groupe Yves Rocher. Clarins ou Lancôme, car notre mis-
François bouchon/ sion est de rester accessible, physi-
Le figaro
quement et en prix. Mais quand cela
se justifie sur des produits plus res-
ponsables, où avec des nouvelles
technologies, nous pourrons ac-
tionner ces revalorisations tarifai-
res », explique Jean-David
Schwartz.
Le groupe compte également
sur les services (instituts…) dont il
veut doubler le poids dans son ac-
tivité pour le faire passer à 20 %.
des segments où la croissance a du
sens, c’est-à-dire des segments qui
permettent de relever les immenses
défis sociétaux et environnemen-
taux qui nous frappent de plein
fouet », résume le directeur géné-
ral. Ces sujets sont dans l’ADN du
groupe et de sa marque, « mais il
faut encore accélérer. Nous avons
réduit de 11 % notre consommation
d’eau depuis trois ans. Mais ce n’est
pas assez. En investissant par
exemple 5 ou 6 millions d’euros
dans nos usines pour réutiliser cette
ressource, nous pourrons démulti-
plier nos économies », argue-t-il.
Dans un marché de la beauté
mondial où les lignes bougent vite, il
compte enfin s’appuyer sur un co-
mité exécutif presque intégralement
remanié, et resserré à 12 membres,
chacun en charge d’une des grandes
marques ou d’une fonction(ressour-
ces humaines, finances, R&D…).
« Aplanir l’organisation est un formi-
dable moyen de gagner en réactivité,
estime Jean-David Schwartz. Sur-
tout, avoir une fonction dédiée aux
produits et aux clients permet de les
remettre tout en haut, ce qui man-

ne, Sabon, Stanhome ou de Petit est désormais stabilisée. Hormis me l’Indonésie, la Thaïlande ou le Mais sur de nouvelles tendances, quait un peu ces dernières années
Bateau. « Si cela se fait peu dans les Petit Bateau, qui évolue sur un Vietnam offrent beaucoup de pers- pour refaire croître Yves Rocher chez Rocher. » ■

Un soutien
mesuré
de l’État
à l’avion vert
La puissance publique va investir
300 millions par an dans les moteurs
d’avion propres et 200 millions dans
les carburants d’aviation durables.
Véronique Guillermard
£@vguillermard
et Jean-Yves Guérin
£@jyguerin
Aéronautique Des robots en ac-
tion, une ligne de production ultra-
moderne, appelée Pulse Line… C’est
à Villaroche, en Seine-et-Marne, à
55 km de Paris, que se dresse, au
milieu des champs, le plus grand site
de Safran en Europe. Le motoriste
emploie 4 800 salariés dans ce tem-
ple du moteur d’avions civils et mi-
litaires. Ce n’est donc pas par hasard
si Emmanuel Macron a choisi cette
usine 4.0, qui assemble plus d’un
moteur d’avion sur deux dans le
monde, pour y annoncer vendredi
les nouveaux engagements publics
pour accompagner l’effort de re-
cherche et technologie (R&T) né-
cessaire au développement de
l’avion zéro émission.
Après avoir mis en place en juin
2020 un plan de soutien à l’aéronau-
tique, « le gouvernement va tripler son
effort sur la période 2024-2030 », a
déclaré le président de la Républi-
que, trois jours avant l’ouverture du
Salon aéronautique du Bourget, au
nord de Paris. « Soit 300 millions
d’euros par an sur cette période pour
soutenir le développement d’un nou-
Le réveil électrique de l’automobile japonaise
Après Honda, l’État japonais accorde des aides à Toyota pour la production de batteries. Le
numéro un mondial veut vendre, dès 2027, des voitures électriques innovantes sur ce point.
rÉgis arnaud £@regisarnaud
tokyo
industrie Changement d’épo-
que ? Au premier trimestre, selon
le consultant automobile Jato Dy-
namics, la Tesla modèle Y a été le
modèle le plus vendu dans le
monde, devant la Toyota Corolla.
Un nouveau signe du décrochage
du Japon dans l’avènement de la
voiture électrique. Au moins ses
constructeurs semblent-ils enfin
prendre la mesure de leur retard.
De récentes annonces montrent
que les Toyota, Nissan et consorts
(l’Archipel compte encore huit
constructeurs locaux) mettent les
bouchées doubles.
C’est pour le géant de Nagoya
que le défi est le plus grand. Nu-
méro un mondial sur toutes les
motorisations confondues, Toyota
est 27e mondial en termes de ven-
tes sur le segment électrique, qui
pourtant « représentera 58 % du
marché d’ici 2030 », prédit Chris-
topher Richter, analyste automo-
bile pour CLSA. Le groupe a long-
temps promu un éventail
« réaliste » de solutions qui ména-
ge les solutions fossiles et hybrides
- et, au passage, le réseau de four-
nisseurs avec qui il travaille en
symbiose. Ce faisant, il a mangé
son pain blanc environnemental
qu’il avait gagné grâce au véhicule
hybride. Et s’est attiré les foudres
des ONG : prix du « fossile de l’an-
née », campagnes médiatiques vi-
rulentes contre son président,
Akio Toyoda… « Toyota tente d’af-
faiblir les normes de CO2 et d’autres
réglementations automobiles dans
davantage de marchés que les
autres constructeurs japonais »,
veau moteur plus économe encore en
carburant ainsi que la conception
d’avions plus légers et plus sobres. »
Et de citer le démonstrateur de mo-
teur ultra-sobre Rise, un projet lancé
par Safran et son partenaire améri-
cain GE. Ces fonds seront fléchés
vers le Conseil pour la recherche aé-
ronautique (Corac) tandis que la Di-
rection générale de l’aviation civile,
en binôme avec le Gifas, le syndicat
patronal de l’aéronautique, conti-
nuera à valider les projets et à distri-
buer les fonds.
Parallèlement, et via France 2030,
« nous mettons 200 millions pour sou-
tenir des acteurs émergents, principa-
lement pour développer des petits avi-
ons électriques et à hydrogène, car (…)
nous pensons que c’est vraiment une
filière d’avenir », a ajouté Emmanuel
Macron, en citant des start-up telles
que Beyond Aero et Elixir.
Cet effort public s’inscrit, selon le
président, dans le triptyque de la
réindustrialisation, de la décarbona-
tion et de la souveraineté. Leader
mondial, l’aéronautique française,
pour autant qu’elle réussisse à « pi-
voter » sur l’axe de l’avion vert, res-
tera une filière d’excellence au tout
premier rang mondial. Mieux, « le
leader de la décarbonation », assure
Emmanuel Macron. Cela, en conti-
dénonce Monica Nagashima, por-
te-parole de l’ONG InfluenceMap.
Le constructeur avait riposté
aux Cassandre, annonçant un ob-
jectif de 1,5 million de véhicules
électriques vendus par an dès
2026 et 3,5 millions en 2030
(contre 25 000 l’an dernier). À la
veille de l’assemblée générale des
actionnaires, mercredi dernier, il
a promis de commercialiser, dès
2027, une voiture électrique pro-
pulsée par une batterie à l’état so-
lide (une technologie plus effica-
ce), garantissant une autonomie
de 1 000 kilomètres.
Rattrapages accélérés
Toyota peut-il sortir de l’ornière à
une telle vitesse ? En réalité, il a
pris très tôt, discrètement, la me-
sure du défi électrique en ce qui
concerne les ressources : « Toyota
a fait partie des pionniers : il a
commencé à chercher du lithium
dès 2008 et a développé un site en
Argentine avec la capacité de four-
nir un quart des 3,5 millions de vé-
hicules électriques qu’il veut com-
mercialiser en 2030 », observe
Christopher Richter. Le construc-
teur est un habitué des rattrapages
accélérés. Il est sorti sur les cha-
peaux de roues de crises tout aussi
graves - sur ses coûts de produc-
tion, sur sa responsabilité engagée
dans une série d’accidents mortels
aux États-Unis…
L’État nippon va lui prêter
main-forte : il versera au
constructeur pour 120 milliards de
yens (776 millions d’euros) de
subventions pour développer des
capacités de production de batte-
ries, selon le quotidien Nikkei. Cet-
te manne s’ajoute à celle (160 mil-
Emmanuel Macron, nuant à innover tout en assurant son
vendredi, lors indépendance dans les matériaux
de sa visite de l’usine
critiques (titane) ou les carburants
du motoriste Safran d’aviation durables (SAF). Car la fi-
à Villaroche lière aérienne française importe
(Seine-et-Marne). 100 % de son kérosène.
Gonzalo Fuentes/
Reuters/Pool
Face à l’enjeu, les investissements
publics annoncés sont-ils à la hau-
teur ? Dans la droite ligne du volet
R&T (1,5 milliard) du plan de soutien
aéronautique de 2020, les industriels
espéraient que le Corac reçoive
465 millions d’euros en 2024, puis
450 millions par an sur la période
2025-2029. La contribution de l’État
ne représente que 20 % de l’effort de
R&T de l’aéronautique française. Les
entreprises autofinancent 80 % des
investissements. Dans le landerneau
aéronautique, on se félicite de ce
nouvel engagement de l’État. Offi-
cieusement, on attendait mieux.
Certains n’hésitant pas à pointer du
doigt Bercy, où régnerait une « start-
up mania excessive ».
Souveraineté à la clé
L’autre grand défi pour avoir des
avions propres est de développer la
production de carburant d’aviation
durable. Si possible en France, pour
des questions de souveraineté. Pour
l’instant, il n’y a que TotalEnergies
qui produise du SAF (« sustainable
liards de yens) versée à Honda et
son partenaire GS Yuasa pour leurs
propres investissements dans les De haut en bas :
batteries. Honda lancera en 2024 bZ4X, le SUV électrique
trois modèles électriques en de Toyota,
Chine, et deux aux États-Unis. et le crossover
De son côté, Nissan est toujours électrique Ariya
en proie à des déchirements inter- de Nissan.
nes : le numéro deux, Ashwani Toyota ; Nissan
le figaro
Entreprises 25
aviation fuel ») dans l’Hexagone. Et
encore, en très petite quantité.
Mais Emmanuel Macron se mon-
tre très confiant pour que notre pays
soit autosuffisant en carburant pro-
pre en 2030. « Pour respecter les en-
gagements de l’Europe d’incorporer
6 % de SAF sur tous les vols en 2030, la
France aura besoin de 500 000 tonnes
de carburant d’aviation durable, ex-
plique le chef d’État. Et nous avons
sécurisé la capacité de fabriquer ces
quantités sur notre territoire. »
Sur le papier, cet engagement
semble crédible : ces derniers mois,
les projets de raffineries configurées
pour produire du SAF se sont multi-
pliés. Le président a évoqué BioTJet,
porté par la start-up Elyse Energy.
Située à Lacq, dans le Sud-Ouest,
cette usine qui ouvrira en 2028 sorti-
ra 75 000 tonnes de SAF par an. Tota-
lEnergies est en train de reconvertir
sa raffinerie de Grandpuits, en Seine-
et-Marne, pour y produire
285 000 tonnes de carburant d’avia-
tion durable par an à compter de
2025. À Dunkerque, Engie compte
aussi produire près de 75 000 tonnes
par an à partir de 2028. Le groupe
agroalimentaire Avril, connu pour
ses marques d’huiles Lesieur et Pu-
get, a aussi des velléités dans le do-
maine des SAF.
Gupta, est en train de quitter l’en-
treprise, et une partie des admi-
nistrateurs indépendants n’a pas
été reconduite. Mais le construc-
teur prépare la prochaine étape de
son électrification. « Nous arrête-
rons notre stratégie à moyen terme
à l’automne », explique un proche
de la direction. La période est dou-
ce-amère pour Nissan qui, le pre-
mier, s’était lancé dès 2010, avec
son modèle Leaf, dans la voie élec-
trique. « Nous avons commencé
trop tôt, en attaquant le milieu de
gamme et en négligeant la faiblesse
de l’infrastructure électrique à
l’époque. Et Tesla nous a dépassés
en partant du haut de gamme, sans
se préoccuper des volumes. Si seu-
lement nous avions fait comme Elon
Musk… », poursuit notre source.
Il a bien une note d’espoir pour
les constructeurs japonais : « Peut-
être qu’ils ne sont pas en retard, et
que tout le monde est parti trop tôt.
Pendant que la concurrence s’en-
dette à fonds perdu et se mutile à
coups de baisse de prix, les Japonais
se préparent à entrer sur le marché
chinois en force », estime Christo-
pher Richter. Mais cette fois, le
défi électrique est d’une autre na-
ture : non plus mécanique ou hu-
main, mais informatique : « Ce que
ne comprennent pas les construc-
teurs japonais, c’est qu’une voiture
électrique comme la pense Tesla
n’est pas une voiture classique
agrémentée de gadgets électroni-
ques et de caméras : chaque auto-
mobile est le maillon d’une toile de
“logiciels sur roues” qui s’alimen-
tent et s’enrichissent les uns les
autres, nourris par la collecte sans
fins de données », explique un an-
cien cadre dirigeant de Tesla. ■
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
Mais ouvrir ces sites mobilise des
sommes énormes : 1 milliard
d’euros, par exemple, pour BioTJet.
Pour faciliter le montage financier de
ces opérations, l’État va débloquer
un budget de 200 millions. Unique-
ment pour les nouvelles raffineries.
TotalEnergies n’aura donc pas droit à
ce coup de pouce pour Grandpuits.
« Cette aide sera répartie entre les
quatre ou cinq projets connus, expli-
que au Figaro le ministre des Trans-
ports, Clément Beaune. Chacun
d’entre eux touchera donc des dizai-
nes de millions. »
Reste que ce plan fait l’impasse
sur un problème majeur posé par le
SAF : son prix. Quand une tonne de
kérosène vaut 1 000 euros, une ton-
ne de carburant d’aviation propre
s’élève en France à 5 000 euros. Aux
États-Unis, grâce aux subventions
publiques, cela revient aux compa-
gnies à 2 000 euros. Or, le gouver-
nement français n’a pas prévu de
dispositif de ce type, au grand dam
des compagnies, qui craignent pour
leur compétitivité. « Le meilleur
moyen de faire baisser les prix, c’est
de produire plus », estime Clément
Beaune. Pas sûr que cela suffise à
faire baisser le tarif du SAF en Fran-
ce au niveau atteint aux États-
Unis. ■
en bref
hausse modérée
des loyers parisiens
£ L’évolution des loyers dans
l’agglomération parisienne a été,
pour la première fois de la
décennie, « inférieure en
moyenne à celle de l’indice de
référence des loyers » (IRL)
français, a annoncé, jeudi,
l’observatoire des loyers
de l’agglomération parisienne.
Les loyers du parc locatif privé
non meublé ont augmenté en
moyenne de 1,8 % en 2022 dans
l’agglomération (contre 0,8 %
en 2021), et de 2,1 % à Paris.
Une pépite
de la géothermie
bientôt en bourse
£ Arverne Group, l’industriel
français spécialisé dans
la géothermie et l’extraction
de lithium, a annoncé vendredi
son projet d’entrer en Bourse
cet automne, après avoir levé
130 millions d’euros. Il a « conclu
un accord de rapprochement »
avec Transition, un « Spac »
(« special purpose acquisition
company »).
Japon : toujours pas
de hausse de taux
£ La Banque du Japon (BoJ)
a maintenu inchangée, vendredi,
sa politique monétaire ultra-
accommodante, jugeant que
les conditions de croissance
et d’inflation ne sont pas réunies
pour commencer à resserrer la vis
du crédit. Le taux directeur
de court terme est maintenu
à son niveau négatif de 0,1 %.
+@
» Traitement VIP, gros
chèques et nucléaire…
Comment la France fait la cour
A
aux industriels étrangers
www.lefigaro.fr/economie
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

26 Entreprises

LE GRAND Matthieu
COURTECUISSE
TÉMOIN président de Sia Partners

PROPOS RECUEILLIS PAR

ivan letessier£@IvanLetessier
sur la capacité à investir dans les
technologies.
« des
L’avenir
et ingrid vergara £@vergara_i
La réglementation européenne est
entreprises
Le président de Sia Partners appelle un frein au déploiement de l’IA ? dépendra
entreprises et autorités européennes Les régulateurs, parfois sous-équipés de la place
à s’adapter pour intégrer l’intelli­ - en compétences scientifiques, sont
gence artificielle dans leur stratégie. en difficulté ou en retard pour définir
qu’elles
accorderont
LE FIGARO. – Jusqu’où l’intelligence L’intelligence des packs réglementaires en phase
avec ces innovations. En Europe, il à la R&D
artificielle peut-elle
transformer l’économie ? artificielle faut favoriser la production de de-
main. Une bonne partie de ce que
pour
Matthieu COURTECUISSE. - Il faut l’on fait en Amérique dans l’IA, on intégrer
parler DES intelligences artificielles. fait entrer n’a pas le droit de le faire en Europe. toutes ces
Depuis quelques mois, on se focalise Dans une séquence d’hyper-trans-
sur l’IA générative et ChatGPT, mais l’économie formation, si l’on surréglemente, il
technologies
une quinzaine d’autres technologies ne faut pas s’étonner que l’inves­ - dans leur
sont en gestation. On parle peu de dans l’ère tissement en R&D soit faible. transfor–
l’IA frugale, à l’intersection entre le

François Bouchon/Le Figaro

déploiement de l’intelligence artifi- de l’hyper- L’Europe peut-elle jouer un rôle
mation.
cielle et sa consommation électrique. dans le développement Faute
Il y a aussi des utilisations d’IA liées à transformation, des intelligences artificielles, de quoi elles
la cybersécurité, aux cryptomon- ou doit-elle se résigner à dépendre
naies, à la voix ou à la vidéo… qui obligeant des technologies américaines ?
devront
auront un impact plus ou moins puis- Dès qu’une technologie apparaît, il y laisser
sant. Tout le monde ne voit l’IA que les entreprises a une rente à capter du côté de sa la place à de
sous le prisme de l’emploi. C’est une production. Mais le gros des oppor-
nouveaux
erreur car elle permet avant tout des
gains de productivité vertueux.
à s’adapter. tunités réside dans l’adoption de ces
technologies. Il ne faut pas empêcher entrants

« L’Europe doit trouver

­Grâce à la personnalisation des pro- 90 % de l’économie européenne ultra-
duits permise par l’IA, Pernod Ricard
a divisé par deux le coût d’entrée
dans une marque et a pu en doubler le
d’utiliser les meilleures technologies
existantes sous prétexte de souve­-
rainisme, parce qu’elles ne sont pas
financés »
nombre. En pharmacie, la recherche produites sur le territoire. Si l’on in-

l’équilibre innovation-
sur les molécules va permettre des terdisait aux entreprises euro­ -
avancées extraordinaires. Grâce à péennes d’utiliser le cloud, elles
une trentaine de projets de vaccins auraient une perte de compétitivité

Bio
majeurs en préparation à l’aide de énorme. On a un Otan militaire, il

l’IA, on peut envisager, d’ici cinq ans,
un monde sans grippe, sans bron-
chiolite, sans infarctus et même sans
certains cancers. L’espérance de vie
va encore augmenter. La transition
énergétique ne peut pas non plus se
faire sans IA, qui va permettre d’ac-
célérer la recherche sur les matériaux
de nouvelle génération et de sécuri-
ser le déploiement des champs d’éo-
liennes ou de panneaux solaires. Elle
ne se fera pas non plus sans les OGM,
rebaptisés NBT, via le développe-
ment des biocarburants, des viandes
de synthèse… Même dans le secteur
du conseil, l’IA va tout bouleverser.
L’IA, ce n’est pas que du marketing
utilisé pour des plateformes de ré-
seaux sociaux.
Ces techniques auront-elles
un impact massif sur l’emploi ?
L’IA est utilisée depuis des années et
les prédictions les plus sombres ne se
sont pas réalisées. Malgré une accélé-
ration de la numérisation, le marché
du travail dans les grands pays occi-
réglementation »
dentaux s’est même retourné en fa-
veur des employés. Entre 2010 et
2020, le poids de la tech dans l’éco-
nomie de certains pays a doublé : il
est passé de 5 à 10 % du PIB aux
États-Unis. S’il grimpe à 20 %, cela
n’entraînera pas de pertes massives
d’emplois car l’impact du digital sur
l’emploi n’a rien à voir avec celui
provoqué par la transformation de
l’industrie automobile vers l’élec­ -
trique. Certaines industries vont
peut-être disparaître, comme lors-
que le streaming a entraîné la ferme-
ture des vidéoclubs. Mais l’impact
massif de l’IA, c’est « l’upscaling »,
c’est-à-dire la montée en puissance
des métiers. On entre dans l’ère de la
post-créativité : l’IA sera avant tout
un copilote qui améliorera le travail
de bon nombre de salariés. Il y aura
des gains de productivité dans les
services clients et les services RH,
mais ils ne seront pas aussi massifs
que certains le prétendent.
Tous les groupes ont-ils les moyens
d’adopter ces technologies ?
Ceux qui ne le feront pas sont en
danger, car l’IA se combine avec
­
d’autres technologies de disruption
dans le médical, la décarbonation, le
spatial ou les sciences de la vie. Grâce
à ce cocktail de 25 à 35 technologies
de disruption, l’économie entre dans
l’ère de l’hyper-transformation où
va régner l’entreprise scientifique.
L’avenir des entreprises dépendra de
la place qu’elles accorderont à la R&D
pour intégrer toutes ces technologies
dans leur transformation. Elles vont
être condamnées à augmenter leur
budget de R&D, faute de quoi elles
devront laisser la place à de nou-
veaux entrants ultra-financés. Les
géants de l’énergie qui, vu leurs ré-
sultats, ont des budgets R&D trop fai-
bles de 500 millions à 1 milliard
d’euros, ont les moyens de les aug-
menter si on envoie enfin les bonnes
politiques publiques. Mais les profits
ne font pas tout. Si JP Morgan investit
4 milliards de dollars par an dans l’IA
(les banques européennes en sont
très loin), c’est aussi parce que les ré-
gulateurs européens, sous prétexte
de défendre les consommateurs, ont
décidé de fixer, dans chaque secteur
de l’économie, le niveau de marge
auquel les acteurs ont droit. Résultat,
il y a un écart de profitabilité de 7 à
8 points entre les banques euro­
péennes et américaines. Cela influe
reste à bâtir un Otan numérique et
technologique… Les Européens doi-
vent construire des cadres régle- express
mentaires homogènes avec les États-
Unis. Si la mondialisation des 1995
échanges physiques se ralentit, la Diplômé de l’Ensae
mondialisation de la technologie Paris. Gère pendant
s’accélère. Se poser les questions des trois ans à
origines ne sert à rien car les algo- la Banque mondiale
rithmes n’ont pas de frontières. Il un programme
faut des niveaux de financement et visant à réduire la
de réglementation homogènes. fracture numérique
L’Europe doit trouver l’équilibre en Afrique
­entre l’innovation et la réglementa- de l’Ouest.
tion afin de favoriser la production de 1999
nouvelles technologies en Europe. Si Revient en France
on n’a pas cette cohérence-là, nos et cofonde
talents vont bouger. Certains groupes Sia Partners.
français développent des logiciels de 2018
reconnaissance faciale au Canada, Devient le premier
faute d’avoir le droit de le faire en président
France. C’est une aberration, tout du Syntec Conseil.
comme il aurait mieux valu négocier
l’installation de centres de R&D en
France plutôt que d’inventer une
- taxe Gafam qui ne rapporte que
300 millions d’euros par an. ■

LES DÉCIDEURS nominations@lefigaro.fr

â Bruno Donjon D’Air France à l’Opéra, la DRH â Thierry Dassault

URW
Le gestionnaire de centres com­ merciaux
­Unibail-Rodamco-Westfield (URW) nomme
Bruno Donjon directeur général des opé­ - prise n’avance pas », tran-
rations Europe du Sud, en charge de la
­France, de l’Italie et de l’Espagne. À l’issue
d’un bref passage chez Vinci, il a intégré URW
en 2005. Jusqu’à présent, il était DG bureaux
et investissements européens.
â Christophe Fuss
TUI
Le voyagiste TUI confie à Christophe
Fuss la direction générale pour la
France à partir du 14 juin. Arrivé en
2013 comme directeur des opérations clubs, il
a progressivement élargi ses fonctions à
la direction des services production, rela-
tions clients, hygiène et sécurité, gestion de
crise, coordination réceptifs, hotline aéro-
port. Cet ancien du Club Med a notamment
initié la montée en gamme des clubs Marmara
et Lookéa.
â Nicolas Guffroy
Korian
Le groupe de soins aux personnes âgées Korian
nomme Nicolas Guffroy directeur financier
A
Ariane Muraour fait le grand écart
« Sans les équipes, l’entre-
che Ariane Muraour. Une
maxime que la nouvelle
directrice en ressources
humaines de l’Opéra national de Paris a dû
se répéter au fil de ses dix-huit années au
sein d’Air France. Et qu’elle ne compte pas
oublier à l’aube de sa prise de fonctions.
Elle s’imaginait avocate pénaliste. Elle a
commencé dans un cabinet niçois, Baudoux
Elmoznino, comme juriste. Elle y a décou-
vert les arcanes du droit du travail. En 2005,
elle a quitté son Sud natal pour la capitale et
Air France. Elle s’occupait des contentieux
aux prud’hommes. « J’arrivais d’une petite
structure de province et j’intégrais un groupe
de plus de 40 000 collaborateurs. Cela consti-
tuait un choc culturel et j’ai dû rapidement
maîtriser des métiers et des règles variés »,
souligne-t-elle.
En 2010, à l’occasion d’un bilan, elle s’est
fixé un objectif : devenir un jour DRH, une
profession qu’elle juge stratégique, garante
de l’accompagnement de la direction dans
ses projets et des salariés dans leur carrière.
Elle a d’abord endossé la responsabilité des
relations sociales de l’établissement d’Orly,
soit 2 000 personnes, dans une période char-
nière : la mise en place du plan Transform,
GIMD
Thierry Dassault, directeur général
réductions d’effectifs. « Mes premières négo- délégué du groupe Dassault, a été élu
ciations », se rappelle-t-elle. Et loin d’être le 14 juin président du conseil de
ses dernières. surveillance de GIMD (Groupe industriel
En 2013, elle a évolué aux RH, de l’Afrique, Marcel Dassault), pour une durée de deux ans,
du Moyen-Orient, du Golfe et de l’Inde, ce en remplacement de sa sœur, Marie-Hélène
qu’elle gérait depuis Paris. Puis, en 2016, Air Habert-Dassault. Officier de la Légion
France lui a confié la conduite du dialogue ­d’honneur et colonel de l’armée de l’air de la
social du hub de Roissy. réserve citoyenne, Thierry Dassault est admi-
nistrateur du Figaro.
Discussions de terrain
Avec 6 000 collaborateurs et 200 représen-
tants du personnel, sa mission consistait â Edward Bouygues
principalement à mener des discussions de Fondation Bouygues Telecom
terrain. En 2019, quelques mois avant le
début de la crise sanitaire, elle s’est envolée Président de Bouygues Telecom, Edward
pour New York, afin d’assurer la DRH Amé- Bouygues prend également les rênes de la
rique du Nord d’Air France-KLM. En 2021, fondation. Celle-ci accueille deux nouveaux
des postes se libéraient en Europe, lui administrateurs : Claire Boilley-Forestier,
octroyant son billet de retour, afin de directrice RSE de l’entreprise, et Stéphane
­
­prendre les rênes des ressources humaines Latxague, président de Mangrove Consulting.
de la filiale Transavia, en hypercroissance
après la pandémie.
En 2023, à 45 ans, Ariane Muraour voulait â Marie Sirand-Pugnet
changer d’horizon. D’un pas chassé, cette Diot-Siaci
pianiste amateur laisse l’asphalte du tarmac
pour le bois de la scène de l’Opéra. Les Le courtier en assurance Diot-Siaci recrute
« nombreuses analogies » entre les deux Marie Sirand-Pugnet comme directrice de la
maisons ne lui ont pas échappé, tel que le culture d’entreprise et de la communication
fort engagement syndical de leurs salariés. RH. Auparavant, elle a officié à la Caisse des
Maud Kenigswald dépôts, Swiss Life ou Groupama. Sa mission

France. Il remplace Philippe Morin, nouveau qui avait forcé la compagnie aérienne à des mkenigswald@lefigaro.fr consiste notamment à « renforcer l’attracti­-
directeur général de la filiale espagnole. vité de la marque employeur ». M. K.
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

Marchés 27

L’intelligence artificielle, questions

d’argent avec
unique moteur Comment gérer sa SCI
au quotidien, en faisant simple
du décollage du Nasdaq mais dans les règles ?
Le marché des valeurs technologiques s’envole,
tiré par une poignée de grandes capitalisations.
Immobilier Détenir un patri-
moine immobilier au travers
d’une société civile immobilière
(SCI) est devenu monnaie cou­
rante. Les associés en oublieraient
-
2 Faut-il tenir
une comptabilité ?
Aucune obligation compta-
ble ne pèse sur une SCI soumise à
l’impôt sur le revenu, dans la me-
Sans ces mégacapitalisations cains ». Un avis partagé par presque les contraintes liées à sure où ses éventuels bénéfices
Analyse technologiques, dont la bonne Alexandre Baradez, stratégiste ­cette structure. La bonne gestion (revenus fonciers) sont directe-
Hervé Rousseau fortune est étroitement liée à l’en- chez IG. Pour ce spécialiste, d’une SCI obéit en effet à un mini- ment taxés au niveau des associés,
hrousseau@lefigaro.fr gouement pour l’intelligence arti- l’emballement pour les stars du mum de formalités, sous peine de même s’ils ne sont pas distribués.
ficielle, Wall Street ferait du sur- Nasdaq semble excessif, surtout créer des tensions entre associés Cependant, mieux vaut tenir une
Marchés C’est un retourne- place cette année et serait à la au moment où une récession me- ou des difficultés avec le fisc, qui comptabilité pour suivre la tréso-
ment de situation comme seul le traîne des autres marchés d’ac- nace aux États-Unis. « Si l’écono- pourrait considérer la société rerie et prévenir un éventuel
Nasdaq sait en réserver. Après un tions dans le monde. Or, « si un mie américaine se contracte, les comme fictive. Respecter ces contrôle de l’administration fisca-
millésime 2022 épouvantable, où marché haussier peut tout à fait géants de la technologie et toute la ­règles s’avère somme toute assez le. C’est aussi indispensable pour
il avait dégringolé de 33 %, le démarrer avec une poignée de va- chaîne de valeur de l’intelligence facile – encore faut-il les connaî- que le gérant rende compte de sa
marché américain des valeurs leurs, pour grimper dans la durée, artificielle, y compris le secteur tre et garder en tête que la SCI dis- gestion aux associés (bénéfices
technologiques a opéré un specta- il a besoin d’une base plus large », des semi-conducteurs, ne seront pose d’une personnalité juridique réalisés ou pertes subies). En pra-
culaire retour en force. Depuis le explique John Bilton, directeur de pas épargnés », explique-t-il. indépendante de ses associés. tique, une petite SCI familiale avec
début de l’année, le Nasdaq com- la gestion multi-actifs chez JP- Les sociétés du Nasdaq se un seul locataire ou un occupant à
posite s’envole en effet d’un peu
plus de 30 %.
Son décollage a coïncidé avec
l’arrivée de ChatGPT et l’engoue-
ment des investisseurs pour tout
Morgan AM.
Les professionnels reconnais-
sent l’important potentiel de l’in-
telligence artificielle, susceptible
de bouleverser de nombreux do-
payent aujourd’hui en moyenne
autour de 33 fois les résultats at-
tendus pour 2023 et celles du
Standard 500 affichent des PE
(« price earning ratios », ou mul-
1 Doit-on toujours
réunir physiquement
les associés ?
Toutes les SCI, même familiales
(celles dont tous les associés sont
titre gratuit peut se contenter
d’une comptabilité simplifiée (dite
« de trésorerie ») qui enregistre
les recettes encaissées et les dé-
penses payées dans un ordre
ce qui touche, de près ou de loin, maines. Mais, « comme pour toutes tiples de résultats) de 22. Et, pour à suivre sur unis par un lien de parenté proche chronologique (en conservant les
à l’intelligence artificielle. « Les les grandes tendances ayant in- bon nombre de spécialistes, ces lefigaro.fr/bourse ou d’alliance), doivent tenir une pièces justificatives). En revan-
grands gagnants de cette soudaine fluencé les marchés d’actions, il multiples de résultats sont sans assemblée générale (AG) au moins che, pour un patrimoine plus im-
vague d’optimisme sont les méga- faut s’attendre à des hauts et des doute bien supérieurs, en réalité, n Les matières une fois par an, afin d’approuver portant avec plusieurs biens loca-
capitalisations de la technologie, bas », préviennent les gérants de car ils s’appuient sur des hypo- premières et les les comptes et de décider du sort tifs ou de nombreux mouvements
Apple, Microsoft, Amazon, Alpha- JPMorgan AM. D’autres vont plus thèses de bénéfices bien trop opti- produits dérivés des bénéfices réalisés au cours de (recours à l’emprunt, avances en
bet (la maison mère de Google), loin et redoutent la formation mistes. Les analystes anticipent en l’exercice passé. L’AG permet compte courant, pratique des
Tesla ou encore Meta Platform, re- d’une vaste bulle spéculative. La effet une légère hausse cette an- n Le crible aussi de prendre collégialement amortissements, mise en réserve
joints depuis peu par Nvidia, entré folie des valeurs internet au tour- née, puis une accélération en 2024 des sicav les décisions qui excèdent les pou- du résultat comptable…), mieux
brièvement dans le club très fermé nant des années 2000 est encore et 2025. De son côté, BNP Paribas et des fonds voirs du gérant (vente d’un vaut établir une comptabilité
des entreprises dont la valeur en dans toutes les mémoires. AM prévoit au contraire une bais- bien…). Mais nul besoin d’être commerciale (bilan, compte de
n Les cotations
Bourse dépasse 1 000 milliards de se « à deux chiffres » des bénéfices physiquement présents. Les sta- résultat et annexes) en recourant à
dollars », constate John Plassard, Hypothèses de bénéfices des entreprises du Standard en direct tuts peuvent convenir d’une un expert-comptable. Celle-ci est
conseiller en investissement chez bien trop optimistes & Poor’s 500 au fur et à mesure sur iPhone consultation écrite des associés, impérative lorsque la SCI est sou-
Mirabaud. Mais l’étroitesse du Or, ces derniers temps, le marché que la récession s’installera. La qui transmettent dans ce cas leur mise à l’impôt sur les sociétés. Si la
segment de marché qui alimente semble s’être de nouveau déré- société de gestion vient d’ailleurs vote par écrit au gérant, après société échappe à l’obligation de
la hausse des indices américains glé. Les plus grandes valeurs de réduire la voilure sur les ac- avoir reçu par lettre recomman- déposer ses comptes annuels
est désormais une source d’in- technologiques américaines se tions américaines. dée les résolutions et les docu- auprès du greffe du tribunal de
quiétude pour les investisseurs. négocient actuellement avec une La plupart des gérants font ments nécessaires. Cette possibili- commerce, elle doit néanmoins
Les dix premières capitalisa- surcote de 40 % par rapport au aujourd’hui preuve d’une extrê- té peut être limitée à certaines déclarer, par l’intermédiaire de
tions de la Bourse de New York Standard & Poor’s 500, constate me prudence sur les géants du décisions, par exemple celles qui son gérant, ses résultats annuels
sont en effet responsables de l’en- JPMorgan AM. Pour la banque Nasdaq et sur les spécialistes de ne modifient pas les statuts ou au début du mois de mai qui suit
semble de la progression (de près américaine, ces valorisations éle- l’intelligence artificielle. Ils em- l’approbation annuelle des comp- (imprimé n° 2072 et ses annexes).
de 14 % depuis le début de l’an- vées sont « un signe de forte vul- pochent une part de leurs tes, ou le principe d’une consulta-
née) du Standard & Poor’s 500.

Un bond de plus de 25% depuis le début de l’année

nérabilité pour les marchés améri- (confortables) profits sur ces va-
leurs dont les cours ont littérale-
ment flambé. Ils se tournent vers
d’autres marchés restés à l’écart
de cette soudaine euphorie. Ils ont
tion écrite peut être posé en lais-
sant au gérant le soin de décider
de réunir une AG. Il est aussi pos-
sible, même si les statuts ne l’en-
visagent pas, de prendre des déci-
3 Une SCI est-elle traitée
comme un particulier ?
Une SCI est une personne
morale qui est représentée par son
gérant. De ce fait, ses associés ne
COURS DE L'INDICE NASDAQ COMPOSITE, EN POINTS notamment dans leur viseur l’Eu- sions collectives au moyen d’un bénéficient pas toujours des avan-
13238,5 rope, où les valorisations sont acte envoyé par voie postale et si- tages et règles applicables aux
bien plus raisonnables et les ris- gné successivement par tous les particuliers. Ils bénéficient bien
13 000 ques de récession beaucoup plus associés. Une solution à privilégier de la réglementation protectrice
faibles. Le CAC 40, par exemple, dans les SCI qui comptent peu du code de la consommation en
affiche actuellement un PE d’en- d’associés. Dans tous les cas, le matière de crédit immobilier (dé-
viron 14, proche de sa moyenne gérant doit rédiger un procès- lai de réflexion de dix jours avant
12 000 historique. IG privilégie aujour- verbal (PV) des décisions prises, d’accepter l’offre de prêt…) si la
d’hui les sociétés européennes les indiquant pour chacune si elle a SCI emprunte. Mais seules les SCI
moins sensibles aux aléas de la été adoptée ou rejetée, avec le familiales peuvent conclure des
conjoncture, comme les groupes décompte des voix. Chaque PV
­ baux d’habitation de trois ans (au
11 000
de services aux collectivités (les doit ensuite être consigné dans un lieu de six ans) ou reprendre le
« utilities ») et les secteurs de la registre spécial (paraphé et coté ­logement au terme du bail pour y
10387
pharmacie ou des télécoms. Le par le greffe du tribunal de loger un associé. Pas celles dont
10 000 courtier fait également la part ­commerce, du tribunal judiciaire les associés sont des parents
belle aux entreprises offrant de ou le maire de la commune du éloignés (au-delà des cousins
­
3 janvier 2023 8 mai 2023
généreux dividendes, un solide ­siège social de la SCI), conservé au ­germains) ou concubins. ■
Source : Bloomberg Infographie rempart lorsque le vent tourne. ■ siège de la SCI. Laure Le Scornet

la séance du vendredi 16 juin La valeur du jour hrousseau@lefigaro.fr

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

AIR LIQUIDE ........................... 167,94

AIRBUS .............................................. 131,18
+4,77
+0,99
167,94
132,34
160,42
129,66
0,681 +26,84
0,417 +18,16
MICHELIN ..............................................
27,47
ORANGE ..............................................10,388
-0,58
+0,29
27,72
10,412
27,31
10,306
0,426
0,406
+5,71
+11,93
Roundup : Bayer solde les poursuites
ALSTOM ..............................................26,41
ARCELORMITTAL SA ...........................
AXA .............................................. 26,4
25,76
-0,15
0
-0,66
26,89
25,9
26,86
26,25
25,45
26,4
0,595 +15,73
0,452 +4,82
0,813 +1,32
PERNOD RICARD ...........................
PUBLICIS GROUPE SA .....................
203,3

RENAULT ..............................................
74,04
36,755
+0,25
+0,14
+0,59
204,3
74,56
37,495
202,8
73,46
36,45
0,394
0,472
0,901
+10,64
+24,6
+17,52
avec l’État de New York
BNP PARIBAS ACT.A ........................... 56,57 +0,5 56,7 55,96 0,67 +6,23 SAFRAN ..............................................140,46 +1,47 141,32 138,48 0,274 +20,13
BOUYGUES ..............................................30,45 +0,5 30,54 30,13 0,404 +8,59 SAINT GOBAIN ........................... 56,19 +0,04 56,32 55,37 0,625 +23,09 Bayer vient de trouver un accord finan- suffisantes », remarque le bureau de la
CAPGEMINI ..............................................
178,85 +2,17 180,35 175,55 0,48 +14,68 SANOFI ..............................................95,66 +1,49 96,39 94,78 0,327 +6,48
cier avec l’État de New York. Le procureur générale de l’État dans un
CARREFOUR ..............................................
16,455 +0,83 16,64 16,345 0,482 +5,21 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 162,98 -0,97 165,38 162,98 0,508 +24,68
CREDIT AGRICOLE ...........................10,834 -0,09 10,882 10,76 0,472 +10,2 SOCIETE GENERALE ........................... 23,23 +0,61 23,545 23,155 1,152 -1,06 chimiste allemand a accepté, jeudi, de lui communiqué. Ces affirmations enfrei-
DANONE ..............................................55,3 +1,17 55,66 54,55 0,547 +12,33 STELLANTIS NV ........................... 15,862 +0,84 15,928 15,68 0,099 +19,53 verser 6,9 millions de dollars pour met- gnaient, d’une part, les lois de l’État
DASSAULT SYSTEMES ........................... 41,355 +1,31 41,625 40,89 0,167 +23,47 STMICROELECTRONICS ..................... 45,605 +0,26 45,845 45,095 0,343 +38,22 tre fin à des poursuites, l’État l’accusant contre la publicité mensongère et trom-
ENGIE .............................................. 14,356 +0,93 14,404 14,206 0,42 +7,23 TELEPERFORMANCE ........................... 162,2 +1,19 163,65 160 1,155 -27,17 CLÔTURE d’avoir trompé les consommateurs en peuse, et d’autre part, un accord passé
ESSILORLUXOTTICA ...........................
EUROFINS SCIENT. ...........................61,5
172,88 +3,84
+1,89
172,88
62,04
166,48
60,66
0,52 +2,17
0,289 -8,29
THALES ..............................................
TOTALENERGIES ...........................53,8
135,3 +2,23
+0,09
136
54,38
132
53,69
0,264
0,569
+13,41
-8,27 DU CAC 40 présentant l’herbicide Roundup, à base en 1996 entre le bureau du procureur

+ 1,34 %
HERMES INTL ........................... 1986 +1,84 1997,2 1953,8 0,222 +37,44 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 47,43 +2 47,65 46 1,146 -2,47 de glyphosate, comme un produit sans général et Monsanto. À l’époque, l’en-
KERING ..............................................527,7 +2,19 532,2 516,5 0,336 +10,98 VEOLIA ENVIRON. ........................... 29,33 +1,52 29,41 28,84 0,6 +22,21 danger. Les autorités visaient des publi- treprise « s’engageait à cesser de faire
L'OREAL ..............................................414,95 +1,26 417,05 410 0,223 +24,39 VINCI .............................................. 110,48 +2,03 110,48 108,24 0,692 +18,43 cités affirmant que le Roundup ne tuait des affirmations non fondées relatives
LEGRAND ..............................................91,54 0 91,96 90,96 0,404 +22,35 VIVENDI SE ........................... 8,348 +1,09 8,348 8,23 1,347 -6,35 à 7 388,65 points que les mauvaises herbes, ne présen- à la sécurité » de l’herbicide, ajoute le
LVMH .............................................. 868,6 +2,95 872,4 845,5 0,203 +27,75 WORLDLINE ..............................................
34,8 -0,74 35,36 34,48 0,658 -4,74
tait aucun danger pour la faune sauvage communiqué.
ou n’était pas plus dangereux que des « Nous sommes heureux de mettre
LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
LʼOR VEILLE 31/12 produits du quotidien comme le liquide
vaisselle. Or, le Roundup est considéré
un terme à cette affaire », a réagi Bayer.
Le géant qui a racheté Monsanto en
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,5941 AUD
Cotation quotidienne assurée par Or en Cash
CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,45 CAD https://www.orencash.fr/investissement/ comme « cancérigène probable » par le 2018 pour 63 milliards de dollars, se re-
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,8543 GBP Circ, une branche de l’Organisation trouve, depuis, empêtré dans de multi-
Lingot 1KG ................................. 57 670,18€ +5,2 %
HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 8,5799 HKD
JAPON ................................................................................
YEN 154,65 JPY
Lingot 100g ................................. 5 778,02€
Lingot 50g ................................. 2 895,01€
-0,22 %
-1,33 %
mondiale de la santé (OMS). Une carac- ples procédures aux États-Unis. Il a no-
SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 0,977 CHF 1 805,84€
Lingot ONCE (31,10g) ................................. -1,37 % térisation que dément le groupe. tamment conclu en 2020 un accord à
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,0966 USD
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,342 TND
Lingot 10g .................................
Lingot 2,5g .................................
587,9€
154,9€
-1,69 %
-4,41 %
« L’entreprise et sa filiale Monsanto 10 milliards de dollars pour solder les
MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD 2OFr NAPOLÉON .................................359€ +4,97 % ont affirmé à plusieurs reprises dans poursuites d’anciens utilisateurs. Bill
TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 25,9491 TRY 20Fr SUISSE ................................. 355,98€ +5,02 % des publicités que les produits de la ­Anderson, son futur PDG n’exclut plus
EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 33,24 EGP SOUVERAIN ................................. 449,07€ +5,66 %
KRUGGERAND ................................. 1 918,09€ +2,74 % marque Roundup contenant l’ingrédient désormais une scission du groupe. L’ac-
A

CHINE ................................................................................
YUAN 7,81 CNY
50 PESOS ................................. 2 291,2€ +5,05 %
INDE ................................................................................
ROUPIE 89,7953 INR 10 DOLLARS ................................. 937,88€ +4,68 % actif glyphosate étaient sûrs et non tion Bayer a gagné 1 % (à 52,33 euros)
ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 146,22 DZD 20 DOLLARS ................................. 1 874,77€ +4,8 % toxiques, sans apporter de preuves vendredi à la Bourse de Francfort ■

VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS

VALEUR DATE DE
LIQUID. VALORISAT.
Cybèle Asset Management
37 av. des Champs-Elysées
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
28 médias et tech
L’empire médiatique du prince Harry
et de Meghan a du plomb dans l’aile
Le géant du streaming musical
Spotify a décidé de mettre fin
à un contrat de plusieurs millions
de dollars passé avec le couple.
Caroline sallé £@carolinesalle
audiovisuel La « petite entrepri-
se » du prince Harry et de sa femme,
Meghan, vient de subir un sérieux
revers. Selon la presse américaine,
Spotify a décidé de mettre fin au
contrat de plusieurs millions de dol-
lars passé avec le couple, qui fait
partie de la famille royale britanni-
que. Officiellement, Spotify et
Archewell Audio, la société de
­ le couple n’a toutefois pas atteint les
production des Sussex, « se sont
­ critères de productivité requis pour
mutuellement mis d’accord pour se
séparer », ont précisé les deux enti-
tés dans un communiqué commun.
Mais, derrière cette entente de fa-
çade, le divorce entre la plateforme
de streaming musical et le « power
couple » est consommé. Selon des
sources anonymes, Harry et Me-
ghan ne souhaiteraient plus être
distribués exclusivement sur Spotify
et chercheraient un nouveau point
de chute. Quant au service de strea-
ming, il a confessé indirectement sa
déception. Le géant suédois s’atten-
dait à ce que les Sussex produisent
davantage de contenus pour lui.
­Depuis près de trois ans, ils n’ont
développé… qu’un seul programme.
Pour l’accoucher, Spotify a même
dû recruter une équipe afin de
­seconder le couple.
Présentée par la duchesse de Sus-
sex, la série de podcasts « Archety-
pes » a dominé plusieurs classe-
ments au moment de sa sortie
l’automne dernier, les auditeurs se
pressant pour écouter les conversa-
tions entre Meghan et des femmes
influentes, à l’image de Mariah Ca-
rey, Serena Williams, Paris Hilton…
N’empêche, cela reste plutôt maigre
Les start-up de la sportech se préparent pour les JO
Les jeunes pousses sont de plus en plus nombreuses à signer des partenariats avec
les Jeux olympiques. Malgré l’engouement, l’écosystème peine à séduire les investisseurs.
Salomé Ferraris
£@salomasferraris
tech L’intelligence artificielle pour
mesurer les performances des ath-
lètes, des gradins en plastique recy-
clé, des NFT pour stimuler l’engage-
ment des fans… À un an des Jeux
olympiques de Paris 2024, la spor-
tech française est dans les starting-
blocks. « Les Jeux créent une vérita-
ble émulation dans l’écosystème »,
observe Magali Tézénas du Montcel,
directrice générale de Sporsora.
Surfant sur l’appétence pour la
French Tech, Paris avait, en 2017,
placé l’innovation au cœur de sa
candidature. « Ce doit être les Jeux
des start-up », assurait le ministre
Bruno Le Maire. Pour tenir ses pro-
messes, un comité dédié à l’innova-
tion a été créé sous la houlette
d’Omar El Zayat, ancien directeur
du Tremplin. Le comité d’organisa-
tion des Jeux olympiques (Cojo) a
rencontré plus de 500 jeunes pous-
ses et, selon Omar El Zayat, « 75 %
des marchés déjà attribués ont été
remportés par des petites entrepri-
ses ». Dans le seul domaine de la
sportech, la France compte déjà
200 start-up, cinq accélérateurs et
incubateurs, et trois fonds d’inves-
tissement spécialisés. Il y a la vitrine
Sorare, la start-up dont l’ascension
fulgurante a frappé les esprits. Et
une ribambelle de jeunes pousses
qui rêvent de l’imiter. « L’axe prin-
cipal de développement de l’écosys-
tème repose moins sur l’investisse-
ment que sur la recherche de
A
clients », souligne François Bitou-
zet, directeur général de VivaTech.
au regard du contrat consenti par
Spotify, estimé à plus de 20 millions
de dollars. Autrement dit, les douze
épisodes d’environ une heure cha-
cun auraient coûté en moyenne
1,7 million de dollars, au minimum,
à la plateforme. Un montant exorbi-
tant, qui avait valu au Sussex d’être
traités d’« escrocs » en direct à la té-
lévision américaine par l’ex-jour-
naliste vedette de Fox News, Tucker
Carlson. Selon le Wall Street Journal,
recevoir l’intégralité de la rémuné-
ration prévue par l’accord.
1,7
million de dollars
Coût moyen pour Spotify
de chacun des épisodes
de « Archetypes », la série
de podcasts présentée
par la princesse de Sussex
Le scénario est quasiment similai-
re à celui de Netflix. En septem-
bre 2020, lorsque le prince Harry et
Meghan viennent s’installer aux
États-Unis, le géant du streaming
vidéo s’offre les « joyaux » de la
couronne britannique moyennant
un gros chèque, de près de 130 mil-
lions de dollars. Ces derniers de-
vaient en retour approvisionner la
plateforme en séries, films, docu-
mentaires, magazines et même pro-
grammes pour enfants. Une série
documentaire sur la nature ainsi
qu’une série animée consacrée aux
Toutes devraient profiter de la visi-
bilité des Jeux et se mettent en or-
dre de marche pour approcher
Cojo, clubs et fédérations. Un pari
réussi pour Sport Heroes : l’entre-
prise, spécialisée dans le sport bien-
être, a signé des partenariats avec
les organisations olympiques. Une
collaboration exigeante qui a obligé
la start-up à monter en gamme
pour satisfaire le cahier des charges
des Jeux. « Nous avons développé
une application pour les JO afin de
sélectionner les participants du
grand marathon public à travers un
système de challenges connectés »,
précise son cofondateur, Paul-
Émile Saab. Un an avant la course,
la plateforme compte plus de
100 000 inscrits.
Trouver des financements
Mais le temps presse pour les jeunes
pousses qui souhaitent collaborer
avec Paris 2024. La plupart des
marchés ont d’ores et déjà été attri-
bués. « Nous entamons la phase de
livraison. Il faut que toutes les solu-
tions soient prêtes pour la cérémonie
d’ouverture », indique Omar El
Zayat. Les entreprises qui n’ont pas
été sélectionnées se tournent donc
vers les entreprises partenaires des
Jeux. C’est le cas de StadiumGO,
une application de covoiturage
pour les événements sportifs.
« Nous discutons de manière active
avec les partenaires des JO, révèle
Romain Lauvergnat, cofondateur
de la start-up qui travaille avec une
soixantaine d’organisations ou
clubs sportifs, dont la Fédération
française de football. Notre rôle,
c’est de montrer que notre solution
Meghan et le prince
Harry, le 6 décembre,
femmes inspirantes étaient soi-di-
sant en cours de développement. Et
à New York. puis… plus rien. Gagné par la nervo-
ANGELA WEISS/AFP sité, Netflix a aussi mis en place une
équipe en soutien pour tenter d’ac-
célérer la cadence. Il aura fallu at-
tendre la toute fin 2022 pour que soit
diffusé le sulfureux documentaire
dans lequel les Sussex étrillent la fa-
mille royale, renommée « la Fir-
me ». Le programme attire des di-
zaines de millions de téléspectateurs
à travers le monde. Mais il coûte
cher à Netflix. D’autant qu’il est cri-
tiqué de toutes parts.
Image écornée
Fondée il y a trois ans à Beverly Hills,
la société du prince Harry et de
Meghan, Archewell, baptisée ainsi
­ Spotify, la cote de popularité du
d’après le nom de leur fils Archi,
avait tout pour devenir une machine
à cash. À l’époque, David Haigh, le
tient la route pour convaincre les dif-
férents acteurs de nous choisir. »
Car si la situation s’est améliorée,
la sportech peine à trouver des in-
vestissements suffisants à son dé-
Avec son jeu collage. En effet, plus de la moitié
de simulation sportive des entreprises de l’écosystème
recourant
à la technologie n’ont jamais levé de fonds et celles
de la blockchain, qui le font dépassent rarement le
la start-up française million d’euros. « C’est un secteur
Sorare fait figure qui monte. Les financements sont
de modèle de réussite. plus nombreux qu’il y a cinq ans.
velirina/stock.adobe.com Mais il faut encore convaincre les in-
patron de Brand Finance, en mesu-
rait l’énorme potentiel. « Ils pour-
raient devenir une entité de 1 milliard
de dollars au cours de la décennie à ve-
nir s’ils décidaient de faire de la publi-
cité pour des produits cosmétiques ou
des lignes de vêtements, par exem-
ple », estimait-il dans le Wall Street
Journal. En janvier dernier, les mé-
moires de Harry, Le Suppléant, dans
lesquelles il décrit sa rupture avec son
père, le roi Charles, et le reste de sa
famille, battent des records de vente.
Fin mars, 3,5 millions d’exemplaires
avaient déjà été écoulés.
Mais à présent ? L’empire médiati-
que des Sussex pourrait se mettre à
vaciller. Au moment de la signature
des partenariats avec Netflix puis
­prince Harry et de Meghan tutoie les
sommets. Les « rebelles » de la
royauté britannique suscitent alors
vestisseurs », admet Aurélie Dyè-
vre, cofondatrice de Joinly et co-
présidente du collectif SporTech Fr,
qui représente une centaine de jeu-
nes pousses. Globalement, l’éco-
système souffre de la frilosité des
investisseurs. « C’est une histoire de
culture et de mentalité, observe
Jean-Baptiste Alliot. Le process de
prise de décision est plus lent, les
montant alloués plus bas qu’aux
États-Unis », fait remarquer le di-
recteur du Tremplin. Le secteur a
pourtant du potentiel. « La spor-
tech, c’est un marché de plus de
17 millions de licenciés, rien qu’en
France », chiffre Jauffray Dunyach,
PDG de MyCoach Sport. Les recet-
tes globales du sport professionnel
en France devraient doubler en dix
ans pour frôler les 8 milliards
d’euros en 2032, selon une étude du
cabinet Roland Berger.
Tout l’enjeu sera aussi de mainte-
nir l’engouement après les Jeux
olympiques. « L’édition 2024 n’est
que la première étape. Il ne faut pas
que le soufflé retombe », s’inquiète
François Bitouzet. Les Jeux d’hiver
à Milan en 2026 sont déjà dans tou-
tes les têtes. « Pour rivaliser sur la
scène internationale, la sportech
aura besoin de nouvelles sources de
financement et d’un accompagne-
ment solide », préconise-t-il. Pour
légitimer le secteur, plusieurs col-
lectifs ont vu le jour comme Sport-
Tech Fr ou Les Meneurs, le club de
la BPI. Autre appui de taille : les
sportifs professionnels. De Tony
Parker à Karim Benzema, les stars
sont de plus en plus nombreuses à
mettre leur expérience, et leur ar-
gent, au service de la sportech. ■
un formidable élan de sympathie de
la part du grand public. Deux icônes
contemporaines, « victimes » des
institutions et qui ont eu le courage
de les contester ? S’associer à la
« franchise » Harry et Meghan, adu-
lée par des millions de fans, est alors
l’assurance de générer d’énormes
retombées médiatiques et de créer un
important capital sympathie, auprès
des jeunes consommateurs notam-
ment. Si leur influence reste considé-
rable, l’image des Sussex a été quel-
que peu écornée depuis. Faute de
s’être retroussé les manches, leur
carrière dans la production est en
train de tourner court. Et, à trop vou-
loir jouer la carte du grand déballage,
sous la forme de documentaire, de
­livres, etc., les « victimes » finiront
par lasser. Pas sûr que les marques
apprécient longtemps de miser sur
des « pleurnichards ». ■
zoom
Vivendi-Lagardère :
examen d’une
possible infraction
£ La Commission européenne
examine des soupçons de prise
de contrôle anticipée de Lagardère
par Vivendi en infraction
aux règles de l’Union sur les
concentrations entre entreprises,
a indiqué vendredi à l’AFP
une porte-parole de l’exécutif
européen. La Commission a
autorisé le 9 juin Vivendi (Bolloré)
à absorber le groupe Lagardère,
à condition de céder sa filiale
d’édition Editis -dont le contrat
de cession de 100 % du capital
a été signé vendredi avec IMI de
Daniel Kretinsky - et le magazine
Gala. « Concernant le dossier
Vivendi/Lagardère, la Commission
a été informée d’allégations
de prise de contrôle anticipée
(“gun jumping”), rapportées
dans la presse. La Commission
peut confirmer qu’elle examine
la question », a indiqué la porte-
parole sans donner plus de détails,
soulignant qu’il ne s’agissait pas
encore à ce stade d’une enquête
formelle. De son côté, l’ONG
Reporters sans frontières (RSF)
a réclamé le 15 juin une enquête
approfondie. Le député européen
David Cormand (Verts/ALE) avait
aussi adressé le 13 juin un courrier
à Margrethe Vestager, la vice-
présidente de la Commission, pour
faire part de sa préoccupation
au sujet des « allégations de “gun
jumping” émises à l’encontre
du groupe Vivendi ». Dans un
entretien au Figaro le 9 juin,
Yannick Bolloré, président du
conseil de surveillance de Vivendi,
indiquait : « Nous avons respecté
les règles qui s’imposent
à nous dans ce type d’opération
et nous continuerons
de les respecter jusqu’à l’obtention
de l’autorisation définitive. »
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro - N° 24 516 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

montres ARt basel

On a testé à La grande foire suisse, qui confirme
l’expérience GIGN sa suprématie, la financiarisation
de Panerai Page 33 de l’art s’accélère Page 34
Luc Viatour ; MoiraM / Alamy via Reuters ; ELINE WILLAERT ; Philippe Schaff/Panerai ; David M. Benett/Jed Cullen/Getty Images

Bruxelles
place forte de
la gastronomie
et du design

Des chefs inventifs et proches de leur terroir, de nouveaux lieux et rendez-vous

dédiés à la création. La capitale européenne cultive son attractivité. PAGES 30 et 31

Bataille autour de la
lettre de Charlotte Corday
●
Enchères Acquis par la région Normandie,
●

ce manuscrit historique est aussi revendiqué par l’État.

de presse commune organisée à l’ab-
Rodolphe geisler £@RodolpheGeisler
baye aux Dames de Caen, où Charlotte

D
À Caen
eux cent trente ans après
l’assassinat à Paris du chef
montagnard Jean-Paul
Marat dans sa baignoire
par la Normande Charlotte
Corday (le 13 juillet 1793), jacobins pa-
risiens et girondins provinciaux ne
semblent toujours pas avoir trouvé le
chemin de la paix. Dernière illustration
en date de cette querelle entre centra-
lisateurs et décentralisateurs qui divise
la classe politique depuis la Révolution
française : « L’affaire du testament po-
litique de Charlotte Corday ».
Acquis par la région Normandie, le
département du Calvados et la ville de
Caen pour la somme de 215 000 euros
dimanche dernier lors d’une vente aux
enchères, ce manuscrit de trois pages
est aujourd’hui revendiqué par le mi-
nistère de la Culture pour les Archives
nationales. Après une réunion inter-
ministérielle qui s’est tenue en début
de semaine, l’État a fait savoir sa déci-
sion mercredi soir. Créant aussitôt, se-
lon Hervé Morin, le président (Nou-
veau Centre) du conseil régional,
« interrogation et consternation »...
voire de « la colère » !
Ce vendredi matin, en présence de
Jean-Léonce Dupont, président (UDI)
du conseil départemental, et de Joël
Bruneau, maire (LR) de Caen, Hervé
Morin a confirmé que les trois collecti-
vités allaient déposer un recours devant
le juge administratif, voire le Conseil
d’État, pour contester cette « revendi-
cation ». « Nous sommes déterminés »,
Corday fut pensionnaire.
Selon eux, l’État aurait déjà commis
« un vice de forme » en n’adressant pas
une lettre recommandée au proprié- PORTÉ PAR LA NATURE,
taire du testament avant la vente pu- FAÇONNÉ PAR LE TEMPS
blique. Autre motif d’espoir pour les
Normands : un code de bonne condui-
te, datant de 2016. Ce texte intermi-
nistériel stipule qu’un document qui a
déjà fait l’objet d’une vente publique
DOM RUINART,
ne peut plus être revendiqué par l’État LE BLANC DE BLANCS
comme étant un bien imprescriptible.
Or, depuis deux siècles, le testament
PAR EXCELLENCE
Corday aurait fait l’objet d’au moins
sept ventes, sans que l’État ne se ma-
nifeste. Enfin, la notion même de
« document imprescriptible » reven-
diquée par le ministère est sujette à
caution : le manuscrit de Charlotte
Corday fut soustrait au dossier d’accu-
sation lors de son procès car… n’allant
pas dans le sens du tribunal révolu-
tionnaire de l’époque. Il n’a donc ja-
mais fait partie des scellés.
Passé « l’incompréhension », les
trois élus s’interrogent sur « le sens po-
litique à donner à cette affaire ». Hervé
Morin y voit « le mépris de Paris pour la
province ». Jean-Léonce Dupont s’in-
terroge sur « l’attitude du gouvernement
et l’équilibre entre l’État jacobin et les ter-
ritoires d’aujourd’hui… » « Le plus triste
dans cette affaire, c’est que nous l’avons
acquis pour en faire un élément du patri-
moine normand pour l’exposer au public
et en le rendant accessible aux cher-
cheurs. Avec l’attitude du ministère de la
Culture, la seule chose de sûre, aujour-
d’hui, est qu’il va rester des années dans L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
A

ont-ils martelé lors d’une conférence un coffre… », grince Hervé Morin. ■

 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
30 l'événement
Richard Haughton ; Jehanne Hupin ; Luc Viatour
La salle du restaurant Menssa,
pensée le long d’un comptoir
en noyer belge autour de chaises
hautes en velours vert, s’ouvre
sur la cuisine orchestrée par le chef
Christophe Hardiquest (à droite).
400 ADRESSES
EN TOUTE
DÉCONTRACTION
Le guide branché lancé
il y a vingt-trois ans à Paris
sort sa première édition belge,
qui compile 400 adresses
classées par villes (et non
par régions) complétées par une
partie magazine de sept articles
évoquant les spaghetti bolo,
les fritkots ou la meilleure
bière du monde.
Plus de 200 restaurants
(néobistrots, tavernes,
street food, exotiques…)
sont chroniqués mais aussi
des bars à vin, à cocktail, à bière,
des commerces de bouche et
des hébergements. « Un guide
belge pour les Belges fait par
des Belges », s’enorgueillit-on
du côté du Fooding qui a pris des
bureaux à Bruxelles et qui fait
travailler trente-cinq enquêteurs
anonymes, francophones
et néerlandophones, ainsi que
des illustrateurs locaux.
La capitale et Anvers sont bien
sûr les vedettes mais tout
le pays est couvert, notamment
Gand, dont le dynamisme
a enchanté les auteurs. Parmi
leurs coups de cœur, St Kilda,
Flamme et In’t Spinnekopke
à Bruxelles, Elders et Commotie
à Gand. Le guide sera édité
chaque année (avec un palmarès
de nouveautés dès l’an
prochain), accompagné par
des événements. Dès la rentrée,
la sélection sera disponible
et enrichie régulièrement sur
un nouveau site web bilingue.
A. B.
164 pages, 20 €. Disponible
en français et en néerlandais.
A
En vente sur lefooding.com
Une GASTRONOMIE BRUXELLOISE
pleine d’audace
Alice Bosio £@alicebosio
Envoyée spéciale à Bruxelles
C
e lundi 5 juin, plus de
400 personnes sont massées
sur le toit de la presti-
gieuse Bibliothèque royale
­
de ­ Belgique, au cœur de
­Bruxelles, pour célébrer le lancement du
premier guide Fooding consacré au plat
pays. Dans une ambiance bon enfant,
une foule compacte riche en trentenai-
res tatoués, barbus, au look hipster dé-
contracté, se dandine devant un concert
de la chanteuse Sylvie Kreusch, pio-
chant ici une croquette au fromage suis-
se au stand du roi de la cuisine populaire
Fernand Obb, là des pâtes fraîches au
ragù de veau du liégeois Altro Macche-
roni… Si les guides Michelin et Gault
& Millau sont présents depuis longtemps
en Belgique, l’arrivée de leur petit cou-
sin branché est le signe que les choses
bougent.
«Des restaurants ouvrent chaque jour à
Bruxelles et à Anvers, souligne Christine
Doublet, codirectrice du Fooding. Sur
tout le territoire, nous avons observé des
chefs libres, audacieux, humbles, dressant
un paysage riche et diversifié : des institu-
tions reprises par des jeunes, des caves à
manger, des tables italiennes, portugaises
ou congolaises issues de l’immigration… »
Initialement prévu pour 200 adresses, le
guide en sort finalement 400, écrémées
parmi 850, sans compter les 300 en
­attente qui n’ont pas eu le temps d’être
testées avant le bouclage. « La gastrono-
mie belge se renouvelle à fond, confirme le
jeune Mallory Gabsi, qui a quitté sa
Bruxelles natale pour s’installer à Paris
l’an dernier - où il a fait d’une spécialité
belge, l’anguille au vert, son plat signa-
ture dans une version revisitée -, mais
qui y conserve une friterie, le 140 !, dans
le food court Gare Maritime du quartier
Tour & Taxis. Nous avons de très bons
chefs, avec un haut niveau technique,
­notamment en Flandre, avec Nuance de
Thierry Theys ou encore Yves Mattagne,
mon mentor. » Ce dernier est depuis plus
de vingt ans l’un des quatre restaurants
deux étoiles de Bruxelles. Il a été rejoint
dans l’édition 2023 du Guide rouge par
Bozar, mené par Karen Torosyan, réputé
pour ses plats en croûte aussi graphiques
que savoureux.
Démarche durable
Bruxelles, où l’hôtellerie se montre
également frémissante - en témoigne
­ gette et sa cuisse panée à la chapelure
l’ouverture d’un Hoxton, doté d’un
­restaurant péruvien, à Saint Josse, il y a
quelques semaines, en attendant celle
d’un Standard en 2025 -, fait figure de
­locomotive d’une gastronomie locale qui
cherche notamment à s’émanciper de
l’influence nordique d’un côté et fran­-
çaise de l’autre. La capitale mêle ainsi
institutions solidement installées où se
régaler de croquettes aux crevettes
­ et de textures qui lui vaudra sans aucun
Au moment ­ rises, frites ou carbonnade flamande et
g
tables contemporaines tournées vers le
où le Fooding publie
végétal et la créativité. Leur point
­commun ? La réhabilitation des produits
locaux dans une démarche durable qui
son premier guide en s’impose quasiment sur la planète
­entière.
Belgique, la capitale Illustration chez Menssa, le restaurant
gastronomique de Christophe Hardiquest
affirme son identité installé dans une bâtisse en brique blan-
che et toit d’ardoise entourée de verdure
culinaire, portée par à Woluwe-Saint-Pierre, banlieue rési-
dentielle cossue du sud-est de Bruxelles.
des chefs créatifs
En lieu et place de son deux-étoiles Bon
Bon, qu’il avait fermé en pleine gloire en
juin dernier après vingt et un ans de
fiers de leurs ­service, le quadragénaire a inauguré en
février une salle métamorphosée autour
racines et soucieux d’un long comptoir en noyer accueillant
une vingtaine de couverts (contre 44
de réhabiliter auparavant), ondulant autour de chaises
hautes en velours vert et débouchant sur
le terroir local. une cuisine ouverte. « Entre le Covid et
une rupture privée, j’avais envie de tout
repenser, autour de la nature, la saison­-
nalité et la durabilité, aussi bien au niveau
des produits que de l’humain », raconte le
chef en chemise blanche et baskets. Le
client peut choisir cinq ou sept plats
parmi une quinzaine de propositions
­ menu dont l’une des signatures, outre les
classées en quatre c­hapitres - jardin,
forêt, terre et mer - ou donner carte
­ (sauce œuf dur, beurre fondu et persil),
blanche à la cuisine. « Je laisse une grande
place à la créativité, les plats changent très
souvent et chaque membre de l’équipe
­propose des choses que je valide ou non,
comme un chef ­d’orchestre. Notre menu
est une sorte d’“omakase” belge (NDLR
repas japonais adapté aux clients). »
Festival de saveurs
Pour nous, ce soir-là, ce fut un démarra-
ge en fanfare avec un ceviche de moules
de Zélande à peine cuites à la texture in-
croyable, mayonnaise à la coriandre et
pickles d’oignon rouge qu’un sorbet
Des plats à la carte du restaurant
Menssa : soupe d’orties accompagnée ­leche de tigre épicé venait lier en fondant
de gnocchis laqués aux orties et de chips pour un voyage réveille-papilles. Suivi
d’orties croustillantes (en haut). d’une promenade dans les bois mono-
chrome prenant la forme d’une soupe
Ceviche de moules de Zélande
avec une mayonnaise à la coriandre d’orties cueillies par l’équipe dans une
et pickles d’oignon rouge recouvert forêt voisine, recette de la grand-mère
d’un sorbet ­leche de tigre (en bas). du chef allégée en la foisonnant et twis-
tée par des gnocchis laqués aux orties et
chips d’orties croustillantes. On retien-
dra aussi la seiche moelleuse au lard
maison, persillade croustillante à l’olive
noire, toum libanais (crème à l’ail) et
­fenouil cru, agrémentée d’une soupe de
poisson façon bouillabaisse ou encore
une caille lovée dans une fleur de cour-
noire très gourmande, jus sapide, navet
étonnamment marié à du maïs. En des-
sert, une déclinaison légère et peu sucrée
autour du champagne, de l’aronia et de
l’hibiscus, avant un final spectaculaire :
une brochette de fenouil laquée et cuite
devant le convive sur un petit barbecue
puis dressée avec une béarnaise sucrée à
la framboise. Bref, un festival de saveurs
doute de regagner rapidement des
­étoiles et que le chef construit autour de
poissons et fruits de mer de petits
­pêcheurs de la mer du Nord et de la Côte
d’Opale, de légumes locaux et de salai-
sons maison comme son jambillon des
copains à la Gueuze. « En Belgique, nous
n’avons pas d’aussi beaux produits qu’en
France car le choix de l’industrialisation a
souvent été fait au profit de l’artisanat.
Mais il existe des producteurs magnifi-
ques : les dénicher, les soutenir et utiliser
toute leur production, sans rien jeter, est
un challenge qui m’anime. »
Christophe Hardiquest se fournit en
asperges blanches auprès de Stéphane
Longlune, installé près de Jurbise
(Wallonie). Un producteur qu’il a en
­
commun avec les Brigittines, institution
du Sablon campée dans un ancien
­bureau de poste de brique rouge, reprise
il y a plus de vingt-cinq ans par Dirk
Miny, membre de l’alliance Slow Food.
Le cadre Art déco tout en boiseries,
­banquettes et serveurs à l’ancienne colle
parfaitement à la carte de brasserie
franco-belge ultra-généreuse dégustée
­
ce midi-là par un public majoritairement
flamand. « Ici, on cuisine », prévient le
grosses asperges blanches à la flamande
est un vol-au-vent garni en salle de
­poularde, petits pois croquants, morilles,
asperges blanches à la crème et sauce
hollandaise… Avant que ne déboule le
saladier de frites. Le tout resservi à
­discrétion. Parmi les autres spécialités de
la maison : croquettes de crevettes
­grises, joue de veau à la kriek Cantillon…
Un bel hommage au patrimoine local.
Avant de partir, crochet incontourna-
ble chez Klok, au rez-de-chaussée de
l’hôtel La Grande Cloche, place Rouppe.
Il s’agit du dernier bébé du chef nordiste
Florent Ladeyn, présent à Lille, Béthune
et bientôt Dunkerque. « Le projet est né
d’une rencontre autour d’un repas…
Boeschepe, où j’ai mon auberge du Vert
Mont, n’est qu’à 100 km, la Belgique fai-
sait déjà partie de mon quotidien ! Nous
travaillons avec nos fournisseurs habi-
tuels et nous avons aussi déniché de nou-
veaux producteurs », détaille le chef
connu pour sa défense du produit local.
« Ici, tout vient de Flandres ou du nord de
la France, rien par avion ! » Dans un
cadre d’allure industrielle (briques
­
­apparentes, comptoir façon conteneur,
tables rouillées, belle hauteur sous pla-
fond), on s’installe du petit déjeuner au
dîner autour de propositions adaptées et
créatives. Ce midi-là, de délicieuses
croquettes terre-mer bœuf et homard
avec une sauce gribiche, des asperges
vertes (de Longlune !) grillées, servies
avec de la poutargue et une sauce ajo
blanco, un pain perdu, glace caramel
beurre salé et condiment pommes
­pickles… arrosés d’une infusion glacée
maison à la reine-des-prés. Pour une
­fusion franco-belge tout sauf plate ! ■
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

l'événement 31

Brussels Design Museum C Licoppe - LA SECTION ‘PLASTIC COLLECTION’ du Design Museum regroupe l’ancienne
Le design belge en pleine ébullition
Ventes aux enchères,
galeries, musées, résidences
d’artistes, rendez-vous
d’initiés… On ne compte plus

collection de Philippe Decelle ; Sophie Dries APC ©ELINE WILLAERT_HD

les initiatives de la capitale
européenne dans le monde
du meuble et de l’objet.
Revue de détails.

Elsa Cau
envoyée spéciale à bruxelles

L
ongtemps considérée comme
une « ville de province » par
les Parisiens, Bruxelles
prendrait-elle sa revanche ?
­
­Depuis cinq ou six ans, la capi-
tale belge connaît un engouement sans
pareil. Le design ne déroge pas à la
­règle, avec des créateurs en vue et des
galeries ouvrant leurs portes au public.
Cela sans oublier les maisons de ventes
aux enchères, qui investissent réguliè-
rement la ville, portées par le succès de
foires telles que la Brafa, rassemblant
des collectionneurs du monde entier, à
une heure et demie de Paris en train.
Certes, ces maisons de ventes aux en-
chères sont installées depuis toujours en
Belgique, mais les opérateurs étrangers,
eux, ont commencé à affluer à partir des
années 2010. Cornette de Saint Cyr, deve-
nue l’année dernière Bonhams Cornette
de Saint Cyr, s’installait en 2012. D’autres
ont suivi le mouvement : Millon en 2016,
Aguttes trois ans plus tard ou encore An-
tenor Auction, pour n’en citer que quel-
ques-unes. « L’intérêt pour le design est
venu progressivement, analyse Arnaud
Bozzini, directeur du Design Museum
Brussels. On compte désormais quelques
ventes cataloguées, avec beaucoup de piè-
ces sourcées ici. Le miracle serait d’ailleurs
une vente exclusivement consacrée au de-
sign belge. » De quoi satisfaire le Design
Museum, né en 2015 sur ce plateau du
Heysel et dans un premier temps poéti-
quement nommé Adam (Art & Design
Atomium Museum). L’ancienne collec-
tion de Philippe Decelle (le Plasticarium)
est alors rachetée par le musée et en de-
vient le socle. Trois sections jalonnent dé-
sormais le parcours du musée rebaptisé
en 2020 : la Plastic Design Collection,
Meubles et objets nés de l’utopie du tout-plastique dans le Plasticarium de Philippe Decelle (à gauche). Une série de céramiques signée Sophie Dries, exposée à l’Atelier Pierre Culot.
signers qui travaillent à nouveau avec des
artisans, c’est bien le sujet du moment,
remis sur le devant de la scène depuis 2017
ou 2018. On parle d’art-design. L’atelier
Zaventem de Lionel Jadot a été un élément
déclencheur, entre autres, de cette ému-
lation. » En tout, ce sont une centaine
d’événements différents qui prendront
place dans la capitale belge, pensés
comme une cartographie du dynamisme
bruxellois en la matière. « Oui, la ville est
plus active, parce qu’elle devient intéres-
sante, qu’elle ne cherche plus à ressembler
à Paris sans y parvenir, qu’elle accepte sa
singularité faite de la diversité de natio-
nalités, de ce mélange de gens et donc de
créateurs », s’enthousiasme Elizabeth
Djam. Lors de cette « Design Week », on
pourra donc flâner dans les boutiques de
créateurs et d’éditeurs, dans les diffé-
rents lieux investis d’expositions et de
conférences, participer à des remises de
prix, à des rencontres avec le designer
de l’année, découvrir de nouveaux lieux
comme le MIX, - un hôtel hybride im-
pliquant une cinquantaine de designers
dans son décor - ou Reset - un espace de
liberté artistique mêlant expositions,
conférences et boîte de nuit.
Initiatives privées
me des écoles de design locales. « Le
master en accessoires à la Cambre, le
CAD, Saint-Luc à Bruxelles avec la sec-
tion design d’innovation sociale… L’ému-
lation est bien présente, le design est vi-
vant, sans compter les créateurs venant
de tous horizons, de l’Europe entière »,
commente Elizabeth Djam.
Les initiatives privées viennent ren-
forcer ce sentiment. En 2019, le designer,
artiste et architecte d’intérieur Lionel Ja-
dot inaugurait Zaventem Ateliers, près
de Bruxelles. Cette ancienne papeterie
du XIXe siècle transformée en pépinière
de la création contemporaine ouvrait la
voie à d’autres projets du même acabit.
L’Atelier Jespers, fondé par le collection-
neur Jean-François Declercq, accueille
dans la superbe maison-atelier de Victor
Bourgeois pour Oscar Jespers (1928) des
expositions thématiques consacrées à la
création contemporaine. Depuis, ce pas-
sionné de design a aussi lancé La Bocca
della Verità, une galerie consacrée à la
représentation des jeunes artistes, et
plusieurs projets itinérants. À 45 minutes
de Bruxelles, l’Atelier Pierre Culot per-
pétue l’œuvre du grand céramiste belge,
5 adresses
sous la direction de son fils, Jo­seph. À
mi-chemin entre espace d’exposition,
design
de production et résidence d’artiste, la
maison de briques et son jardin de sculp- 1. Design Museum Brussels, Trade
tures font figure d’ovni dans le village de Mart Brussels, Belgiëplein 1, 1020
Roux-Miroir, en pleine campagne wal- Brussel. designmuseum.brussels
lonne. Elle accueille en ce moment les
céramiques de la designer française So- 2. Brussels Design September,
phie Dries, réalisées en collaboration du 12 au 30 septembre 2023.
avec l’atelier. « J’ai toujours eu des liens designseptember.be/fr
avec la Belgique, confie-t-elle, en colla-
borant avec des ateliers et des événe- 3. Zaventem Ateliers, Fabriekstraat
ments. J’y viens souvent sourcer l’art et le 15/19, 1930 Zaventem.
mobilier, à Anvers chez Everydaygallery zaventemateliers.com
ou chez Maniera à Bruxelles. »
En quittant la ville, on reprend le 4. Atelier Jespers, av. du Prince-
train, le cerveau en ébullition, avec Héritier 149, 1200 Woluwe-
l’impression de sortir d’une ruche Saint-Lambert. declercq.design
bouillonnante d’énergie. Mais aussi
d’être passé à côté de la moitié 5. Atelier Pierre Culot ; sur rendez-
des abeilles. Il faudra revenir en vous. atelierpierreculot.com
­septembre. ■

consacrée aux meubles et aux objets nés
de l’utopie du tout-plastique au XXe siè-
cle ; la section Belgisch Design Belge, un
panorama de l’histoire du design en Bel-
gique, de l’Art nouveau à la production
Jacobus Vrel.
Existe-t-il un style belge, demande-t-
on à chacun de nos interlocuteurs, qui
rappellent à l’unisson la force du mel-
ting-pot culturel dans la capitale de
l’Union européenne ? « Oui, répond

contemporaine - un espace rendu possi-
ble grâce à la collaboration de la Fonda-
tion roi Baudouin ; les espaces d’exposi-
tions temporaires et thématiques.
« Si nous réalisons plus d’expositions
Énigmatique
Elizabeth Djam, et il commence à gagner
ses lettres de noblesse. » « Non », cingle
Galila Barzilai Hollander, collection-
neuse émérite militant pour le bannis-
sement des frontières et des hiérarchies

sur le design belge cette année, comme
avec celle consacrée au travail de Zéphir
Busine, c’est qu’il existe une demande
croissante du public, explique Arnaud
Bozzini, convaincu que le dynamisme
belge en termes de design est lié à l’in-
précurseur de
entre les différents supports créatifs et
leurs artistes. Celle-ci ouvre au public,
à Bruxelles, une partie de sa collection,
baptisée Overdose, dans un espace re-
nommé P.O.C (Passion, Obsession,
Collection). « À mi-chemin entre design

Vermeer
térêt international grandissant pour la brut et minimalisme », remarque Ygaël Tous les jours
pratique. Cela remonte à une dizaine Attali, cofondateur de la galerie Philia,
d’années, avec des initiatives comme De- citant au passage le génial galeriste bel- sauf le lundi,
sign September et l’Atomium (qui ac- ge Axel Vervoordt, considéré comme le
cueille et développe le projet du Design saint des saints sur le marché. de 12h à 18h
Museum Brussel). L’offre culturelle est C’est que les galeristes ne sont pas en
conséquente depuis toujours ici, mais il y reste. Même si Philia - déjà présente à
avait une place à prendre en design. Cela Genève, New York, Mexico et Singa-
reflète selon moi l’évolution constante de pour - n’ouvre pas d’espace en Belgi-
Bruxelles depuis que, les frères Attali travaillent bel et
une vingtaine bien avec de nombreux
d’années, qui n’a designers belges,
plus rien à voir avec parmi lesquels
la ville dans laquelle je Pierre De Valck,
suis arrivé à mes dé- Arno Declercq,
buts… où l’on ne trou- Roxane Lahidji,
vait pas un menu en an- Thomas Serruys…
Jacobus Vrel
glais au restaurant ! Et « C’est principalement pour
puis le design fait de plus cette raison que nous som- Femme assise regardant un enfant
en plus partie de la vie des mes beaucoup à Bruxelles, par la fenêtre
gens… » explique Ygaël Attali. La jeu- Huile sur panneau. – 45,7 x 39,1 cm
On arrive justement en ne scène créative est ici, où les
Fondation Custodia,
pleine finalisation du pro- loyers sont moins onéreux qu’à
Collection Frits Lugt, Paris

Fondation
gramme de l’événement pha- Paris ou à Londres, entre autres. Se-

re de la ville, Brussels Design
September, qui se tiendra du-
rant une quinzaine de jours, en
septembre, pour sa 17e édi-
tion, à travers toute la vil-
17
lon moi, Bruxelles devient vraiment une
capitale du design européen. » Ils sont
nombreux, en effet, à élire domicile ou à
partager des ateliers dans la capi-
tale belge, comme la jeune desi-

17 sept.
121 rue de Lille, Paris VII

Custodia
le. « La thématique de gner conceptuelle Nel Verbeke,
cette année, l’Art nou- installée dans un espace collec-
veau et son influence sur tif, Studio With a View, ou en-
le de­sign contemporain, core le duo Muller Van Seve-

2023
Exposition organisée
en collaboration avec
témoigne de ce nouvel ren, sans oublier Sébastien
engouement pour les Caporusso… La liste est lon-
arts décoratifs à gue, à l’image du dynamis-
Bruxelles, affirme Eli-
zabeth Djam, son or-
A

ganisatrice. Les artisans Un vase en céramique

qui font du design, les de- de la designer Sophie Dries.
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
32 Style
À la recherche
de la nouvelle star
au Pitti Uomo
Le salon de la mode masculine de florence, qui vient de
fermer ses portes, a fait la part belle aux outsiders, petites
griffes confidentielles et autres projets très personnels.
Matthieu Morge Zucconi
mmorge@lefigaro.fr
Envoyé spécial à Florence
C
’
est une tradition : la saison
de la mode masculine, en
janvier comme en juin,
commence à Florence, au
salon Pitti Uomo. Histori-
quement, cet événement professionnel est
le rendez-vous des peacocks, ces élégants
aux looks extravagants (à la limite du dé-
guisement) qui posent pour le plus grand
plaisir des photographes de street style.
Mais durant cette édition, qui s’est tenue du
13 au 16 juin, ils se sont faits plus rares,
comme si le phénomène qui a bâti la répu-
tation du salon auprès du grand public, au
début des années 2010, s’essoufflait.
­Serait-ce la tendance quiet luxury, ce luxe
en sourdine qui fascine la presse spéciali-
sée, qui aurait eu raison de ces hommes en
costumes de couleurs vives, souliers double
boucle et autres pochettes et chapeaux ?
Une chose est sûre : leur quasi-dispari-
tion fait écho à l’état d’esprit de ce Pitti, qui
a choisi de mettre en valeur une mode re-
lativement classique, bien faite, mais avec
créativité et, surtout, de la personnalité.
« Les hommes ont envie de bien s’habiller,
explique Brunello Cucinelli, dont le stand
attire toujours autant la foule. Mais ils ne
veulent plus ressembler à tout le monde, ils
ont envie de montrer leur individualité. »
Cette année, lui a fait le choix de couleurs
pétantes, du rose, du violet fané, côtoyant
toujours, évidemment, ses traditionnelles
teintes de beige, gris, blanc…
De même, chez le chausseur de Saint-
Jean-de-Moirans, en Isère, Paraboot, qui
confesse que les acheteurs asiatiques se
tournent désormais vers des références
moins connues que la mythique Michael,
tels que les chaussures bateau Malo et les
sandales créées en collaboration avec la
Française Clémence Cahu.
Dans ce contexte, les « petits » acteurs
sont à la fête. Selon Raffaello Napoleone,
administrateur du salon, « la période est
toujours très incertaine, avec l’inflation, la
situation en Ukraine, les taux d’intérêt
hauts… Surtout pour les marques qui ne sont
ni de luxe ni de fast fashion. Ce qui explique
que les acheteurs internationaux cherchent
des choses rares, uniques, et que les mar-
ques font, elles, plus que jamais preuve de
fantaisie, d’imagination. » Un constat
confirmé par les acheteurs : « Les petites
marques tirent leur épingle du jeu cette
Silvia Venturini Fendi : « Montrer au monde le talent de nos artisans »
L
a directrice artistique des col-
lections masculines de Fendi, la
maison romaine du groupe
LVMH dont elle porte le nom, a
choisi de montrer son vestiaire
pour l’été 2024 lors du Salon Pitti Imma-
gine Uomo. L’occasion de dévoiler au
monde l’ultramoderne nouvelle maro-
quinerie de Capannuccia, 30 000 mètres
carrés de verre et de béton nichés dans
les collines, non loin de Florence, où
œuvrent quelque 350 employés.
LE FIGARO. - Qu’est-ce qui
vous a poussée à défiler ici ?
Silvia VENTURINI FENDI. - C’est un
choix très symbolique car Florence et la
Toscane ont toujours occupé une place
forte dans l’histoire de Fendi. Ma grand-
mère, avant de fonder la maison en 1925,
y était venue rendre visite à des cousins
qui travaillaient dans la maro­ quinerie.
Ainsi, on peut dire que tout a commencé
ici, pour Adele Fendi ! Nous allons fêter
nos 100 ans l’an prochain et ce défilé est la
première étape avant la suite. Nous vou-
lions aussi montrer ce nouvel espace au
monde : les gens ont envie de savoir
comment les choses sont faites, de véri-
fier ce qu’ils achètent, m
­ angent, portent.
Connaître ce que l’on consomme est de-
venu de plus en plus important. Souvent,
A
les gens se demandent comment expli-
quer la différence entre les objets de luxe,
s­ aison, analyse Florian Malfroy, acheteur
pour la Samaritaine. Parmi tous les expo-
sants, on parle beaucoup de griffes jus-
qu’alors confidentielles se limitant à des pe-
tites productions. Par exemple, la marque
indienne Kardo, qui collabore avec Inditex
pour ses tissus, fabrique des vêtements arti-
sanaux dans un esprit proche de Bode, et où,
selon les tailles, les motifs peuvent être diffé-
rents… Ce genre de pièces à caractère séduit
beaucoup. »
Le succès fou de Bode, la marque améri-
caine qui brode et recycle des tissus an-
ciens, semble avoir donné des idées à pas
mal de nouveaux venus sur le marché,
adoptant cette même approche de l’artisa-
nat, chacun à sa sauce et avec ses référen-
ces personnelles - ainsi les Français de
­Baziszt, aux très réussis pyjamas brodés et
chemises ornées de mimosas. « Bode a
changé la donne avec son positionnement
très haut en termes de prix et en choisissant
avec beaucoup de soin ses revendeurs »,
indique Florian Malfroy, qui confirme
­ dans sa nouvelle manufacture de sacs,
comme tous ses collègues acheteurs qu’« il
s’agit aujourd’hui de réitérer ce tour de force
en dénichant la nouvelle petite marque in-
connue que l’on pourra faire entrer dans nos
rayons ».
Vêtements de « jardinage »
Même son de cloche dans le domaine
du costume. Si, traditionnellement, le
­tailoring, notamment italien, est roi au
­Pitti, les designers qui font le plus parler
d’eux sont des quasi-inconnus. Ainsi,
AMC, la marque du Romain Parisien
d’adoption Aldo Maria Camillo (ex-Cerruti
1881), soutenue par le spécialiste de l’ha-
billement nippon Hirofumi Kurino, fait
sensation auprès des initiés. On s’échange
son nom et la position de son stand sous le
manteau, et on ne tarit pas d’éloges sur la
2 3
un terme que je trouve d’ailleurs galvau-
dé, et la fast fashion. Chez Fendi, nous
sommes dans une optique de trans­ - raison que dans cette usine tout est vitré,
parence. C’est pour cette raison que dans
cette usine tout est vitré, ouvert sur
­l’extérieur.
Est-ce aussi une manière de recentrer
l’histoire sur le savoir-faire,
et moins sur l’image ?
Oui. Je n’ai rien contre les défilés
spectacles, et d’ailleurs, celui-ci sera
­ qui mélangent tissu et cuir, des jacquards
1
1. Fendi a dévoilé sa collection
de l’été 2024, inspirée du workwear,
à Capannuccia, non loin de Florence.
2. Le designer Aldo Maria Camillo,
qui a fait sensation avec sa marque AMC
au Pitti Uomo 2024.
3. Scène de vie dans le salon de mode
masculine le plus connu au monde.
Fendi ; AKAstudio-collective
« Chez Fendi, nous sommes dans une
optique de transparence. C’est pour cette
ouvert sur l’extérieur », souligne Silvia
Venturini Fendi.
DANIELE LA MALFA
qualité des matières (japonaises, donc), de
la fabrication (idem) et sur l’attention aux
détails. Particulièrement saluée, l’attitude,
chic mais désinvolte, et cette fraîcheur qui
manque à trop de spécialistes français du
costume. De même, le tailleur florentin
culte Liverano & Liverano profite du salon
pour lancer une ligne de prêt-à-porter très
remarquée, mettant sa qualité d’exécution
bespoke au service de blazers impeccables.
Plus casual, les vêtements de « jardinage »
de l’italien Rovi Lucca, dirigé par un
ancien designer de Zegna, charment
­ les collines toscanes, du vert pâle des
­également les observateurs.
Pour de nombreuses marques, le Pitti
Uomo est, après tout, un moyen de se faire
une place à l’écart des Fashion Weeks, de
toucher un nouveau public et de nouer des
contacts avant les moments des
showrooms. « Pour moi, c’est une très belle
opportunité, souligne le Français Steven
Passaro, invité de la section S/Style,
aussi spectaculaire, à sa manière. Je vou-
lais mettre en avant des valeurs chères à
­Fendi. Nous ne sommes plus une maison
familiale, nous appartenons à une autre
grande famille, internationale (le groupe
LVMH, NDLR). Mais l’esprit originel est
toujours là, et nous voulons montrer que
nous sommes fiers de ces artisans qui sont
les fondations de tout ce que nous faisons.
Cette collection fait donc la part belle
aux savoir-faire Fendi…
J’ai été très inspirée par l’univers du
­travail. Mais pas seulement le workwear
au sens « ouvrier » du terme. Ici, on peut
faire n’importe quel job : l’endroit res-
semble plus à un laboratoire scientifique
qu’à une usine de maroquinerie. J’avais
envie à la fois d’une collection minimale
et de révéler les différentes facettes des
artisans, qui travaillent à la main, mais
aussi à la machine, qui doivent aussi avoir
une dimension « business »… Et puis je
veux montrer une sorte d’appartenance
au lieu, donc nous avons développé des
teintures provenant de végétaux de la
­région, une palette inspirée des paysages
qui nous entourent. Et évidemment,
beaucoup de cuir, et d’accessoires, qui
sont façonnés ici. J’ai aussi travaillé de
manière que l’on voie la dimension ma-
nuelle : des trames visibles sur le denim,
des tressés très techniques, des matières
consacrée à la création écoresponsable. Je
rencontre des acheteurs et des journalistes
qui n’ont que rarement le temps de venir à
Paris pendant la période folle des défilés. Je
développe ainsi ma présence à l’étranger. »
Ce pas de côté, c’est aussi celui que fait
­Stefano Ricci. Positionnée dans le segment
de l’ultraluxe, la marque florentine n’or-
ganise que très peu de défilés (le dernier,
l’an passé, a eu lieu à Louxor, en Égypte),
préfère shooter ses campagnes dans les îles
Galapagos… et présenter au Pitti. « C’est
notre maison, raconte Filippo Ricci, fils du
fondateur et directeur créatif. Nous mon-
trons ici depuis toujours. Aujourd’hui, être
dans le luxe et avoir une maison comme la
nôtre, c’est être David contre plusieurs
­Goliath. Il faut donc rester fidèle à ses prin-
cipes et cultiver sa différence. Nous préfé-
rons donner à nos clients une expérience ex-
clusive qu’ils ne trouveront pas ailleurs. » Et,
à en juger par le monde qui observe ses
sur­chemises en cuir exotique (un carton au
Moyen-Orient, aux États-Unis et en
­Russie) et autres blousons en daim pastel,
ça fonctionne.
Show rafraîchissant
Chaque saison, le Pitti ajoute du glamour à
son salon en invitant des maisons à défiler.
Cette fois-ci, le clou du spectacle n’est
autre que Fendi, qui s’est donc « retirée » à
titre exceptionnel du calendrier milanais
pour orchestrer son show dans sa nouvelle
usine de sacs à Capannuccia, à une demi-
heure de route de Florence. « Ce que nous
cherchons, ce sont des projets qui ont du
sens, insiste Raffaello Napoleone. C’est le
cas de ce défilé, tourné vers l’artisanat et le
“made in Italy”, qui nous tenait à cœur
­depuis longtemps, à Silvia Venturini Fendi et
nous. » Au beau milieu des lignes de
­production de sacs et devant les artisans à
leurs postes, la créatrice la plus discrète
des grandes maisons de luxe livre une
­collection très inspirée du monde du tra-
vail. Costumes à la veste rallongée, tabliers
de cuir, imprimés de dessins industriels et
sortes de sabots de sécurité à semelle tech-
nique (bientôt ­viraux !), cravates portées
lâches, pantalons multipoches, grands im-
perméables comme des manteaux de labo-
ratoire… Le tout dans une palette évoquant
feuilles d’olivier au bleu du ciel, en passant
par la terre de Sienne, les beiges de cer­-
taines plantes… Le public applaudit à tout
rompre lorsque la Romaine sort aux côtés
des artisans, ­ saluant ce show rafraî­ -
chissant, axé non pas sur l’image et le
spectaculaire mais sur le cœur du métier :
le savoir-faire.
Quelques heures plus tard, c’est ERL qui
présente son tout premier défilé en solo (il
avait été invité à cosigner avec Kim Jones
une collection Dior Men l’an passé). « Et
c’est sans doute mon dernier, sourit-il,
backstage. J’aime explorer d’autres mé-
diums : la photographie, le cinéma, la musi-
que… » On pourrait croire ces vêtements
droit sortis d’un film. C’est un peu l’idée :
le fantasque Californien a imaginé une ar-
mée de surfeurs venus découvrir Florence
en 2176, une fois celle-ci noyée sous une
crue de l’Arno. Ils portent des jumpsuits
métallisés, de longues capes très florenti-
nes, des costumes épaulés et copieusement
ornés… Eli Russell Linnetz, jeune créateur
à l’univers très personnel, a bien choisi son
année pour présenter à Florence. ■
à points sellier que nous faisions à
­l’époque de ma grand-mère… Ce sont des
détails très subtils. Ce contraste entre le
très moderne et le plus traditionnel
­dialogue avec cet endroit.
Aujourd’hui, si de nombreuses maisons
appartiennent à des groupes français,
la production reste majoritairement
italienne. Ce défilé aspire-t-il aussi à
rendre hommage au « made in Italy » ?
Je connais bien ce sujet. (Rires.) Effective-
ment, c’est un paradoxe. Le savoir-faire
italien est désormais partout car nous
avons su, contrairement à d’autres pays,
préserver la filière. Nos jeunes aujour-
d’hui, en Italie, et c’est sans doute le cas
aussi en France, ont de nouveau envie de
faire quelque chose de leurs mains. Ces
­digital natives, qui ont grandi avec les
écrans, sont à la recherche d’expériences
plus tangibles. Notre particularité en
­Italie, selon moi, c’est une certaine indis-
cipline, inhérente à ce que nous sommes.
Ce qui provoque parfois des erreurs mais
qui donne du caractère, une dimension
unique à ce que nous faisons. Nous aimons
mettre en valeur la qualité du s­ avoir-faire
de nos régions. Comme lorsque nous
­avions demandé à des artisans de toute
l’Italie de revisiter notre sac ­ Baguette.
C’est notre rôle, de leur faire profiter de
notre exposition mondiale.
Propos recueillis par M. M. Z.

J’ai testé l’expérience
GIGN de Panerai
Entre adrénaline et dépassement de soi, l’unité d’élite
de la gendarmerie nationale a accueilli, deux jours
durant, quelques passionnés de montres désireux
de sortir de leur zone de confort.
judikael hirel £@jhirel
Q
uelles sont vos limites ? Pas-
sez deux jours au sein du
centre d’entraînement du
GIGN, et vous le saurez. « Cet
endroit est un révélateur
d’âmes », poétise un mem-
bre aguerri du célèbre groupe d’inter-
vention de la gendarmerie. C’est cette
expérience unique que la marque de
montres Panerai, jadis au poignet des na-
geurs de combat italiens, a fait vivre à une
poignée de ses aficionados, que l’on sur-
nomme les Paneristi.
Un jeudi matin de juin, à l’aube. Un bus
quitte le centre de Paris. À son bord : une
quinzaine d’hommes et de femmes en
treillis et sac à dos kaki. Pas des militai-
res, malgré leur tenue, mais des amateurs
des montres Panerai, encadrés par des
opérationnels du GIGN. Quelques semai-
nes de remise en forme à temps très par-
tiel, en suivant les conseils d’entraîne-
ment reçus, n’ont clairement pas suffi à
nous préparer à cette immersion. Mais
une fois que l’on s’est engagé, et que l’on
a signé une décharge de responsabilité, il
faut bien assumer et tenir le choc…
Parmi les volontaires à cette expérien-
ce hors du commun, on trouve tous les
profils et tous les âges : un notaire pari-
sien, un antiquaire luxembourgeois, un
influenceur, un professionnel de l’horlo-
gerie, un aide-soignant nantais. Et même
un chirurgien renommé venu exprès de
Hongkong, grand amateur des expérien-
ces concoctées par l’horloger. « Quand je
suis arrivé chez Panerai, j’ai rencontré des
gens qui connaissaient tout mieux que moi,
explique Jean-Marc Pontroué, président
de la marque italo-suisse. Je me suis de-
mandé comment faire pour les impres-
sionner. En les invitant à vivre quelque
chose qui ne se trouve pas, lié aux origines
de Panerai. Nous organisons à peu près
cinq de ces voyages par an pour environ
150 clients. Des visites culturelles à Rome
ou Florence, des explorations avec Mike
Horn et Guillaume Néry et des expériences
militaires, avec les forces spéciales italien-
nes, les Navy Seals et le GIGN. Toute la
problématique est de proposer suffisam-
ment d’adrénaline et d’effort, sans dégoû-
ter pour autant. »
À moins d’une heure de Paris, officiel-
lement, nous sommes des touristes venus
visiter les sites archéologiques d’une
contrée fictive, le « Mondékistan ». « Ce
pays jadis en conflit est calme depuis quel-
ques années, classé vert par le Quai d’Or-
say. On peut donc de nouveau accéder à ses
richesses archéologiques, nous briefe le
major qui sera notre guide. Je vous ac-
compagnerai, je suis chargé de votre sûre-
té. J’ai été au GIGN il fut un temps. Bonne
visite ! » À peine arrivé à la « frontière »,
un commando d’hommes encagoulés et
armés jaillit de derrière un véhicule bar-
rant la route. Grenades, rafales… Nous
voilà sortis du bus manu militari, une ca-
goule sur la tête, les mains liées, et cou-
chés au sol. Pendant qu’un chien aboie et
nous passe sur le corps, on nous vide les
poches. Plus de montre, plus de télépho-
ne… La perception du temps n’est sou-
dain plus la même.
Nous ne sommes plus ni en France, ni
dans le quotidien. « Vous êtes au Mondé-
kistan, ici. Vous n’êtes pas chez vous.
Qu’est-ce que vous venez faire ? », nous
hurle un terroriste. Direction la cave d’un
bâtiment, il faut descendre à l’aveugle,
pour être interrogé par notre comité
d’accueil. « Quelle est ta nationalité ?
Comment tu t’appelles ? Que viens-tu
vraiment faire ? » C’est le type d’exercice
auquel sont constamment soumis les
membres du GIGN, qu’ils tiennent le rôle
des preneurs d’otage ou des libérateurs.
99 % de leurs opérations ne sont pas
connues : au sein du GIGN central et de
ses antennes, les 760 militaires effectuent
plus de 1 500 missions par an.
« S’engager pour la vie »
Justement, en parlant de mission, il va
falloir penser à s’évader… Notre trio
d’accompagnateurs est là pour nous y
aider. Après un parcours alternant cour-
se, escalade de conteneurs militaires et
descente dans des buses sous la prairie,
nous nous dirigeons vers un long bâti-
ment dont l’état de délabrement prouve
que les entraînements se font bien à balles
réelles. Au ras du sol : un étroit soupirail.
Il va tout de même falloir y entrer et ram-
per dans le vide sanitaire. Au bout de
quelques minutes dans le noir, impossible
de ne pas ressentir la peur de rester coin-
cé. D’autant que le passage est apparem-
ment trop étroit pour nos épaules…
« Vous allez y arriver, tout le XV de France
a bien réussi à passer par là », nous glisse-
t-on pour nous motiver. Après un bref
moment de panique, et en forçant un
peu, nous parvenons enfin à ressortir,
tiré par le bras par un camarade. C’était
juste. Nous en serons quittes pour quel-
ques bleus et écorchures.
Il est temps de faire une pause sur la
pelouse, histoire de dévorer une ration
de combat n° 13 (la meilleure). Pâtes car-
bonara ou potée paysanne ? Choix cor-
nélien ! « Mangez, mais pas trop », un
conseil avisé, la prochaine étape de no-
tre évasion supposant de ramper dans
un fossé rempli de boue, sans relever la
tête pour ne pas se faire repérer…
L’épreuve interminable, sous un soleil
de plomb, s’achève par la traversée
Un stage unique au sein
de la base d’entraînement du GIGN,
autour du thème de la libération
d’otage, dont les différentes
activités comme les conditions
spartiates mettent en avant
la cohésion et le dépassement
de soi. photos : P. Schaff/Panerai, GIGN
le figaro
d’une pièce d’eau en suivant une corde,
avant de remonter à contre-courant le
lit d’un ruisseau. La cohésion est de
mise : chacun touche l’épaule de celui
qui le précède. La cascade finale permet-
tra au moins d’ôter un tant soit peu de
boue sur les treillis. Mais pas des chaus-
sures, ni des sous-vêtements…
« Vous avez fait ça quelques heures.
Imaginez en plein hiver, en cassant la gla-
ce, avec la fatigue, la gestion du stress,
commente le général Réty, à la tête du
GIGN depuis 2020. À la fin, sur 300 candi-
dats, on en garde quinze. Ils partent d’eux-
mêmes, ils craquent. Le critère le plus im-
portant est la motivation : jusqu’où sont-ils
prêts à s’engager ? Travailler dans l’excel-
samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
Style 33
La Submersible GIGN Expérience
de Panerai, une montre de 47 mm
de diamètre en édition très limitée.
Panerai
lence, c’est beaucoup de contraintes. Notre
philosophie d’action est de reculer l’usage
des armes, quitte à prendre un maximum
de risques. “S’engager pour la vie”, la de-
vise du GIGN, c’est être prêt à donner sa vie
pour sauver celle des autres. C’est-à-dire
tout faire pour préserver la vie des victimes
comme celle des auteurs, pour les remettre
à la justice. » La devise est gravée sur le
flanc du boîtier de la Panerai Submersible
GIGN Expérience récemment dévoilée en
édition limitée.
Une fois rentrée au camp, notre petite
troupe peut souffler et, surtout, prendre
une bonne douche. Ou l’art de savourer
les luxes simples du quotidien avant de
repartir vers la place d’armes, à la ren-
contre du maître-chien et du chien d’as-
saut star de l’unité. Le malinois qui porte
des protections sur les coussinets, les
yeux et les oreilles, est équipé d’oreillet-
tes pour recevoir les consignes à distance,
et une minicaméra permettant à son maî-
tre de voir les lieux à travers ses yeux. À la
fois chien de reconnaissance, de recher-
che d’explosifs et d’assaut, Nitrate est là,
comme les autres, pour sauver des vies.
Raison de plus pour prendre soin de la
sienne. Alors qu’il nous fait la démons-
tration de la force de ses mâchoires, une
dizaine de 4×4 débarquent dans l’encein-
te, avec sirènes et gyrophares. Ils sont de
retour de la mission du jour - interpeller
un forcené -, et viennent de parcourir un
bon millier de kilomètres dans la journée.
La sensation de force de cette tribu ras-
semblée sous nos yeux est frappante,
alors que, le temps d’un café, ils assistent
également à la démonstration canine.
« Frères d’armes »
Vite, finir sa ration en guise de dîner,
avant de rejoindre nos lits de camp et
nos sacs de couchage alignés pour l’oc-
casion dans un bâtiment en ruine, dont
des plexiglas condamnent les fenêtres
détruites. À un tel degré de fatigue, trou-
ver le sommeil n’a rien de compliqué.
Même quand un Super Puma débarque
en pleine nuit pour un exercice des com-
mandos de l’air. À l’aube, pas besoin de
réveil : les étourneaux se déchaînent
dans les arbres. Cette fois, on prend de la
hauteur. Il faut se harnacher, s’assurer,
puis sauter dans le vide suspendu à une
corde, avec une rotation suffisante pour
atteindre un filet. Reste à longer un re-
bord de fenêtre pour rejoindre le toit via
une échelle flottante. Une fois au som-
met, les jambes flageolent lorsqu’il s’agit
de marcher au-dessus du vide sur une
poutrelle en métal. Il ne faut pas abuser
des bonnes choses !
Après nous être remis de nos émo-
tions, direction le champ de tir pour une
initiation aux HK 416 et MP5 et au
Glock 17, les armes utilisées par le GIGN,
avant de nous voir libérés par une colon-
ne d’intervention au complet rentrant
par la fenêtre d’un bâtiment. Impres-
sionnant, et rassurant ! « Les activités de
ce stage étaient centrées autour de la co-
hésion et du dépassement de soi, nous dé-
briefe notre trio de moniteurs en fin
d’expérience. C’est ce que vous êtes venus
chercher, que nous avons voulu traduire
par ces exercices dont le thème est la libé-
ration d’otage. Tous les trois, nous som-
mes de la même promotion. Nous nous
connaissons depuis seize ans. Nous som-
mes des frères d’armes, nous avons com-
A
battu ensemble. Nous sommes fiers de ce
que l’on est et de ce que l’on apporte. » ■
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro
34 Culture
Art Basel L’irrésistible financiarisation de l’art
Les affaires ont retrouvé
leur niveau d’avant-Covid
à la foire suisse. qui
confirme sa suprématie
et marque une nouvelle ère.
L’annonce de la cession
de 60 % de la galerie
Perrotin à un fonds
d’investissement le prouve.
Béatrice de Rochebouët
bderochebouet@lefigaro.fr
C
Envoyée spéciale à Bâle (Suisse)
ela fait bien longtemps que le
marché de l’art flirte avec le
monde de la finance. Sans lui, il
n’aurait jamais atteint de tels
sommets. Cette financiarisa-
tion, rimant avec mondialisation, a fran-
chi un nouveau palier à Art Basel, la gran-
de foire suisse d’art moderne et
contemporain - déclinée à Miami, Hong­-
kong et maintenant Paris - qui se tient sur
les bords du Rhin jusqu’à dimanche. Avec
un timing parfaitement maîtrisé, l’an-
nonce choc de l’entrée majoritaire du
fonds Colony Investment Management
de Nadra Moussalem au capital de la gale-
rie d’Emmanuel Perrotin a fait l’effet
d’une bombe (lire nos éditions du 13 juin ).
Lundi après-midi, lors de l’inaugura-
tion d’Art Unlimited (hall réservé aux
installations et vidéos monumentales,
comme celle spectaculaire d’Adel Abdes-
semed, aux manettes d’un bateau en feu,
dénonçant la déroute de la planète), la
nouvelle a secoué le marché s’apprêtant à
une folle semaine, sous une canicule de
plomb. Elle a fait chauffer les discussions
dans les allées surbondées de la foire, le
lendemain, au vernissage VIP « first
choice », et a alimenté la controverse
dans les dîners festifs de la ville. QG de
l’élite de l’art, l’hôtel des Trois Rois était
gardé comme une forteresse par un ser-
vice de sécurité pour éviter le trop-plein,
signe d’une affluence retrouvée après les
années noires du Covid.
Le retour en force des acheteurs
- moins d’Américains semble-t-il, mais
beaucoup d’Asiatiques (Chinois et Co-
réens), de Latino-Américains et d’Euro-
péens - a déclenché une avalanche de
transactions, aussi importantes qu’avant
la pandémie. Plus aucun créneau d’atter-
rissage pour les jets privés à l’aéroport de
Mulhouse, faisant fi de l’empreinte car-
bone. Tous ceux qui pensaient que Paris
pourrait supplanter Bâle ont été déboutés.
La foire mère reste la foire historique.
Avec des pièces aux prix jamais vus
ailleurs, comme les 60 millions de dollars
annoncés par la galerie new-yorkaise Ac-
Au Théâtre des Champs-Élysées, une « Bohème » bien rangée
Éric Ruf offre une mise EN scène traditionnelle et sage de l’opéra de Puccini. En revanche, dans la fosse, c’est le foisonnement.
christian merlin
E
ntre La Bohème chez les
cosmonautes et La Bohème
en chapeau haut de forme, il
doit bien y avoir un milieu !
Alors que l’Opéra Bastille
vient de reprendre la production fu-
turiste de Claus Guth, c’est comme si
le Théâtre des Champs-Élysées vou-
lait offrir un refuge aux spectateurs
rebutés par les relectures modernes.
Administrateur de la Comédie-Fran-
çaise, Éric Ruf part d’un angle d’atta-
que qui nous paraît souvent relever
d’une forme de facilité : le théâtre. La
« mer rouge » sur laquelle travaille le
peintre Marcel n’est pas un tableau
mais un rideau de scène, Mimi arrive
par les cintres, Rodolphe l’éclaire à
l’aide du jeu d’orgues. Derrière le ri-
deau, le décor de La Bohème, dont
nos jeunes gens s’imaginent vivre
l’histoire.
À partir de là, tous les ingrédients
sont réunis pour retrouver la bonne
vieille Bohème en costumes. C’est tra-
ditionnel en diable, au moins est-ce
réalisé avec goût (costumes de Chris-
tian Lacroix !) et avec une véritable
sympathie pour les personnages. En
prenant la représentation en cours, on
A
croirait à un spectacle de répertoire ou
à une pièce de musée, à ceci près que le
Emmanuel Perrotin a fait
de sa galerie (ici, son stand
à Art Basel) une marque
mondiale en pensant l’art
comme un luxe.
patrimoine ici n’a pas trop pris la
poussière en raison de la sincérité du
travail d’acteurs. Cette machine à re-
monter le temps n’est pas sans nostal-
gie, même si l’on est plus dubitatif sur
la fin, la mort de Mimi ayant lieu sur
scène, éclairée par la rampe, comme
pour nous rappeler que c’est « pour de
faux ». Une Bohème rassurante, agréa-
quavella pour le Rothko, une boule de feu
provenant de l’illustre collection de Bun-
ny Mellon. Bâle confirme sa suprématie,
même si les lignes peuvent bouger, lors-
que Paris+ par Art Basel reviendra sous la
verrière du Grand Palais rénové, en 2024.
Elle pourra à nouveau accueillir plus
d’exposants, près de 200 contre 280 à
Bâle, dans une ville où la culture et l’offre
hôtelière sont nettement plus attractives
aux yeux des collectionneurs étrangers.
Les codes bousculés
Désormais, il va falloir s’habituer au nou-
veau jargon des pros de la finance qui ont
pris le dessus et jaugent l’art contempo-
rain comme une « classe d’actifs très pro-
metteuse pour l’avenir », « un produit de
diversification de portefeuille », « un sec-
teur où faire fructifier son argent ». Jus-
que-là, seules les enchères avaient attiré
les investisseurs, à l’instar du milliardaire
Patrick Drahi, qui, en achetant Sothe-
by’s, est devenu le rival numéro un du
tout-puissant François Pinault, proprié-
taire de Christie’s. Pas encore cependant
celui des galeries, à l’exception du leader
du design, la Carpenters Workshop
­Gallery, première à ouvrir en 2021 son
capital à Montefiore Investment mais à
hauteur de 25 % seulement. Quand
l’Américain roi, Larry Gagosian, a intégré
dans son conseil d’administration Del-
phine Arnault, la fille du propriétaire de
LVMH, beaucoup ont parié sur son rachat
par Bernard Arnault. Les rumeurs se sont
arrêtées là, pour l’instant…
Emmanuel Perrotin, 55 ans, l’entre-
preneur sans un sou qui a fait de sa galerie
La Bohème n’a pas trop pris
la poussière en raison
de la sincérité du travail
des acteurs. Vincent PONTET
réel et la valorisation de son entreprise qui
lui a permis de se vendre. À sa mine ré-
jouie, inhabituellement peu stressée, on
peut conclure qu’il a mis celle-là à l’abri
dans un contexte chahuté par la crise, a
Photo: Claire Dorn. Courtesy of all artists and Perrotin. c ADAGP/ Paris 2023
assuré sa succession et touché une confor-
table liquidité. Mais « no comment », com-
me l’affiche le macaron collé avec humour
à l’intérieur de sa veste et posté sur son
Instagram, pour couper court à toute
question.
Des valeurs refuges
De quoi faire rugir les marchands de la
vieille école, à l’ego souvent ronflant, qui
ne vendraient leur âme à personne, trop
soucieux de garder le contrôle total de
leurs affaires et de leurs artistes si diffici-
les à fidéliser dans un univers de galeries
plus concurrentiel, leur offrant toujours
mieux. « Comment être au service d’un
fonds pour lequel seul le gain compte, dans
un domaine si complexe et subtil que l’art,
reposant sur l’humain, l’œil et la connais-
sance ? », s’insurge Daniel Templon, le
Parisien qui sait débaucher les bons pou-
lains : 250 000 euros pour la monumenta-
le toile de 2023 - immédiatement cé-
dée ! - d’Omar Ba, le Sénégalais qu’Anne
de Villepoix vendait dix fois moins cher à
ses débuts et n’a pas réussi à garder.
La mondialisation de l’art continue sa
une marque mondiale en pensant l’art marche forcée. Impossible d’échapper à
comme le luxe, l’oiseau de nuit intime du cette spirale économique. Une mégagale-
chanteur Pharrell Williams, qui a su si rie est-elle aussi juteuse qu’une entrepri-
bien marier l’art et la fête (soirée et DJ à se de la high-tech ? Il faut croire que oui.
tout casser, comme toujours, à l’Elisa- Les œuvres d’art sont des produits de
bethen Kirche, mercredi soir) bouscule luxe, des valeurs refuges en temps de
les codes d’un marché de l’art retranché crash. Malgré un réajustement du mar-
dans ses traditions. Sans se cacher d’être ché visible dans les ventes du printemps à
un produit haut de gamme labellisé - « Le New York (volumes nettement infé-
Français parti de rien à la réussite fou- rieurs, estimations revues à la baisse, lots
droyante, le seul à pouvoir contrecarrer les retirés à la dernière minute), les ventes
mastodontes multinationaux à une échelle ont fusé à Art Basel, avec des prix moins
jamais atteinte par une enseigne de déraisonnables pour le second marché
l’Hexagone ! », salue son confrère pari- mais toujours déments pour le premier.
sien Georges-Philippe Vallois -, il avait Ticket d’entrée à pas moins de
clairement abattu ses cartes, en confiant 45 000 euros pour des non-confirmés.
au Figaro, en décembre dernier, qu’il Voire plus, 300 000 euros, pour Kaloki
souhaitait « ouvrir son capital, pour se dé- Nyamai (Galerie Barbara Thumm), im-
velopper plus encore, afin de rester en tête mense tipi du Sud-Africain du Cap, cam-
de la compétition internationale ». pé à Art Unlimited, réunion d’œuvres
En cédant 60 % de son entreprise à Co- grandioses mais souvent décevantes.
lony Investment Management (3 milliards Pour sécuriser les affaires, les galeries
de gestion d’actifs), il devient minoritaire, avaient beaucoup vendu sur « preview »
mais dit garder les rênes de son empire re- avant l’ouverture. Les transactions ont
posant sur son nom, comptant 180 colla- décuplé grâce à la venue massive des col-
borateurs et onze espaces dans sept villes lectionneurs, rendant les bonjours ami-
sur trois continents (Dubaï récemment et caux furtifs, au cours d’une première
Los Angeles prochainement), dont il journée VIP éreintante. La liste des ventes
contrôle chaque vente en temps réel, grâ- n’a jamais été aussi longue : de 2,5 mil-
ce à un logiciel unique conçu à ses 18 ans. Il lions de dollars pour les blocs carrés
va devoir rendre plus de comptes encore à translucides de Roni Horn, chez le
Colony et accroître les rendements, sous bruxellois Xavier Hufkens, à 22,5 millions
peine d’éviction. La dure loi de la finance de dollars pour la géante Spider IV de
qui ne fait de cadeau ni aux employés ni Louise Bourgeois, chez le suisse Hauser
aux artistes qui ne sont pas rentables et ne & Wirth. Il ouvre, en octobre, une anten-
produisent pas assez. La messe est toute ne à Paris. Nouvelle conquête d’une place
autre. Perrotin avance un chiffre d’affaires clé de l’échiquier de l’art. À suivre… ■
de 140 millions d’euros en 2022, mais sans Art Basel, à Bâle (Suisse) jusqu’au 18 juin.
donner le moindre indice sur son bénéfice www.artbasel.com
ble sur le moment, sans être appelée à du Marcel d’Alexandre Duhamel, au
faire date. baryton mordant et projeté, se marie
Le naturel du jeu permet de se foca- bien à la voix plus noire mais impecca-
liser sur une distribution homogène. blement conduite du Schaunard de
Très attendu, le ténor samoan Pene Francesco Salvadori, la basse Guilhem
Pati n’a pas déçu en Rodolphe. Dès ses Worms compensant un timbre un peu
premières notes, on est frappé par le clair pour Colline, par un phrasé très
timbre solaire et la facilité de l’émis- musical.
sion haut placée : il a beaucoup écouté Remplaçant le très attendu Lorenzo
Pavarotti ! Encore un peu nerveux au Viotti, qui s’est retiré du projet, un
début, il ne libère l’aigu qu’en le for- autre Lorenzo, Passeroni, aurait pu se
çant, ce dont il n’a pas besoin. Il ne le contenter de « faire le job ». C’est le
fera plus après l’entracte, séduisant contraire. Nullement paralysé par
désormais par une couleur et une lu- l’enjeu de ses débuts parisiens, le chef
mière presque anachroniques à une lombard de 32 ans empoigne la parti-
époque où tant de ténors assombris- tion de l’opéra de Puccini à bras-le-
sent l’émission pour gonfler le son. corps, avec une ardeur décuplée par
des tempi que l’on craint d’abord trop
L’ardeur décuplée du chef hâtifs, avant d’admettre qu’il crée une
Sa Mimi, Selene Zanetti, commence à véritable effervescence dramatique. Si
froid, fâchée avec la justesse et l’ho- le spectacle nous a paru un peu sage,
mogénéité, mais se chauffe à mesure c’est dans la fosse qu’éclate le foison-
que l’écriture du rôle quitte la fragilité nement de l’orchestration si inventive
de la cousette pour aborder des rives du compositeur. L’Orchestre national
plus lyriques où son aigu expressif peut de France brille de mille feux et met en
se déployer. Bonne idée, de confier lumière tout ce que cette écriture a de
Musette à Amina Edris, qui n’est pas moderne, en phase avec le Chœur
un rossignol acidulé comme souvent, Unikanti et la Maîtrise des Hauts-de-
mais un authentique soprano lyrique, Seine, en rien effrayés par la com-
ce qui la rapproche de Mimi. On a en- plexité de leur tâche. ■
vie de réentendre sa voix charnue et La Bohême, au Théâtre
ambrée. des Champs-Élysées (Paris 8e), jusqu’au
Pas de seconds rôles dans un opéra 24 juin. www.theatrechampselysees.fr
d’équipe où l’on chante plus souvent Diffusion sur France Musique
ensemble qu’en solo. La forte présence le 2 septembre.

Au festival international
de l’animation, le géant
américain a dévoilé
ses nouveautés, tout en
se défendant d’abandonner
l’innovation au profit des
remakes en « live action ».
Olivier delcroix £@Delcroixx
De notre envoyé spécial à Annecy
C
ette année, la 47e édition du
Festival international du film
d’animation d’Annecy s’est
tenue sous le signe de la rési-
lience. Quelques jours avant
l’ouverture de la manifestation, un réfu-
gié syrien armé d’un couteau a blessé six
personnes, dont quatre enfants, semant
la terreur dans un parc au bord du lac
d’Annecy, sur la promenade du Pâquier.
Le drame aura résonné en sourdine
tout au long du festival. Comme le dé-
crypte avec justesse le Québécois Marcel
Jean, délégué artistique du festival de-
puis 2012, « même si l’attaque n’a pas mo-
difié fondamentalement l’atmosphère du
festival, analyse-t-il, elle nous a forcés à
prendre un temps de réflexion sur l’absur-
dité du monde. Ce fut à la fois extrême-
ment choquant et totalement anecdotique.
Ce que nous avons fait en priorité, c’est re-
porter d’un jour les projections extérieu-
res, tout en organisant une cérémonie qui
aura permis à tous les habitants de vivre
cette émotion. »
Centième anniversaire
Présent à Annecy cette année pour célé-
brer le centième anniversaire de Disney,
le légendaire animateur Eric Goldberg
(Pocahontas, Aladdin, Fantasia 2000 -sé-
quence Rhapsody in Blue-, sans oublier
l’animation sur Les Looney Tunes passent
à l’action) ne dit pas autre chose : « Lors
de la cérémonie d’ouverture, j’ai trouvé que
les organisateurs avaient très bien expliqué
la situation, confie-t-il. Je sais que la te-
nue de cet événement transcende la souf-
france infligée par cet acte violent à tous les
habitants de la ville. Le festival est plein de
joie et de jeunesse. Il aide à traverser le
LES TROIS SENSATIONS
D’UN FESTIVAL TRÈS COURU
Annecy, s’affirme bien comme la capitale
mondiale du cinéma d’animation. Avec
plus de 15 640 accrédités et 103 pays repré-
sentés, la manifestation, dédiée cette année
aux productions mexicaines, franchit un
nouveau cap historique. Après une semai-
ne riche d’événements, dont la master
class de Guillermo del Toro venu raconter
les coulisses de son Pinocchio en stop mo-
tion (Netflix), un certain nombre de films et
d’événements se sont détachés. Parmi les
œuvre qui pointent le bout de leur nez à
Annecy, voici une sélection de ceux qui
suscitent le plus l’attention.
Tout d’abord, un coup de cœur pour le
film franco-italien Linda veut du poulet !,
réalisé par le tandem Chiara Malta et Sé-
bastien Laudenbach. Présenté en compéti-
tion officielle, ce bijou de tendresse et
d’humour pourrait bien remporter un cris-
tal (nom des récompenses décernées à An-
necy) cette année, au vu de l’accueil du pu-
blic, qui lui a réservé une standing ovation
dans la grande salle du centre Bonlieu.
L’histoire raconte les caracolantes mésa-
ventures de Linda, injustement punie par
sa mère. Cette femme, qui a du mal à faire
le deuil de son époux, père de la petite Lin-
da, va tout tenter pour se faire pardonner.
Et même promettre de préparer un poulet
aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner.
Cette même recette que son mari a fait pour
leur petite fille le jour de sa disparition. Hé-
las, partout, c’est la grève, comment faire ?
À l’issue de la projection, les auteurs, en-
core tout émus de la réception du film,
confient : « Nous avons été très touchés par
l’accueil très chaleureux du public. Ce qui
nous marque le plus, c’est d’avoir entendu les
gens rire pendant la projection, et d’avoir
tenu dans nos bras des gens venus nous trou-
ver après, les larmes aux yeux… »
Autre surprise du festival, le premier re-
gard porté sur Fixed, le prochain film de
Genndy Tartakovsky. Le réalisateur de la
trilogie Hôtel Transylvanie et de Primal a
déclaré, à propos des quelques extraits dé-
voilés : « Si vous arrivez à passer outre les
références récurrentes aux parties intimes,
qu’il s’agisse de l’anus ou des testicules, dans
le fond, c’est un film tout à fait sincère, qui
le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023
Culture 35
Une image tirée d’Elio,
le 28e film des studios
classiques animés (Le Roi lion, Le Livre de
la jungle, Les 101 Dalmatiens, La Belle et la
Disney-Pixar, présenté
en avant-première
Bête, Dumbo, Aladdin…) en prises de vues
réelles peut paraître choquant.
à Annecy. Dirigé par
Adrian Molina,
Interrogé à ce sujet, Orion Ross, vice-
coréalisateur de Coco,
président animation pour Disney EMEA
(Europe, Moyen-Orient et Afrique), ré-
qui sortira en 2024.
pixar/Disney
pond avec un discours rodé : « Mon opi-
nion est très simple. À Annecy, l’entreprise
célèbre cette année son centième anniver-
saire, ce qui lui rappelle d’où elle vient.
C’est-à-dire d’une petite société indépen-
dante fondée en 1923 par Walt Disney.
Comme on le rappelle dans une vidéo à
chaque employé qui intègre Disney : “Tout
a commencé par une souris !” (Rires.) Ce
que je veux dire, c’est qu’en tout état de
cause Disney a fait du chemin depuis lors.
Nous sommes conscients de notre patri-
moine. Mais Disney, pour se maintenir à un
tel niveau, se doit de faire les deux à la fois.
Nous n’avons pas le choix. Nous devons
suivre les deux chemins simultanément.
D’un côté, l’innovation et les audaces
créatives de l’animation de demain. De
l’autre, la remise en avant des grands clas-
siques de l’animation, d’incroyables histoi-
res qui méritent d’être racontées de mille et
une façons, de génération en génération. »
« Afro-futurisme »
En même temps, le Festival d’Annecy a
accueilli, lors de sa 47e édition, les nou-
veautés animées du géant américain.
« Disney se doit de rester innovant sur le
terrain de l’animation pure, conclut Orion
à Annecy, Disney boude-t-il
Ross. Je suis d’ailleurs très excité à l’idée de
voir le 28e film des studios Disney-Pixar,
Elio, dirigé par Adrian Molina, le coréali-
sateur de Coco, qui sortira en 2024. » Lui-
ses classiques ?
même est venu défendre à Annecy le
projet « Kizazi Moto. Generation Fire »,
une anthologie de dix films d’animation
développés depuis huit ans en collabora-
tion avec le studio Trigger Fish, en Afri-
que du Sud. Cette série télévisée inédite
traumatisme, l’épreuve et le chagrin, qui par Disney, ainsi qu’un autre hôtel, situé sera diffusée le 5 juillet prochain sur
ont été infligés. Moi, je suis content d’être un peu plus loin. Disney+. « Elle approfondit la thématique
là. Quoi que nous puissions faire, essayons On voit bien que, après les deux années de l’afro-futurisme, née dans l’art contem-
d’aider les gens de cette ville à oublier ce de pandémie, Mickey et consorts ont en- porain il y a une quinzaine d’années, mais
qui vient de se passer. » vie de marquer à nouveau leur territoire, qui a été popularisée avec le triomphe inat-
Ce centième anniversaire a été l’occa- même si ce sont les films en prises de vues tendu de Black Panther. La réception de
sion pour la firme aux grandes oreilles de réelles qui font plus parler d’eux ces notre série dans la grande salle du Centre
mettre les petits plats dans les grands. temps-ci, après la sortie de La Petite Sirè- Bonlieu a été fantastique, et très émouvan-
Une armada d’animateurs ont débarqué ne, transposition « live action » décriée te. Je pense même que Kizazi Moto peut
au cœur de la capitale de la Haute-Savoie. par la critique et signée Rob Marshall, du être un tournant décisif dans l’animation
Plus d’une vingtaine de chambres de film d’animation de 1989. Vu du festival parce qu’on n’a rien vu de pareil jusqu’à
l’Impérial Palace, le très immaculé et chic d’Annecy, le fait que Disney investisse présent… » Les classiques semblent bien
hôtel donnant sur le lac, ont été réservées autant d’argent pour refaire ses grands relégués au rang d’antiquités. ■
vient du cœur. » Cette comédie d’anima-
tion pour adultes, qui rappelle les œuvres
innovantes issues de la contre-culture
anglo-saxonne des années 1970 (Yellow
Submarine des Beatles ou Fritz the Cat de
Ralph Bakshi), va suivre les déboires d’un
chien nommé Bull qui découvre qu’il doit
être castré le lendemain. Comme une sorte
de Very Bad Trip canin, l’intrigue raconte
sa dernière virée avec sa bande de copains
avant l’opération. Au-delà des gags parfois
joyeusement grossiers, le film est l’occa-
sion d’évoquer ce qu’est la masculinité
aujourd’hui.
“ Ce film rend hommage
à mon enfance,
à l’époque où j’adorais
regarder des westerns
avec Roy Rogers…
Bill Plympton
”
Enfin, on n’oubliera pas le retour du
« pape du cinéma d’animation indépendant
américain », Bill Plympton, qui après cinq
ans d’absence a fait le déplacement en Hau-
te-Savoie. L’auteur de L’Impitoyable Lune
de miel ! ou des Mutants de l’espace est venu
montrer Duel à Monte-Carlo del Norte (Sli-
de), un western déjanté où un personnage à
la Clint Eastwood se retrouve plongé dans le
chaudron délirant des Monty Python. Un
cow-boy taiseux surgit à Sourdough Creek,
une ville forestière gangrenée par la cor-
ruption. À l’aide de sa seule guitare et d’un
monstre en forme de cafard géant, Slide va
combattre le méchant maire et son jumeau
tout aussi égoïste, afin de purger l’exploita-
tion forestière de leur emprise néfaste. « J’ai
grandi en Oregon, un État des États-Unis
très boisé, confie l’intéressé qui arbore un
chapeau de paille vert cactus du plus bel ef-
fet. Ce film rend hommage à mon enfance, à
l’époque où j’adorais regarder des westerns
avec Roy Rogers… » ■ O. D
À noter : la reprise du palmarès
de la 47e édition du Festival d’Annecy,
C
les 28 et 29 juin au Forum des images à Paris.
Tél. : 01 44 76 63 00
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

36 immobilier avec
LA BAISSE DES PRIX DEVRAIT SE POURSUIVRE
Evolution des ventes, des prix, impact de la hausse de taux, valeur verte des biens, politique du logement… à l’occasion de la publication
de son baromètre, Loïc Cantin, président de la Fnaim, livre ses analyses. Par Olivier Marin @OlivierMarin1

Comment évolue l’activité du marché immobilier ?
Loïc Cantin : La baisse du vo-
lume des ventes est aujourd’hui
enclenchée. Elle devrait se pour-
suivre durant de nombreux mois.
Selon nos estimations, nous de-
vrions être autour de 950 000
ventes cette année. Cela repré-
sente 150 000 transactions de
moins (-15 %) par rapport à l’an
dernier. Ce qui préfigure d’un im-
pact fort sur les prix. La baisse
des volumes précède toujours
la baisse des prix. L’année 2023
devrait être la 2ème pire année
d’évolution annuelle des ventes
depuis 1990. Des transactions en
Loïc Cantin,
président de la FNAIM recul, tous territoires confondus.
Le vrai de cette accélération et de
la dégradation des marchés, c’est la hausse des taux d’intérêt. La
correction par les taux est arrivée en juillet 2022 avec déjà une
baisse des volumes mais pas au niveau que nous connaissons
aujourd’hui. La crise est brutale. Des indicateurs nous signalent
que des vendeurs sont en attente depuis 7 à 8 mois.
Quels sont vos indicateurs sur les prix ?
Pour l’instant, les maisons sont plus touchées que les
appartements. Nous projetons une baisse des prix de l’ordre
de – 5 % en moyenne cette année au niveau national. Il faut
également tenir compte de l’inflation. Nous venons de rentrer
dans la crise à la fois avec la baisse des volumes puis avec la
baisse des prix. Les prix vont continuer de baisser et l’on s’attend
à des hausses des taux d’intérêt, pour atteindre 4 % avant la fin
de l’année. Il faudra attendre que les Français retrouvent leur
capacité d’emprunt pour retrouver une dynamique immobilière.
En 2022, le pouvoir d’achat immobilier a baissé d’environ 4 %,
soit une baisse de 8 % en 3 ans. Cette tendance va s’accélérer
en 2023.
Qu’en est-il de la rénovation énergétique ?
Le calendrier de la rénovation énergétique au regard de
l’indécence des logements n’est pas tenable. Au 1er janvier
2025, tous les biens classés G seront interdits à la location
(pour les nouveaux baux), s’ils n’ont pas été rénovés. C’est
un mauvais signal envoyé aux propriétaires bailleurs. L’offre
locative impactée, sera moins importante. Des primo-accédants,
déjà privés de crédit immobilier, vont rester locataires, et
des appartements qui se libèrent ne seront pas remis sur le
marché. Si l’on ajoute le manque de production de logements
neufs, le parc locatif s’assèche. Les ménages les plus précaires
seront les premiers touchés. Nous souhaitons accompagner le
mouvement de rénovation du parc de logements en mettant en
place la Vente en l’état future de rénovation énergétique. La
valeur verte des logements prend de plus en plus d’importance.
C’est un modèle innovant dont l’Etat devrait se saisir.
La politique du logement va-t-elle dans le bon sens ?
L’écosystème immobilier a été déçu des propositions retenues
par le CNR logement. Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux
pour redynamiser le secteur. L’exclusion de la maison individuelle
du Prêt à taux zéro est par ailleurs regrettable. On sait que
les ressources de L’Etat sont exsangues mais l’on s’attendait
à mieux. Il faudrait revoir toute la fiscalité immobilière.
Considérons l’immobilier comme un actif normal et redonnons
confiance aux bailleurs avec un statut fiscal adapté. Si nous ne
soutenons pas le secteur locatif, nous allons vers de grandes
difficultés. Enfin, je suis pour un renforcement de la loi Hoguet
sous tous ses aspects : formation professionnelle et commission
de contrôle. L’Etat a besoin des professionnels de l’immobilier
pour accompagner les politiques publiques.
À retrouver en vidéo sur : immobilier.lefigaro.fr

Vente de bien d’exception

APPEL À CANDIDATURES
Dans le cadre de la mise en vente par l’État Français du Château de la Garoupe, à Antibes.
Les dossiers de candidature sont à déposer au plus tard le 17 juillet 2023 à 12h00.

Informations et conditions de participation :

www.chateaudelagaroupe.com
A
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

Mots fléchés 37
MOTS FLÉCHÉS GÉANTS DU SAMEDI N°3550
COSMIQUE COUP AU DIPLÔME POUSSÉE DÉSIN- QUI SE BISOU PIERRES
TENNIS DANS FORMATION VOIT TROP BUSTE D’ENFANT DE CARNAC RENTRÉES
LA RUE HORS DE NAPPES JEU POUR
COL- REVU À LA NOTRE VUE D’EAU D’ACTEUR BOUCLÉ
CHAT ARBRE ÉLÉMENT REVÊT COSTAUDE POUR UN PLUMES DE L’HIVER
LECTIONS SAUVAGE BAISSE TROPICAL DE BOULON LE MUR TEMPS L’AILE

RALLER LIEUX
DANS LE D’AISANCES
BOIS
UNE FACE
ADEPTE DE D’UN MUR
LA
ZAPPETTE VILLE SUR
ESCALE L’OISE
CONTI- FORME DE
NENTAL POÈME
SOLDAS LE ASCENSION
COMPTE D’UN MUR
SE RÉVÉLA POISON À QUI A UN PRO-
(S’) ÉLIMINER CHAT DANS JECTION
ONDULA- LA GORGE DÉTA-
TION DU IMPLA- CHABLE À
STADE CABLES L’ARGON VOLONTÉ
ANCIENNE REBUT IL A CONTE
ARME DE SOIE
INTRODUIT
ASSOCIA- LE TABAC CŒUR,
IL VOIT TIONS EN
MOINS BIEN URSS EN FRANCE REIN, FOIE
MANQUE VU SUR LA ÉQUIPE ENTRÉE EN
BOBINE SPORTIVE RÉBELLION
KAON PARFUM DE CORDY OU PIÈCE
CUISINE GIRARDOT ARME À FIL ROUMAINE
MAJESTÉ LIGNE CRÉER UN ACCORD BLOQUÉ
DE CUBE DU MIDI
ENSEMBLE PAR
BLONDE LIVRE COHÉRENT LES DÉ-
D’ANEC- ASTATE
DE PUB DOTES (S’) AU LABO COMBRES
ANIMAL DIRIGEANT SES ENGRAIS-
DES SEC QUAND SÉE ÉPOPÉE
ÉGOUTS REFLETS
CAPUCIN EN ON SE VEUT ANTIQUE
TRUC SONT CASSANT GÂTEAU DE (L’)
COQUIN AMÉRIQUE IRISÉS PROUST
RÉFLEXE
AVANT
JÉSUS-
CHRIST
GRAND IL EST MIS DANSE
DU GREC SUR LA NE ORGANI- SYMBOLE
VOIE APRÈS UN
FACULTÉ CONSERVE SATION DU MAN-
DES COCHON PAS MILITAIRE VERRE DE GANÈSE
ROBOTS D’EAU TOKAY
MINÉRAL PROCHE IL EST
UTILISÉ DU LETTE DONNÉ ENLÈVE LES
COMME BAIE ROUGE POUR UN POINTES
VITRE DU HOUX REPAS
CELA MANUEL DE CROC DE A APPRÉCIÉ
GRÈVE UN LECTURE BOUCHERIE LA FINESSE
TOTAL DISPOSÉ, CENT
GAÏA AGENCÉ LITRES LŒSS
ELLE A IL DIODE
SON HÔTE RAYONNAIT VARIÉTÉ
TIQUES ET SUR D’OXYDE
AOÛTATS CLÉOPÂTRE DE FER

Alignez les lettres,

IL EST À L’AIR ALLAI
LIBRE SANS BUT FORCES
PARFOIS À ÉCO-
PLEIN DE RÉSINE
BIJOU
NŒUDS
MAL-
ODORANTE
DÉMOLIT
repérez les chiffres, FÉMININ
NOMISER

C’EST PLUS
QU’UNE
déplacez les cartes… TERMINAI-
SON DE
VERBE
CHOPINE
ATTAQUAI À
LA BASE RELATIVE À
11 JEUX À DÉCOUVRIR TRACER UN
MOTIF SUR
AMORPHE

C’EST LA CUISSE DANS LA

LE PAPIER TÊTE
UN CRIC

CHEF DE
CLAN

ABSORBÉ DISPO-
AVEC ELLE, ELLE SITIONS
PLACE AU FORMATER REGROUPE C’EST UN PER- HAR-
JEÛNE UN DISQUE DES USINES INCROYANT MÉABILITÉ PARTI- NACHÉS
DUR CULIÈRES
DIMINUER DROIT DE
LA SUR- TEINTE PASSAGE
SANS
FACE D’UNE DÉGRADÉ
VOILE RUDESSE
SUR LA BEL OISEAU IL FIT FOURNIS-
BOUSSOLE EXOTIQUE MARCHER SEUR DE
PLAN- DOCTEUR DES POMMES
CHETTE ABRÉGÉ CHINOIS PENDANT
HOUSSE CARACTÈRE DÉLICE INDICATION PRÉPARER
DE LIT PROPRE DOSES DE BRETON DE LIEU UNE ÉTOFFE
ÉCO- JOLIES PÉTROLE SILLON RÉCA- GAGNANT
LOGIQUE FLEURS NATUREL PITULÉE DU LOTO
FROMAGE FAIT DE
BOURGUI- L’ESPRIT
LOGIS DES GNON
MOHICANS BANDAGE COURS
DE ROUE D’EAU
CONVE- DONC DÉCHETS
NABLE SÛREMENT ORGA-
CHER NIQUES HOMMES CLOCHETTE
BEAUTÉS CE QUI IL FUME IMPOSANTS D’OVIN
DIVINES EXISTE AU JAPON
ÉLECTRODE BOSSE DE SERVICE VACILLE
CHARBON SUR SES
D’AIDE JAMBES
BELLE DE ÇA COULE MÉDICALE
BRETAGNE GROSSE
DE SOURCE URGENTE FATIGUE
CELA EN NAU-
FAIT, DES SÉABONDS
LUSTRES ! DOU-
DISTANCE CEREUSE CARRÉ DE
AU LOIN TERRE
MILLE- LE A RIVIÈRE DÉGAGE
PATTES DU WEB ÉTAT D’ÂME DANS LE SES
CITÉ DE HABITS DES MORBIHAN VOIES RES-
COURANTE PIRATOIRES
LÉGENDE INDIENNES ALPAGUE
ORIGINAIRE EN- DÉGOMMÉE BORDURE PARTIE DU
DESSOUS FORES-
DE TOUT BILLETS TIÈRE MONDE
BROC DE POUR LE TRÈS
CIDRE PAYSANS PAYE SA
LOINTAINS COLISÉE PART PEUPLÉE
CE N’EST TYPE DE BOUT DE DRY IL TENAIT C’EST UN
PAS UN SOCIÉTÉ DANS LA PLUS EN
SINGLE CHOU PARTISAN
LE TYPE À D’UN MAIN CALCUL
EXAL- ABSURDE
TATIONS LA BOUÉE EMPEREUR PLUS MAL NATIONS
DIFFICILE OPUS À MOITIÉ SUR DES
À CONVAIN- SEULEMENT PLATEAUX
CRE MOT DE CRI DANS SUISSES
QUI DURE CHIPIE LE PRÉ MONCEAU
LES NAÏFS ÉTABLISSE-
MENT DE UNE
PARTENT À JEU RANCUNE PRÉCISION
SA VIOLONS TENACE DANS
RECHERCHE GRAVES L’ADRESSE
DOUÉ DE PAYE ON Y
RAISON SOIGNE IL ARRIVE
BRONZE COMPLÉ- SA TENUE SOUVENT
POUR LE MENT DE DEUX À PREMIER
POÈTE MANIÈRE OSTIE
MIT DEBOUT CELA ÉVITE DÉPÔT
FERTILE ACCÈS CROIX
UN PLI SUP-
FAIT PLÉMEN- DE SAINT-
BIEN CÉLÉBRITÉ ANTOINE
MOUCHE TAIRE CACHÉE
MEULIÈRE CHÂTEAU
ELLE DE LA LOIRE
VIEUX AP- BATTAIT LE
PORTS DES PAVÉ, JADIS PRÈS DE
MARIÉES CHINON
TOUR EN- PEU DANS LE
TIÈREMENT SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
VIEIL OUTIL VIDE PORTÉS BABA D’UNE LANGAGE
ARTISANAL MENUE SUR LE HISTOIRE DU CHAR- A O J V G U A D T B B P U
MONNAIE CROQUANT RETIER
A F F R E U S E M E N T C L I M A T I S A T I O N
MONTE EN GARAGE
DE F1 I R A T A R A R E S C I E C S A L E U R S
CHŒUR
LORS DE CUVETTE
VERS S C A L P E L S O A P R E S S O L E I L S I
LA PASSE LUCHON
I C E L U I E N A M O U R E E E N A T T E R
C’EST CHAM-
CHANGE DE TOUJOURS PIONNE DE L’ORFÈVRE B O T A S E P T I S E R R E S T A N T S E N A
DIRECTION DU BON ROI
BON À LA PRISE DAGOBERT N U B I E A I M A N T E E S A D E T O R T S
ENTENDRE DE NOTES
H A R A S A R R O N D I R C I T E R A
MUSÉE
A

DRAIN CHI- VOUÉ À LA D E S I G N E E A E F C O L O R E R

RURGICAL CULTURE
ARABE F O R E R A R R A S S E R I E U S E S

17_06_23_P1 3540 09/05/2023 09:22

 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

38 Télévision
charles de gaulle :
le destin d’un géant
La vie extraordinaire de l’homme du 18 juin est racontée
dans un documentaire remarquable de jean-Pierre Cottet
et D’éric Roussel, avec Patrice Duhamel et Yves de Gaulle.
teinte de la trisomie 21, dont il disait :
blaise de chabalier £@dechab « Anne était aussi une grâce. Elle m’a aidé

C
harles de Gaulle savait depuis
l’adolescence qu’il avait un
destin. Ainsi imaginait-il, à
l’âge de 15 ans, qu’un jour il
sauverait la France. C’est pré-
cisément le 18 juin 1940, il y aura quatre-
vingt-trois ans jour pour jour ce diman-
che, que cette intuition devient réalité.
Par ces mots : « Moi général de Gaulle, ac-
tuellement à Londres, j’invite les officiers et
les soldats français qui se trouvent en terri-
toire britannique ou qui viendraient à s’y
trouver (…) à se mettre en rapport avec
moi. » Ces paroles prononcées à la BBC
sont celles d’un rebelle qui d’emblée se
pose en chef de la Résistance française.
Comment celui qui n’est alors qu’un
simple général de brigade et sous-secré-
taire d’État à la Guerre, s’est-il mué sou-
dainement en chef de la France libre ?
Répondre à cette ques-
tion, voilà l’un des ob-
jectifs de De Gaulle, his-
toire d’un
documentaire foison-
géant,
à dépasser tous les échecs et tous les hom-
mes. À voir plus haut. » Le portrait fouillé
de l’homme du 18 Juin et fondateur de la
Ve République est brossé. Une existence
extraordinaire racontée par lui-même
lors d’un monologue intérieur. Un texte
est en effet lu en voix off, rédigé à partir
des souvenirs d’Yves de Gaulle et d’ex-
traits des Mémoires ou de la correspon-
dance du Général.
Détestation des partis
À l’écran, dans le décor réel de la Boisse-
rie, à Colombey-les-Deux-Églises, le co-
médien Bernard Farcy incarne sobre- armes d’avenir, et sur l’importance du Fidèle à sa détestation des partis face Ce documentaire montre la force
ment, en silence, le grand homme, qui, chef. Une philosophie politique et mili- auxquels il ne parvient plus à gouverner, visionnaire et le destin hors norme
en 1969, se remémore son parcours. taire qui porte en germe la notion d’hom- de Gaulle quitte le pouvoir en janvier d’un homme qui a changé le cours
Avec, à chaque étape de celui-ci, des me providentiel. 1946. En juin, lors de son fameux discours de l’histoire et qui influence encore
images d’archives, souvent colorisées, Ses prises de position visionnaires, de Bayeux, il expose son souhait de voir la vie des Français. ADOC PHOTOS
qui permettent de vivre au plus près marquées par le goût de l’autorité, de créées des institutions qui donnent un
l’épopée gaullienne. l’engagement, de la responsabilité et de la pouvoir prépondérant au chef de l’exé-
De l’enfance et de modernité, guideront l’action du chef de cutif face au Parlement. Un modèle qui
l’adolescence du jeune la Résistance. Mais aussi celle, après la Li- sera adopté à son retour aux affaires en
dimanche Charles, on retient sa bération, du président du gouvernement 1958, avec la création de la Ve Républi-

nant réalisé par Jean-

○○○○
Pierre Cottet. Un film que ce dernier a
coécrit avec Éric Roussel, associés à Pa-
trice Duhamel et au petit-fils du Général,
Yves de Gaulle.
Pendant près de deux heures, un hom-
me complexe et sensible apparaît. Un
père, notamment, qui fut particulière-
ment attentif au bien-être de sa fille at-
20.55 passion de l’histoire et
son attachement, déjà, à
la grandeur de la France.
Jeune officier, son caractère et ses
convictions s’affirment. Toutes les auda-
ces deviennent possibles au jeune rebelle,
marié en 1921 à Yvonne Vendroux, qui
sera pour lui un soutien indéfectible. Ain-
si exprime-t-il rapidement dans ses li-
vres (Le Fil de l’épée, 1932 ; Vers l’armée
de métier, 1934) ses idées sur les chars,
provisoire. À la tête du pays à reconstrui-
re, le Grand Charles réforme au pas de
charge par ordonnances. Il donne le droit
de vote aux femmes, refonde le statut du
monde agricole, généralise le système
des assurances sociales et met en place un
dispositif complet d’allocations familia-
les. Sans oublier un vaste programme de
nationalisations qui inclut notamment les
Houillières, les usines Renault ou encore
le gaz, l’électricité et le nucléaire.
que. Ce régime permet de sortir de l’ins-
tabilité politique de la IVe République et
du même coup, sans éviter de très gran-
des souffrances, de la guerre d’Algérie.
Quand il meurt le 9 novembre 1970, le
Général laisse au pays des institutions so-
lides, avec un président renforcé par
l’adoption par référendum, en 1962, de
son élection au suffrage universel. De
quoi assurer un surcroît de légitimité in-
dispensable à ses successeurs.

À Notre-Dame de paris avec le général Georgelin

Le président de l’établissement public pour la reconstruction de la cathédrale est l’invité du « Jour du seigneur ».

général Georgelin, président de l’établis- restaurer la cathédrale. Emmanuel Ma- n’est pas seulement une affaire de patri-
claire bommelaer cbommelaer@lefigaro.fr sement public pour la reconstruction de cron a promis une réouverture en 2024, moine. « Pour que la liturgie soit belle, il

A
Notre-Dame. Certains, dont les familles et tous font en sorte que le pari soit tenu. faut que le bâtiment soit beau, l’art gothi-
ndy Sieg, ancien dirigeant de Pinault et Arnault, ont donné de très « On devra une fière chandelle aux compa- que étant au service de la prière », confie le
françois bouchon/le figaro

Merrill Lynch, est l’un des
30 000 Américains qui ont
soutenu la restauration de
Notre-Dame de Paris. Devant
les caméras du « Jour du Seigneur », il ra-
conte sa visite au cœur du chantier. Il est
des moments, juge-t-il « où l’on sent que
l’on participe à quelque chose de plus
grand que soi ». Depuis, il incite chacun à
« ouvrir ses yeux et son cœur » sur cette
«Pour que la liturgie soit belle, il faut que
le bâtiment soit beau, l’art gothique étant
aventure, qui a ravivé sa foi « d’une ma-
nière particulière ».
au service de la prière », juge le général
Jean-Louis Georgelin.
Près de 340 000 donateurs ont versé de
l’argent pour la cathédrale, rappelle le
grosses sommes (100 et 200 millions
d’euros), mais on a aussi vu arriver de
très petits dons, dont celui d’un enfant
ayant voulu donner tout son argent de
poche, soit 20 euros. « 846 millions
d’euros, c’est un record, et un signe très
fort », remarque le général.
Ce dernier l’admet, le 15 avril au soir,
« cette nuit particulière qui restera dans
l’histoire de France », lorsque la flèche
s’est effondrée, il a pleuré, comme tant
d’autres. Depuis, il consacre « 200 % de
son temps », avec les trois architectes en
charge du monument et les entreprises, à
gnons », résume-t-il. général, dont la mission est, à ses yeux,
un « acte de foi ». « Les salariés et ceux qui
« Acte de foi » m’entourent sont heureux, un esprit
À l’intérieur, les caméras suivent le père d’équipe se perçoit sur le chantier », pour-
Henry de Villefranche. Il officiait, avant suit-il. À cause du plomb présent, il est
l’incendie, à Notre-Dame et trouve que impossible de le faire visiter au public. À
les murs, nettoyés, sont méconnaissa- tous ceux qui voudraient cependant ap-
bles. « Cette blancheur est à couper le procher cette magie, l’émission signale
souffle », s’enthousiasme-t-il. On le voit qu’un espace, au pied du monument, est
marcher entre les écha- ouvert. Il présente les
faudages, soulever un
pan de protection pour
Dimanche travaux mis en œuvre,
avec de nombreux films
dévoiler une des chapel-
les. Leur restauration ○○○¡ 10.30 et photos, pour sauver
Notre-Dame. ■

« Télématin » à Marseille pour cultiver sa proximité avec les téléspectateurs

rentrée, l’animatrice prendra la sui- plateau, Julia Vignali apporte joie de
La matinale de France 2 te de Sophie Davant à la tête d’« Af- vivre et spontanéité. Elle qui n’avait
s’est délocalisée dans faire conclue ». officié que deux heures en direct
avant de présenter la matinale, a ac-
la cité phocéenne le temps « Pari réussi »
Plein écran

quis une grande expérience. « Je suis

d’une émission. L’occasion
de découvrir les coulisses
de ce programme qui a su
trouver un nouveau souffle.
En août 2021, tous deux avaient été
choisis par la direction pour relancer
passée de 2 heures à 1 500 heures de
direct en deux ans. En plus des inter-
l’émission. Après l’omnipotence de views culturelles, j’ai fait des entre-
William Leymergie durant trente- tiens liés à l’actualité. C’est une école
deux ans, Laurent extraordinaire. J’ai le sentiment du
Programme
Bignolas n’a ja- travail accompli. Je pense que notre
mais réussi à faire duo avec Thomas aura marqué le re-
olivier martino/FTV

Six heures du matin. Tandis que le

Vieux-Port de Marseille somnole
encore, les équipes de « Télématin »
s’activent autour du plateau placé
face à l’hôtel de ville. Pour la pre-
mière fois, la matinale de France 2 se
délocalise, et la Cité phocéenne a les
faveurs de ce moment inédit.
« L’idée est d’aller à la rencontre de
notre public et de montrer qu’on est
un programme de proximité », expli-
que Alexandre Kara, directeur de
l’information de France Télévisions.
Allègres malgré leur peu d’heures de
sommeil, Julia Vignali et Thomas
Sotto se tiennent prêts et savourent
leurs derniers instants en duo. À la
A
décoller les
audiences lors des
quatre saisons
Reportage
suivantes, mar- Par Emmanuelle Litaud
quées par une elitaud@lefigaro.fr
certaine discorde
en coulisses. Les deux têtes d’affi-
che, choisies pour leur complémen-
tarité, ont relevé le défi avec succès.
L’émission passionne près de 3 mil-
lions de téléspectateurs chaque ma-
tin. « Par un miracle que je ne m’ex-
plique pas mais qui me réjouit, on a
réussi ce pari, analyse Thomas Sotto.
Nous avons attiré de nouveaux télés-
pectateurs sans perdre les anciens en
respectant l’identité de “Télématin”
tout en la modernisant. » Il suffit de
voir les abords du plateau de tourna-
L’équipe de « Télématin » prend la pose sur le Vieux-Port de Marseille.
ge pour s’en convaincre. Malgré
l’heure matinale, les premiers fans
s’agglutinent derrière les barrières
de sécurité. Le générique retentit.
Place au direct. Sur le plateau, l’am-
biance est détendue, loin des ru-
meurs sur la prétendue mauvaise
entente entre Julia Vignali et Tho-
mas Sotto. « Notre duo a marché dès
la première seconde, coupe ce der-
nier. On fait douze heures de direct
par semaine, il ne peut pas y avoir de
fausse complicité. Si on ne s’entend
pas bien, c’est bien simple, on ne se
lève pas. » L’animatrice, elle, le jure :
elle n’avait pas prémédité son départ
« Je pensais repartir pour une nouvel-
le année avec Thomas. Ce qui a motivé
ma décision, c’est la formidable op-
portunité qui s’est présentée. » Sur le
nouveau de l’émission. » Alors qu’ils
avaient réussi le tour de force de se
faire accepter par les fans de « Télé-
matin », tout sera à refaire, ou pres-
que, avec l’arrivée d’une nouvelle
partenaire… Un changement qui ne
rebute pas Thomas Sotto : « Ce chal-
lenge va nous sortir d’une forme de
routine. Je m’adapterai à la personne
choisie pour entendre ses envies et
afin qu’elle se sente bien. » Si la chaî-
ne n’a pas confirmé, Marie Portola-
no, transfuge de M6, devrait le re-
joindre. À Marseille, cette première
délocalisation est un succès. Deux ou
trois autres sont déjà prévues la sai-
son prochaine. De quoi permettre au
futur duo de « Télématin » de nouer
un lien avec son public. ■
 le figaro samedi 17 - dimanche 18 juin 2023

télévision Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag météo par 39
ÉPHÉMÉRIDE St-Hervé
L’essentiel Soleil : Lever 05h46 - Coucher 21h56 - Dernier croissant de Lune

21.10 20.45 21.10

du dimanche SAMEDI
La chanson de l’année Rugby : Top 14 Meurtres à... 21.10 Justice League 27
Divertissement Sport Série. Policière Film. Fantastique. EU/GB/Can. 20
2017. Réal. : Zack Snyder. 2h. 27
28 27 29
Avec Ben Affleck. Des super- 27
héros s’unissent pour mettre hors 30
29 31
d’état de nuire le messager d’un 22
28 32 30
seigneur de guerre, à la recherche 28
de trois artefacts sur la Terre. 31
31 31 29
21.10 Envole-moi 30
Prés. : Nikos Aliagas. 2h20. Inédit. Finale : Toulouse - La Rochelle. En Fra/Blg. 2021. Saison 9. Avec Anne Film. Comédie dramatique. Fra/Ita.
Place à la 19e édition de «La chan- direct. Qui sera sacré champion de Charrier. Meurtres à Blois. Lors d’une 2021. Réal. : Christophe Barratier. 30 30 33
son de l’année», présentée par France et soulèvera le Bouclier de reconstitution historique au Château 1h31. Avec Victor Belmondo. Iné- 29
Nikos Aliagas. Le grand show musi- Brennus ? Toulouse et La Rochelle de Blois, le duc de Guise, Arthur, âgé 32
dit. Puni, un jeune fêtard de 25 ans
cal fait son retour dans les Arènes sont les deux meilleurs clubs cette de 20 ans, est accusé du meurtre est chargé par son père médecin 31 31
de Nîmes , en présence de tous saison. Qui de Toulouse ou La d’Henry III, un industriel. de s’occuper d’un adolescent 34 27
les artistes qui ont marqué l’année Rochelle va le mieux gérer cette gravement malade. Débute alors 33
22.45 Meurtres à... Série. Policière. 25 31
et qui viennent interpréter leurs titres. ultime rencontre de la saison ? une amitié improbable.
Meurtres en Bourgogne. Avec 31 27
23.30 Les chansons de l’été. 23.15 Quelle époque ! Talk-show. Cristiana Reali.
21.10 Les enquêtes 32 20
de Dan Sommerdahl
27
Série. Policière. Dan/All. 2021.
Saison 2. Avec Peter Mygind.
DIMANCHE
21.00 20.50 21.10 Juliette et son Roméo. Inédit.
Appelé sur le campus d’une école 20
25
Rugby : Top 14 Empire inca : NCIS pour un meurtre, Dan réalise 24
Sport L’histoire révélée Série. Policière que la victime entretenait une
22 25 29
relation avec un membre de 23 25
son équipe : est-ce l’assassin ? 29 32
20
24 26 26
20.00 Formule 1 : 29
24
Grand Prix du Canada 27
22 28
Sport. La course. En direct. Sur le 24
circuit Gilles-Villeneuve,le Grand
Prix se lance enfin après les
Finale : Toulouse - La Rochelle. En Documentaire EU. 2023. Saison 20. Avec Sean journées des séances d’essais. En 25 30
direct. C’est l’heure de la grande finale Fra. 2023. Réal. : Thibaud Marchand. Murray. 2 épisodes. Inédit. Le NCIS 2022, c’est l’inévitable Néerlandais 20 27 29
du Top 14. Quel club va soulever 1h29. Inédit. A travers les récentes doit découvrir qui est derrière une Max Verstappen qui avait remporté 26 27
le fameux Bouclier de Brennus, découvertes d’archéologues, un potentielle attaque biologique dans l’épreuve. Cette année encore,
29 25
le symbole du vainqueur regard neuf sur la civilisation inca. un parking. Le père de Knight fait face le pilote de la Red Bull est le grand 26
du championnat de France ? à un souci de santé au Japon. favori ici. Quels pilotes vont pouvoir 25 32
22.20 Empreintes des White contester la suprématie de 27
22.51 Canal Rugby Club, jour de finale. Sands : sur les traces des premiers 22.50 NCIS : Hawaï. Série. Action. 26
Verstappen en 2023 au Canada ? 20
Le débrief. En direct. Américains. Documentaire. Rêve d’enfance - Amnésie Inédit. 36
21.00 Hombre 28
Film. Western. EU. 1967. Réal. : Mar-
tin Ritt. 1h46. Avec Paul Newman. T (en °c)
Les passagers d’une diligence sont
attaqués et cernés par des bandits, <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
19.10 TPMP people. Divertissement. 17.00 La petite histoire de France. 20.00 Les mystères de l’amour. qui prennent une femme en otage.
21.21 Michèle Bernier : 21.05 La petite histoire 21.10 Columbo Un blanc métissé tente de sauver
Vive demain ! de France les voyageurs.
Série. Policière. EU. 1990. Saison 9. ALGER 21/27 AMSTERDAM 12/27 ATHÈNES 20/25
Spectacle. Inédit. Dans ce nouveau Série. Humoristique. Fra. Avec Alban Avec Peter Falk. L’enterrement 20/31 16/20 14/21
21.10 Capital BARCELONE BELGRADE BERLIN
spectacle, Michèle Bernier décide Ivanov. Tout le monde connaît de madame Columbo. Après le
Magazine. Prés. : Julien Courbet. BERNE 13/28 BRUXELLES 15/28 BUDAPEST 15/25
de laisser derrière elle l’inquiétude Jeanne d’Arc, Louis XIV et Napoléon. tragique assassinat de son épouse,
et le pessimisme ambiants pour Leurs cousins en revanche ne sont le lieutenant Columbo n’a plus qu’une
2h05. Paquebots de croisière : COPENHAGUE 14/23 DUBLIN 15/21 LISBONNE 19/28
se tourner vers le futur. pas rentrés dans l’histoire. idée en tête : retrouver le meurtrier
enquête sur un business XXL LONDRES 14/24 MADRID 21/33 PRAGUE 13/22
Inédit. Les paquebots de croisière
pour que justice soit rendue. RABAT 21/25 ROME 15/30 TUNIS 19/29
23.17 Elisabeth Buffet : Obsolescence 23.00 La petite histoire de France. sont devenus au fil du temps
programmée. Spectacle. Inédit. Série. Humoristique. 23.00 90’ Enquêtes. Magazine. des endroits où le divertissement
prime : les armateurs transfor- LUNDI MARDI MERCREDI
ment ce secteur en un business
florissant. 16/23 15/24
16/22
18.55 C l’hebdo. Talk-show. 20.10 Wheeler Dealers : rêves à saisir. 20.00 Historiquement Show. Mag. 15/23 18/27 15/21 18/27 14/23 18/25
21.00 Echappées belles 21.10 100 jours avec 20.50 Enquêtes au Moyen Age 16/22 17/23
Magazine. Prés. : Jérôme Pitorin. les dépanneurs de l’autoroute Documentaire. GB. 2015. Réal. : « Audition publique », 15/25
1h30. Madagascar et ses trésors Doc. Fra. 2022. Ça sent le sapin. Jeremy Freeston. 4 épisodes. « Points de vue »,
« Le Club Le Figaro Politique », 18/25 20/28 18/24 20/27 17/25
naturels. Inédit. Jérôme Pitorin À quelques jours de Noël, les dépan- L’archéologue Tim Sutherland se 21/29
se rend dans le nord de l’île de neuses auront encore à faire face à penche sur l’histoire de la bataille de « Le Buzz TV »... Retrouvez
toute l’actualité et tous nos
Madagascar à la découverte de ses
incroyables paysages, entre plages
de nombreux accidents et à prendre
tous les risques pour sauver des vies.
Castillon grâce aux vestiges retrou-
vés dans une rivière : des épées. programmes sur Figaro Live lachainemeteo.com
de sable blanc et forêts tropicales. Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.30 100 jours avec les dépanneurs 23.50 Châteaux croisés : mégastruc- GRATUITE
22.30 Echappées belles. Magazine. de l’autoroute. Doc. Le grand saut. tures imprenables. Documentaire. La Chaîne Météo
Samedi 17 juin
2,99 /appel
€

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé SU DO KU

1 2 3 4 5 6 7 8 En partant des chiffres déjà placés, remplissez les grilles de manière à ce que chaque ligne, Chaque jour un peu plus difficile
PROBLÈME N° 6320 chaque colonne et chaque carré de 3 x 3 contienne une seule et unique fois tous les chiffres de 1 à 9.
HORIZONTALEMENT 1
1. Le papillon y a sa place. - 2. Prêt pour passer à table. GRILLE 4395 FACILE GRILLE 4396 DIFFICILE GRILLE 4397 DIABOLIQUE
2
- 3. Pas poussées à fond. - 4. Corrigeras le niveau.
- 5. Prend son repas. Morceau de haricot. - 6. Condamne 9 4 3 8 8 9 3 7
à l’inactivité. Créatures de charmes. - 7. Impose des 3 5 81 6 5 6 6 3 9
conditions. Exposition de toiles de maîtres. - 8. Sous le
joug des Talibans. - 9. Pas gênées pour un sou. - 10. Tout 4 1 7 4 6 4 5 1 8
petit détail. Lourd ballot. - 11. Il en appelle à son patron à
genoux. Voie sur berge. - 12. Passer un savon. 5 3 2 6 5 8 9 1 3 5
6
6 2 5 4 2 4 6 3 6 4 1 8
VERTICALEMENT
1. Passage à une vie de sans domicile fixe. - 2. Vedette 4 9 3 1 6 6 2 7 8 2 7
7
en tournée. Éclat de la couronne. - 3. Résistant. Pourrît.
- 4. Use le relief. Rasoir populaire. - 5. Beaucoup d’eau 8
6 4 1 3 7 1 6 3 6
au pays du porto. Accordas du crédit. Au beau milieu de 2 3 5 9 1 5 1 9 4
l’histoire. - 6. De la vieille Espagne. - 7. Jasmin ou lilas. 9
Contrôlait tous les courants. - 8. Centaure mais pas sans
1 7 2 6 9 7 4 8 8 4
reproche. Pâquerette bleue. 10
LETTRES EN PLUS LETTRES EN MOINS
SOLUTION DES MOTS MÉLANGÉS

11
Composez un mot de six lettres avec la lettre en plus. Dans chacun des mots horizontaux, rayez une lettre afin de
12 créer un mot nouveau et reportez cette lettre dans la colonne
LE MOT À TROUVER EST : AMIRAL.

Foncer à la plage
vide. Vous découvrez alors verticalement le mot mystère.
B U R I N + R =
Travaille dans les arbres O C T A N T E G L A B R E
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6319 M A C O N + E =
HORIZONTALEMENT 1. Gâteuses. - 2. Éventail. - 3. Nérée. Dé. - 4. Tyr. Siée. - 5. Iran. MRP. - 6. Lotira. C H A S S I S S E R I N E
Naviguer sur les canaux
- 7. LN. Végan. - 8. Ente. Erg. - 9. Tao. Trac. - 10. Titre. Sa. - 11. Ésaü. Fer. - 12. Séléniés. L O U C H E R L A I S S E
P R E P A + Z =
VERTICALEMENT 1. Gentillettes. - 2. Aveyronnaise. - 3. Terrât. Total. - 4. ENE. Nive. Rue. - 5. Utes. Ré. Té. M A R T Y R E B A N A N E
A

De boue ou fatigué
- 6. SA. Imager. Fi. - 7. Eider. Arasée. - 8. Sleeping-cars.
S U A V E + X = M A I L L E T P L A N E R
17_06_23_P2 7 09/05/2023 09:23
 samedi 17 - dimanche 18 juin 2023 le figaro

40
PORTRAIT à la tête du groupe chimique Solvay,
cette Franco-Marocaine a su instiller un style bien
à elle. Avec des résultats probants.

Ilham Kadri le sens

de la formule
ment de l’eau, hygiène, aéronautique), on
Anne Fulda s’attendait à ce qu’elle ne nous parle que
afulda@lefigaro.fr
des performances de son entreprise et
nous ensevelisse sous les chiffres et ratios.
Raté ! Ilham Kadri, fine mouche, sait

M
s’adapter à ses interlocuteurs. Et aime plus

Solvay
que tout évoquer son travail comme si elle
a grand-mère me tournait les pages d’un livre. « J’aime bien
le répétait sans la narration », confirme-t-elle.

«
cesse. Au Maroc,
l’avenir des filles
était limité à deux
portes. C’était soit
passer directement
de la maison de son
père à celle de son mari. Soit le cimetière !
J’ai choisi une troisième voie : l’éduca-
tion. » Ilham Kadri éclate de rire. Cet
aphorisme qu’elle répète à l’envi est
comme un mantra pour elle.
En rencontrant cette Franco-Marocai-
ne qui dirige Solvay, l’un des plus impor-
tants groupes chimiques mondiaux, après
avoir travaillé sur les quatre continents
dans divers secteurs (automobile, dessale-
Passionnée par son métier et se définis-
sant comme une « humaniste optimiste »,
cette « citoyenne du monde » est en effet la
reine du « storytelling ». Elle raconte sa
vie comme elle décrit et vulgarise les acti-
vités du groupe qu’elle préside avec une
aisance déconcertante. Ce talent de
conteuse ne date pas d’hier. Dans ses
fonctions précédentes, à la tête du groupe
américain Diversey (produits d’entretien
et de nettoyage pour les entreprises ou
grandes infrastructures), elle avait créé
une fondation pour honorer les femmes de
ménage, « héroïnes invisibles » (« quand je
suis arrivée dans la société on disait que l’on
nettoyait les toilettes et après le Covid, que
l’on sauvait des vies »). Aujourd’hui, chez
Solvay, elle qui a travaillé sur de nom-
breux projets industriels en étant toujours
intéressée par « les projets humains et les
transformations » (comme celle de Solvay
qui va se scinder en deux entités en dé-
cembre) continue sur cette voie. Elle est
ainsi fière d’avoir instauré un congé pa-
rental de 16 semaines « universel » (quels
que soient le genre et l’identité sexuelle)
ou d’avoir créé en 2020 une Fondation qui
au moment du Covid a récolté 15 millions
d’euros en 6 semaines.
Au cours de la conversation fluide et
joyeuse que l’on aura avec elle, il sera
aussi question, pêle-mêle, de sa grand-
mère et de Marie Curie – ses deux réfé-
rences majeures -, de Mishima, d’Hugo
ou de Camus mais également de yoga (le
jour où nous la rencontrons elle s’est ré-
veillée à 4 h 30 du matin pour en faire),
de méditation, de psychanalyse, du Ma-
roc, de sa passion pour les polymères et
d’Eugène Solvay, le créateur il y a 160 ans
de l’entreprise. Mais attention : derrière
ce style « easy going », derrière le sourire
et les manières décontractées, Ilham Ka-
dri - baptisée « Catalyse » avant qu’elle
ne rejoigne officiellement le groupe Sol-
vay - sait faire preuve d’une détermina-
tion de fer. Et ne laisse rien au hasard.
Conte de fées
En tout cas cette mère d’un garçon de
17 ans mariée à un ingénieur a raison de
scénariser son parcours. Il tient du conte
de fées. Et celle qui est aujourd’hui l’une
des rares femmes dirigeant un grand
groupe est l’illustration parfaite d’un as-
censeur social qui fonctionne. « Vive
l’école de la République, vive la méritocra-
tie ! », s’exclame-t-elle en rappelant en
souriant qu’à 20 ans elle avait fait « un pe-
tit stage d’été » près de Besançon, à Ta-
vaux, dans une usine de chimie du grou-
pe… Solvay. Et de relever, en riant :
« Faites attention à vos stagiaires, elles
peuvent devenir CEO ! » Avant d’y parve-
nir, la petite Ilham a été élevée à Casa-
blanca, dans un modeste appartement
sans électricité ni eau courante, par une
grand-mère analphabète qui n’a cessé de
l’encourager à travailler et à progresser
grâce aux études. Elle ne veut pas jouer les
Cendrillon mais visiblement tout n’a pas
été rose pour la petite fille dyslexique. « Je
dois beaucoup à mes profs sans qui je ne se-
rais pas là aujourd’hui. Et notamment à
mon professeur d’anglais qui m’a donné à
lire Une chambre à soi de Virginia Woolf.
Je m’en souviens. Mes copines se foutaient
de moi, en me répétant “c’est parce que tu
n’as pas une chambre à toi !” »
À 17 ans, elle survit à une typhoïde puis
ayant décroché deux bourses du mérite
(une marocaine et une française) quitte le
Maroc pour Besançon, où elle suit deux
années de prépa scientifique. C’est peu
dire que le choc du déracinement est
rude. Le froid, la lumière grise, la neige.
« Cela a été des années compliquées. Un
choc météorologique et social. On tra-
vaillait beaucoup. J’ai été une véritable bête
à concours pendant deux ans. Beaucoup de
choses m’ont manqué. » Elle tient bon.
Encore. Et positive cette expérience :
« Cela m’a appris à m’adapter ».
À partir de là, les diplômes s’ajoutent les
uns aux autres et tout s’enchaîne. Après
un master à l’université de Lyon et à celle
de Laval au Québec, elle rejoint l’École
européenne de chimie, polymères et ma-
tériaux de Strasbourg puis devient docteur
en physico-chimie macromoléculaire.
Son objectif : se spécialiser dans les do-
maines de la physique des polymères et de
la chimie. Les polymères, elle peut en par-
ler des heures : « C’est très simple. Vous
voyez votre plat de spaghettis ? Eh bien,
c’est pareil, les polymères, ce sont des spa-
ghettis qui vont dans les batteries, les
shampoings bio, les textiles, le métal, les
chaussures, dans votre vélo électrique. On y
met du beurre et ça glisse un peu plus. Nous,
on fait cette chimie des polymères. Il y en a
de toutes sortes. Vulgairement, c’est le
plastique. Sinon ce sont des batteries, l’hy-
drogène vert… On est des cuisiniers de la
chimie », résume celle qui aime bien enco-
re descendre dans « les cuisines », c’est-
à-dire les laboratoires… Ilham Kadri, en-
thousiaste et passionnée, est intarissable
pour évoquer son métier. Et a un rêve : ce-
lui de donner envie à des petites filles d’al-
ler vers des métiers scientifiques. Comme
elle le fit, elle, inspirée par Marie Curie… ■

UN dernieR mot Par étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

Mentir (man-ti-r) v. intr.

Affabuler, fût-ce de manière affable.

U
n rapport accuse Boris Johnson d’avoir menti dans l’affaire du « Partygate ».
Le mot vient du verbe latin mentiri, dérivé de mens, l’esprit.
Un dicton assure que « bon sang ne saurait mentir », mais la sagesse
populaire ne dit rien du sang chaud. Or voilà le bouillant ex-dirigeant britannique
convaincu d’avoir menti ; apanage, dit-on, des arracheurs de dents.
Johnson n’a jamais manqué de souffle, et la respiration est une circonstance
aggravante en matière de mensonge. Le voici, en dépit de ses dénégations
et autres coups de menton, convaincu d’avoir brodé.
La toile qu’il tissait depuis des années, pour son ascension politique,
comprenait donc des mensonges en grande quantité.
Évidemment, selon lui, ces accommodements avec la réalité, pour être avérés,
n’en étaient pas moins pieux. Pour ses contradicteurs, ce sont de piètres explications.
Pratiquer le mensonge est un mal contagieux. Ceux de « BoJo » font mentir
les Britanniques qui le croyaient insubmersible. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

« Politique internationale » fête ses 45 ans !
Pour célébrer son 45e printemps, la revue
de Patrick Wajsman (notre photo) va publier un dossier
spécial, en français et en anglais, sur le thème :
Lionel Préau/Riva Press/le figaro

« France-USA : une unité de destin ». Un numéro

de prestige qui comptera notamment des articles
signés de Bernard Arnault, sur le succès de LVMH
outre-Atlantique ; Corinne Mentzelopoulos,
qui racontera les aventures du Château Margaux
en Amérique ; Laurent Cohen-Tanugi, qui vient
d’écrire un livre passionnant sur la querelle
transatlantique de l’extraterritorialité ; Philippe
Labro, dont on connaît l’amour pour les États-Unis,
ou encore Pascal Bruckner, qui décrit ce pays
que les Français adorent détester. On y trouvera
aussi des contributions de Jim Mattis, l’ancien secrétaire
à la Défense américain, de la spationaute américaine Megan McArthur
A

et du spationaute français Jean-Loup Chrétien… Une très belle livraison.